
 SÉNAT – SÉANCE DU 18 JUIN 2008 2911
Évidemment, leur satisfaction passe pour beaucoup par 
le développement de services publics adéquats, accessibles 
à tous, à l’inverse d’une politique de remise en cause des 
missions et des emplois publics ; elle passe aussi par une 
responsabilité sociale des entreprises, et non par une gestion 
fondée sur la seule rentabilité fi nancière.
Madame le garde des sceaux, lors du débat à l’Assemblée 
nationale, vous avez insisté sur l’idée que, par défi nition, 
les droits fondamentaux sont opposables et qu’il n’y a donc 
pas lieu d’inscrire leur opposabilité dans la Constitution. 
L’exemple du droit au logement, dont vous avez concédé 
l’opposabilité, montre à l’évidence que tel n’est pas le cas. 
On peut le constater tous les jours !
Je le rappelle, la jurisprudence du Conseil constitutionnel 
a ôté toute valeur juridique contraignante aux droits écono-
miques et sociaux proclamés par le préambule de 1946. Ils 
sont de simples « objectifs à valeur constitutionnelle ». Il est 
donc important que la Constitution leur reconnaisse cette 
valeur juridique contraignante qui leur fait défaut. Le droit 
au logement le montre bien.
Vous avez également souligné qu’un comité présidé par 
Mme Veil – nous l’avons également lu dans la presse – était 
chargé d’étudier le contenu des droits fondamentaux et la 
possibilité d’inscrire de nouveaux principes dans le préam-
bule. Mais les droits fondamentaux sont d’autant moins 
séparables des pouvoirs institutionnels que la Constitution 
est le texte fondateur du vivre ensemble. Dès lors, pourquoi 
y réfl échir de manière parallèle ? D’ailleurs, de notre point 
de vue, la Constitution devrait même être fondée sur les 
droits.
De plus, la seule inscription des droits fondamentaux ne 
garantit pas, on le sait bien, leur eff ectivité. C’est pourquoi 
nous souhaitons que cette eff ectivité soit inscrite dans le 
corps même de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques  Hyest,  président de la commission des 
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, 
du règlement et d’administration générale, rapporteur. La 
Constitution de 1958 et le préambule de la Constitution 
de 1946, qui renvoie d’ailleurs à la Déclaration des droits 
de l’homme et du citoyen de 1789, affi  rment de nombreux 
droits. Ceux-ci sont, me semble-t-il, mieux garantis dans 
notre pays que dans beaucoup d’autres, même si, dans le 
domaine des droits comme dans celui de la démocratie, il 
ne faut jamais relâcher ses eff orts.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement !
M. Jean-Jacques  Hyest, rapporteur. L’article 34 de la 
Constitution dispose que la loi fi xe les règles concernant les 
garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exer-
cice des libertés publiques et qu’elle détermine les principes 
fondamentaux de l’enseignement, du droit du travail, du 
droit syndical et de la sécurité sociale.
Il a semblé à la commission que les modalités d’appli-
cation de ces droits relèvent de la loi et que l’on ne peut 
inscrire dans la Constitution un tel principe d’opposabilité 
des droits. Le préambule de la Constitution de 1946 et la 
Déclaration de 1789 énoncent d’ailleurs des droits que le 
Conseil constitutionnel et les juridictions peuvent ainsi 
faire respecter.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. 
Par cet amendement, madame Borvo Cohen-Seat, vous 
souhaitez inscrire dans la Constitution la notion de droits 
opposables.
Le Gouvernement considère que cette insertion n’est pas 
utile, puisque les droits fondamentaux sont, par défi nition, 
opposables à tous, notamment aux pouvoirs publics. Il n’est 
donc pas nécessaire de le redire ou de le confi rmer.
Comme je l’ai eff ectivement évoqué à l’Assemblée natio-
nale, le Président de la République a confi é à Mme Veil la 
présidence du comité de réfl exion sur le préambule de la 
Constitution. La lettre de mission précise que ce comité 
est chargé d’étudier si et dans quelle mesure les droits 
fondamentaux reconnus par la Constitution doivent être 
complétés par des principes nouveaux tels que, par exemple, 
la reconnaissance du principe de dignité de la personne 
humaine ou le respect de la protection des données person-
nelles.
D’ici à la fi n de l’année, le comité formulera des propo-
sitions qui permettront d’identifi er les principes dont la 
réaffi  rmation peut être nécessaire ou ceux qui ont besoin 
d’être consacrés.
Dans ces conditions, le Gouvernement vous invite à bien 
vouloir retirer votre amendement. À défaut, il émettra un 
avis défavorable.
M. le  président.  La parole est à Mme Nicole Borvo 
Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole  Borvo  Cohen-Seat. J’ai entendu votre 
réponse, madame la ministre. Nous verrons bien ce qui 
ressortira des travaux du comité Veil.
En attendant, quitte à réviser la Constitution, je pense 
qu’il aurait mieux valu le faire en une seule fois. Il aurait 
en eff et été préférable que nous examinions une éventuelle 
modifi cation du préambule en même temps que ce projet 
de loi.
Par ailleurs, j’ai du mal à comprendre que le 
Gouvernement ait inscrit dans la loi le droit opposable au 
logement, puisque, selon vous, les droits fondamentaux 
sont, par défi nition, opposables. En fait, je comprends très 
bien et je ne peux raccorder votre réponse qu’à ce que j’ai 
dit, à savoir que le Conseil constitutionnel a fait en quelque 
sorte des droits économiques et sociaux des sous-droits 
fondamentaux.
On voit donc bien que l’opposabilité des droits écono-
miques et sociaux n’existe pas en réalité. Elle a été inscrite 
dans une loi sur le logement et on constate aujourd’hui que 
l’État n’est pas capable de la mettre en œuvre. Cet état de 
fait légitime donc totalement notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 159.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identi-
ques.
L’amendement no 160 est présenté par Mmes Borvo 
Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du 
groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement no 354 est présenté par Mmes  Boumediene-
  iery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L’amendement no 419 est présenté par MM. Frimat, Bel, 
C. Gautier, Gillot, S. Larcher, Lise, Mauroy, Peyronnet, 
Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.