SÉNAT – SÉANCE DU 3 OCTOBRE 2007 3547
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IMMIGRATION, INTÉGRATION ET ASILE
Suite de la discussion
d’un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la
discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale
après déclaration d’urgence, relatif à la maîtrise de l’immi-
gration, à l’intégration et à l’asile (nos 461, 470).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus
aux amendements présentés à l’article 1er.
Par ailleurs, je rappelle au Sénat que l’article 4 ainsi que
l’amendement no 94 tendant à insérer un article additionnel
après l’article 4 seront examinés en priorité après l’arti-
cle 1er.
Article 1er (suite)
Après l’article L. 411-7 du code de l’entrée et du séjour des
étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 411-8
ainsi rédigé :
« Art. L. 411-8. – Pour lui permettre de préparer son
intégration républicaine dans la société française, le ressor-
tissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de
soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est
sollicité bénéfi cie, dans son pays de résidence, d’une évalua-
tion de son degré de connaissance de la langue et des valeurs
de la République. Si cette évaluation en établit le besoin,
l’autorité administrative organise à l’intention de l’étranger,
dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne
peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l’objet
d’une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue
et des valeurs de la République. Le bénéfi ce du regroupe-
ment familial est subordonné à la production d’une attesta-
tion de suivi de cette formation qui doit être délivrée dans
le mois suivant la fi n de ladite formation, dans des condi-
tions fi xées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise
notamment le délai maximum dans lequel les résultats de
l’évaluation doivent être communiqués, le délai maximum
dans lequel l’évaluation et la formation doivent être propo-
sées, le nombre d’heures minimum que cette dernière doit
compter, les motifs légitimes pour lesquels l’étranger peut
en être dispensé ainsi que les modalités selon lesquelles une
commission désignée par le ministre chargé de l’immigration
conçoit le contenu de l’évaluation portant sur la connais-
sance des valeurs de la République. »
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant
l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement no 79 est présenté par Mme Assassi, Borvo
Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen.
L’amendement no 125 est présenté par Mme M. André,
MM. Mermaz, Collombat, Badinter, Dreyfus-Schmidt,
Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-
Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga et Khiari,
M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe socia-
liste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter
l’amendement no 79.
Mme Éliane Assassi. L’article 1er du présent projet de loi
prévoit de soumettre les personnes sollicitant un regroupe-
ment familial à une évaluation, afi n de mieux cerner leur
degré de connaissance de la langue française et des valeurs
de la République.
En cas de besoin, une formation serait organisée dans le
pays de résidence, au terme de laquelle une nouvelle évalua-
tion serait effectuée. Le suivi de cette formation condition-
nerait la délivrance d’un visa.
Comment le Gouvernement justifi e-t-il cette nouvelle
exigence ? Par le souci d’éviter le communautarisme et
de permettre aux intéressés de préparer leur intégration
républicaine dans la société française.
Or le chemin que doivent parcourir les étrangers deman-
dant un regroupement familial est déjà très long. Cumulée
avec des conditions de ressources revues à la hausse, l’ins-
tauration d’un contrat d’accueil et d’intégration pour
les familles et la mise en place de tests ADN, si ceux-ci
sont approuvés par le Parlement, cette nouvelle exigence
restreint de fait l’accès au territoire français pour les candi-
dats au regroupement familial. Elle ajoute donc une étape,
une condition et des intervenants supplémentaires dans une
procédure qui me semble déjà un peu trop longue.
Alors que les administrations chargées de cette procé-
dure se trouvent déjà dans l’incapacité de traiter les dossiers
dans des délais raisonnables, l’organisation des sessions de
formation prendra encore du temps, et les familles reste-
ront séparées plus longtemps. Il s’agit là d’une atteinte au
droit de vivre en famille, qui constitue pourtant une règle
inaliénable, protégée par des textes ratifi és par la France,
comme la Convention européenne des droits de l’homme
et la Convention internationale de 1989 relative aux droits
de l’enfant.
C’est tout de même un comble d’autoriser un étranger
à venir chez nous pour travailler tout en lui interdisant de
faire venir éventuellement sa femme et ses enfants ! Quel
pays ose faire une chose pareille ?
Monsieur le ministre, est-ce ainsi que vous concevez
l’intégration républicaine ? En restreignant de cette façon
le droit au regroupement familial, ne craignez-vous pas, au
contraire, de contribuer à développer un sentiment de haine
– j’ose le dire – envers notre pays ?
Selon vous, durcir de la sorte l’accès au droit de vivre en
famille pour un être humain en situation régulière générera-
t-il un sentiment d’adhésion au pays prétendument
d’accueil, ou plutôt un sentiment de rejet ?
Cette mesure pose bien d’autres questions encore, notam-
ment celles-ci : où, quand, comment et par qui s’effectuera
l’évaluation du degré de connaissance et, en cas de néces-
sité, la formation ? Qui prendra en charge cette dernière ?
Ne pensez-vous pas que cette disposition risque de créer
une discrimination entre les étrangers francophones et non
francophones ?
Vous voulez ainsi demander à des étrangers de connaître
nos valeurs républicaines alors même que votre politique
tourne le dos aux principes les plus sacrés, les mieux ancrés
dans notre République : la liberté, l’égalité, la fraternité, la
solidarité, la coopération et le respect du vivre ensemble !
Voilà autant de questions auxquelles votre texte n’apporte
aucune réponse.