experience de la voie le zen copyright

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Expérience
de la
Voie
Le
ZEN
par HöKö
Stéphane Lorenzi
Avertissement
&
Avant propos :
Cet ouvrage a pour but de présenter et expliquer une expérience spirituelle individuelle
et ne peut donc être prit comme l'énoncé d'une vérité acquise et absolue. Bien que
l'affirmation et l'affinité au Bouddhisme ZEN soient omniprésentes, mon expérience et le
contenu de ce livre ne sont pas certifiés par une école ou lignée reconnue. Le lecteur est
donc invité à faire preuve de discernement en utilisant mes propos comme un simple
guide et non comme un texte religieux vérifié et accepté par quelque courant spirituel ou
philosophique que ce soit.
Je ferais donc ici la description de ce qu'est le ZEN selon ma pratique et mon expérience
personnelle sous forme affirmative avec l'unique espoir que cela puisse aider ne serait-ce
qu'une seule personne qui en éprouverait le besoin et trouverait dans ces pages un soutien,
un réconfort ou même la libération; telle est la simple vocation de cet ouvrage.
N'ayant pas de motivation littéraire, la rédaction de ce volume est voulue simple, et de
nombreuses répétitions tant par les mots que le contenu pourront se succéder dans un
objectif de clarté du sujet exposé.
"Je précise que si j'emploie régulièrement la première personne au singulier, il ne faut y
voir de forme égotique, cela simplement par commodité de langage !"
Le nom de " HöKö " est celui qui m’a été attribué au cours de mon ordination de Bodhisattva dans
l’école bouddhiste ZEN Soto au temple de la Gendronnière (France) le 2 mai 2004 par Evelyn de
Smedt (Disciple de Maître Taisen Deshimaru). Cette ordination correspond simplement à la prise de
refuge dans la Voie et est accordée même aux débutants.
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Structure &
Fonctionnement
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9.
- Généralités
- Bouddha
- Dharma
- Karma
- Renaissance
- Nirvana
- Pratique
"Expérience de la Voie"
- Notions supplémentaires
La pseudo doctrine résultante de mon expérience spirituelle détaillée dans ce livre sera
explorée par le descriptif des thèmes ci-dessus. Ces descriptions sont personnelles et ne
correspondent pas forcément à celles que vous trouveriez dans d’autres ouvrages de
référence sur le ZEN ou dans les dictionnaires.
Les rares mots Pali ou Sanscrit que vous pourrez trouver régulièrement au cours des
pages seront expliqués, toujours selon moi, dès leur première rencontre, entre parenthèses.
Le mot "égo" sera fréquemment utilisé mais n'y voyez rien de péjoratif comme égoïsme
ou égocentrisme mais comme simple notion d'entité séparée, individuelle ou personnelle.
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1.
Généralités
La spiritualité est commune à tous les courants religieux du monde au delà des dogmes
et doctrines diverses que chacun avec le temps, la culture, la situation et l’interprétation
établi comme la voie de pratique à suivre. Si toutes ces règles et doctrines qu’elles soient
mono ou polythéistes sont des chemins de pratique, des guides pour réaliser Dieu ou
l‘éveil, il n’est pas saint de s’y attacher comme à des lois incontournables car l’important
n’est pas le guide mais l’objectif. Le spirituel est plus fondamental que le religieux !
Ainsi, aucune religion n’est meilleure qu’une autre car elles tendent toutes vers le
même absolu et leurs enseignements respectifs sont comme le doigt qui montre la lune et
nous devront donc nous détacher du doigt pour atteindre celle-ci.
Si les courants religieux se distinguent entre eux, c’est par le fait qu’ils se sont fait sur
le temps dans des contextes divers selon l’interprétation des hommes mais chaque
fondateur tentait de montrer une seule et même réalité à ses auditeurs. Il est donc
raisonnable pour bien comprendre d’être ouvert à tous les courants d’idées car ils se
complètent. Je n’ai jamais aussi bien compris Jésus Christ que depuis que j’ai commencé à
étudier le bouddhisme ! L’entrée dans la Voie demande donc beaucoup d’ouverture mais
également du discernement car une interprétation peut toujours être erronée. Un excellent
moyen de voir régulièrement si notre pratique va dans le bon sens est de confronter nos
convictions avec d’autres modes de pensée et avec la science car si il y a contradiction,
c’est que nous empreintons un mauvais chemin. Tout de la science, du Bouddhisme et
autres affirme une même réalité avec des outils différents et donc, rester en accord avec
les découvertes scientifiques quand on marche dans une voie spirituelle est le juste moyen
pour marcher droit. Être à la fois cartésien et spirituel n'est pas incompatible !
Certaines religions ont tout de même peut être des avantages sur d’autres par de simples
faits historiques comme par exemple celui où Jésus Christ enseigna durant trois ans à des
gens peu intéressés qui l’ont même crucifié alors que Sakyamuni (le Bouddha historique)
enseigna durant plus de quarante ans à des gens très captivés. Cela donne donc dès
l’origine des enseignements plus ou moins complets et détaillés mais le fond essentiel
reste toujours le même. Que l'on parle d'éveil ou de Dieu sous tous ses noms, les sages ont
toujours souhaité partager une même expérience avec leurs proches en leurs indiquant une
méthode de réalisation par des pratiques plus ou moins personnelles. Si nous vivons tous
le même monde, comment pourrait il y avoir plusieurs vérités ou réalités ?
La spiritualité ne doit pas aller contre le matérialisme et le savoir technique mais les
imprégner, ce ne doit pas forcément être un mode de vie mais plutôt un état d'esprit. Nous
verrons que c'est une aspiration et une attitude de tous les jours au sein même de la vie
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matérielle et que le divin se confond dans le profane. Si l'intelligence est au service de
l'évolution, la sagesse doit être au service de l'intelligence ! La vie spirituelle ne doit pas
nous placer en marge du monde mais nous en offrir une vue plus profonde afin d'éviter au
mieux les erreurs. Les problèmes actuels de l'homme ne viennent pas de son manque de
talent et de géni mais d'une sagesse insuffisante à gérer le fruit de ceux-ci. La spiritualité
ne doit donc pas être l'approche d'une espèce humaine marginale mais de toutes et tous. Il
ne faut pas la voir comme quelque chose de mystique et ésotérique mais comme une
faculté commune qu'il est bon de savoir entretenir comme une simple attitude d'esprit
pendant la vie quotidienne.
Il n'est pas nécessaire d'adhérer à une école religieuse particulière pour être spirituel
mais l'étude des enseignements est toute fois un plus à partir duquel il est possible d'avoir
une pratique libre. Cependant, il est vivement recommandé après avoir trouvé une affinité
avec une école, de la suivre dans un premier temps afin d'être guidé et encadré pour ne pas
dériver sans même s'en rendre compte. Ainsi j'ai naturellement étudié le Christianisme par
culture au début puis ai découvert le Bouddhisme dont j'ai étudié toutes les grandes écoles
par survole avant d'aller plus spécifiquement vers le ZEN (école chinoise et japonaise)
dont je me sent en grande affinité même si quelques uns de mes conseils s'en distinguent.
Pour reprendre rapidement, n'oubliez pas de faire preuve à la fois d'ouverture en
étudiant tous les courants sans jugement et sans vous sectariser ainsi que de discernement
pour synthétiser l'essentiel sans attachement aux enseignements mais en visant la source
commune. Approchez vous ensuite d'une école reconnue avec laquelle vous vous sentez
en harmonie pour être guidé et encadré par des gens plus expérimentés mais ne prenez
jamais une doctrine pour une vérité acquise mais plutôt comme un simple outil ! Dans
l'absolu il n'est pas nécessaire de "suivre" pour arriver, des gens se sont pleinement
éveillés de façon autodidacte. Ne jamais s'attacher à la forme mais viser l'essence !
Généralités sur le Bouddhisme
Le Bouddhisme est né dans le nort de l'inde il y a 2500 ans grâce à un pratiquant de
l'Indouisme d'époque, "Sakyamuni Gautama". Il quitta sa famille comme cela se faisait
souvent pour s'adonner à une vie pleinement spirituelle afin de trouver les réponses aux
grandes questions: la naissance, la maladie, la souffrance, la vieillesse et la mort. Après
avoir suivi plusieurs Gurus (Maîtres spirituels) et ne trouvant pas de pratique le menant à
la solution, il continua à chercher seul par une voie d'ascèse et de renoncement total.
Sakyamuni était né d'une famille plutôt aisée d'après les écritures et connaissant donc
maintenant tant l'opulence que l'ascèse, il comprit que la voie n'était pas dans ces extrêmes
et choisi ainsi celle dite du milieu en se contentant du nécessaire sans jouissances
superflues. C'est au cours d'une longue méditation, assis sous un arbre comme à son
habitude, qu'il saisi enfin l'ultime réalité et y puisa réponses à ses questions. En accédant à
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cette connaissance ultime de la réalité profonde du monde il devint Bouddha (éveillé). La
grande libération et sérénité qu'il vécu ne pu que le pousser à partager cette expérience
avec les autres; il commença donc à enseigner autour de lui son éveil et le moyen d'y
parvenir.
Sa doctrine transmise oralement durant plusieurs siècles traversa toute l'Asie sous le
couvert des religions déjà présentes et de grandes écoles ont émergées se distinguant par
l'empreinte des cultures locales et des compléments apportés par d'autres éveillés
ultérieurs car on dit de Sakyamuni qu'il est le Bouddha historique mais il y en a eu nombre
d'autres avant, pendant et après.
Le Bouddhisme est aujourd'hui constitué de trois grands courants principaux en Asie
mais de plus en plus aussi en occident grâce à la migration des réfugiés victimes des
différents conflits et invasions locales.
Le Theravada:
École des anciens, ceux qui suivent la doctrine originelle des premiers écrits
-Asie du sud-est-
Le Mahayana:
Avec la particularité de la notion du "Bodhisattva" (être d'éveil qui par compassion
souhaite bien avant sa propre libération guider tous les êtres vers celle-ci)
-Chine-Japon-Corrée-Vietnam-
Le Vajrayana:
Empreint de tantrisme
-Tibet-HymalayaLe ZEN est donc au Japon ce qu'est le Chan en Chine, un Bouddhisme Mahayana ayant
rencontré le Taoïsme.
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2.
Bouddha
Le mot "Bouddha" est un adjectif qui se traduit par "éveillé", "éclairé", celui qui a
atteint la connaissance; non pas le savoir intellectuel mais la connaissance par
compréhension directe et intuitive de la réalité ultime de ce qui est. Le Bouddha s'éveille à
sa propre nature profonde et fondamentale, celle du monde, car à ce stade il ne fait plus
qu'un, l'unité absolue au-delà de toute dualité et séparation. Si on dit d'un éveillé qu'il est
un Bouddha, on devrait plutôt dire qu'il est "le" Bouddha, celui qui est en tout et en
chacun de nous.
Un éveillé n'a rien découvert, il n'a rien acquis de supplémentaire, il est simplement
revenu à ce qu'il a toujours été sans jusque là en avoir conscience. Par une introspection
non intellectuelle mais intuitive il découvre ce qui est déjà présent mais caché par des
illusions générées par les concepts et jugements dualistes de l'égo, conscience d'un soi
séparé et séparateur. Il ne sagi donc pas pour atteindre la sagesse de trouver quelque chose
mais bel et bien de perdre ce qui est de trop, des illusions installées depuis toujours et
nourries par l'égo au quotidien dans les relations dualistes que l'individu entretien avec
son environnement. Tous les maux sont enracinés dans cette habitude à se voir comme
une entité distincte et autonome confrontée au reste du monde, et ce fonctionnement
s'alimente par culture de générations en générations. Le Bouddha a donc dissipé la force
de toutes ses illusions pour trouver au-delà de celles-ci la source primordiale de ce qui est
et d'où tout prend forme.
Un Bouddha parfaitement réalisé n'a plus de questions quand à la nature du monde, de
l'existence, il a par une vision profonde et directe mis à jour la vérité cachée derrière les
idées, les concepts, jugements, discriminations et interprétations mentales. Il s'est donc
délesté et n'a rien trouvé mais a simplement reconnu une réalité déjà présente; il n'a rien
découvert mais s'est éveillé à une chose déjà acquise. On ne symbolise pas la Voie par un
parcourt ayant un début, un cheminement, une progression et une fin mais par "Ici et
maintenant". Son dessin graphique est un cercle avec un point au centre et non une droite
ou un segment. Un pratiquant de deux jours peut donc pleinement s'éveiller alors qu'un
autre de vingt ans ne l'a peut être pas encore fait ! Nul besoin d'accumuler du savoir et de
l'expérience en quelque discipline pour réussir ou pour être plus méritant mais il faut une
grande détermination car aller au-delà de son égo, de sa petite personne, est un effort
demandant grande aspiration et conviction. La juste pratique peut ici et maintenant
éveiller un novice alors qu'une belle érudition peut nourrir l'orgueil. Nous verrons plus
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loin comme la pratique est à la fois d'une immense simplicité puisqu'il sagi juste d'oublier
le superflu et que cela peut être du même coup d'une grande difficulté. Le Bouddha est
donc simplement un homme revenu à sa réalité nue et il n'a rien de surhumain, il n'est pas
un dieu et rien ne le différencie de ses contemporains ou de ce qu'il était avant l'éveil,
mais, rien ni personne ne le dépasse dans sa sagesse car il est allé au-delà des besoins
même des dieux, des rois et puissants du monde. Il est dans le détachement, la liberté, la
sérénité, la connaissance et la pleine conscience. Ultimement, quand il a atteint cet absolu,
il en oubli même son éveil !
Un Bouddha n'est donc pas forcément un être issu du Bouddhisme, tous les êtres sans
ecception ont en eux la nature d'éveil.
Partant du principe de l'"Unité" tout est Bouddha, icompri celui qui croie ne pas être
encore éveillé. Mon chat n'est pas conscient de son état de Bouddha, sa peur est immense
devant le chien et sa convoitise devant la sourie. Cependant quand je regarde mon chat je
vois le Bouddha. L'homme est peut être la seule forme à pouvoir être consciente de sa
Boddhéité mais il ne faut pas le voir supérieur pour autant car dans l'unité, le bouddha est
la conscience éveillée de tous et non d'un seul individu. Je ne suis rien d'autre que la
conscience éveillée de mon chat, du chien et de la sourie ! L'arbre n'a point besoin de
s'éveiller car le sage assis dessous l'est déjà en son nom. Ainsi, dans l'unité, la compassion
du Bouddha n'est pas dirigée vers les êtres mais vers lui-même. Ce n'est pas qu'il
s'identifie "à tout" mais "au tout" ou encore, qu'il ne s'identifie plus.
-Le profane est celui qui s'identifie à la conception qu'il a d'un "lui-même" parmi un
reste du monde.
-Le Bouddha "est", tout simplement. Il est, sans être quelque chose ou quelque un en
particulier.
Il est possible que vous rencontriez des Bouddhas sans le savoir car rien ne les
distingue si ce n'est une maîtrise et une justesse dans leurs dires et actions au quotidien
mais il ne faut pas les voire comme des saints au sens chrétien car ils peuvent eux aussi se
laisser aller à leurs illusions et laisser paraître un certain égo de temps à autres. La grande
différence réside dans le fait qu'ils se voient comme spectateurs d'eux même et conservent
ainsi une certaine maîtrise et un détachement sans s'identifier et se laisser emporter par
leurs sentiments et émotions. Bien qu'on ne comprenne pas toujours le comportement du
sage, il garde pour vocation de susciter des réactions inspiratrices d'éveil chez ses
interlocuteurs.
Le Bouddha se décrit lui-même en disant simplement "Je suis celui qui est !". Il est,
simplement, sans chercher à être quelque chose; dénué d'ambition d'existence précise et
personnelle, de pouvoir et de possession; il est ce qui est, l'existence, l'univers, Dieu. De
là il continu sa vie d'homme parmi les hommes avec une pratique constante car comme
nous le comprenons, il ne s'agi pas de pratiquer pour s'éveiller mais de pratiquer l'éveil à
chaque instant car il n'est jamais acquis et doit donc s'entretenir. L'homme qui entrevoit
l'ultime réalité et s'éveille pleinement à celle-ci n'est pas au terme de ses efforts car cette
prise de conscience peut s'évanouir comme elle est venue si il y a le moindre relâchement.
Pratiquer en vue de l'obtention ultérieure de l'éveil est encore une ambition orgueilleuse
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de l'égo mais quand cela est atteint, le Bouddha comprend qu'il pratique alors l'éveil à
chaque instant dans une totale humilité et que ce n'est pas son éveil mais celui du monde.
Se détacher du soi personnel pour se fondre dans l'unité est au début un effort soutenu
demandant une forte concentration et une volonté à toute épreuve pour ne pas se laisser
aller dans les habitudes mentales et dualistes, mais avec le temps cette pratique devient de
plus en plus spontanée et légère. Tout se fait dans le détachement mais il ne faut pas
comprendre par là qu'il faille fuir les choses du monde et le désir pour être libre, l'objectif
étant de se défaire de l'attachement qu'on a à ces choses et à ses désirs ! Un Bouddha aussi
peut jouir de la vie et satisfaire pleinement ses désirs mais toujours comme spectateur de
lui-même, il ne s'identifie plus au jouisseur et n'est plus enchaîné par ses propres désirs, il
est détaché de ce qui l'anime et s'en voit donc devenu plus raisonnable et responsable.
L'être ordinaire se débat constamment pour satisfaire ses besoins et désirs car l'égo est
confronté au manque, à la crainte et à l'ambition mais le sage, bien qu'homme avec les
mêmes besoins, ne connaît plus le stress du manque, la peur de perdre et les frustrations
car il est en sérénité, au-delà de lui-même, de sa personne, et constate de ses propres
frustrations comme vous le feriez de celles d'un voisin.
Maître Dogen dit qu'"étudier la Voie c'est s'étudier soi-même et que s'étudier soi-même
c'est s'oublier soi-même !". Demeurer au-delà de l'égo, d'un soi dualiste séparé et
séparateur; être dans une totale unité où tous les phénomènes ne sont qu'un, l'absolu; telle
est la voie du Bouddha.
Le Bouddha est l'humble disparu qui côtoie la terre, le ciel et la mer; hier, aujourd'hui et
demain ! Il n'est pas une entité mais l'absolue conscience qui se voit elle-même comme un
miroir, ne distinguant plus le sujet du reflet. Il voit au-delà des apparences la nature
fondamentale qui anime tous les phénomènes. Il ne connaît plus la division et perçoit
clairement l'unique source primordiale de ce qui est. Il constate de la vacuité des choses,
l'interdépendance, l'impermanence et la causalité :
-Interdépendance:
Tous les phénomènes, les choses, les objets et les êtres sont liés, inters liés par une loi
de causes à effets combinées et successives où rien n'est autonome et indépendant. La
transformation, le mouvement, l'évolution et donc l'existence sont le fruit de l'interrelation
de multiples causes à effets consécutives qui font naître, animer et disparaître tous les
phénomènes dépendants les uns des autres. Vous naissez de l'amour de vos parents, vous
vivez en mangeant et en respirant, vous mourrez par l'agression des oxydants, bactéries et
autres virus, de l'usure du corps. Toute situation, avec les diverses choses qui la
constituent dans l'instant, est le résultat d'une suite de causes multiples et combinées qui
par interaction engendrent celle-ci dans son état actuel. Le fragile équilibre de
l'écosystème montre bien la complexité de l'interrelation flagrante entre tous ses
composants. Rien n'existe par lui-même indépendamment de son environnement qui le
façonne. On peut percevoir dans cette loi de causes à effets l'unité qui l'étaye.
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-Impermanence:
C'est par la relation de multiples causes entremêlées que les choses, les êtres et tous
phénomènes apparaissent, demeurent et disparaissent. Rien ne dure toujours et tout fini
par périr, laissant place à de nouveaux phénomènes. Ainsi, dans une forêt, quand un arbre
meurt, un autre pousse mais la forêt reste la forêt ! Avoir peur de la mort et donc de sa
propre disparition, c'est comme s'identifier à l'arbre contrairement au Bouddha qui lui
s'identifie à la forêt. Constater l'impermanence, c'est la vision dualiste du monde qui
donne vie aux concepts tels que la naissance et la mort mais l'unité vécue par l'éveillé
s'absout totalement de ces idées. La vie d'une forêt n'est plausible que par le
renouvellement de sa végétation et il est donc erroné de s'affliger devant la mort d'un
arbre mais plutôt raisonnable de s'émerveiller devant la vitalité de la forêt.
L'impermanence est la source même de l'existence qui se traduit par le renouvellement,
la transformation et donc le mouvement, la vie. Si tout était permanent, tout serait figé,
sans mouvement (ni apparition ni disparition); ce ne serait rien d'autre que le néant.
Maître Thich Nhat Hanh (zen vietnamien, ordre de l'inter-être) décrit la continuité au
sein même de l'impermanence par le fait que le nuage ne meurt pas, il ne devient pas rien,
il devient pluie, neige, glace et qu'il en est de même pour tout, que ce soit un nuage ou un
être humain; rien ne disparaît, tout est en perpétuelle transformation. Les formes sont
changeantes mais le fond est constant.
-Vacuité:
C'est parce que rien n'a d'existence propre, individuelle et indépendante et que tout est
sujet à l'apparition comme à la disparition que l'on parle de la vacuité des phénomènes.
Chaque chose est vide de nature propre tout comme le nuage, la pluie, la neige et la glace
sont d'une même nature commune. Avant la naissance de l'arbre, la feuille n'existait pas, et
une fois tombée au sol et désagrégée, elle n'existe plus; elle n'est que la forme changeante
d'un moment dans l'état de l'arbre. Tout ce qui est perçu par nos sens est une multitude de
formes changeantes et dénuées de soi propre.
Toute la réalité, bien que conséquence du passé par la loi de causalité, ne se traduit que
par et dans l'instant présent. On ne peut dire ultimement qu'il y a passé, présent et futur
mais seulement l'instant, ici et maintenant. Ce dernier inclus son passé et son futur, il est
illimité, hors du temps et perpétuellement mouvant. C'est dans ce mouvement intemporel
de l'instant que l'on peut percevoir la vacuité de la forme sans cesse variable.
Le Bouddha est celui qui voit au-delà des apparences et des dualités la nature
fondamentale de l'existence sans l'entacher de jugements, idées ou concepts mentaux dans
une clairvoyance intuitive de ce qui est, tel qu'il est.
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3.
Dharma
Traduisez "Dharma" par : Voie du Bouddha.
On entend donc par là sa doctrine ayant pour objectif de guider les êtres vers la
réalisation de l'éveil ainsi que la Vérité, la loi, la réalité mise à jour par l'éveil d'un
Bouddha.
Le Dharma est donc la réalité ultime et véritable à laquelle le sage s'éveille en réalisant
la nature fondamentale de ce qui est; au-delà de ses propres mouvements mentaux et
illusions de l'égo. C'est la loi absolue des choses et du monde que tous les sages de toutes
les traditions et de tous les temps ont vu. Le Dharma n'est donc pas l'exclusivité du
Bouddhisme mais l'unique vérité de tous, de l'univers, de l'existence; c'est Dieu. Il faut
aller au-delà des mots et des interprétations et comprendre que le tout, l'univers, est régi
par une seule et unique loi qui est la sienne, et que, quand tout est revenu à celle-ci avant
même l'avènement d'une pensée à son sujet, on peut alors parler d'une vérité, la seule qui
soit incontournable et acceptable comme unique et commune à tous ! Cet absolu qui est la
racine fondamentale de toute l'existence, porte tous les noms donnés par l'homme mais se
trouve bien loin des mots, des idées et des croyances. Ainsi, quand un sage voit Dieu, qu'il
voit le Dharma, la réalité franche et nue, il n'est pas dans la pensée, son mental n'agit pas
et ce n'est que par intuition directe qu'il le ressent sans même pouvoir ni le décrire ni
l'exposer. Ce Dharma des Bouddhas est enseigné selon le contexte et l'auditoire par ces
derniers sous forme de paraboles, de Koans (petites énigmes paradoxales impossibles à
résoudre mentalement et devant susciter une intégration directe et intuitive) et de sermons
afin de guider au mieux les intéressés vers l'accomplissement par eux-mêmes de l'éveil.
Jamais un sage ne vous transmettra la sagesse; il ne peut que vous y inviter par des outils
adéquates mais c'est à vous de faire l'effort et vous ne pouvez réussir que seul, même si
vous constatez après coup que cet éveil n'est pas le vôtre personnellement mais celui du
monde.
On évoque souvent dans les traditions bouddhiques les trois joyaux que sont le
Bouddha, le Dharma et la Sangha (communauté des êtres qui suivent le Dharma, les
pratiquants). Ils sont comme la Sainte Trinité Chrétienne, inséparables, car ils ne font
qu'un. Le Bouddha est celui qui s'éveil au Dharma et que l'on voit en chacun des
pratiquants de la Sangha; le Dharma est la loi du Bouddha suivie par la Sangha; et la
Sangha est l'actualisation vivante du Bouddha-Dharma. On pourrait dire que le Bouddha
est la conscience du Dharma qui est lui-même le corps du Bouddha, et que, finalement la
Sangha ne s'arrête pas aux simples pratiquants mais inclus tous les phénomènes et les
choses du monde. Partant du principe que tout possède la nature de Bouddha, tout est
Bouddha, Dharma, Sangha.
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Jésus Christ étant le messie venu confirmer la loi, on peut dire que comme tous les
Bouddhas il est venu énoncer le Dharma, la réalité divine. Étant Dieu fait homme, et
sachant que nous sommes tous à son image, inutile de chercher le divin plus loin que soimême. Tous les enseignements nous montrent que le divin n'est ni ailleurs ni supérieur
mais notre ignorance nous cache cette grâce présente en chacun de nous et en toutes
choses. Penser que Dieu est une entité séparée et supérieure, c'est créer une dualité
discriminante et illusoire qui nous en éloigne car si il est le créateur, il l'est à chaque
instant en s'incarnant en vous, en moi, en l'arbre, en la forêt, en le soleil etc.… Tout est lui
ici et maintenant et nul besoin de le chercher si vous voyez l'arbre, la forêt et le soleil ! La
pratique méditative est une porte pour s'ouvrir à ce Dharma par expérience directe en
revenant à cette nature divine déjà présente en nous. Jésus demeura seul dans le désert
tout comme Sakyamuni sous son arbre et tous les avisés ont pratiqué cette introspection
méditative dans le silence du mental analytique afin de comprendre par le cœur cette
source primordiale qui régi la totalité du monde par sa loi unique et omniprésente. Nos
sens nous conduisent par leur perception à une interprétation des formes, sons, odeurs et
saveurs avec une mécanique dualiste sujet/objet, celui qui perçois et ce qui est perçu. Le
Dharma inclus tout, sans personne pour percevoir et rien à percevoir; dans cette
dimension où la discrimination analytique des perceptions est abandonnée, seule l'ultime
réalité non perturbée par l'égo subsiste. Le Dharma n'est donc pas difficile à trouver
puisque déjà là, mais le voir et le comprendre profondément demande un abandon total de
soi, de ses préjugés, de ses concepts et idées sur les choses, de sa conscience d'un soi
personnel en interaction dualiste avec son environnement; c'est un lâcher prise total !
Nous rajoutons constamment à la réalité par notre analyse intellectuelle qui n'est en
accord qu'avec nous-même et nos propres jugements des choses mais rien des pensées ne
peut nous éclairer quand à la nature divine car le mental ne fait qu'interpréter une
perception personnelle et déformée par l'égo.
Dans le Dharma, aucun concept n'est légitime, tout est de même nature. Aussi, les
notions comme "bien/mal, vrai/faut, vie/mort, divin/profane" n'ont pas de signification
tangible car tout est Un, Cela ! Quand le Bouddha s'éveille, il a une vision pure et
profonde de ce qui est sans vouloir ni pouvoir y ajouter quelque opinion que ce soit.
L'intelligence et la culture ne sont donc pas des atouts à la réussite dans un domaine
spirituel et si l'étude nous dirige sur la voie, c'est avant tout la pratique qui doit primer.
Le Dharma, la Voie, ou Dieu, est donc la loi, la vérité créatrice de l'existence telle
qu'elle est, et telle que reconnue par les vertueux. Nous cherchons tous un sens à la vie
pour la justifier tant dans ses joies que ses souffrances et un ami me disait il y a peu de
temps:
"Tu devrais avoir un enfant, là tu comprendrais, tu aurais un sens à ta vie et tu n'aurais
plus besoin de te réfugier dans le Bouddhisme !"
Chercher un sens à sa vie est encore une ambition égotique pour répondre à des
frustrations, et, quelque soit le sens trouvé aussi beau et philosophique soit-il, il reste une
simple idée mentale. La vie n'a aucun sens et cela n'est pas péjoratif. Ultimement "la vie"
ne veut rien dire, je parlerais plutôt d'existence incluant les deux notions de vie et de mort
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(voir le chapitre "Renaissance") et le seul sens à celle-ci est de donner forme à la vacuité :
Si tout est Un, ce Un est par définition de nature vide et cette vacuité pour être, se traduit
par l'existence unitaire et continue bien que perpétuellement changeante dans sa forme par
la loi de causalité. (Ceci sera plus détaillé dans le 8ème chapitre "Expérience de la Voie").
De plus, un sens à la vie qui dépend de circonstances comme avoir un enfant est illusoire
car si on imagine le pire: vous perdez votre enfant dans un accident de voiture par
exemple, vous perdez alors tout sens à la vie ! La grande différence entre le bonheur tel
qu'on le conçoit généralement et la sérénité imperturbable d'un Bouddha réside dans le
fait que nos bonheurs dépendent de situations et circonstances alors que le bonheur du
Bouddha est inconditionné. Le Bouddha étant au-delà des concepts mentaux et pratiquant
le grand détachement se voit libre des fluctuations circonstancielles et joui donc de
sérénité égale en toute situation. Le profane construit ses bonheurs dans le
conditionnement des circonstances comme avoir un bon travail, une maison, une famille
etc… mais tout ceci peut être perdu et le bonheur qui s'y rattache également. Le bonheur
conditionné dépend de vos attachements à ce que vous avez et cela implique que si vous
perdez les supports de votre bonheur, vous entrez en souffrance. Il existe donc deux
bonheurs différents, celui asservi par les désirs, passions et attachements et celui non
conditionné car obtenu dans un détachement total, c'est la sérénité. Bien entendu, je ne dis
pas qu'il faille fuir les choses du monde et éviter de créer une famille, avoir un bon travail
et une maison, non, je dis qu'il faut ne pas être attaché à ces choses car tout est en
perpétuel changement. Le profane passe obligatoirement dans sa vie par des phases de
bonheur, de joie et d'autres de souffrance, de frustration car il repose tout sur son
attachement alors que l'éveillé sait jouir des mêmes choses du monde sans esprit de désir,
convoitise, manque et attachement; il est libre de ses propres passions. Pour me répéter
une dernière fois, on dépasse l'attachement en réalisant la vrai nature des choses car, pour
s'attacher, il faut un sujet qui s'attache et un objet d'attachement mais dans le Dharma, tout
étant Un, soi, nulle disposition pour des sentiments de désir, de manque, frustration et
attachement ! Dans le sens de la doctrine, une grande valeur du Dharma est énoncée par
Sakyamuni comme :
"L'origine de la souffrance se trouve dans le désir et l'attachement".
Parce que l'homme ordinaire se construit dans la dualité avec une conception égotique
d'un soi individuel et autonome au centre d'un environnement, il ressent désir pour ce qu'il
n'a pas, dégoût pour ce qu'il ne veut pas, manque pour ce qu'il a perdu, frustration pour ce
qu'il ne peut obtenir. Il perçoit souffrance et agression par toute l'interactivité avec son
environnement qui suscite chez lui nombres de besoins et désirs par définition
continuellement insatisfaits. En réalisant la nature ultime et absolue de ce qui est, l'éveillé
dépasse ce processus dualiste et peut jouir mieux encore que nous tous des choses du
monde, même dans le plus pur dépouillement; le dépouillement de soi, de l'égo; la
réalisation de l'unité et la pleine noyade dans l'absolu sans identification aucune comme
une mort suprême et libératrice.
13
4.
Karma
Le Karma est la loi de cause à effet.
L'intégralité des phénomènes, des choses, des objets et des êtres sont par apparition et
disparition dans un perpétuel changement causé par une simple loi de causes à effets inter
liées, combinées et successives créant à chaque instant le monde dans un état déterminé
par celles-ci. L'existence se traduit ainsi en transformation constante par l'interaction
combinée de ces multiples causes à effets qui façonnent le monde dans un mouvement
continu. Tout apparaît et disparaît par des causes et leurs effets engendrés par des causes
et effets antérieurs et qui à leur tour causeront d'autres effets … C'est ce que l'on nome
communément comme l'effet papillon.
Cette loi ne laisse aucune place à la chance ainsi qu'au destin et tout ce qui sera demain
dépend de ce qui est maintenant comme le présent dépend du passé. Cette notion ouvre à
toute la liberté et à la grande responsabilité que nous avons dans nos pensées, paroles et
actions car ce que l'on nome comme "Notre" Karma dépend dans son actualisation à venir
de ce que nous émettons aujourd'hui à travers elles. Ce n'est que l'intention d'une pensée,
d'une parole ou d'une action qui engendre par cause à effet le fruit associé. Chaque chose
telle que perçue est l'effet directement lié à ses causes préalables. Rien n'est prédéfini ou
écrit, tout le futur n'est que conséquence de tout ce qui l'engendre aujourd'hui par
interaction des phénomènes en action. Nous avons donc le libre choix de penser, dire et
faire soit le bien, soit le mal ou autre mais le Karma ne réfléchi pas et se contente d'être
simplement lui-même, une rétribution des effets à chacune des causes préalables. On peut
donc dire qu'il est possible de créer un Karma positif en ayant de bonnes pensées, paroles
et actions dans sa vie et inversement de créer un Karma négatif par de mauvaises actions
mais il ne faut pas se tromper; il ne faut pas penser que si vous ne faites que le bien vous
aurez forcément un bon Karma car il ne dépend pas uniquement de vous; si une personne
vous fait du mal votre Karma n'est pas franchement positif malgré vos bonnes actions.
L'état de votre vie dépend en grande partie de vous et de vos actions passées mais pas
seulement; une multitude de circonstances viennent s'ajouter aux causes de votre Karma
actuel. Il n'existe donc pas vraiment comme on le dit souvent de Karma individuel bon ou
14
mauvais mais un seul et unique Karma universel qui dans sa complexité de
fonctionnement vient par ses effets conditionner la vie de chacun à chaque instant. Des
saints qui ont fait preuve d'altruisme toute leur vie ont été persécuté et ont souffert. Le
Karma est la succession des multiples causes à effets qui animent le monde dans tous ses
états dans un processus universel dont nous subissons tous les effets et dont nous sommes
tous en mesure d'engendrer les causes les plus justes en vue d'amélioration.
Dans de nombreuses traditions religieuses on dit que notre Karma nous suit de vies en
vies et que si on a fait le mal par le passé, on en subira les conséquences dans le futur. Il
ne faut pas partir sur cette idée qui implique qu'une entité transite au travers des
incarnations et traîne avec elle son fardeau. Nous verrons plus loin comment comprendre
la renaissance mais il est erroné de croire qu'une individualité passe ainsi de vies en vies
avec un Karma personnel à devoir supporter, bon ou mauvais. C'est parce que la mort n'a
pas d'existence et que tout est en continuelle transformation que le Karma persiste et doit
être vécu comme il a été engendré ! Il ne faut pas le voire comme une tare puisqu'il est
finalement la source du mouvement et donc de l'existence mais il faut le dompter afin de
l'orienter justement.
On dit aussi qu'il est possible de "couper" le Karma. Cela signifie que le Bouddha, par
son éveil à la connaissance transcendante et par son détachement ne subit plus le Karma
tel que vécu par le profane. L'homme ordinaire s'afflige en attrapant un virus et tombant
fortement malade, c'est un coup du Karma; un Bouddha n'est plus dans la dimension
dualiste de celui qui est malade et de celui qui rend malade, il est celui qui est, et bien que
le Karma soit là, il ne s'en afflige plus.
Le Karma est neutre par nature, sans direction ni volonté, c'est par nos pensées, paroles
et actions communes que nous le créons soit positif, soit négatif. Toute la responsabilité
humaine se trouve donc ici quand au Karma du monde, et, souhaitant des effets positifs
pour l'avenir, c'est dès à présent que les causes sont de notre ressort tant dans l'économie
que l'écologie !
Ne tentez pas de faire le bien dans le seul objectif de jouir des effets bénéfiques d'un
bon Karma pour vous mais faites le avec altruisme pour tous car ce n'est pas tant la
pensée, la parole ou l'action qui compte mais l'intention qui l'anime ! Dans une histoire
ZEN on peut voire un Maître qui frappe violemment un disciple qui a commit une erreur
et ce dernier s'éveil aussitôt. La gifle du Maître est un acte négatif par lui-même mais
l'intention est sage et le bénéfice est grand. Il est possible aussi par mauvaise
interprétation de croire avoir fait une bonne action qui ultérieurement se révèle finalement
nocive pour quelqu'un. Le meilleur moyen d'engendrer un Karma positif est d'agir avec
altruisme et compassion en ne prenant pas une situation que depuis soi-même mais d'un
point de vue de tous les protagonistes.
15
5.
Renaissance
On entend généralement en occident le principe de vie après la mort comme la
réincarnation. Cette notion implique dans l'idée qu'on s'en fait que quelque chose de soimême reste et transite, après la mort du corps, pour incarner une nouvelle enveloppe
physique. On parle alors de l'âme individuelle, une entité propre qui reste elle-même au
cours des multiples incarnations successives. Toute cette idée repose sur des concepts
égotiques d'individualité et la personne distincte se voit comme une force supérieur au
corps qu'elle habite et douée d'immortalité. En Inde on pense aussi que les différentes
incarnations consécutives sont modelées par le Karma et que l'état dans lequel se trouve
une entité est le résultat de ses actions passées. L'égo est très puissant; difficile de s'en
défaire car c'est lui qui nous construit mentalement dans cette illusion d'un soi personnel
auquel nous sommes totalement attachés par orgueil, et, croire en cette réincarnation de
l'âme c'est s'inventer une immortalité sans doute bien apaisante mais parfaitement
chimérique. L'immortalité est pourtant bien une vérité qui se traduit par une
métamorphose ininterrompue des phénomènes ou manifestations forgées karmiquement.
Je préfère donc parler de renaissance plutôt que de réincarnation mais le mot juste est
transformation ou mutation comme Maître Thich Nhat Hanh le montre par cette image du
nuage qui devient eau, neige ou glace mais n'est pas en disparition. Un Koan est énoncé
ainsi :
"Quel était ton visage avant la naissance de tes parents ?".
Dans une forêt, quand un arbre meurt, il se désagrège et nourri la terre permettant ainsi
la croissance d'un nouvel arbre. Par de multiples causes à effets inter liées, les choses et
les êtres apparaissent et disparaissent inlassablement mais ce que l'on voit comme la mort
n'a aucune existence car aucun phénomène ne devient rien, simplement, il mute. Tout n'est
que manifestation changeante et l'immortalité peut être véritablement vécue en celle-ci
quand l'égo et ses dualités sont dépassés au profit d'une unité impersonnelle.
Concrètement, pour ne pas s'égarer, il suffit de constater que nous n'avons aucun souvenir
d'avant notre naissance et d'après notre mort car l'unique réalité réside dans l'instant et on
peut apprécier par le cœur que toute l'éternité se trouve dans l'ici et maintenant ! Le temps
est une notion aléatoire selon les mesures qu'on lui assigne et le point d'où il est envisagé
16
mais l'éternité n'est pas synonyme d'une dimension illimitée entre passé et futur mais
plutôt de l'instant indéfini et intemporel. L'instant est non commencé et non limité, il
évolue au-delà du temps par cette transformation perpétuelle des phénomènes
interdépendants qui jamais ne meurent mais se métamorphosent par un mouvement
karmique et ceci donne lieu à l'existence éternelle. Un Sutra (enseignement d'un Bouddha)
dit :
"La forme est vide et le vide est forme". (voir le Sutra du Cœur plus loin)
C'est cette incessante mutation dans l'unité par impulsion karmique qui fait que rien ne
naît ou meurt mais que tout est forme transitoire et que par nature cette forme est vacuité
car non figée et non constante.
En conséquence, on ne renaît pas mais on demeure sous forme évolutive sans que soit
impliquées individualité et personnalité; on est celui qui est, toujours !
Il est dit dans le Christianisme "Tu es né poussière et tu retournera poussière !". Cela
signifie que tu n'es que forme transitoire façonnée et conditionnée par de multiples causes
associées mais que celle-ci est d'une nature fondamentale immuable, universelle et
omniprésente. Il est des espèces dont les individus germent pour un jour, d'autres quelques
jours ou même des années et si la durée n'a point d'importance, c'est dans la qualité que
nous devons nous appliquer par une attitude humble et juste.
Toujours dans cette idée répandue de transmigration, on pense qu'il faut un grand
mérite karmique pour obtenir une incarnation humaine et que d'innombrables vies de
vertu ont été nécessaires pour bénéficier de cette enveloppe physique. La réalité est que
personne n'est un humain pour et par lui-même; il est simplement le propre état humain du
monde dans cet instant.
Dans l'unité et par un Karma universel, l'homme est la nature humaine du monde tout
comme chaque forme dans son état est aussi celle du monde. Ainsi, quand je regarde mon
chat, je vois que je suis sa propre nature humaine et quand je regarde un arbre, je vois
encore que je suis sa propre nature humaine; puis, le chat est ma propre nature de chat
comme l'arbre est ma propre nature d'arbre. Quand l'homme s'éveille, c'est le chat et c'est
aussi l'arbre qui s'éveillent mais un chat reste un chat et l'arbre un arbre puis enfin
l'homme un homme. Le chat ne deviendra pas un homme un jour et celui-ci ne deviendra
pas un arbre un jour, l'existence universelle devient elle-même dans sa diversité par
causalité à chaque instant.
Tous les phénomènes sont les diverses formes d'une même réalité présente, Dieu, la seule
entité qui soit. Quand l'homme s'éveil, sa compassion n'est donc pas dirigée vers les êtres
mais vers lui-même dans tous ses états. Nul mérite ou encore supériorité à être humain car
cet état est celui du monde à travers nous comme tout est notre état à travers la diversité.
C'est quand cela est comprit par le cœur que la non violence devient le centre des actions
car se montrer violant envers qui que se soit, c'est être violant envers soi-même.
Il n'y a donc ni réincarnation ni renaissance mais simplement transformation perpétuelle
non commencée et non finie; telle est l'immortalité vécue par le Bouddha.
17
6.
Nirvana
Le Nirvana n'est autre que l'état d'existence universelle dans lequel se trouve un
Bouddha. En opposé, on parle de Samsara pour définir le cycle ininterrompu de
l'existence vécu par les êtres soumis à la souffrance. Sakyamuni énonça comme premier
sermon les dites "quatre nobles vérités" qui sont :
La réalité de la souffrance. Les causes de la souffrance. La possibilité de transcender
cette souffrance. Les moyens qui conduisent à cette libération.
Dans notre habitude dualiste à nous voir comme entité séparée et indépendante au
centre d'un environnement dans lequel elle doit évoluer, tout est interaction et l'égo en
perçoit les effets selon ses propres besoins, désirs, envies, répulsions et autres émotions
résultantes de cette interactivité non maîtrisée comme souhaité par l'individu. L'être
souffre du désir de ce qu'il n'a pas, de la répulsion de ce qui l'encombre, du manque de ce
qu'il a perdu, d'envie de ce que les autres ont plus que lui, de frustration de ne pouvoir
combler ses désirs et besoins, d'être malade, de vieillir et de mourir. Toutes ces multiples
souffrances sont le fruit de cette habitude à se concevoir comme entité propre et devant
sans cesse batailler pour évoluer dans l'environnement de façon à combler la personnalité,
l'individualité, l'égo dans ses attentes et selon son propre point de vue. On dit
communément que la souffrance vient du désir par définition insatisfait mais elle vient
plus précisément de l'attachement et des diverses passions qui s'animent. L'attachement
vient de cette dualité sujet/objet, celui qui s'attache et les objets d'attachement. De ce
processus jaillissent toutes les passions car comme l'être ne peut par lui-même avoir le
contrôle total des choses, il souffre du fait que celles-ci ne s'accordent pas nécessairement
à sa volonté. Le Samsara est donc l'état d'existence guidé par les illusions qui sont source
de souffrances. Le Bouddha, ayant dépassé ses propres illusions et pratiquant le
détachement dans la non dualité, transcende ses propres souffrances et, l'état de sérénité et
de libération dont il joui est Nirvana.
Finalement, Samsara et Nirvana sont toujours l'expression d'un même monde, d'une
même réalité mais avec expérimentation depuis des états d'esprit différents, voir opposés.
18
7.
Pratique
Quelque soit la ou les pratiques sous toutes les formes possibles, le plus important est
de ne pas s'y attacher car aucune forme de pratique particulière n'est la vérité en soi. De
plus, pratiquer en vue de l'obtention du fruit de notre pratique est une bien mauvaise voie
car on ne doit pas pratiquer pour s'éveiller mais on doit pratiquer l'éveil lui-même.
Quelque soit la pratique adoptée, méditation assise, récitation de Mantras (suite de
syllabes ou mots à grande résonance spirituelle), prières, lecture des Sutras ou autres; elle
ne doit être une action pour obtenir ou réussir quelque chose mais doit être en elle-même
expression d'éveil. Ainsi, c'est quand on pratique l'éveil que la méditation est juste, que le
Mantra est pénétré, que la prière survient du cœur et que les Sutras sont assimilés. Toutes
les diverses pratiques proposées par les courants spirituels sont des outils et dans l'absolu,
expression d'éveil, mais ce qui compte est d'en saisir l'essence et non de faire preuve
d'érudition ou de noble application. Faire dix heures par jour de méditation dans la plus
gracieuse des postures n'est d'aucune utilité si vous n'en saisissez pas le sens profond et si
votre comportement n'est pas juste le reste de la journée. Une bonne pratique ne demande
pas d'intention personnelle mais un oubli de soi et du fruit de la pratique. Ultimement, la
pratique ne s'arrête jamais qu'on soit ou non en méditation, elle doit imprégner chaque
instant de notre vie. Sakyamuni parlait de l'octuple sentier :
- Compréhension juste
- Pensée juste
- Parole juste
- Action juste
- Mode de vie juste
- Effort juste
- Attention juste
- Concentration juste
Cela montre bien comme la pratique doit être constante et actualisée en toutes choses et
tous moments du quotidien. Quand ces huit chemins sont omniprésents, l'éveil est
actualisé car il est lui-même pratiqué par cette attitude juste. La vrai pratique est au-delà
de la forme et quand on adopte une ou des pratiques particulières, elles ne doivent être
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que l'expression de "La" pratique et nous ne devons nous y attacher de façon dogmatique.
Être libre de sa pratique est le meilleur moyen de l'exercer noblement, justement et
inlassablement.
Zazen
Zazen est la pratique centrale du ZEN Soto (une des principales écoles du zen
japonais). Zazen se traduit littéralement par "simplement s'asseoir", c'est une méditation
assise assimilable à celle pratiquée par grand nombre d'écoles bouddhistes. C'était aussi la
pratique régulière de Sakyamuni.
Assis au sol sur un petit coussin rond (Zafu), immobile, jambes croisées genoux au sol,
dos droit, bassin en avant, nuque tendue, menton rentré, langue posée contre le palais,
mains posées l'une sur l'autre (deux centimètres environ sous le nombril) paumes vers le
haut avec les pouces qui se touchent à l'horizontal, regard posé sans objet d'attention
particulier et yeux mi clos, respiration naturelle et mental relâché; telle est la posture
adéquate de Zazen. C'est la posture de méditation assise représentée généralement par les
statues du Bouddha que vous pouvez rencontrer.
L'école ZEN Soto insiste beaucoup sur le détail et la justesse de cette posture car elle
est de par son parfait équilibre très adaptée pour une bonne méditation mais bien qu'elle
demande attention, il faut en être simultanément libre et rester détendu de corps et d'esprit.
Contrairement à ce qu'on entend généralement en occident par "méditation", ce n'est
pas de la réflexion ou de l'introspection, c'est simplement être là, assis, sans rien ajouter.
Si une pensée se lève, on la voit comme on verrait passer un nuage puis on la laisse sans
la nourrir ou l'entretenir en restant à l'assise et à la respiration. C'est un lâché prise où,
bien que l'on ne cherche pas à faire quoi que ce soit, on ne s'endort pas non plus; on reste
alerte à ce qui se passe sans y ajouter nos habitudes mentales. Ainsi, dans la pureté du non
agir, on peut pénétrer spontanément la vraie dimension de Zazen, notre nature
fondamentale, celle du monde.
De par mon expérience personnelle, je dirais que l'important réside essentiellement
dans l'immobilité, la langue posée contre le palais et le regard posé sans objet d'attention
particulier. Durant huit mois passés au temple ZEN de la Gendronnière (France), j'ai eu
l'occasion de faire de très nombreux Zazen mais le plus authentique fut avant de m'y
rendre, chez moi, affalé devant la télévision sur mon canapé, immobile, langue contre le
palais et regard posé sans objet d'attention en particulier.
Ultimement, quand la vraie dimension de Zazen est pénétrée, elle doit demeurer à
chaque instant dans tous les actes et l'assise en elle-même devient un luxe qu'on s'accorde.
Le Samu (temps de travail communautaire) est l'activité du quotidien empreinte de la
dimension de Zazen et en est donc également la pratique. Par une attitude d'esprit juste
dans l'oubli de soi et dans l'unité, la vrai dimension de Zazen doit imprégner chaque
pensée, parole et action de tous les instants et c'est en somme cela la vrai pratique d'éveil.
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On ne devient pas spirituel parce qu'on médite, qu'on se prosterne ou que l'on prie mais on
fait tout cela parce qu'on est spirituel.
L'habitude veut que dans chaque situation vécue, on interagi avec les autres par rapport
à soi et ses propres points de vue et attentes par une identification directe à ce soi propre
qui se distingue. Cette habitude est l'origine de tous les conflits externes comme nos
propres conflits internes et nous ne voyons et ne vivons que notre égo qui fait tout ce que
nous sommes et expérimentons. C'est un espace très limité et tortueux. La pratique par
excellence, celle qui doit être source de toute autre, consiste schématiquement à ajouter
une seconde personne à ce que nous sommes. Une personne qui constate de la première,
qui la voit être telle qu'elle est dans son évolution de chaque instant et dans son
interactivité avec son environnement. Savoir en quelque sorte se regarder constamment
soi-même comme reflété dans un miroir. De la sorte, la première personne qui est
regardée, notre égo, perd spontanément de sa force et au lieu de subir les situations par
identification directe, on peut regarder cette même situation avec nous-même à l'intérieur
en train de la vivre. Alors un lâché prise se produit car nous constatons en temps réel de
nos propres mouvements mentaux égotiques, fluctuants, tortueux et souvent décalés
quand à la réalité. Garder vivante cette deuxième personne tout au long de la journée
demande de l'effort au début mais devient vite un réflexe permettant une vue générale des
choses et une certaine maîtrise de nos activités mentales pour y trouver sérénité et
sagesse. Ceci est en soi la pratique qui englobe tout, c'est rester continuellement en pleine
conscience de l'état des choses telles qu'elles sont avant d'y interagir personnellement.
Faire Zazen c'est voir tel quel, ce n'est donc pas soi, l'égo qui fait Zazen mais bien cette
nouvelle personne informelle qui simplement constate sans interprétation aucune.
Zazen ne demande pas à faire d'expérience particulière plus ou moins mystique, la seule
chose qui soit c'est "Cela", tel quel. Seulement s'asseoir, être là, être. J'aime à définir le
Zazen comme l'art martial ultime car il est l'action du non agir ou le non agir de l'action
(rigolade). Dans l'absolu, Zazen est l'expression du ZEN et celui-ci est au-delà de la
forme et du dogme et donc de la posture elle-même. Rien ne fait mieux Zazen qu'un arbre
et pourtant rien n'est aussi tordu que lui !
21
8.
Expérience de la Voie
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Note :
Dans cette section plus qu'ailleurs et comme indiqué en avant propos, sachant que je
commente ici le ZEN selon ma pratique et mon expérience personnelle, le lecteur devra
faire preuve de discernement car mes propos ne sont ni vérifiés ni validés par quelque
autorité spirituelle que ce soit.
Je développerais et commenterais dans les pages suivantes un petit texte proposé cidessous qui résume de façon condensée mon expérience du zen.
Un langage plus courant et convivial sera adopté pour dissiper toute impression
formelle ou pompeuse.
Expérience de la Voie
Expérimenter profondément Ku (1),
c'est avoir la vue juste de son expression Ki (2).
Ki étant la source de l'existence unifiée et Ku, son essence fondamentale.
L'un n'étant vérité sans l'autre, la voie est Koe (3),
qui ne s'exprime que par et dans l'instant, illimité.
Être libre, c'est savoir expérimenter pleinement
pleinement et parfaitement,
hors des dualités, cet instant, tout en connaissant sa nature illusoire.
Tout est un
Un est tout
Tout est là
Là est rien
Rien est tout
(1) Vacuité, vide
(2) Énergie, matière
(3) Synthèse, voie du milieu
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"Expérimenter profondément Ku,
c'est avoir la vue juste de son expression Ki."
Nos habitudes au quotidien sont orientées par l'importance que nous donnons aux
seules apparences acceptées telles que perçues par nos sens. Tout est histoire de
perception et d'interprétation avec les nombreuses illusions qui peuvent en découler. Nos
cinq sens nous donnent la conscience et l'expérience de l'existence dans une réalité telle
que perçue par eux et telle qu'interprétée par notre construction mentale. Nous prenons
ainsi régulièrement pour vérité notre propre vision du monde alors qu'elle est déjà bien
dénaturée par nos propres idées et élaborations conceptuelles.
Notre mental, siège de l'égo, construit inlassablement sa réalité distinctive en fonction
de lui-même, de ses attentes, besoins et affirmation. Quand nos cinq sens perçoivent le
monde, le mental divise, nome et crée des opinions afin de quantifier et qualifier les
phénomènes pour s'y situer et y prendre un certain contrôle. C'est donc spontanément que
l'égo adopte une vision dualiste des choses pour exister comme entité dans un multiple
défini par lui-même. De là naissent toutes les illusions depuis lesquelles nous pensons,
parlons et agissons ainsi que toutes les souffrances qui s'y rattachent.
Où se trouve la séparation entre celui qui voit et ce qui est vu ? Est-ce à la surface
rétinienne de l'œil ou en son fond, là où est reflétée l'image ? Où est la séparation entre
celui qui entend et ce qui est entendu ? Est-ce au niveau du tympan, des osselets ou
encore de la partie du cerveau qui analyse les sons ? Pour chaque sens, il n'y a pas de
situation précise à la perception et on ne peut donc affirmer qu'il y a séparation entre
perçu et percepteur. Celui qui perçoit n'existe que par ce qui est perçu tout comme ce qui
est perçu n'a d'existence que par celui qui perçoit. Pour moi, mon chat n'a d'existence que
parce que je le vois et en suis conscient et du même coup, je n'existe à ses yeux que parce
qu'il me voit et est donc conscient de moi. Il est dit : "je suis celui qui est", cela ne dit pas
: "je suis celui qui voit ce qui est"; il n'y a pas deux.
Je suis musicien dans de petits orchestres de variété et il arrive que le public
m'applaudisse après que j'ai interprété une chanson. J'ai toujours trouvé ceci irréaliste car
il n'y a pas de séparation entre les vibrations de mes cordes vocales et leurs oreilles; pas
de talent qui m'appartienne car celui-ci existe autant par le plaisir dans leur écoute que par
mon inspiration du moment qui nous est universellement commune.
Tout ce qui est perçu n'a d'existence que parce qu'il est perçu ! "Notre" monde est
vivant avec nous et quand nous mourrons il meurt avec nous.
C'est quand nous pénétrons enfin cette unité des choses et constatons de la
transformation constante des apparences que nous pouvons appréhender la vacuité
fondamentale de celles-ci.
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Il est dit : "La forme est vide et le vide est forme !".
Les multiples choses et formes du monde sont en perpétuelles apparitions et
disparitions par causalité et s'animent par totale interdépendance. De la sorte, aucun
phénomène n'est permanent et n'existe de par lui-même; tout est dénué de nature propre
immuable et autonome. C'est en cela que la vacuité est la nature fondamentale de ce qui
est, puisque changeant et donc sans substance continue. Tout est vide de lui-même car
dépendant et passager.
Comprendre cette vacuité inhérente des phénomènes n'est en rien du nihilisme car bien
que transitoires et sans nature propre, ceux-ci restent néanmoins notre unique réalité. Si la
vacuité est la nature fondamentale du tout, elle est tout de même expressive et trouve sa
crédibilité justement dans ce tout, la forme. La forme est ce qui est perçu par les sens, elle
est énergie, mouvement. Par multitude de causes à effets inter liées et successives, un
mouvement continu s'actualise à chaque instant, une énergie karmique qui n'est autre que
le corps de la vacuité, sa forme, son expression. La forme est donc l'expression du vide et
le vide, le cœur de la forme. On peut comprendre philosophiquement cette vérité en
constatant l'impermanence et l'interdépendance des phénomènes mais cela reste alors une
idée; on peut en revanche la vérifier par expérience concrète et directe par la méditation,
la contemplation et l'oubli de soi, de ses préjugés discriminants.
Ki est donc le mouvement par causalité, l'énergie karmique, la forme changeante. C'est
l'expression existentielle de ce qui est, tel quel.
Ku est la nature primordiale vide de Ki; la vacuité qui confirme sa nature variable et
non dualiste.
Faire l'expérience libératrice de cette vérité, la vacuité, c'est avoir une compréhension
pertinente par le cœur de la réalité du monde, une forme changeante sans substance figée,
une énergie spontanée et auto conditionnée. Ceci réalisé, tout notre fonctionnement s'en
trouve changé car l'identification à soi-même porte désormais à l'absolu et les nombreuses
valeurs que nous donnions aux choses laissent place à une vision plus pénétrante et
objective de celles-ci.
"Ki étant la source de l'existence
l'existence unifiée et Ku, son essence fondamentale."
C'est grâce à cette énergie créatrice spontanée et auto conditionnée qu'il y a conscience
d'exister et réciproquement c'est aussi par cette conscience d'exister que Ki est vécu.
Une histoire zen raconte comment un disciple s'est éveillé simplement en entendant
sonner la cloche dans le Dojo (lieu où l'on fait Zazen). Où se trouve le son de la cloche ?
Dans le bois qui la frappe, dans le métal qui vibre, dans l'air porteur ou sur le tympan de
l'oreille ? Notre corps, assemblage de nos cinq sens, n'est pas comme nos perceptions
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nous en donnent l'illusion, un phénomène séparé de son environnement. Il n'y a ni
environnement ni sujet distinct. Nous mangeons des aliments pour nourrir notre corps,
nous buvons de l'eau pour le désaltérer, nous respirons l'air pour profiter de son oxygène
et la végétation profite du gaz carbonique que nous rejetons. Un arbre s'alimente tant par
ses racines en terre que son feuillage dans l'air. Le biotope est une réciprocité, un échange
entre tout ce qui le constitue. Rien n'est séparé, tout est dépendant et quand on voit cela
dans la dualité, on s'étonne devant l'immense complexité de cet échange réciproque mais
quand on réalise cette unité inhérente, on en comprend l'immense simplicité. Regardons la
vie sur terre; elle dépend en juste mesure de très nombreux facteurs additionnés, le
réchauffement idéal du soleil positionné à bonne distance de la terre, les gaz de
l'atmosphère qui en filtrent la nocivité, la présence de l'oxygène et de l'eau, etc... Ceci ne
procède pas d'un juste équilibre complexe et finement élaboré, ce n'est pas un miracle;
c'est l'actualisation spontanée de l'existence Karmique (Ki) dans une parfaite unité où la
forme n'est que l'expression de sa propre nature fondamentale, libre et absolue, le vide
omniprésent (Ku).
Au C.E.R.N (centre européen de recherche nucléaire), nous en sommes actuellement je
crois, dans l'étude de l'infini petit, au "Beson", une particule si petite qu'elle se déplace au
travers de la matière et montre ainsi qu'elle est un constituant universel de tout ce qui est,
les choses, les objets. Des scientifiques s'autorisent aujourd'hui à penser que l'origine
infiniment petite de la matière se trouve dans le vide.
De l'éléphant à l'acarien, les multiples espèces animales, végétales et minérales
s'entretiennent mutuellement par dépendance des unes avec les autres tout comme
l'univers trouve son équilibre par des forces qui s'opposent dans l'interdépendance des
divers corps qui le constituent. Le multiple est l'expression du Un, il est son mouvement
par causalité, sa réalisation.
Alors que j'étais affalé sur mon canapé, les pieds sur la table basse, devant la télévision;
j'étais immobile, la langue posée contre le palais et le regard posé sans objet d'attention
particulier; je voyais l'ensemble de la pièce, la télé qui affichait de nombreuses images
changeantes, mes pieds sur la table, la table, le sol sous celle-ci, le canapé posé sur ce sol,
moi immobile sur ce canapé, les meubles, les divers objets posés sur ces meubles, en face
la fenêtre ouvrant sur le pré… J'ai vécu alors cette réalité commune à cette pièce, ses
objets, la télé et le monde qui s'y animait; je ne me voyais plus affalé sur le canapé, je ne
voyais plus mes pieds sur une table basse, plus d'animation télévisée, plus d'objet;
simplement, plus de corps, plus de séparation mais une réalité transcendante et
universelle, sans substance ni lieu qui se montrait d'elle-même comme unique absolu.
C'était une réelle expérience spontanée dans un oubli total et non pensé mais vécu. J'ai eu
une vision directe de cette parfaite unité comme seul constituant de ce qui était et où le
mouvement n'existait plus, ni forme ni action; une non existence en totale existence. Dans
cette réalité, plus d'impermanence, plus de Karma, plus d'interdépendance car seulement
Un, sans nom.
Ki, l'énergie, le mouvement karmique ou causale est bien la source de l'existence
puisque cette dernière en est le fruit expérimenté par la conscience. Cette expérimentation
26
consciente est vécue par le multiple mais celui-ci n'est autre que l'expression de lui-même,
l'unité. L'existence est une énergie unifiée, universelle et absolue qui s'exprime comme
multiplicité dans la conscience qu'elle a d'elle-même.
Quand on saisi ce principe unifié ou commun dans les choses, notre comportement s'en
trouve moins égotique car le mental ne divise plus et les illusions dualistes sont
dépassées. Si sans réflexion on écrasait auparavant par répulsion une araignée qui passe,
on peut voir maintenant en elle une des infinies expressions de soi-même. Réaliser cette
unité en toute chose, c'est se réaliser en vérité soi-même, c'est réaliser Dieu ! Le respect et
la non violence sont alors une compassion vers le vrai Soi. Avec cette vision juste et
pénétrante, les impressions illusoires d'habitude comme attraction, répulsion ou
indifférence sont dissoutes. Les jugements comme beau, laid ou sans intérêt sont oubliés.
Les souffrances ne sont plus vu comme agressives mais comme simple état ponctuel. Les
concepts et notions sont défaits et l'esprit demeure libre, plongé dans sa propre réalité nue.
Le profane est comme une vague parmi d'autres vagues sur l'océan, elle se forme et meurt
sur la plage; l'éveillé est comme l'océan qui demeure calme en son fond. La vague oubli
par illusion d'une nature propre qu'elle est en elle-même l'océan et connaît ainsi les
turpitudes; l'océan est quand à lui toutes les vagues passées, présentes et futures. Le
Bouddha connaît le Nirvana car étant comme la forêt ou l'océan, non identifié à l'arbre ou
à la vague, il sait qu'il a toujours été tout, qu'il est aujourd'hui tout et qu'il sera tout encore
demain. Comprendre intellectuellement l'unité physique de l'existence et sa nature
fondamentalement vide est abordable mais c'est par l'oubli de soi qu'on s'y fond par
expérience directe !
"L'un n'étant
n'étant vérité sans l'autre, la voie est Koe"
On ne peut donc séparer Ki, l'actualisation existentielle, de Ku, la nature fondamentale
car ils sont la source et l'expression d'une seule réalité. La juste attitude est donc de savoir
constamment reconnaître la vacuité des phénomènes et leur parfaite unité tout en sachant
les considérer aussi dans leur état de l'instant. Si la forme est le vide, la forme est aussi la
forme et, si le vide est la forme, le vide est aussi le vide. On ne peut définir la vérité que
par un seul de ses aspects mais par toute sa réalité.
Au cours de sa méditation, Sakyamuni entendit un maître de musique dire à son élève :
"Si tu tends trop la corde, elle casse, si tu ne la tends pas assez, elle ne sonne pas !".
Sakyamuni vit ici une grande vérité vérifiable en tout, "la voie du milieu", celle qui rejette
tous les extrêmes comme une ligne juste entre les opposées et les paradoxes. C'est là qu'il
cessa la mortification de l'ascèse et se refit une santé sans pour autant s'adonner à
l'opulence car il comprit que la voie juste et sage conduisant à l'éveil était une voie
centriste non dogmatique et non figée dans les radicalités.
Sachant que nous ne sommes que forme transitoire et passagère sans nature propre et
27
indépendante, on peut pourtant consciemment ressentir toute notre réalité existentielle et
c'est donc quand ces deux aspects sont acceptés que la conscience se voit elle-même dans
toute sa vérité. Il est vrai que parce que mon chat n'est qu'un aspect temporaire de
l'univers en forme de chat, il est vide de lui-même, et en même temps cela n'enlève rien au
fait que ce soit un chat. Le vide s'exprime constamment par sa forme changeante et
multiple et donc, dans l'unité, rien est en trop comme rien ne manque; tout est toujours
complet et total. On pense que si on enlève un seul maillon dans l'écosystème, tout
s'écroule car l'équilibre est rompu mais la forme est "Une", sans mouvement ni
composants; tous les maillons étant une même chaîne, celle-ci étant une, elle n'est même
pas. La double réalité de la chaîne unique, donc non existante, et des maillons qui
l'expriment, est Koe, la voie unique.
- Il faut donc dans un premier temps reconnaître l'impermanence des phénomènes,
choses, objets, êtres.
- Il faut ensuite reconnaître aussi l'interdépendance totale de tous ces phénomènes entre
eux.
- Il faut reconnaître encore que cette interdépendance et cette impermanence sont le
fruit de la causalité, des multiples causes à effets combinées et successives qui font
apparaître et disparaître tous ces phénomènes inter liés.
- Voir ensuite que tout ce processus est cette énergie Ki qui donne ce mouvement
existentiel tel que perçu par nos sens.
- Reconnaître la parfaite unité qui imprègne toute cette énergie causale ou karmique
dans cette interdépendance et cette impermanence.
- Voir clairement cette vacuité inhérente des phénomènes dans ce mouvement
changeant non commencé et non fini.
- Enfin, saisir tout cela comme unité absolue.
qui ne s'exprime que par et dans l'instant, illimité.
On mentionne régulièrement dans le Zen : "Ici et maintenant", d'une part pour montrer
que l'éveil ne peut être ailleurs mais aussi parce que toute notre réalité se dessine ici et
maintenant. Bien que le présent soit conséquence par causalité du passé et qu'il détermine
du même principe le futur, il est l'unique réalité vécue car rien n'existe hors du présent. Ni
le passé ni le futur n'existent maintenant. Koe, l'unité de la forme Ki et de sa nature Ku, ne
s'exprime que par et dans "ici et maintenant", l'instant. L'instant est le corps de l'absolu car
celui-ci est tel quel dans cette seconde même. C'est dans une vision dualiste que l'on
conçoit le temps, la durée entre passé et futur et que ainsi on analyse les choses comme
soit en perdition soit en devenir mais Koe, l'absolu, n'est ni commencé ni fini et l'instant
28
par lequel il s'exprime est lui aussi sans début ni fin. Ainsi, l'instant n'est pas une fraction
de seconde mais un tout avec inclus son potentiel passé et futur. Le temps peut être
représenté par une droite continue alors que l'instant est représenté par un point mais
celui-ci ne défini pas un immédiat limité mais un absolu intemporel contenant tout. On
peut dire que c'est l'instant qui est donc éternel mais le juste mot pour définir cette éternité
est "intemporel" car la notion de temps n'existe plus dans l'unité de l'instant. L'instant est
l'actualisation divine, universelle et absolue de ce qui est. C'est donc l'instant, aussi
immédiat soit-il qui dure sans être limité par le temps et qui exprime la réalité dans son
état karmique actuel et dans toute sa globalité d'unique forme vide.
Il n'est guère plausible d'accepter une telle vue des choses par une approche
intellectuelle et réfléchie mais quand on est assis en Zazen, détaché de soi et de ses
constructions mentales, plongé dans l'ici et maintenant, on peut saisir par expérience
directe cette réalité de l'instant non commencé dans sa parfaite unité des choses et sa
vacuité sous-jacente.
Nombre de nos souffrances sont le fruit de notre nostalgie du passé que l'on regrette et
de l'anticipation anxieuse du futur que nous craignons car nous ne le connaissons pas
encore. Ces souffrances découlent donc d'une projection mentale dans des réalités
inexistantes car seul l'instant est ici. Très régulièrement, ces regrets et ces anticipations
nous prennent un temps fou et ce temps est pourtant bien pris ici et maintenant alors
même que nous sommes en train de penser, de réfléchir, de regretter et d'anticiper. Tout ce
temps que nous accordons à notre passé et à notre futur se substitut à celui que nous
devrions accorder plus logiquement à notre seule réalité présente, ici et maintenant.
Regretter ou anticiper n'est en rien constructif puisque cela reste de l'ordre de la seule
pensée et durant ce temps nous ne sommes pas en action dans l'instant qui est pourtant
notre seul espace constructif disponible. Prendre l'habitude de rester totalement alerte et
présent à l'instant permet une réelle disponibilité de corps et d'esprit pour une action
concrète et constructive dans une plus grande objectivité. Nul besoin de souffrir du futur
par anticipation anxieuse puisque par causalité ce futur ne sera que le fruit de notre
activité présente. Ainsi, le temps que nous ne perdons plus à anticiper le futur peut être
pleinement rempli d'une réelle action présente en vue de celui-ci. Aussi, si nous étions
malheureux par le passé, cela n'implique pas que nous devions l'être encore maintenant, et
donc, plutôt que passer du temps à souffrir aujourd'hui de ce passer, nous pouvons profiter
de ce temps à réaliser notre bonheur de l'instant ou en devenir. Rien n'est écrit, ni fatalité
ni chance; l'unique loi régissant l'existence est le Karma, la loi de cause à effet. Nous
avons tout le libre potentiel entre nos mains pour le bonheur et celui-ci nous est ouvert
dans l'instant par le libre choix de nos pensées, paroles et actions. Soit le bonheur
conditionné se réalise quand toutes les conditions sont réunies en fonction de nos attentes
et donc par nos actions qui y tendent; soit le bonheur non conditionné s'actualise par le
détachement, la transcendance de l'égo et la fusion dans le tout, l'un, l'absolu qui est notre
ultime réalité non limitée. Soit nous jouons avec le Karma en sachant que comme étant
universel et ne dépendant pas uniquement de nous-même, il ne répondra pas forcément à
nos attentes bien que nous maîtrisions la causalité et que nous soyons de la plus juste
29
attitude possible; soit nous coupons le Karma par l'oubli de soi et la non identification, le
détachement égotique. Cette seconde approche n'est en rien un renoncement ou un
abandon par laisser aller, désistement ou capitulation; au contraire, c'est une plongée
totale, une intégration, une acceptation, une immersion dans toute la réalité de l'instant.
On peut alors vérifier sa neutralité de fond où rien n'est volontairement joie, souffrance,
malheur, bonheur mais que cet instant, universel dans sa forme, "est", simplement, sans
motivation aucune que d'être cela, ce qui est, tel qu'il est; et que finalement, même la
notion "d'être" est absente. C'est une noyade dans un néant ouvrant à toute sa potentialité
présente, non commencée et non limitée.
Bien que le profane (je n'aime pas ce mot) et le Bouddha vivent une même et unique
réalité, ils ont une expérience différente du monde et de l'existence. Le premier connaît les
turpitudes dues à son ignorance (attachements, passions, désirs, frustrations…) et le
second, la libération, la sérénité due au dépassement de lui-même (de ses attachements,
passions, désirs, frustrations…). C'est ce qui différencie le Samsara (enchaînement) du
Nirvana (transcendement).
Être pleinement présent et ouvert à l'instant, ici et maintenant, est en soi la pratique par
excellence ! Le Bouddha est donc pleinement actif dans le monde comme nous tous mais
ses pensées, paroles et actions n'ont plus d'intentions personnelles ou égotiques car il
n'évolue plus en pleine dualité mais entretien une vision unitaire des situations qu'il
expérimente à chaque instant. Partant de cet espace, rien ne l'empêche d'être lui aussi
marié, d'avoir une famille, un travail, une maison et une voiture. Dans la plupart des
traditions bouddhistes les moines peuvent se marier et fonder une famille en vivant en
pleine société et matérialisme. L'objectif n'étant pas de fuir les choses du monde, ce qui
serait une erreur car se serait là comme se fuir soi-même mais d'être libre de toutes ces
choses par détachement passionnel. Une stance bouddhique dit : "Si tu tiens ton poing
fermé, tu ne tiens rien; si tu ouvre ta main, tu tiens le monde !". Être possessif, cumuler,
convoiter, implique bien des souffrances car on se limite à un faible patrimoine qui
menace sans cesse d'être perdu, volé ou détruit alors que l'abandon des habitudes
égotiques de possession donne l'ouverture à un patrimoine plus grand encore, illimité car
non individuel. De plus, avec cette attitude on est apte à jouir plus pleinement de
multiples petites choses qui passent généralement inaperçues aux yeux du profane. Dans
les temples zen on prend régulièrement des repas en silence afin de ne pas se disperser
dans des discutions futiles et en oublier ainsi ce que nous sommes en train de faire,
manger. La pratique veut que par cette présence totale à l'instant, nous puissions être
pleinement conscient de tout l'état de cet instant comme il est, et ainsi jouir de toute sa
merveilleuse subtilité. Thich Nhat Hanh insiste fortement sur cette notion de "pleine
conscience" à l'instant tel qu'il est; c'est le Zazen permanent, que l'on soit assis, que l'on
mange, que l'on travaille ou qu'on aille aux toilettes. C'est par cette conscience éveillée et
constante que l'on actualise donc par sa pratique l'éveil lui-même ! Rester attentif et
concentré sur cette vérité existentielle Ki, sur sa nature changeante, unitaire et sans
substance propre Ku. C'est en cela qu'est réuni l'octuple sentier des huit pratiques justes
enseignées par Sakyamuni; c'est l'expression de la voie du milieu.
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Être libre, c'est savoir expérimenter pleinement et parfaitement,
hors des dualités, cet instant, tout en connaissant sa nature
nature illusoire.
On ne devient donc pas libre un jour à venir par cumulation de mérites ou par une
pseudo pratique méritoire mais dès cet instant même, dès lors que l'on choisisse
concrètement de faire l'effort d'entrer dans cette pratique véritable de l'éveil telle que
décrite jusqu'ici.
Dans l'Hindouisme, plusieurs traditions tendent à penser que la libération n'est
accessible qu'après d'innombrables existences où notre Karma s'il est bien géré par nos
actions nous conduit à l'arrêt des renaissances successives. La libération, l'éveil, se traduit
par un simple changement de vision ou de conscience des choses et cette nouvelle
conscience ne peut jaillir qu'ici et maintenant. La chercher, l'attendre ou pratiquer avec
l'intention de l'obtenir par mérite est une parfaite utopie. Quand on fait Zazen aujourd'hui
dans le Dojo, ce n'est pas pour s'éveiller la semaine prochaine ! Le Sutra du Lotus
enseigne que nous avons tous en nous la nature de Bouddha depuis toujours et ainsi que
même un assassin repenti peut parfaitement s'éveiller ici et maintenant. Ce qui fait la
particularité de l'éveil c'est bien qu'il ne dépende pas du Karma. De plus, le concept des
renaissances successives relève encore d'une illusion de l'égo, comme si une entité quelle
qu'elle soit transitait d'incarnations en incarnations mais demeurant elle-même,
individuelle et indépendante. On dit que par son éveil, Sakyamuni pu voir ses
innombrables vies antérieures; oui, il vit qu'il a été toutes les fourmis de tous les âges,
tous les lions de tous les âges, toutes les souries et tous les chiens de tous les âges, tous les
rochers de tous les âges, tous les arbres, les montagnes et les mers. Il vit qu'il a toujours
été tout, qu'il est toujours tout et qu'il sera encore tout demain et après demain. Je
répèterais pour imager cette notion de non renaissance mais d'existence absolue et non
commencée que : Un chat ne deviendra jamais un arbre, un arbre ne deviendra jamais un
homme, un homme ne deviendra jamais un chat. Simplement, le chat est ici et maintenant
la nature "chat" de l'arbre et de l'homme; l'arbre est ici et maintenant la nature "arbre" du
chat et de l'homme; l'homme est ici et maintenant la nature "homme" de l'arbre et du chat !
L'instant est bien le lieu où peut s'actualiser l'éveil par sa propre pratique présente. C'est
en dépassant toutes les dualités interprétées par la perception des sens et par le mental que
l'homme transcende ses illusions et pénètre ainsi la réalité non dénaturée par l'égo de
l'instant tel qu'il est en vérité. Quand l'instant est reconnu et pleinement expérimenté sans
entachement dualiste et personnel, il demeure le siège ou le trône éternel du sage.
La nature illusoire de l'instant se défini ici par toutes les idées, les concepts et
jugements que l'être au quotidien peut entretenir dès qu'il se laisse aller à ses habitudes
dualistes (sujet/objet) dans son interaction avec son environnement. C'est en cela que
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l'éveil n'est jamais acquis mais doit être entretenu par une pratique constante car bien que
l'égo avec ses illusions puisse être dépassé, il est toujours présent et actif car ne s'exclu
pas de notre réalité. La pratique est donc au début un effort constant d'attention mais
devient ensuite avec l'habitude plus spontanée et omniprésente.
Tout est
est un
Un est tout
Tout est là
Là est rien
Rien est tout
Tout est un.
Le multiple n'étant que l'expression changeante permettant l'existence de par son énergie
karmique, il est de sa nature fondamentale une unité parfaite et immuable. Tous les
phénomènes sont par interdépendance et impermanence l'expression existentielle dans une
réalité unique de ce qui est, dans tout son potentiel de diversité mais non dualiste. Tout
procède de l'actualisation spontanée de l'instant dans son absolu.
Un est tout.
Simultanément, pour que ce Un puisse être existant et donc consciemment expérimenté, il
se traduit spontanément par un mouvement karmique dans une potentialité illimitée de son
instant. La loi de cause à effet actualise continûment sa réalité par la multiplicité illimitée
de ses causes et effets dans une unique réalité consciemment expérimentée par elle-même.
Tout est là.
Cette réalité de l'absolu n'est pas en dehors de sa propre conscience qu'elle a d'elle-même.
"Ici et maintenant" est l'unique lieu de l'existence et cela équivaut à "partout et toujours".
Là est rien.
Parce que l'instant est intemporel et illimité et que l'unité n'a pas de lieu, de localisation, la
réalité existentielle consciemment expérimentée dans l'instant n'est pas quelque chose,
elle ne se quantifie pas et n'a pas de corps limité ou définissable. "Cela", ce qui est ici et
maintenant, n'est pas défini ou démontrable, il n'est pas quelque chose, il est, simplement.
Le fameux "être ou ne pas être" ne se justifie pas car "être" et "ne pas être" sont
expression d'une même vérité. Ils sont l'un et l'autre "être" car "ne pas être", c'est ne pas
être "quelque chose". (Rigolade ! Ne pas s'attacher à ces conneries philosophiques ! Lol)
Rien est tout.
La fusion de ces quatre premiers principes exprime la vacuité inhérente de ce qui est. Et,
cette vacuité fondamentale s'exprime elle-même par ces principes dans un absolu
consciemment expérimenté, le tout.
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Ces cinq principes ne font qu'un et sont la réalité telle que nous la vivons tous à chaque
instants, qu'on en soit conscient ou non, qu'on s'y éveille ou pas. Finalement il n'est pas
obligatoire de s'éveiller, chacun fait comme il veut mais l'éveil est en lui-même réponse à
la souffrance, son dépassement, et donc si on souhaite transcender notre souffrance ou
encore aider les autres à le faire, il est temps d'avoir une démarche spirituelle en ce sens.
Les enseignements ne sont qu'une invitation compatissante des éveillés aux êtres qu'ils
voient souffrir par simple ignorance de leur propre vérité.
Je suis intimement convaincu qu'un jour, dans 100 ans, dans 1000 ans ou plus, les
mathématiciens ou autres scientifiques seront en mesure de faire la démonstration de ceci:
2=1=0
C'est la forme mathématique de cette trinité; le multiple est la forme de son tout, ce tout
est fondamentalement inexistant, l'inexistence se révèle par sa forme.
Voilà pourquoi aucun Bouddha ne peut décrire concrètement le ZEN par les mots et
pourquoi certaines écoles utilisent les Koans. Zazen est en soi le Koan par excellence, la
dimension implicite par laquelle on peut pénétrer cette vérité mais quand cela est fait,
impossible de la décrire par le verbe. Si cette formule mathématique n'est jamais
démontrable, on peut alors la considérer comme un Koan.
Le ZEN n'est pas quelque chose dans la vie. Maître Deshimaru disait que si ce mot nous
gène, appelons le "La vie" ou autrement. Le ZEN est juste la vie dans toute sa vérité.
Ainsi, il n'est pas du domaine des seuls pratiquants, c'est l'expression de notre réalité à
tous et son nom n'est qu'un mot. Que l'on pratique ou non le ZEN; que l'on soit cartésien,
athé ou spirituel en quelque tradition religieuse que ce soit, la vie est bien la même pour
nous tous et le ZEN c'est ça. Il est important de ne jamais rien dogmatiser car la grande
vérité vraie, celle qui ne peut être défaite, c'est celle où aucune vérité n'est vue comme
immuable ou comme acquise. Quand un Bouddha c'est éveillé, il en oubli même cet éveil
et demeure libre et sans peur. Il ne faut donc dogmatiser ni doctrine, ni concept, ni
pratique. Zazen n'est pas un yoga, ce n'est pas une gymnastique de corps ou d'esprit, c'est
simplement être là, simplement être. Sans chercher quoi que ce soit, sans attendre, sans
interagir, sans vouloir, sans fantasmer, on est simplement conscient d'être sans même
porter de jugement à cela et on oubli même que l'on fait Zazen. Rien ne peut être plus
simple et accessible que l'éveil et pourtant c'est paradoxalement très difficile car si tout
consiste uniquement à s'oublier avec ses habitudes mentales, cet oubli est un grand
plongeon tel un suicide, celui de l'égo. L'enfer et le paradis, Samsara et Nirvana sont bien
tous deux une même réalité ici et maintenant et c'est la vision, l'état d'esprit soit juste soit
non qui nous donne l'expérience de l'un ou de l'autre.
C'est par une vision correcte de la vacuité des phénomènes dualistes et donc de l'unité,
en pleine conscience de la réalité fondamentale de celle-ci dans l'instant et par le
dépassement de soi, que l'on se fond dans l'absolu, que l'on réalise Dieu et qu'ainsi
disparaissent toutes nos peurs dans une béatitude nourrie par cette pratique de
clairvoyance !
33
Petit commentaire
sur un des textes les plus connus
de Maître Dogen
"Étudier la Voie, c'est s'étudier soisoi-même
S'étudier soi
soi-même, c'est s'oublier soisoi-même
S'oublier soisoi-même, c'est être certifié par toutes les existences du cosmos
Être certifié par elles,
elles, c'est se dépouiller de son corps et de son esprit
Se dépouiller ainsi, c'est dépouiller autrui de son propre moi."
Quelque soit la tradition religieuse suivie par affinité ou par culture, l'objectif est bien
de se réaliser soi-même, de réaliser Dieu dans sa propre vie et ainsi savoir d'où nous
venons, qui nous sommes et où nous allons mais surtout comment. Quelques soient les
pratiques relatives à cette tradition que nous exerçons, le but commun est de suivre la Voie
car si nous vivons tous la même réalité, il y a bien une seule Voie unique et commune à
tous malgré les diverses façons de l'appréhender.
La compréhension de cette Voie passe forcément par la compréhension de soi-même
puisque c'est la réalité de notre propre existence qui nous ouvre à celle de la Voie. Donc,
l'étude de la Voie passe naturellement par l'étude de soi-même.
Dieu est par définition souverain du monde, son créateur, il imprègne tout sans
distinction aucune, il est tout, partout et toujours. Pour réaliser la Voie, il ne convient donc
pas d'étudier sa petite personne séparée et séparatrice, l'égo, le petit soi; il convient
d'étudier Dieu, le tout, le grand Soi. Comprendre ce grand Soi passe par l'oubli du petit soi
car c'est en allant au-delà de soi-même qu'on dépasse ses propres vues limitées pour entrer
en clairvoyance dans une réalité bien plus vaste. C'est quand l'égo s'évanoui et que ses
limites sont dépassées que l'étude devient pertinente et objective car elle est celle de la
réalité dans son ensemble et vue par elle-même et non par un mental distinctif aux
habitudes dualistes de jugements discriminants. En oubliant l'illusion égotique d'un soi
propre, on entre dans le vrai Soi illimité et non commencé. Alors l'étude de la Voie devient
concrète et non souillée.
Par le dépouillement de son propre corps/esprit on s'ouvre à la dimension véritable du
corps/esprit universel et omniprésent. L'identification n'est plus tournée vers le petit soi
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mais vers le grand Soi. Le grand Soi est l'ensemble des innombrables petits soi qui
forment communément une unique entité absolue, Soi, Dieu, Cela, ce qui est. Quand
l'oubli de soi est actualisé et que l'identification est tournée vers le tout, chaque
phénomène peut nous le confirmer comme le reflet du sujet dans un miroir. Si je regarde
un arbre je me vois moi-même dans ma nature d'arbre; si je regarde un chat je me vois
moi-même dans ma nature de chat etc… Chaque existence du cosmos nous certifie ainsi
notre nature universelle et absolue car aucune n'est ailleurs que Soi.
Cette expérience de dépouillement et d'unité dépouille également d'elle-même
spontanément chaque existence de son petit soi car la Voie est une. Quand l'arbre me
regarde il se voit lui-même dans sa nature d'homme; quand le chat me regarde il se voit
lui-même dans sa nature d'homme. Ni homme, ni arbre, ni chat; seulement Soi !
L'intellect ne peut par étude philosophique nous amener à cette dimension, c'est par une
intégration directe quand la pratique est juste que l'on peut actualiser ceci dans notre vie.
Zazen est en soi la meilleur porte pour cela bien que non unique et c'est par la vraie
dimension de ce Zazen au-delà même de sa posture que l'être peut connaître par le cœur
cette expérience ultime.
Maître & Disciple
Tout comme pour l'éveil, ce n'est pas parce qu'on cherche un Maître qu'on le trouve
nécessairement. Un véritable Maître lui-même parfaitement éveillé ne se trouve pas à tous
les coins de rues. Il est donc plus sage de chercher un lieu de pratique dans une école
reconnue pour être guidé et encadré par des anciens pratiquants de longue date et ainsi
profiter de leur expérience pour ne pas dériver sans même s'en rendre compte. Dans ces
écoles, des anciens connaissent suffisamment leur sujet pour que vous ayez tout en main
pour réussir; la rencontre avec un véritable Maître est aussi accessoire qu'improbable.
Pourtant, il ne faut pas concevoir ce que doit être un Maître comme par exemple un vieux
avec une longue barbe blanche. Le Maître ne se manifeste pas forcément dans une forme
particulière qui doit être la même pour tous. Celui qui est reconnu comme l'enseignant
principal dans votre école ne sera pas forcément votre Maître. Ce qui fait d'une personne
un Maître n'est pas son statut mais le seul fait qu'il ait un ou des disciples. Tout est dans
l'échange et un simple moine ou même un laïque qui passe le ballet dans le dojo après
Zazen peut être votre Maître sans que vous vous en rendiez compte car le meilleur des
Maîtres est finalement la Sangha dans son ensemble.
Le Maître n'est ni différent ni supérieur à vous, il est en unité la Voie qui se montre à
elle-même. Il ne fera donc que vous inviter comme le doigt qui montre la lune mais c'est
vous qui réaliserez par vous-même. Ainsi, tout peut devenir votre Maître en temps voulu
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selon votre aptitude et votre capacité à voir au travers des choses ce qui vous montre la
Voie. On peut très bien côtoyer un très grand Maître sans rien en tirer et sans même s'en
rendre compte si on n'est pas prêt. Le Maître tentera toujours de parler dans votre langue,
c'est-à-dire en conformité avec votre aptitude et avancement dans la Voie. Il ne faut pas le
mystifier ou le glorifier car il n'est autre que vous-même vous parlant à vous-même.
Finalement, le Bouddha qui enseigne n'est rien de plus que la nature éveillée du profane
qui émerge. C'est quand vous êtes dans l'attention juste que tout peut vous montrer la
Voie, les gens de la Sangha au quotidien dans vos échanges par exemple. Ne sous-estimez
pas le sot car il vous montre la sottise, ne sous-estimez pas l'orgueilleux car il vous montre
l'orgueil.
Le Maître et le disciple ne font qu'un car ils n'existent pas l'un sans l'autre. Ainsi, soyez
attentifs et sans préjugés et laissez vous porter par tout ou tous ceux qui vous guident vers
la réalité. Une seule phrase de ce livre ou d'un autre, une parole dans le Dojo ou ailleurs,
une situation qui se déroule devant vous; tout peut participer à votre éveil et ainsi être
votre Maître.
Si toute fois vous rencontrez un Maître, laissez vous porter par ses paroles et actions
sans préjugés et comprenez par la dimension de Zazen cette réalité présente qu'il vous
montre subtilement mais ne prenez rien à la lettre, vérifiez le par vous-même.
Si votre aptitude est suffisante et que le Maître se montre suffisamment perspicace pour
vous mener à votre propre éveil, alors le Maître et le disciple disparaissent.
Si un homme est suivi par une masse de gens, on peut en conclure qu'il est un bon
Maître puisqu'aprécié mais comme il arrive que naissent ainsi des sectes présumées
dangereuses, il faut faire preuve de discernement et vérifier par soi-même et par
expérience ses enseignements car des foules peuvent suivrent des cons, ça arrive.
Ce n'est donc ni dans l'image ni dans la popularité d'un enseignant que l'on reconnaît un
Maître mais dans la pertinence de ses paroles et actions pour vous montrer le chemin. Ce
n'est pas écrit sur le front d'un Bouddha qu'il est éveillé, ainsi, vous comprendrez avoir
rencontré un Maître qu'après qu'il vous ait montré la Voie et donc il est inutile de le
chercher volontairement avant ça car votre jugement personnel peut vous conduire dans
l'erreur. Plutôt que de chercher consciemment un homme sage, soyez dans un lâché prise
total et il se révélera de lui-même si l'occasion vous en est donnée.
Tout comme l'éveil se fait ici et maintenant et qu'il n'y a pas besoin de cumuler des
années de mérites pour aboutir, la relation Maître/disciple ne dure que le temps de
l'ignorance du disciple mais si celui-ci s'éveil tout de suite, alors ne reste qu'une bonne
relation amicale ou fraternelle dans la Sangha.
Sakyamuni pratiqua avec plusieurs Maîtres avant de finalement intégrer la Voie que par
lui-même.
Un Maître n'est rien d'autre qu'un Bodhisattva qui tente de montrer la Voie par
compassion à ses proches car je pense qu'il faut avant tout être Bouddha pour être un
authentique Bodhisattva.
36
Le Sutra du Cœur
Le Bodhisattva de la vraie liberté par la pratique profonde de la Grande
Sagesse, comprend que le corps et les
les cinq scandas ( sensation, perception,
pensée, activité, conscience ) ne sont que vacuité Ku, et par cette
compréhension, il aide
aide tous ceux qui souffrent.
Ô Sariputra, les phénomènes ne sont pas différents de Ku, Ku n'est pas
différent des phénomènes. Les phénomènes deviennent Ku, Ku devient
phénomène ( la forme est le vide, le vide est la forme ), les cinq scandas sont
phénomènes également.
Ô Sariputra, toute existence a le caractère de Ku, il n'y a ni naissance, ni
commencement, ni pureté, ni souillure, ni croissance, ni décroissance.
C'est pourquoi, dans Ku, il n'y a ni forme, ni scanda, ni œil, ni oreille, ni nez, ni
langue, ni corps, ni conscience; il n'y a ni couleur, ni son, ni odeur, ni goût, ni
toucher, ni objet de pensée; il n'y a ni savoir, ni ignorance,
ignorance, ni illusion, ni
cessation de l'illusion; ni déclin, ni mort, ni fin du déclin, ni cessation de la
souffrance, il n'y a pas de connaissance, ni profit, ni nonnon-profit.
Pour le Bodhisattva, grâce à cette Sagesse qui conduit auau-delà, il n'existe ni
peur ni crainte. Toute illusion et attachement sont éloignés et il peut saisir la
fin ultime de la vie, le Nirvana.
Tous les Bouddhas
Bouddhas du passé, du présent, du futur peuvent atteindre à la
compréhension de cette Suprême Sagesse qui délivre de la souffrance, et permet
de trouver la Réalité. Cette incantation ( Mantra ), incomparable et sans pareil,
se dit :
"Aller, aller, aller ensemble
ensemble auau-delà du parpar-delà sur la rive du Satori"
(sur l'autre rive)
"Gya tei Gya tei - Ha ra gya tei - Hara so gya tei - Bo ji - So wa ka"
37
Tout le courant du Mahayana repose sur une pensée construite et détaillée par de très
nombreux Sutras qui pour certains sont l'exposé de la doctrine orale de Sakyamuni et pour
d'autres, des compléments ou certifications données par d'autres Bouddhas ultérieurs, les
grands Maîtres transmetteurs de la tradition par la lignée. Parmi ces nombreux Sutras,
certains ressortent comme les principaux tant ils sont suivi et servent de base à de
nombreuses grandes écoles ou lignées. :
Le Sutra de la guirlande de fleurs
Le Sutra de la Sagesse
Le Sutra du Cœur
Le Sutra du Diamant
Le Lankavatara Sutra
Le Sutra du Nirvana
Le Sutra du Lotus
en sont des plus connus.
Comme en finalité ils expriment tous de manières différentes une même pensée, on dit
que connaître un seul Sutra est amplement suffisant et même une seule phrase d'un seul de
ces Sutras peut suffire à éveiller celui qui l'entend.
Le Sutra du Cœur est particulièrement apprécié car il est un des plus courts et des plus
directs. Il est un énoncé de cette non substantialité des phénomènes, Ku (vacuité), qui se
dévoile par l'absolu et qui, en étant reconnue, est la Suprême libération des illusions
dualistes et des souffrances qui s'y rattachent. Tout ce livre tente finalement d'expliquer ce
seul Sutra qui est à mon sens et comme son nom l'indique, le cœur du ZEN.
Le Bodhisattva
Bodhisattva de la vraie liberté par la pratique profonde de la Grande
sensation,
on, perception,
Sagesse, comprend que le corps et les cinq scandas ( sensati
pensée, activité, conscience ) ne sont que vacuité Ku, et par cette
compréhension, il aide tous ceux qui souffrent.
souffrent.
Les cinq principes qui animent l'individualité dans une vue dualiste sont la sensation
des cinq sens du corps, les perceptions qui se rattachent à ces sens, la pensée qui est
l'interprétation égotique de tout cela, l'activité ou l'action de l'égo suite à ses perceptions
et interprétations, et la conscience qui est par tout ce processus ce sentiment
d'individualité séparée et autonome. Ces cinq principes sont par nature sans substance
propre car ils n'apparaissent de façon combinée que par conditionnement karmique ou
causale et sont de par cette causalité changeante, éphémères, impermanents et en totale
interdépendance avec l'environnement. Cette habitude de fonctionnement donne l'illusion
d'un soi propre, individuel et personnel au milieu d'un environnement séparé et toutes les
afflictions et diverses souffrances viennent de là. Ainsi, le Bodhisattva étant clairvoyant
sur cette nature illusoire des cinq scandas et des multiples souffrances qui en découlent,
n'a de cesse d'aider tous les êtres encore enchaînés dans cette dualité, le Samsara.
38
Ô Sariputra, les phénomènes ne sont pas différents de Ku, Ku n'est pas
différent des phénomènes. Les phénomènes deviennent Ku, Ku devient
phénomène ( la forme est le vide, le vide est la forme ), les cinq scandas sont
phénomènes également.
Avant que vos parents se rencontrent, vous n'étiez absolument rien; quand votre corps
sera totalement décomposé dans votre tombe, vous ne serez toujours qu'absolument rien.
Ce n'est que par tout un conditionnement de multiples facteurs que venu de rien et allant à
rien, vous apparaissez tel que conditionné et changeant pour disparaître de la même façon.
Ainsi votre vraie nature est Ku car vous jaillissez karmiquement pour vous évanouir. Il en
est de même pour absolument tous les phénomènes de l'univers; tout ce qui est apparu l'a
été par conditionnement de multiples causes à effets et disparaîtra par le même principe.
Tout est en naissance, devenir et disparition mais c'est bien de ce "Tout" dont on parle,
cette nature fondamentale constante et commune comme une matrice universelle, Ku, la
vacuité primordiale d'où tout arrive, demeure et disparaît. Par impermanence et
interdépendance les phénomènes sont vides de nature propre et ne sont que l'apparence
conditionnée de la vacuité dans l'instant, ils en sont sa forme. De la sorte, la vacuité se
révèle par sa forme changeante et cette forme se révèle par sa nature intrinsèquement vide
et immuable.
La compréhension de la vacuité inhérente en toute chose n'est en rien du nihilisme
puisque celle-ci n'existe donc que par sa forme et c'est cette unité "forme vide" qui est
l'existence comme nous l'expérimentons.
Ô Sariputra, toute existence a le caractère de Ku, il n'y a ni naissance, ni
commencement, ni pureté,
pureté, ni souillure, ni croissance, ni décroissance.
Quand on saisi cette vérité de la "forme vide" par la compréhension de l'impermanence
et de l'interdépendance des phénomènes, on perçoit que tous ces phénomènes
illusoirement dualistes sont l'expression d'un tout, d'un absolu, l'unité. La forme ne se
différencie pas de sa nature vide et le vide ne se distingue pas de son apparence, la forme.
Dans cette parfaite unité, rien n'est commencé comme rien n'est fini car tout n'étant que
changement constant, il n'y a pas naissance ou mort, simplement transformation. L'absolu
englobant tout, plus rien n'est soit faux soit vrai, pureté ou souillure; tout est cela, à la fois
illusion et connaissance, Samsara et Nirvana. De ce fait, Sakyamuni montre l'universalité
de cet absolu par une suite de vérités inséparables comme : ni pureté ni souillure, ni
croissance ni décroissance, ni souffrance ni fin de la souffrance etc.… La vérité contient
simultanément la "non-existence" et la non "non-existence". Elle est au-delà des principes
Ying-Yang. Ceci montre que la nature primordiale du mouvement, du changement, est
39
sans mouvement aucun, parfaite immobilité ou immuabilité.
C'est pourquoi, dans Ku, il n'y a ni forme, ni scanda, ni œil, ni oreille, ni nez, ni
langue, ni corps, ni conscience; il n'y a ni couleur, ni son, ni odeur, ni goût, ni
toucher, ni objet de pensée; il n'y a ni savoir, ni ignorance, ni illusion, ni
cessation de l'illusion; ni déclin, ni mort, ni fin du déclin, ni cessation de la
souffrance, il n'y a pas de connaissance, ni profit,
profit, ni nonnon-profit.
Le Bouddha ne dit donc pas que rien n'existe, il dit que tout est à la fois existant et nonexistant (la forme est vide et le vide est forme).
Ni œil ni couleur; ni oreille ni son; ni nez ni odeur; ni langue ni goût; ni corps ni
toucher; ni conscience ni objet de pensée : On comprend ici la relation subjective entre les
sens qui perçoivent et les objets de perception. La couleur est couleur car l'œil la voit
ainsi, le son est son car l'oreille l'entend ainsi, l'odeur est odeur car le nez la sent ainsi
etc.… Aucune séparation entre ce qui est perçu et ce qui perçoit, tout est Un, tout est de
nature Ku !
La dernière partie indique que ultimement il n'y a ni illusion ni cessation de celle-ci, ni
ignorance ni connaissance. On dit que l'éveil prend racine dans les illusions comme la
pureté du lotus émerge de la boue. La Grande Sagesse ne se fait pas en défaisant ou
dénigrant une pseudo impureté pour atteindre à la pureté; elle est au-delà du par-delà où il
n'y a plus ni profane ni éveillé. Rien n'est perdu, tout est seulement transcendé par cette
connaissance de Ku qui imprègne tout. J'aime à dire comme image que quand le profane a
mal aux dents, il a simplement mal aux dents, alors que quand le Bouddha a mal aux
dents, il sait qu'il a mal aux dents, et cela fait toute la différence. Dans l'unité vide, rien
n'est qualifié ou quantifié; il n'y a pas "ceci" et "cela", il y a "ni ceci" "ni non ceci" et "ni
cela" "ni non cela". Par la vraie dimension de Zazen on peut expérimenter concrètement
cela mais ce n'est pas par la lecture du texte que vous pouvez comprendre
intellectuellement.
Le ZEN ne doit pas être une "idée" mais un vécu !
Pour le Bodhisattva, grâce à cette Sagesse qui conduit auau-delà, il n'existe ni
peur ni crainte. Toute
Toute illusion et attachement sont éloignés et il peut saisir la
fin ultime de la vie, le Nirvana.
40
L'intégration par expérience de cette ultime réalité est en soit la parfaite libération
transcendante qui conduit à la non peur et à un état de sérénité indéfinissable. Voir la non
naissance, le non commencement, la non fin, éloigne toute crainte, toute anxiété. Le
Bouddha, ayant atteint la fin ultime de la vie, de l'existence, demeure paisible au-delà des
entraves d'attachement et illusions dualistes et réalise ainsi la plénitude, le Nirvana.
Tous les Bouddhas du
du passé, du présent, du futur peuvent atteindre à la
permet
met
compréhension de cette Suprême Sagesse qui délivre de la souffrance, et per
de trouver la Réalité.
Il est dit plus haut: "ni cessation de la souffrance"; cela montre bien que le Nirvana n'est
pas en dehors du Samsara mais qu'il est juste un autre aspect d'une même réalité. La
délivrance n'est donc qu'un dépassement (transcendance) et non une destruction. La
quatrième noble vérité du premier sermon de Sakyamuni, "l'octuple juste sentier qui
délivre de la souffrance", n'enlève en rien la véracité de la première noble vérité, "la
souffrance est liée à l'existence". La souffrance est le lot des cinq scandas mais quand
ceux-ci sont vus justement et sont dépassés, la souffrance elle-même est dépassée. Quand
le profane tombe malade, il se sent victime du virus qui l'attaque mais le Bouddha sait
quand à lui que si le corps est malade, le virus se porte quand à lui fort bien ! Dans l'oubli
de soi, tout devient Soi et ainsi la souffrance n'est plus "souffrance". Quand un parasite
fait mourir doucement l'arbre qu'il habite, qui est gentil, qui est méchant ? Qui a le droit
de vivre, qui ne l'a pas ? Quand le chat tue la sourie, qui est gentil et qui est méchant ?
Simplement, qui est qui ?
La compréhension de cette Suprême Sagesse est ici le médicament qui efface toutes ces
vues illusoires, sources de souffrances et conflits subjectifs.
Cette incantation ( Mantra ), incomparable et sans pareil, se dit :
"Aller, aller, aller ensemble auau-delà du parpar-delà
delà sur la rive du Satori"
(sur l'autre rive)
"Gya tei Gya tei - Ha ra gya tei - Hara so gya tei - Bo ji - So wa ka"
Au-delà du par-delà implique un réel lâcher prise des vues mentales où les idées et
concepts n'entachent plus la réalité. C'est dans la perte qu'on atteint l'éveil, la perte des
voiles qui estompent la réalité; c'est revenir ! Aller au-delà des apparences trompeuses et
pénétrer la source pure par-delà la forme. L'autre rive est comme l'autre vue, l'autre
41
compréhension. Le Satori ne peut être décrit même par un volume de 500 pages, c'est
quand ce Sutra du Cœur est pleinement saisi et vérifié par expérience et s'en oubli de luimême qu'il est atteint. C'est l'éveil, la prise de conscience suprême, l'émergence du silence
originel. Le Satori est le mot japonais pour désigner c'est état ultime. On dit qu'on ne peut
le chercher, il jaillie quand on est sur l'autre rive, au-delà du par-delà.
Je dirais que :
Quelque soit l'enseignement, le Sutra; l'important n'est pas de réciter, d'apprendre par
cœur mais c'est de vérifier par expérience; ce n'est pas de savoir l'enseignement mais de le
vivre, de le réaliser.
Inutile de réciter un Mantra durant des heures si on fait le con le reste du temps; il faut
laisser le Mantra entrer et vivre en soi dans chacune des actions.
Inutile de s'assoire en Zazen pour trouver quelque chose, tout est déjà là !
Inutile de faire 300 prosternations si tout le cœur est mi dans un simple Gasho (joindre
les mains devant le torse, signe d'unité, de compassion et humilité).
Inutile de pratiquer quoi que ce soit si on ne s'éveil pas !
Toutes les pratiques : prières, récitation de Mantras, lecture des Sutras, prosternations,
cérémonies, méditation, faire Zazen; ne sont pas des mérites et ne sont que des formes
dogmatiques de la pratique. Manger un bout de pain est la pratique, faire ses besoins est la
pratique, respirer est la pratique, tout est pratique; pas besoin de la formater mais juste
aller sur l'autre rive et y demeurer. La pratique c'est cette stance de Dogen citée plus haut,
c'est aller au-delà de soi-même et pénétrer profondément ce Sutra du cœur. La pratique
c'est donner à l'égo la liberté de réaliser sa véritable nature profonde, c'est actualiser l'éveil
à chaque instant par le dépassement constant de soi. Ce n'est pas adopter un
comportement spécifique de 9h à 10h du matin et de 18h à 19h le soir. C'est déjà être en
train de faire Zazen avant d'entrer dans le Dojo et avant de s'assoire, c'est de continuer
après s'être levé et être sorti du Dojo. C'est simplement regarder dans la clarté, c'est suivre
l'octuple juste sentier à tous les instants. La pratique c'est s'éveiller !
Un jour quand j'étais au temple de la Gendronnière, au cours d'un Mondo
(questions/réponses entre Maître et disciple dans le Dojo), un pratiquant demanda au
Godo (enseignant qui dirige le Zazen) :
"Qu'est-ce que cela implique si une personne détruit un Kesa ? (habit traditionnel du
moine)
Le Kesa étant le vêtement traditionnel du moine qu'il reçoit au cours de son ordination
est hautement symbolique et respecté, je me suis fait réprimander un jour que je fumais
une cigarette en le portant. Le Godo expliqua que bien que cet habit soit porteur de grande
signification, il n'en reste pas moins un simple bout de tissus !
Il en est de même pour la pratique, inutile de vénérer un Sutra ou un Mantra, inutile de
dire comme dans tous les livres sur le sujet que Zazen est le ZEN. Il vaut mieux brûler un
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Sutra et l'avoir saisi que de se prosterner devant sans le comprendre ! Il vaut mieux ne
jamais avoir fait Zazen de sa vie et s'éveiller que de faire Zazen 10 heures par jour sans
rien piger !
Tout ceci non pas pour dénigrer les formes diverses de pratique que je respecte mais
simplement pour les démystifier car c'est dans le détachement que réside la pratique
véritable. Entrer véritablement dans la pratique authentique, c'est se libérer de toute "idée
de pratique" au sens méritoire ! Si Dieu vous aime, ce n'est pas parce que vous vous
soumettez mais parce que vous vous unifiez. Soyez simplement de tout cœur dans
l'intention juste car c'est la juste vue et la juste intention dans la pratique qui fait sa force
et non l'application à une pratique irréprochable dans sa forme. C'est quand le sens
profond de la pratique est saisi que celle-ci est pertinente et efficace car on ne pratique pas
pour quelque chose mais simplement on pratique. La grandeur de Zazen réside dans le fait
d'être simplement là, assis, immobile, et c'est tout, rien à ajouter ou à trouver. La vérité est
déjà ici et ne demande qu'à être reconnue dans le relâchement. Soyez comme l'arbre qui ne
cherche pas à être quoi que ce soit, qui n'attend rien, qui n'a même pas l'idée de l'arbre et
qui simplement est. Soyez simplement vous, sans objectif ni attente, sans même l'idée de
vous et demeurez, regardez, voyez, constatez. C'est quand cette douce dimension
profonde de la vraie pratique est atteinte que enfin vous pouvez véritablement réciter un
Mantra, vous prosterner ou faire Zazen ! Pour trouver ce relâchement dans un premier
temps, on peut se dire par exemple que ce n'est pas soi qui récite le Mantra mais que c'est
le Mantra qui se récite lui-même par notre bouche, que ce n'est pas soi qui se prosterne
mais que cette révérence s'anime d'elle-même au travers de notre corps, que ce n'est pas
soi qui fait Zazen mais que Zazen se fait lui-même au travers de notre assise.
C'est parce que le zen n'est ni ailleurs ni différent de notre vie qu'il n'a rien de mystique
et qu'il n'est pas à mériter par une pseudo pratique dogmatique suivie par culture ou
protocole. Tous les sages se sont réalisés généralement en se détachant des règles de leur
pratique religieuse initiale; Sakyamuni en se distinguant des principes hindouistes et Jésus
des principes judaïstes. Une doctrine et ses pratiques ne peuvent être suivies et respectées
profondément que si elles sont vérifiées par expérience et transcendées par détachement.
La véritable pratique n'est finalement comprise que par les Bouddhas, elle est sans forme
ni dogme, libre et sans autre vocation que d'actualiser l'éveil dans son état du moment. Ne
vous appliquez pas à une pratique particulière mais pratiquez une réelle application dans
votre existence avec justesse et simplicité, humilité et détachement, compassion et
attention.
Vous n'êtes ce que vous êtes que par conditionnement karmique; dépassez votre
perception de vous-même et entretenez la vision de votre véritable nature illimitée,
unitaire et absolue en reconnaissant toute chose comme votre image véritable de chaque
instant. Ainsi, percevez par intuition l'immobilité dans le mouvement, le néant dans le tout
et la grâce dans toute cette conscientisation.
43
Poème :
Doux son silencieux
D'une douce brise printanière danse doucement la feuille arrachée à l'arbre
pour délicatement
délicatement se poser sur une herbe encore alourdie par la rosée matinale
qui lentement s'évanouie sous les premiers feux du soleil embellissant
embellissant de sa
lumière le flan abrupte de la montagne couronnée d'un blanc étincelant.
Dans un sommeil encore présent, accompagné de
de mes amis de foi, je vais d'un
doux pas jusqu'au Dojo pour m'y assoire alors que d'un coup vif sonne la cloche
qui jamais ne dérange
dérange ni la feuille ni l'arbre ni l'herbe ni la rosée ni le soleil ni la
montagne ni la neige, et dans ce doux silence j'émerge alors de mon sommeil.
Politiquement ZEN
Depuis longtemps, l'être humain se considère comme une espèce nettement supérieure
et en oubli même qu'il est pourtant lui aussi une des nombreuses espèces animales
terrestres. Cette pseudo supériorité se révèle par son intelligence et son géni dans toute la
croissance technologique qu'il élabore afin de s'adapter au mieux à son environnement.
On peut considérer cependant que toute cette évolution technique n'a toujours fait que
répondre à son inaptitude fondamentale à évoluer dans cet environnement; il s'habille et
construit des logis pour se protéger alors que d'autres espèces se satisfont de leur simple
pelage. Les animaux sont, de par leur évolution, naturellement adaptés à leur
environnement et peuvent vivre des simples attributs de leurs corps alors que l'homme a
toujours du, pour compenser son inadaptation inhérente, élaborer une panoplie
d'alternatives technologiques pour supporter l'environnement. Depuis des millions
d'années et par causes à effets, le principe de l'évolution a fait que les animaux ont
spontanément suivi l'évolution environnementale alors que l'homme s'est toujours débattu
pour sa pérennité en inventant d'incessantes alternatives matérielles. Cette analyse n'est
qu'un constat et il n'y a à priori rien de grave là-dedans, l'évolution humaine est une
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évolution comme une autre. Toutefois, le gros problème commence dans le fait que
l'homme n'a jamais su s'arrêter à une croissance technique répondant simplement à ses
besoins mais l'a constamment étendue à ses désirs, ses ambitions, son avidité dans un
profit illimité et nuisible. Toutes les conséquences de ce profit que nous connaissons,
comme par exemple la pollution, montrent bien que si l'homme fait effectivement preuve
d'une grande intelligence, il n'a pas la sagesse suffisante pour gérer son propre géni et les
fruits de celui-ci. Ainsi, quand par ce manque de sagesse il devient néfaste à son propre
environnement, il dégrade aussi par égoïsme et par bêtise tout l'environnement des autres
espèces animales pendant qu'elles sont quand à elles, en parfaite harmonie. Où se trouve
dont cette fameuse supériorité de l'homme quand on sait qu'il est pratiquement le seul à
désagréger son propre monde par simple profit égotique ? Il y a pire encore; dans sa
propre espèce, l'homme n'arrive pas à être juste avec lui-même et s'adonne à tous les plus
bas instincts en s'entretuant, en faisant des guerres, des génocides, en élaborant des armes
des plus violentes comme les armes nucléaires ou bactériologiques. Il se construit dans la
loi du plus fort où pendant que certains s'enrichissent, d'autres meurent de faim. L'homme
est donc bien un animal comme les autres et même pire encore puisque plus nuisible !
L'homme fut un cueilleur chasseur qui ne satisfaisait que ses besoins, puis il devint
agriculteur éleveur en se sédentarisant et entra dans l'ère du profit en dépassant ses
simples besoins pour cumuler et s'enrichir; de là viennent tous les maux de l'humanité.
L'homme repose son bonheur sur l'aisance matérielle et la satisfaction de ses désirs les
plus vils. Pourtant, des gens riches et jouissant de bonne popularité se suicident devant la
dépression et la perte. L'être humain poursuit un bonheur totalement conditionné et
souffre ainsi de l'impermanence de celui-ci qui fluctue selon ses conditions changeantes.
Les objets de bonheur auxquels nous nous accrochons sans cesse sont comme tous
phénomènes, changeants et fugaces. Nous prenons donc constamment le risque d'être, par
avidité, nuisibles à autrui pour un bonheur foncièrement illusoire. Les vrais objets de
bonheur ne se réduisent pourtant qu'à sept points essentiels qui sont :
-Respirer
-Manger
-Boire
-Déféquer
-Uriner
-Dormir
-Assurer la survie de l'espèce par la sexualité
En y réfléchissant bien, on constate que ces sept facteurs suffisent pour ne pas être
malheureux ou en manque. Tout le reste n'est que futilité répondant à un sur-besoin ou un
désir animé par l'égo et qui par nature n'est jamais satisfait !
Concrètement parlant, même si on n'adhère pas au ZEN dans sa forme philosophique ou
spirituelle, on peut accepter au sens le plus cartésien soit-il, le fait que sa doctrine est une
solution pratique et durable pour l'avenir. Par cette vision d'unité et donc de non
supériorité de quoi que ce soit, le comportement humain ne peut que virer vers plus
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d'égalité, d'écologie et d'économie. Comme tout est interdépendant et indispensable à une
même réalité, tout doit être reconnu égal et précieux !
Il est temps aujourd'hui pour l'homme, s'il souhaite transmettre un monde agréable et
accueillant à sa descendance, de freiner ses lourds désirs superflus et ainsi réduire sa
surconsommation polluante qui n'est pas, par surcroît, équitablement partagée. L'homme
s'est enchaîné dans un processus de croissance économique d'hyper consommation par
seule ambition de profit sans pour autant en gérer les lourdes conséquences néfastes aussi
pour lui-même. Si nous voulons réellement nous différencier des autres animaux, il est
temps d'atteindre à la sagesse par un esprit de communautarisme avec partage des
ressources et préservation de l'environnement en réduisant le profit, le capitalisme,
l'individualisme et le nationalisme. Si jusqu'ici nous inventions par dualité de multiples et
différentes valeurs aux choses, il faut désormais comprendre par l'unité que la seule valeur
qui soit, c'est la vie ! Pourquoi, pendant que juste à coté un homme a faim, une dame
porterait une fortune à son cou alors qu'en vérité ce joyau n'est qu'un caillou ? Pourquoi
pendant qu'un homme loue tout un étage dans un palace, un autre dort sous la pluie ?
L'opulence et la misère ne sont pas indépendantes l'une de l'autre; rappelons nous cette
fameuse voie du milieu ! Ainsi, avec cette sagesse du ZEN qui entrevoit l'unité dans le
multiple, les valeurs données illusoirement aux choses tombent et la compassion émerge;
alors le don vient remplacer l'avidité pour un bien universel. Pratiquer le don est d'une
ultra simplicité car il suffit pour cela de simplement moins prendre ! Tout est là ! Ne
prendre que ce dont on a besoin sans s'égarer dans le superflu égoïste participe
naturellement au partage commun. Donner, ou moins prendre, est en soi la pratique de la
voie car moins prendre, c'est s'oublier un peu soi-même par offrande au tout. Pour le
Bouddha, dans l'unité de son Nirvana, moins prendre c'est se respecter soi-même par
offrande de soi à soi ! Là est la réelle dimension de l'écologie, de l'économie juste et de
l'harmonie.
Toute cette idéologie n'est en rien une utopie car sachant que tout n'est que cause à
effet, tout le pouvoir est entre nos mains ! En changeant de comportement nous changeons
les causes et nous en connaissons ainsi les effets associés. Créer un monde meilleur est de
notre ressort en s'appliquant enfin à harmoniser sagesse et intelligence pour que l'une
serve l'autre !
46
9.
Notions supplémentaires
Voici d'autres notions importantes du Bouddhisme ou du ZEN présentées toujours selon
ma propre expérience.
Bodhisattva
Être d'éveil. Celui qui comprenant la douleur des êtres et son mécanisme, ayant réalisé
lui-même le dépassement ou la libération, ou même sachant simplement que cela est
possible; n'a d'autre objectif que d'aider inlassablement ces êtres pour les conduire au
Nirvana par pure compassion.
Compassion
La compassion ne doit pas être vue comme de la pitié envers son prochain de façon
dualiste mais comme un large amour inconditionné envers soi-même quand tout est unifié.
Guru
Trop souvent en occident on perçoit quelque chose de péjoratif dans ce mot à cause des
diverses sectes présumées dangereuses mais ce mot signifie simplement et littéralement
"Maître" ou "guide".
Koan
Apprécié surtout dans l'école Rinzaï du ZEN, le Koan est une énigme paradoxale
pouvant se présenter sous diverses formes et qui, ne pouvant être résolue mentalement, est
sensée provoquer une compréhension spontanée par la seule intuition du disciple.
Exemple : "Si vous avez un bâton, je vous en donnerais un; si vous n'en avez pas, je
vous l'ôterais !".
47
OM
Le Öm est le son originel, expression de sa propre nature silencieuse, il défini l'unité
absolue du monde matériel et spirituel; c'est l'expression du Tao, l'origine fondamentale
au-delà même des dualités Ying/Yang.
Paramita
Ou "Perfection". C'est le domaine de la pratique des Bouddhas et Bodhisattvas qui se
traduit en six voies :
Le don, l'observation des préceptes, la patience, l'assiduité, la méditation et l'obtention
de la Sagesse.
Samu
L'autre aspect fondamental de la pratique zen, il est la continuation constante de l'esprit
de Zazen dans tous les gestes de la vie quotidienne. C'est le temps de travail en commun
pour les besoins quotidiens de la Sangha avec cet esprit constant de pleine conscience
comme durant l'assise de Zazen.
Satori
L'éveil parfait dans l'instant, la conscience originelle et spontanée, la connaissance sans
pareil du véritable aspect des choses. On dit que c'est l'état conscient avant que les
montagnes ne s'appellent montagnes, les rivières, rivières …
Sakyamuni
C'est le nom qui fut donné au Bouddha historique et qui signifie "le sage des Sakyas",
les Sakyas étant son clan. Son véritable nom est "Siddhârta Gautama".
48
Note finale :
Le ZEN n'est pas inabordable ou lointain puisqu'il n'est rien d'autre que l'existence telle
qu'elle est en son état. Il n'y a ni mysticisme ni ésotérisme dans sa pratique qui ne
demande ni croissance ni acquisition mais un simple retour, une reconnaissance de la
nature fondamentale et originelle de "ce qui est", universellement en vérité pour tout et
pour tous. S'oublier un peu, abandonner doucement les vues dualistes de l'égo pour
réaliser la dimension plus essentielle et plus profonde de l'unité, de l'absolu, Dieu; telle est
la simple attitude juste qui conduit au-delà de la souffrance par une parfaite
compréhension intuitive de l'existence et de la nature fondamentalement vide et unifiée
des phénomènes qui lui donnent corps.
Dans le détachement de soi s'actualise l'intégration en tout et ainsi la peur tombe au
bénéfice d'une douce sérénité par cette expérience directe et vécue du non commencé ou
non né, grâce à cette nouvelle habitude de non jugement, sans concept ni idée
discriminante. Alors, des illusions provient la connaissance et par cet éveil à la réalité
ultime, le sage est à présent libre et bienveillant.
L'homme qui atteint cette suprême dimension cherche alors à rester toujours juste et
s'offre au monde par pure compassion envers lui-même devenu Un et œuvre ainsi à
l'égalité et à l'écologie dans une politique de non-profit mais de soulagement pour tous et
toutes.
Quand tous les êtres de tous les mondes connaîtront ce Nirvana, alors ce Paradis promis
sera l'unique Vérité accomplie et les Boddhisattvas pourrons enfin se reposer !
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Note au lecteur :
*A la relecture de cet ouvrage, je constate aisément que mes propos peuvent me
montrer d'une grande suffisance et d'une grande prétention mais ma seule ambition est ici
de peut être aider ne serait-ce qu'une seule personne qui trouverait dans ce livre un début
de réponse à ses attentes ou souffrances.
*Il est potentiellement possible que toute l'idée présentée dans ce livre soit une totale
erreur mais il est aussi possible, si c'est le cas, que depuis cette erreur la vérité soit trouvée
par un lecteur se sentant interpellé par le sujet.
Je dirais donc comme le Bouddha historique le répétait toujours :
"Ne croyez jamais en ce que je dis mais vérifiez le par vous-même !"
*Comme l'affinité au Bouddhisme de l'école ZEN Soto est constante, je présente
préalablement à ses pratiquants mes sincères excuses si ils devaient se sentir offensés par
des propos divergents de la pensée traditionnelle.
*Si cet ouvrage devait se voir publié et s'il devait me rapporter quelques droits d'auteur,
ceux-ci seront alors intégralement redistribués soit à des œuvres caritatives soit à des
centres bouddhistes afin de légitimer mon propos.
Bonne pratique dans la Voie et éveil à tous…
À ma maman et à Kadija…
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A voir & A lire
Voici ci-dessous mes quelques recommandations de lecture et de films à voir :
-Lecture
"Aux sources du ZEN"
De Albert Low . Je ne l'ai plus sous la main mais il me semble que c'est chez Albin
Michel.
Un fin commentaire des principaux Sutras du Mahayana d'où ressort toute la pensée
ZEN. Tout y est, de parfait débutant à Bouddha confirmé ! Quand vous avez lu ce petit
livre de poche, vous avez lu toute la littérature bouddhique.
-Films
"Little Buddha"
De Bernardo Bertolucci .
Un Lama tibétain, reconnaissant en un jeune garçon américain la possible réincarnation
de son Maître décédé, l'initie au Bouddhisme en lui racontant l'histoire du prince
Siddhärtha, le Bouddha historique. Entre passé et présent, une présentation de la vie du
Bouddha et de sa démarche dans des décors somptueux avec des acteurs à la hauteur de
cette fresque envoûtante.
"Printemps, été, automne, hiver…et printemps"
De Kim Ki-Duk . En VO, coréen mais peu de dialogues.
En Corée, suivant les saisons, une intime relation entre un Maître et son disciple en
solitude dans un petit temple posé au centre d'un lac, et, toute l'évolution du jeune disciple
de l'innocence aux passions et des passions à la sagesse. Un phénomène, très beau est très
épuré dans une vérité qui interpelle et qui montre bien le fonctionnement illusoire des
passions et son dépassement. Ainsi le jeune disciple deviendra Maître à son tour.
"Baraka"
De Ron Fricke .
Ni scénario ni acteurs ni dialogues, sans non plus être un documentaire, ce film est une
succession d'images somptueuses tournées dans le monde entier et soutenues par
d'envoûtantes musiques. Une vue complète du monde et de l'humanité dans tout ce qu'elle
a de bon et de mauvais. Chacun y verra le message qu'il veut. Spectaculaire et très
spirituel !
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