SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE EN BIOLOGIE ET BIOTECHNOLOGIE Mars 2013 LES MECANISMES IMMUNITAIRES DE LUTTE CONTRE L’INFECTION HEPATIQUE PAR LE VIRUS DE L’HEPATITE MURINE DE TYPE 3 Par Marie-Charlotte Manus MASTER 2 BIOLOGIE GESTION, UNIVERSITE DE RENNES 1, UFR SCIENCES DE LA VIE ET DE L’ENVIRONNEMENT Tuteur : Claire Piquet-Pellorce M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 1 Remerciements Je tiens à remercier Mme Claire Piquet-Pellorce, Maître de Conférences à l’Université de Rennes1, pour son aide et ses conseils pour la rédaction de cette synthèse bibliographique. «Le tuteur chercheur a pour rôle de conseiller l'étudiant, l'orienter dans ses recherches bibliographiques, l'aider à comprendre les articles, en faire une synthèse de manière logique et rigoureuse. Il ne peut vérifier toutes les citations et interprétations de l'étudiant. Il ne peut donc s'engager vis à vis d'éventuelles erreurs ». M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 2 Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus de l’hépatite murine de type 3 M.C. Manus Master Biologie, Gestion et Marketing – Université de Rennes I Résumé Le modèle de l’hépatite murine induite par le virus de l’hépatite murine de type 3 (MHV3) permet d’étudier les causes d’une réponse inflammatoire anormale, ainsi que les mécanismes immunitaires activés en réponse à l’infection. L’infection hépatique provoque rapidement le recrutement et l’activation des cellules associées à la réponse immunitaire innée, les cellules dendritiques, les cellules endothéliales sinusoïdales, les cellules de Kupffer, les cellules tueuses naturelles (NK), les neutrophiles, ainsi que la sécrétion de chémokines et de cytokines pro-inflammatoires. La rupture de l’état de tolérance hépatique accompagnée de la réponse inflammatoire permet l’activation des cellules de l’immunité spécifique ou adaptative, les lymphocytes. La réponse immunitaire spécifique de type Th1 confère aux souris infectées par le virus MHV3 une résistance à l’infection, contrairement à la réponse immunitaire spécifique de type Th2. Sommaire Introduction................................................................................................................................................... 3 I. Le virus de l’hépatite murine de type 3 : MHV3 ................................................................................... 4 A. Le virus MHV3 ................................................................................................................................... 4 B. Infection hépatique : Cellules cibles et variants de pathogénicité ................................................... 4 C. Les récepteurs des virus MHV ........................................................................................................... 5 II. Les mécanismes immunitaires face à l’infection hépatique par le virus MHV3 ................................... 6 A. Les mécanismes de l’immunité innée : réponse inflammatoire ....................................................... 6 B. Les mécanismes de l’immunité spécifique ou adaptative .............................................................. 12 Conclusions.................................................................................................................................................. 16 Références bibliographiques ....................................................................................................................... 17 M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 3 Introduction Les hépatites virales peuvent engendrer la mort des sujets contaminés, animaux ou humains, et constituent donc un problème de santé majeur. En effet, une infection hépatique virale peut causer des atteintes inflammatoires aigües, persistantes ou chroniques et peut évoluer vers une forme fulminante, une cirrhose ou un cancer hépatique. Le modèle de l’hépatite murine induite par le virus de l’hépatite murine de type 3 (MHV3) permet d’étudier et de mieux comprendre les causes d’une réponse inflammatoire anormale et les mécanismes immunitaires mis en œuvre pour éliminer le virus. Suite à l’infection virale, la tolérance immunitaire hépatique est rompue. Les mécanismes de l’immunité innée et de l’immunité spécifique sont alors activés pour contrôler l’élimination virale. L’infection hépatique provoque rapidement le recrutement et l’activation de cellules associées à la réponse immunitaire innée, les cellules dendritiques, les cellules endothéliales sinusoïdales, les macrophages, les cellules NK, et les neutrophiles, ainsi que la sécrétion de chémokines et de cytokines pro-inflammatoires, telles que l’IL6, le TNF-α et l’IFN-γ (Jacques, 2008). La rupture de l’état de tolérance hépatique accompagnée de la réponse inflammatoire permet alors l’activation des cellules de l’immunité spécifique ou adaptative, les lymphocytes. La réponse immunitaire spécifique développée par le sujet infecté doit être adaptée au type d’infection auquel il fait face, afin de contrôler efficacement l’élimination du virus et lui conférer une résistance à l’infection. Ainsi, les souris infectées par le virus MHV3 développant une réponse immunitaire spécifique de type Th1 sont résistantes, en revanche les souris développant une réponse Th2 sont plus susceptibles à l’infection et présentent de forts taux de mortalité (Pope et al., 1996). Actuellement, de nombreuses études sont menées afin de comprendre les causes des désordres inflammatoires provoqués lors de l’hépatite virale, ainsi que les interactions entre les différents mécanismes de l’immunité innée et spécifique. L’un des modèles viraux les plus utilisés pour étudier ces mécanismes est le virus de l’hépatite murine MHV3. Nous verrons donc à travers cette synthèse bibliographique, les différentes avancées réalisées en matière de connaissance des mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3. Cette synthèse présentera tout d’abord le virus de l’hépatite murine MHV3, ces cellules cibles, différents variants de pathogénicité, ainsi que les récepteurs spécifiques et non spécifiques du virus MHV3. Nous présenterons ensuite l’ensemble des mécanismes immunitaires, actuellement connus, développés en réponse à l’infection par le virus MHV3. Les mécanismes de l’immunité innée impliquent les cellules présentatrices d’antigènes, les macrophages, les cellules tueuses naturelles (NK) et les neutrophiles et forment la réponse inflammatoire. Les mécanismes de l’immunité spécifique sollicités suite à la réponse inflammatoire sont variables et impliquent les lymphocytes T tueurs naturels (NKT) qui sont également impliqués dans l’immunité innée, les lymphocytes T régulateurs FoxP3+ CD4+ CD25+, les lymphocytes T CD4+ et T CD8+, les lymphocytes T doubles négatifs CD4- CD8- et les lymphocytes B. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 4 I. Le virus de l’hépatite murine de type 3 : MHV3 A. Le virus MHV3 Le virus de l’hépatite murine de type 3 MHV3 fait partie de la famille des coronavirus, Coronaviridiae. Le sérotype MHV3 est le plus virulent de toutes les souches de virus de l’hépatite murine. Il induit des dommages tissulaires au niveau de nombreux organes, touchant d’abord le foie, puis les organes lymphoïdes, la rate, le thymus et le système nerveux central (Jacques, 2008 ; Zhou et al., 2010 ; Chen et al., 2011). Au niveau hépatique, le virus MHV3 peut induire une hépatite aigüe ou chronique en fonction de la génétique de l’hôte (résistance ou non), de son âge et de l’état de son système immunitaire (Jacques et al., 2009a). La gravité de l’hépatite dépend également de l’intensité de la réponse inflammatoire mise en œuvre par le sujet infecté (Jacques et al., 2008). B. Infection hépatique : Cellules cibles et variants de pathogénicité Lors de l’infection hépatique, le virus MHV3 peut se répliquer dans les cellules endothéliales sinusoïdales (LSEC), les cellules de Kupffer (KC), les cellules tueuses naturelles (NK) et les cellules T tueuses naturelles (NKT) et les hépatocytes qui sont les cellules cibles finales des virus de l’hépatite murine (Martin et al., 1994 ; Jacques et al., 2008). Il s’en suit une mort cellulaire, une immunodéficience dans différents organes lymphoïdes, une nécrose hépatique (annexe 1), et une hépatite fulminante conduisant à la mort des souris C57BL/6 témoins, 3 à 5 jours après infection (Martin et al., 1994). Différents variants de pathogénicité sont utilisés pour mieux comprendre les conséquences de l’infection hépatique par le virus MHV3 (Tableau I). Le virus pathogène L2-MHV3 présente un tropisme cellulaire KC+, LSEC+ et peut donc infecter les cellules de Kupffer et les cellules endothéliales sinusoïdales du foie. Le virus moyennement atténué 51.6-MHV3 peut infecter uniquement les cellules de Kupffer, tropisme KC+,LSEC-. Le virus atténué CL12-MHV3 ne peut infecter ni les cellules de Kupffer, ni les cellules endothéliales sinusoïdales, son tropisme est KC-/LSEC-. Le virus YAC-MHV3 est un virus non pathogène (Jacques et al., 2008). Tableau I. Caractéristiques de pathogénicité et de tropisme cellulaire hépatique de variants du virus de l’hépatite murine de type 3 (MV3) observées chez des souris témoins C57BL/6 (type sauvage) (D’après Jacques et al., 2008). Infection des KC Infection des LSEC Histopathologie Immunodéficience Mortalité (jours a.i.) L2-MHV3 Oui Oui Hépatite aigüe fulminante avec nécrose totale du foie 51.6-MHV3 Oui Non Hépatite aigüe avec nécrose intra hépatique CL12-MHV3 Non Non Hépatite légère avec des foyers inflammatoires périvasculaires Oui (3 jours a.i) ≈ 3-4 Oui ≈ 5-9 Non ≈ 8-10 KC : Cellules de Kupffer, LSEC : Cellules endothéliales sinusoïdales, a.i : après infection YAC-MHV3 Faible réplication Non Hépatite subclinique avec des foyers inflammatoires locaux Non Elimination du virus M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 5 Il a été démontré que la gravité de l’hépatite engendrée lors de l’infection par le virus MHV3 ne s’explique pas par la réplication virale, ni par le niveau de titres viraux hépatiques, mais par la vitesse d’apparition du virus dans le foie (Jacques et al., 2008). Il a donc été conclu que la pathogénicité des variants s’explique par leur capacité à déclencher la réponse inflammatoire plutôt que par leur réplication (Jacques et al., 2008). Cette théorie est confortée par les observations de Zhao et al., 2011 que la mutation de la protéine non structurelle ns2 du virus MHV annule sa capacité de réplication virale mais induit tout de même une hépatite. C. Les récepteurs des virus MHV 1. Un récepteur spécifique des virus MHV : La molécule CEACAM1 (Carcinoembrygenic antigen-related cell adhesion molecule 1) La molécule CEACAM1 est le membre le plus représenté des CEACAMs de la famille des antigènes carcinoembryonnaires. Il a été démontré que le virus MHV3 infecte les cellules par la fixation de ses protéines de surfaces au récepteur CEACAM1a (Jacques et al., 2008). Ces cellules ciblées et infectées sont dites permissives (Jacques et al., 2008). Le récepteur CEACAM1a existe sous deux isoformes constituées soit d’un long domaine cytoplasmique inhibiteur présentant des motifs inhibiteurs ITIMs, soit d’un domaine cytoplasmique court et activateur en raison du manque de domaines ITIMs (Gray-Owen et Blumberg, 2006). Dans le foie, le CEACAM1a est exprimé à la surface des cellules endothéliales sinusoïdales, cellules de Kupffer, cellules NK, hépatocytes et lymphocytes B. En revanche, il n’est pas exprimé sur les lymphocytes T-CD4+ ou T-CD8+ naïfs (Coutelier et al., 1994). L’expression de CEACAM1a est favorisée par le facteur nucléaire NF-κβ. En revanche, l’interféron IFN-γ diminue son expression et réduit ainsi la permissivité cellulaire à l’infection par le virus MHV3 (Jacques et al., 2009a ; Thirion et Coutelier, 2009). De plus, le CEACAM1a est impliqué dans la régulation de sécrétion du facteur de nécrose tumorale TNFα et de l’interleukine IL6 impliqués dans l’inflammation hépatique et les lésions hépatocytaires, via l’activation des voies MAPK-p38 et NF-κB (Jeng et al., 2007 ; Jacques et al., 2009b). 2. Des récepteurs non spécifiques Les régions riches en héparanes suflfates Le virus MHV3 peut également se fixer aux régions riches en héparanes sulfates, qui présentent une forte hétérogénéité structurelle, et les utiliser comme voie d’entrée ou d’activation cellulaire (Jacques, 2008). L’expression de ces régions, notamment à la surface des cellules endothéliales vasculaires, est favorisée par l’action de cytokines pro-inflammatoires, telles que l’interleukine IL1 et le TNF-α. Les régions héparanes sulfates pourraient lier différentes cytokines, telles que l’IL2, l’IL4, le TNF-α et l’IFN-γ, favorisant ainsi l’activation des réponses immunitaires innée et acquise (Jacques, 2008). M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 6 Les récepteurs Toll-like (TLR) Les récepteurs Toll-like (TLRs) sont impliqués dans la reconnaissance de micro-organismes pathogènes et dans l’activation de la réponse immunitaire innée. Les TLRs peuvent être transmembranaires ou intracellulaires, contenus dans des vésicules endosomales. Il existe une spécificité cellulaire dans la reconnaissance des virus par les TLRs (Mazaleuskaya et al., 2012). La reconnaissance virale par les TLRs induit des voies de signalisations intracellulaires qui activent le facteur NF-κB permettant la transcription de gènes impliqués dans la réponse inflammatoires (Jacques, 2008 ; Jacques et al., 2009b). Il a été montré que la fixation du virus MHV3 au TLR2 et régions héparanes sulfates active les voies intracellulaires MAPK-p38 et MAPK- ERK-1/2, JNK et NF-κB (Jacques et al., 2009b). Suite à ces résultats, Jacques et al., 2009b suggèrent que le TLR2 et les régions héparanes sulfates constituent un nouveau type de récepteurs détecteurs de pathogènes (PRRs). II. Les mécanismes immunitaires face à l’infection hépatique par le virus MHV3 En cas d’infection hépatique virale, différents mécanismes immunitaires sont mis en place pour contrôler l’élimination du virus. Le sujet infecté développera tout d’abord une réponse immunitaire innée, réponse inflammatoire hépatique, puis une réponse immunitaire spécifique. A. Les mécanismes de l’immunité innée : réponse inflammatoire 1. Les cellules présentatrices d’antigènes du foie Cellules dendritiques hépatiques Les cellules dendritiques hépatiques sont des cellules présentatrices d’antigènes qui interagissent avec les cellules de Kupffer pour faciliter les présentations antigéniques croisées et ainsi améliorer l’induction du système immunitaire contre le pathogène détecté. Les cellules dendritiques hépatiques ne présentent que peu de molécules de CMH à leur surface, ce qui ne permet pas une activation convenable des lymphocytes T (Jacques, 2008). Suivant le profil génétique du sujet, l’action des cellules dendritiques peut être inhibée ou activée par la protéine de type fibrinogène 2 (FGL2) qui favorise la coagulation et est sécrétée majoritairement par les lymphocytes T régulateurs (Shalev et al., 2009). En effet, il a été démontré que, chez les souris BALB/cJ susceptibles à l’infection, la molécule FGL2 inhibe la maturation des cellules dendritiques en se liant aux récepteurs inhibiteurs Fc-γ-RIIB exprimés à la surface des cellules dendritiques (Liu et al., 2006 ; Shalev, 2009). Cependant, en raison du polymorphisme allélique, dans le cas des souris A/J résistantes à l’infection, la molécule FGL2 se fixe principalement sur les récepteurs activateurs Fc-γ-RIII de ces cellules présentatrices d’antigènes (Liu et al., 2006). M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 7 Cellules endothéliales sinusoïdales En contexte d’infection et de réponse inflammatoire, les cellules endothéliales sinusoïdales (LSEC) adoptent un rôle de cellules présentatrices d’antigènes. Elles peuvent alors présenter des antigènes aux lymphocytes T CD4+ et CD8+. Cependant cette action ne permet pas une activation convenable des lymphocytes T et induit généralement l’induction de la tolérance (Knolle et al., 1998). Il est connu que ces cellules sécrètent des cytokines immunosuppressives qui maintiennent la tolérance immunitaire, telles que l’interleukine IL-10 et la prostaglandine PGE2, qui inhibent le recrutement des lymphocytes T-CD4+ et T-CD8+, ainsi que le facteur de croissance transformant TGF-β qui bloque la prolifération des lymphocytes T. Cela permet le maintien de la tolérance immunitaire ainsi que la régénération du foie avec l’action anticoagulante de PGE2 (Knolle et al., 1998 ; Uhrig et al., 2005 ; Jacques et al., 2008). Cette action anticoagulante est complémentée par l’action de la protéine membranaire de type fibrinogène 2 (FGL2) qui est exprimée à la surface des cellules endothéliales sinusoïdales. En effet, la protéine FGL2 a une activité prothrombinase et catalyse la transformation du fibrinogène en fibrine. Il a également été démontré qu’elle est impliquée dans la tolérance immunitaire grâce à son rôle d’effecteur des lymphocytes T régulateurs (Shalev, 2009 ; Chen et al., 2011). Les cellules endothéliales sinusoïdales expriment le CEACAM1a à leur surface (Coutelier et al., 1994). Elles sont donc sensibles à l’infection par le virus MHV3 qui causerait alors leur apoptose et une diminution de l’expression d’IL10, PGE2 et TGF-β. 2. Les macrophages et cellules de Kupffer Les cellules de Kupffer sont des cellules macrophages spécifiques du foie. Ces cellules sont mobiles et ont une activité phagocytaire importante pour les micro-organismes et pour les cellules apoptotiques (Jacques, 2008). De plus, les cellules de Kupffer ont un rôle primordial dans le maintien de la tolérance immunitaire dans le foie via leur production importante de cytokines immunosuppressives IL10, de PGE2 et de TGF-β, qui inhibent le recrutement des lymphocytes T. En effet, il a été démontré que le contrôle des réponses inflammatoires, au cours d’une hépatite aigüe, dépend principalement de l’intégrité des cellules de Kupffer, le rôle des cellules endothéliales sinusoïdales étant moins important (Jacques et al., 2008). Les cellules de Kupffer constituent, avec les cellules endothéliales sinusoïdales, une barrière anatomique de protection pour les cellules cibles finales du virus, les hépatocytes, contre l’infection par le virus MHV3 (Jacques, 2008). L’infection des cellules de Kupffer et des cellules endothéliales sinusoïdales par le virus MHV3 pathogène induit une diminution de la production des cytokines immunosuppressives IL10, de PGE2 et de TGF-β. Tandis que la concentration en IL10, TGF-β et PGE2 dans le foie augmente en cas d’infection par des virus atténués au tropismes KC+, LSEC- ou KC-,LSEC- (Jacques et al., 2008). La permissivité virale des cellules de Kupffer et des cellules endothéliales sinusoïdales au virus MHV3 pathogène, et la diminution subséquente de concentration en IL10,PGE2 et TGF-β, permet donc le recrutement et la prolifération des lymphocytes T au niveau des foyers d’infection. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 8 L’infection des cellules de Kupffer et des macrophages péritonéaux, et donc leur activation, provoque la production de cytokines pro-inflammatoires TNF-α, IL6, IL12 et IL18 (Jacques et al., 2009a ; Jacques et al., 2009b ; Mazaleuskaya et al., 2012). Il a cependant été démontré une déficience d’expression en IL12 et IL18 chez les souris susceptibles C57BL/6 (Jacques et al., 2009a). Cette sécrétion de cytokines est dépendante de l’activation des voies intracellulaires MAPK-ERK-1/2, MAPK-p38, JNK, NFκB et MyD88 (Jacques et al., 2009b ; Zhou et al., 2010). Il a été montré que la production de l’IL6 et du TNF-α par les macrophages péritonéaux est induite par la fixation des protéines S du virus MHV3 (abondamment libérées par les hépatocytes infectés) sur récepteurs TLR2 et régions riches en héparanes sulfates (Jacques et al., 2009b). De plus, la production de ces cytokines est indépendante de l’activation du récepteur CEACAM1a, puisqu’elle a également lieu chez les souris CEACAM1a-/- (Jacques et al., 2009b). Cependant, les auteurs de cette étude n’excluent pas le fait que des voies intracellulaires relatives au CEACAM1a pourraient intervenir dans la production de ces cytokines. Cette sécrétion apparaît également être indépendante de la réplication virale. En effet, la sécrétion d’IL6 et de TNF-α est observée même en cas d’infection par un virus L2-MHV3 inactivé par UV, ayant perdu sa capacité de réplication mais dont les protéines virale S sont intactes (Jacques et al., 2009b). Cependant, suite à l’infection par le virus MHV3, il a été observé une surexpression de récepteurs inhibiteurs PD-1 à la surface des macrophages dans le foie (Chen et al., 2011). Or Chen et al., 2011 ont montré que le récepteur PD-1 peut inhiber la sécrétion de TNF-α, en diminuant la transcription du gène TNF-α, et peut également diminuer l’expression en protéine de type fibrinogène FGL2 exprimée à la surface des cellules de Kupffer (Shalev, 2009 ; Chen et al., 2011). En complément de la sécrétion de TNF-α, IL6, IL12 et IL18, il a été montré que les macrophages infectés par le virus MHV ou MHV3 sécrètent très rapidement les interférons de type I (IFN-I), IFN-α et IFN- β, connus pour inhiber directement laéplication r virale (Zhou et al., 2010 ; Mazaleuskaya et al., 2012). Mazaleuskaya et al., 2012 ont montré que la sécrétion d’IFN de type I par les macrophages infectés est due à l’activation de leurs TLRs endosomaux TLR3 et que leur surreprésentation permet l’élimination totale du virus MHV3. La sécrétion importante d’IFN-I est favorisée par une action autocrine sur les récepteurs IFNARs des macrophages (Zhou et al., 2010). Enfin, l’infection par le virus MHV augmente la sécrétion de MDA5 et RIG-I cytoplasmiques chez les macrophages, augmentant ainsi le nombre de PRRs susceptibles de détecter le virus (Zhou et al., 2010). Il peut être supposé que l’ensemble des mécanismes décrits ci-dessus sont également présents chez les cellules de Kupffer (Figure 1). De plus, il a été montré que la protéine membranaire BTLA (B and T lymphocytes attenuator) améliore la viabilité des macrophages et leur fonctions (Yang et al., 2012). La protéine BTLA possède un domaine immunoglobuline et est connue pour son rôle dans le maintien de la tolérance périphérique et la réduction des dommages immunopathologiques au cours de la réponse immunitaire. Yang et al., 2012 explique que l'absence de la molécule BTLA au cours d'une infection par le virus MHV3 conduit à l'apoptose TRAIL dépendante (TNF-related-apoptosis-inducing ligand) des macrophages infectés (Yang et al., 2012). M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 9 Figure 1. Schéma représentatif des mécanismes immunitaires développés par les macrophages ou les cellules de Kupffer en réponse à l’infection par le virus MHV3. S : protéines virales S. PRR: récepteurs détecteurs de pathogènes. Trégs: Lymphocytes T régulateurs. LT: Lymphocytes T. IFNAR : Récepteur aux IFN-α et IFN-β. Les flèches et informations notées en bleu correspondent aux mécanismes de maintien de la tolérance immunitaire chez un individu sain. Les flèches noires désignent les mécanismes d’infection mis en œuvre par le virus MHV3. Les flèches et informations notées en rouge correspondent aux mécanismes immunitaires induits par l’infection par le virus MHV3. 3. Cellules tueuses naturelles Les cellules tueuses naturelles (cellules NK) forment la première réponse cellulaire face à l’infection virale et jouent donc un rôle majeur dans le contrôle de l’hépatite virale. Elle exercent des fonctions cytotoxiques directes contre les hépatocytes infectés par le virus MHV3, sans libération de perforines (Jacques et al., 2009a ; Zou et al., 2010). Suite à l’infection de souris susceptibles BALB/cJ par le virus MHV3, les cellules NK sont majoritairement recrutées et activées dans le foie par les chémokines, avec un pic de concentration 48h après infection (Walsh et al., 2008 ; Zou et al., 2010). Il a été démontré que le ligand chémokine CXCL10, dont la concentration augmente après l’infection, améliore l’action de la réponse innée en attirant les cellules NK dans les foyers infectés du foie et neuronaux (Walsh et al., 2008 ; Zhou et al., 2010). En effet, après infection par le virus MHV3, la concentration en cellules NK augmente dans le foie et diminue dans le sang, la moelle osseuse et la rate. De plus, la concentration en M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 10 CD69 (marqueur de l’activation des cellules NK), l’activité cytotoxique et la production d’IFN-γ et de TNFα par les cellules NK du foie augmentent significativement 48h après infection (Zou et al., 2010). Zou et al., 2010 ont également noté une corrélation entre l’augmentation de cellules NK activées (annexe 2) et la sévérité des dommages hépatocytaires entre 48 heures et 72 heures (annexe 1). Les dommages hépatocytaires sont confirmés par l’augmentation de concentration en enzymes ALT et AST, représentatives d’une inflammation hépatique après infection (Zou et al., 2010). Les auteurs de cette étude suggèrent que les cellules NK jouent un rôle important dans la défense contre l’infection mais qu’une sur-activation des cellules NK peut en revanche avoir des effets délétères. Les cellules NK exercent une action antivirale en limitant la réplication virale et la permissivité des cellules cibles grâce à la sécrétion synergique d’IFN-γ (Jacques et al., 2008 ; Jacques et al., 2009a ; Zou et al., 2010). Cette sécrétion synergique d’IFN-γ est dépendante des interleukines IL12 et IL18, produites par les cellules de Kupffer, de l’activation des motifs ITAMs de leurs CEACAM1a (Ortaldo et al., 2006), de la protéine kinase activatrice de mitogène (MAPK) p38 essentielle pour les premières étapes de réplication du virus MHV3 (Banerjee et al., 2002), et de la réplication virale et non pas de la fixation du virus (Jacques et al., 2009a). En effet, il a été démontré que lors de l’infection par le virus MHV3, les cellules NK exprimant le CEACAM1a produisent un niveau supérieur d’IFN-γ, comparé aux cellules qui n’expriment pas le CEACAM1a (Jacques et al., 2009a). De plus, le virus inactivé n’induit pas la sécrétion d’ IFN-γ ce qui démontre l’importance de la phase RNA dépendante de la réplication. La production synergique d’ IFN-γ intervient au début de l’infection virale, alors que la majorité des cellules de Kupffer et des cellules endothéliales sinusoïdales n’ont pas été infectées (Jacques et al., 2009a). En effet, au stade de l’hépatite aigüe la concentration en IL12 et en IL18 diminuera fortement (Jacques, 2008). En revanche, il a été démontré que l’engagement du récepteur CEACAM1a active la voie de signalisation SHP1, qui est associée au motif ITIM (Thirion et al., 2008), qui inhibe la production d’IFN-γ par les cellules NK (Jacques et al., 2009a). Jacques et al., 2009a ont proposé que le nombre important de protéines virales S produites par les cellules hépatiques infectées par le virus MHV3 pourraient se lier aux récepteurs CEACAM1a des cellules NK et ainsi diminuer leur sécrétion d’ IFN-γ (Figure 1). En outre, les voies Fas/Fas-Ligand et NKG2D/NKG2D-Ligand jouent un rôle dans l’action cytotoxique des cellules NK envers les hépatocytes infectés (Walsh et al., 2008 ; Zou et al., 2010). En effet, un blocage des voies Fas/Fas-L ou NKG2D/NKG2D-L engendre une diminution de la cytotoxicité des cellules NK (Zou et al., 2010). De plus, il a été observé une augmentation de la présence de la protéine transmembranaire Fas à la surface des hépatocytes infectés, ainsi qu’une augmentation de ligands-Fas au niveau des cellules NK, 48 heures après infection par le virus MHV3 (Zou et al., 2010). Cependant, en cas d’infection par le virus MHV ou MHV3, l’expression de récepteurs NKG2D (liant les ligands NKG2D à la surface des cellules infectées) à la surface des cellules NK diminue ou alors n’est pas affectée par l’infection virale (Walsh et al., 20008 ; Zou et al., 2010). Il a finalement été montré que le récepteur NKG2D ne contribue que partiellement au contrôle de la réplication virale, dans le foie de souris infectées par le virus MHV, et que cette action est indépendante de l’IFN-γ et du TNF-α (Walsh et al., 2008). L’infection par le virus MHV3, favorisée par le contact cellulaire avec les cellules de Kupffer, entraine l’apoptose des cellules NK et donc une diminution de concentration en IFN-γ permettant alors M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 11 la réplication virale et le développement de l’hépatite (Jacques et al., 2008). De plus Chen et al., 2011 ont montré que l’infection par le virus MHV3, engendre une surexpression de récepteurs inhibiteurs PD-1 à la surface des cellules NK dans les différents organes cibles du virus. Or il apparaît que le récepteur PD-1 peut inhiber la sécrétion d’IFN-γ par les cellules NK (Chen et al., 2011). Une surexpression en récepteurs PD-1 inhibe également l’expression de FGL2 à la surface des cellules NK (Chen et al., 2011). L’inhibition de FGL2 diminuera alors l’activité des lymphocytes T régulateurs. L’infection par le virus MHV3 induit donc l’activation de différents mécanismes immunitaires chez les cellules NK, dont la synthèse d’IFN- γ et de TNF-α, l’inhibition de l’expression de protéine membranaire FGL2 et l’augmentation de l’expression de Fas-Ligand (Figure 2). Figure 2. Schéma représentatif des mécanismes immunitaires développés par les cellules tueuses naturelles (NK) en réponse à l’infection par le virus MHV3. S : protéines virales S. LSEC : Cellules endothéliales sinusoïdales du foie. KC : Cellules de Kupffer. Trégs: Lymphocytes T régulateurs. LT: Lymphocytes T. Les flèches et informations notées en bleu correspondent aux mécanismes de maintien de la tolérance immunitaire chez un individu sain. Les flèches noires désignent les mécanismes d’infection mis en œuvre par le virus MHV3. Les flèches et informations notées en vert correspondent aux mécanismes immunitaires induits par l’infection par le virus MHV3 et favorisant l’action des cellules NK. Les flèches et informations notées en rouge correspondent aux mécanismes immunitaires induits chez les cellules NK par l’infection par le virus MHV3. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 12 4. Neutrophiles Les neutrophiles sont des cellules mobiles qui exercent un rôle phagocytaire important. L’infection par le virus de l’hépatite murine entraine un recrutement des neutrophiles au niveau des foyers infectieux via la libération de cytokines pro-inflammatoires et de chémokines par les cellules endothéliales et les macrophages (Iowa et al., 2008 ; Rogers et al., 2012). Les neutrophiles expriment le CEACAM1 et sont donc potentiellement susceptibles d’être infectés par le virus MHV3 (Rogers et al., 2012). Rogers et al., 2012 ont démontré que la protéine ps20 régule la migration des neutrophiles dans les poumons, et leur susceptibilité à l’infection, en limitant l’expression de facteurs chimiotactiques spécifiques. En effet, Rogers et al., 2012 ont démontré qu’en cas d’infection par le virus MHV1, la protéine ps20 limite l’expression des facteurs d’attraction chimiotactique CXCL1 et CXCL2, spécifiques des neutrophiles, par les fibroblastes pulmonaires ; mais n’altère pas l’activité élastase des neutrophiles qui permet leur migration vers les sites inflammatoires. Rogers et al., 2012 ont également démontré que les neutrophiles déficients en ps20 étaient plus susceptibles à l’infection par le virus MHV1 que les neutrophiles exprimant ps20, malgré des taux d’expression de CEACAM1 similaires. Ce mécanisme de contrôle de la migration des neutrophiles atténuant leur infection n’a cependant pas été étudié dans le foie. B. Les mécanismes de l’immunité spécifique ou adaptative La réponse immunitaire spécifique, lymphocytes T et B, est activée en cas de rupture de la tolérance hépatique maintenue par les cellules endothéliales sinusoïdales, les cellules de Kupffer et les lymphocytes T régulateurs et leurs sécrétions de cytokines immunosuppressives, telles que l’IL10, PGE2 et TGF-β. 1. Lymphocytes NKT Les cellules NKT forment une sous-population des lymphocytes T faiblement représentée. Elles expriment le marqueur NK1.1 ainsi qu’une faible présence de récepteurs TCR-γδ ou TCR-αβ qui reconnaissent les molécules CD1b à la surface des cellules présentatrices d’antigènes ou des hépatocytes infectés (Giroux et Denis, 2005 ; Jacques, 2008). Il a été suggéré qu’elles pourraient être impliquées à la fois dans l’activation de la réponse immunitaire spécifique, quant leur activité est retreinte à la reconnaissance du CD1b, ou dans l’activation de la réponse immunitaire innée, lorsque leur activité ne se limite pas à la reconnaissance du CD1b (Giroux et Denis, 2005). Les cellules NKT sont impliquées dans le contrôle de la réponse immunitaire spécifique. Elles exercent cette fonction par la sécrétion de l’IFN-γ (type Th1) ou de l’IL-4 (type Th2) (Jacques et al., 2008 ; Shalev, 2009). L’infection par le virus MHV3 engendre l’apoptose des cellules NKT (Jacques et al., 2008). Il est supposé que la diminution du ratio IFN-γ/IL4 dans le foie, suite à l’infection par le virus MHV3, serait due à l’apoptose des cellules NKT et NK. De plus, Jacques et al., 2008 proposent que le déséquilibre de représentation en cellules NKT et NK serait à l’origine d’une réponse inflammatoire anormale. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 13 2. Lymphocytes T régulateurs Les lymphocytes T régulateurs (Trégs), caractérisés par l’expression de la molécule FoxP3+, ont un rôle de maintien de la tolérance périphérique (Shagashuki, 2005). En effet, ils inhibent l’activation des lymphocytes T-CD4+ et T-CD8+ via la sécrétion de cytokines immunosuppressives IL10 et TGF-β qui induisent une polarisation des lymphocytes T CD4+ en Th2 et suppriment la réponse immunitaire Th1 (McKee et Pearce, 2004). Plus précisément, il a été décrit que les lymphocytes T régulateurs 1 sécréteraient l’IL10 et que la production de TGF-β serait due aux lymphocytes T helpers 3 (Vignali et al., 2008 ; Wang et al., 2012). L’activité des lymphocytes Trégs est soutenue par la présence de FGL2, molécule exprimée à la surface des cellules endothéliales sinusoïdales, des cellules de Kupffer et des cellules NK et également sécrétée abondamment par les lymphocytes Trégs (Shalev et al., 2009). En effet, un traitement avec des anticorps anti-FGL2 bloque l'activité des lymphocytes Trégs CD4+CD25+ (Shalev Itay et al., 2009). Suite à l’infection par le virus MHV3, l’activité et le nombre de lymphocytes Trégs CD4+ CD25+ sont fortement diminués par la présence des cytokines pro-inflammatoires, telles que l’IL6 et le TNF-α sécrétés par les macrophages (Miyara et Sakaguchi, 2007). De plus, l’infection par le virus MHV3 génère une augmentation de l’expression de récepteurs PD-1 à la surface des cellules des macrophages, des cellules NK, et des lymphocytes T entrainant une diminution de l’expression de FGL2 (Chen et al., 2011). De plus Shalev et al., 2009 ont montré que chez les souris A/J résistantes à l’infection, la concentration en lymphocytes Trégs CD4+CD25+, leur expression d'ARN messagers fgl2 et la concentration en protéines FGL2 étaient inférieurs à ceux des souris susceptibles à l’infection. L’augmentation de l’expression en récepteurs PD-1 et la diminution en FGL2 subséquente sont présentées comme un autre mécanisme immunitaire développé en réponse à l’infection par le virus MHV3 qui induit une diminution de l’action inhibitrice des lymphocytes T régs sur les lymphocytes T CD4+ et T CD8+ et permet ainsi l’activation de la réponse immunitaire Th1 pour lutter contre l’infection par le virus MHV3 (Shalev et al., 2009). En revanche, chez les souris BALB/cJ, l’infection par le virus MHV3 pathogène provoque une augmentation du nombre de lymphocytes Trégs dans le foie et dans le thymus des souris susceptibles à l’infection et une diminution du nombre de Trégs dans la moëlle épinière (Jacques et al., 2008 ; Shalev et al., 2009). Il a été proposé que l’augmentation de Trégs dans le thymus des souris susceptibles serait une tentative de suppression de la vague de cytokines pro-inflammatoires qui intervient après l’infection par le virus MHV3 (Shalev et al., 2009). Cependant, il a été montré que la concentration hépatique en cytokines immunosuppressives IL10 et TGF-β diminue lors de l’infection par le virus MHV3, sugg érant que les lymphocytes Trégs seraient anergiques durant les premiers jours de l’infection (Jacques et al., 2008). 3. Lymphocytes T CD4+ et T CD8+ Après reconnaissance de l’antigène, les lymphocytes T sont activés en lymphocytes T CD4+ ou T CD8+ et prolifèrent. Il a été montré que le ligand chémokine CXCL10 est un facteur chémoattractant important des lymphocytes T activés et que sa concentration augmente en cas d’infection par le virus MHV (Walsh et al., 2008 ; Zhou et al., 2010). Il permet donc le recrutement des lymphocytes T dans les zones infectées par le virus de l’hépatite murine. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 14 Une partie de la population des lymphocytes T CD4+, qui reconnaissent l’antigène sur les CMHII, sera polarisée en lymphocytes effecteurs, soit de type Th1, soit de type Th2, en fonction des cytokines présentes dans le microenvironnement cellulaire. En cas d’infection par le virus MHV3, les lymphocytes T CD4+ auront tendance à polariser en Th1, en raison de la présence d’IFN-γ, IL12 et IL18, et sécrèteront alors le TNF-α et l’IFN-γ à destination de la zone infectée, ainsi que l’IL2 qui soutient leur activation (Papadakis et al., 2004 ; Jacques et al., 2008 ; Jacques et al., 2009a ; Thirion et Coutelier, 2009). La polarisation en Th1 et la sécrétion d’IFN-γ améliorent l’activité des macrophages et des neutrophiles et activent les lymphocytes T CD8+ qui reconnaissent l’antigène présenté que le CMH-I et sécrètent l’IFN-γ (Pope et al., 1996 ; Templeton et Perlman, 2008). Les lymphocytes T CD8+ activés vont alors devenir des lymphocytes T cytotoxiques (CTL). La sécrétion d’IFN-γ par les lymphocytes CD8+ CTL est favorisée par la présence des cytokines IL12 et IL18 et induit la mort des cellules infectées par apoptose cellulaire, permettant ainsi l’élimination virale (Papadakis et al., 2004 ; Templeton et Perlman, 2008). Ils sont donc en partie responsables des dommages hépatiques, suite à l’infection par le virus MHV3 (Wang et al., 2012). Il a été démontré que le développement d’une réponse Th1, exemple des souris A/J, permet à l’hôte de résister à l’infection par le virus MHV3 (Pope et al., 1996). Cependant, les lymphocytes T CD4+ peuvent également polariser en Th2, par l’influence de l’IL4 qu’ils sécrèteront alors majoritairement. Il a été montré que la molécule FGL2 est impliquée dans la différenciation en réponse Th2 et dans l’inhibition de la réponse Th1, en favorisant l’augmentation de sécrétion de cytokines de type Th2 (Chan et al., 2003). La voie Th2 active les lymphocytes B qui libèreront des anticorps, immunoglobulines, spécifiques de l’antigène viral. Pope et al., 1996 ont montré qu’une réponse Th2 ne protège le sujet que de l’infection primaire, mais ne le protège pas de l’infection persistante par le virus MHV3. En effet, les souris BALB/cJ développe une réponse Th2 et sont susceptibles à l’infection (Pope et al., 1996). Suite à l’infection par le virus MHV3, il a été observé une surexpression de récepteurs inhibiteurs PD-1 à la surface des lymphocytes T-CD4+ et T-CD8+ (Chen et al., 2011). Or Chen et al., 2011 ont montré que le récepteur PD-1 peut inhiber la sécrétion d’IFN-γ et de TNF-α, inhibant donc l’action des lymphocytes T-CD4+ et T-CD8+. Il peut également y avoir une polarisation en lymphocytes effecteurs Th17 qui sécrètent l’IL17 (Yang et al., 2011 ; Zhu et al., 2012). Il a été démontré qu'il existe une corrélation entre la concentration en IL17 hépatique et la sévérité des dommages hépatiques dus à l'infection par le virus MHV3 ou MHV (Yang et al., 2011 ; Zhu et al., 2012). Yang et al., 2011 ont également montré qu’en cas d’infection par le virus MHV la présence d’IFN-γ engendre l’apoptose des cellules Th17. Et à l’inverse, chez les souris déficientes en récepteurs à l’IFN-γ, la réponse Th17 et la sécrétion d’IL17 est intensifiée. En cas d’infection par le virus MHV3, une forte augmentation en IFN-γ est observée (Jacques et al., 2009a ; Zou et al., 2010), la réponse Th17 ne devrait donc pas être activée. M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 15 4. Les lymphocytes T doubles négatifs CD4- et CD8Lymphocytes T CD4- CD8- γδ Les lymphocytes T γδ se différencient des autres lymphocytes T aux TCRαβ par l’expression d’un TCRγδ (Lu et al., 2012). La reconnaissance d’antigènes endogènes par les lymphocytes T γδ passe par la reconnaissance des molécules CD1b à la surface des cellules présentatrices d’antigènes ou des hépatocytes infectés via leur TCRγδ (Giroux et Denis, 2005 ; Shalev, 2009). La majorité de la population des lymphocytes T doubles négatifs (CD4- et CD8-) présente dans le foie de souris saines ou infectées exprime le TCRγδ (Lu et al., 2012). Après infection de souris résistantes C3H/HeJ par le virus MHV3, les lymphocytes T γδ sont hyperactivés et produisent le TNF-α, l’IFN-α, l’interleukine IL2 et l’interleukine IL17A, avec un pic de sécrétion 10 jours après infection (Lu et al., 2012). Les lymphocytes T γδ ont alors une action cytotoxique, sans contact cellulaire, contre les hépatocytes infectés par le virus MHV3 via la voie TNF-α. En effet, il a été montré que le TNF-α améliore la production de certaines cytokines qui conduisent l’inflammation hépatique et les lésions hépatocytaires, telles que le facteur TGF-β, les interleukines IL1 et IL6 (Jeng et al., 2007). Ainsi, une forte présence de lymphocytes T γδ engendre des détériorations histopathologiques et des niveaux élevés d’enzymes ALT et AST, représentatives d’une inflammation hépatique (Lu et al., 2012). Lymphocytes T CD4- CD8- αβ En revanche, Wang et al., 2012 ont montré que la majorité des lymphocytes T doubles négatifs CD4- CD8- présents dans la rate expriment un TCR-αβ et sécrètent l’IFN-γ et l’IL2. De plus, les lymphocytes T doubles négatifs CD4- CD8- αβ spléniques sont impliqués dans la persistance virale en cas d’hépatique chronique causée par le virus MHV3 (Wang et al., 2012). Wang et al., 2012 ont également montré que les lymphocytes T CD4- CD8- αβ ont la capacité de tuer les lymphocytes T CD8+ à travers la voie Fas/Fas-Ligand. 5. Les lymphocytes B Les lympocytes T CD4+ de type Th2 favorisent l’activation des lymphocytes B qui sécrètent des anticorps, immunoglobulines, spécifiques de l’antigène viral reconnu. En cas d’infection par le virus MHV3, la réponse Th2 et la sécrétion d’anticorps protègent seulement les sujets infectés de l’infection primaire mais ne leur confèrent pas de résistance à l’infection persistante (Pope et al., 1996). Cela se vérifie chez les BALB/cJ qui développe une réponse Th2 et sont susceptibles à l’infection par le virus MHV3 (Pope et al., 1996 ; Shalev et al., 2009). La molécule FGL2 exprimée, à la surface de la majorité des cellules de l’immunité innée et sécrétée par les lymphocytes T régulateurs, est en mesure d’exercer deux actions très différentes sur les lymphocytes B suivant la génétique du sujet infecté. En effet, il a été démontré que, chez les souris BALB/cJ susceptibles à l’infection, la molécule FGL2 est très fortement produite et conduit l’apoptose des lymphocytes B activés en se liant à leurs récepteurs inhibiteurs Fc-γ-RIIB de surface (Liu et al., 2006 ; Shalev, 2009). Cependant, en raison du polymorphisme allélique, dans le cas des souris A/J résistantes à M.C. Manus / Les mécanismes immunitaires de lutte contre l’infection hépatique par le virus MHV3 © 16 l’infection, la molécule FGL2 est faiblement produite et améliore l’activité des lymphocytes B en se fixant principalement sur leurs récepteurs activateurs Fc-γ-RIII (Liu et al., 2006). En effet, il a été vu précédemment que suite à l’infection par le virus MHV3 de souris résistantes, l’expression de FGL2 à la surface des cellules de l’immunité innée est fortement réduite. Conclusions La tolérance immunitaire hépatique est préservée par l’intégrité des cellules de Kupffer, cellules endothéliales sinusoïdales, cellules NKT, ainsi que par les lymphocytes T régulateurs, qui expriment la molécule FGL2 et sécrètent des cytokines immunosuppressives, telles que l’IL4, l’IL10, le TGF-β et la PGE2. L’infection hépatique par le virus pathogène MHV3 rompt l’état de tolérance immunitaire et induit l’activation des mécanismes immunitaires innés et adaptatifs. Suite à l’infection par le virus MHV3, les cellules de l’immunité innée, cellules dendritiques, cellules endothéliales sinusoïdales, cellules de Kupffer, cellules NK et neutrophiles se trouvent en contact direct avec le virus et constituent la première réponse immunitaire via la réponse inflammatoire. Les cellules NK jouent un rôle majeur quant à la protection des cellules contre l’infection. En effet, leur sécrétion d’IFN-γ permet de diminuer la permissivité cellulaire en inhibant l’expression de récepteurs CEACAM1a et créer ainsi une barrière fonctionnelle contre la propagation virale. Les cellules NK exercent également une activité cytotoxique sur les hépatocytes infectés via la voie Fas/Fas-L et la sécrétion de TNF-α. L’action des cellules NK est soutenue par la sécrétion d’IL12 et d’IL18 par les cellules de Kupffer qui produisent également des cytokines pro-inflammatoires, telles que l’IL6 et le TNF-α, à destination des cellules infectées. De plus, l’infection et l’apoptose des cellules endothéliales sinusoïdales et des cellules de Kupffer induit une diminution de la concentration en FGL2 et en cytokines immunosuppressives, telles que l’IL10, le TGF-β et le PGE2. La chute de concentration en molécules immunosuppressives accompagnée de la sécrétion de l’IL6 et du TNF-α par les cellules de Kupffer permettent une diminution de l’activité et du nombre de lymphocytes T régulateurs. Ces mécanismes accompagnés de la présence des cytokines IL12, IL18 et IFN- γ induisent l’activation de la réponse immunitaire spécifique à travers les lymphocytes T. Les lymphocytes T CD4+ activés en réponse Th1, les lymphocytes T CD8+ différenciés en lymphocytes T cytotoxiques et les lymphocytes T CD4- CD8- γδ activés sécrètent alors abondamment l’IFN- γ et le TNF-α à destination du foyer d’infection. Contrairement à l’activation de type Th2 avec une réponse adaptative humorale via les lymphocytes B, la réponse immunitaire spécifique de type Th1 à médiation cellulaire confère aux souris infectées par le virus MHV3 une résistance à l’infection. Lors de l’infection hépatique par le virus MHV3, la réponse immunitaire spécifique de type Th1 renforce donc l’action de la réponse immunitaire innée et la réponse inflammatoire afin de contrôler l’élimination virale. Cependant, suivant l’importance de l’infection cellulaire, les dommages histologiques causés au niveau hépatique par les mécanismes immunitaires innés et spécifiques peuvent fréquemment conduire à la mort du sujet infecté. M.C. 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