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Radiologie Interventionnelle
Mis à jour le 13/08/2010 par SFR
Radiologie Interventionnelle
Benoit Sauer (1), Jean-Pierre Pelage (2)
(1) Service de Radiologie, Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg
(2) Service de Radiologie, Hôpital Ambroise Paré, Université Paris Ile De France Ouest
Dans la continuité du congrès de la RSNA 2005, la part de la radiologie cardiovasculaire et
interventionnelle n'a cessé de croître. Cette composante de notre spécialité connaît un développement
considérable ces dernières années en particulier dans le domaine de l'oncologie (1). Cette année encore,
le nombre et la diversité des présentations scientifiques mais également des posters et des cours
illustraient cet intérêt toujours grandissant pour la radiologie thérapeutique. Ces séances ont été un
point de rencontre unique entre les radiologues interventionnels et ceux impliqués dans l'imagerie
diagnostique pré ou post-thérapeutique. La collaboration avec les disciplines fondamentales
(laboratoires de recherche) et les partenaires industriels favorise également le développement de ces
techniques nouvelles.
Comme l'an passé, un symposium d'oncologie interventionnelle organisé en collaboration avec la société
de radiologie interventionnelle nord américaine (SIR) se déroulait sur 3 jours. Successivement étaient
abordés le cancer pulmonaire, le cancer primitif ou secondaire du foie et le cancer du rein. Les sessions
faisaient alterner des présentations scientifiques, des cours de mise au point (rappels cliniques,
modalités thérapeutiques et imagerie diagnostique) et des tables-rondes.
Une partie importante des présentations a concerné les ablations tumorales guidées par l'imagerie
(nous utiliserons le terme d'ablation tumorale pour le traitement direct des lésions comme le
recommande la société de radiologie interventionnelle nord américaine (SIR)).
Ces différentes présentations ont rappelé que le but était la destruction complète de la cible et que
dans le cas où cette destruction n'était pas complète, la récidive clinique paraissait inéluctable quel que
soit l'organe considéré. La grande hétérogénéité des pratiques cliniques (en particulier pour l'évaluation
de la réponse tumorale) est apparue évidente au cours de ces sessions. Les modérateurs de séance ont
insisté sur la nécessité d'utiliser les mêmes critères de jugement afin de pouvoir comparer les
différentes techniques et de poser au mieux les indications respectives d'utilisation. Ainsi, il a été
rappelé que la société de radiologie interventionnelle nord-américaine impliquée depuis son origine dans
l'oncologie interventionnelle a proposé une standardisation de la terminologie et des critères de
jugement (2).
Les techniques de guidages présentées étaient diverses : échographique, scanographique ou même par
IRM. Certains auteurs proposaient aussi des combinaisons en particulier en ce qui concerne les lésions
hépatique ou ostéoarticulaire avec ponctions effectuées sous contrôle échographique et un monitorage
scanographique pendant l'application des ablations thermiques (3,4).
Cryothérapie
Parmi les techniques d'ablation tumorale présentées, la nouveauté était constituée par le retour de la
cryothérapie sur le devant de la scène. Cette procédure a été utilisée au niveau thoracique (5),
hépatique (6), rénal (7, 8) et osseux (3). Elle présente un avantage par rapport aux autres thermiques
(radiofréquence, laser, micro-ondes …) pour le monitorage et le contrôle de l'efficacité thérapeutique. Du
fait de la congélation des tissus, on peut facilement suivre durant le traitement la zone d'ablation en
visualisant la « ice-ball » (boule de glace) au niveau de la zone cible et des marges péri-tumorales. A
l'inverse, le monitorage en cours de traitement est toujours difficile avec les méthodes utilisant la
chaleur comme la radiofréquence puisque le seul moyen performant est l'imagerie thermique par IRM, ce
qui impose donc de réaliser ce traitement sous IRM. Le nombre de procédures réalisées sous IRM reste
toutefois très marginal même si certains pays investissent dans cette modalité thérapeutique.
Il apparaît évident au terme des nombreuses présentations qu'il n'existait aucun consensus concernant
les indications respectives des traitements locaux et qu'il existait une grande diversité dans les
pratiques d'imagerie pré et post-thérapeutique. Un problème récurrent, quel que soit l'organe cible est
celui des lésions mesurant plus de trois centimètres (lésions intermédiaires, 3 à 5 cm et larges lésions,
au-delà de 5 cm selon la SIR). Ces lésions nécessitent généralement l'utilisation de plusieurs aiguilles
quelle que soit la technique utilisée (cryoablation ou radiofréquence multipolaires). Ainsi l'efficacité
s'avère moindre par exemple pour les tumeurs rénales de plus de 3 cm (64 % d'efficacité) traitées par
radiofréquence que pour les tumeurs de petites tailles (93 %) (9). D'autres auteurs utilisant la
cryoablation annoncent des résultats préliminaires excellents y compris pour les tumeurs rénales de plus
de 3 cm (94 % de traitement complet) (8). De nouvelles techniques permettraient peut-être d'élargir le
rayon d'action des traitements thermiques par la chaleur, par exemple l'utilisation des micro-ondes
(microwaves) qui sembleraient générer des zones circulaires d'ablation plus importante (3,5 cm en
moyenne) que la radiofréquence monopolaire (2,5 cm) pour la même durée de traitement et pour des
conditions énergétiques jugées équivalentes (10).
Une autre limite de ces traitements thermiques est la proximité de gros vaisseaux qui exerce un effet
de refroidissement au contact de zone d'ablation. Plusieurs équipes ont travaillé sur des modélisations
d'ablation en fonction des positions tumorales et pour certaines en intégrant la perfusion de l'organe
(11, 12). En effet, pour les traitements thermiques la difficulté du monitorage et du contrôle de la taille
exacte de la zone d'ablation rendrait utiles ces logiciels. Cela explique l'essor nouveau de la
cryoablation avec la visualisation de la « ice-ball ».
À l'inverse, les traitements thermiques peuvent présenter un danger pour certaines structures péritumorales, ainsi des auteurs proposent la création d'un épanchement liquidien péri-hépatique pour
traiter certaines lésions du dôme hépatique (13). De la même façon, Il est possible de discuter la
création d'un pneumothorax pour limiter les risques d'ablation incomplète d'un nodule pulmonaire (14).
De même, les traitements des nodules centraux sont plutôt à éviter en raison des risques d'ablation
incomplète ou de lésions bronchiques avec sténose post-radiofréquence (14). Pour les nodules
pulmonaires traités par cryoablation, des sondes chauffantes peuvent être utilisées pour protéger
l'œsophage (5).
Radiofréquence
L'essor de la radiofréquence pulmonaire se confirme avec des indications mieux codifiées. Elle s'adresse
à la fois aux cancers primitifs non à petites cellules et aux métastases en sachant que le poumon
constitue le deuxième organe le plus atteint par les métastases après le foie (14). Les candidats à la
radiofréquence commencent à être mieux définis : il s'agit de patients présentant une contre-indication
à la chirurgie traités principalement à titre palliatif et/ou pour contrôler certains symptômes (douleurs,
hémoptysies …) (15). L'indication doit toujours être portée lors d'un staff pluridisciplinaire. Un scanner
récent de moins d'un mois doit être disponible. Les lésions de moins de 5 cm ne doivent pas être
traitées car elles sont sujettes à un grand risque d'ablation incomplète et le nombre de nodules ne doit
pas dépasser 5.
Les rares contre-indications sont une fonction respiratoire très altérée avec un VEMS inférieur à 1L qui
pourrait mettre en danger le patient en cas de pneumothorax, d'hémothorax ou d'hémorragie alvéolaire
extensive. Le pace-maker peut dans certains cas constituer une contre-indication en particulier si le
nodule est situé près du pace-maker car il existe des risques de lésions thermiques le long du fil du
pace-maker (14). La radiofréquence n'est alors possible que si le nodule est à distance et si le pacemaker peut-être éteint pendant l'ablation.
Le guidage est tomodensitométrique et la position est choisie en fonction de la localisation du nodule.
Le choix existe entre une aiguille droite ou une aiguille parapluie dont la taille variera en fonction du
diamètre du nodule de façon à laisser des marges de sécurité (15). Une aiguille de type parapluie peut
être recommandée pour traiter des nodules centimétriques permettant éventuellement un
positionnement excentré de l'aiguille en cas de difficultés ballistiques. Le suivi par imagerie comprend
un scanner à un mois, puis un scanner tous les trois mois. Avant le troisième ou le sixième mois, la
taille de la lésion est habituellement supérieure ou égale à celle du nodule avant traitement. Seule
l'éventuelle prise de contraste en particulier pour les tumeurs primitives peut être un indicateur
d'ablation incomplète plus précoce que la diminution de taille. Dans les autres cas, c'est donc la
décroissance de taille à partir du 6ème mois qui est l'élément le plus important (15).
Association chimioembolisation-embolisation
Dans le domaine de la prise en charge des cancers primitifs et secondaires du foie, la
chimioembolisation et la radiofréquence ont fait l'objet de la plus grande partie des présentations. Le
traitement des métastases hépatiques de cancer colorectal fait avant tout appel à la radiofréquence
mais plusieurs auteurs ont rapporté le rôle de la chimioembolisation en particulier avec l'utilisation de
mitomycine C dans les atteintes multiples (16, 17). Pour le carcinome hépatocellulaire, les stratégies
discutées sont plus nombreuses. La chimioembolisation en particulier à l'aide de microsphères
d'embolisation chargées en principe actif ou l'embolisation à l'aide de microsphères radioactives d'Ytrium
90 a été longuement discutée (18, 19). Une équipe rapporte des taux d'efficacité encourageants avec un
taux faible de complications lors de la réalisation de chimioembolisations à l'aide de microsphères 500700 µm chargées par 50-75 mg de doxorubicine (18). Les traitements combinés associant
chimioembolisation et radiofréquence donnent des résultats prometteurs (20). Conçus selon le concept
de la destruction à la fois centrale (radiofréquence) et périphérique (par voie vasculaire) de la tumeur,
ces techniques combinées ont été proposées comme alternative à l'hépatectomie. Une équipe japonaise
a rapporté des résultats équivalents de la chirurgie et du couple chimioembolisation/radiofréquence en
termes de survie chez des patients présentant un carcinome hépatocellulaire pris en charge à un stade
précoce (moins de 3 nodules, moins de 3 cm de diamètre et stade Child-Pugh A de cirrhose) (20).
Shunts porto-caves
Une analyse exhaustive de la littérature antérieure à 2004 et de la période 2004-2006 concernant la
réalisation des shunts porto-caves a été présentée (21).
L'objectif des auteurs était de comparer les performances des stents nus et des stents grafts en termes
de perméabilité et de complications (encéphalopathie en particulier).
Si l'on compare sept études réalisées à l'aide de stents nus et sept études réalisées à l'aide de stents
grafts, les taux de perméabilité sans réintervention à an étaient de 53 % pour les stents nus et de 83
% pour les stents grafts. Dans une population particulière, celle du syndrome de Budd Chiari, la
différence était encore plus nette avec une perméabilité à un an sans réintervention de 14 % dans le
groupe stents nus et de 75 % dans le groupe stents grafts.
Une analyse des taux d'encéphalopathie survenant dans les suites de la réalisation du shunt porto-cave
n'a pas montré de différence entre stents nus et stents grafts.
Les auteurs concluaient que le stent graft était aujourd'hui le dispositif médical de première intention
pour accroître de façon significative la perméabilité sans réintervention des shunts porto-caves
radiologiques (21).
Fibromes utérins
Dans le domaine de la radiologie interventionnelle, comme l'an passé, la part belle était laissée à la
radiologie interventionnelle de la femme : un cours, un workshop, de nombreux posters et une session
scientifique y étaient consacrés ainsi qu'une session spéciale sous la forme d'un débat entre les
partisans de l'embolisation des fibromes utérins et les partisans de la destruction sous IRM par
ultrasons focalisés.
Deux présentations de grande valeur scientifique concernant l'étude randomisée multicentrique
hollandaise comparant hystérectomie et embolisation ont été présentées : dans la première, il était
démontré que l'embolisation n'était pas inférieure à l'hystérectomie pour le contrôle des ménorragies et
qu'elle était équivalente à l'hystérectomie pour le contrôle des symptômes de compression et des
douleurs pelviennes (22). Pour ces deux symptomes, l'efficacité de l'embolisation était différée,
observée vers le troisième mois. Par contre, les taux de complication étaient les mêmes alors que la
durée d'hospitalisation, la durée de convalescence et le coût étaient nettement en faveur de
l'embolisation.
Une deuxième présentation correspondant à la même étude multicentrique confirmait l'absence de
différence entre l'hystérectomie et l'embolisation en terme d'impact sur la fonction ovarienne (23). Il
faut signaler que dans les deux cas il existe une diminution modérée de la réserve ovarienne après
traitement. Ces résultats obtenus dans le cadre d'une étude multicentrique avec randomisation entre
embolisation et chirurgie pourraient permettre d'étendre les indications de la radiologie
interventionnelle.
Conclusion
Le congrès de la RSNA 2006 a ainsi confirmé l'essor incontestable de la radiologie interventionnelle qui
reçoit, et cela n'est pas la moindre des nouveautés, un accueil de plus en plus privilégié au sein d'un
congrès de radiologie généraliste, et d'autre part que la radiologie interventionnelle oncologique était
amenée à se développer de façon considérable dans les années qui viennent. De plus en plus, les
traitements d'ablation tumorale et l'embolisation constituent des alternatives à la chirurgie ou viennent
en complément des traitements chirurgicaux. Ainsi, par leur caractère mini-invasif et par le respect des
tissus environnants (par exemple en réalisant par exemple une économie de destruction néphronique
chez les patients avec un rein unique), ces traitements bien que récents ont acquis une place de choix
dans l'arsenal thérapeutique.
Il est à espérer que la communauté médicale française et les pouvoirs publics prendront conscience de
cette évolution pour favoriser la pratique de la radiologie interventionnelle dans des centres d'expertise
et améliorer la représentativité de cette spécialité au sein des différentes structures et commissions
décisionnelles.
Références
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