1 La fin du Permien Chronique d’une extinction annoncée Alain ABREAL mars 2011 1 INTRODUCTION La fin du Permien est définie par la plus grande extinction d’espèces que la Terre est connue. Il y a 252 Ma, 75 % des espèces de la terre ferme accompagnées de 96 % des espèces marines ont disparu telles que trilobites, graptolites, et de nombreux coraux… Depuis la découverte fondamentale de Paul Wignall, géologue de l'université de Leeds (Angleterre) à la fin des années 90, au Groënland, il est démontré que cette extinction s’est déroulé sur 80 000 ans et ce, en plusieurs étapes successives. Néanmoins, il m’est essentiel de remonter le temps de quelques 80 Ma en arrière, et de faire redémarrer l’horloge du temps pour comprendre que cette extinction, bien que due à des événements précis qui se sont déroulés il y a 251 Ma, étaient déjà programmée par l’évolution « normale » de la terre depuis bien longtemps. 2 LA GRANDE EXTINCTION (- 251 Ma) Cette partie de l’exposé est basé sur la présentation d’extraits de deux films enregistrés sur France 5 qui présentent les travaux et les réflexions de Paul Wignall et sa théorie actuellement acceptée, sur les mécanismes de la grande extinction de la fin du Permien. Figure 1 : Spirale des espèces en fonction des époques géologiques. La fin du permien apparaît en haut à gauche (rectangle) 2 Contrairement à l’extinction KT d’il y a 65 Ma, qui fut la conséquence d’un événement précis : la chute d’un gros météore, et qui a consisté en la disparition de nombreuses espèces en quelques années seulement, la grande extinction du permien s’est produite sur 80 000 ans. Elle est en réalité, décomposée en différentes étapes. Cet échelonnement est aussi l’une des raisons pour lesquelles il est possible d’associer les événements paléoclimatologiques du carbonifère à l’extinction de la fin du Permien, pour bien démontrer que cette extinction quasi totales belle et bien la conjonction d’événements d’ampleurs cataclysmiques, certes, mais de longues durées. 2.1 Phase 1 : VOLCANISME DE TRAPPS : EXTINCTION TERRESTRE – DUREE 40 000 ans Les événements déclenchant de l’extinction proprement dite sont d’origines volcaniques. Deux importants supervolcans sont entrés en éruption à cette époque : - TRAPPS D’EMEISHAN (Chine, - 258 Ma) TRAPPS DE SIBERIE (Russie, - 251 Ma) Ces éruptions ont émis des quantités démentielles de laves. Le seul trapp de Sibérie aurait ainsi libéré entre 2 à 3 millions de km3 de lave basaltique qui a recouvert une surface équivalent à l’Europe occidentale. Il a duré selon les géologues de 500 000 à 1 Ma. Ces éruptions ont également émis dans l’atmosphère des millions de tonnes de gaz CO2, CH4, H2S et de cendres qui ont perturbés brutalement les conditions de la vie sur Terre. Ici encore, l’échelle des temps est très longue. Habituellement, on définit les conséquences d’une super-éruption en deux étapes. La première de l’ordre de quelques années consiste en en hiver « nucléaire » due à l’opacification de l’atmosphère à cause de la présence de poussière tout autour du globe. La seconde, un peu plus longue consiste en un réchauffement de la planète par effet de serre dû à la libération de ces gaz volcaniques. Mais quant est-il pour une éruption de plusieurs centaines de milliers d’années ? Est-il possible de décomposer les effets de l’éruption sur l’atmosphère comme précédemment, pour une éruption de courte durée ? Sans doute, l’effet de serre a été prépondérant, puisque la température globale de la Terre s’est accrue de 5°C. Figure 2 : Localisation et Importance des trapps de Sibérie et de Chine Eléments déclenchants de la grande extinction de la fin du Permien 3 2.2 Phase 2a : EXTINCTION MARINE PARTIELLE – DUREE très brève Les éruptions volcaniques ont libéré des quantités phénoménales de dioxyde de soufre dans l’atmosphère. Ce gaz est ensuite retombé sur Terre sous la forme de pluies acides (acide sulfurique) où il est venu polluer les océans, qui se sont appauvris en oxygène et enrichis en soufre. La présence de cyanobactéries attestent de cette modification de la chimie des océans, au cours de laquelle les bactéries se nourrissant de soufre sont venues remplacer les espèces qui consomment de l’oxygène. Il y a donc bien eu, alors, disparition importante du nombre des espèces marines. 2.3 Phase 2b : EXTINCTION MARINE TOTALE – DUREE très brève Le réchauffement des océans de l’ordre de 5°C a permis la libération des hydrates de méthane au fond des océans. Les hydrates de carbone ont l’aspect de glace carbonique et sont principalement constitués de méthane et d’autres hydrocarbures tels que propane, butane, etc. Sous des conditions « normales » de température comme aujourd’hui, cette glace est maintenue à l’état solide, sous l’effet de la pression du fond des océans. Mais si la température augmente de 5°C, cette glace peut alors se sublimer et libérer du méthane gazeux. Cette nouvelle pollution des océans est venue s’ajouter à celle du soufre pour faire disparaître davantage d’espèces. 2.4 Phase 3 : EXTINCTION TERRESTRE – DUREE : 40 000 ans Le méthane gazeux des hydrates de carbone est ensuite libéré par les océans et vient polluer l’atmosphère, comme le montre le fort accroissement en carbone 12, mesuré dans l’atmosphère de cette époque. L’effet de serre a ainsi encore été accru, provoquant une augmentation supplémentaire de la température de 5°C (+10°C au total), ce qui a engendré de nouvelles disparitions d’espèces terrestres. Le trias qui a succédé au permien fut d’ailleurs la période la plus chaude de l’histoire de la Terre. 3 CRITERES FRAGILISANTS LA BIODIVERSITE Le fil rouge de cette présentation ont été deux reportages présentés récemment sur France 5. Mais ils ont été très régulièrement interrompus par des discussions, des critiques et comme le présentait le titre « La fin du Permien - Chronique d’une extinction annoncée », par une présentation des conditions paléoclimatologiques antérieures au permien qui, à mon sens, ont été des éléments précurseurs de cette extinction quasi globale. 3.1 EXTINCTIONS MARINES Il apparaît clairement sur le graphe de la figure 3 que l’extinction de la fin du Permien est la plus importante de l’histoire géologique de la Terre mais surtout qu’elle intervient dans une succession ininterrompue d’extinctions et de multiplications d’espèces végétales et animales (souvent dues à des épisodes météoritiques). Ce graphe montre que le carbonifère a connu plusieurs extinctions de masse de l’ordre de 20 % des espèces entre – 350 Ma et -320 Ma. S’il est vrai que les espèces ont largement eu le temps de se remultiplier entre cette extinction et la fin du permien, il est néanmoins possible que les événements qui sont intervenus au carbonifère ont sinon présagés la grande extinction d’il y a 252 Ma, au moins fragilisé l’écosystème de cette période, accentuant ainsi les effets macabres des événements de la fin du Permien. 4 Figure 3 : Différentes extinctions marines depuis 540 Ma 3.2 PALEOCLIMATOLOGIE Lors du carbonifère, les continents se rapprochent pour former le supercontinent Pangée. L’apparition de cette super-structure qui s’étendait d’un pôle à l’autre sur une bande relativement étroite de l’ordre de 5 000 km, a provoqué des chamboulements sans précédents des climats. Tout d’abord, il y a disparition de milliers de km de côtes et de surcroit, cette disparition a été accompagnée de la formation d’un immense inlandsis au pôle sud, accompagné d’une très importante régression, abaissant le niveau des mers et détruisant ainsi nombre d’espèces de coraux endémiques des plateaux continentaux. La formation du supercontinent a de plus bloqué la circulation ouest-est des courants marins, empêchant ainsi une bonne régulation des températures et la désertification de toute la façade occidentale de la Pangée (le trias inférieur a été la période la plus chaude de l’histoire de la Terre). 4 CRITIQUES ET DISCUSSIONS AU COURS DE L’EXPOSE Un certain nombre de critiques ont été émises quant à cette théorie de Paul Wignall au cours de la présentation. Tout d’abord, les événements antérieurs à l’extinction elle-même ainsi que les conditions paléoclimatologiques du Permien, s’ils ont été considérés auparavant, ne figurent plus dans la théorie de cette expansion. Cette théorie est basée sur les récoltes de Paul Wignall au Groënland. Il peut être surprenant que cette région du monde soit la seule où les sédiments de la fin du permien correspondent à une épaisseur importante. Et de plus, ce site est-il vraiment représentatif de l’ensemble du globe, particulièrement sur des événements qui ont duré 80 000 ans ? Qu’en est-il de la couche de soufre ? je n’ai pas d’article qui fait référence à un enrichissement de la couche de la fin du permien en soufre. Or, comme dans le reste du monde, cette couche est très limitée en épaisseur, elle devrait par conséquent être très enrichie en cet élément. 5 Enfin, et là, n’est pas le point le moins important des critiques de la théorie de Paul Wignall, le temps. Nous connaissons, en particulier depuis les éruptions du volcan du Laki (islande), le déroulement des évolutions de l’atmosphère suite à une éruption. Les cendres obscurcissent l’atmosphère et la lumière ne parvient plus jusqu’au sol. Les oxydes d’azote forment avec l’eau des pluies d’acide sulfurique qui viennent brûler végétation et poumons des animaux. Enfin l’atmosphère s’éclaircit à nouveau, mais enrichie en gaz carbonique, elle piège la chaleur : c’est l’effet de serre. Mais toutes ces étapes se succèdent en quelques mois, au pire quelques années. Comment se peut-il selon la théorie de Paul Wignall que cela aie duré environ 40 000 dans sa théorie alors que le trapp de Sibérie était incommensurablement plus important que le volcan du Laki. 5 CONCLUSION Si l’extinction des dinosaures n’est due qu’à un seul événement et a été très rapide, la grande extinction de la fin du Permien, est quant à elle, multicausale et s’est déroulée sur 80 000 ans. Des événements antérieurs : régression des océans, formation d’un supercontinent d’un pôle à l’autre ont été ou on pu être des éléments aggravants. De sorte que la quasi-totalité des espèces vivantes alors ont succombé. Une nouvelle théorie de l’extinction de la fin du permien émane des découvertes de Paul Wignall de l’université de Leeds, au Groënland. Mais à notre petite échelle bougivalesque, nous avons pu discuter de cette théorie, des questions qu’elle soulève… En l’absence d’éléments supplémentaires, nous en sommes restés là. La vie, elle, de son côté, n’en est pas restée là, s’est redéveloppée au trias, occupant la place alors libérée. Les conifères et les dinosaures vont devenir les maîtres du monde. Mais aussi heureusement pour nous, quelques mammifères primaires ont pu survivre,… nos ancêtres.