Le présent fichier est une publication en ligne reçue en dépôt légal, convertie en format PDF et archivée par Bibliothèque et Archives nationales du Québec. L’information contenue dans le fichier peut donc être périmée et certains liens externes peuvent être inactifs. Version visionnée sur le site Internet d’origine le 15 novembre 2013. Section du dépôt légal ÉDITORIAL Pharmacien hospitalier : prévention du risque et évaluation de nos pratiques dans le tourbillon du quotidien Julie Méthot L’accueil des nouveaux étudiants suscite en moi certaines réflexions. Premièrement, ils sont tellement jeunes… Non, en fait, ce sont plutôt les pharmaciens de ma génération et nos prédécesseurs, maintenant devenus des pharmaciens, disons d’expérience, qui leur servent de modèles de pratique. Deuxièmement, j’ai un vilain plaisir à me remémorer des faits marquants de mes stages de formation. Je me souviens du tour classique que nous jouions à la nouvelle recrue en l’envoyant donner un conseil sur la warfarine au huitième étage alors que l’hôpital n’en comptait que sept ! Je me rappelle également que le pharmacien qui me supervisait, il y a plus de dix ans maintenant, était physiquement plus près de la pharmacie de l’hôpital que des patients. Comme la pratique a changé, et pour le mieux dirons-nous ! Les pharmaciens sont plus près des patients et accomplissent maintenant des actes spécifiques dans l’application de soins pharmaceutiques au quotidien. Ils mettent leurs compétences au service des patients, notamment par l’application de la Loi 90, qui, autorise le pharmacien, entre autres, à ajuster la thérapie d’un patient en tenant compte des paramètres cliniques de celui-ci1. Toutefois, dans le tourbillon des journées bien remplies, prenons-nous le temps et les moyens de réévaluer notre travail et notre pratique ? Des modifications à notre façon de faire sont-elles souhaitables ? Les nombreux protocoles régissant l’administration des médicaments sont-ils adéquatement appliqués ? Nous questionner sur les risques liés à notre façon de faire et à nos protocoles doit faire partie de nos objectifs départementaux et s’inscrire dans une préoccupation tout à fait au goût du jour, celle de l’assurance qualité. Deux articles publiés dans le présent numéro du Pharmactuel abordent ce thème. D’abord, celui intitulé « Analyse proactive du risque associé à la distribution et à l’utilisation des échantillons de médicaments » décrit une étude par simulation basée sur un modèle d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité. L’évaluation des stocks locaux d’échantillons de médicaments et une revue de la littérature médicale portant sur ce thème ont servi d’incitatifs à Mme Soucy et collaborateurs pour la révision des pratiques de la gestion des échantillons à l’Hôpital Sainte-Justine. Plusieurs d’entre nous peuvent témoigner de la présence d’effets indésirables importants observés chez des patients hospitalisés à la suite de la prise d’échantillons sans surveillance pharmaceutique ou médicale. Nous souhaitons que cette publication démontre la valeur d’une telle analyse et puisse encourager les pharmaciens cliniciens et les gestionnaires à faire davantage appel à ces techniques dans le futur. 266 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Ensuite, l’article issu du projet de résidence de Julie Pellerin, évaluant le nomogramme d’utilisation de l’héparine intraveineuse, permet de dresser un portrait de l’utilisation de ce médicament et d’évaluer les paramètres liés à l’anticoagulation. Soixante-neuf pour cent des patients atteignaient un premier temps de céphaline activée thérapeutique en moins de vingt-quatre heures. Les résultats démontrent notamment que l’héparine permet d’atteindre une anticoagulation adéquate dans des délais acceptables. Toutefois, six heures après le début de la perfusion, vingt-deux pour cent des patients n’avaient encore aucune valeur de leur temps de céphaline activée inscrite à leur dossier médical, bien que cette inscription soit prévue dans le protocole. La création d’un protocole est une chose, mais son application en est une autre. Dans leur secteur respectif, les pharmaciens sont appelés à créer des outils de travail impliquant souvent d’autres professionnels, mais combien d’entre eux évaluent l’application des protocoles ? Le pharmacien d’établissement fait face à des défis pharmacologiques à la fois stimulants et vastes, qui nécessitent une expertise dans des domaines bien précis. Les articles publiés dans le présent numéro du Pharmactuel en font foi. Nous y trouvons « Le traitement des infections au staphylococcus aureus résistant à la méthicilline », « L’administration de chimiothérapie intrathécale en pédiatrie », « L’application pratique de la numérisation des ordonnances en pharmacie hospitalière » et « L’utilisation d’un rince-bouche à base de morphine pour le traitement des mucosites liées à la chimiothérapie ». À ceux-ci s’ajoutent un article présentant une critique d’une étude portant sur le traitement du gain de poids associé aux antipsychotiques par la modification des habitudes de vie et la prise de metformine ainsi qu’un autre répondant à la question : « Est-ce que l’utilisation de radiopharmaceutiques ou d’agents de contraste nécessite la suspension de l’allaitement ? ». Les divers thèmes abordés par ces articles témoignent de l’importance de l’engagement du pharmacien d’établissement. Par sa présence dans l’ensemble du circuit du médicament, il est un acteur capital dans la prévention des risques ainsi que dans l’évaluation de l’acte et des pratiques pharmaceuti- Julie Méthot, M.Sc., Ph.D., est pharmacienne à l’Hôpital Laval et rédactrice en chef du Pharmactuel ques. Comment intégrer de façon optimale et au quotidien les ressources pharmaceutiques dans la gestion du risque et l’évaluation de nos pratiques ? nique d’anticoagulation. Telle est la réalité d’une journée de travail d’un pharmacien en 2008. La sonnerie de mon téléavertisseur me rappelle que je dois retourner à la supervision de mon stagiaire pour son conseil de départ à prodiguer à un patient avant d’aller donner un coup de main à mon collègue débordé à la cli- Références 1. Projet de Loi no 90. Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2002C33F. PDF (site visité le 6 octobre 2008). FORMATION CONTINUE 13, 22 et 29 janvier 2009 — Soirées de formation et de développement « SOINS PALLIATIFS » • Lieu : 13 janvier, Montréal — 22 janvier, Québec — 29 janvier, Sherbrooke • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S. 19 et 20 février 2009 — Journées d’éducation permanente « INFECTIOLOGIE » • Lieu : Hôtel Doubletree, Montréal • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org 21 février 2009 — Mise à jour – la 26e conférence annuelle du Service régional d’information pharmacothérapeutique de l’Outaouais • Lieu : Hampton Inn Ottawa et Centre de conférences, Ottawa, Ontario • Renseignements : www.asksam.com/ovrdis tél. : 613 737-8347 17, 19 et 24 mars 2009 — Soirées de formation et de développement « NORMES USP » • Lieu : 17 mars, Montréal — 19 mars, Sherbrooke — 24 mars, Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S. 20 mars 2009 - 24e journée annuelle de pharmacothérapie du Centre d’information pharmaceutique de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal • Lieu : Hôtel Delta Centre-Ville, Montréal • Renseignements : Louise Pepin, téléphone : 514 338-2213 3 avril 2009 — Journée d’éducation permanente « RETOUR AUX SOURCES » • Lieu : Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org 3, 4 et 5 mai 2009 — Congrès annuel de l’A.P.E.S. « Rendez-vous 2009. Un élan d’inspiration » • Lieu : Manoir des Sables, Orford • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org 9, 11 et 16 juin 2009 — Soirées de formation et développement « PSYCHIATRIE » • Lieu : 9 juin, Montréal — 11 juin, Sherbrooke — 16 juin, Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S. 24 et 25 septembre 2009 — Journées d’éducation permanente « CARDIOLOGIE » • Lieu : Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org 6, 8 et 13 octobre 2009 — Soirées de formation et développement « MALADIES CARDIOVASCULAIRES » • Lieu : 6 octobre, Montréal — 8 octobre, Sherbrooke — 13 octobre, Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S. 20 novembre 2009 — Journée d’éducation permanente « GÉRIATRIE » • Lieu : Montréal • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org 268 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE Traitement du gain de poids associé aux antipsychotiques au moyen de la metformine et d’une intervention sur les habitudes de vie Mirella Faubert Titre de l’article : Lifestyle intervention and metformin for treatment of antipsychotic-induced weight gain : a randomized controlled trial. JAMA 2008:299:185-93. Auteurs : Wu RR, Zhao JP, Jin H, Shao P, Fang MS, Guo XF, et collaborateurs. Commanditaires : National Key Technologies R + D program, Ministry of Science and Technology of the People of Republic of China Cadre de l’étude : L’étude s’est déroulée dans une clinique externe du Mental Health Institute of the Second Xiangya Hospital de la Chine durant la période d’octobre à décembre 2006. Objectif de l’étude : Évaluer l’efficacité d’une intervention basée sur la metformine et la modification des habitudes de vie, seules ou en association, pour réduire le gain de poids ainsi que les variations de la sensibilité à l’insuline induits par les antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie. Devis : Essai clinique à répartition aléatoire, contrôlé par placebo et mené en double-aveugle. Patients : Au total, 128 patients âgés entre 18 et 45 ans ont participé à l’étude. Pour être inclus, les patients devaient présenter un premier épisode de schizophrénie diagnostiqué selon les critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Fourth Edition (DSM-IV). Dans la première année de traitement avec un des antipsychotiques ciblés, soit la clozapine, l’olanzapine, la rispéridone ou le sulpiride, les patients devaient présenter un gain de poids de plus de 10 %. Ils devaient avoir obtenu leur congé de l’hôpital ou avoir été suivis en clinique externe dans les 12 mois précédant leur inclusion dans l’étude afin que leur poids et leur traitement antipsychotique soient clairement décrits. Ils devaient montrer une amélioration stable de leurs symptômes, soit un score égal ou inférieur à 60 points sur l’échelle Positive and Negative Symptom Scale (PANSS) et prendre un seul antipsychotique à une dose n’ayant pas été modifiée de plus de 25 % dans les trois mois précédant leur inclusion dans l’étude. Les auteurs ont utilisé un gain de poids de plus de 10 % comme critère de sélection, puisqu’un gain de poids de cette ampleur est souvent considéré comme excessif. Les patients étaient placés sous la supervision d’un parent ou d’un soignant qui surveillaient et décrivaient l’apport alimentaire, les activités physiques et la prise quotidienne du médicament en vue de déterminer le degré d’observance au traitement. Les facteurs d’exclusion étaient les suivants : les patients ayant des antécédents d’abus de substances, souffrant d’une maladie psychiatrique autre que la schizophrénie, d’une dysfonction rénale ou hépatique, d’une maladie cardiovasculaire, de diabète, d’une condition limitant leur capacité à l’exercice, comme l’arthrite, une maladie pulmonaire ou neurologique, ou présentant des restrictions alimentaires. Les femmes enceintes ou allaitant en étaient aussi exclues. L’étude a été approuvée par le comité d’éthique du centre hospitalier Second Xiangya. Interventions : L’étude a duré 12 semaines. Les patients ont été répartis aléatoirement dans quatre groupes de 32 personnes, chacun utilisant une matrice factorielle 2 x 2 : un groupe recevait la metformine seule (750 mg par jour), un groupe recevait un placebo seul, un groupe recevait la metformine (750 mg par jour) en association avec une intervention sur les habitudes de vie et un groupe recevait un placebo en association avec une intervention sur les habitudes de vie. On a augmenté graduellement la dose quotidienne de metformine sur une période de 9 jours. Durant les quatre premiers jours, les patients recevaient une seule dose de 250 mg de metformine ou un placebo au souper. La dose a ensuite été augmentée par l’addition de 250 mg au déjeuner pendant 4 jours. Puis une dose de 250 mg a été servie à chaque repas, soit trois fois par jour. L’intervention relative à la modification des habitudes de vie comprenait des programmes de psychoéducation, de nutrition et d’exercices. Le programme de psychoéducation consistait en quatre séances d’information sur le rôle de l’alimentation et de l’activité physique dans le contrôle du poids. Sur le plan nutri- Mirella Faubert, B.Pharm., M.Sc., était candidate à la maîtrise en pharmacie d’hôpital à l’Université Laval, Centre hospitalier affilié, Hôpital Enfant-Jésus au moment de soumettre son article. Elle est actuellement pharmacienne au Centre hospitalier Robert-Giffard affilié à l’Université Laval Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 271 tionnel, les patients se voyaient prescrire la diète recommandée par l’American Heart Association (AHA). Cette diète implique que moins de 30 % des calories quotidiennes proviennent des lipides, 55 % des calories quotidiennes proviennent des glucides et plus de 15 % proviennent des protéines. Elle recommande un apport en fibres d’au moins 15 g par 1 000 kcal. Quant à l’activité physique, les patients devaient faire quotidiennement au moins 30 minutes d’exercices d’intensité légère à modérée. Points évalués : Les données primaires mesurées étaient le poids, l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille, la glycémie à jeun, l’insulinémie à jeun et l’indice de résistance à l’insuline (IRI). Les données secondaires étaient le score PANSS et les effets indésirables. Statistiques utilisées : Des analyses statistiques ont été effectuées séparément pour les patients ayant suivi le traitement jusqu’au bout et selon l’intention de traiter. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé le logiciel Statistical Package for Social Sciences (SPSS), version 11,5. Pour comparer les groupes, ils ont utilisé des analyses de variance (ANOVA) pour mesurer les variables continues et des tests de CHI-carré pour évaluer les variables catégorielles. Une valeur de p inférieure à 0,05 était considérée significative. Une puissance de 85 % a été atteinte pour détecter une différence significative entre les groupes pour un effet de 0,30. Principaux résultats : Au début de l’étude, tous les groupes étaient comparables quant aux caractéristiques démographiques et cliniques. Le taux d’abandon a été faible (7,8 %) et semblable entre les groupes. Entre 86 et 100 % des patients traités dans le groupe metformine et modification des habitudes de vie ont pris 80 % ou plus de leur médicament. Entre 68 et 84 % des patients ont consommé moins de 30 % de leurs calories totales sous forme de lipides, et entre 50 et 57 % ont obtenu des valeurs de VO2max démontrant leur adhésion au programme d’exercices physiques. Entre 88 et 100 % des patients du groupe metformine et du groupe placebo ont pris 80 % ou plus de leur médicament. Entre 61 et 74 % des patients du groupe placebo et modification des habitudes de vie ont consommé moins de 30 % de leurs calories totales sous forme de lipides et entre 55 et 60 % ont adhéré au programme d’exercices physiques. Il n’y a pas eu de différence entre les groupes sur le plan de l’observance du traitement médicamenteux et des modifications des habitudes de vie. La mesure de l’observance du traitement médicamenteux et de la diète est basée sur les données rapportées par les patients. 272 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Le poids, l’IMC et le tour de taille ont été significativement réduits dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul. La perte de poids moyenne a été de 4,7 kg dans le groupe metformine associée aux modifications des habitudes de vie, de 3,2 kg dans le groupe metformine seule, de 1,4 kg dans le groupe modification des habitudes de vie seule, alors que dans le groupe placebo, les patients ont gagné en moyenne 3,1 kg. Quant à l’IMC, le groupe metformine associé aux modifications des habitudes de vie a montré une diminution de 1,8, le groupe metformine seule, une diminution de 1,2, le groupe modifications des habitudes de vie seule, une diminution de 0,5 et le groupe placebo, une augmentation de 1,2. Le tour de taille a diminué en moyenne de 2,0 cm dans le groupe metformine associée aux modifications des habitudes de vie, de 1,3 cm dans le groupe metformine seule, mais a augmenté de 0,1 cm dans le groupe modification des habitudes de vie seule et de 2,2 cm dans le groupe placebo. Les différences entre chaque groupe étaient significatives tant sur le plan de la perte de poids que de la diminution de l’IMC et du tour de taille. Les patients recevant la metformine seule ont montré la diminution la plus marquée de la glycémie à jeun de 0,6 mmol/l. Les patients recevant l’intervention de modification des habitudes de vie en association ou non avec la metformine ont montré une diminution identique de la glycémie à jeun, soit 0,4 mmol/l. Les diminutions de la glycémie à jeun étaient statistiquement significatives dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul, qui a montré une augmentation de 0,1 mmol/l de la glycémie à jeun. L’insulinémie et l’IRI ont été significativement réduits dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul. Le score PANSS n’a pas varié significativement au cours de l’étude pour aucun des groupes. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les groupes sur le plan des effets indésirables. Conclusion des auteurs : L’intervention sur les habitudes de vie et la prise de metformine, seules ou en association, sont efficaces pour diminuer le poids lié à la prise d’antipsychotiques. La metformine associée à l’intervention sur les habitudes de vie a conduit à la perte de poids la plus marquée. L’administration de metformine seule a été plus efficace que l’intervention sur les habitudes de vie seule pour augmenter la sensibilité à l’insuline et renverser le gain de poids. L’administration de metformine est sans danger et bien tolérée par les patients souffrant de schizophrénie. Tableau I : Résultats de l’étude Lifestyle intervention and metformin for treatment of antipsychotic-induced weight gain: a randomized controlled trial Variable MHV + Met Met (N=32) (N=32) MHV (N=32) Placebo ANOVA (N=32) MHV + Met Changement absolu (IC 95 %) Poids -4,7 -3,2 -1,4 3,1 < 0,001 (kg) (-5,7 à -3,4) (-3,9 à -2,5) (-2,0 à -0,7) (2,4 à 3,8) IMC -1,8 -1,2 -0,5 1,2 < 0,001 (kg/m2) (-2,3 à -1,3) (-1,5 à -0,9) (-0,8 à -0,3) (0,9 à 1,5) Tour -2,0 -1,3 0,1 2,2 < 0,001 de taille (-2,4 à -1,5) (-1,5 à -1,1) (-0,5 à 0,7) (1,7 à 2,8) Glycémie -0,4 -0,6 -0,4 0,1 < 0,001 à jeûn (-0,6 à -0,3) (-0,9 à -0,4) (-0,5 à -0,2) (0,1 à 0,2) (mmol/L) Insulinémie 13,9 -12,7 -2,7 2,1 < 0,001 à jeûn (-17,1 à -10,8)(-15,3 à -10,2)-(-4,3 à -1,1)(1,0 à 3,2) (µUI/mL) IRI -3,6 -3,5 -1,0 0,4 < 0,001 (-4,4 à -2,7) (-4,4 à -2,7) (-1,5 à -0,5) (0,1 à 0,7) MHV + Met vs MHV + Met vs vs Met Met vs Met vs MHV vs MHV Placebo Placebo MHV Placebo Valeur de p < 0,001 0,004 < 0,001 < 0,001 0,02 0,01 0,01 < 0,001 < 0,001 0,006 < 0,001 < 0,001 0,03 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,08 0,48 0,006 0,04 < 0,001 0,04 0,80 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 0,98 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 < 0,001 ANOVA : analyse de covariance; IMC : indice de masse corporelle; IRI : index de sensibilité à l’insuline (insulinémie à jeûn (103 µUI/l) X glycémie à jeûn (mg/dl)/404,45 (insulinémie à jeûn (103 µUI/l) X glycémie à jeûn [mmol/l /22,5); Met : metformine; MHV : intervention sur la modification des habitudes de vie. Grille d’évaluation critique Les résultats sont-ils valables ? Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire par groupes de traitement ? OUI. Les patients ont été répartis aléatoirement entre les quatre groupes à l’étude. Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de tous les patients ayant participé à l’étude ? Le suivi des patients a-t-il été poursuivi jusqu’au bout ? NON. Mais le taux de patients ayant poursuivi l’étude jusqu’au bout était élevé, soit 92,2 % et semblable entre les groupes. Au total, cinq patients ont dû abandonner pour cause d’hospitalisation, trois ont été perdus de vue et deux ont été exclus après avoir reçu un diagnostic de diabète de novo. Les patients ont-ils été évalués dans le groupe auquel ils étaient répartis de façon aléatoire (intention de traiter) ? OUI. Les analyses statistiques ont été effectuées selon l’intention de traiter. Des analyses complémentaires ont été réalisées pour comparer les groupes. N’ont été inclus dans les résultats que les patients ayant participé à l’étude jusqu’au bout. Les résultats de ces analyses ont été très semblables à ceux des analyses selon l’intention de traiter, mais n’ont pas été présentés par les auteurs. Les traitements ont-ils été faits à l’insu des patients, des médecins et du personnel concernés ? OUI. Pour le traitement médicamenteux, la répartition aléatoire a été effectuée de façon indépendante par un pharmacien chercheur. NON. En ce qui concerne l’intervention sur les habitudes de vie. Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude ? OUI. Aucune des caractéristiques démographiques ou cliniques n’était significativement différente entre les groupes. Les groupes ont-ils été traités également à l’extérieur du cadre de la recherche ? OUI. Pour les patients des quatre groupes, la dose d’antipsychotique ne pouvait être modifiée pendant l’étude. Les seuls médicaments permis étaient le trihexyphénidyle pour traiter les symptômes extrapyramidaux et le lorazépam pour traiter l’insomnie ou l’agitation. Par contre, l’utilisation de ces traitements concomitants n’a pas été rapportée. Quels sont les résultats ? Le groupe recevant le placebo a montré une augmentation de poids de 4,8 % à la fin des 12 semaines qu’a duré l’étude (p < 0,05). L’association de la metformine avec l’intervention sur les habitudes de vie a permis une diminution du poids de 12,1 % (p < 0,001), la metformine seule, de 9,7 % (p < 0,001) et l’intervention sur les habitudes de vie seule, de 7 % (p < 0,001) par rapport au placebo. Les diminutions relatives de l’IMC sont du même ordre. À la fin des 12 semaines qu’a duré l’étude, le groupe placebo démontrait une augmentation significative du tour de taille de 2,2 cm (p < 0,05). L’intervention sur les habitudes de vie associée à la prise de metformine a, au contraire, permis de diminuer le tour de taille de 2 cm (p < 0,001 par rapport au placebo) et la prise de Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement ? 274 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 metformine seule, de 1,3 cm (p < 0,001 par rapport au placebo). L’intervention sur les habitudes de vie seule a quant à elle empêché l’augmentation du tour de taille, mais n’a pas été associée à une diminution de celui-ci (p < 0,001 par rapport au placebo). La glycémie à jeun est demeurée stable pendant les 12 semaines qu’a duré l’étude chez les patients du groupe placebo. Dans tous les autres groupes traités, la glycémie à jeun a diminué significativement par rapport à la valeur de base d’environ 0,5 mmol/ (p < 0,05 pour tous les groupes). Quelle est la précision de l’effet évalué ? Un intervalle de confiance de 95 % a été fixé. Les résultats vont-ils m’être utiles dans le cadre des mes soins pharmaceutiques ? Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à mes patients ? OUI. Les résultats peuvent être appliqués à une population de jeunes patients présentant un premier épisode de schizophrénie et un gain de poids associé à la prise d’antipsychotiques atypiques, soit la clozapine, la rispéridone, l’olanzapine et le sulpiride. Les femmes et les hommes étaient également représentés. Est-ce que tous les résultats ou impacts cliniques ont été pris en considération ? OUI. Les effets de la metformine et de l’intervention sur les habitudes de vie ont été mesurés tant en monothérapie qu’en association. Les variables mesurées étaient associées à des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, soit le poids, l’IMC, le tour de taille, la glycémie à jeun, l’insulinémie et l’IRI. L’effet des traitements sur la symptomatologie de la schizophrénie et les effets indésirables des traitements ont aussi été mesurés. Est-ce que les bienfaits obtenus sont cliniquement significatifs ? OUI. L’association des modifications des habitudes de vie avec la prise de metformine permet de renverser le gain de poids associé aux antipsychotiques de façon plus efficace que chacun de ces traitements pris séparément. La metformine s’est révélée plus efficace que la modification des habitudes de vie seule et que le placebo pour renverser le gain de poids lié aux antipsychotiques, ce qui en fait une option de traitement intéressante pour les patients inobservants des modifications des habitudes de vie. Discussion Le gain de poids causé par les antipsychotiques est un problème majeur chez les patients atteints de schizophrénie. Les antipsychotiques atypiques semblent avoir une influence sur différentes composantes de la régulation du poids corporel. Ils stimuleraient l’appétit par leur effet antagoniste sur les récepteurs histaminergiques H1 et adrénergiques alpha-11. Par un mécanisme encore inconnu, ils favoriseraient également l’accumulation des graisses, et certaines données préliminaires laissent entendre qu’ils réduiraient la dépense énergétique1. En plus de compromettre l’observance au traitement, le gain de poids est associé à une augmentation de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires dans cette population déjà exposée à un risque élevé2,3. Actuellement, les options possibles pour renverser le gain de poids lié aux antipsychotiques atypiques sont la modification des habitudes de vie ou la modification du traitement antipsychotique lorsque cette solution est envisageable2,4-7. Aucun médicament n’est officiellement indiqué pour le traitement du gain de poids causé par les antipsychotiques, et les données provenant d’essais cliniques de qualité appuyant l’efficacité de certains médicaments, dont la metformine, sont rares. La majorité des études mesurant l’efficacité de la metformine pour diminuer le poids n’ont pas été menées dans une population atteinte de maladie psychiatrique ni traitée avec un antipsychotique. Ces études ont montré une diminution du poids d’environ 2 kg et une diminution de l’incidence du diabète sur une période d’un an à trois ans6,8. Deux études menées auprès d’enfants et d’adolescents présentant un gain de poids lié à la prise d’olanzapine, de risperidone ou de quetiapine, ont montré que la metformine stabilisait ou diminuait le poids de 0,13 à 2,93 kg9,10. Une réduction de 5 % du poids de base est suffisante pour diminuer le risque de développer un diabète, de l’hypertension artérielle et une dyslipidémie, qui sont des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire11. Dans la présente étude, l’association d’une intervention sur la modification des habitudes de vie avec la prise de metformine pendant 12 semaines a été associée à une réduction de 7,3 % du poids de base, et la prise de metformine seule, à une réduction de 4,9 % du poids de base. Ces deux traitements ont donc un effet cliniquement significatif. L’intervention sur les habitudes de vie appliquée seule pendant 12 semaines a permis une réduction de 2,2 % du poids de base. Il est possible qu’à plus long terme, la réduction du poids entraînée par cette intervention devienne plus importante. Selon les auteurs de l’étude, le premier choix de traitement pour les patients atteints de schizophrénie et présentant un gain de poids lié aux antipsychotiques serait l’association d’une intervention sur la modification des habitudes de vie avec la prise de metformine. Chez les patients inobservants des modifications des habitudes de vie ou présentant des contre-indications à leur application, la metformine seule serait la meilleure option. Toutefois, cette étude a été menée auprès d’un petit nombre de patients seulement (n = 128) et présente des Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 275 limites empêchant la généralisation des résultats à toute la population atteinte de schizophrénie. Les patients inclus étaient jeunes (âge moyen : 26 ans), avaient un poids normal (poids moyen : 64,6 kg; IMC moyen : 24,5) et recevaient un seul antipsychotique à des doses relativement faibles. Il s’agissait d’une population chinoise différente de la population nord-américaine, qui est d’emblée plus corpulente. Les patients présentant des comorbidités psychiatriques ou des antécédents d’abus de substances ont été exclus, ce qui représente une proportion importante des patients atteints de schizophrénie. Les patients étaient placés sous la supervision d’un autre adulte pendant toute la durée de l’étude, ce qui a pu augmenter l’observance aux traitements, notamment en ce qui concerne l’application des modifications des habitudes de vie, qui étaient assez contraignantes. Il est aussi important de souligner le fait que tous les antipsychotiques atypiques ne présentent pas la même susceptibilité à induire un gain de poids. Parmi les antipsychotiques utilisés dans l’étude de Wu et coll., la clozapine et l’olanzapine induisent fréquemment un gain de poids qui ne dépendrait pas de la dose. La clozapine induit un gain de poids de l’ordre de 4,45 à 10,9 kg et l’olanzapine, de 4,15 kg1. La risperidone occasionne un risque modéré de gain de poids, probablement dépendant de la dose, et de l’ordre de 2,1 à 6,6 kg alors que le sulpiride, un antipsychotique atypique qui n’est pas commercialisé au Canada actuellement, aurait plutôt un effet neutre sur le poids1. On peut se questionner sur la pertinence d’avoir inclus ce dernier antipsychotique dans l’étude et sur l’impact qu’il a pu avoir sur les résultats, puisque 21 % des patients inclus étaient traités avec ce médicament. Cette étude présente par ailleurs des résultats encourageants concernant l’efficacité d’une intervention sur les habitudes de vie et de la metformine, seules ou en association, pour réduire le gain de poids et la résistance à l’insuline liés à la prise d’antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie. La prise de metformine n’a pas été associée à une incidence accrue d’effets indésirables et paraît être sans danger pour cette population. Plusieurs questions restent toutefois en suspens. La réduction de poids entraînée par la metformine est-elle 276 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 dépendante de la dose ? Combien de temps doit-on poursuivre l’administration de la metformine ? Est-ce que l’effet se maintient après l’arrêt du traitement ? À long terme, quelle intervention est la plus bénéfique en termes de réduction du risque de morbidité et de mortalité cardiovasculaires ? D’autres études seront nécessaires afin de définir clairement la place des interventions étudiées dans le traitement du gain de poids causé par les antipsychotiques atypiques. Pour toute correspondance : Mireille Faubert Département de pharmacie Centre hospitalier Robert Giffard 2601, chemin de la Canardière Beauport (Québec) G1J 2G3 Téléphone : 418 663-4850 Télécopieur : 418 663-9774 Courriel : [email protected] Références 1. Batista T, ElFkih Y, Uzcategui E, Sandia I, Talamo E et coll. Pharmacological management of atypical antipsychotic-induced weight gain. CNS Drugs 2008;22:477-95. 2. Kurzthaler I, Fleischhacker WW. The clinical implications of weight gain in schizophrenia. J Clin Psychiatry 2001;62(suppl 7):32-7. 3. Fontaine KR, Heo M, Harrigan EP, Shear CL, Lakshminarayanan M, Casey DE et coll. Estimating the consequences of anti-psychotic induced weight gain on health and mortality rate. Psychiatry Res 2001;101:277-88. 4. Birt J. Management of weight gain associated with antipsychotics. Ann Clin Psychiatry 2003;15:49-58. 5. Fenton WS, Chavez MR. Medication-induced weight gain and dsylipidemia in patients with schizophrenia. Am J Psychiatry 2006;163:1697-704. 6. Knowler WC, Barrett-Connor E, Fowler SE, Hamman RF, Lachin JM, Walker EA et coll. Reduction in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. N Engl J Med 2002;346:393-403. 7. Faulkner G, Soundy AA, Lloyd K. Schizophrenia and weight management: a systematic review of interventions to control weight. Acta Psychiatr Scand 2003;108:324-32. 8. Fontbonne A, Charles MA, Juhan-Vague I, Bard JM, André P, Isnard F et coll. 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RECHERCHE Évaluation du nomogramme d’ajustement de l’héparine non fractionnée intraveineuse de l’Hôpital Laval Julie Pellerin, Isabelle Taillon, Pierre-Maxime Bélanger, Julie Méthot Résumé Objectifs : L’héparine non fractionnée intraveineuse fait partie de l’arsenal thérapeutique de l’Hôpital Laval, un centre tertiaire en cardiologie et en pneumologie. Les objectifs visaient à décrire les caractéristiques liées à l’utilisation du nomogramme d’héparine intraveineuse et à évaluer les paramètres liés à l’anticoagulation, notamment le laps de temps pour atteindre le premier temps de céphaline activée thérapeutique. Méthodologie : Cette étude rétrospective, effectuée en 2004, inclut les patients ayant reçu de l’héparine intraveineuse selon le nomogramme d’ajustement pendant un minimum de 48 heures. L’outil de collecte de données a fait l’objet d’un test préalable, et les données ont été colligées à partir des dossiers médicaux des sujets admissibles sur une période d’un an. Résultats : Des 352 dossiers médicaux consultés, 85 sujets ont été inclus dans l’étude. Soixante-neuf pour-cent (69 %) des patients atteignaient un premier temps de céphaline activée thérapeutique en moins de 24 heures. Toutefois, 22 % des dossiers de patients n’avaient obtenu aucune mesure du temps de céphaline activée 6 heures après le début de la perfusion, tel que le prévoit le nomogramme. Le débit moyen de perfusion au premier temps de céphaline activée thérapeutique était de 992 ± 253 (unités/heure). Vingt-trois (23) des 34 patients ayant présenté des saignements ont subi un pontage aorto-coronarien avant leur sortie de l’hôpital, un facteur confondant important. Conclusion : De façon générale, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse permet d’accéder à une anticoagulation adéquate dans des délais acceptables. Une prise de conscience de l’importance d’assurer un suivi adéquat des patients sous nomogramme d’héparine intraveineuse et une mise en lumière de la nécessité d’effectuer la mesure du temps de céphaline activée figurent parmi les conclusions de cette étude. Mots-clés : Héparine non fractionnée, nomogramme, temps de céphaline activée Introduction L’anticoagulation est une modalité de traitement importante de plusieurs pathologies impliquant des phé- nomènes thrombotiques. Depuis plusieurs années déjà, des patients souffrant de thromboses veineuses profondes, d’embolies pulmonaires, de syndromes coronariens aigus et d’autres pathologies diverses sont placés sous l’effet d’anticoagulants appelés à réduire les conséquences néfastes liées à la formation d’un thrombus1,2. L’héparine non fractionnée, administrée par voie intraveineuse (nommée héparine intraveineuse dans l’article afin d’alléger le texte), et les héparines de faible poids moléculaire, administrées par voie sous-cutanée, sont les molécules actuellement les plus utilisées pour parvenir à cette anticoagulation, et cela, malgré l’arrivée de nouvelles molécules1,2. L’héparine intraveineuse est un mélange de glycosaminoglycans imposants et hétérogènes exerçant son action anticoagulante principalement par sa liaison à l’antithrombine III. Le complexe ainsi formé inactive les facteurs IIa (aussi appelés thrombine), Xa, IXa, XIa et XIIa, qui sont des éléments majeurs de la cascade de coagulation1,2. Le monitorage de l’héparine intraveineuse se fait en général par l’analyse du temps de céphaline activée (TCA), un paramètre variant selon les effets inhibiteurs de l’héparine intraveineuse sur les facteurs IIa (principalement), Xa et IXa1. Bien qu’imparfait dans sa corrélation avec l’action de l’héparine intraveineuse, le TCA demeure le paramètre de monitorage le plus utilisé étant donné le faible coût et la grande disponibilité de son analyse en laboratoire3. Par ailleurs, la plus grande partie de l’héparine intraveineuse est métabolisée au ni- Julie Pellerin, M.Sc., B.C.P.S., était résidente à l’Hôpital Laval au moment de la réalisation du projet de recherche dans le cadre de son programme de maîtrise en pharmacie d’hôpital. Elle est actuellement pharmacienne clinicienne au département de pharmacie de l’University of Alberta Hospital à Edmonton en Alberta Isabelle Taillon, M.Sc., est pharmacienne clinicienne à l’Hôpital Laval et professeure de clinique à la faculté de pharmacie de l’Université Laval Pierre-Maxime Bélanger, B.Pharm., Ph.D., était professeur à la faculté de pharmacie de l’Université Laval au moment de la réalisation du projet Julie Méthot, B.Pharm., Ph.D., est pharmacienne à l’Hôpital Laval, professeure de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval et effectue actuellement un stage postdoctoral au Centre de médecine génique communautaire de l’Université de Montréal affilié au CSSS de Chicoutimi Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 277 veau hépatique, mais une petite partie de l’héparine ainsi que ses principaux métabolites sont éliminés sous forme inchangée dans l’urine4. Au cours des années, la grande variabilité entre les régimes d’héparine intraveineuse prescrits empiriquement par les médecins et les risques encourus à la suite d’une anticoagulation insuffisante ou trop importante ont amené la création de plusieurs nomogrammes d’administration de l’héparine intraveineuse. Certains de ces nomogrammes impliquent un dosage fixe alors que d’autres proposent un dosage ajusté selon le poids réel du patient. L’efficacité de l’héparine intraveineuse est mesurée par la mesure du TCA. L’écart thérapeutique du TCA est établi afin de correspondre à un TCA entre 1,5 et 2,5 fois la valeur normale sans anticoagulothérapie1,2. Une valeur d’activité anti-Xa de 0,3 à 0,7 unités/ml correspond à cet intervalle, ce qui permet de déterminer qu’à l’Hôpital Laval, l’écart thérapeutique du TCA se situe entre 50 et 80 secondes1,2. On doit viser cet écart thérapeutique afin de diminuer les risques de thromboses associés à un TCA sous-thérapeutique, ou le risque de saignements associé à un TCA sur-thérapeutique. Comme la demi-vie de l’héparine intraveineuse est d’environ 1,5 heures, on mesure habituellement le premier TCA six heures après le début du traitement à l’héparine intraveineuse afin d’obtenir une mesure lorsque l’état d’équilibre de l’héparine intraveineuse est atteint4. Par la suite, d’autres mesures du TCA sont faites empiriquement par le médecin ou selon des critères précisés dans un nomogramme. À l’Hôpital Laval, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse, décrit à la figure 1, est le fruit d’une consultation de quatre experts du domaine (cardiologue, interniste, pneumologue, hématologue). Cependant, bien qu’il soit largement utilisé, ce nomogramme n’avait jamais été évalué depuis son implantation avant la réalisation du présent projet. Cette recherche a permis de dresser un portrait lié à l’utilisation de ce nomogramme et s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres études ayant aussi évalué les paramètres de l’anticoagulation liés à l’héparine intraveineuse5-16. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les paramètres cliniques et d’anticoagulation liés à l’utilisation du nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval sur une période d’un an. Les objectifs spécifiques étaient les suivants : - Décrire les caractéristiques cliniques des patients ayant utilisé le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse et inclus dans l’étude. - Estimer le temps moyen d’atteinte d’un premier TCA thérapeutique. - Estimer la durée de traitement à l’héparine intraveineuse pendant laquelle le TCA est thérapeutique. 278 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 - Déterminer le nombre d’ajustements moyens nécessaire avant l’atteinte un premier TCA thérapeutique. - Déterminer le débit moyen de perfusion d’héparine intraveineuse lors de l’atteinte du premier TCA thérapeutique. - Déterminer la fréquence des complications (saignements majeurs/mineurs et événements thromboemboliques) survenant en cours de traitement à l’héparine intraveineuse. Les objectifs complémentaires visaient la divulgation des résultats et la formulation de recommandations. Méthodologie Cette étude descriptive longitudinale a été réalisée de façon rétrospective en 2004 à partir de dossiers médicaux. La liste de ces dossiers a été établie selon les données du logiciel de la pharmacie de l’Hôpital Laval et incluait tous les patients ayant reçu de l’héparine intraveineuse pendant au moins 48 heures au cours de l’année précédant la collecte de données. Une autorisation de la Direction des services professionnels de l’Hôpital Laval a été obtenue préalablement afin de permettre la consultation des dossiers médicaux. Le formulaire de collecte de données a été créé spécifiquement pour l’étude et a fait l’objet d’un test préalable sur les dix premiers sujets inclus dans l’étude. Ce prétest a amené certaines modifications au formulaire. Les données recueillies concernaient des paramètres démographiques ou cliniques, des caractéristiques du traitement à l’héparine intraveineuse, des paramètres d’évaluation de l’anticoagulation et des paramètres d’évaluation des complications liées à l’anticoagulation. La population étudiée était composée d’hommes et de femmes ayant entamé une héparinothérapie intraveineuse à l’Hôpital Laval selon le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de ce même hôpital. Les patients étaient exclus s’ils avaient reçu un thrombolytique durant l’héparinothérapie ou dans la semaine précédente, s’ils avaient reçu de l’héparine intraveineuse ou une héparine de faible poids moléculaire dans les 48 heures précédant l’utilisation du nomogramme, s’ils avaient reçu de l’héparine selon tout autre nomogramme que celui évalué dans cette étude ou s’ils avaient été admis à l’Hôpital Laval dans un contexte de saignement important (ex. hémorragie digestive haute). Pour cette étude, on a utilisé la classification des saignements établie lors de l’étude TIMI IIIB27. Les saignements majeurs seront donc définis comme étant tout saignement intracrânien, péricardique avec tamponnade ou ayant causé une chute d’au moins 50 g/l de l’hémoglobine. Les saignements mineurs seront définis comme étant tout signe d’hématurie, d’hémoptysie ou d’hématémèse, ou toute chute de 30 à 50 g/l de l’hémoglobine. Figure I : Nomogramme de l’héparine non fractionnée intraveineuse de l’Hôpital Laval PROTOCOLE HÉPARINE INTRAVEINEUSE Ce protocole s’applique à l’ensemble des patients devant recevoir de l’héparine SAUF ceux ayant une procédure d’hémodynamie et ceux recevant de la thrombolyse. L’objectif thérapeutique est un temps de céphaline (TCA) situé entre 50 et 80 secondes. Donner un BOLUS initial d’héparine de 5 000 unités IV sauf dans les cas d’accident vasculaire cérébral ou d’ischémie cérébrale transitoire, où il est préférable de ne pas administrer ce bolus. Lorsque le médecin ne désire l’administration d’aucun bolus durant tout le traitement à l’héparine, il doit le spécifier sur l’ordonnance. N’administrer AUCUN BOLUS si l’héparine a été interrompue depuis moins de 4 heures. Reprendre alors l’héparine au même débit qu’auparavant. Commencer une PERFUSION d’héparine 20 000 unités dans 500 ml D5 % (40 unités/ml) • 25 ml/h si patient pèse moins de 80 kg (1 000 unités/heure). • 32 ml/h si patient pèse 80-100 kg (1 280 unités/heure). • 35 ml/h si patient pèse plus de 100 kg (1 400 unités/heure). • Recommencer au débit antérieur si l’héparine a été interrompue depuis moins de 48 h et si le TCA était entre 50 et 80 secondes avec ce débit. Obtenir un TCA 6 heures après le début de la perfusion puis selon le nomogramme. TCA STAT dans les cas de saignement. N.B. Pour être valide, le prélèvement doit être fait dans un tube (avec un bouchon bleu) rempli au trois quarts. Formule sanguine complète le jour du début de l’administration de l’héparine, 3 jours plus tard et 1 fois par semaine par la suite si le traitement se poursuit. NOMOGRAMME POUR LA PERFUSION D’HÉPARINE Bolus Arrêt de la Ajustement de la perfusion (unités) perfusion (ml/h) (minutes) Simple Double concentration concentration (40 unités/ml) (80 unités/ml) < 30 5 000 0 +2 +1 30 – 39,9 2 500 0 +2 +1 40-40,9 0 0 +2 +1 50-80 0 0 0 0 80,1-89,9 0 0 -2 -1 90-109,9 0 30 -2 -1 110-129,9 0 60 -3 -2 130-149,9 0 60 -4 -2 >150 0 60 -6 -3 * Si le TCA est fait entre 3 h et 6 h du matin, le refaire 6 h plus tard Si saignement, AVISER LE MÉDECIN immédiatement Si TCA > 150 DEUX FOIS DE SUITE, AVISER LE MÉDECIN Si TCA < 50 TROIS FOIS DE SUITE, AVISER LE MÉDECIN TCA Toutes les unités de sang transfusées au patient seront comptabilisées et compteront chacune pour une chute de 10 g/l de l’hémoglobine. L’événement thromboembolique correspond à tout événement d’origine thromboembolique survenu à la suite de l’instauration du traitement à l’héparine intraveineuse. Il comprend notamment la thrombose veineuse profonde, l’embolie pulmonaire et l’accident vasculaire cérébral. Description statistique Toutes les données quantitatives continues (âge, poids, etc.) ont été colligées de manière à pouvoir être présentées sous forme de moyenne ± écart-type. Les données qualitatives, comme le sexe, sont quant à elles décrites sous forme de proportion. Les analyses ont été réalisées avec le logiciel SAS version 8.0. Une première analyse TCA suivant (après l’ajustment de débit) 6h 6h 6h lendemain matin* lendemain matin* 6h 6h 6h 6h consistait à décrire les caractéristiques liées à l’anticoagulation. Une seconde analyse stratifiait la population afin de pouvoir comparer les résultats obtenus par différents sous-groupes, par exemple les différentes classes de poids. Ces analyses ont été réalisées à titre exploratoire, compte tenu de la faible taille de l’échantillon et de la puissance limitée qui en découle. La signification statistique a été établie avec le test exact de Fisher, le test du chi carré et l’ajustement pour comparaisons multiples de Tukey-Kramer. Une valeur p ≤ 0,05 a été considérée comme significative. Résultats Au cours de cette étude, 352 dossiers médicaux ont été consultés, mais seulement 85 sujets correspondaient Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 279 aux critères d’inclusion. Les principales caractéristiques cliniques des patients inclus dans l’étude ainsi que les caractéristiques liées au traitement à l’héparine intraveineuse sont résumées au tableau I. Soixante et un pourcent (61 %) des sujets étaient des hommes, et les deux principales indications pour l’utilisation de l’héparine intraveineuse étaient le syndrome coronarien aigu et la fibrillation ou flutter auriculaire. Afin d’atteindre un TCA thérapeutique, en moyenne 18 heures et 1,5 ajustement ont été nécessaires. Les patients avaient un TCA thérapeutique durant plus des deux tiers du temps pendant lequel ils ont reçu l’héparine intraveineuse. Bien que l’inscription de la mesure du TCA ait été prévue au protocole, dix-neuf dossiers de patients (22 %) ne comportaient pas cette mesure six heures après le début de l’héparinothérapie intraveineuse. Par ailleurs, pour l’ensemble des patients, le TCA réalisé était thérapeutique chez 22 % des patients, sous-thérapeutique chez 13 % et sur-thérapeutique chez 43 % d’entre eux. Le débit moyen de perfusion au premier TCA thérapeutique était de 992 unités par heure et correspondait à un débit de 13 unités/kg/heure. De plus, une corrélation du débit moyen de perfusion au moment du premier TCA thérapeutique avec le poids réel a pu être identifiée (Figure 2). Les patients de poids plus faible avaient un débit moyen de perfusion inférieur en comparaison avec les sous-groupes de patients ayant un poids plus élevé. Plusieurs comparaisons atteignent le seuil de signification statistique, comme le présente la figure 2. À titre d’exemple, le débit moyen de perfusion était d’environ 800 unités/heure et de 1 300 unités/heure respectivement pour les patients de 50 kg ou moins et ceux de plus de 100 kg (p = 0,0003). Ces résultats sont exploratoires compte tenu que chaque sous-groupe compte un nombre limité de patients. Tableau I : Caractéristiques des sujets et du traitement à l’héparine intraveineuse Caractéristiques des sujets Nombre de sujets inclus Sexe masculin1 Âge moyen (années)2 Poids réel moyen (kg)2 Poids idéal moyen (kg)2 Indice de masse corporel (kg/m2)2 Clairance à la créatinine inférieure à 30 ml/min1 Insuffisance cardiaque1 Indications de l’héparine intraveineuse Syndrome coronarien aigu1 Fibrillation auriculaire / flutter auriculaire1 Indications multiples1 Fibrillation / flutter auriculaire + remplacement de valve aortique / mitrale (n = 4) Fibrillation / flutter auriculaire + syndrome coronarien aigu (n = 4) Syndrome coronarien aigu + remplacement de valve aortique / mitrale (n = 2) Thrombose veineuse profonde / embolie pulomnaire1 Accident vasculaire cérébral / ischémie cérébrale transitoire1 Remplacement de valve aortique / mitrale1 Néoplasie ou autre indication1 Caractéristiques du traitement à l’héparine intraveineuse Bolus initial de 5 000 unités reçu1 Temps moyen d’atteinte du premier TCA thérapeutique (heures)2 Proportion de patients atteignant un premier TCA thérapeutique en moins de 24 heures1 Durée moyenne du traitement à l’héparine intraveineuse (heures)2 Poucentage moyen de temps de traitement à l’héparine intraveineuse avec un TCA thérapeutique (%)2 Nombre moyen d’ajustements de débit de perfusion avant le premier TCA thérapeutique2 Débit moyen de perfusion au premier TCA thérapeutique (unités/heure)2 Débit moyen de perfusion au premier TCA thérapeutique par kg de poids réel (unités/kg/heure)2 COMPLICATIONS LIÉES AU TRAITEMENT À L’HÉPARINE INTRAVEINEUSE Tous saignements confondus1 o Sujets ayant subi un pontage aorto-coronarien (10/34 soit 29 % des sujets avec saignement) o Saignements catégorisés comme étant mineurs (23/34 soit 67 % des sujets avec saignement) Événements thromboemboliques1 1- n(%); 2- moyenne ± écart-type; TCA : temps de céphaline activée 280 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 85 52 (61 %) 67 ± 12 75 ± 17 61 ± 11 27 ± 6 15 (18 %) 2 (2 %) 37 (44 %) 25 (29 %) 10 (12 %) 7 (8 %) 3 (4 %) 1 (1 %) 2 (2 %) 65 (77 %) 18 ± 12 59 (69 %) 126 ± 83 65 ± 23 1,5 ± 1,3 992 ± 253 13 ± 3 34 (40 %) Figure 2. Débit de la perfusion de l’héparine intraveineuse au premier TCA thérapeutique en fonction du poids réel 1400 1200 1000 Débit de perfusion au premier TCA thérapeutique (u/h) 800 * ** * ** * * ** 600 400 200 0 ≤50 >50 et ≤60 >60 et ≤70 >70 et ≤80 >80 et ≤90 >90 et ≤100 >100 *; p ≤ 0,009 en comparaison du groupe de patients ayant un poids > 100 kg ** : p ≤ 0,001 en comparaison du groupe de patients ayant un poids > 90 kg et ≤ 100 kg Légende : u/h : unités/heure; kg : kilogrammes Complications liées à l’héparine intraveineuse Au total, 34 patients (40 %) ont présenté un saignement entre le début de leur traitement à l’héparine intraveineuse et leur sortie de l’hôpital. Toutefois, pour 23 de ces patients (67 %), les saignements présentés étaient catégorisés comme mineurs. Ceux ayant présenté un saignement mineur/majeur avaient un poids réel de 71 kg ± 15 alors que ceux n’ayant pas présenté de saignements avaient un poids de 78 kg ± 17, tendance non statistiquement significative. Seuls deux patients (2 %) ont présenté un événement thromboembolique pendant leur hospitalisation après le début du traitement à l’héparine intraveineuse (Tableau I). Bien que leur TCA au moment de l’événement thromboembolique n’ait pas été disponible, aucun de ces deux patients n’avait un TCA sous-thérapeutique 6 heures après le début de l’administration de l’héparine intraveineuse. Ils avaient un poids moyen d’environ 70 kg. Discussion Les résultats obtenus laissent entendre que le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval permet d’accéder à une anticoagulation adéquate dans des délais acceptables. En effet, 69 % des patients atteignent un premier TCA thérapeutique en moins de 24 heures lorsqu’ils sont traités avec le nomogramme étudié. Le débit de perfusion au premier TCA thérapeutique est une variable importante dans l’évaluation d’un nomogramme, car il facilite la comparaison avec les nomogrammes cités dans la littérature médicale. Les différents nomogrammes décrits dans la littérature scientifique comportent, comme le nôtre, une stratification selon le poids. Certains stratifient également selon l’âge, car cette variable peut influencer le débit de perfusion nécessaire pour obtenir un premier TCA thérapeutique6,17-19. Il faut mentionner qu’il existe de nombreux nomogrammes d’ajustement de l’héparine intraveineuse qui ont été étudié à ce jour et qu’aucune étude n’a été faite sur un nomogramme en tout point semblable à celui étudié ici.5-16 Cette situation rend plus complexes les comparaisons des résultats des différentes études avec ceux présentés dans ce projet de recherche. Les résultats liés à l’efficacité du nomogramme sont comparables à ceux des autres nomogrammes étudiés basés sur le poids réel du patient. En effet, le laps de temps pour atteindre un premier TCA thérapeutique est de 18 ± 12 heures dans notre étude. Le laps de temps pour atteindre le premier TCA thérapeutique dans ces études se situe entre 13 et 26 heures ; seulement trois études atteignent un premier TCA thérapeutique plus rapidement que le nomogramme évalué dans ce projet de recherche6,8,10,20-24. En outre, pour ce qui est du pourcentage de patients ayant obtenu un premier TCA thérapeutique dans les 6 heures et dans les 24 heures après le début de l’administration de l’héparinothérapie, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval occupe une position centrale lorsqu’on le compare aux autres nomogrammes. En fait, trois nomogrammes sur cinq et trois nomogrammes sur sept, selon la littérature médicale, obtiennent un pourcentage d’atteinte du TCA inférieur au nomogramme de l’Hôpital Laval, soit à 6 heures et à 24 heures, respectivement. Ces pourcentages se situent entre 5 et 33 % à 6 heures et entre 50 et 79 % à 24 heures12,13,15,16,25,26. Quant aux ajustements de perfusion nécessaires avant l’atteinte du premier TCA thérapeutique, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 281 atteint un nombre légèrement plus élevé d’ajustements nécessaires comparé à l’étude de Brown et collaborateurs, la seule autre étude ayant mesuré ce paramètre dans la littérature scientifique (1,5 ajustement vs 1 ajustement, respectivement)23. Cependant, il faut mentionner que, dans l’étude de Brown et collaborateurs, ce paramètre semble avoir été arrondi à l’unité près, ce qui peut fausser la comparaison en faveur de leur étude. Lorsque sont comparés les débits moyens de perfusion au moment du premier TCA thérapeutique, le débit moyen obtenu avec le nomogramme de l’Hôpital Laval semble un peu plus bas que celui obtenu dans l’étude de Gunnarsson et collaborateurs (992 ± 253 unités/heure vs 1056 ± 280 unités/heure)5. Cependant, lorsque sont comparés les débits moyens de perfusion par kilogramme de poids réel au moment du premier TCA thérapeutique dans les deux mêmes études, des débits identiques sont obtenus (13 ± 3 unités/kg/heure vs 13 ± 3 unités/kg/heure)5. Quant aux complications liées à l’administration d’héparine intraveineuse, deux catégories sont prédominantes, soit les saignements, liés à une anticoagulation trop importante, et les événements thromboemboliques, liés à une anticoagulation insuffisante. Au cours de notre étude, un total de 34 patients (40 %) ont présenté un saignement. Il faut cependant tenir compte du biais de confusion majeur apporté par le grand nombre de ces patients ayant subi un pontage aorto-coronarien après le début de la perfusion d’héparine intraveineuse, puisque 63 % des saignements majeurs sont survenus dans un contexte de pontage aorto-coronarien. Si on exclut les patients ayant subi un pontage aorto-coronarien du total des patients ayant présenté un saignement majeur, on obtient une prévalence de saignements majeurs de 7 % et une prévalence de saignement, tous saignements confondus, de 28 %. Lorsque ces données sont comparées aux autres études retrouvées dans la littérature médicale, la variation des définitions données aux concepts de saignements mineurs et majeurs limite de beaucoup les comparaisons. Cependant, il est possible de comparer la prévalence de saignement en général pour l’ensemble des patients dans les différentes études. Dans la littérature scientifique, la prévalence de saignements se situe entre moins de 2 % et 11 %, alors que, dans notre étude, elle se situe à 40 % tous saignements confondus et à 28 % si on exclut tous les patients ayant subi un ou plusieurs pontages aortocoronariens en cours d’hospitalisation6,8,13,23,27. Un autre facteur confondant quant à l’imputation des saignements au traitement à l’héparine intraveineuse est la nécessité, pour certains patients, de subir une intervention coronarienne percutanée. Ce type d’intervention implique un risque accru de saignement, entre autres attribuable à la procédure elle-même et à la médication anticoagulante qui s’y rattache (clopidogrel, acide acétylsalicylique). Bien que le nombre de sujets ayant subi une intervention coronarienne percutanée ne soit pas rapporté dans l’étude, il n’est certainement pas négligeable, compte tenu que le syndrome coronarien aigu était l’indication la plus fréquente d’anticoagulation avec l’héparine intraveineuse. Il est bien connu que, parmi les traitements du syndrome coronarien aigu, dont fait partie l’infarctus du myocarde, se trouve l’intervention coronarienne percu- 282 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 tanée. D’autre part, les patients ayant saigné avaient tendance à avoir un poids inférieur comparativement à ceux n’ayant pas saigné. Une taille d’échantillon plus grande pourrait nous permettre de vérifier si la survenue de saignements peut s’expliquer en partie par le fait que tous les patients pesant moins de 80 kg recevaient le même débit initial de perfusion, soit 1 000 unités/heure, contrairement à d’autres études, où le débit initial est ajusté plus finement en fonction du poids du patient. Pour ce qui est de la survenue d’événements thromboemboliques à la suite du début de la thérapie à l’héparine intraveineuse, le nomogramme d’ajustement de l’Hôpital Laval est comparable aux autres nomogrammes étudiés (2 % vs 0 à 5 %)6,10,13,27. Un TCA sous-thérapeutique durant le traitement à l’héparine intraveineuse ne semble pas être une explication plausible de l’apparition d’un événement thromboembolique chez ces deux patients. En effet, ces derniers avaient un TCA thérapeutique 6 heures et 24 heures après le début de l’administration de l’héparine intraveineuse. Chez ces deux patients, le TCA est demeuré thérapeutique pendant 75 à 80 % du temps que le traitement à l’héparine intraveineuse était en cours. De plus, ils n’avaient pas un poids très élevé, ce qui aurait pu être un facteur contribuant à un l’obtention d’un TCA sous-thérapeutique expliquant la survenue d’un événement thromboembolique. À la suite des résultats de cette étude, certaines recommandations ont été proposées. Premièrement, on pourrait envisager de créer des sous-classes de poids dans la catégorie des patients pesant moins de 80 kilogrammes. Comme il a été mentionné plus haut, ces patients disposent actuellement d’un seul débit de perfusion initial, ce qui peut expliquer une partie des saignements rapportés dans cette étude. Toutefois, cette proposition devrait faire l’objet d’une analyse plus approfondie sur un plus grand nombre de sujets de manière à tenir compte de la présence de variables confondantes, comme l’intervention coronarienne percutanée. Deuxièmement, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval demande un suivi rigoureux afin que l’on puisse optimiser l’atteinte rapide et le maintien d’un TCA thérapeutique. Cependant, le TCA de 22 % des patients n’avait pas été mesuré 6 heures après le début de la thérapie à l’héparine intraveineuse, tel que le prévoit le nomogramme. Cette faiblesse démontre la nécessité d’en informer le personnel infirmier afin de lui faire prendre conscience de l’importance de suivre rigoureusement les indications du nomogramme dans le but d’optimiser la thérapie du patient. Notre étude présente des limites pouvant altérer la validité interne et restreindre la validité externe de ses résultats. Tout d’abord, puisque l’étude se base sur une analyse rétrospective des dossiers médicaux, la collecte de données a été limitée par le contenu des dossiers médicaux, et il se peut que certaines informations pertinentes aient manqué à ce niveau. Ensuite, puisque le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval est unique, il est difficile de généraliser les résultats de l’étude à une population autre que les patients recevant de l’héparine intraveineuse dans ce même hôpital. En conclusion, l’efficacité du nomogramme de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval est comparable aux autres nomogrammes étudiés dans la littérature médicale. En effet, il permet d’atteindre une anticoagulation adéquate dans des délais acceptables. La survenue de saignements après le début de l’administration de l’héparinothérapie semble plus élevée que ce que l’on retrouve dans la littérature, mais les pontages aorto-coronariens objectivés et les interventions coronariennes percutanées avancés comme facteurs confondants semblent expliquer en partie cet écart avec les résultat publiés dans la littérature médicale. Une prise de conscience de l’importance d’assurer un suivi adéquat et de respecter le nomogramme (c.-à-d. d’effectuer la mesure du TCA aux moments opportuns) d’héparine intraveineuse s’en est suivi afin de favoriser un traitement à la fois efficace et sécuritaire. La démarche s’applique aussi à l’administration d’héparines de bas poids moléculaires, qui sont largement utilisées actuellement, dont le suivi des antiXa est assuré par le pharmacien tant à l’étage que par le service de distribution. Remerciements Merci à M. Serge Simard, biostatisticien à l’Hôpital Laval, pour son soutien dans l’analyse statistique des données. Julie Méthot reçoit une bourse de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour son stage postdoctoral. Pour toute correspondance : Isabelle Taillon Département de pharmacie Hôpital Laval 2725, chemin Sainte-Foy Québec (Québec) G1V 4G5 Téléphone : 418 656-4590 Télécopieur : 418 656-4656 Courriel : [email protected] Références 1. Hirsh J, Bauer KA, Donati MB, Gould M, Samama MM, Weitz JI. Parenteral anticoagulants : American college of chest physicians evidence-based clinical practice guidelines (8th edition). Chest 2008;133:141S-59S. 2. Wittkowsky AK. Thrombosis. Dans: Koda-Kimble MA, Young LY, Kradjan WA, Guglielmo BJ. Applied therapeutics: The clinical use of drugs. 7e éd. Baltimore: Lippincott Williams & Wilkins; 2001. p. 14.1-14.33. 3. Rosborough TK. Monitoring unfractionated heparin therapy with antifactor Xa activity results in fewer monitoring tests and dosage changes than monitoring with the activated partial thromboplastin time. Pharmacother 1999;19:760-6. 4. Lacy CF, Armstrong LL, Goldman MP, Lance LL. Drug information handbook. 17e éd. Hudson (OH): Lexi-comp; 2008. 1938 p. 5. Gunnarsson PS, Sawyer WT, Montague D, Williams ML, Dupuis RE, Caiola SM. Appropriate use of heparin: empiric vs nomogram-based dosing. Arch Intern Med 1995;155:526-32. 6. Raschke RA, Reilly BM, Guidry JR, Fontana JR, Srinivas S. The weight-based heparin dosing nomogram compared with a “standard care” nomogram. Ann Intern Med 1993;119:874-81. 7. Linke LC, Katthagen BD. Weight-based heparin dosing is more effective in the treatment of postoperative deep vein thrombosis. Arch Orthop Trauma Surg 1999;119:208-11. 8. Shalansky KF, Fitzgerald JM, Sunderji R, Traboulay SJ, O’Malley B, McCarron BI et coll. Comparison of a weight-based heparin nomogram with traditional heparin dosing to achieve therapeutic anticoagulation. Pharmacother 1996;16:1076-84. 9. De Groot MR, Büller HR, Ten Cate JW, Van Marwijk Kooy M. Use of a heparin nomogram for treatment of patients with venous thromboembolism in a community hospital. Thromb Haemost 1998;80:70-3. 10. Raschke RA, Gollihare Bea, Peirce JC. The effectiveness of implenting the weight-based heparin nomogram as a practice guideline. Arch Intern Med 1996;156:1645-9. 11. Zimmermann AT, Jeffries WS, McElroy H, Horowitz JD. Utility of a weightbased heparin nomogram for patients with acute coronary syndromes. Intern Med J 2003;33:18-25. 12. Hochman JS, Wali AU, Gavrila D, Sim MJ, Malhotra S, Palazzo AM et coll. A new regimen for heparin use in acute coronary syndromes. Am Heart J 1999;138:313-8. 13. Becker RC, Ball SP, Eisenberg P, Borzak S, Held AC, Spencer F et coll. 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The objectives were to describe certain characteristics related to the use of the intravenous heparin protocol, specifically the delay to achieve a therapeutic activated partial thromboplastin time. Methods: This retrospective study was done in 2004 and included patients who had received intravenous heparin according to the dosage adjustment protocol for a minimum of 48 hours. Using a data collection tool that had been previously tested, data were collected using the medical records of eligible patients for a period of one year. Results: Of the 352 medical records consulted, 85 patients were selected for inclusion in the study. Sixty-nine percent of patients achieved a first therapeutic aPTT in less than 24 hours. However, 22% of patient medical charts did not show an aPTT measurement 6 hours after the start of the infusion, as was specified in the protocol. The average infusion rate at the first therapeutic aPTT was 992 ± 253 (units/hour). Of the 34 patients that had bleeding, 23 had a coronary artery bypass graft prior to being discharged, an important confounding factor. Conclusion: The protocol for the adjustment of intravenous heparin generally allows for anticoagulation within an acceptable delay. The importance of adequately monitoring patients on the intravenous heparin protocol and the necessity of aPTT measurement are among the conclusions of this study. Key words: unfractionated heparin, protocol, activated partial thromboplastin time Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 283 PHARMACOTHÉRAPIE Mise à jour du traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline Cindy Tremblay Introduction Résumé Objectif : Discuter des choix de traitements antibiotiques dans les infections à SARM, dont celles contractées en milieu communautaire. Source des données et sélection des études : Nous avons effectué une revue de la littérature scientifique en consultant PubMed. Nous avons également entrepris l’examen des études cliniques, des revues systématiques et des méta-analyses portant sur les traitements antibiotiques des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contractées en milieu hospitalier (SARM-N) et en milieu communautaire (SARM-C). Analyse des données : Depuis une dizaine d’années, le type Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline est devenu l’une des causes d’infections graves les plus communes. De nouvelles souches font maintenant émergence, comme le type Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contracté en milieu communautaire. Les antibiotiques standards sont toujours utilisés pour le traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contractées en milieu communautaire, mais d’anciennes molécules, comme la clindamycine, les tétracyclines et le triméthoprime-sulfaméthoxazole peuvent également être utilisées dans le traitement de ces infections. De plus, pour le traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline en général, de nouvelles avenues thérapeutiques font maintenant leur apparition, comme la tigécycline et la daptomycine. Conclusion : Les choix de traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline s’élargit, mais aucun des nouveaux traitements n’offre encore assez d’avantages pour surpasser les molécules, telle la vancomycine. L’identification adéquate des souches selon le milieu de propagation de l’infection et selon la présence de résistance est importante pour l’application d’un traitement adéquat de l’infection. Mots clés : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline contracté en milieu communautaire, vancomycine, tigécycline, daptomycine, linézolide, clindamycine, triméthoprime-sulfaméthoxazole, tétracycline, quinupristin-dalfopristin. 284 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Staphylococcus aureus (SA) est une bactérie à Gram positif pouvant causer plusieurs types d’infections. Les premières souches de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) ont été décrites pour la première fois en 19611. Au Canada, les premiers cas de SARM ont été répertoriés en 19812. Ayant développé une multirésistance avec le temps, le type SARM est devenu problématique dans les années 903. La fréquence des infections à SARM est en croissance. Le taux total d’infections à SARM observées aux ÉtatsUnis a augmenté entre 1998 et 2005 de 53 %4. Une récente étude utilisant les données d’un programme de surveillance a estimé qu’en 2005, aux États-Unis, il y aurait eu 94 360 cas d’infection invasive à SARM, qui auraient provoqué 18 650 décès intrahospitaliers5. Le SARM est également en augmentation constante dans les hôpitaux canadiens. Il est associé à un plus grand taux de mortalité et à une augmentation de la durée et des coûts d’hospitalisation. Une étude a démontré qu’entre 1995 et 2004, le taux de SARM dans les hôpitaux canadiens était passé de 0,46 à 5,9 cas pour 1000 hospitalisations6. Selon une autre étude effectuée dans 48 centres canadiens en 2006, 11 700 des 29 000 patients hospitalisés porteurs de SARM présentaient une infection. Cette même étude rapporte que cette bactérie aurait été la cause du décès d’environ 2 300 Canadiens, entraînant des coûts de santé de 200 à 250 millions de dollars7. Apparition de nouvelles souches SARM Le SARM est généralement contracté en milieu hospitalier (SARM-N). Toutefois, depuis quelques années, ce défi médical que représente le SARM-N laisse place à un nouveau défi, le SARM acquis en milieu communautaire (SARM-C). Le premier cas de SARM-C a été décrit au Michigan en 19828. Depuis, la fréquence des infections à SARM-C est en augmentation constante9. Ces infections représentent actuellement de 8 à 20 % de toutes les infections à SARM10. Cindy Tremblay, B.Sc., M.Sc., est pharmacienne à l’Hôpital Laval, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec Nous avons répertorié au moins huit définitions pour différencier les deux souches de SARM. La principale d’entre elles, concernant les infections au SARM-N, caractérise les patients ayant reçu un diagnostic plus de 72 heures après leur admission dans un hôpital8. Contrairement au SARM-N, le SARM-C se propage dans la population, particulièrement chez les personnes pratiquant un sport de contact, les détenus, les militaires, les enfants en garderie, les autochtones, les hommes ayant des relations homosexuelles et les utilisateurs de drogues injectables8. Afin de différencier officiellement ces deux entités, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a élaboré des critères de différenciation8. Le SARM est considéré comme étant contracté en communauté lorsqu’il répond à tous les critères suivants : • Diagnostic d’une infection à SARM chez un patient en soins ambulatoires OU culture positive pour le SARM dans les premières 48 heures de l’admission du patient dans un centre hospitalier ; • Absence d’antécédents d’infection ou de colonisation au SARM ; • Absence de chacune de ces particularités dans l’année précédant l’infection : o Hospitalisation ; o Admission dans un établissement de longue durée ; o Dialyse ; o Chirurgie ; • Absence de cathéters permanents ou d’autres appareils médicaux traversant la peau. Résistance aux antibiotiques La caractéristique fondamentale distinguant le SARM du type Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline (SASM) est la production des Penicillin-Binding Proteins modifiées, les PBP2a. Cette protéine est encodée par le gène mecA. Elle agit comme transpeptidase, reliant les peptidoglycanes essentielles à la structure membranaire de la cellule bactérienne. Les PBP2a sont différentes des PBP ordinaires par leur très faible affinité pour les antibiotiques possédant un anneau bêta-lactame. Le gène mecA est localisé sur la cassette chromosomale staphylococcique (CCS), un élément génétique mobile. Cette cassette contient les gènes responsables de la régulation de l’expression du mecA. Jusqu’à maintenant, cinq types majeurs de mecCCS ont été identifiés (I-V). Les types I, II et III sont ceux retrouvés le plus fréquemment dans les isolats du SARM-N8. Ils confèrent une résistance à d’autres antibiotiques en plus des bêta-lactames. Les types IV et V sont plus petits, caractérisent plutôt les SARM-C et ne confèrent pas de résistance à d’autres antibiotiques que les bêta-lactames8. En effet, le SARM-N a développé avec le temps d’autres mécanismes de résistance, ce qui lui confère une résistance à d’autres antibiotiques, tels les macrolides, les aminoglycosides, les quinolones, les tétracyclines, les lincosamides et les streptogramines de type B. Ces souches sont toutefois généralement sensibles au triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMX), bien qu’un nombre croissant de colonies y soient résistantes3. Jusqu’au début des années 2000, le SARM-C était moins inquiétant, puisqu’il n’était résistant qu’aux bêtalactames. Toutefois, depuis 2004, certaines souches virulentes de SARM-C ont émergé. Les souches USA400 et USA300 ont, entre autres, été la cause de plusieurs infections invasives graves8. La souche USA300 semble différente du SARM-C identifié au départ, puisqu’on observe maintenant une multirésistance. Cette souche porte fréquemment le gène codant pour la leucocidine de PantonValentine (gène pvl), une toxine qui rend la souche plus pathogène et qui peut entraîner de la nécrose tissulaire8. Actuellement, ces deux souches sont peu observées au Canada, bien que la fréquence des infections causées par celles-ci semble être en augmentation. L’apparition de ces nouvelles souches commence maintenant à se répandre dans les milieux hospitaliers et rend la distinction entre le SARM-N et le SARM-C plus difficile. Options de traitements Jusqu’à maintenant, plusieurs options thérapeutiques ont été étudiées pour traiter les infections au SARM-N. Toutefois, peu de données sont disponibles pour le traitement des infections au SARM-C. Puisque cette souche répondrait à un plus grand nombre d’antibiotiques que le SARM-N, davantage d’options thérapeutiques seraient disponibles. Cependant, la plupart des traitements potentiels n’ont pas été étudiés cliniquement. De plus, l’ap- Tableau I : Caractéristiques du SARM-C et du SARM-N Propriétés SARM-C Durée de la culture après l’admission 24-72 h Résistance aux antibiotiques Résistance sélective aux bêta-lactames Caractéristiques moléculaires Clone USA300 ou USA400 Type de CCSmec IV (V occasionnellement) Présence de la toxine PVL Oui (> 80 %) CCSmec : Cassette chromosomique staphylococcique; PVL : Leucocidine de Panto-Valentine; SARM-C : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine communautaire; SARM-N : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine nosocomiale SARM-N > 72 h Multirésistance USA100, USA500, USA800 I, II ou III Rare Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 285 Mécanisme d’action Doses habituelles Indications IPTM à SARM : Traitement empirique et traitement IPTM à SARM : Traitement empirique**** et traitement 300-450 mg PO q 6 h IPTM aiguës : 600-900 mg IV q 6-8 h Se lie à l’unité 30S 100 mg PO/IV q 12 h ribosomale et inhibe la synthèse protéique bactérienne 15 mg/kg IV q 12 h IPTM aiguë à SARM Pneumonies à SARM Bactériémies à SARM IPTM à SARM : Traitement empirique**** et traitement Se lie à l’unité 50S ribosomale et inhibe la synthèse protéique bactérienne OUI OUI OUI OUI OUI NON *** NON *** OUI OUI OUI Bactériostatique Temps dépendant Bactéricide lent Temps dépendant (ratio AUC:CMI) Bactéricide Bactériostatique à bactéricide Temps dépendant Bactériostatique Temps dépendant Ne peut être utilisé pour les pneumonies : inactivé par surfactant pulmonaire; Approuvé seulement pour les IPTM; Émergence de résistance rapportée; Pénétration au SNC limitée. Bonne distribution a/n tissulaire et du SNC; Thrombocytopénies possibles et polyneuropathies irréversibles rapportées lorsqu’utilisé >28 jours; Serait efficace pour réduire la production de toxines bactériennes. Creux visé controversé pour le traitement des pneumonies à SARM; Pénétration au SNC et pulmonaire limitée. Bonne distribution a/n tissulaire et du SNC; Ne couvre pas le Streptococcus pyogenes. Données limitées par rapport à son utilisation; Bonne distribution en général; Ne couvre pas le Streptococcus pyogenes. Utiliser avec prudence, résistance induite possible chez patient ayant SARM-C; Serait efficace pour réduire la production de toxines bactériennes. Non indiqué en monothérapie dans les cas de bactériémie; Bonne distribution tissulaire en général. Commentaires OUI Bactéricide Concentrationdépendant Taux sériques inadéquats dans les cas de bactériémie; Bonne distribution tissulaire, faibles concentrations sériques. OUI OUI Bactériostatique Temps dépendant (ratio AUC:CMI) OUI Peut être Pharmacodynamique utilisé pour SARM-N SARM-C Tableau II : Agents antimicrobiens pouvant être utilisés dans le traitement des infections à SARM (adapté des références1, 8, 43, 49, 50) Agents Clindamycine Doxycycline TMP-SMX* 600 mg PO/IV q 12 h 100 mg IV 1e dose puis 50 mg IV q 12 h IPTM aiguë à SARM Pneumonies à SARM (indication non officielle) IPTM aiguë à SARM IPTM : 4 mg/kg IV q 24 h Bactériémies aiguës 6 mg/kg Bactériémies à SARM IV q 24 h (doses utilisées ad 8-12 mg/kg mais non approuvées officiellement) IPTM aiguë à SARM Pneumonies à SARM Bactériémies à SARM (indication non officielle) Inhibe des étapes 160 mg PO q 12 h** séquentielles dans Infections aiguës : 10-15 mg/ la synthèse des kg/j IV en 2-3 doses** folates, donc prévient la réplication de l’ADN Inhibe la synthèse de la membrane Vancomycine* cellulaire Linézolide Se lie à l’unité 50S ribosomale et inhibe la synthèse protéique bactérienne Augmente l’afflux de potassium hors Daptomycine* de la cellule bactérienne, dépolarise la cellule et inhibe la synthèse protéique bactérienne Tigécycline Se lie à l’unité 30S ribosomale et inhibe la synthèse protéique bactérienne Note : * Ajustement requis dans les cas d’insuffisance rénale ** Dose basée sur la composante triméthoprime *** Taux de résistance au SARM-N élevé **** Ne pas utiliser si on soupçonne la présence de Streptococcus pyogenes AUC : Aire sous la courbe; CMI : Concentrations minimales inhibitrices; IPTM : Infection de la peau et des tissus mous; SARM-C : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline contracté en milieu communautaire; SARM-N : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine nosocomiale; SNC : Système nerveux central; TMP-SMX : Triméthoprime-Sulfaméthoxazole Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 286 Pharmactuel parition de nouvelles souches plus virulentes et multirésistantes rend les choix de traitement plus difficiles. Nous verrons les différentes options utilisées pour le traitement du SARM et plus spécifiquement pour le traitement du SARM-C. le faible nombre d’études comparatives disponibles dans les cas d’infections graves, l’usage de la clindamycine devrait pour le moment être réservé aux infections moins aiguës. CLINDAMYCINE (DALACINMD) TRIMÉTHOPRIME-SULFAMÉTHOXAZOLE (BACTRIMMD) Pharmacologie Pharmacologie La clindamycine est un agent bactériostatique qui appartient à la classe des lincosamides. Elle inhibe la synthèse protéique bactérienne en se liant à un site de l’unité 50S ribosomale3. Elle est principalement active contre les organismes à Gram positif. Son activité contre le SA, et particulièrement contre le SARM, est variable. La clindamycine à l’avantage d’offrir une excellente biodisponibilité par voie orale et intraveineuse. Elle représente un bon choix, surtout pour les infections de la peau et des tissus mous (IPTM), étant donné sa bonne pénétration tissulaire et osseuse. On la préfère souvent au TMP-SMX, puisqu’elle est aussi active contre l’espèce Streptococcus pyogenes. Il est donc possible de l’utiliser en traitement empirique pour les IPTM. Le triméthoprime et le sulfaméthoxazole (TMP-SMX) inhibent certaines étapes séquentielles dans la synthèse des folates1. Cette combinaison, considérée comme synergique, procure une activité bactéricide contre plusieurs souches bactériennes. Malgré que la sensibilité au TMP-SMX ait diminué dans les organismes à Gram négatif, elle demeure supérieure à 80 % dans les isolats SA, y compris les SARM. Le TMP-SMX a une bonne biodisponibilité par voie orale. Sa pénétration dans les tissus corporels est aussi très bonne. Éliminé principalement par les urines, cet antibiotique requiert toutefois un ajustement dans les cas d’insuffisance rénale. Utilisation clinique Peu d’études cliniques évaluent son efficacité dans les infections à SARM. Une étude à répartition aléatoire, à double insu, effectuée auprès de 101 patients ayant contracté des infections à SA de différents types et publiée en 1992 révèle que le TMP-SMX aurait un effet moindre que la vancomycine13. Le SARM constituait 47 % des isolats. Tous les échecs au TMP-SMX se sont cependant produits chez des patients ayant une infection à SASM. Ainsi, cette étude laisse entendre que le TMP-SMX pourrait être considéré comme traitement de remplacement possible de la vancomycine dans certains cas d’infection à SARM. Les isolats SARM-N présentent souvent une résistance constitutive à la clindamycine, qui n’est donc pas un choix de traitement pour soigner les infections causées par ces souches. Par contre, les isolats SARM-C sont, pour la plupart, sensibles à la clindamycine8. Ils ont une altération de la structure liante ribosomale qui les rend résistants aux macrolides, mais sensibles à la clindamycine. Ayant la particularité d’inhiber la production bactérienne de toxines, cet antibiotique semble représenter un excellent choix de traitement pour les infections au SARM-C11. Son efficacité contre cette toxine n’est, par contre, pas démontrée cliniquement pour le moment. Utilisation clinique Certains SARM-C développent aussi à l’occasion des résistances à la clindamycine3. Encodée par le gène erm (phénotype MLSb), la résistance à la clindamycine peut être constitutive ou induite. Lorsque la résistance de type MLSb est constitutive, l’antibiogramme révèle une résistance à la clindamycine et à l’érythromycine. Toutefois, lorsque la résistance à la clindamycine est induite, l’antibiogramme ne la détecte pas et présente donc la souche comme étant sensible à la clindamycine12. Il est possible de différencier cette sensibilité par le D-test, pouvant être effectué par la majorité des laboratoires. Les souches SARM-C semblent répondre également à cet antibiotique, mais encore une fois, peu d’études cliniques et de rapports de cas démontrent son efficacité dans ce contexte infectieux8. Dans de petites études, le TMP-SMX a été observé comme étant efficace contre certains SARM-C dépendamment de la région métropolitaine8. Notons aussi que lorsqu’il est utilisé pour le traitement d’infections au SARM-C, le TMP-SMX doit être dosé de manière appropriée. Les données comparant cet antibiotique à la vancomycine dans les cas d’infections au staphylocoque, y compris les bactériémies et les endocardites, ont démontré que la dose appropriée de TMP était de 10-15 mg/kg/jour12. L’expérience et les opinions des experts appuient l’utilisation de la clindamycine pour le traitement des infections à SARM-C. La clindamycine a comme avantages une bonne biodisponibilité, un bon profil d’effets indésirables et une activité contre l’espèce Streptococcus pyogenes. Elle représente donc un bon choix lorsqu’un traitement empirique est requis. Cependant, étant donné Ainsi, l’activité du TMP-SMX contre le SARM, son profil pharmacocinétique et pharmacodynamique ainsi que son faible coût font de cet antibiotique une bonne option pour le traitement des infections non aiguës à SARM, y compris le SARM-C. De plus, puisqu’on retrouve également une résistance fréquente de l’espèce Streptococcus pyogenes et Streptococcus agalactiae au TMP-SMX, on Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 287 doit éviter d’utiliser cet antibiotique en traitement empirique lorsqu’on suspecte la présence de ces pathogènes12. TETRACYCLINES Pharmacologie Les tétracyclines inhibent la synthèse protéique des bactéries en se liant à l’unité du ribosome. À hautes doses, les tétracyclines sont bactéricides. Ces molécules auraient une bonne activité contre le SARM-C, mais les souches SARM-N y sont habituellement résistantes. On rapporte qu’environ 88 % des SARM-C seraient encore sensibles aux tétracyclines10. La doxycycline est celle qui est le plus communément utilisée parmi les tétracyclines, parce qu’elle a le meilleur profil pharmacologique et d’innocuité. Cet antibiotique a une distribution élevée dans les tissus corporels, une bonne absorption gastrointestinale et ne s’accumule pas en situation d’insuffisance rénale. cace que le TMP-SMX dans ce contexte. Par contre, les tétracyclines n’ont pas une activité satisfaisante contre le type Streptococcus pyogenes, souvent présent dans les infections de la peau. Lorsqu’on suspecte la présence de ce pathogène et qu’il s’agit d’une couverture empirique pour les IPTM, l’utilisation de ces antibiotiques n’est donc pas recommandée. QUINUPRISTIN-DALFOPRISTIN (SYNERCIDMD) Le quinupristin-dalfopristin est un antibiotique bactéricide semi-synthétique, composé de deux streptogramines3. Ce médicament a d’abord été accueilli avec beaucoup d’espoir. Cependant, en raison de son coût élevé et de son profil d’effets indésirables, il a été peu utilisé. D’ailleurs, depuis mai 2008, ce médicament n’est plus disponible au Canada. Il est toutefois intéressant de mentionner que, présentement, d’autres médicaments de la même classe sont à l’étude. VANCOMYCINE Utilisation clinique Pharmacologie Peu de données sont encore disponibles pour évaluer leur efficacité réelle. À l’exception d’une étude à répartition aléatoire comparative sur l’efficacité de la doxycycline dans le traitement des infections à SARM, les données se limitent à des rapports de cas et des études rétrospectives. Dans cette étude, Cenizal et coll. comparent la doxycycline et le TMP-SMX dans le traitement des IPTM. Après 10 à 14 jours de traitement, tous les patients ont répondu à la doxycycline, même les 15 patients ayant une infection à SARM, comparativement à 79 % de réponse au TMP-SMX14. De plus, le taux d’échecs cliniques était de 9 %, tous rapportés dans le groupe TMP-SMX. Le même groupe a rapporté une série de cas chez 282 patients ayant des épisodes d’IPTM à SARM. Pour 192 patients traités avec une bêta-lactame, 168 patients (88 %) ont été traités avec succès, comparativement à 96 % qui avaient reçu la doxycycline et la minocycline15. Ces résultats démontrent que les tétracyclines semblent être une option possible en cas d’infections modérées. Par contre, les données disponibles au sujet des infections plus graves à SARM sont trop peu nombreuses pour justifier l’utilisation des tétracyclines dans ce contexte. La vancomycine est un glycopeptide à haut poids moléculaire, qui inhibe la synthèse de la membrane cellulaire. La grosseur de la molécule de vancomycine diminue sa pénétration dans la membrane externe des bactéries à Gram négatif, ce qui limite son spectre d’activité aux bactéries à Gram positif. La vancomycine doit être administrée par voie intraveineuse, puisqu’étant donné son poids moléculaire élevé, elle est peu biodisponible par voie orale. La vancomycine a une faible pénétration pulmonaire. De plus, cet antibiotique étant excrété par les reins, il nécessite un ajustement posologique en cas d’insuffisance rénale. La néphrotoxicité est rarement induite par l’administration de vancomycine, mais l’action de celle-ci peut être potentialisée par la coadministration d’autres médicaments néphrotoxiques. Ruhe et coll. ont évalué 276 patients ayant un IPTM à SARM-C. Le taux de succès du traitement aux tétracyclines a été de 96 %15. Ces agents pourraient donc être un choix adéquat lors d’infections au SARM-C. Il est par contre important de s’assurer que la souche n’y soit pas résistante. Ainsi, malgré le peu de données disponibles, la doxycycline semble être une option de traitement peu coûteuse et efficace dans le traitement des infections moins aiguës à SARM, incluant le SARM-C, particulièrement lors d’IPTM. Cette molécule semble d’ailleurs plus effi- 288 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Utilisation clinique La vancomycine est indiquée principalement dans le traitement des infections graves causées par le SARM, que celui-ci soit acquis en milieu hospitalier ou en milieu communautaire. C’est le traitement antibiotique le plus utilisé contre le SARM et pour lequel on a le plus d’expérience clinique. Toutefois, peu d’études comparatives sont disponibles pour appuyer son efficacité réelle. Un nombre croissant d’études comparent son efficacité avec celle des nouveaux agents actifs contre le SARM, particulièrement pour le traitement des IPTM et pour les infections pulmonaires. La vancomycine obtient souvent des résultats inférieurs, mais pas nécessairement significatifs. La vancomycine est un antibiotique utilisé depuis longtemps. Ce n’est toutefois que récemment que des cas de résistance du SA ont commencé à se manifester. La caractéristique principale associée aux échecs de trai- tement du SA avec la vancomycine est l’augmentation des concentrations minimales inhibitrices (CMI)17. L’augmentation des taux de résistance du SA à la vancomycine a dernièrement incité le Clinical Laboratory Standards Institute à modifier les critères de sensibilité liés au type de résistance à la vancomycine. Le critère de sensibilité pour déterminer les souches non résistantes a été diminué à 2 µg/ml. Certaines souches ayant une résistance appelée intermédiaire (VISA) se définissent par des CMI qui se situent entre 4 et 8 µg/ml. Ce type de résistance serait lié à une diminution de sensibilité causée par une production excessive de peptidoglycane ayant pour effet d’emprisonner les molécules de vancomycine, ce qui les empêche d’atteindre leur cible bactérienne18. D’autres souches de résistance plus élevée (VRSA) sont caractérisées par des CMI ±16 µg/ml. L’acquisition du gène vanA en serait la cause. Ces souches, dont quelques-unes ont été décelées aux États-Unis, sont actuellement très peu fréquentes19. Finalement, plusieurs souches de SARM ont également démontré une hétérorésistance à la vancomycine (hVISA). Le hVISA démontre une grande corrélation avec les échecs cliniques. Il n’existe actuellement pas de méthode efficace et fiable pour détecter le hVISA, mais il est connu que les CMI situés entre 1 et 2 µg/ml s’apparentent souvent à ces souches. Sakoulas et coll. ont étudié 30 isolats de SARM pour des patients inclus dans des études cliniques chez qui le traitement à la vancomycine avait échoué. Ils ont découvert que, pour une CMI de 0,5 µg/ml, le taux de succès clinique était d’environ 56 % comparativement à environ 9 % pour une CMI située entre 1 et 2 µg/ml17. De plus, un traitement à la vancomycine dans les 30 jours précédents était prédictif d’une plus grande CMI du SARM et d’une moins bonne efficacité thérapeutique de la vancomycine. Ceci pourrait être lié à la réduction du ratio aire sous la courbe sur la concentration minimale inhibitrice (AUC:CMI). En effet, une étude de Moise-Broder et coll., comprenant 180 patients ayant des infections respiratoires basses causées par le SA, a démontré qu’un ratio AUC:CMI d’au moins 400 µg•h/ml était prédictif d’un plus grand succès clinique17. L’augmentation des CMI du SA ainsi que les résultats présentés précédemment laissent entendre que l’augmentation des doses permettrait d’améliorer l’efficacité de la vancomycine. Cette constatation a mené à la recommandation de maintenir les concentrations de vancomycine entre 15 et 20 ug/ml pour les patients ayant une pneumonie nosocomiale à SARM. Aucune étude n’a cependant pu démontrer qu’une amélioration clinique significative se produisait chez ces patients, entre autres ceux chez qui le SARM aurait une CMI > 2 ug/ml. Des travaux récents laissent entendre qu’un ratio AUC/CMI libre de ≥ 500 µg•h/ml serait nécessaire20. Par contre, une analyse rétrospective récente menée auprès de 102 patients ayant une pneumonie nosocomiale a démontré que ni les concentrations de vancomycine ni l’estimation de l’AUC n’étaient liées au taux de survie20. Toutefois, le maintient d’un ratio AUC/CMI plus élevé peut prévenir l’émergence de souches hVISA et VISA. Finalement, il est important de noter qu’en plus de ne pas être aussi efficace que souhaité, la vancomycine administrée à des doses plus élevées peut avoir des conséquences potentiellement néfastes, telle la néphrotoxicité18. Un suivi plus serré est par conséquent nécessaire. Peu d’études démontrent clairement l’efficacité de la vancomycine pour contrer les infections au SARM-C. Par contre, l’expérience clinique liée à cette molécule démontre qu’elle doit encore constituer le premier choix de traitement, indépendamment de la souche de SARM. Il est important de noter que la vancomycine est moins efficace lorsqu’il y a production de toxines par la bactérie. Il est alors recommandé d’utiliser une autre option de traitement, comme le linézolide ou la clindamycine, ou encore d’utiliser la vancomycine en combinaison avec la clindamycine. La vancomycine reste donc pour le moment l’antibiotique de choix dans le traitement des infections modérées à graves en cas de SARM-N et de SARMC. On doit cependant l’utiliser avec prudence, puisqu’on observe des cas de résistance de plus en plus fréquents. Une détermination de la CMI du SARM devrait d’ailleurs être effectuée dans chaque centre hospitalier, puisque celle-ci varie d’un milieu à l’autre. Il faut toutefois garder présent à l’esprit qu’une CMI ≤ 2 µg/ml n’est pas toujours synonyme de succès thérapeutique étant donné la faible pénétration de la molécule dans certains tissus et la présence possible de souches hétérogènes lorsque les CMI > µg/ml21. Tableau III : Sensibilité de la vancomycine aux différentes souches de Staphylococcus aureus (adapté de la référence 17) Sensibilité Sensible Hétérorésistante Intermédiaire Résistante Souches SASV hVISA VISA VRSA CMI (µg/ml) =2 1à2 4à8 = 16 CMI : Concentrations minimales inhibitrices; hVISA : Staphylococcus aureus intermédiaire à la vancomycine hétérogène; VISA : Staphylococcus aureus intermédiaire à la vancomycine; VRSA : Staphylococcus aureus résistant à la vancomycine; SASV : Staphylococcus aureus sensible à la vancomycine. LINÉZOLIDE (ZYVOXAMMD) Pharmacologie Disponible depuis 2000, le linézolide est le premier agent antibiotique de la classe des oxazolidinone à être utilisé. Cette molécule synthétique inhibe l’union des sous-unités ribosomales 50S et 30S qui forment le complexe 70S, requis pour la synthèse protéique. De par son mécanisme d’action unique, elle ne produit pas de réaction croisée avec d’autres antibiotiques3. Cet agent bactériostatique Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 289 a une bonne efficacité contre les bactéries à Gram positif, dont les organismes résistants à la vancomycine. Le linézolide s’est en outre révélé efficace pour réduire la production des toxines qui peuvent être présentes dans certains isolats du SARM-C. Le linézolide a démontré son efficacité dans les IPTM, dans les bactériémies et dans les pneumonies causées par les bactéries à Gram positif. En effet, il pénètre bien dans la peau et les tissus mous8. De plus, contrairement à la vancomycine, il pénètre bien les tissus pulmonaires. Son utilisation est pour le moment approuvée pour les IPTM et les pneumonies à SARM. Le linézolide est donné à des doses de 600 mg per os ou par voie intraveineuse toutes les 12 heures. Métabolisé dans le foie, le linézolide n’a pas besoin d’ajustement de doses dans les cas d’insuffisance rénale. Le linézolide est un faible inhibiteur réversible de la monoamine oxydase. Il faut par conséquent être vigilant lorsqu’on l’administre avec un autre agent qui augmente le taux de sérotonine, puisque l’apparition d’un syndrome sérotoninergique est possible. Le linézolide peut aussi causer plusieurs effets indésirables importants, comme les thrombocytopénies, les neuropathies périphériques, la névrite optique et l’acidose lactique. L’effet indésirable le plus craint lors de l’utilisation du linézolide est la thrombocytopénie. Par contre, une étude récente de Nasraway et coll. a évalué les risques de thrombocytopénies chez les patients souffrant d’une pneumonie nosocomiale traitée par le linézolide ou la vancomycine pendant plus de 5 jours. Les thrombocytopénies se sont produites chez 6,4 % des patients du groupe linézolide et chez 7,7 % de ceux du groupe vancomycine22. Ce risque est donc à prendre en considération lors de traitements prolongés, par exemple des ostéomyélites. Utilisation clinique De plus en plus d’études, maintenant disponibles, comparent l’utilisation du linézolide à divers antibiotiques dans différents types d’infections. Weigelt et coll. ont comparé, dans une étude ouverte à répartition aléatoire, l’efficacité du linézolide par rapport à la vancomycine. Le succès clinique était similaire dans les deux groupes. Cependant, pour les patients ayant une infection à SARM, l’efficacité du linézolide surpassait celle de la vancomycine (87 % vs 48 % d’éradication microbiologique)23. Ces avantages ne relèvent cependant que d’analyses de sousgroupes ou de résultats de petites études. De plus grandes études sont donc nécessaires. Une autre étude a été effectuée auprès de patients ayant une ostéomyélite à Gram positif. Le taux de guérison était de plus de 60 % pour les infections à SARM24. La concentration du linézolide sur la structure osseuse est variable comme avec la vancomycine, et n’atteint pas la CMI de certains isolats3. De plus, comme nous l’avons mentionné précédemment, la toxicité possible à long terme du linézolide reste un problème étant donné le traitement prolongé requis. Il n’est donc pas recommandé 290 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 d’utiliser cette molécule lorsque d’autres options sont disponibles. L’efficacité du linézolide pour le traitement des pneumonies nosocomiales a été comparée à celle de la vancomycine dans deux études prospectives multicentriques à répartition aléatoire et à double insu. Les deux antibiotiques étaient combinés à l’aztréonam. Ces études avaient un design identique, mais étaient effectuées séparément. Ces études prises individuellement ont démontré que l’effet du linézolide n’était pas inférieur à celui de la vancomycine. Dans la première étude, l’éradication microbiologique était plus faible avec le linézolide qu’avec la vancomycine25. Dans la deuxième étude, on a observé l’inverse26. Les rapports originaux comportaient une analyse de l’éradication microbiologique dans les sousgroupes de patients avec SA, dont le type SARM. Ces différences n’étaient pas significatives. Des deux études, ni l’une ni l’autre n’ont rapporté de taux de guérison clinique global. Toutefois, il existe une analyse combinant les résultats des deux études sur le plan de la guérison clinique des patients ayant une infection de type SA27. Dans cette analyse, 43,4 % des patients du sous-groupe SA traités à la vancomycine avaient obtenu une guérison clinique contre 51,5 % de ceux traités au linézolide comparativement au groupe SARM, où 59 % des patients traités au linézolide ont été cliniquement guéris contre 35,5 % de ceux traités à la vancomycine. La différence pour le sous-groupe Staphylococcus aureus n’était pas significative, mais la différence pour le sous-groupe SARM l’était. Cette analyse a été le centre de plusieurs controverses. Les critiques de ces études rapportent, entre autres, des doses de vancomycine non optimales. Ainsi, des études supplémentaires sont nécessaires pour réellement démontrer la supériorité du linézolide. Une autre étude est actuellement en cours pour ce qui est de l’utilisation du linézolide pour le traitement des pneumonies nosocomiales à SARM. Shorr et coll. ont analysé cinq études qui comparaient le linézolide à la vancomycine dans le traitement de la bactériémie secondaire au SARM. Chez 53 patients, ils ont trouvé que l’action du linézolide n’était pas inférieure à celle de la vancomycine en ce qui avait trait à la microbiologie et à la survie. Cependant, peu de patients étaient inclus dans cette étude, il y avait absence de monitoring de la vancomycine et prédominance des IPTM, ce qui diminue la gravité de l’infection28. Pour les infections à SARM-C, peu de données sont disponibles. Par contre, en théorie, il s’avèrerait être un meilleur choix que la vancomycine, puisqu’il a une meilleure pénétration pulmonaire et qu’il inhibe la sécrétion des facteurs de virulence qui sont dans certains cas présents dans les infections au SARM-C3. Étant le seul agent de sa classe, le linézolide laisse planer une certaine appréhension quant à sa surutilisation et à l’émergence potentielle de résistance. La résistance à l’Enterococcus faecium est d’ailleurs un problème actuellement, ce qui n’est pas le cas avec le SA, comme l’indiquent certaines données de surveillance29,32. Certains cas de résistance ont cependant été rapportés lorsque le médicament était utilisé sur une longue période31. Le premier cas remonte à 2001, où les CMI avaient augmenté de 2 à 32 µg/ml après 4 semaines de traitement au linézolide32. Depuis lors, des cas semblables se sont ajoutés. Même si, pour le moment, la résistance au linézolide reste rare, il est donc important de bien utiliser cette molécule afin de lui conserver son efficacité. Ainsi, pour les infections à SARM-N, le linézolide s’avère un excellent choix de traitement, particulièrement pour les infections pulmonaires et les IPTM. Par contre, il ne devrait pas être utilisé comme premier choix dans les bactériémies et les pneumonies, en raison du manque de données démontrant sa supériorité par rapport à la vancomycine pour le traitement de ces infections. Pour les infections de type SARM-C, le linézolide semble une option avantageuse. Possédant une excellente biodisponibilité par voie orale, il peut facilement être utilisé pour les patients en soins ambulatoires. Son coût élevé est par contre un frein important pour son utilisation. Le linézolide garde donc une place limitée dans les choix de traitement. DAPTOMYCINE (CUBICINMD) Pharmacologie La daptomycine a été approuvée en septembre 2003 à une dose de 4 mg/kg/jour pour le traitement des IPTM et en 2006, à une dose de 6 mg/kg/jour pour le traitement de la bactériémie à SA. Cet antibiotique est le premier médicament de la classe des lipopeptides cycliques. La daptomycine cause la dépolarisation de la membrane bactérienne, ce qui produit une inhibition de la synthèse des protéines, de l’ARN et de l’ADN et ultimement la mort cellulaire. Elle a un potentiel bactéricide rapide contre les organismes à Gram positif, dont plusieurs souches multirésistantes8. Son activité dépend de la concentration combinée à un effet postantibiotique prolongé (1 à 6 heures). Certains effets indésirables importants sont possibles, entre autres certaines myopathies, et sont associés à une élévation de la créatine phosphokinase sérique réversible dans les 7 à 10 jours après l’arrêt de la thérapie. Il est donc important d’interrompre l’administration de statines lors de l’antibiothérapie. La daptomycine est éliminée par les reins, donc un ajustement est requis lors d’insuffisance rénale. Pour le moment, la daptomycine n’a d’indication officielle que dans le traitement des IPTM. Utilisation clinique Plusieurs études in vitro ont confirmé l’activité de la daptomycine contre les souches de SARM-N. Cependant, son rôle dans les infections au SARM-C n’est pas encore établi. Deux études multicentriques à répartition aléatoire ont comparé l’efficacité et l’innocuité de la daptomycine 4 mg/kg/j par rapport à celles de la vancomycine ou d’une pénicilline semi-synthétique dans le traitement des IPTM33. L’ajout de métronidazole ou d’aztréonam était possible. Chez 902 patients, le taux de succès clinique a été de 83,4 % pour la daptomycine comparativement à 84,2 % pour le groupe comparateur. Pour les patients ayant une infection à SARM, le taux de succès était de 75 % pour la daptomycine et de 69,4 % pour la vancomycine. Ces résultats laissent entendre une équivalence entre l’efficacité de ces deux derniers antibiotiques dans le traitement du SARM. Peu de données sont disponibles pour le traitement à la daptomycine des infections des os et des articulations. Une revue systématique de l’utilisation de la daptomycine dans le traitement de ces infections a récemment été publiée34. Elle révèle la guérison de 50 des 65 patients (77 %). Précisons que 30 des 50 patients guéris souffraient d’une infection de type SARM. La résistance à la daptomycine s’est toutefois développée dans six cas, ce qui diminue l’intérêt d’utiliser la daptomycine pour le traitement des infections dans ces contextes infectieux. L’utilisation de la daptomycine pour traiter la pneumonie contractée en milieu communautaire (PAC) a été évaluée dans une étude qui a dû être interrompue précocement. Dans cette étude de phase III, le taux d’événements cardiorespiratoires sérieux était plus élevé dans le groupe daptomycine que dans le groupe ceftriaxone. On a donc conclu que la daptomycine interagit in vitro avec le surfactant pulmonaire, ce qui résulte en une inactivation de l’activité antibactérienne35. L’utilisation de la daptomycine n’est donc pas approuvée pour le traitement de la pneumonie et des infections pulmonaires. L’efficacité de la daptomycine a été évaluée également pour le traitement d’infections plus aiguës. Une étude récente a comparé l’administration de la daptomycine 6 mg/kg/j à celle de la gentamicine à faible dose combinée avec la vancomycine ou avec une pénicilline antistaphylocoque à 124 patients ayant une endocardite ou une bactériémie. Cette étude a démontré que l’effet de la daptomycine n’était pas inférieur à celui des autres antibiotiques. Toutefois, elle a également révélé que, chez cinq patients sur qui la daptomycine n’avait pas et d’effet, les CMI avaient augmenté de 0,25-0,5 jusqu’à 2-4 µg/ ml3. De plus, 25 % des patients ont eu une élévation de la créatine phosphokinase, comparativement à 12,5 % dans le groupe conventionnel (p = 0,04), ce qui a mené à l’interruption de l’étude pour trois patients. Les cas de résistance à la daptomycine, bien que celleci soit un médicament récent, sont donc de plus en plus rapportés. Une étude mentionne des CMI de 0,25 µg/ml dans 713 cas de SASM et de 0,5 µg/ml dans 305 cas de Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 291 SARM, avec un critère de sensibilité < 1 µg/ml36. La définition de la résistance à la daptomycine n’a pas encore été établie. Cependant, des CMI ≥ 2 µg/ml ont été associées à des échecs cliniques37. Quelques isolats VISA démontrent une sensibilité réduite à la daptomycine (CMI > 2 µg/ml)1. Plusieurs rapports de cas ont démontré un lien entre les augmentations des CMI de vancomycine et de daptomycine, même si les mécanismes de résistance n’ont pas été complètement élucidés. Ainsi, l’apparition de résistance à la vancomycine pourrait également limiter l’utilisation du traitement à la daptomycine. Lorsque les CMI sont > 2, on ne devrait pas utiliser la daptomycine. Pour faire face à des augmentations de résistance, on a estimé que des doses allant jusqu’à 12 mg/kg/jour pour une durée de deux semaines pouvaient être envisageables. Il est donc recommandé d’utiliser de plus hautes doses lors d’infections aiguës38. de résistance à la tigécycline, nous pouvons déjà constater que la sensibilité des patients à cet agent ne semble pas avoir changé au fil des ans1. Disponible uniquement par voie intraveineuse, la tigécycline aurait un effet postantibiotique prolongé. Les paramètres pharmacodynamiques liés à l’efficacité clinique semblent afficher un ratio AUC:CMI, selon des études in vitro. Ce médicament atteint de faibles concentrations sériques, osseuses et synoviales, mais de grandes concentrations au niveau de la vessie, des poumons et du colon, et sa pénétration est élevée au niveau de la peau1. Comme il est peu métabolisé et excrété par les voies biliaires, un ajustement des doses servies aux patients souffrant d’insuffisance hépatique grave est requis. Finalement, son profil d’innocuité est bon, à l’exception de la fréquence des nausées et vomissements qui a été élevée lors des études. Utilisation clinique Ainsi, la daptomycine agit rapidement contre les bactéries à Gram positif3. Son profil sans danger et son administration uniquotidienne font de cet antibiotique un choix intéressant. Cependant, l’usage de la daptomycine est pour le moment réservé aux patients ayant des infections de type SARM, qui ne peuvent recevoir la vancomycine ou chez qui ce traitement a échoué39. Il est important d’être prudent lors des infections à VISA, puisqu’on a rapporté une sensibilité diminuée à la daptomycine. Le rôle de cette dernière dans le traitement des infections SARM-C n’a pas encore été établi, bien que ce lipopeptide puisse être utilisé dans les cas d’IPTM au SARM-C graves, lorsque la vancomycine ne peut être administrée40. Son coût élevé diminue également l’intérêt à utiliser cette molécule. D’autres études sur la daptomycine sont en cours pour le traitement de diverses infections. TIGÉCYCLINE (TYGACILMD) Pharmacologie Approuvée par la FDA en juin 2005 pour le traitement des IPTM, dont celles causées par le SARM, la tigécycline est le premier agent approuvé de la classe des glycylcyclines, dérivés structuraux de la minocycline. Cet antibiotique est également approuvé pour le traitement des infections intra-abdominales compliquées, sauf lorsque l’infection est, entre autres, causée par le germe pathogène SARM, puisque cette souche n’a pas été prise en considération dans les études effectuées. La particularité de la tigécycline est qu’elle confère une couverture étroite des bactéries à Gram positif résistantes et de plusieurs bactéries à Gram négatif, dont certaines multirésistantes12. La tigécycline serait efficace contre le SASM, le SARM, le VISA et le VRSA. Un groupe N-alkyl-glycylamino en position 9 confère à la molécule une protection contre les mécanismes de résistance comparativement aux tétracyclines, de par sa liaison cinq fois plus efficace au site ribosomal. D’ailleurs, malgré le faible recul dans le temps que nous avons pour évaluer le développement 292 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Deux études comparent le tigécycline à la combinaison vancomycine-aztréonam pour des patients hospitalisés pour une IPTM. Le taux de guérison clinique était similaire entre les deux groupes. Chez les 65 patients ayant une infection à SARM (32 dans le groupe tigécycline et 33 dans le groupe comparateur), l’éradication microbiologique a été de 78,1 % dans le groupe tigécycline et de 75,8 % dans le groupe vancomycine. Seulement 50 de ces patients avaient une infection de type SARM, alors que les souches de SARM étudiées étaient surtout de type IV et positif pour le pvl, donc les souches étaient de type SARM-C1. Même si la FDA ne mentionne pas la tigécycline pour le traitement de la pneumonie, quelques résultats probants laissent entendre qu’elle pourrait être efficace dans ce contexte. Une étude pharmacocinétique et pharmacodynamique intrapulmonaire a révélé que les concentrations dans le liquide épithélial et dans les cellules alvéolaires étaient plus élevées que celles trouvées dans le sérum41. Une étude regroupant deux études de phase III a évalué la tigécycline comparativement à la lévofloxacine pour le traitement de la PAC. Le taux de guérison était similaire (79,7 % dans le groupe lévofloxacine et 81 % dans celui de la tigécycline), mais aucune donnée n’était disponible sur la fréquence des infections au SA1. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour évaluer l’efficacité de la tigécycline dans le traitement de la PAC et de la pneumonie nosocomiale. Pour le moment, l’utilisation de la tigécycline dans le traitement des infections à SARM s’applique surtout aux infections polymicrobiennes ou aux patients présentant une contre-indication aux autres antibiotiques. Le manque d’études relatives aux infections graves, la non-disponibilité de cet agent par voie orale ainsi que les faibles concentrations sériques atteintes restreignent son utilisation pour le traitement de multiples infections. Les résultats de nouvelles études présentement en cours nous aideront à mieux définir l’utilité de la tigécycline dans les prochaines années. Agents en développement DALBAVANCINE, TÉLAVANCINE ET ORITAVANCINE Deux nouveaux lipoglycopeptides semi-synthétiques sont présentement à l’étude, soit la dalbavancine et la télavancine42. Ces deux molécules auraient une activité bactéricide et sont disponibles par voie parentérale. La télavancine agirait selon deux mécanismes, ce qui pourrait ralentir le développement de résistance à cette molécule. Jusqu’à maintenant, la dalbavancine a été évaluée dans deux études de phase II et dans une étude de phase III pour le traitement des IPTM43. La télavancine a été également étudiée pour le traitement des IPTM44 et fait présentement l’objet d’une étude de phase III pour le traitement de la pneumonie contractée en milieu hospitalier. L’oritavancine est un nouveau glycopeptide semisynthétique ayant une bonne activité contre les germes SARM et l’entérocoque résistant à la vancomycine (ERV). Il a également une très longue demi-vie d’environ 100 heures42. Pour le moment, peu d’études sont encore disponibles sur ce nouvel agent. CEFTOBIPROLE (ZEFTERAMD) Le ceftobiprole est une céphalosporine de nouvelle génération ayant une activité in vitro contre les bactéries à Gram positif et Gram négatif. Il aurait une grande affinité contre les PBP2 et serait donc actif contre les souches SARM, VISA et peut-être même VRSA (un rapport de cas). Deux études de phase III dans le traitement des IPTM récentes ont démontré un taux de guérison comparable aux autres agents utilisés, dont la vancomycine39. Le ceftobiprole est présentement étudié pour le traitement de la pneumonie nosocomiale45. Discussion La fréquence de SARM est très variable, dépendamment du centre hospitalier, de l’endroit géographique, du lieu où l’infection a été contractée et du site de l’infection. Tous ces facteurs doivent être pris en considération lors du choix de l’antibiothérapie. Il est avant tout important de déterminer si la souche en cause est d’origine nosocomiale ou communautaire. Cette différenciation est cependant difficile à faire vu l’apparition de souches SARM-C plus virulentes. Il est donc important pour chaque centre de déterminer les types de souches en cause dans les infections, afin de mieux connaître la fréquence des infections de type SARM-N et SARM-C dans leur milieu. Cerner la fréquence d’apparition des souches permet de mieux choisir le traitement des infections causées par ces bactéries. Il est possible d’entamer un traitement empirique dans la mesure où on tient compte de la présence possible des autres micro-organismes. La détermination des taux de résistance du SARM est également une étape importante que doit prendre en compte chaque centre hospitalier. Le choix de l’antibiotique doit être fait non seulement en fonction de la souche identifiée, mais aussi en fonction de la gravité de l’infection et de la localisation du foyer infectieux. La gravité des infections au SARM doit être considérée à deux niveaux, soit les infections simples, comme les IPTM, et les infections complexes, y compris les pneumonies et les bactériémies39. Dans les infections modérées, lorsque l’on suspecte la présence de SARM-C, les tétracyclines et le TMP-SMX sont des options disponibles par voie orale. Par contre, en traitement empirique, lorsque l’on suspecte en plus la présence de SARM-C, Streptococcus pygene, on recommande d’utiliser un antibiotique, comme la clindamycine. L’usage de la clindamycine est également recommandé lorsque l’on suspecte la production de toxines par la souche de type SARM-C. On doit toutefois effectuer le D-test avant d’utiliser la clindamycine. Le linézolide est très efficace contre l’infection de type SARM-N et SARM-C, mais puisqu’il est coûteux, il doit être réservé aux infections plus aiguës ou aux patients intolérants aux autres options thérapeutiques. Dans les cas d’IPTM à SARM-N, on recommande un antibiotique par voie intraveineuse. Il est alors possible d’utiliser la vancomycine. Les autres options thérapeutiques, comme la tigécycline, la daptomycine et le linézolide par voie intraveineuse sont utiles lorsque la vancomycine n’est pas tolérée ou inefficace. Pour les infections plus aiguës, le traitement optimal n’a pas toujours pu être établi. La vancomycine demeure le premier choix, surtout pour le traitement des bactériémies et des pneumonies. Mais des échecs cliniques sont de plus en plus fréquents. En présence d’infection pulmonaire, la vancomycine et le linézolide sont l’indication officielle. La vancomycine semble toutefois peu pénétrer dans le liquide alvéolaire. Ainsi, il est important d’obtenir un creux plasmatique plus élevé afin d’atteindre une concentration pulmonaire optimale46. Le linézolide est considéré par plusieurs cliniciens comme étant égal ou supérieur à la vancomycine pour le traitement de la pneumonie à SARM. Mais son coût élevé vient limiter son utilisation aux intolérances ou aux échecs de traitement à la vancomycine ainsi qu’aux patients présentant une insuffisance rénale. Les recommandations canadiennes sont les seules à se préoccuper du traitement des infections pulmonaires au SARM-C47. Ces lignes directrices considèrent le linézolide supérieur à la vancomycine pour le traitement de ces infections. Ces recommandations ne s’appuient sur aucune étude. Elles proviennent du fait que le SARM-C peut sécréter des toxines pvl, dont des agents qui agissent sur la synthèse de la membrane cellulaire, comme la vancomycine, qui peuvent accélérer le largage40. Au contraire, les agents qui inhibent la synthèse protéique bactérienne, comme la clindamycine ou le linézolide, suppriment la production des toxines. Ainsi, ces données laissent entendre que la vancomycine ne serait pas l’agent idéal lorsqu’il s’agit de traiter une infection de type SARM-C et que le linézolide semble préféPharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 293 rable. Mais ceci n’a pas été démontré cliniquement. Une seule série de cas touchant quatre patients a démontré un échec clinique à la vancomycine, mais un succès avec le linézolide ou la clindamycine dans le traitement de la pneumonie nécrosante causée par le SARM-C sécrétant des facteurs de virulence pvl11. D’autres rapports de cas n’obtiennent cependant pas de résultats aussi positifs. On propose donc que si la vancomycine doit être utilisée pour traiter ce type d’infection, elle ne soit pas utilisée en monothérapie46. Peu d’options thérapeutiques de remplacement lors d’infections pulmonaires à SARM sont possibles. La tigécycline peut être utilisée, mais il est préférable que son administration ne soit entamée que lorsque les autres agents ne peuvent être utilisés, puisque peu d’études se sont penchées pour le moment sur cette indication40. La daptomycine ne peut être utilisée lors d’infections pulmonaires étant donné son inactivation par le surfactant pulmonaire. De plus vastes études portant sur le traitement de la pneumonie à SARM-C sont donc nécessaires. Pour le moment, les lignes directrices relatives au traitement des bactériémies à SARM recommandent l’utilisation de la vancomycine en visant des creux de 10 à 15 µg/ml38. Parmi les nouveaux agents, la daptomycine est le seul antibiotique autre que la vancomycine indiqué pour le traitement de la bactériémie et de l’endocardite. Cependant, l’émergence de résistance à cet antibiotique rend ce choix moins intéressant, particulièrement lors d’infections aiguës. On suggère d’utiliser la daptomycine à doses plus élevées dans ces situations38. Pour le moment, le linézolide n’a pas été étudié pour le traitement des bactériémies à SARM, mais certains rapports de cas démontrent son efficacité47. Pour le SARM-C, le TMPSMX a une action bactéricide rapide, il s’avère donc être une option possible. Par contre, peu d’études appuient cette utilisation. La clindamycine ne doit pas être utilisée en monothérapie, puisqu’un haut taux d’échecs thérapeutiques et d’infections récurrentes est possible lors d’infections aiguës38. La tigécycline est indiquée seulement pour les IPTM. Elle n’a pas été étudiée pour les cas de bactériémies et d’endocardites, et elle atteint de faibles concentrations sériques qui n’excèdent pas 1 µg/ml, son utilisation doit donc être limitée. Conclusion Notre connaissance du SARM reste pour le moment limitée. Les choix de traitements des infections à SARM s’élargissent, mais aucun des nouveaux traitements n’offre encore assez d’avantages pour surpasser les molécules telles que la vancomycine. Les choix de traitements pour soigner les infections à SARM-C semblent être plus nombreux que pour les infections à SARM-N. Cependant, la difficulté de détecter adéquatement les souches et les conséquences importantes que peuvent entraîner un mauvais choix de traitement antibiotique incitent à la prudence. De nouveaux agents en développement sont donc attendus avec impatience. Pour le moment, il est 294 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 important de miser sur la prévention et surtout sur la différenciation des souches. La nécessité de caractériser les souches de nos milieux hospitaliers et le cumul de statistiques sur l’émergence de résistance à la vancomycine ou à d’autres agents deviendront de plus en plus importants pour diriger nos choix de traitement. Pour correspondance : Cindy Tremblay Hôpital Laval 2725, chemin de Sainte-Foy Québec (Québec) G1V 4G5 Téléphone : 418 656-8711, poste 3308 Télécopieur : 418 656-4656 Courriel : [email protected] Remerciements L’auteure désire remercier Louis Dumont, pharmacien à l’Hôpital Laval, pour les commentaires constructifs transmis au cours de la rédaction du manuscrit. Abstract Objective: To discuss antibiotic treatment options for MRSA, specifically for community acquired MRSA. Source of data and study selection: A literature review was done using PubMed. Clinical studies, systematic reviews, and meta-analyses dealing with antiobiotic treatment of community- (CA-MRSA) or hospital-acquired (HA-MRSA) methicillin-resistant Staphylococcus aureus were also evaluated. Data analysis: Over the last ten years, methicillin resistant Staphylococcus aureus has become one of the causes of common severe infections. New strains such as community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus are now emerging. Standard antibiotics are still used for the treatment of community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus; but older drugs like clindamycin, tetracyclines, and trimethoprim/sulfamethoxazole can also be used to treat such infections. New therapeutic options like tigecycline and daptomycin are now available for the treatment of methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Conclusion: More treatment options exist for methicillin-resistant Staphylococcus aureus, but these currently do not offer any added benefit over drugs like vancomycin. Proper identification of strains according to clinical setting and the presence of resistance is important for adequate treatment of the infection. Key words: Methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA), community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus, vancomycin, tigecycline, daptomycin, linezolid, clindamycin, trimethoprim-sulfamethoxazole, tetracycline, quinupristin-dalfopristin. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. Loffler CA, Macdougall C. Update on prevalence and treatment of methicillin-resistant Staphylococcus aureus infections. Expert Rev Anti Infect Ther 2007;5:961-81. Low DE, Garcia M, Callery S, P, Devlin HR, Campell I. Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline-Ontario. RHMC 1981;7:249-50. 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Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 295 CAS CLINIQUE EN DIRECT DE L’UNITÉ Utilisation d’un rince-bouche à base de morphine pour le traitement des mucosites liées à la chimiothérapie Jessika Truong, Thanh-Thao Ngo Résumé Objectif : Présenter une discussion sur la pathophysiologie et les différentes modalités de traitement des mucosites liées à la chimiothérapie à la suite de la présentation d’un cas. Description du cas : Il s’agit d’un patient traité pour un ostéosarcome avec une mucosite grave nécessitant des doses élevées de morphine intraveineuse destinée à soulager la douleur. Afin de minimiser les effets secondaires systémiques de la morphine, il entame un traitement avec un gargarisme à base de morphine 2 mg/ml (à retenir dans la bouche pendant 2 minutes puis à cracher), et les résultats sont prometteurs. Bientôt, le patient n’a plus recours à la morphine par voie parentérale, et on observe une amélioration rapide dans son apport nutritionnel. Conclusion : Malgré la présence fréquente de mucosites lors des traitements de chimiothérapie et l’éventail d’agents disponibles pour les prévenir et les traiter, peu d’agents se sont montrés efficaces lors d‘études cliniques. Le gargarisme à base de morphine s’avère une option thérapeutique intéressante, mais nécessite de nouvelles études. Mots-clés : mucosite, rince-bouche, morphine, chimiothérapie Introduction La mucosite constitue une complication fréquente chez les patients soumis à un traitement de chimiothérapie1-3. Malgré la fréquence de sa présence et un grand éventail d’agents disponibles, il n’existe pas de lignes de traitement claires pour traiter cette complication, qui entrave souvent la qualité de vie des patients. Nous rapportons aujourd’hui un cas où la morphine en solution orale a été utilisée chez un patient pour lequel tout autre traitement s’était avéré inefficace. brile, on commence l’administration empirique de la pipéracilline/tazobactam et de la tobramycine selon le protocole de notre institution. Dans les 24 heures suivant le début de la prise des antibiotiques, le patient est afébrile, et sa température reste dans les valeurs normales jusqu’à son congé de l’hôpital. Les cultures de sang redeviennent négatives et on ne note aucune particularité sur la radiographie pulmonaire. Les valeurs du décompte absolu de neutrophiles s’améliorent rapidement passant de 0,43 x 109/l au jour 1 à 1,67 x 109/l (jour 3) et par la suite à 5,43 x 109/l (jour 6). Outre le problème de neutropénie fébrile, le patient présente à l’admission une mucosite de degré III. À l’examen de la muqueuse buccale, on note un érythème important et des plaques blanches. Le médecin prescrit alors de l’acyclovir et de la fluconazole par voie intraveineuse en attente des résultats de culture de gorge. De plus, pour traiter la mucosite, on entreprend l’utilisation d’un rince-bouche à base de diphenhydramine, nystatine et lidocaïne. Pour soulager la douleur secondaire à la mucosite, on prescrit de la morphine intraveineuse à raison de 5 mg toutes les 2 à 4 heures selon les besoins. Ce traitement ne soulage pas le patient malgré la régularité de l’administration du médicament. De plus, l’évaluation de la douleur par le patient se situe autour de 6 à 8 sur 10. Après une consultation avec l’équipe de spécialistes de la douleur, on place une pompe d’analgésie contrôlée par le patient (ACP). Elle permet à celui-ci de s’administrer lui même des bolus de morphine (2 mg/ml) - kétamine (2 mg/ ml) à partir d’une pompe informatisée. Le lendemain, le niveau d’analgésie est insatisfaisant malgré l’ACP. Pour remédier à la situation, on augmente la dose de perfusion continue et les doses de bolus et on ajoute la clonidine orale à l’arsenal thérapeutique. À la suite de l’augmentation des doses de morphine-kétamine, notre patient est soulagé mais présente de la nausée, et les infirmières notent qu’il est de plus en plus somnolent. De plus, la constipation vient compliquer la situation. Afin de minimiser les effets secondaires morphiniques, on décide Présentation du cas Un patient de 18 ans, ayant reçu un diagnostic d’ostéosarcome du tibia proximal gauche, est admis à l’étage d’hémato-oncologie pour une neutropénie fébrile et mucosite. Dix jours plus tôt le patient avait reçu de la doxorubicine et de l’ifosfamide comme traitement de chimiothérapie. Pour le traitement de sa neutropénie fé- 296 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Jessika Truong, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au département de pharmacie de l’Hôpital pour enfants de Montréal du Centre universitaire de santé McGill Thanh-Thao Ngo, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au département de pharmacie de l’Hôpital pour enfants de Montréal du Centre universitaire de santé McGill de diminuer les doses de bolus et de faire un essai avec la morphine en gargarisme. La pharmacie prépare une solution de 2 mg/ml, et le patient commence un gargarisme de 15 ml toutes les 3 heures, avec la consigne de se gargariser puis de recracher la solution. Le lendemain, le soulagement de la douleur se maintient malgré une diminution, la veille, des doses de morphine. On décide alors d’interrompre l’utilisation de la pompe ACP. À la suite de cette interruption, on prescrit un relais oral de morphine, soit 5 mg toutes les quatre heures régulièrement. Les effets secondaires s’améliorent, le patient présente moins de nausée et aucune altération de l’état mental. De plus, le patient est allé à la selle. Le contrôle inadéquat de la douleur secondaire à la mucosite a nécessité le recours à l’alimentation parentérale pendant 2 jours. En effet, il ne pouvait ni manger ni boire sans ressentir une vive douleur. Toutefois, la situation s’améliore, et lors de son congé de l’hôpital, il est en mesure de boire et de manger des aliments mous. À son départ de l’hôpital, on lui remet une prescription de morphine orale à raison de 5 mg toutes les 4 heures en cas de nécessité, de co-trimoxazole, 160 mg (de triméthoprime) per os deux fois par jour, 3 jours par semaine, pour la prophylaxie de la pneumonie à pneumocystis carinii et des suppléments nutritionels EnsureMD. Analyse Le terme mucosite fait référence à une inflammation aiguë de la muqueuse orale. Elle est caractérisée par un érythème localisé, de l’ulcération, des saignements et une possibilité de surinfections bactériennes et/ou fongiques2,3. La mucosite est l’une des complications liées à la chimiothérapie et à la radiothérapie les plus fréquentes et débilitantes. En effet, en plus de la douleur qui lui est associée, elle peut retarder la chimiothérapie ou entraîner une diminution des doses, augmenter le risque d’infections bactériennes et/ou fongiques, prolonger la durée de l’hospitalisation ainsi qu’aggraver le statut nutritionnel du patient1-3. Conséquemment, la présence de mucosites peut entraîner par exemple la nécessité d’insérer un tube nasogastrique ou le recours à l’alimentation parentale. Il existe plusieurs systèmes de classification de la gravité des mucosites basés sur les signes, les symptômes et la fonction orale du patient. Selon celui de l’Organisation mondiale de la santé, les mucosites peuvent être distribués en cinq degrés, de zéro à 4, celui-ci étant le plus grave2,3. Tableau I : Classification des mucosites par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Degrés de différenciation 0 1 2 3 4 Signes et symptômes Aucun Sensibilité orale, érythème Sensibilité orale, érythème, ulcération, alimentation solide tolérée Ulcération, alimentation uniquement liquide tolérée Alimentation orale impossible Pendant des années, nous avons cru que les mucosites étaient simplement une conséquence directe mais non spécifique de la destruction des cellules à multiplication rapide de l’épithélium de la muqueuse orale3. Ainsi, puisqu’il n’y avait pas de nouvelles générations de cellules à la suite d’une attaque des agents cytotoxiques, la muqueuse orale s’atrophiait et risquait davantage les traumas et l’ulcération. Cependant, on a démontré plus récemment que la mucosite résulte d’un processus plus complexe2,3. Tout d’abord, les thérapies cytotoxiques provoquent une formation de radicaux libres responsables des dommages causés aux cellules mucosales. Puis on assiste à une libération de cytokines pro-inflammatoires (TNF-␣, interleukine-1 (IL-1), IL-2 et IL-6) et à une activation des macrophages. Des régions d’érosion localisées deviennent alors évidentes, coïncidant habituellement avec le nadir. L’ulcération peut être sérieuse, et le risque d’infections bactériennes, fongiques ou virales augmente grandement. Finalement, lorsque les globules blancs remontent à des valeurs normales, une régénération spontanée de l’épithélium survient, et les symptômes de la mucosite sont résolus. Il est important de noter que, malgré une apparence normale de la muqueuse orale, le patient demeure exposé à des risques de dommages subséquents, car l’environnement normal a été altéré de façon radicale2. Dans ce modèle, l’inflammation joue un rôle clé et devient une cible thérapeutique intéressante. La morphine en application topique pourrait être une option plus intéressante que l’administration parentérale. Outre l’élimination des effets secondaires systémiques courants des opioïdes (altération de l’état mental, constipation, prurit, dépendance physique et psychologique), la morphine topique aurait également comme avantage un effet potentialisé en présence d’inflammation4. En effet, des récepteurs opioïdes périphériques apparaissent quelques minutes à quelques heures suivant une réponse inflammatoire, et la durée d’analgésie de la morphine augmente de façon linéaire avec la durée de l’inflammation. De plus, il semblerait que des ligands opioïdes avec une préférence pour les récepteurs µ, tels que la morphine, auraient un effet plus puissant sur les tissus enflammés4. Deux études de Cerchietti et coll. ont évalué l’efficacité et l’innocuité de la morphine en gargarisme pour pallier la douleur associée à des mucosites à la suite de traitements myélosupressifs pour soigner un carcinome de la tête ou du cou. L’incidence de mucosite oropharyngée dans cette population s’élève pour atteindre 90 à100 %2. Dans leur étude pilote en deux phases, ils ont tout d’abord tenté de trouver une concentration de morphine efficace pour dix patients subissant un traitement de radiothérapie et chimiothérapie pour un carcinome de la région de la tête et du cou4. Ils ont conclu que la solution de morphine, à raison de 2 mg/ml, permettait un meilleur soulagement de la douleur comparativement à la solution de 1 mg/ml (soulagement à 80 % contre 60 %, p = 0,0238). Ensuite, ils Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 297 ont administré la solution de 2 mg/ml à 22 autres patients présentant les mêmes caractéristiques que les patients participant à la première phase de l’étude. Les patients avaient comme instruction de se gargariser avec 15 ml de solution, de la garder dans la bouche pendant 2 minutes puis de la cracher. Les patients ont ressenti un soulagement partiel (50 %) ou complet (100 %) de la douleur en 28 (± 12) minutes, et ce soulagement durait pendant 216 (± 25) minutes. Presque tous les patients (95 %) ont ressenti au moins un effet secondaire local avec le gargarisme, la dysgueusie et la xérostomie étant les deux symptômes les plus fréquents. Dans leur deuxième étude, Cerchietti et coll. ont comparé le gargarisme de morphine 2 mg/ml avec une suspension de « rince-bouche magique » (suspension composée de magnésium et d’hydroxyde d’aluminium, de diphenhydramine et de lidocaïne visqueuse 2 % à parts égales) traduction du terme Magic Mouthwash5. Dans chaque groupe, les patients devaient se gargariser avec 15 ml de solution, la garder dans la bouche pendant 2 minutes puis la cracher. Cette procédure était répétée toutes les 3 heures, 6 fois par jour. La solution de morphine 2 mg/ml s’est avérée plus efficace, puisque la douleur intense persistait pendant 3,5 jours de moins que dans le groupe qui utilisait le « rince-bouche magique » (p = 0,032). De plus, seuls 3 des 14 patients (21 %) qui utilisaient la morphine ont eu recours à des analgésiques supplémentaires (oraux ou parentéraux) alors que ce fut le cas pour 8 des 12 patients (67 %) utilisant le « rincebouche magique » (p = 0,019). Finalement, un plus grand nombre de patients ont ressenti des effets secondaires locaux (salive visqueuse, bouche sèche, perte de perception du goût) avec le « rince-bouche magique » qu’avec la morphine (41,6 % contre 7 %, p = 0,007). Les auteurs ont donc conclu que la morphine 2 mg/ml en gargarisme s’avère une option thérapeutique intéressante pour le traitement des mucosites chez les patients traités pour un carcinome de la région de la tête et du cou, mais que d’autres études étaient nécessaires pour confirmer ces conclusions. La morphine présente en outre deux avantages importants, soit une facilité d’administration et un faible risque d’effets secondaires. Discussion Actuellement, il n’existe pas de méthodes satisfaisantes pour le traitement de la mucosite orale chez les patients sous chimiothérapie, malgré la fréquence de cette condition. Une grande variété d’agents sont actuellement utilisés pour la prévention et le traitement des mucosites, mais les études sur le sujet sont peu nombreuses et il existe donc peu de preuves de leur efficacité1,6. La prise en charge de la mucosite implique trois étapes importantes1,2,6 : santé orale générale, agents préventifs et traitement palliatif. Tout patient devrait avoir subi une évaluation de sa santé orale avant qu’un traitement myélosuppressif soit entrepris. Puis, parmi les agents préventifs, on retrouve la cryothérapie (efficace seulement lors d’un traitement à base de bolus de 5-fluorouracil), la glutamine, la chlorhexidine et l’amifostine. Pour le traitement des mucosites, les analgésiques oraux (souvent les opiacés), les anesthésiants topiques et les diverses préparations de « rince-bouche magiques » demeurent les principaux agents utilisés pour les patients. Il est intéressant de constater que, malgré la fréquence de leur utilisation, les « rince-bouche magiques », peu importe leur composition, ont une efficacité qui n’est pas clairement démontrée pour le traitement de la douleur associée aux mucosites. En 2007, la palifermine, un facteur de croissance recombinant humain des kératinocytes, a été approuvée par Santé Canada pour le traitement des mucosites chez les patients subissant une greffe de cellules souches1,6. Tableau II : Protocole d’utilisation de la morphine en gargarisme de l’Hôpital pour enfants de Montréal Choix du patient Effectuer un test avec de l’eau avant Mucosite de degré = 2 Patients doivent être capables de retenir l’administration du gargarisme de un petit volume de liquide dans leur bou- morphine. che sans l’avaler ensuite. Préparation du gargarisme 2 000 mg de sulfate de morphine (forme injectable) dans un volume final de 1 000 ml Concentration finale de 0,2 % ou 2 mg/ml Dose Prendre 15 ml de solution, la garder dans la Le soulagement de la douleur devrait être bouche pendant 2 minutes puis la cracher. ressenti 30 minutes plus tard environ. On Répéter toutes les 3 heures au besoin. peut poursuivre le traitement au rince-bouche magique, mais l’arrêter 2 heures avant la prise du gargarisme de morphine. Suivi Échelle de douleur Effets secondaires topiques et systémiques 298 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Stabilité : 48 heures à la température de la pièce4 Effets secondaires : - Picotements, irritation, démangeaisons - Sensation de brûlure - Bouche sèche Dans le cas de notre patient, les agents habituels étaient non seulement peu efficaces mais causaient des effets secondaires délétères à sa qualité de vie. La morphine en gargarisme s’est avérée efficace et sans danger pour lui. Rappelons que l’absorption transmucosale des médicaments dépend de leur liposolubiltié, du pH de l’environnement, de la concentration et de la durée du contact avec l’agent. La morphine est faiblement lipophile et est ionisée à un faible pH (lors de radiothérapie, le pH oral passe de 7 à 5,5 ou moins)4 et est donc peu absorbée. La démonstration a également prouvé que la rétention sublinguale, pendant dix minutes, d’une solution de morphine dont le taux de concentration est de 5 mg/ ml pendant 10 minutes ne produisait qu’une biodisponibilité de 9 %. Lors de la première étude de Cerchietti, un patient avait avalé 1 ml de solution de morphine 2 mg/ml. Aucune concentration détectable de morphine n’a ensuite été décelée chez ce patient (inférieure à 10 ng/ml)4. Le gargarisme de morphine présente donc peu d’effets secondaires, puisque le risque d’absorption systémique est quasiment nul. Par contre, certains patients ne pourraient pas être admis à recevoir ce traitement, notamment les plus jeunes, qui ne peuvent retenir un liquide dans leur bouche sans l’avaler. Un protocole a été développé à l’Hôpital de Montréal pour la sélection et le suivi des patients pouvant être admis à recevoir le traitement de gargarisme à base de morphine. Abstract Objective: Following a case presentation, to discuss the pathophysiology and different treatment options for mucositis secondary to chemotherapy. Case description: A patient treated for an osteosarcoma had severe mucositis requiring high doses of intravenous morphine for pain relief. In order to minimize the systemic side effects of morphine, a 2 mg/ml morphine-based mouthwash was started (to be kept in the mouth for 2 minutes, then spit out), with promising results. Soon after, the patient no longer needed parenteral morphine and a rapid improvement in nutritional intake was observed. Conclusion: Despite the frequency of mucositis during chemotherapy treatment and the array of available agents for treatment and prevention, few have been shown to be effective in a clinical study context. The morphine-based mouthwash is an interesting therapeutic option but new studies are required. Key words: mucositis, mouthwash, morphine, chemotherapy Conclusion La mucosite constitue une comorbidité fréquente liée aux traitements myélotoxiques, mais il n’existe pas de traitement définitif pour la prévenir et soulager les patients de la douleur qui lui est associée. Si ces patients ne peuvent recevoir de soulagement efficace, leur condition peut rapidement se détériorer et même entraver le traitement du cancer. La morphine en solution de gargarisme est une option thérapeutique, puisque son utilisation est facile et que le risque d’effets secondaires est minime. Par contre, d’autres études sont nécessaires pour valider son utilisation auprès d’un plus large éventail de patients en oncologie. Références 1. Keefe DM, Schubert MM, Elting LS, Sonis ST, Epstein JB, Raber-Durlacher JE et coll. Updated clinical practice guidelines for the prevention and treatment of mucositis. Cancer 2007;109:820-31. 2. Saadeh CE. Chemotherapy and radiotherapy-induced oral mucositis : review of preventive strategies and treatment. Pharmacotherapy 2005;25:540-54. 3. Treister N, Sonis S. Mucositis : bioloy and management. Curr Opin Otolarynol Head Neck Surg 2007;15:123-9. 4. Cerchietti LCA, Navigante AH, Körte MW, Cohen AM, Quiroga PN, Villaamil EC et coll. Potential utility of the peripheral analgesic properties of morphine in stomatitis-related pain: a pilot study. Pain 2003;105:265-73. 5. Cerchietti LCA, Navigante AH, Bonomi MR, Zaderajko MA, Menéndez PR, Pogany CE. Effect of topical morphine for mucositis-associated pain following concomitant chemoradiotherapy for head and neck carcinoma. Cancer 2002;95:2230-6. 6. Clarkson JE, Worthington HV, Eden OB. Interventions for treating oral mucositis for patients with cancer receiving treatment (Review). Cochrane Database Syst Rev 2007;17:CD000978. Pour toute correspondance: Jessika Truong Département de pharmacie Hôpital de Montréal pour Enfants 2300, rue Tupper Montréal (Québec) H3H 1P3 Téléphone : 514 412-4400 ext : 22215 Télécopieur : 514 412-4361 Courriel : [email protected] Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 299 VOTRE EXPÉRIENCE AVEC... Ponctions lombaires et administration de chimiothérapie intrathécale en pédiatrie Annie Viau afin de prévenir les erreurs, dont la plus redoutable est l’injection intrathécale de vincristine. Résumé Objectif : Cet article décrit l’expérience des phamaciens de la pharmacie satellite d’hémato-oncologie du Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine avec la préparation de chimiothérapie intrathécale en pédiatrie. Mise en contexte : Il y a un manque important de données scientifiques concernant la dilution, la préparation et la stabilité de la chimiothérapie intrathécale. Au Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine, le nombre important de patients nécessitant de multiples ponctions lombaires accompagnées d’administration de chimiothérapie a permis aux pharmaciens de développer une certaine expertise quant à la préparation de ces médicaments. Étant donné la nature cytotoxique des produits utilisés ainsi que leur voie d’administration particulière, de nombreuses précautions doivent être prises lors de leur préparation. De plus, une sédation adéquate ainsi qu’une bonne gestion des effets secondaires sont primordiales afin d’éviter un traumatisme psychologique lié aux ponctions lombaires multiples. Conclusion : Cet article pourra servir de guide pour les centres hospitaliers qui doivent occasionnellement préparer une seringue de chimiothérapie intrathécale selon l’expérience acquise auprès de patients pédiatriques. Mots clés : ponction lombaire, chimiothérapie intrathécale, pédiatrie, oncologie, sédation, céphalées postponction lombaire, nausées, vomissements. Introduction La ponction lombaire est un outil diagnostique important en oncologie, puisqu’il permet de vérifier si les cellules cancéreuses ont atteint le système nerveux central (SNC). Lors de la même procédure, il est possible d’administrer de la chimiothérapie intrathécale afin de traiter ou de prévenir un envahissement néoplasique du SNC. Les principaux médicaments utilisés sont le méthotrexate (MTX), la cytarabine et l’hydrocortisone1. Les principaux effets secondaires de la procédure ou de la chimiothérapie intrathécale peuvent être prévenus par l’administration de médicaments anti-nauséeux et sédatifs et par certaines mesures non médicamenteuses. L’implantation de procédures pour la dilution, la préparation et la stabilité de la chimiothérapie intrathécale est très importante 300 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Les ponctions lombaires La ponction lombaire consiste en l’introduction d’une aiguille dans l’espace sous-arachnoïdien dans le but de prélever du liquide céphalo-rachidien (LCR) à des fins diagnostiques ou thérapeutiques2. Par exemple, une ponction lombaire est effectuée pour confirmer un diagnostic de méningite ou pour vérifier s’il y a une atteinte néoplasique du SNC. Son utilisation thérapeutique se traduit par l’injection intrathécale de chimiothérapie ou de produits anesthésiants. De plus, il est possible de mesurer la pression du LCR à l’aide d’un manomètre et d’en retirer l’excès au besoin2. Avant de procéder à une ponction lombaire, on doit absolument vérifier le décompte plaquettaire du patient afin de prévenir les complications hémorragiques. Bien que le seuil accepté varie selon la personne qui fait la procédure, il est normalement souhaitable que le nombre de plaquettes soit supérieur à 50 × 109/l3. En pédiatrie, puisque les ponctions lombaires sont effectuées sous sédation, le patient doit être à jeun depuis minuit la veille de la procédure pour éviter une aspiration3. L’analgésie et la sédation sont utilisées d’emblée pour les patients en pédiatrie afin d’éviter un traumatisme psychologique lié aux ponctions lombaires multiples. La combinaison de fentanyl et de midazolam n’est pas utilisée fréquemment à cause de la possibilité de réaction paradoxale au midazolam chez les jeunes enfants (cris et pleurs inconsolables, agitation). Les doses utilisées en hémato-oncologie du CHU Sainte-Justine sont les suivantes : fentanyl 1 mcg/kg/dose IV bolus (maximum 50 mcg) et midazolam 0,1 mg/kg/dose IV bolus (maximum 5 mg)3,4. Les seringues prêtes à administrer sont préparées par la pharmacie d’oncologie du Centre hospitalier. Pour le midazolam, deux doses sont préparées. Ainsi, une deuxième dose peut être administrée si la sédation est jugée insatisfaisante à la suite de la première dose. Pour les doses de moins de 5 mg et de plus de 2,5 mg, la deuxième seringue complète la première dose pour un total de 5 mg3,4. Pour les doses de 2,5 mg et moins, deux seringues de même volume sont préparées3. Annie Viau, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, CHU Sainte-Justine La combinaison de propofol et de kétamine est utilisée par les anesthésistes. Les médicaments sont fournis en fioles par la pharmacie d’oncologie (propofol 10 mg/ml et kétamine 50 mg/ml), et les doses sont préparées et administrées par l’anesthésiste dans la salle de ponction3. Afin de minimiser la douleur au site de la ponction, la crème EmlaMD (lidocaïne 2,5 % et prilocaïne 2,5 %) est appliquée localement environ une heure avant la procédure3. Lors de la procédure, le patient doit être en décubitus latéral gauche (pour un médecin droitier)5. Les épaules et les hanches doivent être alignées et perpendiculaires au plancher6. Si aucune sédation n’est utilisée, il est possible que le patient soit en position assise. Les lecteurs intéressés à voir une illustration de la position du patient lors d’une ponction lombaire peuvent consulter l’article de Straus et coll6. La ligne qui joint la partie supérieure de chaque crête iliaque passe en son centre par la vertèbre L4 ou l’espace intervertébral L4/L55,6. Chez les adultes, l’aiguille peut être insérée dans l’espace intervertébral L3/L4, L4/L5 ou L5/S1, car la moelle épinière se termine normalement au niveau de l’espace intervertébral L1/L25,6. Chez les enfants, l’aiguille peut être insérée dans l’espace intervertébral L4/L5 ou L5/S1, car la moelle épinière se termine normalement au niveau de la vertèbre L35. Lors de la procédure, afin de vérifier si l’aiguille est insérée assez profondément pour atteindre l’espace sous-arachnoïdien, on retire partiellement le stylet de l’aiguille5. Ainsi, lorsque le LCR s’écoule de l’aiguille, le stylet peut être retiré complètement et le LCR récolté dans un tube de prélèvement5. Le matériel nécessaire à la procédure est une tige montée imbibée d’une solution antiseptique (gluconate de chlorhexidine 0,5 % P/V et alcool isopropylique 70 % V/V par exemple), une aiguille à ponction lombaire standard avec biseau de QuinckeMD ou une aiguille non traumatique avec un biseau de WhitacreMD (figure 1)7, un tube de prélèvement et la seringue de chimiothérapie pour pratiquer l’injection intrathécale en cas de nécessité6. Le prolongateur avec connecteur en T est un outil qui peut être utilisé pour injecter facilement la chimiothérapie tout en minimisant les mouvements de l’aiguille au niveau du site de ponction, puisque la seringue n’est pas connectée directement à celle-ci. Figure 1. Différents modèles d’aiguilles à ponction lombaire (aiguille avec un biseau de QuinckeMD à gauche et aiguille avec un biseau de WhitacreMD à droite)7 Les effets secondaires de la ponction lombaire Les effets secondaires les plus fréquents sont une douleur au niveau du site de la ponction lombaire et des céphalées. Les céphalées postponction lombaire se définissent comme une douleur bilatérale au niveau frontal et occipital, qui irradie jusqu’au cou et aux épaules8. La douleur s’amplifie environ 15 minutes après l’adoption d’une position verticale et s’atténue environ 30 minutes après le retour en position allongée. Elle apparaît moins de sept jours après la ponction lombaire (habituellement 24 à 48 heures) et se résout habituellement en l’espace de 14 jours8,9. Les symptômes qui lui sont souvent associés sont une raideur de la nuque, des nausées et vomissements, des vertiges et un tintement d’oreilles8. L’origine des céphalées serait une hypotension intracrânienne causée par une fuite constante du LCR au site de la ponction lombaire9. Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer l’apparition de la douleur. Premièrement, la réduction du volume de LCR amincit le coussin qui soutient le cerveau et les structures sensitives qui l’entourent9. Lorsque le patient est en position verticale, cela crée une pression plus importante sur ces structures, ce qui cause la douleur9,10. Le deuxième mécanisme implique l’activation des récepteurs de l’adénosine causée par la réduction du volume de LCR9. L’activation de ces récepteurs entraîne une vasodilatation cérébrale qui crée une tension sur les structures sensitives du cerveau9. Chez les adultes, la fréquence des céphalées faisant suite à une ponction lombaire varie entre 1 et 70 % selon plusieurs facteurs, dont le plus important est le diamètre de l’aiguille utilisée9. De plus, la fréquence est plus élevée chez les jeunes adultes (pic de fréquence entre 18 et 30 ans), chez les femmes (deux fois plus de risque que les hommes), chez les femmes enceintes et chez les personnes ayant un faible indice de masse corporelle9. En pédiatrie, les céphalées suivant une ponction lombaire sont moins fréquentes que chez les adultes9. Ce fait peut être expliqué par une plus faible pression intracrânienne et une plus grande rigidité de l’espace épidural chez les enfants9. Par ailleurs, il peut être plus difficile d’identifier le problème de céphalée chez les jeunes patients9. Différentes interventions ont été évaluées afin de vérifier si elles peuvent permettre de réduire le risque de céphalées causées par une ponction lombaire. Premièrement, les études effectuées chez les adultes montrent que la fréquence des céphalées est directement proportionnelle au diamètre de l’aiguille utilisée pour faire la ponction lombaire11. Une seule étude a été effectuée en pédiatrie, et celle-ci n’a pas réussi à démontrer l’influence du diamètre de l’aiguille sur les céphalées postponction lombaire9. Cet élément peut tout de même être pris en considération en pédiatrie si on veut tenter de réduire le nombre de cas de céphalées. Les différentes aiguilles pouvant être utilisées ont un diamètre de 20G, 22G ou 25G11. Les inconvénients à utiliser une aiguille de diamètre inférieur à 20G sont un allongement de la durée du prélèvement du LCR, ce qui Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 301 implique un risque plus élevé que la procédure échoue11. De plus, les études effectuées auprès d’adultes montrent que le modèle de l’aiguille à ponction a une influence sur le nombre de cas de céphalées postponction lombaire. L’aiguille à bout coupant (QuinckeMD) est associée à un plus grand nombre de céphalées que les modèles à bout rond (SprotteMD, WhitacreMD)11. Une seule étude a été effectuée en pédiatrie, et celle-ci n’a pas réussi à montrer l’influence du modèle de l’aiguille sur les céphalées subséquentes à une ponction lombaire9. Cet élément est tout de même pris en considération en pédiatrie pour tenter de réduire le nombre de cas de céphalées. Les inconvénients à utiliser une aiguille à bout rond sont un coût plus élevé et un risque augmenté de paresthésies8. En effet, l’aiguille à bout rond doit être insérée plus profondément dans l’espace sous-arachnoïdien, car l’ouverture de l’aiguille qui recueille le LCR est située 0,5 mm avant le bout de celle-ci8. L’orientation du biseau de l’aiguille, lors de l’insertion, est un autre facteur à considérer afin de prévenir le risque de céphalées à la suite d’une ponction lombaire. Si la coupe du biseau de l’aiguille est parallèle à l’axe de la colonne vertébrale, l’aiguille s’insère entre les fibres élastiques de la dure-mère au lieu de les couper, ce qui réduit le risque de céphalées13. Le stylet est une petite tige métallique qui est laissée à l’intérieur de l’aiguille lors de l’insertion de celle-ci au site de ponction et qui est retirée pour recueillir le LCR. Le fait de remettre le stylet dans l’aiguille avant de retirer l’aiguille du site de ponction permettrait de laisser en place le morceau de dure-mère qui a été ponctionné plutôt que de le retirer en même temps que l’aiguille11,13. Ainsi, cette précaution permettrait de prévenir l’apparition de céphalées. Normalement, la fréquence des céphalées augmente avec le nombre de ponctions lombaires effectuées chez un même patient, car la dure-mère se trouve perforée à plusieurs endroits12. Plusieurs facteurs n’ont pas montré de relation avec le nombre de cas de céphalées postponction lombaire. Par exemple, le volume de LCR prélevé, une augmentation des apports liquidiens et la position du patient lors de la ponction lombaire (assis ou couché) ne semblent pas influencer l’apparition de céphalées12. Le fait de rester allongé jusqu’à 24 heures après la procédure peut aussi retarder l’apparition des céphalées, mais cette mesure ne semble pas en réduire la fréquence11,13. Cependant, après l’administration de chimiothérapie intrathécale, on recommande que le patient reste allongé pendant environ une heure pour permettre une meilleure distribution des médicaments au niveau des ventricules cérébraux. Si des céphalées apparaissent, le traitement habituel consiste en la prise d’analgésiques et d’anti-émétiques, en une augmentation des apports liquidiens et dans le maintien d’une position couchée pendant 24 à 48 heures9. Si les symptômes persistent, les traitements normalement 302 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 disponibles sont l’epidural blood patch, l’epidural saline et l’epidural dextran 40. L’epidural blood patch est l’injection d’un petit volume de sang autologue dans l’espace épidural au même site que la ponction lombaire9. En coagulant, le sang va former un bouchon au niveau de la dure-mère. De plus, le volume injecté contribue à normaliser la pression du LCR, ce qui expliquerait le soulagement rapide des symptômes qui font suite à la procédure. Le volume de sang injecté dépend du poids du patient (normalement entre 5 et 25 ml). Le sang est injecté jusqu’à ce que le patient ressente une légère pression au niveau du site d’injection. La principale contre-indication à l’administration de l’epidural blood patch est la présence anormale de blastes dans la circulation sanguine. L’epidural saline est l’injection épidurale de chlorure de sodium 0,9 % au même site que la ponction lombaire10. Le principe est le même que pour l’epidural blood patch. Cependant, cette technique est très peu efficace, puisque le soluté diffuse rapidement hors de l’espace épidural. L’epidural dextran 40 suit le même principe que l’epidural saline, mais le soluté semble rester plus longtemps dans l’espace épidural étant donné son haut poids moléculaire et sa viscosité12. Un autre traitement pouvant être utilisé est la prise de caféine par voie orale ou intraveineuse. Elle entraîne une vasoconstriction cérébrale par blocage des récepteurs de l’adénosine, ce qui permettrait de réduire les céphalées12. Aucune étude n’a donné de résultats convaincants, et les effets secondaires d’une administration intraveineuse de caféine sont importants, surtout au niveau cardiaque et du système nerveux central12. L’administration de chimiothérapie intrathécale L’administration de chimiothérapie directement au niveau du SNC vise principalement l’atteinte d’une concentration de chimiothérapie plus élevée dans le LCR et la minimisation de la toxicité systémique. Elle permet également d’obtenir un temps de demi-vie plus long des médicaments injectés, car le métabolisme de ceux-ci est négligeable1. Par exemple, au niveau du SNC, la présence de l’enzyme cytidine désaminase, qui transforme l’Ara-C (cytarabine) en Ara-U (son métabolite), est très faible1. Le principal mécanisme menant à l’élimination des médicaments est la régénération constante du LCR à une vitesse d’environ 0,35 ml/min1. L’administration de chimiothérapie intrathécale fait partie du traitement de plusieurs types de cancers, dont les principaux sont la leucémie aiguë lymphoblastique et non lymphoblastique, le lymphome de Burkitt et le lymphome lymphoblastique. Dans les leucémies, la chimiothérapie intrathécale sert à prévenir les rechutes au niveau du SNC. Elle remplace ou potentialise la radiothérapie du SNC, qui entraîne beaucoup de neurotoxicité. Dans les lymphomes, l’administration systémique de MTX à haute dose est combinée à l’administration intrathécale de MTX de manière à prolonger l’effet des dosages thérapeutiques de MTX au niveau du LCR. Les différents médicaments qui peuvent être injectés au niveau du SNC sont le MTX, la cytarabine ou Ara-C et l’hydrocortisone, puisque ceux-ci ont un effet thérapeutique au niveau du SNC et n’ont peu ou pas de neurotoxicité1. Le plus souvent, la dose du médicament est calculée selon l’âge et non selon la surface corporelle de l’enfant, car le volume de LCR d’un enfant augmente plus rapidement que sa surface corporelle1. À l’âge de trois ans, l’enfant a un volume de LCR équivalent à celui d’un adulte1. Par exemple, dans le protocole Boston 2005-01 pour le traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique, les doses de MTX, de cytarabine et d’hydrocortisone intrathécale sont respectivement de 8 mg, 20 mg et 9 mg si l’enfant est âgé entre un an et moins de deux ans, de 10 mg, 30 mg et 12 mg si l’enfant a de deux ans à moins de trois ans et de 12 mg, 40 mg et 15 mg si l’enfant a trois ans ou plus. Les doses et la combinaison des différents agents de chimiothérapie peuvent varier selon les protocoles, la formule sanguine, les antécédents ou la condition actuelle du patient. Par exemple, si un patient présente une mucosite importante, le MTX ne sera pas administré lors de la ponction lombaire. Les effets secondaires de la chimiothérapie intrathécale Les principaux effets indésirables qui font suite à l’administration intrathécale de chimiothérapie sont des nausées et des vomissements. On peut utiliser des anti-nauséeux afin de prévenir ces effets secondaires. Les antagonistes de la sérotonine appelés « sétrons » sont les anti-nauséeux de première ligne en pédiatrie pour éviter les effets extrapyramidaux fréquents liés au métoclopramide. Les médicaments et les doses utilisés sont les suivants : ondansétron 5 mg/m2/dose (maximum 8 mg) IV pour une dose ou 0,15 mg/kg/dose et granisétron 40 mcg/ kg/dose (maximum 2 000 mcg) IV pour une dose3,4. La dose est normalement administrée immédiatement après la ponction lombaire pour des questions de logistique. Les autres effets secondaires possibles de la chimiothérapie intrathécale sont une neurotoxicité, des convulsions et une paraplégie transitoire. La neurotoxicité peut être secondaire au MTX ou à l’Ara-C intrathécal1. Cependant, la neurotoxicité secondaire au MTX intrathécal est mieux décrite. Les différents facteurs de risque sont l’administration de doses élevées de chimiothérapie systémique, la radiothérapie crânienne concomitante ou une infiltration néoplasique des méninges1. La neurotoxicité causée par le MTX intrathécal se divise en plusieurs catégories. Premièrement, l’arachnoïdite chimique est une réaction aiguë qui dure de quelques heures à quelques jours après l’injection intrathécale de MTX. Elle est caractérisée par des vomissements, des céphalées, une rigidité de la nuque, une douleur lombaire, de la fièvre et une pléocytose, qui signifie une abondance de lymphocytes dans le LCR1. L’apparition de cette réaction est influencée par la dose de chimiothérapie intrathécale et par la fréquence des ponctions lombaires. La gravité de cette réaction peut être minimisée par l’administration de dexaméthasone. La neurotoxicité subaiguë se manifeste de deux à trois semaines après l’injection intrathécale de MTX. Elle implique la paralysie des membres ou des nerfs crâniens causée par une concentration toxique persistante du médicament au niveau du LCR1. La leucoencéphalopathie démyélinisante est une forme de neurotoxicité qui peut être observée des mois ou des années après l’injection intrathécale de MTX. Elle se manifeste principalement par de la spasticité au niveau des membres, mais elle peut également mener à la démence et au coma. Finalement, une surdose de MTX causée par l’administration intrathécale d’un volume important de MTX en solution concentrée entraîne une neurotoxicité sévère ou la mort. Les différents traitements possibles d’une surdose sont un drainage du LCR, une perfusion ventriculo-lombaire, l’administration systémique d’acide folinique à dose élevée ou l’administration intrathécale de glucarpidase ou carboxypeptidase-G2, une enzyme qui métabolise le MTX. La posologie de la glucarpidase, comme traitement de secours, consiste en une dose unique de 2 000 unités, qui est diluée dans un volume de chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % en fonction de l’âge du patient14. Préparation et stabilité de la chimiothérapie intrathécale Plusieurs précautions doivent être prises lors de la préparation de la chimiothérapie intrathécale. Afin de minimiser le risque d’erreurs, les procédures suivantes ont été adoptées au CHU Sainte-Justine lors de la préparation de la chimiothérapie intrathécale. Premièrement, seuls les produits à usage intrathécal sont présents dans la hotte durant la préparation des chimiothérapies intrathécales3. De plus, un seul prélèvement est effectué dans chaque fiole, ce qui implique qu’une fiole différente de médicament et de diluant est utilisée pour chaque chimiothérapie intrathécale prescrite3. La dilution du médicament contenu dans les fioles est faite immédiatement avant la préparation afin de limiter les risques de contamination3. Les recommandations quant à la dilution de MTX, de cytarabine et d’hydrocortisone contenus dans les fioles sont tirées des monographies des produits15-17 et également de l’expérience clinique des pharmaciens ayant participé à plusieurs protocoles de recherche au CHU Sainte-Justine. Afin de limiter le risque d’erreurs, on utilise en tout temps les dilutions présentées au tableau I, même si les différents protocoles de recherche recommandent parfois une dilution différente de celles-ci. Lorsque les différents volumes de médicaments ont été prélevés, ils sont mis dans une même seringue à l’aide d’un adaptateur à double embout verrouillable (Luer-lockMD to Luer-lockMD). Toutes les préparations sont combinées dans une seule seringue à embout verrouillable (LuerlockMD) de 10 ml, identifiée au nom du patient et prête à l’administration. Certains auteurs mentionnent que le mélange du MTX, de la cytarabine et de l’hydrocortisone est stable au Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 303 Tableau I. Dilution des médicaments utilisés en pédiatrie au CHU Sainte-Justine lors de l’administration intrathécale de chimiothérapie3,14-16 Médicaments hydrocortisone 100 mg/fiole sans agent de conservation cytarabine 100 mg/fiole sans agent de conservation 2 ml de méthotrexate sans agent de conservation 10 mg/ml Dilution 4 ml de NaCl 0,9 % 5 ml de NaCl 0,9 % 8 ml NaCl 0,9 % Concentration finale 25 mg/ml1 20 mg/ml 2 mg/ml 1- La monographie de l’hydrocortisone recommande une dilution à raison de 50 mg/ml, toutefois, au CHU Sainte-Justine, nous utilisons une dilution à raison de 25 mg/ml compte tenu des faibles volumes utilisés pour l’administration intrathécale. moins huit heures dans le NaCl 0,9 %, le lactate Ringer, le dextrose 5 % et la solution Elliot’s B18,19. Au CHU Sainte-Justine, certains protocoles proposaient une chimiothérapie intrathécale composée de cytarabine et de MTX sans hydrocortisone, ce qui a permis de faire certaines observations. Lors du mélange du MTX et de la cytarabine dans le Lactate Ringer, un précipité se formait après environ deux heures20. La précipitation serait causée par la différence de pH entre le MTX (pH 8,5) et la cytarabine (pH 5) et la présence de calcium dans le Lactate Ringer20. La calcium déplacerait le sodium du sel de MTX et formerait un complexe insoluble20. Le mélange de ces deux mêmes médicaments dans le NaCl 0,9 % ne formait pas de précipité20. À la suite de cette observation, le diluant utilisé pour chacun des médicaments est le NaCl 0,9 %. De plus, afin de maintenir une certaine uniformité, la stabilité d’une seringue de chimiothérapie intrathécale a été fixée de façon empirique à une heure après sa préparation, peu importe le nombre de médicaments combinés dans la seringue. Les chimiothérapies intrathécales sont donc préparées juste avant leur administration. re primordiale. Le tableau II énumère les procédures qui ont été mises en place au CHU Sainte-Justine afin de prévenir les injections intrathécales de vincristine. Tableau II. Procédures qui ont été mises en place au CHU Sainte-Justine afin de prévenir une injection intrathécale de vincristine2 Code de couleur pour l’étiquetage des seringues qui seront administrées par voie intrathécale (étiquette rouge). Toutes les chimiothérapies intrathécales sont servies dans une seringue de 10 ml alors que la vincristine intraveineuse est servie dans une seringue de 3 ml. Seuls les produits à usage intrathécal sont présents dans la hotte durant la préparation des chimiothérapies intrathécales. Une étiquette « attention précautions spéciales » est apposée sur le sac dans lequel est servie la seringue et sur la boîte de transport. Seuls les médicaments servant à la ponction lombaire sont présents dans la salle de ponction (seringue de chimiothérapie intrathécale, analgésique et sédatif). Sur l’étiquette de la vincristine en seringue, il est précisé *** NE JAMAIS ADMINISTRER INTRATHÉCALE ***. Injection accidentelle de vincristine intrathécale L’injection intrathécale de vincristine entraîne une neurotoxicité sévère qui est souvent fatale. Les symptômes qui se manifestent en premier sont des tremblements, une désorientation, des nausées et des vomissements21. Ces symptômes sont rapidement suivis par une dysfonction sensitive et motrice causée par une dégénération axonale et une perte de la myéline entourant les fibres nerveuses spinales21. Les symptômes les plus sévères sont une encéphalopathie, un coma et la mort. La détérioration progressive jusqu’à la mort se produit normalement sur une période de 7 à 83 jours (10 jours en moyenne) selon les cas rapporté dans la littérature médicale21. Les cas rapportés touchent principalement des patients atteints de leucémie aiguë lymphoblastique, car la vincristine fait partie du même bloc de traitement que la ponction lombaire. De plus, le volume de vincristine peut être similaire au volume de chimiothérapie injecté intrathécal. Les différentes tentatives de traitement qui sont décrites dans la littérature scientifique comprennent le drainage immédiat et continu du LCR avec du lactate Ringer afin de diluer et d’éliminer la vincristine, la neurochirurgie ainsi que l’administration d’acide glutamique21. Étant donné le faible taux de réussite de ces méthodes, l’application de différents moyens de prévention demeu- 304 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Conclusion En oncologie, la ponction lombaire est une technique utilisée pour vérifier s’il y a une atteinte néoplasique du SNC. Selon l’expérience pédiatrique du CHU Sainte-Justine, les principaux médicaments pouvant être administrés en injection intrathécale sont le MTX, la cytarabine et l’hydrocortisone. La chimiothérapie intrathécale est utilisée régulièrement dans les protocoles de traitement des lymphomes et de la leucémie aiguë lymphoblastique. Elle peut entraîner plusieurs effets indésirables liés aux médicaments injectés ou à la procédure elle-même. L’implantation de procédures concernant toutes les étapes de la préparation de la chimiothérapie intrathécale est très importante pour la prévention d’erreurs pouvant être fatales. Pour toute correspondance : Annie Viau Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine Département de pharmacie 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 1C5 Téléphone : 514 345-4865 Télécopieur : 514 345-4899 Courriel : [email protected] Abstract Références 1. Objective: This article describes the experience of pharmacists of the hematology-oncology satellite pharmacy of the Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine with the preparation of intrathecal chemotherapy in pediatrics. 2. Context: There is a significant lack of scientific information regarding the dilution, preparation and stability of intrathecal chemotherapy. The fact that many patients need multiple lumbar punctures along with chemotherapy at the Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine allowed pharmacists to develop a certain expertise in the preparation of these drugs. Given the cytotoxic nature of these products and their particular route of administration, numerous precautions must be taken during their preparation. In addition, adequate sedation and proper side effect management are of primary importance to avoid the psychological trauma related to multiple lumbar punctures. 6. Conclusion: Based on the experience gained from pediatric patients reported in this article, it may be used as a guide for hospitals that occasionally have to prepare intrathecal chemotherapy. 16. Key words: lumbar puncture, intrathecal chemotherapy, pediatrics, oncology, sedation, post lumbar puncture headache, nausea, vomiting. 19. 3. 4. 5. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 17. 18. 20. 21. Ruggiero A, Conter V, Milani M, Biagi E, Lazzareschi I, Sparano P et coll. Intrathecal chemotherapy with antineoplastic agents in children. Paediatr Drugs 2001;3:237-46. Coccia P, Ruggiero A, Attina G, Lazzareschi I, Maurizi P, Riccardi R. The lumbar puncture in pediatric oncology. Ped Med Chir 2006;28:73-8. Therrien R, Demanche C, Larocque D, Pedneault L. Politiques et procédures du département de pharmacie du CHU Sainte-Justine. Pharmacie hématooncologie. Chimiothérapie intra-thécale. 28 avril 2005. Taketomo CK, Hodding JH, Kraus DM. Dans: Pediatric Dosage Handbook. 14e éd. 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Trois établissements de santé ont implanté différentes solutions de numérisation au CHU Sainte-Justine (développement d’un logiciel complémentaire de traitement des ordonnances télécopiées avec intégration au dossier pharmacologique), à l’Hôpital Charles LeMoyne et au CSSS Sorel-Tracy (implantation d’un logiciel complémentaire de traitement des ordonnances télécopiées sans intégration au dossier pharmacologique) et au CSSS Haut-Richelieu-Rouville (développement d’une base de courrier Lotus Notes permettant le traitement des ordonnances). Conclusion : Il existe différentes solutions techniques permettant la numérisation et le traitement des ordonnances de médicaments en établissement de santé au Québec. Cet article décrit trois solutions techniques différentes, qui peuvent améliorer le circuit du médicament. Mots-clés : circuit du médicament, télécopie, numérisation des ordonnances Introduction C’est en 1843 que le Franco-Suisse Puthomme a déposé la première demande de brevet pour la transmission de documents écrits à l’aide du réseau télégraphique. En 1902, l’Allemand Arthur Kom a réussi le premier transfert de photographies par téléphone. C’est en 1907 que le Français Édouard Belin perfectionne ce procédé et crée le bélinographe, maintenant appelé télécopieur (fax). La qualité et la vitesse des images transmises par les télécopieurs ont augmenté jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Progressivement remplacée par des numériseurs, cette technologie est en déclin depuis les années 2000. Certains hôpitaux ont toutefois des parcs de télécopieurs importants, qu’il est possible d’utiliser de façon novatrice. En pharmacie, le télécopieur est utilisé pour la transmission des ordonnances depuis les années quatre-vingt. Dans un contexte de pénurie de ressources, de regroupe- 306 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 ments de sites physiques distincts en un même établissement, de numérisation des processus et de création d’un dossier de la santé au Québec, plusieurs établissements procèdent à la numérisation des ordonnances. L’objectif de cet article est de décrire trois exemples concrets de numérisation des ordonnances existant au Québec. Problématique En 1993, l’Ordre des pharmaciens du Québec a publié deux normes (93.01 et 93.02) sur l’utilisation du télécopieur, dans le cadre de la pratique en pharmacie privée et en établissement de santé. En janvier 2008, l’Ordre a publié une norme révisée qui remplace les deux précédentes1. La norme précise le contexte et la portée, les dispositions légales, les avantages et risques du télécopieur, la position commune du Collège des médecins et de l’Ordre, les responsabilités du pharmacien en pratique privée et en établissement de santé (12 règles). La norme reconnaît que la télécopie reçue au département de pharmacie peut être considérée comme un original mais qu’elle est aussi une deuxième copie officielle de l’ordonnance paraphée par le pharmacien de l’établissement. La conservation de cette télécopie devrait être aussi longue que le prévoit le Règlement sur la tenue de dossiers et, idéalement, conservée aussi longtemps que l’ordonnance originale, une recommandation difficile à respecter avec un archivage traditionnel de type papier. La norme précise que le pharmacien doit également avoir accès en tout temps à l’ordonnance originale pour y faire les validations appropriées. Le chef du département de pharmacie doit établir une procédure régissant l’émission et l’exécution des ordonnances, approuvée par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Ce cadre normatif Denis Lebel, B.Pharm., M.Sc., est adjoint au chef, aux soins pharmaceutiques, à l’enseignement et à la recherche au département de pharmacie du CHU Sainte-Justine Visal Uon, B.Pharm., M.Sc., est chef du département de pharmacie de l’Hôpital Charles Lemoyne et chef intérimaire du département de pharmacie du CSSS Sorel-Tracy Mélanie Caron, B.Pharm., M.B.A., est chef du département de pharmacie du CSSS Haut-Richelieu-Rouville Jean-François Bussières, B.Pharm, M.Sc., M.B.A., est chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal respecte le cadre législatif canadien et québécois entourant la protection des renseignements personnels. Bien que le recours à la télécopie comporte plusieurs avantages (p. ex. réduction des délais de transmission entre l’unité de soins et la pharmacie, élimination de la gestion de copies multiples, etc.), elle comporte aussi des désavantages (p. ex. espace pour archivage, télécopies non utilisables pour la rédaction de notes du pharmacien à verser au dossier médical, possibilité d’ajouts après la première transmission, etc.). Dans le contexte de la mise à niveau du circuit du médicament et des balises données par l’Ordre en ce qui concerne la télécopie, plusieurs départements de pharmacie envisagent la conservation sous forme numérisée des ordonnances de médicaments, comme le font d’autres départements (p. ex. numérisation des images de radiologie, du dossier des patients, etc.). Nous définissons la numérisation des ordonnances comme étant la transformation d’un document papier en document électronique qui peut être consulté, annoté, paraphé et archivé dans le respect du cadre légal en pharmacie. Bien que la norme sur la télécopie offre plusieurs balises pertinentes, l’Ordre travaille actuellement à la rédaction d’une norme distincte sur la numérisation. Dans la documentation, il existe peu de données sur l’utilisation de la télécopie en pharmacie2. Dans le rapport sur les systèmes automatisés et robotisés de distribution des médicaments publié en 2005, on observe que 54 % des établissements de santé interrogés ont recours à des télécopieurs3. Toutefois, depuis les années 2000, on recense plusieurs publications sur la numérisation des ordonnances. Cronk observe une réduction du temps moyen de traitement des ordonnances de 162 à 14 minutes à la suite d’une réorganisation globale du traitement des ordonnances, incluant la numérisation4. Sikri et coll. notent une réduction du temps moyen de traitement des ordonnances de 41 à 27 minutes grâce à la numérisation5. D’autres études décrivent les modalités et l’impact de la numérisation sur la sécurité des prestations6-8. Résolution de la problématique Le tableau I présente de façon conceptuelle les composantes d’un processus structuré de numérisation et trois applications pratiques. Au CHU Sainte-Justine, le télécopieur est utilisé depuis 1993. Deux études démontrent que plus de 98 % des ordonnances télécopiées sont lisibles par la pharmacie9. L’archivage physique annuel des ordonnances télécopiées représente un volume de 50 m3. En 2007, le département de pharmacie a procédé avec CGSI Technologies au développement d’un module de numérisation (NumeRxMD) en tenant compte des principes suivants : intégration des documents numérisés au dossier pharmacologique (GesphaRxMD) avec archivage permanent, possibilité d’annotations avec texte et symboles, signature électronique, capacité de tri et groupage des documents en file d’attente. L’applicatif ne requiert aucun changement de pratique pour le personnel soignant et peut être utilisé avec le parc de télécopieurs et numériseurs en place. La figure 1 illustre une installation type à trois écrans et un écran type de l’affichage. Figure 1 : Affichage et aménagement au Centre hospitalier universitaire de Saint-Justine À l’Hôpital Charles LeMoyne et au CSSS Sorel-Tracy, un projet de faisabilité de télépharmacie comporte l’essai d’un logiciel de numérisation des ordonnances (l’Hôpital Charles LeMoyne traite des ordonnances de l’urgence de CSSS Sorel-Tracy, du lundi au vendredi, de 17 h à 20 h pendant une période de trois mois). Parallèlement, le logiciel est également à l’essai à l’Hôpital Charles LeMoyne pour l’envoi des ordonnances des soins intensifs au département de pharmacie. Durant la période pilote, il n’y a pas eu d’interface développée entre le logiciel de numérisation et de pharmacie. Auparavant, le département de pharmacie de CSSS Sorel-Tracy recevait les ordonnances par télécopieur tandis que l’Hôpital Charles LeMoyne recevait des originaux. Le projet pilote est un succès selon les résultats d’un sondage maison, mais plusieurs facteurs restent à déterminer, notamment les coûts, les caractéristiques spécifiques pour améliorer son utilisation et la faisabilité d’une implantation à large échelle. Au CSSS Haut-Richelieu-Rouville, une étude a été réalisée par le département de pharmacie et des technoloPharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 307 Tableau I : Composantes d’un système de numérisation Composantes Principes Trois applications pratiques CHUSJ HCLM/Sorel MD NumeRx CGSI Technologies Pyxis ConnectMD CSSS HRR Canon imageWAREMD et Lotus NotesMD Document source Le document source est le Toutes les ordonnances + document à numériser documents pertinents. (p. ex. ordonnance, feuilles de décompte, formulaires administratifs). Toutes les ordonnances + notes des pharmaciens sur les ordonnances. Processus de numérisation (a) Par télécopieurs en générant Le processus de numériun fichier de ~11 ko/feuille en sation permet la transformation d’un format papier format .tif. en format numérique avec perte de qualité par rapport à l’original. Plus la qualité numérique recherchée est grande, plus le fichier est gros. Par numériseur en générant Par télécopieur en un fichier de ~11 ko/feuille générant un fichier en format .tif. transformé par image WAREMD sur serveur fax en format .pdf de 11 ko/ feuille. Association de métadonnées Date et heure. Si la numérisation est assistée par un logiciel spécialisé, certaines données relatives à l’image peuvent être associées automatiquement à la numérisation. Date, heure, unité de soins. Téléphone de l’expéditeur, date, utilisateur ayant visualisé, modifié ou envoyé le document. Transmission La transmission peut se faire par réseau analogique (téléphone) ou numérique (réseau informatique) interne (4 chiffres) ou externe (10 chiffres). Réseau téléphonique analogique et IP selon les unités de soins ; quatre numéros de téléphone (1 pour stat, 2 pour document interne et 1 pour externe). Réception La réception d’un document numérisé se fait généralement sur un serveur sécurisé. Serveur fax pharmacie de type Serveur Pyxis ConnectMD Windows 2003 avec logiciel VSI FaxMD ; Intégration à la file d’attente de NumeRxMD. Base de courrier Lotus NotesMD ; Tri des fichiers par ordre croissant de dateheure-minute-seconde. Traitement automatisé Reconnaissance des formes (c.-à-d. pattern recognition) et reconnaissance optique des caractères. Possibilité de reconnaissance de métadonnées reconnues par un autre logiciel comme le numéro de dossier. Format distinct des ordonnances urgentes. aucun Traitement manuel Ajout ou correction des métadonnées qui auront été associées au document précédemment, incluant annotations et signature électronique. Insertion de commentaires, d’images ou de symboles prédéfinis directement sur le document en plus de métadonnées associées ; le fichier numérique peut être associé à une ordonnance, à un patient, à une recette ou à tout autre élément de l’applicatif pharmacie. Insertion de commentaires, d’images ou de symboles prédéfinis, directement sur le document, en plus de métadonnées associées mais fonction non exploitée durant la période pilote. Insertion de commentaires ou d’images dans le corps du message courriel. Accessibilité Si le processus d’association de métadonnées est rigoureux et fiable, il est facile de rechercher un document ou d’y accéder au moment opportun. Chaque usager possède un code d’accès et mot de passe individuel ; Pas d’accès infirmier. Chaque usager possède un code d’accès et mot de passe individuel ; Accès en consultation au personnel infirmier. Chaque usager possède un code d’accès et mot de passe individuel ; Accès en consultation au personnel infirmier. Archivage Un fichier télécopié occupe ~11 ko alors qu’une feuille numérisée à 600 PPP sans compression peut occuper plus de 100 Mo. À évaluer selon la résolution requise. Tous les fichiers sont sauvegardés et disponibles pour consultation instantanée tant pour les dossiers actifs que pour les dossiers archivés. Tous les fichiers sont sauvegardés sur le serveur du logiciel et archivés sur le serveur réseau. 308 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Par le réseau téléphonique analogique et IP selon les unités de soins et hôpitaux ; un numéro de téléphone. Toutes les ordonnances. Par le réseau téléphonique analogique ; un numéro de téléphone externe. Tous les courriels sont périodiquement archivés dans Lotus NotesMD. Confirmation de Certaines solutions implitraitement quent le retour d’une confirmation de traitement vers l’envoyeur. Cette confirmation peut être imprimée sous forme de document numérisé ou affichée sur une page web. Coûts L’expéditeur peut obtenir une confirmation d’envoi/ de réception à partir de son télécopieur au besoin ; de plus, un système de confirmation intégré à NumeRx permet de confirmer le traitement d’un fichier numérique. PyxisSchedulerMD permet L’expéditeur peut obtenir une confirmation l’impression automatid’envoi/de réception que d’ordonnances sur le numériseur de l’expéditeur à partir de son télécopieur au besoin. PyxisConnect. NurseMonitorMD permet au personnel infirmier de se connecter au PyxisConnectMD pour visualier les ordonnances expédiées incluant annotations de pharmacie et validations. Compte tenu du fait qu’il s’agit de projets de développement, les coûts sont difficiles à estimer, considérant les actifs et la contribution des professionnels en place. Il faut prévoir des coûts pour télécopieurs/numériseurs, serveur, licences applicables et postes pour la pharmacie (simple/double écran) gies de l’information afin de recueillir des informations sur le circuit des ordonnances. La première solution, soit l’acquisition d’une technologie de numérisation commerciale, a été écartée faute de budget. La deuxième, qui préconisait l’usage des appareils multifonctions (4 en 1), disponibles aux unités de soins, et la création de répertoires de traitement et d’archivage des ordonnances, n’a pas été retenue compte tenu de problèmes d’intégrité des données en raison du risque de suppression accidentelle de fichiers et d’un accès limité à une connexion haute vitesse. La technologie ImageWareMD de Canon a été retenue pour la conversion de télécopies en document pdf combinée à une base de courrier Lotus Notes pour le traitement des ordonnances provenant des soins de longue durée, compte tenu de la simplicité d’utilisation et de la possibilité de numériser d’autres documents papier (feuilles de narcotiques, ordonnances papier, etc.) pour l’archivage. Cette solution simple et peu coûteuse comporte des limites : recherche de documents difficile et accessibilité par deux utilisateurs simultanément au même document. Cependant, la version 7.0 de Lotus NotesMD, implantée prochainement dans l’établissement, devrait éliminer plusieurs irritants. Conclusion Il existe différentes solutions techniques permettant la numérisation et le traitement des ordonnances de médicaments en établissement de santé au Québec. Cet article décrit trois solutions techniques différentes qui peuvent améliorer le circuit du médicament. Pour toute correspondance : Denis Lebel Département de pharmacie CHU Sainte-Justine 3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 1C5 Téléphone : 514 345-4603 Télécopieur : 514 345-4820 Courriel : [email protected] Abstract Objective: To describe three concrete examples of prescription digitization in Quebec. Context: Many institutions are turning to digitizing to optimize prescription processing. Three healthcare institutions have implemented different digital solutions. At the CHU Sainte-Justine, an add-on software for processing faxed prescriptions was developed for integration with patient medication profiles, while an add-on software for processing faxed prescriptions without integration with patient medication profiles was developed at the Hôpital Charles LeMoyne and the CSSS Sorel-Tracy. Finally, the CSSS Haut-Richelieu-Rouville developed a Lotus Notes mail application allowing prescription processing. Conclusion: Different technical solutions are available for digitizing and processing drug prescriptions in Quebec healthcare institutions. This article describes three different technical solutions that can improve the drug distribution circuit. Key words: drug distribution circuit, fax machine, prescription digitization Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Ordre des pharmaciens du Québec. Utilisation du télécopieur pour la transmission des ordonnances. Norme 2008.01. http://www.opq.org/fr/media/docs/guides-normes/norme2008_01_26mars.pdf (site visité le 29 août 2008). Gannon PM. Pharmacy-nursing facsimile systems: set-up considerations and operational issues. Hosp Pharm 1992;27:111-5,132. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Les systèmes automatisés et robotisés utilisés pour la distribution des médicaments dans les établissements de santé au Québec. Rapport et recommandations du groupe de travail. 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The impact of a planning intervention to improve the consistency of drug prescription issuing rules in a health facility. Can J Clin Pharmacol 2003;10:83-8. Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 309 RISQUES, QUALITÉ, SÉCURITÉ Analyse proactive du risque associé à la distribution et à l’utilisation des échantillons de médicaments Geneviève Soucy, Jean-François Bussières, Denis Lebel, Lyne Tardif, Benoît Bailey Résumé Objectif : Il s’agit d’une étude par simulation menée au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, un établissement de soins de 500 lits. Elle est basée sur un modèle d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité décrit par Williams et collaborateurs. Source de données : À partir d’une revue de la documentation scientifique et d’une étude de terrain, un panel d’experts composé de pharmaciens et de médecins a développé un diagramme d’Ishikawa portant sur les six étapes du processus de distribution et d’utilisation des échantillons de médicaments. Trente (30) modes de défaillance potentiels ont été identifiés et liés à l’une des six étapes du processus. Mise en contexte : Cette étude illustre la valeur d’une analyse des risques prospective et devrait encourager les gestionnaires et les cliniciens à une plus grande utilisation de ces techniques dans le futur. La simplicité de la méthode contribue à l’utilisation facile de l’analyse des risques rapportés et à l’identification des actions à entreprendre. Conclusion : Cette étude décrit une évaluation critique des risques relatifs aux échantillons de médicaments au moyen de la méthode d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité et évalue l’impact de nouvelles mesures sur les risques établis par rapport à la situation actuelle. On peut réduire théoriquement de près de 25 % l’indice de criticité par une intervention administrative. Mots clés : échantillons de médicaments, modèle d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité, AMDEC Introduction et mise en contexte La distribution des échantillons de médicaments est très répandue aux États-Unis et au Canada. Selon l’IMS Health, les dépenses pour les médicaments d’ordonnance promus par l’industrie pharmaceutique aux États-Unis ont doublé, passant de 12,4 milliards de dollars américains en 1998 à 25,3 milliards de dollars américains en 2003, dont 16 milliards en échantillons de médicaments distribués1. 310 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Au CHU Sainte-Justine, un inventaire physique complet des échantillons de médicaments a été réalisé en novembre 2007, qui démontre bien l’importance des stocks d’échantillons de médicaments dans un établissement de santé. Lors de cet inventaire, 78 955 doses d’échantillons ont été décomptées pour une valeur totale de 48 783 $, et 8,32 % des ces échantillons étaient périmés, 59 % n’étaient pas inscrits sur la liste en vigueur au sein de l’établissement (c.-à-d. formulaire thérapeutique adopté par le Comité de pharmacologie de l’établissement) et seulement 3,5 % des unités remises avaient été déclarés au département de pharmacie sur le formulaire prévu selon la politique en vigueur dans l’établissement. Une revue de la documentation médicale faisant ressortir plusieurs risques associés à la distribution et à l’utilisation d’échantillons de médicaments ainsi qu’une évaluation locale des stocks d’échantillons de médicaments démontrent la nécessité de revoir nos pratiques. Il existe plusieurs techniques qui permettent de faire une analyse d’exploration méthodique2 . Parmi ces méthodes, l’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité (AMDEC) est un outil bien décrit, qui évalue un processus de façon systématique. L’AMDEC utilise l’expérience des professionnels pour recenser et mettre en évidence les défaillances potentielles du produit ou du processus, pour évaluer les risques encourus si ces défaillances se produisent et pour susciter des actions préventives. L’AMDEC permet en outre de classer ces Geneviève Soucy, M.Sc., candidate à la maîtrise en administration de la santé, stagiaire à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine Jean-François Bussières, B.Pharm., M.Sc., est chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal Denis Lebel, B.Pharm., M.Sc., est adjoint aux soins pharmaceutiques, à l’enseignement et à la recherche et à l’unité de recherche en pratique pharmaceutique au CHU SainteJustine Lyne Tardif, B.Pharm., candidate au programme de M.Sc., est résidente en pharmacie au CHU Sainte-Justine Benoît Bailey, MD, M.Sc. pédiatre et toxicologue, section de l’urgence, département de pédiatrie, CHU Sainte-Justine défaillances, en les hiérarchisant en fonction de la gravité potentielle de leurs effets, de leur fréquence de survenue et du risque lié à leur non-détection3. L’objectif de cette étude est de réaliser une évaluation critique des risques relatifs aux échantillons de médicaments au moyen de la méthode d’AMDEC et d’évaluer l’impact de nouvelles mesures sur les risques établis par rapport à la situation actuelle. Description de la problématique et discussion Méthode Il s’agit d’une étude par simulation basée sur la méthode d’un modèle d’AMDEC. Cette méthode a été retenue en raison de sa facilité d’utilisation et de la possibilité de quantification des défaillances selon la fréquence, la gravité et la possibilité de détection2. L’analyse a été réalisée au CHU Sainte-Justine, un établissement de soins de 500 lits, selon la méthodologie décrite par Williams et coll.4. La première étape de la technique AMDEC repose sur la formation d’un groupe de travail multidisciplinaire. Il se compose de deux pharmaciens, d’un résident en pharmacie, d’un médecin et d’un assistant de recherche en administration de la santé. Ce groupe a mené une étude descriptive des stocks d’échantillons de médicaments au CHU Sainte-Justine et une évaluation des perceptions des échantillons qu’à le personnel soignant. La seconde étape vise à identifier les modes de défaillance. Après une revue documentaire et un partage des expertises, le groupe a développé, au moyen de séances de remue-méninges, un diagramme d’Ishikawa afin de pouvoir identifier tous les éléments pouvant être à l’origine d’une défaillance liée à l’utilisation des échantillons de médicaments, tant en établissement de santé qu’en pratique communautaire. Par la suite, il a identifié les causes et les effets de chaque mode de défaillance afin d’être en mesure de calculer l’indice de criticité. La troisième étape vise à coter chaque mode de défaillance selon la grille de cotation établie par Williams4, qui a défini des critères explicites à retenir pour chaque élément à coter du mode de gestion actuel puis le nouveau mode de gestion proposé. Le nouveau mode de gestion résulte d’une intervention visant à améliorer la situation existante. La probabilité d’occurrence pour chaque mode de défaillance est cotée de 1 à 10, où 1 représente une occurrence très faible (0,01 % d’occurrence) et 10, une occurrence très élevée (10 % d’occurrence). Le degré de gravité d’un effet potentiel est classé de 1 à 9, où 1 représente un léger ennui et 9, le décès. La chance de détecter la défaillance avant qu’elle ne se produise est classée de 1 à 9, où 1 représente une probabilité de détection très élevée, de l’ordre de 9 chances sur 10, et 9 représente une détection impossible. Pour chaque mode de défaillance, on a pris la cotation que chacun des membres de l’équipe avait attribuée à chaque élément, puis on en a fait une moyenne pour chacun des éléments. Les chiffres obtenus ont servi à calculer l’indice de criticité, qui correspond au produit de la fréquence x le degré de gravité x la détection. Cette étape permet de hiérarchiser les modes de défaillances et de donner la priorité aux éléments qui favorisent les actions à entreprendre. La quatrième étape vise à coter à nouveau chaque mode de défaillance en tenant compte de l’implantation d’une nouvelle intervention visant à réduire les risques de défaillance. En tenant compte des études précédemment réalisées ainsi que de la revue documentaire, le panel d’experts a déterminé une intervention administrative comportant quatre éléments. L’intervention proposée comprend premièrement, la mise en place d’une liste d’échantillons autorisés en cliniques externes, deuxièmement, la déclaration obligatoire des échantillons remis par les représentants des compagnies pharmaceutiques, accompagnée de la nécessité d’assurer une gestion et une vérification périodiques des stocks d’échantillons par le personnel de la pharmacie, troisièmement, la description précise et obligatoire dans le dossier du patient et sur l’ordonnance de départ (aussi appelée bilan comparatif – ordonnance) de la remise d’échantillons aux patients et quatrièmement, l’adoption et la diffusion d’une politique proscrivant la remise d’échantillons de médicaments à d’autres membres du personnel pour leurs propres besoins. Puis le panel d’experts a calculé la moyenne des cotes pour le mode de gestion existant ainsi que pour le nouveau mode de gestion qui avait connu l’implantation de l’intervention administrative proposée. Finalement, pour pouvoir procéder à la comparaison entre les deux modes de gestion des stocks et pour déterminer un facteur de réduction pour chacun des modes de défaillance, il a fait la somme des moyennes des cotes (avec valeurs minimales et maximales) pour la situation existante, puis pour la situation découlant de l’intervention administrative. Aucune analyse statistique n’a été réalisée. Résultats : Le processus de distribution et d’utilisation des échantillons de médicaments est divisé en six étapes, soit la mise en disponibilité de certains médicaments en échantillons par les fabricants de médicaments, la distribution des échantillons par les représentants, l’entreposage au point de service, la gestion des échantillons par l’établissement, la distribution des échantillons par le médecin, l’infirmière ou un tiers et la consommation de l’échantillon par le patient. Trente modes de défaillance potentiels ont été identifiés et reliés à l’une des six étapes du processus. Pour chacun des modes de défaillances identifiés, on a calculé l’indice de criticité en tenant compte de la situation actuelle et de l’intervention administrative proposée. Le tableau I présente la moyenne des cotes pour chacun des modes. L’indice de criticité totale obtenu pour le mode de gestion existant est de 4 611 contre 3 469 pour le nouveau mode de gestion, soit une réduction des risques de 24,46 %. L’indice de criticité de chaque mode de défaillance a été réduit en moyenne dans un rapport de 1,7. L’indice de criticité de 16 modes de défaillance a été réduit par l’intervention administrative proposée tandis que pour 16 autres, l’indice Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 311 Tableau I : Modes de défaillance et comparaison des indices de criticité pour les anciens et nouveaux processus Étapes du processus Disponibilité de certains médicaments sous forme d’échantillons par les fabricants de médicaments Distribution des échantillons par les représentants Entreposage au point de service Modes de défaillances IC Ancien IC Min processus Max Mauvais choix de traitement par rapport aux données probantes 60 155 240 60 155 240 1,0 Contournement des médecins et pharmaciens 40 188 324 40 188 324 1,0 Format inapproprié par rapport au besoin 48 90 125 48 86 125 1,0 Étiquetage différent des produits commerciaux ou mal interprété 30 79 160 30 79 160 1,0 Réduction de l’efficacité du médicament en raison d’un entreposage inadéquat 80 120 126 80 120 126 1,0 Ingestion accidentelle 35 73 112 35 73 112 1,0 Remise complaisante 98 222 315 98 134 180 1,7 Recel 70 91 84 70 89 84 1,0 Gestion inappropriée des déchets 24 60 162 18 50 162 1,2 Réduction de l’efficacité du médicament en raison d’un entreposage inadéquat 16 85 160 10 65 126 1,3 Ingestion accidentelle 20 92 252 20 92 252 1,0 Consommation par le personnel 60 224 350 54 81 80 2,8 Recel 56 83 84 20 49 70 1,7 Gestion inappropriée des déchets 24 54 162 8 25 162 2,2 Produits périmés demeurant en circulation 42 144 280 4 32 64 4,5 60 167 240 16 94 168 1,8 40 154 324 40 134 324 1,1 320 359 400 100 161 320 2,2 Distribution du mauvais produit 48 95 168 48 95 168 1,0 Distribution de la mauvaise dose 48 111 168 48 111 168 1,0 Distribution d’un produit périmé 42 100 140 28 55 42 1,8 Distribution comme dépannage à l’entourage sans consultation médicale 54 209 350 54 95 120 2,2 Mauvais choix de traitement par rapport aux données probantes 60 174 240 48 123 240 1,4 Absence d’information versée au dossier médical et difficulté de suivi en cas d’inefficacité thérapeutique, d’effets indésirables ou de besoin de vérifier ce qui a été remis au patient 63 275 432 63 139 360 2,0 Absence d’information transmise au patient 96 235 360 96 235 360 1,0 Contournement du pharmacien associé à un risque de non-détection d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication 175 243 280 175 243 280 1,0 Inobservance par interruption du traitement sur ordonnance 112 259 336 112 245 336 1,1 Ingestion accidentelle 56 103 144 56 103 144 1,0 Utilisation inappropriée du médicament (mauvaise voie, dose, durée, horaire) 100 184 240 100 184 240 1,0 Le patient court des risques d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication 64 164 336 64 134 175 1,2 Mauvais choix de traitement par rapport aux Gestion des données probantes échantillons par l’établisse- Contournement des médecins et pharmaciens ment Impossibilité de retrouver la trace des produits en cas de rappel ou d’effets indésirables Distribution des échantillons par le médecin, l’infirmière ou un tiers Consommation de l’échantillon par le patient Somme Moyenne IC : indice de criticité; Min : minimum; Max : maximal 312 Pharmactuel IC Nouveau IC Facteur Min processus Max de red. Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 4 591 3 468 1,7 est demeuré le même dans les deux processus de gestion des échantillons. La plus grande réduction de risques potentiels touche les produits périmés qui demeurent en circulation, avec un facteur de réduction de 4,5. Avant l’implantation de l’intervention administrative, les trois risques les plus élevés étaient liés à la quasi-impossibilité de retrouver la trace de l’utilisation d’échantillons de médicaments en cas de rappel ou d’effets indésirables (IC 358,8), à l’inobservance par l’interruption du traitement sur ordonnance (IC 258,7) et au contournement des services du pharmacien, qui fait courir au patient le risque que des interactions médicamenteuses passent inaperçues, ou qui comporte aussi des dangers de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication (IC 249,9). Avec l’implantation de l’intervention administrative, les modes de défaillance ayant un indice de criticité le plus élevé sont l’inobservance par l’interruption du traitement sur ordonnance (IC 235,2), le contournement des services du pharmacien, comportant pour le patient des risques de non-détection d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication, et de manque d’information pour le patient (IC 235,2). Toutefois, le panel d’experts ne perçoit pas le nouveau processus comme pouvant avoir un effet important sur les modes de défaillance comportant le plus de risques. Discussion La méthode d’AMDEC a été relativement peu utilisée dans le domaine de la santé. Toutefois, certains secteurs, comme l’oncologie, les appareillages médicaux ou le processus transfusionnel ont fait l’objet d’AMDEC étant donné les risques potentiels importants que ces secteurs comportaient pour les patients5-7, De plus, aux ÉtatsUnis, cette technique a été utilisée à plusieurs reprises pour tenter de réduire les erreurs médicamenteuses, qui représentent l’une des principales causes d’erreurs médicales. Les processus, comme la prescription de médicaments ou les systèmes de distribution de médicaments, ont donc été analysés8,9. Par contre, à notre connaissance, aucune AMDEC n’a pas été réalisée sur le processus de distribution et d’utilisation des échantillons de médicaments. L’AMDEC sert à comparer l’indice de criticité obtenu entre un processus existant et un processus amélioré découlant d’une ou de plusieurs interventions. Dans le domaine de la santé, ce type d’analyse peut aider les gestionnaires et les cliniciens à faire de meilleurs choix pour optimiser l’impact d’une intervention, en identifiant les défaillances les plus critiques sur lesquelles ils doivent intervenir en priorité. Nous pensons que cette méthodologie est applicable à la distribution et à l’utilisation des échantillons de médicaments et qu’elle permet de connaître l’impact des mesures envisagées. L’intervention administrative proposée donne un indice de criticité moindre et rend théoriquement l’utilisation d’échantillons plus sûre, mais la réduction complète du risque repose sur l’élimination de la distribution des échantillons et de leur accès, ce qui ne peut se faire sans l’intervention des ordres professionnels. Doit-on maintenir la distribution d’échantillons de médicaments ? Est-ce une pratique justifiée, compte tenu du fait que le personnel soignant en utilise une partie importante ? Cette étude illustre la valeur d’une analyse prospective des risques et devrait encourager les gestionnaires et les cliniciens à une plus grande utilisation de ces techniques dans le futur. La simplicité de la méthode contribue à son application facile pour l’analyse des risques2. L’AMDEC permet rapidement de voir où les risques sont le plus élevés, ce qui permet de cibler les actions à entreprendre. De plus, il semble que l’utilisation de l’AMDEC augmente la capacité de changement chez les collaborateurs, étant donné la nature participative de la démarche10. Aux ÉtatsUnis, depuis le 1er juillet 2001, la JCAHO (Joint Commission on Accreditation of Healthcare Organizations) exige d’ailleurs de chaque hôpital accrédité de conduire au moins une évaluation proactive des risques par année dans les secteurs associés à des risques élevés11. Sur le plan canadien, Agrément Canada a inclus l’analyse prospective dans ses pratiques organisationnelles. Il y a cependant certaines limites à cette méthode, lorsqu’elle est utilisée dans le domaine de la santé. Par exemple, le poids similaire donné, dans l’élaboration de la criticité, à la sévérité (S), à la fréquence (F) et à la probabilité de détection (D) peut être discutable. Rien n’est prévu pour pondérer le risque vital encouru par le patient. Ainsi, en théorie, une défaillance qui engage le pronostic vital mais qui est exceptionnelle et facilement détectable (Criticité = 8), est placée plus bas sur l’échelle des priorités qu’une défaillance fréquente, détectée de façon irrégulière et présentant peu de risques pour les patients (Criticité = 18). Ce type d’analyse ne permet pas d’effectuer de comparaison entre des milieux mais plutôt au sein d’une même organisation dans une approche pré-post. De plus, la méthode AMDEC repose sur la subjectivité des panélistes lors de la sélection des modes de défaillance et de la détermination des indices de criticité dans des séances de remue-méninges. Pour réduire ce biais, l’équipe devrait être suffisamment large et multidisciplinaire et inclure plusieurs investigateurs neutres. De plus, pour réduire la variabilité de jugement, il est recommandé que la fréquence (F), la sévérité (S) et la probabilité de détection (D) soient déterminées sur la base de critères explicites, comme ceux proposés par Willliams4. Enfin, cette méthode ne permet pas d’évaluer l’impact sur un résultat spécifique d’une combinaison de plusieurs défaillances8. Conclusion Cette étude décrit une évaluation critique des risques relatifs au stockage et à la distribution d’échantillons de Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 313 médicaments à l’aide de la méthode d’AMDEC et évalue l’impact de nouvelles mesures sur les risques établis par rapport à la situation existante. On peut réduire théoriquement de près de 25 % l’indice de criticité dans ce domaine par une intervention administrative. Abstract Objective: This is a simulation study done at the Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, a 500-bed hospital. It is based on a method of failure mode, effects, and criticality analysis, as described by Williams and collaborators. Pour toute correspondance : Jean-François Bussières CHU Sainte-Justine Département de pharmacie et unité de recherche en pratique pharmaceutique 3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 1C5 Téléphone : 514 345-4603 Télécopieur : 514 345-4820 Courriel : [email protected] Source of data: Based on a review of the scientific literature and an on-site study, an expert panel of pharmacists and physicians developed an Ishikawa diagram for the six steps of the distribution process and use of drug samples. Thirty potential failure modes were identified and related to one of the six steps of the process. Context: This study demonstrates the value of prospective risk analysis and should encourage managers and clinicians to take advantage of these techniques in the future. The simplicity of this method facilitates the analysis of reported risks and identification of actions to take. Remerciements Nous remercions Lorraine Lebel, directrice adjointe, direction de la planification et des communications, CHU Sainte-Justine, pour sa collaboration à la tenue du stage au département de pharmacie. Conclusion: This study describes a critical evaluation of the risks related to drug samples using the method of failure mode, effects and criticality analysis, and evaluates the impact of new measures on risks related to the current situation. An administrative intervention can theoretically reduce the criticality index by approximately 25%. Key words: drug samples, failure mode, effects and criticality analysis model, FMECA Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 314 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Morgan MA, Dana J, Loewenstein G, Zinberg S, Schulkin J. Interactions of doctors with the pharmaceutical industry. J Med Ethics 2006;32:559-63. Bonnabry P, Cingria L, Sadeghipour F, Ing H, Fonzo-Christe C, Pfister RE. 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Lyne Tardif Exposé de la question Les agents de contraste sont des agents pouvant être utilisés pour visualiser les structures vasculaires, la vessie ou la muqueuse gastro-intestinale par exemple, lors d’imagerie par résonance magnétique ou de tomodensitométrie. Les radiopharmaceutiques sont utilisés dans le domaine de la médecine nucléaire pour une meilleure visualisation du fonctionnement des tissus ou encore dans le but de traiter (lors de cancer ou d’hyperthyroïdie par exemple). Certaines situations cliniques nécessiteront l’utilisation d’un de ces agents durant la période d’allaitement et soulèveront des inquiétudes au regard de l’exposition du nourrisson à ces substances1-3. Il faut se rappeler que l’arrêt de l’allaitement, même pour une courte période, peut compromettre sa poursuite et qu’il n’est pas toujours facile pour la mère de tirer son lait. En pareille situation, quelles recommandations pouvons-nous émettre à la mère et à l’équipe médicale ? Mots clés : Allaitement, radiopharmaceutiques, agents de contraste Tableau I : Exemples de recommandations d’interruption d’allaitement à la suite de l’administration de certains agents de contraste Agent de contraste Durée d’interruption de l’allaitement recommandée et données publiées s’il y a lieu Barium1 Interruption non requise 1,4,5 Gadodiamide 1,4,5,,8 Gadopentetate Interruption non requise Un nouveau-né serait exposé à moins de 1 % de la dose pédiatrique (n=20, à la suite d’une dose de 0,1 à 0,2 mmol/ kg prise par la mère) Gadoteridol, Gadoversetamide1,4,5 Interruption non requise, même si certains auteurs recommandent un arrêt de 12 à 24 heures. Ioversol, Iohexol, Iothalamate, Iopromide, Ioxilan, Iodixanol, Iothalamtate1,4,7 Interruption non requise Un nouveau-né serait exposé à moins de 0,5 % de la dose maternelle ajustée au poids avec l’Iohexol (n=4, à la suite d’une dose de 37,8 à 45,3 g prise par la mère). Mangafodipir trisodium1,5 Interruption de 4 heures Réponse à la question Les agents de contraste On trouve peu de données dans la littérature médicale quant à l’excrétion des agents de contraste iodés et gadolinés dans le lait maternel. Toutefois, d’après les données disponibles pour certains agents, il semblerait que le nourrisson ne soit exposé qu’à une très faible dose de ces substances4,5. De plus, même si on en retrouve dans le lait maternel, l’absorption par le nourrisson sera négligeable (biodisponibilité orale minime). L’arrêt de l’allaitement n’est donc généralement pas requis (voir tableau I). Les radiopharmaceutiques Les radiopharmaceutiques sont des médicaments à visée diagnostique ou thérapeutique constitués d’un isotope radioactif (radio-isotope) et d’un vecteur. La dose à laquelle peut être exposé l’enfant dépend de différents facteurs, soit la dose administrée à la mère, l’absorption et la distribution du radio-isotope, ses demi-vies d’élimination, la quantité excrétée dans le lait maternel et l’absorption que peut en faire l’enfant1-4,6,7. Les données disponibles dans la littérature médicale se résument la plupart du temps à des notifications de cas, c’est pourquoi Interruption non requise nous devons tenir compte des paramètres pharmacocinétiques des différents agents dans notre interprétation. Les radiopharmaceutiques possèdent deux demi-vies d’élimination : la demi-vie d’élimination radioactive de l’isotope est prédéterminée et stable et est généralement plus longue que la demi-vie d’élimination biologique, qui dépend du vecteur lié au radio-isotope1. Lorsque la dose requise du radiopharmaceutique est élevée, l’interruption de l’allaitement pour un minimum de 5 à 10 demivies radioactives peut être considérée acceptable pour la majorité des agents1,7. Lyne Tardif, B. Pharm., M.Sc., était étudiante à la maîtrise en pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine lors de la rédaction de cet article Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 315 Tableau II : Recommandations sur l’interruption de l’allaitement à la suite de l’administration de certains radiopharmaceutiques. Radiopharmaceutiques Cr-51 EDTA1,2,6,8 Demi-vie d’élimination (t1/2) de l’élément radioactif Dose administrée à la mère au-dessus de laquelle des consignes sont requises pour l’arrêt de l’allaitement (MBq*) Exemples de durée d’interruption de l’allaitement recommandée 27,7 jours 60 Ga-67- Citrate 78,3 heures (t1/2 biologique de 9 jours) 1 - 7 MBq : une semaine - 50 MBq : 2 semaines - 150 MBq : 1 mois, certains auteurs recommandent un arrêt complet. I-123-mIBG1,6,8 13,2 heures 70 - 150 MBq : 12 heures - 370 MBq : 24 heures 1,8 I-123-OIH1,8 100 I-123-NaI 1,8 20 1 I-125- OIH 60,1 jours 8,02 jours I-131-NaI1,6,8,9 In 111- Globules blancs1,8 1,6,8 Tl-201 (chlorure d’) Tc-99m:DTPA 1,6,8 3 0,01 • Risque d’exposition de l’enfant aux radiations gamma lorsqu’il est à proximité de la mère; •¨Interruption de 46 à 52 jours, à moins de vérifier la radioactivité dans le lait entre 15 et 20 jours. • À noter que lors de thérapie avec cet agent pour une hyperthyroïdie ou un cancer, l’allaitement doit aussi être interrompu pendant 3 à 4 semaines avant l’administration. 2,80 jours 10 - 20 MBq : 1 semaine 73,2 heures 40 - 110 MBq : 1-2 semaines 6,02 heures 1000 Tc-99m DTPA Aerosol1,6,8 Tc-99m DISIDA1,6,8 Tc-99m Globules rouges (in vivo)1,8 Tc-99m Glucoheptonate1,6,8 Tc-99m HAM1,6,8 Tc-99m MIBI1,6,8 Tc-99m MDP1,6,8 Tc-99m PYP1,6,8 Tc-99m MAG31,6,8 1000 1000 1000 1000 400 1000 1000 900 1000 Tc-99m MAA1,2,6,8 Tc-99m Pertechnetate1,6,8 50 100 Tc-99m Globules rouges (in vivo)1,8 Tc-99m Sulphur Colloid1,6,8 Tc-99m Globules blancs1,8 400 300 100 316 Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008 Certaines sources recommandent une interruption de 5 heures pour une dose de 370 MBq. - 150 MBq : 12,6 heures - 440 MBq : 12 heures - 1100 MBq : 24 heures - 740 MBq : 6 à12 heures - 440 MBq : 6 à12 heures - 440 MBq : 12 heures -1100 MBq : 24 heures Les radio-isotopes iodés sont les agents les plus préoccupants en allaitement. Certains peuvent demeurer dans le corps humain pendant une très longue période et potentiellement porter préjudice à l’enfant allaité1. Ils peuvent se concentrer dans le lait maternel et altérer la fonction thyroïdienne de l’enfant. Le risque de cancer de la thyroïde chez l’enfant a été évoqué, mais sa portée demeure, pour le moment, inconnue1,7. Le Technétium 99m pertechnetate est une option qui peut remplacer ces agents, selon l’indication1. Le Technétium 99m peut aussi se concentrer dans les tissus thyroïdiens et le lait maternel, mais il possède une courte demi-vie radioactive (6,02 heures)1. Les recommandations résumées dans le Tableau II proviennent principalement de l’American College of Radiology et de la Nuclear Regulatory Commission et s’appuient sur le dosage de radioactivité dans le lait maternel ainsi que sur la limite acceptable de radioactivité à laquelle peut être exposé l’enfant. Lors de l’allaitement, ces organismes considèrent qu’une exposition à 1 millisievert (mSv) ou moins est acceptable pour le nourrisson. La dose de radiopharmaceutique administrée est exprimée en becquerels ou en curies. L’effet de la radioactivité sur les organismes n’est pas directement lié au becquerel pour diverses raisons. C’est le sievert qui permet d’estimer la mesure de la radioactivité sur l’organisme. Pour chacun des radiopharmaceutiques présentés au tableau II, la dose administrée à la mère à partir de laquelle on estime que le nourrisson pourrait être exposé à plus de 1 mSv et à partir de laquelle on devrait recommander une interruption temporaire de l’allaitement est indiquée. Des exemples de recommandations dans un tel cas sont présentés à la quatrième colonne. Lorsque la quatrième colonne est vide, cela signifie que la dose maximale généralement administrée à la mère est inférieure aux doses de la troisième colonne et ainsi, une interruption de l’allaitement n’est pas requise. Le médecin responsable de l’examen devrait être consulté, car il pourrait modifier à la hausse ou à la baisse les recommandations selon la situation propre à la patiente. Conclusion La nécessité de réaliser un examen requérant la prise d’un radiopharmaceutique doit être soumis à la discussion afin d’éviter de compromettre l’allaitement. Si l’examen ne peut être reporté et que l’allaitement doit être interrompu pour quelque temps, la mère peut tirer son lait quelques jours avant l’examen et le conserver au réfrigérateur ou au congélateur1,8. En cas de doute sur la durée d’interruption minimale requise, le dosage de la radioactivité dans le lait maternel, un service offert dans certains centres hospitaliers, demeure l’approche la plus précise pour déterminer le risque. Pour toute correspondance : Lyne Tardif CHU Sainte-Justine 175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 1C5 Téléphone : 514 345-4603 Télécopieur : 514 345-4820 Courriel : [email protected] Références 1. Hale TW. Medications and mother’s milk. 12e éd. Amarillo, TX : Pharmasoft Publishing;2006. 1075 p. 2. Ahlgren L, Ivarsson S, Johansson L, Mattsson S, Nosslin B. Excretion of radionuclides in human breast milk after the administration of radiopharmaceuticals. J Nucl Med 1985;26:1085-90. 3. Stabin MG, Breitz HB. Breast milk excretion of radiopharmaceuticals: mechanisms, findings, and radiation dosimetry. J Nucl Med 2000;41:863-73. 4. The American College of Radiology Committee on Drugs and Contrast Media. Administration of contrast medium to breastfeeding mothers. ACR Bulletin 2001;57:12-4 5. Anderson PO, Sauberan J. Lactmed. http://toxnet.nlm.nih.gov/cgi-bin/sis/ htmlgen?LACT (Site visité le 12 mai 2008) 6. Mountford PJ, O’Doherty MJ. 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