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Section du dépôt légal
ÉDITORIAL
Pharmacien hospitalier : prévention du risque et évaluation de nos pratiques
dans le tourbillon du quotidien
Julie Méthot
L’accueil des nouveaux étudiants suscite en moi certaines réflexions. Premièrement, ils sont tellement jeunes…
Non, en fait, ce sont plutôt les pharmaciens de ma génération et nos prédécesseurs, maintenant devenus des
pharmaciens, disons d’expérience, qui leur servent de
modèles de pratique. Deuxièmement, j’ai un vilain plaisir à me remémorer des faits marquants de mes stages
de formation. Je me souviens du tour classique que nous
jouions à la nouvelle recrue en l’envoyant donner un
conseil sur la warfarine au huitième étage alors que l’hôpital n’en comptait que sept ! Je me rappelle également
que le pharmacien qui me supervisait, il y a plus de dix
ans maintenant, était physiquement plus près de la pharmacie de l’hôpital que des patients. Comme la pratique a
changé, et pour le mieux dirons-nous ! Les pharmaciens
sont plus près des patients et accomplissent maintenant
des actes spécifiques dans l’application de soins pharmaceutiques au quotidien. Ils mettent leurs compétences au
service des patients, notamment par l’application de la
Loi 90, qui, autorise le pharmacien, entre autres, à ajuster
la thérapie d’un patient en tenant compte des paramètres cliniques de celui-ci1. Toutefois, dans le tourbillon
des journées bien remplies, prenons-nous le temps et les
moyens de réévaluer notre travail et notre pratique ? Des
modifications à notre façon de faire sont-elles souhaitables ? Les nombreux protocoles régissant l’administration des médicaments sont-ils adéquatement appliqués ?
Nous questionner sur les risques liés à notre façon de
faire et à nos protocoles doit faire partie de nos objectifs départementaux et s’inscrire dans une préoccupation
tout à fait au goût du jour, celle de l’assurance qualité.
Deux articles publiés dans le présent numéro du Pharmactuel abordent ce thème. D’abord, celui intitulé « Analyse proactive du risque associé à la distribution et à l’utilisation des échantillons de médicaments » décrit une
étude par simulation basée sur un modèle d’analyse des
modes de défaillance, de leurs effets et de leur criticité.
L’évaluation des stocks locaux d’échantillons de médicaments et une revue de la littérature médicale portant sur
ce thème ont servi d’incitatifs à Mme Soucy et collaborateurs pour la révision des pratiques de la gestion des
échantillons à l’Hôpital Sainte-Justine. Plusieurs d’entre
nous peuvent témoigner de la présence d’effets indésirables importants observés chez des patients hospitalisés à la suite de la prise d’échantillons sans surveillance
pharmaceutique ou médicale. Nous souhaitons que cette
publication démontre la valeur d’une telle analyse et
puisse encourager les pharmaciens cliniciens et les gestionnaires à faire davantage appel à ces techniques dans
le futur.
266 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Ensuite, l’article issu du projet de résidence de Julie
Pellerin, évaluant le nomogramme d’utilisation de l’héparine intraveineuse, permet de dresser un portrait de
l’utilisation de ce médicament et d’évaluer les paramètres liés à l’anticoagulation. Soixante-neuf pour cent des
patients atteignaient un premier temps de céphaline activée thérapeutique en moins de vingt-quatre heures. Les
résultats démontrent notamment que l’héparine permet
d’atteindre une anticoagulation adéquate dans des délais
acceptables. Toutefois, six heures après le début de la
perfusion, vingt-deux pour cent des patients n’avaient
encore aucune valeur de leur temps de céphaline activée inscrite à leur dossier médical, bien que cette inscription soit prévue dans le protocole. La création d’un
protocole est une chose, mais son application en est une
autre. Dans leur secteur respectif, les pharmaciens sont
appelés à créer des outils de travail impliquant souvent
d’autres professionnels, mais combien d’entre eux évaluent l’application des protocoles ?
Le pharmacien d’établissement fait face à des défis
pharmacologiques à la fois stimulants et vastes, qui nécessitent une expertise dans des domaines bien précis.
Les articles publiés dans le présent numéro du Pharmactuel en font foi. Nous y trouvons « Le traitement des
infections au staphylococcus aureus résistant à la méthicilline », « L’administration de chimiothérapie intrathécale en pédiatrie », « L’application pratique de la numérisation des ordonnances en pharmacie hospitalière »
et « L’utilisation d’un rince-bouche à base de morphine
pour le traitement des mucosites liées à la chimiothérapie ». À ceux-ci s’ajoutent un article présentant une
critique d’une étude portant sur le traitement du gain de
poids associé aux antipsychotiques par la modification
des habitudes de vie et la prise de metformine ainsi qu’un
autre répondant à la question : « Est-ce que l’utilisation
de radiopharmaceutiques ou d’agents de contraste nécessite la suspension de l’allaitement ? ». Les divers thèmes
abordés par ces articles témoignent de l’importance de
l’engagement du pharmacien d’établissement. Par sa présence dans l’ensemble du circuit du médicament, il est
un acteur capital dans la prévention des risques ainsi que
dans l’évaluation de l’acte et des pratiques pharmaceuti-
Julie Méthot, M.Sc., Ph.D., est pharmacienne à l’Hôpital
Laval et rédactrice en chef du Pharmactuel
ques. Comment intégrer de façon optimale et au quotidien les ressources pharmaceutiques dans la gestion du
risque et l’évaluation de nos pratiques ?
nique d’anticoagulation. Telle est la réalité d’une journée
de travail d’un pharmacien en 2008.
La sonnerie de mon téléavertisseur me rappelle que je
dois retourner à la supervision de mon stagiaire pour son
conseil de départ à prodiguer à un patient avant d’aller
donner un coup de main à mon collègue débordé à la cli-
Références
1.
Projet de Loi no 90. Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé. http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2002C33F.
PDF (site visité le 6 octobre 2008).
FORMATION CONTINUE
13, 22 et 29 janvier 2009 — Soirées de formation et de développement « SOINS PALLIATIFS »
• Lieu : 13 janvier, Montréal — 22 janvier, Québec — 29 janvier, Sherbrooke
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S.
19 et 20 février 2009 — Journées d’éducation permanente « INFECTIOLOGIE »
• Lieu : Hôtel Doubletree, Montréal
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
21 février 2009 — Mise à jour – la 26e conférence annuelle du Service régional d’information pharmacothérapeutique de l’Outaouais
• Lieu : Hampton Inn Ottawa et Centre de conférences, Ottawa, Ontario
• Renseignements : www.asksam.com/ovrdis tél. : 613 737-8347
17, 19 et 24 mars 2009 — Soirées de formation et de développement « NORMES USP »
• Lieu : 17 mars, Montréal — 19 mars, Sherbrooke — 24 mars, Québec
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S.
20 mars 2009 - 24e journée annuelle de pharmacothérapie du Centre d’information pharmaceutique de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
• Lieu : Hôtel Delta Centre-Ville, Montréal
• Renseignements : Louise Pepin, téléphone : 514 338-2213
3 avril 2009 — Journée d’éducation permanente « RETOUR AUX SOURCES »
• Lieu : Québec
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
3, 4 et 5 mai 2009 — Congrès annuel de l’A.P.E.S. « Rendez-vous 2009. Un élan d’inspiration »
• Lieu : Manoir des Sables, Orford • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
9, 11 et 16 juin 2009 — Soirées de formation et développement « PSYCHIATRIE »
• Lieu : 9 juin, Montréal — 11 juin, Sherbrooke — 16 juin, Québec
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S.
24 et 25 septembre 2009 — Journées d’éducation permanente « CARDIOLOGIE »
• Lieu : Québec • Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
6, 8 et 13 octobre 2009 — Soirées de formation et développement « MALADIES CARDIOVASCULAIRES »
• Lieu : 6 octobre, Montréal — 8 octobre, Sherbrooke — 13 octobre, Québec
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
NOTE : ces soirées de formation sont réservées aux membres actifs et aux membres résidents de l’A.P.E.S.
20 novembre 2009 — Journée d’éducation permanente « GÉRIATRIE »
• Lieu : Montréal
• Renseignements : A.P.E.S., tél. : 514 286-0776 ou www.apesquebec.org
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Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
ÉVALUATION CRITIQUE DE LA DOCUMENTATION SCIENTIFIQUE
Traitement du gain de poids associé aux antipsychotiques au moyen de la metformine
et d’une intervention sur les habitudes de vie
Mirella Faubert
Titre de l’article : Lifestyle intervention and
metformin for treatment of antipsychotic-induced
weight gain : a randomized controlled trial. JAMA
2008:299:185-93.
Auteurs : Wu RR, Zhao JP, Jin H, Shao P, Fang MS,
Guo XF, et collaborateurs.
Commanditaires : National Key Technologies R +
D program, Ministry of Science and Technology of the
People of Republic of China
Cadre de l’étude : L’étude s’est déroulée dans une
clinique externe du Mental Health Institute of the Second Xiangya Hospital de la Chine durant la période
d’octobre à décembre 2006.
Objectif de l’étude : Évaluer l’efficacité d’une intervention basée sur la metformine et la modification
des habitudes de vie, seules ou en association, pour
réduire le gain de poids ainsi que les variations de la
sensibilité à l’insuline induits par les antipsychotiques
chez les patients atteints de schizophrénie.
Devis : Essai clinique à répartition aléatoire, contrôlé
par placebo et mené en double-aveugle.
Patients : Au total, 128 patients âgés entre 18 et
45 ans ont participé à l’étude. Pour être inclus, les
patients devaient présenter un premier épisode de
schizophrénie diagnostiqué selon les critères du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders –
Fourth Edition (DSM-IV). Dans la première année de
traitement avec un des antipsychotiques ciblés, soit
la clozapine, l’olanzapine, la rispéridone ou le sulpiride, les patients devaient présenter un gain de poids
de plus de 10 %. Ils devaient avoir obtenu leur congé
de l’hôpital ou avoir été suivis en clinique externe
dans les 12 mois précédant leur inclusion dans l’étude
afin que leur poids et leur traitement antipsychotique
soient clairement décrits. Ils devaient montrer une
amélioration stable de leurs symptômes, soit un score
égal ou inférieur à 60 points sur l’échelle Positive and
Negative Symptom Scale (PANSS) et prendre un seul
antipsychotique à une dose n’ayant pas été modifiée
de plus de 25 % dans les trois mois précédant leur inclusion dans l’étude. Les auteurs ont utilisé un gain
de poids de plus de 10 % comme critère de sélection,
puisqu’un gain de poids de cette ampleur est souvent
considéré comme excessif.
Les patients étaient placés sous la supervision d’un
parent ou d’un soignant qui surveillaient et décrivaient
l’apport alimentaire, les activités physiques et la prise
quotidienne du médicament en vue de déterminer le
degré d’observance au traitement.
Les facteurs d’exclusion étaient les suivants : les
patients ayant des antécédents d’abus de substances,
souffrant d’une maladie psychiatrique autre que la
schizophrénie, d’une dysfonction rénale ou hépatique, d’une maladie cardiovasculaire, de diabète, d’une
condition limitant leur capacité à l’exercice, comme
l’arthrite, une maladie pulmonaire ou neurologique, ou
présentant des restrictions alimentaires. Les femmes
enceintes ou allaitant en étaient aussi exclues. L’étude
a été approuvée par le comité d’éthique du centre hospitalier Second Xiangya.
Interventions : L’étude a duré 12 semaines. Les patients ont été répartis aléatoirement dans quatre groupes de 32 personnes, chacun utilisant une matrice factorielle 2 x 2 : un groupe recevait la metformine seule
(750 mg par jour), un groupe recevait un placebo seul,
un groupe recevait la metformine (750 mg par jour) en
association avec une intervention sur les habitudes de
vie et un groupe recevait un placebo en association
avec une intervention sur les habitudes de vie. On a
augmenté graduellement la dose quotidienne de metformine sur une période de 9 jours. Durant les quatre
premiers jours, les patients recevaient une seule dose
de 250 mg de metformine ou un placebo au souper. La
dose a ensuite été augmentée par l’addition de 250 mg
au déjeuner pendant 4 jours. Puis une dose de 250 mg
a été servie à chaque repas, soit trois fois par jour.
L’intervention relative à la modification des habitudes de vie comprenait des programmes de psychoéducation, de nutrition et d’exercices. Le programme
de psychoéducation consistait en quatre séances d’information sur le rôle de l’alimentation et de l’activité
physique dans le contrôle du poids. Sur le plan nutri-
Mirella Faubert, B.Pharm., M.Sc., était candidate à la
maîtrise en pharmacie d’hôpital à l’Université Laval, Centre
hospitalier affilié, Hôpital Enfant-Jésus au moment de
soumettre son article. Elle est actuellement pharmacienne au
Centre hospitalier Robert-Giffard affilié à l’Université Laval
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
271
tionnel, les patients se voyaient prescrire la diète recommandée par l’American Heart Association (AHA).
Cette diète implique que moins de 30 % des calories
quotidiennes proviennent des lipides, 55 % des calories quotidiennes proviennent des glucides et plus de
15 % proviennent des protéines. Elle recommande un
apport en fibres d’au moins 15 g par 1 000 kcal. Quant
à l’activité physique, les patients devaient faire quotidiennement au moins 30 minutes d’exercices d’intensité légère à modérée.
Points évalués : Les données primaires mesurées
étaient le poids, l’indice de masse corporelle (IMC), le
tour de taille, la glycémie à jeun, l’insulinémie à jeun
et l’indice de résistance à l’insuline (IRI). Les données
secondaires étaient le score PANSS et les effets indésirables.
Statistiques utilisées : Des analyses statistiques
ont été effectuées séparément pour les patients ayant
suivi le traitement jusqu’au bout et selon l’intention de
traiter. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé le logiciel Statistical Package for Social Sciences (SPSS),
version 11,5. Pour comparer les groupes, ils ont utilisé des analyses de variance (ANOVA) pour mesurer
les variables continues et des tests de CHI-carré pour
évaluer les variables catégorielles. Une valeur de p
inférieure à 0,05 était considérée significative. Une
puissance de 85 % a été atteinte pour détecter une différence significative entre les groupes pour un effet
de 0,30.
Principaux résultats : Au début de l’étude, tous
les groupes étaient comparables quant aux caractéristiques démographiques et cliniques. Le taux d’abandon a été faible (7,8 %) et semblable entre les groupes.
Entre 86 et 100 % des patients traités dans le groupe
metformine et modification des habitudes de vie ont
pris 80 % ou plus de leur médicament. Entre 68 et 84 %
des patients ont consommé moins de 30 % de leurs
calories totales sous forme de lipides, et entre 50 et
57 % ont obtenu des valeurs de VO2max démontrant leur
adhésion au programme d’exercices physiques. Entre
88 et 100 % des patients du groupe metformine et du
groupe placebo ont pris 80 % ou plus de leur médicament. Entre 61 et 74 % des patients du groupe placebo
et modification des habitudes de vie ont consommé
moins de 30 % de leurs calories totales sous forme de
lipides et entre 55 et 60 % ont adhéré au programme
d’exercices physiques. Il n’y a pas eu de différence
entre les groupes sur le plan de l’observance du traitement médicamenteux et des modifications des habitudes de vie. La mesure de l’observance du traitement
médicamenteux et de la diète est basée sur les données rapportées par les patients.
272 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Le poids, l’IMC et le tour de taille ont été significativement réduits dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul. La perte de
poids moyenne a été de 4,7 kg dans le groupe metformine associée aux modifications des habitudes
de vie, de 3,2 kg dans le groupe metformine seule, de
1,4 kg dans le groupe modification des habitudes de vie
seule, alors que dans le groupe placebo, les patients
ont gagné en moyenne 3,1 kg. Quant à l’IMC, le groupe
metformine associé aux modifications des habitudes
de vie a montré une diminution de 1,8, le groupe metformine seule, une diminution de 1,2, le groupe modifications des habitudes de vie seule, une diminution
de 0,5 et le groupe placebo, une augmentation de 1,2.
Le tour de taille a diminué en moyenne de 2,0 cm dans
le groupe metformine associée aux modifications des
habitudes de vie, de 1,3 cm dans le groupe metformine
seule, mais a augmenté de 0,1 cm dans le groupe modification des habitudes de vie seule et de 2,2 cm dans
le groupe placebo. Les différences entre chaque groupe étaient significatives tant sur le plan de la perte de
poids que de la diminution de l’IMC et du tour de taille.
Les patients recevant la metformine seule ont montré
la diminution la plus marquée de la glycémie à jeun
de 0,6 mmol/l. Les patients recevant l’intervention de
modification des habitudes de vie en association ou
non avec la metformine ont montré une diminution
identique de la glycémie à jeun, soit 0,4 mmol/l. Les
diminutions de la glycémie à jeun étaient statistiquement significatives dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul, qui a montré
une augmentation de 0,1 mmol/l de la glycémie à jeun.
L’insulinémie et l’IRI ont été significativement réduits
dans tous les groupes comparativement au groupe recevant le placebo seul.
Le score PANSS n’a pas varié significativement au
cours de l’étude pour aucun des groupes. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée
entre les groupes sur le plan des effets indésirables.
Conclusion des auteurs : L’intervention sur les habitudes de vie et la prise de metformine, seules ou en
association, sont efficaces pour diminuer le poids lié
à la prise d’antipsychotiques. La metformine associée
à l’intervention sur les habitudes de vie a conduit à
la perte de poids la plus marquée. L’administration de
metformine seule a été plus efficace que l’intervention
sur les habitudes de vie seule pour augmenter la sensibilité à l’insuline et renverser le gain de poids. L’administration de metformine est sans danger et bien
tolérée par les patients souffrant de schizophrénie.
Tableau I : Résultats de l’étude Lifestyle intervention and metformin for treatment of antipsychotic-induced
weight gain: a randomized controlled trial
Variable MHV + Met Met
(N=32)
(N=32)
MHV
(N=32)
Placebo ANOVA
(N=32)
MHV
+ Met
Changement absolu (IC 95 %)
Poids
-4,7
-3,2
-1,4
3,1
< 0,001
(kg) (-5,7 à -3,4) (-3,9 à -2,5) (-2,0 à -0,7) (2,4 à 3,8)
IMC
-1,8
-1,2
-0,5
1,2
< 0,001
(kg/m2) (-2,3 à -1,3) (-1,5 à -0,9) (-0,8 à -0,3) (0,9 à 1,5)
Tour
-2,0
-1,3
0,1
2,2
< 0,001
de taille (-2,4 à -1,5) (-1,5 à -1,1) (-0,5 à 0,7) (1,7 à 2,8)
Glycémie -0,4
-0,6
-0,4
0,1
< 0,001
à jeûn (-0,6 à -0,3) (-0,9 à -0,4) (-0,5 à -0,2) (0,1 à 0,2)
(mmol/L)
Insulinémie 13,9
-12,7
-2,7
2,1
< 0,001
à jeûn (-17,1 à -10,8)(-15,3 à -10,2)-(-4,3 à -1,1)(1,0 à 3,2)
(µUI/mL)
IRI
-3,6
-3,5
-1,0
0,4
< 0,001
(-4,4 à -2,7) (-4,4 à -2,7) (-1,5 à -0,5) (0,1 à 0,7)
MHV +
Met vs
MHV +
Met vs
vs Met
Met vs
Met vs MHV vs
MHV
Placebo Placebo
MHV
Placebo
Valeur de p
< 0,001
0,004
< 0,001
< 0,001
0,02
0,01
0,01
< 0,001
< 0,001
0,006
< 0,001
< 0,001
0,03
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
0,08
0,48
0,006
0,04
< 0,001
0,04
0,80
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
0,98
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
< 0,001
ANOVA : analyse de covariance; IMC : indice de masse corporelle; IRI : index de sensibilité à l’insuline (insulinémie à jeûn (103 µUI/l)
X glycémie à jeûn (mg/dl)/404,45 (insulinémie à jeûn (103 µUI/l) X glycémie à jeûn [mmol/l /22,5); Met : metformine;
MHV : intervention sur la modification des habitudes de vie.
Grille d’évaluation critique
Les résultats sont-ils valables ?
Les patients ont-ils été assignés de façon aléatoire
par groupes de traitement ?
OUI. Les patients ont été répartis aléatoirement entre les quatre groupes à l’étude.
Les conclusions de l’étude tiennent-elles compte de
tous les patients ayant participé à l’étude ? Le suivi
des patients a-t-il été poursuivi jusqu’au bout ?
NON. Mais le taux de patients ayant poursuivi l’étude jusqu’au bout était élevé, soit
92,2 % et semblable entre les groupes. Au total, cinq patients ont dû abandonner pour
cause d’hospitalisation, trois ont été perdus de vue et deux ont été exclus après avoir
reçu un diagnostic de diabète de novo.
Les patients ont-ils été évalués dans le groupe
auquel ils étaient répartis de façon aléatoire (intention de traiter) ?
OUI. Les analyses statistiques ont été effectuées selon l’intention de traiter. Des analyses complémentaires ont été réalisées pour comparer les groupes. N’ont été inclus
dans les résultats que les patients ayant participé à l’étude jusqu’au bout. Les résultats
de ces analyses ont été très semblables à ceux des analyses selon l’intention de traiter,
mais n’ont pas été présentés par les auteurs.
Les traitements ont-ils été faits à l’insu des patients,
des médecins et du personnel concernés ?
OUI. Pour le traitement médicamenteux, la répartition aléatoire a été effectuée de
façon indépendante par un pharmacien chercheur.
NON. En ce qui concerne l’intervention sur les habitudes de vie.
Les groupes étaient-ils similaires au début de l’étude ?
OUI. Aucune des caractéristiques démographiques ou cliniques n’était significativement différente entre les groupes.
Les groupes ont-ils été traités également à l’extérieur du cadre de la recherche ?
OUI. Pour les patients des quatre groupes, la dose d’antipsychotique ne pouvait être
modifiée pendant l’étude. Les seuls médicaments permis étaient le trihexyphénidyle
pour traiter les symptômes extrapyramidaux et le lorazépam pour traiter l’insomnie
ou l’agitation. Par contre, l’utilisation de ces traitements concomitants n’a pas été rapportée.
Quels sont les résultats ?
Le groupe recevant le placebo a montré une augmentation de poids de 4,8 % à la fin des
12 semaines qu’a duré l’étude (p < 0,05). L’association de la metformine avec l’intervention sur les habitudes de vie a permis une diminution du poids de 12,1 % (p < 0,001), la
metformine seule, de 9,7 % (p < 0,001) et l’intervention sur les habitudes de vie seule,
de 7 % (p < 0,001) par rapport au placebo. Les diminutions relatives de l’IMC sont du
même ordre. À la fin des 12 semaines qu’a duré l’étude, le groupe placebo démontrait
une augmentation significative du tour de taille de 2,2 cm (p < 0,05). L’intervention
sur les habitudes de vie associée à la prise de metformine a, au contraire, permis de
diminuer le tour de taille de 2 cm (p < 0,001 par rapport au placebo) et la prise de
Quelle est l’ampleur de l’effet du traitement ?
274 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
metformine seule, de 1,3 cm (p < 0,001 par rapport au placebo). L’intervention sur les
habitudes de vie seule a quant à elle empêché l’augmentation du tour de taille, mais
n’a pas été associée à une diminution de celui-ci (p < 0,001 par rapport au placebo).
La glycémie à jeun est demeurée stable pendant les 12 semaines qu’a duré l’étude chez
les patients du groupe placebo. Dans tous les autres groupes traités, la glycémie à jeun
a diminué significativement par rapport à la valeur de base d’environ 0,5 mmol/ (p <
0,05 pour tous les groupes).
Quelle est la précision de l’effet évalué ?
Un intervalle de confiance de 95 % a été fixé.
Les résultats vont-ils m’être utiles dans le cadre des mes soins pharmaceutiques ?
Est-ce que les résultats peuvent être appliqués à
mes patients ?
OUI. Les résultats peuvent être appliqués à une population de jeunes patients présentant un premier épisode de schizophrénie et un gain de poids associé à la prise d’antipsychotiques atypiques, soit la clozapine, la rispéridone, l’olanzapine et le sulpiride.
Les femmes et les hommes étaient également représentés.
Est-ce que tous les résultats ou impacts cliniques
ont été pris en considération ?
OUI. Les effets de la metformine et de l’intervention sur les habitudes de vie ont été
mesurés tant en monothérapie qu’en association. Les variables mesurées étaient associées à des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, soit le poids, l’IMC,
le tour de taille, la glycémie à jeun, l’insulinémie et l’IRI. L’effet des traitements sur
la symptomatologie de la schizophrénie et les effets indésirables des traitements ont
aussi été mesurés.
Est-ce que les bienfaits obtenus sont cliniquement
significatifs ?
OUI. L’association des modifications des habitudes de vie avec la prise de metformine
permet de renverser le gain de poids associé aux antipsychotiques de façon plus efficace que chacun de ces traitements pris séparément. La metformine s’est révélée plus
efficace que la modification des habitudes de vie seule et que le placebo pour renverser le gain de poids lié aux antipsychotiques, ce qui en fait une option de traitement
intéressante pour les patients inobservants des modifications des habitudes de vie.
Discussion
Le gain de poids causé par les antipsychotiques est un
problème majeur chez les patients atteints de schizophrénie. Les antipsychotiques atypiques semblent avoir
une influence sur différentes composantes de la régulation du poids corporel. Ils stimuleraient l’appétit par leur
effet antagoniste sur les récepteurs histaminergiques H1
et adrénergiques alpha-11. Par un mécanisme encore inconnu, ils favoriseraient également l’accumulation des
graisses, et certaines données préliminaires laissent entendre qu’ils réduiraient la dépense énergétique1. En plus
de compromettre l’observance au traitement, le gain de
poids est associé à une augmentation de la morbidité et
de la mortalité cardiovasculaires dans cette population
déjà exposée à un risque élevé2,3. Actuellement, les options possibles pour renverser le gain de poids lié aux
antipsychotiques atypiques sont la modification des habitudes de vie ou la modification du traitement antipsychotique lorsque cette solution est envisageable2,4-7. Aucun
médicament n’est officiellement indiqué pour le traitement du gain de poids causé par les antipsychotiques,
et les données provenant d’essais cliniques de qualité
appuyant l’efficacité de certains médicaments, dont la
metformine, sont rares. La majorité des études mesurant
l’efficacité de la metformine pour diminuer le poids n’ont
pas été menées dans une population atteinte de maladie
psychiatrique ni traitée avec un antipsychotique. Ces études ont montré une diminution du poids d’environ 2 kg
et une diminution de l’incidence du diabète sur une période d’un an à trois ans6,8. Deux études menées auprès
d’enfants et d’adolescents présentant un gain de poids lié
à la prise d’olanzapine, de risperidone ou de quetiapine,
ont montré que la metformine stabilisait ou diminuait le
poids de 0,13 à 2,93 kg9,10.
Une réduction de 5 % du poids de base est suffisante
pour diminuer le risque de développer un diabète, de
l’hypertension artérielle et une dyslipidémie, qui sont
des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire11.
Dans la présente étude, l’association d’une intervention
sur la modification des habitudes de vie avec la prise de
metformine pendant 12 semaines a été associée à une
réduction de 7,3 % du poids de base, et la prise de metformine seule, à une réduction de 4,9 % du poids de base.
Ces deux traitements ont donc un effet cliniquement
significatif. L’intervention sur les habitudes de vie appliquée seule pendant 12 semaines a permis une réduction
de 2,2 % du poids de base. Il est possible qu’à plus long
terme, la réduction du poids entraînée par cette intervention devienne plus importante.
Selon les auteurs de l’étude, le premier choix de traitement pour les patients atteints de schizophrénie et présentant un gain de poids lié aux antipsychotiques serait
l’association d’une intervention sur la modification des
habitudes de vie avec la prise de metformine. Chez les
patients inobservants des modifications des habitudes de
vie ou présentant des contre-indications à leur application, la metformine seule serait la meilleure option.
Toutefois, cette étude a été menée auprès d’un petit
nombre de patients seulement (n = 128) et présente des
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
275
limites empêchant la généralisation des résultats à toute la population atteinte de schizophrénie. Les patients
inclus étaient jeunes (âge moyen : 26 ans), avaient un
poids normal (poids moyen : 64,6 kg; IMC moyen : 24,5)
et recevaient un seul antipsychotique à des doses relativement faibles. Il s’agissait d’une population chinoise
différente de la population nord-américaine, qui est
d’emblée plus corpulente. Les patients présentant des
comorbidités psychiatriques ou des antécédents d’abus
de substances ont été exclus, ce qui représente une proportion importante des patients atteints de schizophrénie. Les patients étaient placés sous la supervision d’un
autre adulte pendant toute la durée de l’étude, ce qui a pu
augmenter l’observance aux traitements, notamment en
ce qui concerne l’application des modifications des habitudes de vie, qui étaient assez contraignantes. Il est aussi
important de souligner le fait que tous les antipsychotiques atypiques ne présentent pas la même susceptibilité
à induire un gain de poids. Parmi les antipsychotiques
utilisés dans l’étude de Wu et coll., la clozapine et l’olanzapine induisent fréquemment un gain de poids qui ne
dépendrait pas de la dose. La clozapine induit un gain
de poids de l’ordre de 4,45 à 10,9 kg et l’olanzapine, de
4,15 kg1. La risperidone occasionne un risque modéré de
gain de poids, probablement dépendant de la dose, et de
l’ordre de 2,1 à 6,6 kg alors que le sulpiride, un antipsychotique atypique qui n’est pas commercialisé au Canada
actuellement, aurait plutôt un effet neutre sur le poids1.
On peut se questionner sur la pertinence d’avoir inclus
ce dernier antipsychotique dans l’étude et sur l’impact
qu’il a pu avoir sur les résultats, puisque 21 % des patients
inclus étaient traités avec ce médicament.
Cette étude présente par ailleurs des résultats encourageants concernant l’efficacité d’une intervention sur
les habitudes de vie et de la metformine, seules ou en
association, pour réduire le gain de poids et la résistance
à l’insuline liés à la prise d’antipsychotiques chez les patients atteints de schizophrénie. La prise de metformine
n’a pas été associée à une incidence accrue d’effets indésirables et paraît être sans danger pour cette population. Plusieurs questions restent toutefois en suspens. La
réduction de poids entraînée par la metformine est-elle
276 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
dépendante de la dose ? Combien de temps doit-on poursuivre l’administration de la metformine ? Est-ce que
l’effet se maintient après l’arrêt du traitement ? À long
terme, quelle intervention est la plus bénéfique en termes
de réduction du risque de morbidité et de mortalité cardiovasculaires ? D’autres études seront nécessaires afin
de définir clairement la place des interventions étudiées
dans le traitement du gain de poids causé par les antipsychotiques atypiques.
Pour toute correspondance :
Mireille Faubert
Département de pharmacie
Centre hospitalier Robert Giffard
2601, chemin de la Canardière
Beauport (Québec) G1J 2G3
Téléphone : 418 663-4850
Télécopieur : 418 663-9774
Courriel : [email protected]
Références
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Batista T, ElFkih Y, Uzcategui E, Sandia I, Talamo E et coll. Pharmacological management of atypical antipsychotic-induced weight gain. CNS Drugs
2008;22:477-95.
2. Kurzthaler I, Fleischhacker WW. The clinical implications of weight gain in
schizophrenia. J Clin Psychiatry 2001;62(suppl 7):32-7.
3. Fontaine KR, Heo M, Harrigan EP, Shear CL, Lakshminarayanan M, Casey DE
et coll. Estimating the consequences of anti-psychotic induced weight gain
on health and mortality rate. Psychiatry Res 2001;101:277-88.
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Psychiatry 2003;15:49-58.
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8. Fontbonne A, Charles MA, Juhan-Vague I, Bard JM, André P, Isnard F et coll.
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10. Klein DJ, Cottingham EM, Sorter M, Barton BA, Morrison JA. A randomized,
double-blind, placebo-controlled trial of metformin treatment of weight gain
associated with initiation of atypical antipsychotic therapy in children and
adolescents. Am J Psychiatry 2006;163:2072-9.
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344:1343-50.
RECHERCHE
Évaluation du nomogramme d’ajustement de l’héparine
non fractionnée intraveineuse de l’Hôpital Laval
Julie Pellerin, Isabelle Taillon, Pierre-Maxime Bélanger, Julie Méthot
Résumé
Objectifs : L’héparine non fractionnée intraveineuse
fait partie de l’arsenal thérapeutique de l’Hôpital Laval,
un centre tertiaire en cardiologie et en pneumologie.
Les objectifs visaient à décrire les caractéristiques
liées à l’utilisation du nomogramme d’héparine intraveineuse et à évaluer les paramètres liés à l’anticoagulation, notamment le laps de temps pour atteindre le
premier temps de céphaline activée thérapeutique.
Méthodologie : Cette étude rétrospective, effectuée
en 2004, inclut les patients ayant reçu de l’héparine
intraveineuse selon le nomogramme d’ajustement pendant un minimum de 48 heures. L’outil de collecte de
données a fait l’objet d’un test préalable, et les données
ont été colligées à partir des dossiers médicaux des sujets admissibles sur une période d’un an.
Résultats : Des 352 dossiers médicaux consultés,
85 sujets ont été inclus dans l’étude. Soixante-neuf
pour-cent (69 %) des patients atteignaient un premier
temps de céphaline activée thérapeutique en moins
de 24 heures. Toutefois, 22 % des dossiers de patients
n’avaient obtenu aucune mesure du temps de céphaline activée 6 heures après le début de la perfusion, tel
que le prévoit le nomogramme. Le débit moyen de perfusion au premier temps de céphaline activée thérapeutique était de 992 ± 253 (unités/heure). Vingt-trois
(23) des 34 patients ayant présenté des saignements
ont subi un pontage aorto-coronarien avant leur sortie
de l’hôpital, un facteur confondant important.
Conclusion : De façon générale, le nomogramme
d’ajustement de l’héparine intraveineuse permet d’accéder à une anticoagulation adéquate dans des délais
acceptables. Une prise de conscience de l’importance
d’assurer un suivi adéquat des patients sous nomogramme d’héparine intraveineuse et une mise en lumière de la nécessité d’effectuer la mesure du temps
de céphaline activée figurent parmi les conclusions de
cette étude.
Mots-clés : Héparine non fractionnée, nomogramme, temps de céphaline activée
Introduction
L’anticoagulation est une modalité de traitement importante de plusieurs pathologies impliquant des phé-
nomènes thrombotiques. Depuis plusieurs années déjà,
des patients souffrant de thromboses veineuses profondes, d’embolies pulmonaires, de syndromes coronariens
aigus et d’autres pathologies diverses sont placés sous
l’effet d’anticoagulants appelés à réduire les conséquences néfastes liées à la formation d’un thrombus1,2. L’héparine non fractionnée, administrée par voie intraveineuse
(nommée héparine intraveineuse dans l’article afin d’alléger le texte), et les héparines de faible poids moléculaire, administrées par voie sous-cutanée, sont les molécules actuellement les plus utilisées pour parvenir à cette
anticoagulation, et cela, malgré l’arrivée de nouvelles
molécules1,2. L’héparine intraveineuse est un mélange de
glycosaminoglycans imposants et hétérogènes exerçant
son action anticoagulante principalement par sa liaison
à l’antithrombine III. Le complexe ainsi formé inactive
les facteurs IIa (aussi appelés thrombine), Xa, IXa, XIa
et XIIa, qui sont des éléments majeurs de la cascade de
coagulation1,2. Le monitorage de l’héparine intraveineuse
se fait en général par l’analyse du temps de céphaline
activée (TCA), un paramètre variant selon les effets inhibiteurs de l’héparine intraveineuse sur les facteurs IIa
(principalement), Xa et IXa1. Bien qu’imparfait dans sa
corrélation avec l’action de l’héparine intraveineuse, le
TCA demeure le paramètre de monitorage le plus utilisé
étant donné le faible coût et la grande disponibilité de
son analyse en laboratoire3. Par ailleurs, la plus grande
partie de l’héparine intraveineuse est métabolisée au ni-
Julie Pellerin, M.Sc., B.C.P.S., était résidente à l’Hôpital
Laval au moment de la réalisation du projet de recherche
dans le cadre de son programme de maîtrise en pharmacie
d’hôpital. Elle est actuellement pharmacienne clinicienne au
département de pharmacie de l’University of Alberta Hospital à Edmonton en Alberta
Isabelle Taillon, M.Sc., est pharmacienne clinicienne à
l’Hôpital Laval et professeure de clinique à la faculté de
pharmacie de l’Université Laval
Pierre-Maxime Bélanger, B.Pharm., Ph.D., était professeur
à la faculté de pharmacie de l’Université Laval au moment
de la réalisation du projet
Julie Méthot, B.Pharm., Ph.D., est pharmacienne à l’Hôpital Laval, professeure de clinique à la Faculté de pharmacie
de l’Université Laval et effectue actuellement un stage postdoctoral au Centre de médecine génique communautaire de
l’Université de Montréal affilié au CSSS de Chicoutimi
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
277
veau hépatique, mais une petite partie de l’héparine ainsi
que ses principaux métabolites sont éliminés sous forme
inchangée dans l’urine4.
Au cours des années, la grande variabilité entre les régimes d’héparine intraveineuse prescrits empiriquement
par les médecins et les risques encourus à la suite d’une
anticoagulation insuffisante ou trop importante ont amené la création de plusieurs nomogrammes d’administration de l’héparine intraveineuse. Certains de ces nomogrammes impliquent un dosage fixe alors que d’autres
proposent un dosage ajusté selon le poids réel du patient. L’efficacité de l’héparine intraveineuse est mesurée
par la mesure du TCA. L’écart thérapeutique du TCA est
établi afin de correspondre à un TCA entre 1,5 et 2,5 fois
la valeur normale sans anticoagulothérapie1,2. Une valeur
d’activité anti-Xa de 0,3 à 0,7 unités/ml correspond à cet
intervalle, ce qui permet de déterminer qu’à l’Hôpital
Laval, l’écart thérapeutique du TCA se situe entre 50 et
80 secondes1,2. On doit viser cet écart thérapeutique afin
de diminuer les risques de thromboses associés à un TCA
sous-thérapeutique, ou le risque de saignements associé
à un TCA sur-thérapeutique. Comme la demi-vie de l’héparine intraveineuse est d’environ 1,5 heures, on mesure
habituellement le premier TCA six heures après le début
du traitement à l’héparine intraveineuse afin d’obtenir
une mesure lorsque l’état d’équilibre de l’héparine intraveineuse est atteint4. Par la suite, d’autres mesures du
TCA sont faites empiriquement par le médecin ou selon
des critères précisés dans un nomogramme.
À l’Hôpital Laval, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse, décrit à la figure 1, est le fruit d’une
consultation de quatre experts du domaine (cardiologue, interniste, pneumologue, hématologue). Cependant,
bien qu’il soit largement utilisé, ce nomogramme n’avait
jamais été évalué depuis son implantation avant la réalisation du présent projet. Cette recherche a permis de
dresser un portrait lié à l’utilisation de ce nomogramme
et s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres études ayant
aussi évalué les paramètres de l’anticoagulation liés à
l’héparine intraveineuse5-16.
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les
paramètres cliniques et d’anticoagulation liés à l’utilisation du nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval sur une période d’un an. Les
objectifs spécifiques étaient les suivants :
- Décrire les caractéristiques cliniques des patients ayant
utilisé le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse et inclus dans l’étude.
- Estimer le temps moyen d’atteinte d’un premier TCA
thérapeutique.
- Estimer la durée de traitement à l’héparine intraveineuse pendant laquelle le TCA est thérapeutique.
278 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
- Déterminer le nombre d’ajustements moyens nécessaire avant l’atteinte un premier TCA thérapeutique.
- Déterminer le débit moyen de perfusion d’héparine intraveineuse lors de l’atteinte du premier TCA thérapeutique.
- Déterminer la fréquence des complications (saignements majeurs/mineurs et événements thromboemboliques) survenant en cours de traitement à l’héparine
intraveineuse.
Les objectifs complémentaires visaient la divulgation
des résultats et la formulation de recommandations.
Méthodologie
Cette étude descriptive longitudinale a été réalisée
de façon rétrospective en 2004 à partir de dossiers médicaux. La liste de ces dossiers a été établie selon les
données du logiciel de la pharmacie de l’Hôpital Laval et
incluait tous les patients ayant reçu de l’héparine intraveineuse pendant au moins 48 heures au cours de l’année
précédant la collecte de données. Une autorisation de la
Direction des services professionnels de l’Hôpital Laval
a été obtenue préalablement afin de permettre la consultation des dossiers médicaux. Le formulaire de collecte
de données a été créé spécifiquement pour l’étude et a
fait l’objet d’un test préalable sur les dix premiers sujets
inclus dans l’étude. Ce prétest a amené certaines modifications au formulaire. Les données recueillies concernaient des paramètres démographiques ou cliniques, des
caractéristiques du traitement à l’héparine intraveineuse,
des paramètres d’évaluation de l’anticoagulation et des
paramètres d’évaluation des complications liées à l’anticoagulation.
La population étudiée était composée d’hommes et de
femmes ayant entamé une héparinothérapie intraveineuse à l’Hôpital Laval selon le nomogramme d’ajustement
de l’héparine intraveineuse de ce même hôpital. Les patients étaient exclus s’ils avaient reçu un thrombolytique
durant l’héparinothérapie ou dans la semaine précédente, s’ils avaient reçu de l’héparine intraveineuse ou une
héparine de faible poids moléculaire dans les 48 heures
précédant l’utilisation du nomogramme, s’ils avaient
reçu de l’héparine selon tout autre nomogramme que celui évalué dans cette étude ou s’ils avaient été admis à
l’Hôpital Laval dans un contexte de saignement important (ex. hémorragie digestive haute).
Pour cette étude, on a utilisé la classification des saignements établie lors de l’étude TIMI IIIB27. Les saignements majeurs seront donc définis comme étant tout
saignement intracrânien, péricardique avec tamponnade
ou ayant causé une chute d’au moins 50 g/l de l’hémoglobine. Les saignements mineurs seront définis comme
étant tout signe d’hématurie, d’hémoptysie ou d’hématémèse, ou toute chute de 30 à 50 g/l de l’hémoglobine.
Figure I : Nomogramme de l’héparine non fractionnée intraveineuse de l’Hôpital Laval
PROTOCOLE HÉPARINE INTRAVEINEUSE
Ce protocole s’applique à l’ensemble des patients devant recevoir de l’héparine SAUF ceux ayant une procédure d’hémodynamie et ceux recevant de la thrombolyse.
L’objectif thérapeutique est un temps de céphaline (TCA) situé
entre 50 et 80 secondes.
Donner un BOLUS initial d’héparine de 5 000 unités IV sauf
dans les cas d’accident vasculaire cérébral ou d’ischémie cérébrale transitoire, où il est préférable de ne pas administrer ce
bolus. Lorsque le médecin ne désire l’administration d’aucun
bolus durant tout le traitement à l’héparine, il doit le spécifier
sur l’ordonnance.
N’administrer AUCUN BOLUS si l’héparine a été interrompue
depuis moins de 4 heures. Reprendre alors l’héparine au même
débit qu’auparavant.
Commencer une PERFUSION d’héparine 20 000 unités dans
500 ml D5 % (40 unités/ml)
• 25 ml/h si patient pèse moins de 80 kg (1 000 unités/heure).
• 32 ml/h si patient pèse 80-100 kg (1 280 unités/heure).
• 35 ml/h si patient pèse plus de 100 kg (1 400 unités/heure).
• Recommencer au débit antérieur si l’héparine a été
interrompue depuis moins de 48 h et si le TCA était
entre 50 et 80 secondes avec ce débit.
Obtenir un TCA 6 heures après le début de la perfusion
puis selon le nomogramme. TCA STAT dans les cas de saignement. N.B. Pour être valide, le prélèvement doit être fait dans
un tube (avec un bouchon bleu) rempli au trois quarts.
Formule sanguine complète le jour du début de l’administration de l’héparine, 3 jours plus tard et 1 fois par semaine par la
suite si le traitement se poursuit.
NOMOGRAMME POUR LA PERFUSION D’HÉPARINE
Bolus
Arrêt de la
Ajustement de la perfusion
(unités)
perfusion
(ml/h)
(minutes)
Simple
Double
concentration
concentration
(40 unités/ml)
(80 unités/ml)
< 30
5 000
0
+2
+1
30 – 39,9
2 500
0
+2
+1
40-40,9
0
0
+2
+1
50-80
0
0
0
0
80,1-89,9
0
0
-2
-1
90-109,9
0
30
-2
-1
110-129,9
0
60
-3
-2
130-149,9
0
60
-4
-2
>150
0
60
-6
-3
* Si le TCA est fait entre 3 h et 6 h du matin, le refaire 6 h plus tard
Si saignement, AVISER LE MÉDECIN immédiatement
Si TCA > 150 DEUX FOIS DE SUITE, AVISER LE MÉDECIN
Si TCA < 50 TROIS FOIS DE SUITE, AVISER LE MÉDECIN
TCA
Toutes les unités de sang transfusées au patient seront
comptabilisées et compteront chacune pour une chute
de 10 g/l de l’hémoglobine. L’événement thromboembolique correspond à tout événement d’origine thromboembolique survenu à la suite de l’instauration du traitement
à l’héparine intraveineuse. Il comprend notamment la
thrombose veineuse profonde, l’embolie pulmonaire et
l’accident vasculaire cérébral.
Description statistique
Toutes les données quantitatives continues (âge, poids,
etc.) ont été colligées de manière à pouvoir être présentées sous forme de moyenne ± écart-type. Les données
qualitatives, comme le sexe, sont quant à elles décrites
sous forme de proportion. Les analyses ont été réalisées
avec le logiciel SAS version 8.0. Une première analyse
TCA suivant
(après l’ajustment
de débit)
6h
6h
6h
lendemain matin*
lendemain matin*
6h
6h
6h
6h
consistait à décrire les caractéristiques liées à l’anticoagulation. Une seconde analyse stratifiait la population
afin de pouvoir comparer les résultats obtenus par différents sous-groupes, par exemple les différentes classes
de poids. Ces analyses ont été réalisées à titre exploratoire, compte tenu de la faible taille de l’échantillon et de
la puissance limitée qui en découle. La signification statistique a été établie avec le test exact de Fisher, le test
du chi carré et l’ajustement pour comparaisons multiples
de Tukey-Kramer. Une valeur p ≤ 0,05 a été considérée
comme significative.
Résultats
Au cours de cette étude, 352 dossiers médicaux ont
été consultés, mais seulement 85 sujets correspondaient
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
279
aux critères d’inclusion. Les principales caractéristiques
cliniques des patients inclus dans l’étude ainsi que les
caractéristiques liées au traitement à l’héparine intraveineuse sont résumées au tableau I. Soixante et un pourcent (61 %) des sujets étaient des hommes, et les deux
principales indications pour l’utilisation de l’héparine
intraveineuse étaient le syndrome coronarien aigu et la
fibrillation ou flutter auriculaire. Afin d’atteindre un TCA
thérapeutique, en moyenne 18 heures et 1,5 ajustement
ont été nécessaires. Les patients avaient un TCA thérapeutique durant plus des deux tiers du temps pendant lequel ils ont reçu l’héparine intraveineuse. Bien que l’inscription de la mesure du TCA ait été prévue au protocole,
dix-neuf dossiers de patients (22 %) ne comportaient pas
cette mesure six heures après le début de l’héparinothérapie intraveineuse. Par ailleurs, pour l’ensemble des patients, le TCA réalisé était thérapeutique chez 22 % des
patients, sous-thérapeutique chez 13 % et sur-thérapeutique chez 43 % d’entre eux. Le débit moyen de perfusion
au premier TCA thérapeutique était de 992 unités par
heure et correspondait à un débit de 13 unités/kg/heure.
De plus, une corrélation du débit moyen de perfusion
au moment du premier TCA thérapeutique avec le poids
réel a pu être identifiée (Figure 2). Les patients de poids
plus faible avaient un débit moyen de perfusion inférieur
en comparaison avec les sous-groupes de patients ayant
un poids plus élevé. Plusieurs comparaisons atteignent
le seuil de signification statistique, comme le présente la
figure 2. À titre d’exemple, le débit moyen de perfusion
était d’environ 800 unités/heure et de 1 300 unités/heure
respectivement pour les patients de 50 kg ou moins et
ceux de plus de 100 kg (p = 0,0003). Ces résultats sont exploratoires compte tenu que chaque sous-groupe compte
un nombre limité de patients.
Tableau I : Caractéristiques des sujets et du traitement à l’héparine intraveineuse
Caractéristiques des sujets
Nombre de sujets inclus
Sexe masculin1
Âge moyen (années)2
Poids réel moyen (kg)2
Poids idéal moyen (kg)2
Indice de masse corporel (kg/m2)2
Clairance à la créatinine inférieure à 30 ml/min1
Insuffisance cardiaque1
Indications de l’héparine intraveineuse
Syndrome coronarien aigu1
Fibrillation auriculaire / flutter auriculaire1
Indications multiples1
Fibrillation / flutter auriculaire + remplacement de valve aortique / mitrale (n = 4)
Fibrillation / flutter auriculaire + syndrome coronarien aigu (n = 4)
Syndrome coronarien aigu + remplacement de valve aortique / mitrale (n = 2)
Thrombose veineuse profonde / embolie pulomnaire1
Accident vasculaire cérébral / ischémie cérébrale transitoire1
Remplacement de valve aortique / mitrale1
Néoplasie ou autre indication1
Caractéristiques du traitement à l’héparine intraveineuse
Bolus initial de 5 000 unités reçu1
Temps moyen d’atteinte du premier TCA thérapeutique (heures)2
Proportion de patients atteignant un premier TCA thérapeutique en moins de 24 heures1
Durée moyenne du traitement à l’héparine intraveineuse (heures)2
Poucentage moyen de temps de traitement à l’héparine intraveineuse avec un TCA thérapeutique (%)2
Nombre moyen d’ajustements de débit de perfusion avant le premier TCA thérapeutique2
Débit moyen de perfusion au premier TCA thérapeutique (unités/heure)2
Débit moyen de perfusion au premier TCA thérapeutique par kg de poids réel (unités/kg/heure)2
COMPLICATIONS LIÉES AU TRAITEMENT À L’HÉPARINE INTRAVEINEUSE
Tous saignements confondus1
o Sujets ayant subi un pontage aorto-coronarien (10/34 soit 29 % des sujets avec saignement)
o Saignements catégorisés comme étant mineurs (23/34 soit 67 % des sujets avec saignement)
Événements thromboemboliques1
1- n(%); 2- moyenne ± écart-type; TCA : temps de céphaline activée
280 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
85
52 (61 %)
67 ± 12
75 ± 17
61 ± 11
27 ± 6
15 (18 %)
2 (2 %)
37 (44 %)
25 (29 %)
10 (12 %)
7 (8 %)
3 (4 %)
1 (1 %)
2 (2 %)
65 (77 %)
18 ± 12
59 (69 %)
126 ± 83
65 ± 23
1,5 ± 1,3
992 ± 253
13 ± 3
34 (40 %)
Figure 2. Débit de la perfusion de l’héparine intraveineuse au premier TCA thérapeutique en fonction du
poids réel
1400
1200
1000
Débit de perfusion
au premier TCA
thérapeutique (u/h)
800
*
**
*
**
*
*
**
600
400
200
0
≤50
>50 et ≤60 >60 et ≤70 >70 et ≤80 >80 et ≤90 >90 et ≤100
>100
*; p ≤ 0,009 en comparaison du groupe de patients ayant un poids > 100 kg
** : p ≤ 0,001 en comparaison du groupe de patients ayant un poids > 90 kg et ≤ 100 kg
Légende : u/h : unités/heure; kg : kilogrammes
Complications liées à l’héparine intraveineuse
Au total, 34 patients (40 %) ont présenté un saignement
entre le début de leur traitement à l’héparine intraveineuse et leur sortie de l’hôpital. Toutefois, pour 23 de ces patients (67 %), les saignements présentés étaient catégorisés comme mineurs. Ceux ayant présenté un saignement
mineur/majeur avaient un poids réel de 71 kg ± 15 alors
que ceux n’ayant pas présenté de saignements avaient un
poids de 78 kg ± 17, tendance non statistiquement significative. Seuls deux patients (2 %) ont présenté un événement thromboembolique pendant leur hospitalisation
après le début du traitement à l’héparine intraveineuse
(Tableau I). Bien que leur TCA au moment de l’événement
thromboembolique n’ait pas été disponible, aucun de ces
deux patients n’avait un TCA sous-thérapeutique 6 heures
après le début de l’administration de l’héparine intraveineuse. Ils avaient un poids moyen d’environ 70 kg.
Discussion
Les résultats obtenus laissent entendre que le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de
l’Hôpital Laval permet d’accéder à une anticoagulation
adéquate dans des délais acceptables. En effet, 69 % des
patients atteignent un premier TCA thérapeutique en
moins de 24 heures lorsqu’ils sont traités avec le nomogramme étudié. Le débit de perfusion au premier TCA
thérapeutique est une variable importante dans l’évaluation d’un nomogramme, car il facilite la comparaison
avec les nomogrammes cités dans la littérature médicale.
Les différents nomogrammes décrits dans la littérature
scientifique comportent, comme le nôtre, une stratification selon le poids. Certains stratifient également selon
l’âge, car cette variable peut influencer le débit de perfusion nécessaire pour obtenir un premier TCA thérapeutique6,17-19. Il faut mentionner qu’il existe de nombreux
nomogrammes d’ajustement de l’héparine intraveineuse
qui ont été étudié à ce jour et qu’aucune étude n’a été
faite sur un nomogramme en tout point semblable à celui étudié ici.5-16 Cette situation rend plus complexes les
comparaisons des résultats des différentes études avec
ceux présentés dans ce projet de recherche.
Les résultats liés à l’efficacité du nomogramme sont
comparables à ceux des autres nomogrammes étudiés basés sur le poids réel du patient. En effet, le laps de temps
pour atteindre un premier TCA thérapeutique est de 18 ±
12 heures dans notre étude. Le laps de temps pour atteindre le premier TCA thérapeutique dans ces études se situe
entre 13 et 26 heures ; seulement trois études atteignent
un premier TCA thérapeutique plus rapidement que le nomogramme évalué dans ce projet de recherche6,8,10,20-24. En
outre, pour ce qui est du pourcentage de patients ayant
obtenu un premier TCA thérapeutique dans les 6 heures
et dans les 24 heures après le début de l’administration de
l’héparinothérapie, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval occupe une position
centrale lorsqu’on le compare aux autres nomogrammes.
En fait, trois nomogrammes sur cinq et trois nomogrammes sur sept, selon la littérature médicale, obtiennent un
pourcentage d’atteinte du TCA inférieur au nomogramme
de l’Hôpital Laval, soit à 6 heures et à 24 heures, respectivement. Ces pourcentages se situent entre 5 et 33 % à
6 heures et entre 50 et 79 % à 24 heures12,13,15,16,25,26. Quant
aux ajustements de perfusion nécessaires avant l’atteinte
du premier TCA thérapeutique, le nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
281
atteint un nombre légèrement plus élevé d’ajustements
nécessaires comparé à l’étude de Brown et collaborateurs,
la seule autre étude ayant mesuré ce paramètre dans la littérature scientifique (1,5 ajustement vs 1 ajustement, respectivement)23. Cependant, il faut mentionner que, dans
l’étude de Brown et collaborateurs, ce paramètre semble
avoir été arrondi à l’unité près, ce qui peut fausser la comparaison en faveur de leur étude.
Lorsque sont comparés les débits moyens de perfusion au moment du premier TCA thérapeutique, le débit
moyen obtenu avec le nomogramme de l’Hôpital Laval
semble un peu plus bas que celui obtenu dans l’étude de
Gunnarsson et collaborateurs (992 ± 253 unités/heure vs
1056 ± 280 unités/heure)5. Cependant, lorsque sont comparés les débits moyens de perfusion par kilogramme de
poids réel au moment du premier TCA thérapeutique dans
les deux mêmes études, des débits identiques sont obtenus (13 ± 3 unités/kg/heure vs 13 ± 3 unités/kg/heure)5.
Quant aux complications liées à l’administration d’héparine intraveineuse, deux catégories sont prédominantes, soit les saignements, liés à une anticoagulation trop
importante, et les événements thromboemboliques, liés à
une anticoagulation insuffisante. Au cours de notre étude, un total de 34 patients (40 %) ont présenté un saignement. Il faut cependant tenir compte du biais de confusion majeur apporté par le grand nombre de ces patients
ayant subi un pontage aorto-coronarien après le début de
la perfusion d’héparine intraveineuse, puisque 63 % des
saignements majeurs sont survenus dans un contexte de
pontage aorto-coronarien. Si on exclut les patients ayant
subi un pontage aorto-coronarien du total des patients
ayant présenté un saignement majeur, on obtient une prévalence de saignements majeurs de 7 % et une prévalence
de saignement, tous saignements confondus, de 28 %.
Lorsque ces données sont comparées aux autres études
retrouvées dans la littérature médicale, la variation des
définitions données aux concepts de saignements mineurs et majeurs limite de beaucoup les comparaisons.
Cependant, il est possible de comparer la prévalence de
saignement en général pour l’ensemble des patients dans
les différentes études. Dans la littérature scientifique, la
prévalence de saignements se situe entre moins de 2 %
et 11 %, alors que, dans notre étude, elle se situe à 40 %
tous saignements confondus et à 28 % si on exclut tous
les patients ayant subi un ou plusieurs pontages aortocoronariens en cours d’hospitalisation6,8,13,23,27. Un autre
facteur confondant quant à l’imputation des saignements
au traitement à l’héparine intraveineuse est la nécessité,
pour certains patients, de subir une intervention coronarienne percutanée. Ce type d’intervention implique un
risque accru de saignement, entre autres attribuable à la
procédure elle-même et à la médication anticoagulante
qui s’y rattache (clopidogrel, acide acétylsalicylique).
Bien que le nombre de sujets ayant subi une intervention coronarienne percutanée ne soit pas rapporté dans
l’étude, il n’est certainement pas négligeable, compte
tenu que le syndrome coronarien aigu était l’indication
la plus fréquente d’anticoagulation avec l’héparine intraveineuse. Il est bien connu que, parmi les traitements du
syndrome coronarien aigu, dont fait partie l’infarctus du
myocarde, se trouve l’intervention coronarienne percu-
282 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
tanée. D’autre part, les patients ayant saigné avaient tendance à avoir un poids inférieur comparativement à ceux
n’ayant pas saigné. Une taille d’échantillon plus grande
pourrait nous permettre de vérifier si la survenue de saignements peut s’expliquer en partie par le fait que tous
les patients pesant moins de 80 kg recevaient le même
débit initial de perfusion, soit 1 000 unités/heure, contrairement à d’autres études, où le débit initial est ajusté plus
finement en fonction du poids du patient.
Pour ce qui est de la survenue d’événements thromboemboliques à la suite du début de la thérapie à l’héparine intraveineuse, le nomogramme d’ajustement de
l’Hôpital Laval est comparable aux autres nomogrammes
étudiés (2 % vs 0 à 5 %)6,10,13,27. Un TCA sous-thérapeutique
durant le traitement à l’héparine intraveineuse ne semble
pas être une explication plausible de l’apparition d’un
événement thromboembolique chez ces deux patients.
En effet, ces derniers avaient un TCA thérapeutique
6 heures et 24 heures après le début de l’administration
de l’héparine intraveineuse. Chez ces deux patients, le
TCA est demeuré thérapeutique pendant 75 à 80 % du
temps que le traitement à l’héparine intraveineuse était
en cours. De plus, ils n’avaient pas un poids très élevé,
ce qui aurait pu être un facteur contribuant à un l’obtention d’un TCA sous-thérapeutique expliquant la survenue
d’un événement thromboembolique.
À la suite des résultats de cette étude, certaines recommandations ont été proposées. Premièrement, on pourrait envisager de créer des sous-classes de poids dans la
catégorie des patients pesant moins de 80 kilogrammes.
Comme il a été mentionné plus haut, ces patients disposent actuellement d’un seul débit de perfusion initial, ce
qui peut expliquer une partie des saignements rapportés
dans cette étude. Toutefois, cette proposition devrait
faire l’objet d’une analyse plus approfondie sur un plus
grand nombre de sujets de manière à tenir compte de
la présence de variables confondantes, comme l’intervention coronarienne percutanée. Deuxièmement, le
nomogramme d’ajustement de l’héparine intraveineuse
de l’Hôpital Laval demande un suivi rigoureux afin que
l’on puisse optimiser l’atteinte rapide et le maintien d’un
TCA thérapeutique. Cependant, le TCA de 22 % des patients n’avait pas été mesuré 6 heures après le début de
la thérapie à l’héparine intraveineuse, tel que le prévoit le
nomogramme. Cette faiblesse démontre la nécessité d’en
informer le personnel infirmier afin de lui faire prendre
conscience de l’importance de suivre rigoureusement les
indications du nomogramme dans le but d’optimiser la
thérapie du patient.
Notre étude présente des limites pouvant altérer la validité interne et restreindre la validité externe de ses résultats. Tout d’abord, puisque l’étude se base sur une analyse
rétrospective des dossiers médicaux, la collecte de données a été limitée par le contenu des dossiers médicaux,
et il se peut que certaines informations pertinentes aient
manqué à ce niveau. Ensuite, puisque le nomogramme
d’ajustement de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval est unique, il est difficile de généraliser les résultats de
l’étude à une population autre que les patients recevant de
l’héparine intraveineuse dans ce même hôpital.
En conclusion, l’efficacité du nomogramme de l’héparine intraveineuse de l’Hôpital Laval est comparable aux
autres nomogrammes étudiés dans la littérature médicale. En effet, il permet d’atteindre une anticoagulation
adéquate dans des délais acceptables. La survenue de
saignements après le début de l’administration de l’héparinothérapie semble plus élevée que ce que l’on retrouve
dans la littérature, mais les pontages aorto-coronariens
objectivés et les interventions coronariennes percutanées avancés comme facteurs confondants semblent
expliquer en partie cet écart avec les résultat publiés
dans la littérature médicale. Une prise de conscience de
l’importance d’assurer un suivi adéquat et de respecter
le nomogramme (c.-à-d. d’effectuer la mesure du TCA
aux moments opportuns) d’héparine intraveineuse s’en
est suivi afin de favoriser un traitement à la fois efficace
et sécuritaire. La démarche s’applique aussi à l’administration d’héparines de bas poids moléculaires, qui sont
largement utilisées actuellement, dont le suivi des antiXa
est assuré par le pharmacien tant à l’étage que par le service de distribution.
Remerciements
Merci à M. Serge Simard, biostatisticien à l’Hôpital Laval, pour son soutien dans l’analyse statistique des données. Julie Méthot reçoit une bourse de recherche des
Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour
son stage postdoctoral.
Pour toute correspondance :
Isabelle Taillon
Département de pharmacie
Hôpital Laval
2725, chemin Sainte-Foy
Québec (Québec) G1V 4G5
Téléphone : 418 656-4590
Télécopieur : 418 656-4656
Courriel : [email protected]
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Abstract
Objective: Unfractionated intravenous heparin is part of the
therapeutic arsenal of the Hôpital Laval, a tertiary care cardiology and respirology centre. The objectives were to describe
certain characteristics related to the use of the intravenous heparin protocol, specifically the delay to achieve a therapeutic
activated partial thromboplastin time.
Methods: This retrospective study was done in 2004 and
included patients who had received intravenous heparin according to the dosage adjustment protocol for a minimum
of 48 hours. Using a data collection tool that had been previously tested, data were collected using the medical records of eligible patients for a period of one year.
Results: Of the 352 medical records consulted, 85 patients were selected for inclusion in the study. Sixty-nine
percent of patients achieved a first therapeutic aPTT in less
than 24 hours. However, 22% of patient medical charts did
not show an aPTT measurement 6 hours after the start of
the infusion, as was specified in the protocol. The average
infusion rate at the first therapeutic aPTT was 992 ± 253
(units/hour). Of the 34 patients that had bleeding, 23 had a
coronary artery bypass graft prior to being discharged, an
important confounding factor.
Conclusion: The protocol for the adjustment of intravenous heparin generally allows for anticoagulation within
an acceptable delay. The importance of adequately monitoring patients on the intravenous heparin protocol and
the necessity of aPTT measurement are among the conclusions of this study.
Key words: unfractionated heparin, protocol, activated
partial thromboplastin time
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
283
PHARMACOTHÉRAPIE
Mise à jour du traitement des infections à Staphylococcus aureus
résistant à la méthicilline
Cindy Tremblay
Introduction
Résumé
Objectif : Discuter des choix de traitements antibiotiques dans les infections à SARM, dont celles
contractées en milieu communautaire.
Source des données et sélection des études :
Nous avons effectué une revue de la littérature scientifique en consultant PubMed. Nous avons également
entrepris l’examen des études cliniques, des revues
systématiques et des méta-analyses portant sur les
traitements antibiotiques des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contractées
en milieu hospitalier (SARM-N) et en milieu communautaire (SARM-C).
Analyse des données : Depuis une dizaine d’années, le type Staphylococcus aureus résistant à la
méthicilline est devenu l’une des causes d’infections
graves les plus communes. De nouvelles souches font
maintenant émergence, comme le type Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contracté en milieu communautaire. Les antibiotiques standards sont
toujours utilisés pour le traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline, contractées en milieu communautaire, mais d’anciennes molécules, comme la clindamycine, les tétracyclines et le
triméthoprime-sulfaméthoxazole peuvent également
être utilisées dans le traitement de ces infections. De
plus, pour le traitement des infections à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline en général, de
nouvelles avenues thérapeutiques font maintenant leur
apparition, comme la tigécycline et la daptomycine.
Conclusion : Les choix de traitement des infections
à Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
s’élargit, mais aucun des nouveaux traitements n’offre
encore assez d’avantages pour surpasser les molécules, telle la vancomycine. L’identification adéquate des
souches selon le milieu de propagation de l’infection
et selon la présence de résistance est importante pour
l’application d’un traitement adéquat de l’infection.
Mots clés : Staphylococcus aureus résistant à la
méthicilline (SARM), Staphylococcus aureus résistant
à la méthicilline contracté en milieu communautaire,
vancomycine, tigécycline, daptomycine, linézolide,
clindamycine, triméthoprime-sulfaméthoxazole, tétracycline, quinupristin-dalfopristin.
284 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Staphylococcus aureus (SA) est une bactérie à Gram
positif pouvant causer plusieurs types d’infections. Les
premières souches de Staphylococcus aureus résistant à
la méthicilline (SARM) ont été décrites pour la première
fois en 19611. Au Canada, les premiers cas de SARM ont
été répertoriés en 19812. Ayant développé une multirésistance avec le temps, le type SARM est devenu problématique dans les années 903.
La fréquence des infections à SARM est en croissance.
Le taux total d’infections à SARM observées aux ÉtatsUnis a augmenté entre 1998 et 2005 de 53 %4. Une récente
étude utilisant les données d’un programme de surveillance a estimé qu’en 2005, aux États-Unis, il y aurait
eu 94 360 cas d’infection invasive à SARM, qui auraient
provoqué 18 650 décès intrahospitaliers5. Le SARM est
également en augmentation constante dans les hôpitaux
canadiens. Il est associé à un plus grand taux de mortalité et à une augmentation de la durée et des coûts d’hospitalisation. Une étude a démontré qu’entre 1995 et 2004,
le taux de SARM dans les hôpitaux canadiens était passé
de 0,46 à 5,9 cas pour 1000 hospitalisations6. Selon une
autre étude effectuée dans 48 centres canadiens en 2006,
11 700 des 29 000 patients hospitalisés porteurs de SARM
présentaient une infection. Cette même étude rapporte
que cette bactérie aurait été la cause du décès d’environ
2 300 Canadiens, entraînant des coûts de santé de 200 à
250 millions de dollars7.
Apparition de nouvelles souches SARM
Le SARM est généralement contracté en milieu hospitalier (SARM-N). Toutefois, depuis quelques années, ce
défi médical que représente le SARM-N laisse place à un
nouveau défi, le SARM acquis en milieu communautaire
(SARM-C). Le premier cas de SARM-C a été décrit au
Michigan en 19828. Depuis, la fréquence des infections à
SARM-C est en augmentation constante9. Ces infections
représentent actuellement de 8 à 20 % de toutes les infections à SARM10.
Cindy Tremblay, B.Sc., M.Sc., est pharmacienne à l’Hôpital
Laval, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec
Nous avons répertorié au moins huit définitions pour
différencier les deux souches de SARM. La principale
d’entre elles, concernant les infections au SARM-N, caractérise les patients ayant reçu un diagnostic plus de
72 heures après leur admission dans un hôpital8. Contrairement au SARM-N, le SARM-C se propage dans la population, particulièrement chez les personnes pratiquant un
sport de contact, les détenus, les militaires, les enfants
en garderie, les autochtones, les hommes ayant des relations homosexuelles et les utilisateurs de drogues injectables8. Afin de différencier officiellement ces deux
entités, le Centre pour le contrôle et la prévention des
maladies (CDC) a élaboré des critères de différenciation8.
Le SARM est considéré comme étant contracté en communauté lorsqu’il répond à tous les critères suivants :
• Diagnostic d’une infection à SARM chez un patient en
soins ambulatoires OU culture positive pour le SARM
dans les premières 48 heures de l’admission du patient
dans un centre hospitalier ;
• Absence d’antécédents d’infection ou de colonisation
au SARM ;
• Absence de chacune de ces particularités dans l’année
précédant l’infection :
o Hospitalisation ;
o Admission dans un établissement de longue durée ;
o Dialyse ;
o Chirurgie ;
• Absence de cathéters permanents ou d’autres appareils médicaux traversant la peau.
Résistance aux antibiotiques
La caractéristique fondamentale distinguant le SARM
du type Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline (SASM) est la production des Penicillin-Binding
Proteins modifiées, les PBP2a. Cette protéine est encodée par le gène mecA. Elle agit comme transpeptidase,
reliant les peptidoglycanes essentielles à la structure
membranaire de la cellule bactérienne. Les PBP2a sont
différentes des PBP ordinaires par leur très faible affinité
pour les antibiotiques possédant un anneau bêta-lactame. Le gène mecA est localisé sur la cassette chromosomale staphylococcique (CCS), un élément génétique
mobile. Cette cassette contient les gènes responsables
de la régulation de l’expression du mecA. Jusqu’à maintenant, cinq types majeurs de mecCCS ont été identifiés
(I-V). Les types I, II et III sont ceux retrouvés le plus fréquemment dans les isolats du SARM-N8. Ils confèrent une
résistance à d’autres antibiotiques en plus des bêta-lactames. Les types IV et V sont plus petits, caractérisent
plutôt les SARM-C et ne confèrent pas de résistance à
d’autres antibiotiques que les bêta-lactames8. En effet, le
SARM-N a développé avec le temps d’autres mécanismes
de résistance, ce qui lui confère une résistance à d’autres
antibiotiques, tels les macrolides, les aminoglycosides,
les quinolones, les tétracyclines, les lincosamides et les
streptogramines de type B. Ces souches sont toutefois
généralement sensibles au triméthoprime-sulfaméthoxazole (TMP-SMX), bien qu’un nombre croissant de colonies y soient résistantes3.
Jusqu’au début des années 2000, le SARM-C était
moins inquiétant, puisqu’il n’était résistant qu’aux bêtalactames. Toutefois, depuis 2004, certaines souches virulentes de SARM-C ont émergé. Les souches USA400 et
USA300 ont, entre autres, été la cause de plusieurs infections invasives graves8. La souche USA300 semble différente du SARM-C identifié au départ, puisqu’on observe
maintenant une multirésistance. Cette souche porte fréquemment le gène codant pour la leucocidine de PantonValentine (gène pvl), une toxine qui rend la souche plus
pathogène et qui peut entraîner de la nécrose tissulaire8.
Actuellement, ces deux souches sont peu observées au
Canada, bien que la fréquence des infections causées par
celles-ci semble être en augmentation. L’apparition de ces
nouvelles souches commence maintenant à se répandre
dans les milieux hospitaliers et rend la distinction entre
le SARM-N et le SARM-C plus difficile.
Options de traitements
Jusqu’à maintenant, plusieurs options thérapeutiques
ont été étudiées pour traiter les infections au SARM-N.
Toutefois, peu de données sont disponibles pour le traitement des infections au SARM-C. Puisque cette souche
répondrait à un plus grand nombre d’antibiotiques que
le SARM-N, davantage d’options thérapeutiques seraient
disponibles. Cependant, la plupart des traitements potentiels n’ont pas été étudiés cliniquement. De plus, l’ap-
Tableau I : Caractéristiques du SARM-C et du SARM-N
Propriétés
SARM-C
Durée de la culture après l’admission
24-72 h
Résistance aux antibiotiques
Résistance sélective aux bêta-lactames
Caractéristiques moléculaires
Clone
USA300 ou USA400
Type de CCSmec
IV (V occasionnellement)
Présence de la toxine PVL
Oui (> 80 %)
CCSmec : Cassette chromosomique staphylococcique; PVL : Leucocidine de Panto-Valentine;
SARM-C : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine communautaire;
SARM-N : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine nosocomiale
SARM-N
> 72 h
Multirésistance
USA100, USA500, USA800
I, II ou III
Rare
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
285
Mécanisme
d’action
Doses
habituelles
Indications
IPTM à SARM :
Traitement empirique
et traitement
IPTM à SARM :
Traitement
empirique**** et
traitement
300-450 mg PO q 6 h
IPTM aiguës : 600-900 mg
IV q 6-8 h
Se lie à l’unité 30S 100 mg PO/IV q 12 h
ribosomale
et inhibe la
synthèse protéique
bactérienne
15 mg/kg IV q 12 h
IPTM aiguë à SARM
Pneumonies à SARM
Bactériémies à SARM
IPTM à SARM :
Traitement
empirique**** et
traitement
Se lie à l’unité
50S ribosomale et
inhibe la synthèse
protéique
bactérienne
OUI
OUI
OUI
OUI
OUI
NON
***
NON
***
OUI
OUI
OUI
Bactériostatique
Temps dépendant
Bactéricide lent
Temps dépendant
(ratio AUC:CMI)
Bactéricide
Bactériostatique
à bactéricide
Temps dépendant
Bactériostatique
Temps dépendant
Ne peut être utilisé pour les pneumonies :
inactivé par surfactant pulmonaire;
Approuvé seulement pour les IPTM;
Émergence de résistance rapportée;
Pénétration au SNC limitée.
Bonne distribution a/n tissulaire et du
SNC;
Thrombocytopénies possibles et
polyneuropathies irréversibles rapportées lorsqu’utilisé >28 jours;
Serait efficace pour réduire la production
de toxines bactériennes.
Creux visé controversé pour le traitement des pneumonies à SARM;
Pénétration au SNC et
pulmonaire limitée.
Bonne distribution a/n
tissulaire et du SNC;
Ne couvre pas le Streptococcus pyogenes.
Données limitées par rapport
à son utilisation;
Bonne distribution en général;
Ne couvre pas le Streptococcus pyogenes.
Utiliser avec prudence, résistance induite
possible chez patient ayant SARM-C;
Serait efficace pour réduire la production
de toxines bactériennes.
Non indiqué en monothérapie dans les cas
de bactériémie;
Bonne distribution tissulaire en général.
Commentaires
OUI
Bactéricide
Concentrationdépendant
Taux sériques inadéquats
dans les cas de bactériémie;
Bonne distribution tissulaire, faibles
concentrations sériques.
OUI
OUI
Bactériostatique
Temps dépendant
(ratio AUC:CMI)
OUI
Peut être
Pharmacodynamique
utilisé pour
SARM-N SARM-C
Tableau II : Agents antimicrobiens pouvant être utilisés dans le traitement des infections à SARM (adapté des références1, 8, 43, 49, 50)
Agents
Clindamycine
Doxycycline
TMP-SMX*
600 mg PO/IV q 12 h
100 mg IV 1e dose puis
50 mg IV q 12 h
IPTM aiguë à SARM
Pneumonies à SARM
(indication non officielle)
IPTM aiguë à SARM
IPTM : 4 mg/kg IV q 24 h
Bactériémies aiguës 6 mg/kg Bactériémies à SARM
IV q 24 h
(doses utilisées ad 8-12 mg/kg
mais non approuvées officiellement)
IPTM aiguë à SARM
Pneumonies à SARM
Bactériémies à SARM
(indication non officielle)
Inhibe des étapes 160 mg PO q 12 h**
séquentielles dans Infections aiguës : 10-15 mg/
la synthèse des
kg/j IV en 2-3 doses**
folates, donc prévient la réplication
de l’ADN
Inhibe la synthèse
de la membrane
Vancomycine* cellulaire
Linézolide
Se lie à l’unité
50S ribosomale et
inhibe la synthèse
protéique bactérienne
Augmente l’afflux
de potassium hors
Daptomycine* de la cellule bactérienne, dépolarise
la cellule et inhibe
la synthèse protéique bactérienne
Tigécycline
Se lie à l’unité
30S ribosomale et
inhibe la synthèse
protéique bactérienne
Note : * Ajustement requis dans les cas d’insuffisance rénale ** Dose basée sur la composante triméthoprime *** Taux de résistance au SARM-N élevé
**** Ne pas utiliser si on soupçonne la présence de Streptococcus pyogenes
AUC : Aire sous la courbe; CMI : Concentrations minimales inhibitrices; IPTM : Infection de la peau et des tissus mous; SARM-C : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline contracté en
milieu communautaire; SARM-N : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline d’origine nosocomiale; SNC : Système nerveux central; TMP-SMX : Triméthoprime-Sulfaméthoxazole
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
286 Pharmactuel
parition de nouvelles souches plus virulentes et multirésistantes rend les choix de traitement plus difficiles.
Nous verrons les différentes options utilisées pour le
traitement du SARM et plus spécifiquement pour le traitement du SARM-C.
le faible nombre d’études comparatives disponibles dans
les cas d’infections graves, l’usage de la clindamycine devrait pour le moment être réservé aux infections moins
aiguës.
CLINDAMYCINE (DALACINMD)
TRIMÉTHOPRIME-SULFAMÉTHOXAZOLE
(BACTRIMMD)
Pharmacologie
Pharmacologie
La clindamycine est un agent bactériostatique qui appartient à la classe des lincosamides. Elle inhibe la synthèse protéique bactérienne en se liant à un site de l’unité 50S ribosomale3. Elle est principalement active contre
les organismes à Gram positif. Son activité contre le SA,
et particulièrement contre le SARM, est variable. La clindamycine à l’avantage d’offrir une excellente biodisponibilité par voie orale et intraveineuse. Elle représente un
bon choix, surtout pour les infections de la peau et des
tissus mous (IPTM), étant donné sa bonne pénétration
tissulaire et osseuse. On la préfère souvent au TMP-SMX,
puisqu’elle est aussi active contre l’espèce Streptococcus
pyogenes. Il est donc possible de l’utiliser en traitement
empirique pour les IPTM.
Le triméthoprime et le sulfaméthoxazole (TMP-SMX)
inhibent certaines étapes séquentielles dans la synthèse
des folates1. Cette combinaison, considérée comme synergique, procure une activité bactéricide contre plusieurs souches bactériennes. Malgré que la sensibilité au
TMP-SMX ait diminué dans les organismes à Gram négatif, elle demeure supérieure à 80 % dans les isolats SA, y
compris les SARM. Le TMP-SMX a une bonne biodisponibilité par voie orale. Sa pénétration dans les tissus corporels est aussi très bonne. Éliminé principalement par les
urines, cet antibiotique requiert toutefois un ajustement
dans les cas d’insuffisance rénale.
Utilisation clinique
Peu d’études cliniques évaluent son efficacité dans les
infections à SARM. Une étude à répartition aléatoire,
à double insu, effectuée auprès de 101 patients ayant
contracté des infections à SA de différents types et publiée en 1992 révèle que le TMP-SMX aurait un effet moindre que la vancomycine13. Le SARM constituait 47 % des
isolats. Tous les échecs au TMP-SMX se sont cependant
produits chez des patients ayant une infection à SASM.
Ainsi, cette étude laisse entendre que le TMP-SMX pourrait être considéré comme traitement de remplacement
possible de la vancomycine dans certains cas d’infection
à SARM.
Les isolats SARM-N présentent souvent une résistance constitutive à la clindamycine, qui n’est donc pas un
choix de traitement pour soigner les infections causées
par ces souches. Par contre, les isolats SARM-C sont,
pour la plupart, sensibles à la clindamycine8. Ils ont une
altération de la structure liante ribosomale qui les rend
résistants aux macrolides, mais sensibles à la clindamycine. Ayant la particularité d’inhiber la production bactérienne de toxines, cet antibiotique semble représenter
un excellent choix de traitement pour les infections au
SARM-C11. Son efficacité contre cette toxine n’est, par
contre, pas démontrée cliniquement pour le moment.
Utilisation clinique
Certains SARM-C développent aussi à l’occasion des
résistances à la clindamycine3. Encodée par le gène erm
(phénotype MLSb), la résistance à la clindamycine peut
être constitutive ou induite. Lorsque la résistance de type
MLSb est constitutive, l’antibiogramme révèle une résistance à la clindamycine et à l’érythromycine. Toutefois,
lorsque la résistance à la clindamycine est induite, l’antibiogramme ne la détecte pas et présente donc la souche
comme étant sensible à la clindamycine12. Il est possible
de différencier cette sensibilité par le D-test, pouvant
être effectué par la majorité des laboratoires.
Les souches SARM-C semblent répondre également à
cet antibiotique, mais encore une fois, peu d’études cliniques et de rapports de cas démontrent son efficacité
dans ce contexte infectieux8. Dans de petites études, le
TMP-SMX a été observé comme étant efficace contre
certains SARM-C dépendamment de la région métropolitaine8. Notons aussi que lorsqu’il est utilisé pour le traitement d’infections au SARM-C, le TMP-SMX doit être
dosé de manière appropriée. Les données comparant cet
antibiotique à la vancomycine dans les cas d’infections
au staphylocoque, y compris les bactériémies et les endocardites, ont démontré que la dose appropriée de TMP
était de 10-15 mg/kg/jour12.
L’expérience et les opinions des experts appuient
l’utilisation de la clindamycine pour le traitement des
infections à SARM-C. La clindamycine a comme avantages une bonne biodisponibilité, un bon profil d’effets
indésirables et une activité contre l’espèce Streptococcus
pyogenes. Elle représente donc un bon choix lorsqu’un
traitement empirique est requis. Cependant, étant donné
Ainsi, l’activité du TMP-SMX contre le SARM, son profil pharmacocinétique et pharmacodynamique ainsi que
son faible coût font de cet antibiotique une bonne option
pour le traitement des infections non aiguës à SARM, y
compris le SARM-C. De plus, puisqu’on retrouve également une résistance fréquente de l’espèce Streptococcus
pyogenes et Streptococcus agalactiae au TMP-SMX, on
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
287
doit éviter d’utiliser cet antibiotique en traitement empirique lorsqu’on suspecte la présence de ces pathogènes12.
TETRACYCLINES
Pharmacologie
Les tétracyclines inhibent la synthèse protéique des
bactéries en se liant à l’unité du ribosome. À hautes doses, les tétracyclines sont bactéricides. Ces molécules
auraient une bonne activité contre le SARM-C, mais les
souches SARM-N y sont habituellement résistantes. On
rapporte qu’environ 88 % des SARM-C seraient encore
sensibles aux tétracyclines10. La doxycycline est celle qui
est le plus communément utilisée parmi les tétracyclines, parce qu’elle a le meilleur profil pharmacologique
et d’innocuité. Cet antibiotique a une distribution élevée
dans les tissus corporels, une bonne absorption gastrointestinale et ne s’accumule pas en situation d’insuffisance rénale.
cace que le TMP-SMX dans ce contexte. Par contre, les
tétracyclines n’ont pas une activité satisfaisante contre
le type Streptococcus pyogenes, souvent présent dans
les infections de la peau. Lorsqu’on suspecte la présence
de ce pathogène et qu’il s’agit d’une couverture empirique pour les IPTM, l’utilisation de ces antibiotiques n’est
donc pas recommandée.
QUINUPRISTIN-DALFOPRISTIN (SYNERCIDMD)
Le quinupristin-dalfopristin est un antibiotique bactéricide semi-synthétique, composé de deux streptogramines3. Ce médicament a d’abord été accueilli avec beaucoup d’espoir. Cependant, en raison de son coût élevé
et de son profil d’effets indésirables, il a été peu utilisé.
D’ailleurs, depuis mai 2008, ce médicament n’est plus disponible au Canada. Il est toutefois intéressant de mentionner que, présentement, d’autres médicaments de la
même classe sont à l’étude.
VANCOMYCINE
Utilisation clinique
Pharmacologie
Peu de données sont encore disponibles pour évaluer
leur efficacité réelle. À l’exception d’une étude à répartition aléatoire comparative sur l’efficacité de la doxycycline dans le traitement des infections à SARM, les
données se limitent à des rapports de cas et des études
rétrospectives. Dans cette étude, Cenizal et coll. comparent la doxycycline et le TMP-SMX dans le traitement des
IPTM. Après 10 à 14 jours de traitement, tous les patients
ont répondu à la doxycycline, même les 15 patients ayant
une infection à SARM, comparativement à 79 % de réponse au TMP-SMX14. De plus, le taux d’échecs cliniques
était de 9 %, tous rapportés dans le groupe TMP-SMX. Le
même groupe a rapporté une série de cas chez 282 patients ayant des épisodes d’IPTM à SARM. Pour 192 patients traités avec une bêta-lactame, 168 patients (88 %)
ont été traités avec succès, comparativement à 96 % qui
avaient reçu la doxycycline et la minocycline15. Ces résultats démontrent que les tétracyclines semblent être une
option possible en cas d’infections modérées. Par contre,
les données disponibles au sujet des infections plus graves à SARM sont trop peu nombreuses pour justifier l’utilisation des tétracyclines dans ce contexte.
La vancomycine est un glycopeptide à haut poids moléculaire, qui inhibe la synthèse de la membrane cellulaire. La grosseur de la molécule de vancomycine diminue
sa pénétration dans la membrane externe des bactéries
à Gram négatif, ce qui limite son spectre d’activité aux
bactéries à Gram positif. La vancomycine doit être administrée par voie intraveineuse, puisqu’étant donné
son poids moléculaire élevé, elle est peu biodisponible
par voie orale. La vancomycine a une faible pénétration
pulmonaire. De plus, cet antibiotique étant excrété par
les reins, il nécessite un ajustement posologique en cas
d’insuffisance rénale. La néphrotoxicité est rarement induite par l’administration de vancomycine, mais l’action
de celle-ci peut être potentialisée par la coadministration
d’autres médicaments néphrotoxiques.
Ruhe et coll. ont évalué 276 patients ayant un IPTM à
SARM-C. Le taux de succès du traitement aux tétracyclines a été de 96 %15. Ces agents pourraient donc être
un choix adéquat lors d’infections au SARM-C. Il est par
contre important de s’assurer que la souche n’y soit pas
résistante.
Ainsi, malgré le peu de données disponibles, la doxycycline semble être une option de traitement peu coûteuse et efficace dans le traitement des infections moins
aiguës à SARM, incluant le SARM-C, particulièrement
lors d’IPTM. Cette molécule semble d’ailleurs plus effi-
288 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Utilisation clinique
La vancomycine est indiquée principalement dans le
traitement des infections graves causées par le SARM,
que celui-ci soit acquis en milieu hospitalier ou en milieu
communautaire. C’est le traitement antibiotique le plus
utilisé contre le SARM et pour lequel on a le plus d’expérience clinique. Toutefois, peu d’études comparatives sont
disponibles pour appuyer son efficacité réelle. Un nombre
croissant d’études comparent son efficacité avec celle des
nouveaux agents actifs contre le SARM, particulièrement
pour le traitement des IPTM et pour les infections pulmonaires. La vancomycine obtient souvent des résultats inférieurs, mais pas nécessairement significatifs.
La vancomycine est un antibiotique utilisé depuis longtemps. Ce n’est toutefois que récemment que des cas
de résistance du SA ont commencé à se manifester. La
caractéristique principale associée aux échecs de trai-
tement du SA avec la vancomycine est l’augmentation
des concentrations minimales inhibitrices (CMI)17. L’augmentation des taux de résistance du SA à la vancomycine
a dernièrement incité le Clinical Laboratory Standards
Institute à modifier les critères de sensibilité liés au type
de résistance à la vancomycine. Le critère de sensibilité
pour déterminer les souches non résistantes a été diminué à 2 µg/ml. Certaines souches ayant une résistance
appelée intermédiaire (VISA) se définissent par des CMI
qui se situent entre 4 et 8 µg/ml. Ce type de résistance
serait lié à une diminution de sensibilité causée par une
production excessive de peptidoglycane ayant pour effet d’emprisonner les molécules de vancomycine, ce qui
les empêche d’atteindre leur cible bactérienne18. D’autres
souches de résistance plus élevée (VRSA) sont caractérisées par des CMI ±16 µg/ml. L’acquisition du gène vanA
en serait la cause. Ces souches, dont quelques-unes ont
été décelées aux États-Unis, sont actuellement très peu
fréquentes19. Finalement, plusieurs souches de SARM ont
également démontré une hétérorésistance à la vancomycine (hVISA). Le hVISA démontre une grande corrélation
avec les échecs cliniques. Il n’existe actuellement pas de
méthode efficace et fiable pour détecter le hVISA, mais il
est connu que les CMI situés entre 1 et 2 µg/ml s’apparentent souvent à ces souches.
Sakoulas et coll. ont étudié 30 isolats de SARM pour
des patients inclus dans des études cliniques chez qui le
traitement à la vancomycine avait échoué. Ils ont découvert que, pour une CMI de 0,5 µg/ml, le taux de succès
clinique était d’environ 56 % comparativement à environ
9 % pour une CMI située entre 1 et 2 µg/ml17. De plus,
un traitement à la vancomycine dans les 30 jours précédents était prédictif d’une plus grande CMI du SARM et
d’une moins bonne efficacité thérapeutique de la vancomycine. Ceci pourrait être lié à la réduction du ratio aire
sous la courbe sur la concentration minimale inhibitrice
(AUC:CMI). En effet, une étude de Moise-Broder et coll.,
comprenant 180 patients ayant des infections respiratoires basses causées par le SA, a démontré qu’un ratio
AUC:CMI d’au moins 400 µg•h/ml était prédictif d’un plus
grand succès clinique17.
L’augmentation des CMI du SA ainsi que les résultats
présentés précédemment laissent entendre que l’augmentation des doses permettrait d’améliorer l’efficacité
de la vancomycine. Cette constatation a mené à la recommandation de maintenir les concentrations de vancomycine entre 15 et 20 ug/ml pour les patients ayant
une pneumonie nosocomiale à SARM. Aucune étude n’a
cependant pu démontrer qu’une amélioration clinique significative se produisait chez ces patients, entre autres
ceux chez qui le SARM aurait une CMI > 2 ug/ml. Des travaux récents laissent entendre qu’un ratio AUC/CMI libre
de ≥ 500 µg•h/ml serait nécessaire20. Par contre, une analyse rétrospective récente menée auprès de 102 patients
ayant une pneumonie nosocomiale a démontré que ni les
concentrations de vancomycine ni l’estimation de l’AUC
n’étaient liées au taux de survie20. Toutefois, le maintient
d’un ratio AUC/CMI plus élevé peut prévenir l’émergence
de souches hVISA et VISA. Finalement, il est important
de noter qu’en plus de ne pas être aussi efficace que souhaité, la vancomycine administrée à des doses plus élevées peut avoir des conséquences potentiellement néfastes, telle la néphrotoxicité18. Un suivi plus serré est par
conséquent nécessaire.
Peu d’études démontrent clairement l’efficacité de la
vancomycine pour contrer les infections au SARM-C. Par
contre, l’expérience clinique liée à cette molécule démontre qu’elle doit encore constituer le premier choix
de traitement, indépendamment de la souche de SARM.
Il est important de noter que la vancomycine est moins
efficace lorsqu’il y a production de toxines par la bactérie. Il est alors recommandé d’utiliser une autre option
de traitement, comme le linézolide ou la clindamycine,
ou encore d’utiliser la vancomycine en combinaison avec
la clindamycine. La vancomycine reste donc pour le moment l’antibiotique de choix dans le traitement des infections modérées à graves en cas de SARM-N et de SARMC. On doit cependant l’utiliser avec prudence, puisqu’on
observe des cas de résistance de plus en plus fréquents.
Une détermination de la CMI du SARM devrait d’ailleurs
être effectuée dans chaque centre hospitalier, puisque
celle-ci varie d’un milieu à l’autre. Il faut toutefois garder présent à l’esprit qu’une CMI ≤ 2 µg/ml n’est pas toujours synonyme de succès thérapeutique étant donné la
faible pénétration de la molécule dans certains tissus et
la présence possible de souches hétérogènes lorsque les
CMI > µg/ml21.
Tableau III : Sensibilité de la vancomycine aux
différentes souches de Staphylococcus aureus
(adapté de la référence 17)
Sensibilité
Sensible
Hétérorésistante
Intermédiaire
Résistante
Souches
SASV
hVISA
VISA
VRSA
CMI (µg/ml)
=2
1à2
4à8
= 16
CMI : Concentrations minimales inhibitrices;
hVISA : Staphylococcus aureus intermédiaire à la vancomycine hétérogène;
VISA : Staphylococcus aureus intermédiaire à la vancomycine;
VRSA : Staphylococcus aureus résistant à la vancomycine;
SASV : Staphylococcus aureus sensible à la vancomycine.
LINÉZOLIDE (ZYVOXAMMD)
Pharmacologie
Disponible depuis 2000, le linézolide est le premier agent
antibiotique de la classe des oxazolidinone à être utilisé.
Cette molécule synthétique inhibe l’union des sous-unités ribosomales 50S et 30S qui forment le complexe 70S,
requis pour la synthèse protéique. De par son mécanisme
d’action unique, elle ne produit pas de réaction croisée
avec d’autres antibiotiques3. Cet agent bactériostatique
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
289
a une bonne efficacité contre les bactéries à Gram positif, dont les organismes résistants à la vancomycine. Le
linézolide s’est en outre révélé efficace pour réduire la
production des toxines qui peuvent être présentes dans
certains isolats du SARM-C. Le linézolide a démontré son
efficacité dans les IPTM, dans les bactériémies et dans les
pneumonies causées par les bactéries à Gram positif. En
effet, il pénètre bien dans la peau et les tissus mous8. De
plus, contrairement à la vancomycine, il pénètre bien les
tissus pulmonaires. Son utilisation est pour le moment
approuvée pour les IPTM et les pneumonies à SARM. Le
linézolide est donné à des doses de 600 mg per os ou par
voie intraveineuse toutes les 12 heures. Métabolisé dans
le foie, le linézolide n’a pas besoin d’ajustement de doses dans les cas d’insuffisance rénale. Le linézolide est
un faible inhibiteur réversible de la monoamine oxydase.
Il faut par conséquent être vigilant lorsqu’on l’administre
avec un autre agent qui augmente le taux de sérotonine,
puisque l’apparition d’un syndrome sérotoninergique est
possible. Le linézolide peut aussi causer plusieurs effets
indésirables importants, comme les thrombocytopénies,
les neuropathies périphériques, la névrite optique et
l’acidose lactique. L’effet indésirable le plus craint lors
de l’utilisation du linézolide est la thrombocytopénie.
Par contre, une étude récente de Nasraway et coll. a évalué les risques de thrombocytopénies chez les patients
souffrant d’une pneumonie nosocomiale traitée par le
linézolide ou la vancomycine pendant plus de 5 jours.
Les thrombocytopénies se sont produites chez 6,4 % des
patients du groupe linézolide et chez 7,7 % de ceux du
groupe vancomycine22. Ce risque est donc à prendre en
considération lors de traitements prolongés, par exemple des ostéomyélites.
Utilisation clinique
De plus en plus d’études, maintenant disponibles, comparent l’utilisation du linézolide à divers antibiotiques
dans différents types d’infections. Weigelt et coll. ont
comparé, dans une étude ouverte à répartition aléatoire,
l’efficacité du linézolide par rapport à la vancomycine. Le
succès clinique était similaire dans les deux groupes. Cependant, pour les patients ayant une infection à SARM,
l’efficacité du linézolide surpassait celle de la vancomycine (87 % vs 48 % d’éradication microbiologique)23. Ces
avantages ne relèvent cependant que d’analyses de sousgroupes ou de résultats de petites études. De plus grandes études sont donc nécessaires.
Une autre étude a été effectuée auprès de patients
ayant une ostéomyélite à Gram positif. Le taux de guérison était de plus de 60 % pour les infections à SARM24.
La concentration du linézolide sur la structure osseuse
est variable comme avec la vancomycine, et n’atteint pas
la CMI de certains isolats3. De plus, comme nous l’avons
mentionné précédemment, la toxicité possible à long terme du linézolide reste un problème étant donné le traitement prolongé requis. Il n’est donc pas recommandé
290 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
d’utiliser cette molécule lorsque d’autres options sont
disponibles.
L’efficacité du linézolide pour le traitement des pneumonies nosocomiales a été comparée à celle de la vancomycine dans deux études prospectives multicentriques à
répartition aléatoire et à double insu. Les deux antibiotiques étaient combinés à l’aztréonam. Ces études avaient
un design identique, mais étaient effectuées séparément.
Ces études prises individuellement ont démontré que
l’effet du linézolide n’était pas inférieur à celui de la vancomycine. Dans la première étude, l’éradication microbiologique était plus faible avec le linézolide qu’avec la
vancomycine25. Dans la deuxième étude, on a observé
l’inverse26. Les rapports originaux comportaient une
analyse de l’éradication microbiologique dans les sousgroupes de patients avec SA, dont le type SARM. Ces différences n’étaient pas significatives. Des deux études, ni
l’une ni l’autre n’ont rapporté de taux de guérison clinique global. Toutefois, il existe une analyse combinant les
résultats des deux études sur le plan de la guérison clinique des patients ayant une infection de type SA27. Dans
cette analyse, 43,4 % des patients du sous-groupe SA
traités à la vancomycine avaient obtenu une guérison clinique contre 51,5 % de ceux traités au linézolide comparativement au groupe SARM, où 59 % des patients traités
au linézolide ont été cliniquement guéris contre 35,5 %
de ceux traités à la vancomycine. La différence pour le
sous-groupe Staphylococcus aureus n’était pas significative, mais la différence pour le sous-groupe SARM l’était.
Cette analyse a été le centre de plusieurs controverses.
Les critiques de ces études rapportent, entre autres, des
doses de vancomycine non optimales. Ainsi, des études
supplémentaires sont nécessaires pour réellement démontrer la supériorité du linézolide. Une autre étude est
actuellement en cours pour ce qui est de l’utilisation du
linézolide pour le traitement des pneumonies nosocomiales à SARM.
Shorr et coll. ont analysé cinq études qui comparaient
le linézolide à la vancomycine dans le traitement de la
bactériémie secondaire au SARM. Chez 53 patients, ils
ont trouvé que l’action du linézolide n’était pas inférieure
à celle de la vancomycine en ce qui avait trait à la microbiologie et à la survie. Cependant, peu de patients étaient
inclus dans cette étude, il y avait absence de monitoring
de la vancomycine et prédominance des IPTM, ce qui diminue la gravité de l’infection28.
Pour les infections à SARM-C, peu de données sont
disponibles. Par contre, en théorie, il s’avèrerait être
un meilleur choix que la vancomycine, puisqu’il a une
meilleure pénétration pulmonaire et qu’il inhibe la sécrétion des facteurs de virulence qui sont dans certains cas
présents dans les infections au SARM-C3.
Étant le seul agent de sa classe, le linézolide laisse planer une certaine appréhension quant à sa surutilisation
et à l’émergence potentielle de résistance. La résistance
à l’Enterococcus faecium est d’ailleurs un problème actuellement, ce qui n’est pas le cas avec le SA, comme l’indiquent certaines données de surveillance29,32. Certains
cas de résistance ont cependant été rapportés lorsque le
médicament était utilisé sur une longue période31. Le premier cas remonte à 2001, où les CMI avaient augmenté
de 2 à 32 µg/ml après 4 semaines de traitement au linézolide32. Depuis lors, des cas semblables se sont ajoutés.
Même si, pour le moment, la résistance au linézolide
reste rare, il est donc important de bien utiliser cette molécule afin de lui conserver son efficacité.
Ainsi, pour les infections à SARM-N, le linézolide s’avère un excellent choix de traitement, particulièrement
pour les infections pulmonaires et les IPTM. Par contre,
il ne devrait pas être utilisé comme premier choix dans
les bactériémies et les pneumonies, en raison du manque de données démontrant sa supériorité par rapport
à la vancomycine pour le traitement de ces infections.
Pour les infections de type SARM-C, le linézolide semble
une option avantageuse. Possédant une excellente biodisponibilité par voie orale, il peut facilement être utilisé
pour les patients en soins ambulatoires. Son coût élevé
est par contre un frein important pour son utilisation. Le
linézolide garde donc une place limitée dans les choix de
traitement.
DAPTOMYCINE (CUBICINMD)
Pharmacologie
La daptomycine a été approuvée en septembre 2003 à
une dose de 4 mg/kg/jour pour le traitement des IPTM et
en 2006, à une dose de 6 mg/kg/jour pour le traitement de
la bactériémie à SA. Cet antibiotique est le premier médicament de la classe des lipopeptides cycliques. La daptomycine cause la dépolarisation de la membrane bactérienne, ce qui produit une inhibition de la synthèse des
protéines, de l’ARN et de l’ADN et ultimement la mort
cellulaire. Elle a un potentiel bactéricide rapide contre
les organismes à Gram positif, dont plusieurs souches
multirésistantes8. Son activité dépend de la concentration combinée à un effet postantibiotique prolongé (1 à
6 heures). Certains effets indésirables importants sont
possibles, entre autres certaines myopathies, et sont
associés à une élévation de la créatine phosphokinase
sérique réversible dans les 7 à 10 jours après l’arrêt de
la thérapie. Il est donc important d’interrompre l’administration de statines lors de l’antibiothérapie. La daptomycine est éliminée par les reins, donc un ajustement
est requis lors d’insuffisance rénale. Pour le moment, la
daptomycine n’a d’indication officielle que dans le traitement des IPTM.
Utilisation clinique
Plusieurs études in vitro ont confirmé l’activité de la
daptomycine contre les souches de SARM-N. Cependant,
son rôle dans les infections au SARM-C n’est pas encore
établi. Deux études multicentriques à répartition aléatoire ont comparé l’efficacité et l’innocuité de la daptomycine 4 mg/kg/j par rapport à celles de la vancomycine ou
d’une pénicilline semi-synthétique dans le traitement des
IPTM33. L’ajout de métronidazole ou d’aztréonam était
possible. Chez 902 patients, le taux de succès clinique
a été de 83,4 % pour la daptomycine comparativement
à 84,2 % pour le groupe comparateur. Pour les patients
ayant une infection à SARM, le taux de succès était de
75 % pour la daptomycine et de 69,4 % pour la vancomycine. Ces résultats laissent entendre une équivalence entre l’efficacité de ces deux derniers antibiotiques dans le
traitement du SARM.
Peu de données sont disponibles pour le traitement à
la daptomycine des infections des os et des articulations.
Une revue systématique de l’utilisation de la daptomycine dans le traitement de ces infections a récemment
été publiée34. Elle révèle la guérison de 50 des 65 patients
(77 %). Précisons que 30 des 50 patients guéris souffraient d’une infection de type SARM. La résistance à
la daptomycine s’est toutefois développée dans six cas,
ce qui diminue l’intérêt d’utiliser la daptomycine pour le
traitement des infections dans ces contextes infectieux.
L’utilisation de la daptomycine pour traiter la pneumonie contractée en milieu communautaire (PAC) a été
évaluée dans une étude qui a dû être interrompue précocement. Dans cette étude de phase III, le taux d’événements cardiorespiratoires sérieux était plus élevé dans le
groupe daptomycine que dans le groupe ceftriaxone. On
a donc conclu que la daptomycine interagit in vitro avec
le surfactant pulmonaire, ce qui résulte en une inactivation de l’activité antibactérienne35. L’utilisation de la daptomycine n’est donc pas approuvée pour le traitement de
la pneumonie et des infections pulmonaires.
L’efficacité de la daptomycine a été évaluée également pour le traitement d’infections plus aiguës. Une
étude récente a comparé l’administration de la daptomycine 6 mg/kg/j à celle de la gentamicine à faible dose
combinée avec la vancomycine ou avec une pénicilline
antistaphylocoque à 124 patients ayant une endocardite
ou une bactériémie. Cette étude a démontré que l’effet
de la daptomycine n’était pas inférieur à celui des autres
antibiotiques. Toutefois, elle a également révélé que, chez
cinq patients sur qui la daptomycine n’avait pas et d’effet, les CMI avaient augmenté de 0,25-0,5 jusqu’à 2-4 µg/
ml3. De plus, 25 % des patients ont eu une élévation de la
créatine phosphokinase, comparativement à 12,5 % dans
le groupe conventionnel (p = 0,04), ce qui a mené à l’interruption de l’étude pour trois patients.
Les cas de résistance à la daptomycine, bien que celleci soit un médicament récent, sont donc de plus en plus
rapportés. Une étude mentionne des CMI de 0,25 µg/ml
dans 713 cas de SASM et de 0,5 µg/ml dans 305 cas de
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
291
SARM, avec un critère de sensibilité < 1 µg/ml36. La définition de la résistance à la daptomycine n’a pas encore
été établie. Cependant, des CMI ≥ 2 µg/ml ont été associées à
des échecs cliniques37. Quelques isolats VISA démontrent
une sensibilité réduite à la daptomycine (CMI > 2 µg/ml)1.
Plusieurs rapports de cas ont démontré un lien entre les augmentations des CMI de vancomycine et de daptomycine,
même si les mécanismes de résistance n’ont pas été complètement élucidés. Ainsi, l’apparition de résistance à la
vancomycine pourrait également limiter l’utilisation du
traitement à la daptomycine. Lorsque les CMI sont > 2,
on ne devrait pas utiliser la daptomycine. Pour faire face
à des augmentations de résistance, on a estimé que des
doses allant jusqu’à 12 mg/kg/jour pour une durée de
deux semaines pouvaient être envisageables. Il est donc
recommandé d’utiliser de plus hautes doses lors d’infections aiguës38.
de résistance à la tigécycline, nous pouvons déjà constater que la sensibilité des patients à cet agent ne semble
pas avoir changé au fil des ans1. Disponible uniquement
par voie intraveineuse, la tigécycline aurait un effet postantibiotique prolongé. Les paramètres pharmacodynamiques liés à l’efficacité clinique semblent afficher un ratio AUC:CMI, selon des études in vitro. Ce médicament
atteint de faibles concentrations sériques, osseuses et
synoviales, mais de grandes concentrations au niveau de
la vessie, des poumons et du colon, et sa pénétration est
élevée au niveau de la peau1. Comme il est peu métabolisé et excrété par les voies biliaires, un ajustement des
doses servies aux patients souffrant d’insuffisance hépatique grave est requis. Finalement, son profil d’innocuité
est bon, à l’exception de la fréquence des nausées et vomissements qui a été élevée lors des études.
Utilisation clinique
Ainsi, la daptomycine agit rapidement contre les bactéries à Gram positif3. Son profil sans danger et son administration uniquotidienne font de cet antibiotique un
choix intéressant. Cependant, l’usage de la daptomycine
est pour le moment réservé aux patients ayant des infections de type SARM, qui ne peuvent recevoir la vancomycine ou chez qui ce traitement a échoué39. Il est important d’être prudent lors des infections à VISA, puisqu’on
a rapporté une sensibilité diminuée à la daptomycine. Le
rôle de cette dernière dans le traitement des infections
SARM-C n’a pas encore été établi, bien que ce lipopeptide puisse être utilisé dans les cas d’IPTM au SARM-C graves, lorsque la vancomycine ne peut être administrée40.
Son coût élevé diminue également l’intérêt à utiliser cette molécule. D’autres études sur la daptomycine sont en
cours pour le traitement de diverses infections.
TIGÉCYCLINE (TYGACILMD)
Pharmacologie
Approuvée par la FDA en juin 2005 pour le traitement
des IPTM, dont celles causées par le SARM, la tigécycline
est le premier agent approuvé de la classe des glycylcyclines, dérivés structuraux de la minocycline. Cet antibiotique est également approuvé pour le traitement des
infections intra-abdominales compliquées, sauf lorsque
l’infection est, entre autres, causée par le germe pathogène SARM, puisque cette souche n’a pas été prise en
considération dans les études effectuées. La particularité de la tigécycline est qu’elle confère une couverture
étroite des bactéries à Gram positif résistantes et de plusieurs bactéries à Gram négatif, dont certaines multirésistantes12. La tigécycline serait efficace contre le SASM,
le SARM, le VISA et le VRSA. Un groupe N-alkyl-glycylamino en position 9 confère à la molécule une protection
contre les mécanismes de résistance comparativement
aux tétracyclines, de par sa liaison cinq fois plus efficace
au site ribosomal. D’ailleurs, malgré le faible recul dans
le temps que nous avons pour évaluer le développement
292 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Deux études comparent le tigécycline à la combinaison
vancomycine-aztréonam pour des patients hospitalisés
pour une IPTM. Le taux de guérison clinique était similaire entre les deux groupes. Chez les 65 patients ayant
une infection à SARM (32 dans le groupe tigécycline et 33
dans le groupe comparateur), l’éradication microbiologique a été de 78,1 % dans le groupe tigécycline et de 75,8 %
dans le groupe vancomycine. Seulement 50 de ces patients
avaient une infection de type SARM, alors que les souches
de SARM étudiées étaient surtout de type IV et positif pour
le pvl, donc les souches étaient de type SARM-C1.
Même si la FDA ne mentionne pas la tigécycline pour le
traitement de la pneumonie, quelques résultats probants
laissent entendre qu’elle pourrait être efficace dans ce
contexte. Une étude pharmacocinétique et pharmacodynamique intrapulmonaire a révélé que les concentrations
dans le liquide épithélial et dans les cellules alvéolaires
étaient plus élevées que celles trouvées dans le sérum41.
Une étude regroupant deux études de phase III a évalué
la tigécycline comparativement à la lévofloxacine pour le
traitement de la PAC. Le taux de guérison était similaire
(79,7 % dans le groupe lévofloxacine et 81 % dans celui
de la tigécycline), mais aucune donnée n’était disponible
sur la fréquence des infections au SA1. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour évaluer l’efficacité de la tigécycline dans le traitement de la PAC et de la
pneumonie nosocomiale.
Pour le moment, l’utilisation de la tigécycline dans le
traitement des infections à SARM s’applique surtout aux
infections polymicrobiennes ou aux patients présentant
une contre-indication aux autres antibiotiques. Le manque d’études relatives aux infections graves, la non-disponibilité de cet agent par voie orale ainsi que les faibles
concentrations sériques atteintes restreignent son utilisation pour le traitement de multiples infections. Les résultats de nouvelles études présentement en cours nous
aideront à mieux définir l’utilité de la tigécycline dans les
prochaines années.
Agents en développement
DALBAVANCINE, TÉLAVANCINE
ET ORITAVANCINE
Deux nouveaux lipoglycopeptides semi-synthétiques
sont présentement à l’étude, soit la dalbavancine et la
télavancine42. Ces deux molécules auraient une activité
bactéricide et sont disponibles par voie parentérale. La télavancine agirait selon deux mécanismes, ce qui pourrait
ralentir le développement de résistance à cette molécule.
Jusqu’à maintenant, la dalbavancine a été évaluée dans
deux études de phase II et dans une étude de phase III
pour le traitement des IPTM43. La télavancine a été également étudiée pour le traitement des IPTM44 et fait présentement l’objet d’une étude de phase III pour le traitement
de la pneumonie contractée en milieu hospitalier.
L’oritavancine est un nouveau glycopeptide semisynthétique ayant une bonne activité contre les germes SARM et l’entérocoque résistant à la vancomycine
(ERV). Il a également une très longue demi-vie d’environ
100 heures42. Pour le moment, peu d’études sont encore
disponibles sur ce nouvel agent.
CEFTOBIPROLE (ZEFTERAMD)
Le ceftobiprole est une céphalosporine de nouvelle génération ayant une activité in vitro contre les bactéries
à Gram positif et Gram négatif. Il aurait une grande affinité contre les PBP2 et serait donc actif contre les souches SARM, VISA et peut-être même VRSA (un rapport
de cas). Deux études de phase III dans le traitement des
IPTM récentes ont démontré un taux de guérison comparable aux autres agents utilisés, dont la vancomycine39.
Le ceftobiprole est présentement étudié pour le traitement de la pneumonie nosocomiale45.
Discussion
La fréquence de SARM est très variable, dépendamment du centre hospitalier, de l’endroit géographique, du
lieu où l’infection a été contractée et du site de l’infection. Tous ces facteurs doivent être pris en considération
lors du choix de l’antibiothérapie. Il est avant tout important de déterminer si la souche en cause est d’origine
nosocomiale ou communautaire. Cette différenciation
est cependant difficile à faire vu l’apparition de souches
SARM-C plus virulentes. Il est donc important pour chaque centre de déterminer les types de souches en cause
dans les infections, afin de mieux connaître la fréquence
des infections de type SARM-N et SARM-C dans leur milieu. Cerner la fréquence d’apparition des souches permet
de mieux choisir le traitement des infections causées par
ces bactéries. Il est possible d’entamer un traitement empirique dans la mesure où on tient compte de la présence
possible des autres micro-organismes. La détermination
des taux de résistance du SARM est également une étape
importante que doit prendre en compte chaque centre
hospitalier.
Le choix de l’antibiotique doit être fait non seulement
en fonction de la souche identifiée, mais aussi en fonction
de la gravité de l’infection et de la localisation du foyer
infectieux. La gravité des infections au SARM doit être
considérée à deux niveaux, soit les infections simples,
comme les IPTM, et les infections complexes, y compris
les pneumonies et les bactériémies39.
Dans les infections modérées, lorsque l’on suspecte la
présence de SARM-C, les tétracyclines et le TMP-SMX
sont des options disponibles par voie orale. Par contre,
en traitement empirique, lorsque l’on suspecte en plus la
présence de SARM-C, Streptococcus pygene, on recommande d’utiliser un antibiotique, comme la clindamycine.
L’usage de la clindamycine est également recommandé
lorsque l’on suspecte la production de toxines par la souche de type SARM-C. On doit toutefois effectuer le D-test
avant d’utiliser la clindamycine. Le linézolide est très
efficace contre l’infection de type SARM-N et SARM-C,
mais puisqu’il est coûteux, il doit être réservé aux infections plus aiguës ou aux patients intolérants aux autres
options thérapeutiques. Dans les cas d’IPTM à SARM-N,
on recommande un antibiotique par voie intraveineuse.
Il est alors possible d’utiliser la vancomycine. Les autres
options thérapeutiques, comme la tigécycline, la daptomycine et le linézolide par voie intraveineuse sont utiles
lorsque la vancomycine n’est pas tolérée ou inefficace.
Pour les infections plus aiguës, le traitement optimal
n’a pas toujours pu être établi. La vancomycine demeure
le premier choix, surtout pour le traitement des bactériémies et des pneumonies. Mais des échecs cliniques
sont de plus en plus fréquents. En présence d’infection
pulmonaire, la vancomycine et le linézolide sont l’indication officielle. La vancomycine semble toutefois peu
pénétrer dans le liquide alvéolaire. Ainsi, il est important
d’obtenir un creux plasmatique plus élevé afin d’atteindre une concentration pulmonaire optimale46. Le linézolide est considéré par plusieurs cliniciens comme étant
égal ou supérieur à la vancomycine pour le traitement de
la pneumonie à SARM. Mais son coût élevé vient limiter
son utilisation aux intolérances ou aux échecs de traitement à la vancomycine ainsi qu’aux patients présentant
une insuffisance rénale. Les recommandations canadiennes sont les seules à se préoccuper du traitement des
infections pulmonaires au SARM-C47. Ces lignes directrices considèrent le linézolide supérieur à la vancomycine
pour le traitement de ces infections. Ces recommandations ne s’appuient sur aucune étude. Elles proviennent
du fait que le SARM-C peut sécréter des toxines pvl, dont
des agents qui agissent sur la synthèse de la membrane
cellulaire, comme la vancomycine, qui peuvent accélérer le largage40. Au contraire, les agents qui inhibent la
synthèse protéique bactérienne, comme la clindamycine
ou le linézolide, suppriment la production des toxines.
Ainsi, ces données laissent entendre que la vancomycine
ne serait pas l’agent idéal lorsqu’il s’agit de traiter une infection de type SARM-C et que le linézolide semble préféPharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
293
rable. Mais ceci n’a pas été démontré cliniquement. Une
seule série de cas touchant quatre patients a démontré
un échec clinique à la vancomycine, mais un succès avec
le linézolide ou la clindamycine dans le traitement de la
pneumonie nécrosante causée par le SARM-C sécrétant
des facteurs de virulence pvl11. D’autres rapports de cas
n’obtiennent cependant pas de résultats aussi positifs. On
propose donc que si la vancomycine doit être utilisée pour
traiter ce type d’infection, elle ne soit pas utilisée en monothérapie46. Peu d’options thérapeutiques de remplacement
lors d’infections pulmonaires à SARM sont possibles. La
tigécycline peut être utilisée, mais il est préférable que
son administration ne soit entamée que lorsque les autres
agents ne peuvent être utilisés, puisque peu d’études se
sont penchées pour le moment sur cette indication40. La
daptomycine ne peut être utilisée lors d’infections pulmonaires étant donné son inactivation par le surfactant pulmonaire. De plus vastes études portant sur le traitement
de la pneumonie à SARM-C sont donc nécessaires.
Pour le moment, les lignes directrices relatives au traitement des bactériémies à SARM recommandent l’utilisation de la vancomycine en visant des creux de 10 à
15 µg/ml38. Parmi les nouveaux agents, la daptomycine
est le seul antibiotique autre que la vancomycine indiqué
pour le traitement de la bactériémie et de l’endocardite.
Cependant, l’émergence de résistance à cet antibiotique
rend ce choix moins intéressant, particulièrement lors
d’infections aiguës. On suggère d’utiliser la daptomycine
à doses plus élevées dans ces situations38. Pour le moment, le linézolide n’a pas été étudié pour le traitement
des bactériémies à SARM, mais certains rapports de cas
démontrent son efficacité47. Pour le SARM-C, le TMPSMX a une action bactéricide rapide, il s’avère donc être
une option possible. Par contre, peu d’études appuient
cette utilisation. La clindamycine ne doit pas être utilisée
en monothérapie, puisqu’un haut taux d’échecs thérapeutiques et d’infections récurrentes est possible lors d’infections aiguës38. La tigécycline est indiquée seulement
pour les IPTM. Elle n’a pas été étudiée pour les cas de
bactériémies et d’endocardites, et elle atteint de faibles
concentrations sériques qui n’excèdent pas 1 µg/ml, son
utilisation doit donc être limitée.
Conclusion
Notre connaissance du SARM reste pour le moment
limitée. Les choix de traitements des infections à SARM
s’élargissent, mais aucun des nouveaux traitements n’offre encore assez d’avantages pour surpasser les molécules telles que la vancomycine. Les choix de traitements
pour soigner les infections à SARM-C semblent être plus
nombreux que pour les infections à SARM-N. Cependant, la difficulté de détecter adéquatement les souches
et les conséquences importantes que peuvent entraîner
un mauvais choix de traitement antibiotique incitent à la
prudence. De nouveaux agents en développement sont
donc attendus avec impatience. Pour le moment, il est
294 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
important de miser sur la prévention et surtout sur la différenciation des souches. La nécessité de caractériser les
souches de nos milieux hospitaliers et le cumul de statistiques sur l’émergence de résistance à la vancomycine ou
à d’autres agents deviendront de plus en plus importants
pour diriger nos choix de traitement.
Pour correspondance :
Cindy Tremblay
Hôpital Laval
2725, chemin de Sainte-Foy
Québec (Québec) G1V 4G5
Téléphone : 418 656-8711, poste 3308
Télécopieur : 418 656-4656
Courriel : [email protected]
Remerciements
L’auteure désire remercier Louis Dumont, pharmacien
à l’Hôpital Laval, pour les commentaires constructifs
transmis au cours de la rédaction du manuscrit.
Abstract
Objective: To discuss antibiotic treatment options
for MRSA, specifically for community acquired MRSA.
Source of data and study selection: A literature review was done using PubMed. Clinical studies, systematic reviews, and meta-analyses dealing with antiobiotic
treatment of community- (CA-MRSA) or hospital-acquired (HA-MRSA) methicillin-resistant Staphylococcus
aureus were also evaluated.
Data analysis: Over the last ten years, methicillin resistant Staphylococcus aureus has become one of the
causes of common severe infections. New strains such
as community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus are now emerging. Standard antibiotics
are still used for the treatment of community-acquired
methicillin-resistant Staphylococcus aureus; but older
drugs like clindamycin, tetracyclines, and trimethoprim/sulfamethoxazole can also be used to treat such
infections. New therapeutic options like tigecycline
and daptomycin are now available for the treatment of
methicillin-resistant Staphylococcus aureus.
Conclusion: More treatment options exist for methicillin-resistant Staphylococcus aureus, but these currently do not offer any added benefit over drugs like
vancomycin. Proper identification of strains according
to clinical setting and the presence of resistance is important for adequate treatment of the infection.
Key words: Methicillin-resistant Staphylococcus
aureus (MRSA), community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus, vancomycin, tigecycline,
daptomycin, linezolid, clindamycin, trimethoprim-sulfamethoxazole, tetracycline, quinupristin-dalfopristin.
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Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
295
CAS CLINIQUE EN DIRECT DE L’UNITÉ
Utilisation d’un rince-bouche à base de morphine pour le traitement des mucosites
liées à la chimiothérapie
Jessika Truong, Thanh-Thao Ngo
Résumé
Objectif : Présenter une discussion sur la pathophysiologie et les différentes modalités de traitement
des mucosites liées à la chimiothérapie à la suite de la
présentation d’un cas.
Description du cas : Il s’agit d’un patient traité pour
un ostéosarcome avec une mucosite grave nécessitant
des doses élevées de morphine intraveineuse destinée
à soulager la douleur. Afin de minimiser les effets secondaires systémiques de la morphine, il entame un
traitement avec un gargarisme à base de morphine
2 mg/ml (à retenir dans la bouche pendant 2 minutes puis à cracher), et les résultats sont prometteurs.
Bientôt, le patient n’a plus recours à la morphine par
voie parentérale, et on observe une amélioration rapide dans son apport nutritionnel.
Conclusion : Malgré la présence fréquente de
mucosites lors des traitements de chimiothérapie et
l’éventail d’agents disponibles pour les prévenir et
les traiter, peu d’agents se sont montrés efficaces lors
d‘études cliniques. Le gargarisme à base de morphine
s’avère une option thérapeutique intéressante, mais
nécessite de nouvelles études.
Mots-clés : mucosite, rince-bouche, morphine,
chimiothérapie
Introduction
La mucosite constitue une complication fréquente chez
les patients soumis à un traitement de chimiothérapie1-3.
Malgré la fréquence de sa présence et un grand éventail
d’agents disponibles, il n’existe pas de lignes de traitement claires pour traiter cette complication, qui entrave
souvent la qualité de vie des patients. Nous rapportons
aujourd’hui un cas où la morphine en solution orale a été
utilisée chez un patient pour lequel tout autre traitement
s’était avéré inefficace.
brile, on commence l’administration empirique de la pipéracilline/tazobactam et de la tobramycine selon le protocole de notre institution. Dans les 24 heures suivant le
début de la prise des antibiotiques, le patient est afébrile,
et sa température reste dans les valeurs normales jusqu’à
son congé de l’hôpital. Les cultures de sang redeviennent
négatives et on ne note aucune particularité sur la radiographie pulmonaire. Les valeurs du décompte absolu de
neutrophiles s’améliorent rapidement passant de 0,43 x
109/l au jour 1 à 1,67 x 109/l (jour 3) et par la suite à 5,43
x 109/l (jour 6).
Outre le problème de neutropénie fébrile, le patient
présente à l’admission une mucosite de degré III. À
l’examen de la muqueuse buccale, on note un érythème
important et des plaques blanches. Le médecin prescrit
alors de l’acyclovir et de la fluconazole par voie intraveineuse en attente des résultats de culture de gorge. De
plus, pour traiter la mucosite, on entreprend l’utilisation
d’un rince-bouche à base de diphenhydramine, nystatine
et lidocaïne. Pour soulager la douleur secondaire à la
mucosite, on prescrit de la morphine intraveineuse à raison de 5 mg toutes les 2 à 4 heures selon les besoins. Ce
traitement ne soulage pas le patient malgré la régularité
de l’administration du médicament. De plus, l’évaluation
de la douleur par le patient se situe autour de 6 à 8 sur 10.
Après une consultation avec l’équipe de spécialistes de la
douleur, on place une pompe d’analgésie contrôlée par le
patient (ACP). Elle permet à celui-ci de s’administrer lui
même des bolus de morphine (2 mg/ml) - kétamine (2 mg/
ml) à partir d’une pompe informatisée. Le lendemain, le
niveau d’analgésie est insatisfaisant malgré l’ACP. Pour
remédier à la situation, on augmente la dose de perfusion
continue et les doses de bolus et on ajoute la clonidine
orale à l’arsenal thérapeutique. À la suite de l’augmentation des doses de morphine-kétamine, notre patient
est soulagé mais présente de la nausée, et les infirmières
notent qu’il est de plus en plus somnolent. De plus, la
constipation vient compliquer la situation. Afin de minimiser les effets secondaires morphiniques, on décide
Présentation du cas
Un patient de 18 ans, ayant reçu un diagnostic d’ostéosarcome du tibia proximal gauche, est admis à l’étage d’hémato-oncologie pour une neutropénie fébrile et
mucosite. Dix jours plus tôt le patient avait reçu de la
doxorubicine et de l’ifosfamide comme traitement de
chimiothérapie. Pour le traitement de sa neutropénie fé-
296 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Jessika Truong, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au
département de pharmacie de l’Hôpital pour enfants de Montréal du Centre universitaire de santé McGill
Thanh-Thao Ngo, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au
département de pharmacie de l’Hôpital pour enfants de Montréal du Centre universitaire de santé McGill
de diminuer les doses de bolus et de faire un essai avec
la morphine en gargarisme. La pharmacie prépare une
solution de 2 mg/ml, et le patient commence un gargarisme de 15 ml toutes les 3 heures, avec la consigne de se
gargariser puis de recracher la solution. Le lendemain, le
soulagement de la douleur se maintient malgré une diminution, la veille, des doses de morphine. On décide alors
d’interrompre l’utilisation de la pompe ACP. À la suite
de cette interruption, on prescrit un relais oral de morphine, soit 5 mg toutes les quatre heures régulièrement.
Les effets secondaires s’améliorent, le patient présente
moins de nausée et aucune altération de l’état mental.
De plus, le patient est allé à la selle. Le contrôle inadéquat de la douleur secondaire à la mucosite a nécessité
le recours à l’alimentation parentérale pendant 2 jours.
En effet, il ne pouvait ni manger ni boire sans ressentir une vive douleur. Toutefois, la situation s’améliore, et
lors de son congé de l’hôpital, il est en mesure de boire
et de manger des aliments mous. À son départ de l’hôpital, on lui remet une prescription de morphine orale à
raison de 5 mg toutes les 4 heures en cas de nécessité, de
co-trimoxazole, 160 mg (de triméthoprime) per os deux
fois par jour, 3 jours par semaine, pour la prophylaxie de
la pneumonie à pneumocystis carinii et des suppléments
nutritionels EnsureMD.
Analyse
Le terme mucosite fait référence à une inflammation
aiguë de la muqueuse orale. Elle est caractérisée par
un érythème localisé, de l’ulcération, des saignements et
une possibilité de surinfections bactériennes et/ou fongiques2,3. La mucosite est l’une des complications liées à la
chimiothérapie et à la radiothérapie les plus fréquentes et
débilitantes. En effet, en plus de la douleur qui lui est associée, elle peut retarder la chimiothérapie ou entraîner
une diminution des doses, augmenter le risque d’infections bactériennes et/ou fongiques, prolonger la durée de
l’hospitalisation ainsi qu’aggraver le statut nutritionnel du
patient1-3. Conséquemment, la présence de mucosites peut
entraîner par exemple la nécessité d’insérer un tube nasogastrique ou le recours à l’alimentation parentale. Il existe
plusieurs systèmes de classification de la gravité des mucosites basés sur les signes, les symptômes et la fonction
orale du patient. Selon celui de l’Organisation mondiale
de la santé, les mucosites peuvent être distribués en cinq
degrés, de zéro à 4, celui-ci étant le plus grave2,3.
Tableau I : Classification des mucosites
par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
Degrés de
différenciation
0
1
2
3
4
Signes et symptômes
Aucun
Sensibilité orale, érythème
Sensibilité orale, érythème, ulcération,
alimentation solide tolérée
Ulcération, alimentation uniquement liquide
tolérée
Alimentation orale impossible
Pendant des années, nous avons cru que les mucosites étaient simplement une conséquence directe mais
non spécifique de la destruction des cellules à multiplication rapide de l’épithélium de la muqueuse orale3.
Ainsi, puisqu’il n’y avait pas de nouvelles générations de
cellules à la suite d’une attaque des agents cytotoxiques,
la muqueuse orale s’atrophiait et risquait davantage les
traumas et l’ulcération. Cependant, on a démontré plus
récemment que la mucosite résulte d’un processus plus
complexe2,3. Tout d’abord, les thérapies cytotoxiques provoquent une formation de radicaux libres responsables
des dommages causés aux cellules mucosales. Puis on
assiste à une libération de cytokines pro-inflammatoires
(TNF-␣, interleukine-1 (IL-1), IL-2 et IL-6) et à une activation des macrophages. Des régions d’érosion localisées
deviennent alors évidentes, coïncidant habituellement
avec le nadir. L’ulcération peut être sérieuse, et le risque
d’infections bactériennes, fongiques ou virales augmente grandement. Finalement, lorsque les globules blancs
remontent à des valeurs normales, une régénération
spontanée de l’épithélium survient, et les symptômes de
la mucosite sont résolus. Il est important de noter que,
malgré une apparence normale de la muqueuse orale,
le patient demeure exposé à des risques de dommages
subséquents, car l’environnement normal a été altéré de
façon radicale2.
Dans ce modèle, l’inflammation joue un rôle clé et devient une cible thérapeutique intéressante. La morphine
en application topique pourrait être une option plus intéressante que l’administration parentérale. Outre l’élimination des effets secondaires systémiques courants des
opioïdes (altération de l’état mental, constipation, prurit,
dépendance physique et psychologique), la morphine
topique aurait également comme avantage un effet potentialisé en présence d’inflammation4. En effet, des récepteurs opioïdes périphériques apparaissent quelques
minutes à quelques heures suivant une réponse inflammatoire, et la durée d’analgésie de la morphine augmente de
façon linéaire avec la durée de l’inflammation. De plus, il
semblerait que des ligands opioïdes avec une préférence
pour les récepteurs µ, tels que la morphine, auraient un
effet plus puissant sur les tissus enflammés4.
Deux études de Cerchietti et coll. ont évalué l’efficacité
et l’innocuité de la morphine en gargarisme pour pallier la
douleur associée à des mucosites à la suite de traitements
myélosupressifs pour soigner un carcinome de la tête ou
du cou. L’incidence de mucosite oropharyngée dans cette
population s’élève pour atteindre 90 à100 %2. Dans leur
étude pilote en deux phases, ils ont tout d’abord tenté
de trouver une concentration de morphine efficace pour
dix patients subissant un traitement de radiothérapie et
chimiothérapie pour un carcinome de la région de la tête
et du cou4. Ils ont conclu que la solution de morphine, à
raison de 2 mg/ml, permettait un meilleur soulagement
de la douleur comparativement à la solution de 1 mg/ml
(soulagement à 80 % contre 60 %, p = 0,0238). Ensuite, ils
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
297
ont administré la solution de 2 mg/ml à 22 autres patients
présentant les mêmes caractéristiques que les patients
participant à la première phase de l’étude. Les patients
avaient comme instruction de se gargariser avec 15 ml de
solution, de la garder dans la bouche pendant 2 minutes
puis de la cracher. Les patients ont ressenti un soulagement partiel (50 %) ou complet (100 %) de la douleur en
28 (± 12) minutes, et ce soulagement durait pendant 216
(± 25) minutes. Presque tous les patients (95 %) ont ressenti au moins un effet secondaire local avec le gargarisme,
la dysgueusie et la xérostomie étant les deux symptômes
les plus fréquents. Dans leur deuxième étude, Cerchietti
et coll. ont comparé le gargarisme de morphine 2 mg/ml
avec une suspension de « rince-bouche magique » (suspension composée de magnésium et d’hydroxyde d’aluminium, de diphenhydramine et de lidocaïne visqueuse 2 %
à parts égales) traduction du terme Magic Mouthwash5.
Dans chaque groupe, les patients devaient se gargariser
avec 15 ml de solution, la garder dans la bouche pendant
2 minutes puis la cracher. Cette procédure était répétée
toutes les 3 heures, 6 fois par jour. La solution de morphine 2 mg/ml s’est avérée plus efficace, puisque la douleur intense persistait pendant 3,5 jours de moins que
dans le groupe qui utilisait le « rince-bouche magique »
(p = 0,032). De plus, seuls 3 des 14 patients (21 %) qui
utilisaient la morphine ont eu recours à des analgésiques
supplémentaires (oraux ou parentéraux) alors que ce fut
le cas pour 8 des 12 patients (67 %) utilisant le « rincebouche magique » (p = 0,019). Finalement, un plus grand
nombre de patients ont ressenti des effets secondaires
locaux (salive visqueuse, bouche sèche, perte de perception du goût) avec le « rince-bouche magique » qu’avec
la morphine (41,6 % contre 7 %, p = 0,007). Les auteurs
ont donc conclu que la morphine 2 mg/ml en gargarisme
s’avère une option thérapeutique intéressante pour le
traitement des mucosites chez les patients traités pour
un carcinome de la région de la tête et du cou, mais que
d’autres études étaient nécessaires pour confirmer ces
conclusions. La morphine présente en outre deux avantages importants, soit une facilité d’administration et un
faible risque d’effets secondaires.
Discussion
Actuellement, il n’existe pas de méthodes satisfaisantes pour le traitement de la mucosite orale chez les patients sous chimiothérapie, malgré la fréquence de cette
condition. Une grande variété d’agents sont actuellement
utilisés pour la prévention et le traitement des mucosites, mais les études sur le sujet sont peu nombreuses et il
existe donc peu de preuves de leur efficacité1,6.
La prise en charge de la mucosite implique trois étapes
importantes1,2,6 : santé orale générale, agents préventifs
et traitement palliatif. Tout patient devrait avoir subi une
évaluation de sa santé orale avant qu’un traitement myélosuppressif soit entrepris. Puis, parmi les agents préventifs, on retrouve la cryothérapie (efficace seulement
lors d’un traitement à base de bolus de 5-fluorouracil), la
glutamine, la chlorhexidine et l’amifostine. Pour le traitement des mucosites, les analgésiques oraux (souvent
les opiacés), les anesthésiants topiques et les diverses
préparations de « rince-bouche magiques » demeurent
les principaux agents utilisés pour les patients. Il est intéressant de constater que, malgré la fréquence de leur
utilisation, les « rince-bouche magiques », peu importe
leur composition, ont une efficacité qui n’est pas clairement démontrée pour le traitement de la douleur associée aux mucosites. En 2007, la palifermine, un facteur
de croissance recombinant humain des kératinocytes, a
été approuvée par Santé Canada pour le traitement des
mucosites chez les patients subissant une greffe de cellules souches1,6.
Tableau II : Protocole d’utilisation de la morphine en gargarisme de l’Hôpital pour enfants de Montréal
Choix du patient
Effectuer un test avec de l’eau avant
Mucosite de degré = 2
Patients doivent être capables de retenir l’administration du gargarisme de
un petit volume de liquide dans leur bou- morphine.
che sans l’avaler ensuite.
Préparation du gargarisme
2 000 mg de sulfate de morphine
(forme injectable) dans un volume final
de 1 000 ml
Concentration finale de 0,2 % ou 2 mg/ml
Dose
Prendre 15 ml de solution, la garder dans la Le soulagement de la douleur devrait être
bouche pendant 2 minutes puis la cracher. ressenti 30 minutes plus tard environ. On
Répéter toutes les 3 heures au besoin.
peut poursuivre le traitement au rince-bouche magique, mais l’arrêter 2 heures avant
la prise du gargarisme de morphine.
Suivi
Échelle de douleur
Effets secondaires topiques
et systémiques
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Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Stabilité : 48 heures à la température
de la pièce4
Effets secondaires :
- Picotements, irritation, démangeaisons
- Sensation de brûlure
- Bouche sèche
Dans le cas de notre patient, les agents habituels
étaient non seulement peu efficaces mais causaient des
effets secondaires délétères à sa qualité de vie. La morphine en gargarisme s’est avérée efficace et sans danger
pour lui. Rappelons que l’absorption transmucosale des
médicaments dépend de leur liposolubiltié, du pH de
l’environnement, de la concentration et de la durée du
contact avec l’agent. La morphine est faiblement lipophile et est ionisée à un faible pH (lors de radiothérapie,
le pH oral passe de 7 à 5,5 ou moins)4 et est donc peu absorbée. La démonstration a également prouvé que la rétention sublinguale, pendant dix minutes, d’une solution
de morphine dont le taux de concentration est de 5 mg/
ml pendant 10 minutes ne produisait qu’une biodisponibilité de 9 %. Lors de la première étude de Cerchietti, un
patient avait avalé 1 ml de solution de morphine 2 mg/ml.
Aucune concentration détectable de morphine n’a ensuite été décelée chez ce patient (inférieure à 10 ng/ml)4.
Le gargarisme de morphine présente donc peu d’effets
secondaires, puisque le risque d’absorption systémique
est quasiment nul.
Par contre, certains patients ne pourraient pas être admis à recevoir ce traitement, notamment les plus jeunes,
qui ne peuvent retenir un liquide dans leur bouche sans
l’avaler. Un protocole a été développé à l’Hôpital de Montréal pour la sélection et le suivi des patients pouvant
être admis à recevoir le traitement de gargarisme à base
de morphine.
Abstract
Objective: Following a case presentation, to discuss the pathophysiology and different treatment options for mucositis secondary to chemotherapy.
Case description: A patient treated for an osteosarcoma had severe mucositis requiring high doses
of intravenous morphine for pain relief. In order to
minimize the systemic side effects of morphine, a 2
mg/ml morphine-based mouthwash was started (to be
kept in the mouth for 2 minutes, then spit out), with
promising results. Soon after, the patient no longer
needed parenteral morphine and a rapid improvement
in nutritional intake was observed.
Conclusion: Despite the frequency of mucositis during chemotherapy treatment and the array of available agents for treatment and prevention, few have
been shown to be effective in a clinical study context.
The morphine-based mouthwash is an interesting therapeutic option but new studies are required.
Key words: mucositis, mouthwash, morphine, chemotherapy
Conclusion
La mucosite constitue une comorbidité fréquente liée
aux traitements myélotoxiques, mais il n’existe pas de
traitement définitif pour la prévenir et soulager les patients de la douleur qui lui est associée. Si ces patients ne
peuvent recevoir de soulagement efficace, leur condition
peut rapidement se détériorer et même entraver le traitement du cancer. La morphine en solution de gargarisme
est une option thérapeutique, puisque son utilisation est
facile et que le risque d’effets secondaires est minime.
Par contre, d’autres études sont nécessaires pour valider
son utilisation auprès d’un plus large éventail de patients
en oncologie.
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Pour toute correspondance:
Jessika Truong
Département de pharmacie
Hôpital de Montréal pour Enfants
2300, rue Tupper
Montréal (Québec) H3H 1P3
Téléphone : 514 412-4400 ext : 22215
Télécopieur : 514 412-4361
Courriel : [email protected]
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
299
VOTRE EXPÉRIENCE AVEC...
Ponctions lombaires et administration de chimiothérapie intrathécale en pédiatrie
Annie Viau
afin de prévenir les erreurs, dont la plus redoutable est
l’injection intrathécale de vincristine.
Résumé
Objectif : Cet article décrit l’expérience des phamaciens de la pharmacie satellite d’hémato-oncologie
du Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine
avec la préparation de chimiothérapie intrathécale en
pédiatrie.
Mise en contexte : Il y a un manque important de
données scientifiques concernant la dilution, la préparation et la stabilité de la chimiothérapie intrathécale.
Au Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine,
le nombre important de patients nécessitant de multiples ponctions lombaires accompagnées d’administration de chimiothérapie a permis aux pharmaciens
de développer une certaine expertise quant à la préparation de ces médicaments. Étant donné la nature cytotoxique des produits utilisés ainsi que leur voie d’administration particulière, de nombreuses précautions
doivent être prises lors de leur préparation. De plus,
une sédation adéquate ainsi qu’une bonne gestion des
effets secondaires sont primordiales afin d’éviter un
traumatisme psychologique lié aux ponctions lombaires multiples.
Conclusion : Cet article pourra servir de guide pour
les centres hospitaliers qui doivent occasionnellement
préparer une seringue de chimiothérapie intrathécale
selon l’expérience acquise auprès de patients pédiatriques.
Mots clés : ponction lombaire, chimiothérapie intrathécale, pédiatrie, oncologie, sédation, céphalées
postponction lombaire, nausées, vomissements.
Introduction
La ponction lombaire est un outil diagnostique important en oncologie, puisqu’il permet de vérifier si les cellules cancéreuses ont atteint le système nerveux central
(SNC). Lors de la même procédure, il est possible d’administrer de la chimiothérapie intrathécale afin de traiter ou
de prévenir un envahissement néoplasique du SNC. Les
principaux médicaments utilisés sont le méthotrexate
(MTX), la cytarabine et l’hydrocortisone1. Les principaux
effets secondaires de la procédure ou de la chimiothérapie intrathécale peuvent être prévenus par l’administration de médicaments anti-nauséeux et sédatifs et par
certaines mesures non médicamenteuses. L’implantation
de procédures pour la dilution, la préparation et la stabilité de la chimiothérapie intrathécale est très importante
300 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Les ponctions lombaires
La ponction lombaire consiste en l’introduction d’une
aiguille dans l’espace sous-arachnoïdien dans le but de
prélever du liquide céphalo-rachidien (LCR) à des fins
diagnostiques ou thérapeutiques2. Par exemple, une
ponction lombaire est effectuée pour confirmer un diagnostic de méningite ou pour vérifier s’il y a une atteinte
néoplasique du SNC. Son utilisation thérapeutique se traduit par l’injection intrathécale de chimiothérapie ou de
produits anesthésiants. De plus, il est possible de mesurer la pression du LCR à l’aide d’un manomètre et d’en
retirer l’excès au besoin2. Avant de procéder à une ponction lombaire, on doit absolument vérifier le décompte
plaquettaire du patient afin de prévenir les complications
hémorragiques. Bien que le seuil accepté varie selon la
personne qui fait la procédure, il est normalement souhaitable que le nombre de plaquettes soit supérieur à
50 × 109/l3. En pédiatrie, puisque les ponctions lombaires sont effectuées sous sédation, le patient doit être à
jeun depuis minuit la veille de la procédure pour éviter
une aspiration3. L’analgésie et la sédation sont utilisées
d’emblée pour les patients en pédiatrie afin d’éviter un
traumatisme psychologique lié aux ponctions lombaires
multiples. La combinaison de fentanyl et de midazolam
n’est pas utilisée fréquemment à cause de la possibilité
de réaction paradoxale au midazolam chez les jeunes
enfants (cris et pleurs inconsolables, agitation). Les doses utilisées en hémato-oncologie du CHU Sainte-Justine sont les suivantes : fentanyl 1 mcg/kg/dose IV bolus
(maximum 50 mcg) et midazolam 0,1 mg/kg/dose IV bolus
(maximum 5 mg)3,4. Les seringues prêtes à administrer
sont préparées par la pharmacie d’oncologie du Centre
hospitalier. Pour le midazolam, deux doses sont préparées. Ainsi, une deuxième dose peut être administrée si
la sédation est jugée insatisfaisante à la suite de la première dose. Pour les doses de moins de 5 mg et de plus
de 2,5 mg, la deuxième seringue complète la première
dose pour un total de 5 mg3,4. Pour les doses de 2,5 mg et
moins, deux seringues de même volume sont préparées3.
Annie Viau, B.Pharm., M.Sc., est pharmacienne au
Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine,
CHU Sainte-Justine
La combinaison de propofol et de kétamine est utilisée
par les anesthésistes. Les médicaments sont fournis en
fioles par la pharmacie d’oncologie (propofol 10 mg/ml et
kétamine 50 mg/ml), et les doses sont préparées et administrées par l’anesthésiste dans la salle de ponction3.
Afin de minimiser la douleur au site de la ponction, la
crème EmlaMD (lidocaïne 2,5 % et prilocaïne 2,5 %) est appliquée localement environ une heure avant la procédure3.
Lors de la procédure, le patient doit être en décubitus
latéral gauche (pour un médecin droitier)5. Les épaules
et les hanches doivent être alignées et perpendiculaires
au plancher6. Si aucune sédation n’est utilisée, il est possible que le patient soit en position assise. Les lecteurs
intéressés à voir une illustration de la position du patient
lors d’une ponction lombaire peuvent consulter l’article
de Straus et coll6.
La ligne qui joint la partie supérieure de chaque crête
iliaque passe en son centre par la vertèbre L4 ou l’espace
intervertébral L4/L55,6. Chez les adultes, l’aiguille peut
être insérée dans l’espace intervertébral L3/L4, L4/L5 ou
L5/S1, car la moelle épinière se termine normalement au
niveau de l’espace intervertébral L1/L25,6. Chez les enfants, l’aiguille peut être insérée dans l’espace intervertébral L4/L5 ou L5/S1, car la moelle épinière se termine
normalement au niveau de la vertèbre L35. Lors de la procédure, afin de vérifier si l’aiguille est insérée assez profondément pour atteindre l’espace sous-arachnoïdien,
on retire partiellement le stylet de l’aiguille5. Ainsi, lorsque le LCR s’écoule de l’aiguille, le stylet peut être retiré
complètement et le LCR récolté dans un tube de prélèvement5. Le matériel nécessaire à la procédure est une
tige montée imbibée d’une solution antiseptique (gluconate de chlorhexidine 0,5 % P/V et alcool isopropylique
70 % V/V par exemple), une aiguille à ponction lombaire
standard avec biseau de QuinckeMD ou une aiguille non
traumatique avec un biseau de WhitacreMD (figure 1)7, un
tube de prélèvement et la seringue de chimiothérapie
pour pratiquer l’injection intrathécale en cas de nécessité6. Le prolongateur avec connecteur en T est un outil
qui peut être utilisé pour injecter facilement la chimiothérapie tout en minimisant les mouvements de l’aiguille
au niveau du site de ponction, puisque la seringue n’est
pas connectée directement à celle-ci.
Figure 1. Différents modèles d’aiguilles à ponction
lombaire (aiguille avec un biseau de QuinckeMD à gauche
et aiguille avec un biseau de WhitacreMD à droite)7
Les effets secondaires de la ponction lombaire
Les effets secondaires les plus fréquents sont une
douleur au niveau du site de la ponction lombaire et des
céphalées. Les céphalées postponction lombaire se définissent comme une douleur bilatérale au niveau frontal
et occipital, qui irradie jusqu’au cou et aux épaules8. La
douleur s’amplifie environ 15 minutes après l’adoption
d’une position verticale et s’atténue environ 30 minutes
après le retour en position allongée. Elle apparaît moins
de sept jours après la ponction lombaire (habituellement
24 à 48 heures) et se résout habituellement en l’espace de
14 jours8,9. Les symptômes qui lui sont souvent associés
sont une raideur de la nuque, des nausées et vomissements, des vertiges et un tintement d’oreilles8. L’origine
des céphalées serait une hypotension intracrânienne
causée par une fuite constante du LCR au site de la
ponction lombaire9. Deux mécanismes ont été proposés
pour expliquer l’apparition de la douleur. Premièrement,
la réduction du volume de LCR amincit le coussin qui
soutient le cerveau et les structures sensitives qui l’entourent9. Lorsque le patient est en position verticale, cela
crée une pression plus importante sur ces structures, ce
qui cause la douleur9,10. Le deuxième mécanisme implique l’activation des récepteurs de l’adénosine causée par
la réduction du volume de LCR9. L’activation de ces récepteurs entraîne une vasodilatation cérébrale qui crée
une tension sur les structures sensitives du cerveau9.
Chez les adultes, la fréquence des céphalées faisant suite
à une ponction lombaire varie entre 1 et 70 % selon plusieurs facteurs, dont le plus important est le diamètre
de l’aiguille utilisée9. De plus, la fréquence est plus élevée chez les jeunes adultes (pic de fréquence entre 18 et
30 ans), chez les femmes (deux fois plus de risque que
les hommes), chez les femmes enceintes et chez les personnes ayant un faible indice de masse corporelle9. En
pédiatrie, les céphalées suivant une ponction lombaire
sont moins fréquentes que chez les adultes9. Ce fait peut
être expliqué par une plus faible pression intracrânienne
et une plus grande rigidité de l’espace épidural chez les
enfants9. Par ailleurs, il peut être plus difficile d’identifier
le problème de céphalée chez les jeunes patients9. Différentes interventions ont été évaluées afin de vérifier si
elles peuvent permettre de réduire le risque de céphalées
causées par une ponction lombaire. Premièrement, les
études effectuées chez les adultes montrent que la fréquence des céphalées est directement proportionnelle au
diamètre de l’aiguille utilisée pour faire la ponction lombaire11. Une seule étude a été effectuée en pédiatrie, et
celle-ci n’a pas réussi à démontrer l’influence du diamètre
de l’aiguille sur les céphalées postponction lombaire9. Cet
élément peut tout de même être pris en considération en
pédiatrie si on veut tenter de réduire le nombre de cas de
céphalées. Les différentes aiguilles pouvant être utilisées
ont un diamètre de 20G, 22G ou 25G11. Les inconvénients
à utiliser une aiguille de diamètre inférieur à 20G sont un
allongement de la durée du prélèvement du LCR, ce qui
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
301
implique un risque plus élevé que la procédure échoue11.
De plus, les études effectuées auprès d’adultes montrent
que le modèle de l’aiguille à ponction a une influence sur
le nombre de cas de céphalées postponction lombaire.
L’aiguille à bout coupant (QuinckeMD) est associée à un
plus grand nombre de céphalées que les modèles à bout
rond (SprotteMD, WhitacreMD)11. Une seule étude a été effectuée en pédiatrie, et celle-ci n’a pas réussi à montrer
l’influence du modèle de l’aiguille sur les céphalées subséquentes à une ponction lombaire9. Cet élément est tout
de même pris en considération en pédiatrie pour tenter
de réduire le nombre de cas de céphalées. Les inconvénients à utiliser une aiguille à bout rond sont un coût plus
élevé et un risque augmenté de paresthésies8. En effet,
l’aiguille à bout rond doit être insérée plus profondément dans l’espace sous-arachnoïdien, car l’ouverture de
l’aiguille qui recueille le LCR est située 0,5 mm avant le
bout de celle-ci8. L’orientation du biseau de l’aiguille, lors
de l’insertion, est un autre facteur à considérer afin de
prévenir le risque de céphalées à la suite d’une ponction
lombaire. Si la coupe du biseau de l’aiguille est parallèle
à l’axe de la colonne vertébrale, l’aiguille s’insère entre
les fibres élastiques de la dure-mère au lieu de les couper,
ce qui réduit le risque de céphalées13.
Le stylet est une petite tige métallique qui est laissée
à l’intérieur de l’aiguille lors de l’insertion de celle-ci au
site de ponction et qui est retirée pour recueillir le LCR.
Le fait de remettre le stylet dans l’aiguille avant de retirer l’aiguille du site de ponction permettrait de laisser
en place le morceau de dure-mère qui a été ponctionné
plutôt que de le retirer en même temps que l’aiguille11,13.
Ainsi, cette précaution permettrait de prévenir l’apparition de céphalées.
Normalement, la fréquence des céphalées augmente
avec le nombre de ponctions lombaires effectuées chez
un même patient, car la dure-mère se trouve perforée à
plusieurs endroits12. Plusieurs facteurs n’ont pas montré
de relation avec le nombre de cas de céphalées postponction lombaire. Par exemple, le volume de LCR prélevé,
une augmentation des apports liquidiens et la position
du patient lors de la ponction lombaire (assis ou couché)
ne semblent pas influencer l’apparition de céphalées12.
Le fait de rester allongé jusqu’à 24 heures après la procédure peut aussi retarder l’apparition des céphalées, mais
cette mesure ne semble pas en réduire la fréquence11,13.
Cependant, après l’administration de chimiothérapie intrathécale, on recommande que le patient reste allongé
pendant environ une heure pour permettre une meilleure
distribution des médicaments au niveau des ventricules
cérébraux.
Si des céphalées apparaissent, le traitement habituel
consiste en la prise d’analgésiques et d’anti-émétiques, en
une augmentation des apports liquidiens et dans le maintien d’une position couchée pendant 24 à 48 heures9. Si
les symptômes persistent, les traitements normalement
302 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
disponibles sont l’epidural blood patch, l’epidural saline et l’epidural dextran 40. L’epidural blood patch est
l’injection d’un petit volume de sang autologue dans l’espace épidural au même site que la ponction lombaire9.
En coagulant, le sang va former un bouchon au niveau
de la dure-mère. De plus, le volume injecté contribue à
normaliser la pression du LCR, ce qui expliquerait le soulagement rapide des symptômes qui font suite à la procédure. Le volume de sang injecté dépend du poids du patient (normalement entre 5 et 25 ml). Le sang est injecté
jusqu’à ce que le patient ressente une légère pression au
niveau du site d’injection. La principale contre-indication
à l’administration de l’epidural blood patch est la présence anormale de blastes dans la circulation sanguine.
L’epidural saline est l’injection épidurale de chlorure de
sodium 0,9 % au même site que la ponction lombaire10.
Le principe est le même que pour l’epidural blood patch.
Cependant, cette technique est très peu efficace, puisque
le soluté diffuse rapidement hors de l’espace épidural.
L’epidural dextran 40 suit le même principe que l’epidural saline, mais le soluté semble rester plus longtemps
dans l’espace épidural étant donné son haut poids moléculaire et sa viscosité12. Un autre traitement pouvant
être utilisé est la prise de caféine par voie orale ou intraveineuse. Elle entraîne une vasoconstriction cérébrale par
blocage des récepteurs de l’adénosine, ce qui permettrait de
réduire les céphalées12. Aucune étude n’a donné de résultats
convaincants, et les effets secondaires d’une administration
intraveineuse de caféine sont importants, surtout au niveau
cardiaque et du système nerveux central12.
L’administration de chimiothérapie intrathécale
L’administration de chimiothérapie directement au niveau du SNC vise principalement l’atteinte d’une concentration de chimiothérapie plus élevée dans le LCR et la
minimisation de la toxicité systémique. Elle permet
également d’obtenir un temps de demi-vie plus long des
médicaments injectés, car le métabolisme de ceux-ci
est négligeable1. Par exemple, au niveau du SNC, la présence de l’enzyme cytidine désaminase, qui transforme
l’Ara-C (cytarabine) en Ara-U (son métabolite), est très
faible1. Le principal mécanisme menant à l’élimination
des médicaments est la régénération constante du LCR
à une vitesse d’environ 0,35 ml/min1. L’administration de
chimiothérapie intrathécale fait partie du traitement de
plusieurs types de cancers, dont les principaux sont la
leucémie aiguë lymphoblastique et non lymphoblastique,
le lymphome de Burkitt et le lymphome lymphoblastique.
Dans les leucémies, la chimiothérapie intrathécale sert à
prévenir les rechutes au niveau du SNC. Elle remplace
ou potentialise la radiothérapie du SNC, qui entraîne
beaucoup de neurotoxicité. Dans les lymphomes, l’administration systémique de MTX à haute dose est combinée à l’administration intrathécale de MTX de manière à
prolonger l’effet des dosages thérapeutiques de MTX au
niveau du LCR. Les différents médicaments qui peuvent
être injectés au niveau du SNC sont le MTX, la cytarabine
ou Ara-C et l’hydrocortisone, puisque ceux-ci ont un effet
thérapeutique au niveau du SNC et n’ont peu ou pas de
neurotoxicité1. Le plus souvent, la dose du médicament
est calculée selon l’âge et non selon la surface corporelle
de l’enfant, car le volume de LCR d’un enfant augmente
plus rapidement que sa surface corporelle1. À l’âge de
trois ans, l’enfant a un volume de LCR équivalent à celui d’un adulte1. Par exemple, dans le protocole Boston
2005-01 pour le traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique, les doses de MTX, de cytarabine et d’hydrocortisone intrathécale sont respectivement de 8 mg, 20 mg
et 9 mg si l’enfant est âgé entre un an et moins de deux
ans, de 10 mg, 30 mg et 12 mg si l’enfant a de deux ans
à moins de trois ans et de 12 mg, 40 mg et 15 mg si l’enfant a trois ans ou plus. Les doses et la combinaison des
différents agents de chimiothérapie peuvent varier selon
les protocoles, la formule sanguine, les antécédents ou la
condition actuelle du patient. Par exemple, si un patient
présente une mucosite importante, le MTX ne sera pas
administré lors de la ponction lombaire.
Les effets secondaires de la chimiothérapie
intrathécale
Les principaux effets indésirables qui font suite à l’administration intrathécale de chimiothérapie sont des
nausées et des vomissements. On peut utiliser des anti-nauséeux afin de prévenir ces effets secondaires. Les
antagonistes de la sérotonine appelés « sétrons » sont les
anti-nauséeux de première ligne en pédiatrie pour éviter
les effets extrapyramidaux fréquents liés au métoclopramide. Les médicaments et les doses utilisés sont les suivants : ondansétron 5 mg/m2/dose (maximum 8 mg) IV
pour une dose ou 0,15 mg/kg/dose et granisétron 40 mcg/
kg/dose (maximum 2 000 mcg) IV pour une dose3,4. La
dose est normalement administrée immédiatement après
la ponction lombaire pour des questions de logistique. Les
autres effets secondaires possibles de la chimiothérapie
intrathécale sont une neurotoxicité, des convulsions et
une paraplégie transitoire. La neurotoxicité peut être secondaire au MTX ou à l’Ara-C intrathécal1. Cependant, la
neurotoxicité secondaire au MTX intrathécal est mieux
décrite. Les différents facteurs de risque sont l’administration de doses élevées de chimiothérapie systémique,
la radiothérapie crânienne concomitante ou une infiltration néoplasique des méninges1. La neurotoxicité causée
par le MTX intrathécal se divise en plusieurs catégories.
Premièrement, l’arachnoïdite chimique est une réaction
aiguë qui dure de quelques heures à quelques jours après
l’injection intrathécale de MTX. Elle est caractérisée par
des vomissements, des céphalées, une rigidité de la nuque, une douleur lombaire, de la fièvre et une pléocytose,
qui signifie une abondance de lymphocytes dans le LCR1.
L’apparition de cette réaction est influencée par la dose
de chimiothérapie intrathécale et par la fréquence des
ponctions lombaires. La gravité de cette réaction peut
être minimisée par l’administration de dexaméthasone.
La neurotoxicité subaiguë se manifeste de deux à trois
semaines après l’injection intrathécale de MTX. Elle implique la paralysie des membres ou des nerfs crâniens
causée par une concentration toxique persistante du médicament au niveau du LCR1. La leucoencéphalopathie
démyélinisante est une forme de neurotoxicité qui peut
être observée des mois ou des années après l’injection
intrathécale de MTX. Elle se manifeste principalement
par de la spasticité au niveau des membres, mais elle
peut également mener à la démence et au coma. Finalement, une surdose de MTX causée par l’administration
intrathécale d’un volume important de MTX en solution
concentrée entraîne une neurotoxicité sévère ou la mort.
Les différents traitements possibles d’une surdose sont
un drainage du LCR, une perfusion ventriculo-lombaire, l’administration systémique d’acide folinique à dose
élevée ou l’administration intrathécale de glucarpidase
ou carboxypeptidase-G2, une enzyme qui métabolise le
MTX. La posologie de la glucarpidase, comme traitement
de secours, consiste en une dose unique de 2 000 unités,
qui est diluée dans un volume de chlorure de sodium
(NaCl) 0,9 % en fonction de l’âge du patient14.
Préparation et stabilité de la chimiothérapie
intrathécale
Plusieurs précautions doivent être prises lors de la préparation de la chimiothérapie intrathécale. Afin de minimiser le risque d’erreurs, les procédures suivantes ont été
adoptées au CHU Sainte-Justine lors de la préparation de
la chimiothérapie intrathécale. Premièrement, seuls les
produits à usage intrathécal sont présents dans la hotte
durant la préparation des chimiothérapies intrathécales3.
De plus, un seul prélèvement est effectué dans chaque
fiole, ce qui implique qu’une fiole différente de médicament et de diluant est utilisée pour chaque chimiothérapie intrathécale prescrite3. La dilution du médicament
contenu dans les fioles est faite immédiatement avant la
préparation afin de limiter les risques de contamination3.
Les recommandations quant à la dilution de MTX, de cytarabine et d’hydrocortisone contenus dans les fioles sont
tirées des monographies des produits15-17 et également de
l’expérience clinique des pharmaciens ayant participé à
plusieurs protocoles de recherche au CHU Sainte-Justine. Afin de limiter le risque d’erreurs, on utilise en tout
temps les dilutions présentées au tableau I, même si les
différents protocoles de recherche recommandent parfois une dilution différente de celles-ci.
Lorsque les différents volumes de médicaments ont
été prélevés, ils sont mis dans une même seringue à l’aide
d’un adaptateur à double embout verrouillable (Luer-lockMD
to Luer-lockMD). Toutes les préparations sont combinées
dans une seule seringue à embout verrouillable (LuerlockMD) de 10 ml, identifiée au nom du patient et prête à
l’administration.
Certains auteurs mentionnent que le mélange du MTX,
de la cytarabine et de l’hydrocortisone est stable au
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
303
Tableau I. Dilution des médicaments utilisés en pédiatrie au CHU Sainte-Justine lors de l’administration intrathécale de chimiothérapie3,14-16
Médicaments
hydrocortisone 100 mg/fiole sans agent de conservation
cytarabine 100 mg/fiole sans agent de conservation
2 ml de méthotrexate sans agent de conservation 10 mg/ml
Dilution
4 ml de NaCl 0,9 %
5 ml de NaCl 0,9 %
8 ml NaCl 0,9 %
Concentration finale
25 mg/ml1
20 mg/ml
2 mg/ml
1- La monographie de l’hydrocortisone recommande une dilution à raison de 50 mg/ml, toutefois, au CHU Sainte-Justine, nous utilisons
une dilution à raison de 25 mg/ml compte tenu des faibles volumes utilisés pour l’administration intrathécale.
moins huit heures dans le NaCl 0,9 %, le lactate Ringer,
le dextrose 5 % et la solution Elliot’s B18,19. Au CHU Sainte-Justine, certains protocoles proposaient une chimiothérapie intrathécale composée de cytarabine et de MTX
sans hydrocortisone, ce qui a permis de faire certaines
observations. Lors du mélange du MTX et de la cytarabine dans le Lactate Ringer, un précipité se formait après
environ deux heures20. La précipitation serait causée par
la différence de pH entre le MTX (pH 8,5) et la cytarabine
(pH 5) et la présence de calcium dans le Lactate Ringer20.
La calcium déplacerait le sodium du sel de MTX et formerait un complexe insoluble20. Le mélange de ces deux
mêmes médicaments dans le NaCl 0,9 % ne formait pas
de précipité20. À la suite de cette observation, le diluant
utilisé pour chacun des médicaments est le NaCl 0,9 %.
De plus, afin de maintenir une certaine uniformité, la stabilité d’une seringue de chimiothérapie intrathécale a été
fixée de façon empirique à une heure après sa préparation, peu importe le nombre de médicaments combinés
dans la seringue. Les chimiothérapies intrathécales sont
donc préparées juste avant leur administration.
re primordiale. Le tableau II énumère les procédures qui
ont été mises en place au CHU Sainte-Justine afin de prévenir les injections intrathécales de vincristine.
Tableau II. Procédures qui ont été mises en place
au CHU Sainte-Justine afin de prévenir une injection intrathécale de vincristine2
Code de couleur pour l’étiquetage des seringues qui seront administrées par voie intrathécale (étiquette rouge).
Toutes les chimiothérapies intrathécales sont servies dans une
seringue de 10 ml alors que la vincristine intraveineuse est servie dans une seringue de 3 ml.
Seuls les produits à usage intrathécal sont présents dans la hotte durant la préparation des chimiothérapies intrathécales.
Une étiquette « attention précautions spéciales » est apposée
sur le sac dans lequel est servie la seringue et sur la boîte de
transport.
Seuls les médicaments servant à la ponction lombaire sont présents dans la salle de ponction (seringue de chimiothérapie intrathécale, analgésique et sédatif).
Sur l’étiquette de la vincristine en seringue, il est précisé *** NE
JAMAIS ADMINISTRER INTRATHÉCALE ***.
Injection accidentelle de vincristine intrathécale
L’injection intrathécale de vincristine entraîne une
neurotoxicité sévère qui est souvent fatale. Les symptômes qui se manifestent en premier sont des tremblements, une désorientation, des nausées et des vomissements21. Ces symptômes sont rapidement suivis par une
dysfonction sensitive et motrice causée par une dégénération axonale et une perte de la myéline entourant
les fibres nerveuses spinales21. Les symptômes les plus
sévères sont une encéphalopathie, un coma et la mort.
La détérioration progressive jusqu’à la mort se produit
normalement sur une période de 7 à 83 jours (10 jours en
moyenne) selon les cas rapporté dans la littérature médicale21. Les cas rapportés touchent principalement des
patients atteints de leucémie aiguë lymphoblastique, car
la vincristine fait partie du même bloc de traitement que
la ponction lombaire. De plus, le volume de vincristine
peut être similaire au volume de chimiothérapie injecté
intrathécal. Les différentes tentatives de traitement qui
sont décrites dans la littérature scientifique comprennent
le drainage immédiat et continu du LCR avec du lactate
Ringer afin de diluer et d’éliminer la vincristine, la neurochirurgie ainsi que l’administration d’acide glutamique21.
Étant donné le faible taux de réussite de ces méthodes,
l’application de différents moyens de prévention demeu-
304 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Conclusion
En oncologie, la ponction lombaire est une technique
utilisée pour vérifier s’il y a une atteinte néoplasique du
SNC. Selon l’expérience pédiatrique du CHU Sainte-Justine, les principaux médicaments pouvant être administrés
en injection intrathécale sont le MTX, la cytarabine et l’hydrocortisone. La chimiothérapie intrathécale est utilisée
régulièrement dans les protocoles de traitement des lymphomes et de la leucémie aiguë lymphoblastique. Elle peut
entraîner plusieurs effets indésirables liés aux médicaments injectés ou à la procédure elle-même. L’implantation
de procédures concernant toutes les étapes de la préparation de la chimiothérapie intrathécale est très importante
pour la prévention d’erreurs pouvant être fatales.
Pour toute correspondance :
Annie Viau
Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine
Département de pharmacie
3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1C5
Téléphone : 514 345-4865
Télécopieur : 514 345-4899
Courriel : [email protected]
Abstract
Références
1.
Objective: This article describes the experience
of pharmacists of the hematology-oncology satellite
pharmacy of the Centre hospitalier universitaire de
Sainte-Justine with the preparation of intrathecal chemotherapy in pediatrics.
2.
Context: There is a significant lack of scientific
information regarding the dilution, preparation and
stability of intrathecal chemotherapy. The fact that
many patients need multiple lumbar punctures along
with chemotherapy at the Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine allowed pharmacists to develop a certain expertise in the preparation of these
drugs. Given the cytotoxic nature of these products
and their particular route of administration, numerous
precautions must be taken during their preparation.
In addition, adequate sedation and proper side effect management are of primary importance to avoid
the psychological trauma related to multiple lumbar
punctures.
6.
Conclusion: Based on the experience gained from
pediatric patients reported in this article, it may be
used as a guide for hospitals that occasionally have to
prepare intrathecal chemotherapy.
16.
Key words: lumbar puncture, intrathecal chemotherapy, pediatrics, oncology, sedation, post lumbar
puncture headache, nausea, vomiting.
19.
3.
4.
5.
7.
8.
9.
10.
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12.
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Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
305
GESTION
Application pratique de la numérisation des ordonnances en pharmacie hospitalière
Denis Lebel, Visal Uon, Mélanie Caron, Jean-François Bussières
Résumé
Objectif : L’objectif de cet article est de décrire trois
exemples concrets de numérisation des ordonnances
existant au Québec.
Mise en contexte : Plusieurs établissements envisagent le recours à la numérisation afin d’optimiser
leur processus de traitement des ordonnances. Trois
établissements de santé ont implanté différentes solutions de numérisation au CHU Sainte-Justine (développement d’un logiciel complémentaire de traitement des ordonnances télécopiées avec intégration au
dossier pharmacologique), à l’Hôpital Charles LeMoyne et au CSSS Sorel-Tracy (implantation d’un logiciel
complémentaire de traitement des ordonnances télécopiées sans intégration au dossier pharmacologique)
et au CSSS Haut-Richelieu-Rouville (développement
d’une base de courrier Lotus Notes permettant le traitement des ordonnances).
Conclusion : Il existe différentes solutions techniques permettant la numérisation et le traitement
des ordonnances de médicaments en établissement
de santé au Québec. Cet article décrit trois solutions
techniques différentes, qui peuvent améliorer le circuit du médicament.
Mots-clés : circuit du médicament, télécopie, numérisation des ordonnances
Introduction
C’est en 1843 que le Franco-Suisse Puthomme a déposé la première demande de brevet pour la transmission
de documents écrits à l’aide du réseau télégraphique. En
1902, l’Allemand Arthur Kom a réussi le premier transfert de photographies par téléphone. C’est en 1907 que le
Français Édouard Belin perfectionne ce procédé et crée
le bélinographe, maintenant appelé télécopieur (fax). La
qualité et la vitesse des images transmises par les télécopieurs ont augmenté jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix. Progressivement remplacée par des numériseurs, cette technologie est en déclin depuis les années
2000. Certains hôpitaux ont toutefois des parcs de télécopieurs importants, qu’il est possible d’utiliser de façon
novatrice.
En pharmacie, le télécopieur est utilisé pour la transmission des ordonnances depuis les années quatre-vingt.
Dans un contexte de pénurie de ressources, de regroupe-
306 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
ments de sites physiques distincts en un même établissement, de numérisation des processus et de création d’un
dossier de la santé au Québec, plusieurs établissements
procèdent à la numérisation des ordonnances. L’objectif
de cet article est de décrire trois exemples concrets de
numérisation des ordonnances existant au Québec.
Problématique
En 1993, l’Ordre des pharmaciens du Québec a publié
deux normes (93.01 et 93.02) sur l’utilisation du télécopieur, dans le cadre de la pratique en pharmacie privée
et en établissement de santé. En janvier 2008, l’Ordre a
publié une norme révisée qui remplace les deux précédentes1. La norme précise le contexte et la portée, les
dispositions légales, les avantages et risques du télécopieur, la position commune du Collège des médecins et
de l’Ordre, les responsabilités du pharmacien en pratique
privée et en établissement de santé (12 règles). La norme reconnaît que la télécopie reçue au département de
pharmacie peut être considérée comme un original mais
qu’elle est aussi une deuxième copie officielle de l’ordonnance paraphée par le pharmacien de l’établissement. La
conservation de cette télécopie devrait être aussi longue
que le prévoit le Règlement sur la tenue de dossiers et,
idéalement, conservée aussi longtemps que l’ordonnance
originale, une recommandation difficile à respecter avec
un archivage traditionnel de type papier. La norme précise que le pharmacien doit également avoir accès en tout
temps à l’ordonnance originale pour y faire les validations appropriées. Le chef du département de pharmacie
doit établir une procédure régissant l’émission et l’exécution des ordonnances, approuvée par le Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens. Ce cadre normatif
Denis Lebel, B.Pharm., M.Sc., est adjoint au chef, aux soins
pharmaceutiques, à l’enseignement et à la recherche au
département de pharmacie du CHU Sainte-Justine
Visal Uon, B.Pharm., M.Sc., est chef du département de
pharmacie de l’Hôpital Charles Lemoyne et chef intérimaire
du département de pharmacie du CSSS Sorel-Tracy
Mélanie Caron, B.Pharm., M.B.A., est chef du département
de pharmacie du CSSS Haut-Richelieu-Rouville
Jean-François Bussières, B.Pharm, M.Sc., M.B.A., est chef
du département de pharmacie et de l’unité de recherche en
pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire de clinique à la Faculté de pharmacie de
l’Université de Montréal
respecte le cadre législatif canadien et québécois entourant la protection des renseignements personnels.
Bien que le recours à la télécopie comporte plusieurs
avantages (p. ex. réduction des délais de transmission
entre l’unité de soins et la pharmacie, élimination de la
gestion de copies multiples, etc.), elle comporte aussi
des désavantages (p. ex. espace pour archivage, télécopies non utilisables pour la rédaction de notes du pharmacien à verser au dossier médical, possibilité d’ajouts
après la première transmission, etc.). Dans le contexte
de la mise à niveau du circuit du médicament et des balises données par l’Ordre en ce qui concerne la télécopie, plusieurs départements de pharmacie envisagent la
conservation sous forme numérisée des ordonnances de
médicaments, comme le font d’autres départements (p.
ex. numérisation des images de radiologie, du dossier
des patients, etc.). Nous définissons la numérisation des
ordonnances comme étant la transformation d’un document papier en document électronique qui peut être
consulté, annoté, paraphé et archivé dans le respect du
cadre légal en pharmacie. Bien que la norme sur la télécopie offre plusieurs balises pertinentes, l’Ordre travaille
actuellement à la rédaction d’une norme distincte sur la
numérisation.
Dans la documentation, il existe peu de données sur
l’utilisation de la télécopie en pharmacie2. Dans le rapport sur les systèmes automatisés et robotisés de distribution des médicaments publié en 2005, on observe que
54 % des établissements de santé interrogés ont recours
à des télécopieurs3. Toutefois, depuis les années 2000, on
recense plusieurs publications sur la numérisation des
ordonnances. Cronk observe une réduction du temps
moyen de traitement des ordonnances de 162 à 14 minutes à la suite d’une réorganisation globale du traitement
des ordonnances, incluant la numérisation4. Sikri et coll.
notent une réduction du temps moyen de traitement des
ordonnances de 41 à 27 minutes grâce à la numérisation5.
D’autres études décrivent les modalités et l’impact de la
numérisation sur la sécurité des prestations6-8.
Résolution de la problématique
Le tableau I présente de façon conceptuelle les composantes d’un processus structuré de numérisation et
trois applications pratiques. Au CHU Sainte-Justine, le
télécopieur est utilisé depuis 1993. Deux études démontrent que plus de 98 % des ordonnances télécopiées sont
lisibles par la pharmacie9. L’archivage physique annuel
des ordonnances télécopiées représente un volume de
50 m3. En 2007, le département de pharmacie a procédé
avec CGSI Technologies au développement d’un module
de numérisation (NumeRxMD) en tenant compte des principes suivants : intégration des documents numérisés au
dossier pharmacologique (GesphaRxMD) avec archivage
permanent, possibilité d’annotations avec texte et symboles, signature électronique, capacité de tri et groupage
des documents en file d’attente. L’applicatif ne requiert
aucun changement de pratique pour le personnel soignant et peut être utilisé avec le parc de télécopieurs et
numériseurs en place. La figure 1 illustre une installation
type à trois écrans et un écran type de l’affichage.
Figure 1 : Affichage et aménagement au Centre
hospitalier universitaire de Saint-Justine
À l’Hôpital Charles LeMoyne et au CSSS Sorel-Tracy,
un projet de faisabilité de télépharmacie comporte l’essai
d’un logiciel de numérisation des ordonnances (l’Hôpital
Charles LeMoyne traite des ordonnances de l’urgence de
CSSS Sorel-Tracy, du lundi au vendredi, de 17 h à 20 h
pendant une période de trois mois). Parallèlement, le logiciel est également à l’essai à l’Hôpital Charles LeMoyne
pour l’envoi des ordonnances des soins intensifs au département de pharmacie. Durant la période pilote, il n’y a
pas eu d’interface développée entre le logiciel de numérisation et de pharmacie. Auparavant, le département de
pharmacie de CSSS Sorel-Tracy recevait les ordonnances
par télécopieur tandis que l’Hôpital Charles LeMoyne recevait des originaux. Le projet pilote est un succès selon
les résultats d’un sondage maison, mais plusieurs facteurs restent à déterminer, notamment les coûts, les caractéristiques spécifiques pour améliorer son utilisation
et la faisabilité d’une implantation à large échelle.
Au CSSS Haut-Richelieu-Rouville, une étude a été réalisée par le département de pharmacie et des technoloPharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
307
Tableau I : Composantes d’un système de numérisation
Composantes
Principes
Trois applications pratiques
CHUSJ
HCLM/Sorel
MD
NumeRx CGSI Technologies Pyxis ConnectMD
CSSS HRR
Canon imageWAREMD
et Lotus NotesMD
Document
source
Le document source est le Toutes les ordonnances +
document à numériser
documents pertinents.
(p. ex. ordonnance, feuilles
de décompte, formulaires
administratifs).
Toutes les ordonnances +
notes des pharmaciens sur
les ordonnances.
Processus de
numérisation
(a)
Par télécopieurs en générant
Le processus de numériun fichier de ~11 ko/feuille en
sation permet la transformation d’un format papier format .tif.
en format numérique avec
perte de qualité par rapport
à l’original. Plus la qualité
numérique recherchée est
grande, plus le fichier est
gros.
Par numériseur en générant Par télécopieur en
un fichier de ~11 ko/feuille générant un fichier
en format .tif.
transformé par image
WAREMD sur serveur fax
en format .pdf de 11 ko/
feuille.
Association de
métadonnées
Date et heure.
Si la numérisation est
assistée par un logiciel spécialisé, certaines données
relatives à l’image peuvent
être associées automatiquement à la numérisation.
Date, heure, unité de soins. Téléphone de l’expéditeur, date, utilisateur
ayant visualisé, modifié
ou envoyé le document.
Transmission
La transmission peut se
faire par réseau analogique
(téléphone) ou numérique
(réseau informatique)
interne (4 chiffres) ou
externe (10 chiffres).
Réseau téléphonique
analogique et IP selon
les unités de soins ;
quatre numéros de téléphone
(1 pour stat, 2 pour document
interne et 1 pour externe).
Réception
La réception d’un document
numérisé se fait généralement sur un serveur
sécurisé.
Serveur fax pharmacie de type Serveur Pyxis ConnectMD
Windows 2003 avec logiciel
VSI FaxMD ;
Intégration à la file d’attente de
NumeRxMD.
Base de courrier Lotus
NotesMD ;
Tri des fichiers par
ordre croissant de dateheure-minute-seconde.
Traitement
automatisé
Reconnaissance des formes
(c.-à-d. pattern recognition)
et reconnaissance optique
des caractères.
Possibilité de reconnaissance
de métadonnées reconnues
par un autre logiciel comme le
numéro de dossier.
Format distinct des ordonnances urgentes.
aucun
Traitement
manuel
Ajout ou correction des
métadonnées qui auront
été associées au document
précédemment, incluant
annotations et signature
électronique.
Insertion de commentaires,
d’images ou de symboles
prédéfinis directement sur le
document en plus de métadonnées associées ; le fichier
numérique peut être associé à
une ordonnance, à un patient, à
une recette ou à tout autre élément de l’applicatif pharmacie.
Insertion de commentaires,
d’images ou de symboles
prédéfinis, directement
sur le document, en plus
de métadonnées associées
mais fonction non exploitée
durant la période pilote.
Insertion de commentaires ou d’images dans
le corps du message
courriel.
Accessibilité
Si le processus d’association de métadonnées est
rigoureux et fiable, il est
facile de rechercher un
document ou d’y accéder
au moment opportun.
Chaque usager possède un
code d’accès et mot de passe
individuel ;
Pas d’accès infirmier.
Chaque usager possède un
code d’accès et mot de
passe individuel ;
Accès en consultation au
personnel infirmier.
Chaque usager possède
un code d’accès et mot
de passe individuel ;
Accès en consultation
au personnel infirmier.
Archivage
Un fichier télécopié occupe
~11 ko alors qu’une feuille
numérisée à 600 PPP sans
compression peut occuper
plus de 100 Mo. À évaluer
selon la résolution requise.
Tous les fichiers sont sauvegardés et disponibles pour
consultation instantanée tant
pour les dossiers actifs que
pour les dossiers archivés.
Tous les fichiers sont sauvegardés sur le serveur du logiciel et archivés sur le serveur
réseau.
308 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Par le réseau téléphonique
analogique et IP selon les
unités de soins et hôpitaux ;
un numéro de téléphone.
Toutes les
ordonnances.
Par le réseau téléphonique analogique ;
un numéro de
téléphone externe.
Tous les courriels
sont périodiquement
archivés dans Lotus
NotesMD.
Confirmation de Certaines solutions implitraitement
quent le retour d’une
confirmation de traitement
vers l’envoyeur. Cette
confirmation peut être
imprimée sous forme
de document numérisé
ou affichée sur une page
web.
Coûts
L’expéditeur peut obtenir
une confirmation d’envoi/
de réception à partir de son
télécopieur au besoin ;
de plus, un système de confirmation intégré à NumeRx
permet de confirmer le traitement d’un fichier numérique.
PyxisSchedulerMD permet
L’expéditeur peut obtenir une confirmation
l’impression automatid’envoi/de réception
que d’ordonnances sur le
numériseur de l’expéditeur à partir de son télécopieur au besoin.
PyxisConnect.
NurseMonitorMD permet au
personnel infirmier de se
connecter au PyxisConnectMD
pour visualier les ordonnances expédiées incluant
annotations de pharmacie et
validations.
Compte tenu du fait qu’il s’agit de projets de développement, les coûts sont difficiles à estimer, considérant les actifs et la contribution des professionnels en place. Il faut prévoir des coûts pour télécopieurs/numériseurs, serveur,
licences applicables et postes pour la pharmacie (simple/double écran)
gies de l’information afin de recueillir des informations
sur le circuit des ordonnances. La première solution, soit
l’acquisition d’une technologie de numérisation commerciale, a été écartée faute de budget. La deuxième, qui
préconisait l’usage des appareils multifonctions (4 en 1),
disponibles aux unités de soins, et la création de répertoires de traitement et d’archivage des ordonnances, n’a
pas été retenue compte tenu de problèmes d’intégrité des
données en raison du risque de suppression accidentelle
de fichiers et d’un accès limité à une connexion haute
vitesse. La technologie ImageWareMD de Canon a été retenue pour la conversion de télécopies en document pdf
combinée à une base de courrier Lotus Notes pour le
traitement des ordonnances provenant des soins de longue durée, compte tenu de la simplicité d’utilisation et
de la possibilité de numériser d’autres documents papier
(feuilles de narcotiques, ordonnances papier, etc.) pour
l’archivage. Cette solution simple et peu coûteuse comporte des limites : recherche de documents difficile et accessibilité par deux utilisateurs simultanément au même
document. Cependant, la version 7.0 de Lotus NotesMD,
implantée prochainement dans l’établissement, devrait
éliminer plusieurs irritants.
Conclusion
Il existe différentes solutions techniques permettant la
numérisation et le traitement des ordonnances de médicaments en établissement de santé au Québec. Cet article
décrit trois solutions techniques différentes qui peuvent
améliorer le circuit du médicament.
Pour toute correspondance :
Denis Lebel
Département de pharmacie
CHU Sainte-Justine
3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1C5
Téléphone : 514 345-4603
Télécopieur : 514 345-4820
Courriel : [email protected]
Abstract
Objective: To describe three concrete examples of
prescription digitization in Quebec.
Context: Many institutions are turning to digitizing to
optimize prescription processing. Three healthcare institutions have implemented different digital solutions. At
the CHU Sainte-Justine, an add-on software for processing
faxed prescriptions was developed for integration with
patient medication profiles, while an add-on software for
processing faxed prescriptions without integration with
patient medication profiles was developed at the Hôpital
Charles LeMoyne and the CSSS Sorel-Tracy. Finally, the
CSSS Haut-Richelieu-Rouville developed a Lotus Notes
mail application allowing prescription processing.
Conclusion: Different technical solutions are available
for digitizing and processing drug prescriptions in Quebec healthcare institutions. This article describes three
different technical solutions that can improve the drug
distribution circuit.
Key words: drug distribution circuit, fax machine,
prescription digitization
Références
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Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
309
RISQUES, QUALITÉ, SÉCURITÉ
Analyse proactive du risque associé à la distribution et à l’utilisation
des échantillons de médicaments
Geneviève Soucy, Jean-François Bussières, Denis Lebel, Lyne Tardif, Benoît Bailey
Résumé
Objectif : Il s’agit d’une étude par simulation menée au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine,
un établissement de soins de 500 lits. Elle est basée
sur un modèle d’analyse des modes de défaillance, de
leurs effets et de leur criticité décrit par Williams et
collaborateurs.
Source de données : À partir d’une revue de la documentation scientifique et d’une étude de terrain, un
panel d’experts composé de pharmaciens et de médecins a développé un diagramme d’Ishikawa portant
sur les six étapes du processus de distribution et d’utilisation des échantillons de médicaments. Trente (30)
modes de défaillance potentiels ont été identifiés et
liés à l’une des six étapes du processus.
Mise en contexte : Cette étude illustre la valeur
d’une analyse des risques prospective et devrait encourager les gestionnaires et les cliniciens à une plus
grande utilisation de ces techniques dans le futur. La
simplicité de la méthode contribue à l’utilisation facile
de l’analyse des risques rapportés et à l’identification
des actions à entreprendre.
Conclusion : Cette étude décrit une évaluation critique des risques relatifs aux échantillons de médicaments au moyen de la méthode d’analyse des modes
de défaillance, de leurs effets et de leur criticité et évalue l’impact de nouvelles mesures sur les risques établis par rapport à la situation actuelle. On peut réduire
théoriquement de près de 25 % l’indice de criticité par
une intervention administrative.
Mots clés : échantillons de médicaments, modèle
d’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et
de leur criticité, AMDEC
Introduction et mise en contexte
La distribution des échantillons de médicaments est
très répandue aux États-Unis et au Canada. Selon l’IMS
Health, les dépenses pour les médicaments d’ordonnance promus par l’industrie pharmaceutique aux États-Unis
ont doublé, passant de 12,4 milliards de dollars américains en 1998 à 25,3 milliards de dollars américains en
2003, dont 16 milliards en échantillons de médicaments
distribués1.
310 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Au CHU Sainte-Justine, un inventaire physique complet des échantillons de médicaments a été réalisé en novembre 2007, qui démontre bien l’importance des stocks
d’échantillons de médicaments dans un établissement de
santé. Lors de cet inventaire, 78 955 doses d’échantillons
ont été décomptées pour une valeur totale de 48 783 $,
et 8,32 % des ces échantillons étaient périmés, 59 %
n’étaient pas inscrits sur la liste en vigueur au sein de
l’établissement (c.-à-d. formulaire thérapeutique adopté
par le Comité de pharmacologie de l’établissement) et
seulement 3,5 % des unités remises avaient été déclarés
au département de pharmacie sur le formulaire prévu selon la politique en vigueur dans l’établissement.
Une revue de la documentation médicale faisant ressortir plusieurs risques associés à la distribution et à
l’utilisation d’échantillons de médicaments ainsi qu’une
évaluation locale des stocks d’échantillons de médicaments démontrent la nécessité de revoir nos pratiques.
Il existe plusieurs techniques qui permettent de faire une
analyse d’exploration méthodique2 . Parmi ces méthodes,
l’analyse des modes de défaillance, de leurs effets et de
leur criticité (AMDEC) est un outil bien décrit, qui évalue un processus de façon systématique. L’AMDEC utilise
l’expérience des professionnels pour recenser et mettre
en évidence les défaillances potentielles du produit ou
du processus, pour évaluer les risques encourus si ces
défaillances se produisent et pour susciter des actions
préventives. L’AMDEC permet en outre de classer ces
Geneviève Soucy, M.Sc., candidate à la maîtrise en administration de la santé, stagiaire à l’unité de recherche en
pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine
Jean-François Bussières, B.Pharm., M.Sc., est chef du
département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine et professeur
titulaire de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal
Denis Lebel, B.Pharm., M.Sc., est adjoint aux soins pharmaceutiques, à l’enseignement et à la recherche et à l’unité
de recherche en pratique pharmaceutique au CHU SainteJustine
Lyne Tardif, B.Pharm., candidate au programme de M.Sc.,
est résidente en pharmacie au CHU Sainte-Justine
Benoît Bailey, MD, M.Sc. pédiatre et toxicologue, section de
l’urgence, département de pédiatrie, CHU Sainte-Justine
défaillances, en les hiérarchisant en fonction de la gravité
potentielle de leurs effets, de leur fréquence de survenue et
du risque lié à leur non-détection3.
L’objectif de cette étude est de réaliser une évaluation critique des risques relatifs aux échantillons de médicaments
au moyen de la méthode d’AMDEC et d’évaluer l’impact de
nouvelles mesures sur les risques établis par rapport à la
situation actuelle.
Description de la problématique et discussion
Méthode
Il s’agit d’une étude par simulation basée sur la méthode
d’un modèle d’AMDEC. Cette méthode a été retenue en raison de sa facilité d’utilisation et de la possibilité de quantification des défaillances selon la fréquence, la gravité et
la possibilité de détection2. L’analyse a été réalisée au CHU
Sainte-Justine, un établissement de soins de 500 lits, selon
la méthodologie décrite par Williams et coll.4.
La première étape de la technique AMDEC repose sur
la formation d’un groupe de travail multidisciplinaire. Il
se compose de deux pharmaciens, d’un résident en pharmacie, d’un médecin et d’un assistant de recherche en
administration de la santé. Ce groupe a mené une étude
descriptive des stocks d’échantillons de médicaments au
CHU Sainte-Justine et une évaluation des perceptions des
échantillons qu’à le personnel soignant. La seconde étape
vise à identifier les modes de défaillance. Après une revue
documentaire et un partage des expertises, le groupe a
développé, au moyen de séances de remue-méninges, un
diagramme d’Ishikawa afin de pouvoir identifier tous les
éléments pouvant être à l’origine d’une défaillance liée à
l’utilisation des échantillons de médicaments, tant en établissement de santé qu’en pratique communautaire. Par la
suite, il a identifié les causes et les effets de chaque mode
de défaillance afin d’être en mesure de calculer l’indice de
criticité. La troisième étape vise à coter chaque mode de
défaillance selon la grille de cotation établie par Williams4,
qui a défini des critères explicites à retenir pour chaque
élément à coter du mode de gestion actuel puis le nouveau
mode de gestion proposé. Le nouveau mode de gestion résulte d’une intervention visant à améliorer la situation existante. La probabilité d’occurrence pour chaque mode de
défaillance est cotée de 1 à 10, où 1 représente une occurrence très faible (0,01 % d’occurrence) et 10, une occurrence très élevée (10 % d’occurrence). Le degré de gravité d’un
effet potentiel est classé de 1 à 9, où 1 représente un léger
ennui et 9, le décès. La chance de détecter la défaillance
avant qu’elle ne se produise est classée de 1 à 9, où 1 représente une probabilité de détection très élevée, de l’ordre de
9 chances sur 10, et 9 représente une détection impossible.
Pour chaque mode de défaillance, on a pris la cotation que
chacun des membres de l’équipe avait attribuée à chaque
élément, puis on en a fait une moyenne pour chacun des
éléments. Les chiffres obtenus ont servi à calculer l’indice
de criticité, qui correspond au produit de la fréquence x le
degré de gravité x la détection. Cette étape permet de hiérarchiser les modes de défaillances et de donner la priorité
aux éléments qui favorisent les actions à entreprendre. La
quatrième étape vise à coter à nouveau chaque mode de défaillance en tenant compte de l’implantation d’une nouvelle
intervention visant à réduire les risques de défaillance.
En tenant compte des études précédemment réalisées
ainsi que de la revue documentaire, le panel d’experts a
déterminé une intervention administrative comportant
quatre éléments. L’intervention proposée comprend premièrement, la mise en place d’une liste d’échantillons autorisés en cliniques externes, deuxièmement, la déclaration
obligatoire des échantillons remis par les représentants
des compagnies pharmaceutiques, accompagnée de la nécessité d’assurer une gestion et une vérification périodiques des stocks d’échantillons par le personnel de la pharmacie, troisièmement, la description précise et obligatoire
dans le dossier du patient et sur l’ordonnance de départ
(aussi appelée bilan comparatif – ordonnance) de la remise
d’échantillons aux patients et quatrièmement, l’adoption et
la diffusion d’une politique proscrivant la remise d’échantillons de médicaments à d’autres membres du personnel
pour leurs propres besoins. Puis le panel d’experts a calculé la moyenne des cotes pour le mode de gestion existant
ainsi que pour le nouveau mode de gestion qui avait connu
l’implantation de l’intervention administrative proposée. Finalement, pour pouvoir procéder à la comparaison entre les
deux modes de gestion des stocks et pour déterminer un facteur de réduction pour chacun des modes de défaillance, il
a fait la somme des moyennes des cotes (avec valeurs minimales et maximales) pour la situation existante, puis pour la
situation découlant de l’intervention administrative. Aucune
analyse statistique n’a été réalisée.
Résultats : Le processus de distribution et d’utilisation
des échantillons de médicaments est divisé en six étapes,
soit la mise en disponibilité de certains médicaments en
échantillons par les fabricants de médicaments, la distribution des échantillons par les représentants, l’entreposage
au point de service, la gestion des échantillons par l’établissement, la distribution des échantillons par le médecin,
l’infirmière ou un tiers et la consommation de l’échantillon
par le patient. Trente modes de défaillance potentiels ont
été identifiés et reliés à l’une des six étapes du processus.
Pour chacun des modes de défaillances identifiés, on a
calculé l’indice de criticité en tenant compte de la situation
actuelle et de l’intervention administrative proposée. Le
tableau I présente la moyenne des cotes pour chacun des
modes. L’indice de criticité totale obtenu pour le mode de
gestion existant est de 4 611 contre 3 469 pour le nouveau
mode de gestion, soit une réduction des risques de 24,46 %.
L’indice de criticité de chaque mode de défaillance a été réduit en moyenne dans un rapport de 1,7. L’indice de criticité de 16 modes de défaillance a été réduit par l’intervention
administrative proposée tandis que pour 16 autres, l’indice
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
311
Tableau I : Modes de défaillance et comparaison des indices de criticité pour les anciens et nouveaux processus
Étapes du
processus
Disponibilité
de certains
médicaments
sous forme
d’échantillons par les
fabricants de
médicaments
Distribution
des échantillons par les
représentants
Entreposage
au point de
service
Modes de défaillances
IC
Ancien
IC
Min processus Max
Mauvais choix de traitement par rapport
aux données probantes
60
155
240
60
155
240
1,0
Contournement des médecins et pharmaciens
40
188
324
40
188
324
1,0
Format inapproprié par rapport au besoin
48
90
125
48
86
125
1,0
Étiquetage différent des produits commerciaux
ou mal interprété
30
79
160
30
79
160
1,0
Réduction de l’efficacité du médicament en raison d’un entreposage inadéquat
80
120
126
80
120
126
1,0
Ingestion accidentelle
35
73
112
35
73
112
1,0
Remise complaisante
98
222
315
98
134
180
1,7
Recel
70
91
84
70
89
84
1,0
Gestion inappropriée des déchets
24
60
162
18
50
162
1,2
Réduction de l’efficacité du médicament en raison d’un entreposage inadéquat
16
85
160
10
65
126
1,3
Ingestion accidentelle
20
92
252
20
92
252
1,0
Consommation par le personnel
60
224
350
54
81
80
2,8
Recel
56
83
84
20
49
70
1,7
Gestion inappropriée des déchets
24
54
162
8
25
162
2,2
Produits périmés demeurant en circulation
42
144
280
4
32
64
4,5
60
167
240
16
94
168
1,8
40
154
324
40
134
324
1,1
320
359
400
100
161
320
2,2
Distribution du mauvais produit
48
95
168
48
95
168
1,0
Distribution de la mauvaise dose
48
111
168
48
111
168
1,0
Distribution d’un produit périmé
42
100
140
28
55
42
1,8
Distribution comme dépannage à l’entourage
sans consultation médicale
54
209
350
54
95
120
2,2
Mauvais choix de traitement par rapport aux
données probantes
60
174
240
48
123
240
1,4
Absence d’information versée au dossier médical
et difficulté de suivi en cas d’inefficacité thérapeutique, d’effets indésirables ou de besoin de
vérifier ce qui a été remis au patient
63
275
432
63
139
360
2,0
Absence d’information transmise au patient
96
235
360
96
235
360
1,0
Contournement du pharmacien associé à un risque de non-détection d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou
de contre-indication
175
243
280
175
243
280
1,0
Inobservance par interruption du traitement sur
ordonnance
112
259
336
112
245
336
1,1
Ingestion accidentelle
56
103
144
56
103
144
1,0
Utilisation inappropriée du médicament (mauvaise voie, dose, durée, horaire)
100
184
240
100
184
240
1,0
Le patient court des risques d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication
64
164
336
64
134
175
1,2
Mauvais choix de traitement par rapport aux
Gestion des
données probantes
échantillons
par l’établisse- Contournement des médecins et pharmaciens
ment
Impossibilité de retrouver la trace des produits
en cas de rappel ou d’effets indésirables
Distribution
des échantillons par
le médecin,
l’infirmière ou
un tiers
Consommation de
l’échantillon
par le patient
Somme
Moyenne
IC : indice de criticité; Min : minimum; Max : maximal
312 Pharmactuel
IC Nouveau IC Facteur
Min processus Max de red.
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
4 591
3 468
1,7
est demeuré le même dans les deux processus de gestion
des échantillons. La plus grande réduction de risques
potentiels touche les produits périmés qui demeurent en
circulation, avec un facteur de réduction de 4,5.
Avant l’implantation de l’intervention administrative,
les trois risques les plus élevés étaient liés à la quasi-impossibilité de retrouver la trace de l’utilisation d’échantillons de médicaments en cas de rappel ou d’effets indésirables (IC 358,8), à l’inobservance par l’interruption
du traitement sur ordonnance (IC 258,7) et au contournement des services du pharmacien, qui fait courir au
patient le risque que des interactions médicamenteuses
passent inaperçues, ou qui comporte aussi des dangers
de duplication, d’allergie, d’intolérance ou de contre-indication (IC 249,9). Avec l’implantation de l’intervention
administrative, les modes de défaillance ayant un indice
de criticité le plus élevé sont l’inobservance par l’interruption du traitement sur ordonnance (IC 235,2), le contournement des services du pharmacien, comportant pour le
patient des risques de non-détection d’interactions médicamenteuses, de duplication, d’allergie, d’intolérance ou
de contre-indication, et de manque d’information pour le
patient (IC 235,2). Toutefois, le panel d’experts ne perçoit pas le nouveau processus comme pouvant avoir un
effet important sur les modes de défaillance comportant
le plus de risques.
Discussion
La méthode d’AMDEC a été relativement peu utilisée
dans le domaine de la santé. Toutefois, certains secteurs,
comme l’oncologie, les appareillages médicaux ou le
processus transfusionnel ont fait l’objet d’AMDEC étant
donné les risques potentiels importants que ces secteurs
comportaient pour les patients5-7, De plus, aux ÉtatsUnis, cette technique a été utilisée à plusieurs reprises
pour tenter de réduire les erreurs médicamenteuses, qui
représentent l’une des principales causes d’erreurs médicales. Les processus, comme la prescription de médicaments
ou les systèmes de distribution de médicaments, ont donc
été analysés8,9. Par contre, à notre connaissance, aucune
AMDEC n’a pas été réalisée sur le processus de distribution
et d’utilisation des échantillons de médicaments.
L’AMDEC sert à comparer l’indice de criticité obtenu
entre un processus existant et un processus amélioré
découlant d’une ou de plusieurs interventions. Dans le
domaine de la santé, ce type d’analyse peut aider les gestionnaires et les cliniciens à faire de meilleurs choix pour
optimiser l’impact d’une intervention, en identifiant les
défaillances les plus critiques sur lesquelles ils doivent
intervenir en priorité. Nous pensons que cette méthodologie est applicable à la distribution et à l’utilisation des
échantillons de médicaments et qu’elle permet de connaître l’impact des mesures envisagées. L’intervention administrative proposée donne un indice de criticité moindre
et rend théoriquement l’utilisation d’échantillons plus
sûre, mais la réduction complète du risque repose sur
l’élimination de la distribution des échantillons et de
leur accès, ce qui ne peut se faire sans l’intervention des
ordres professionnels. Doit-on maintenir la distribution
d’échantillons de médicaments ? Est-ce une pratique justifiée, compte tenu du fait que le personnel soignant en
utilise une partie importante ?
Cette étude illustre la valeur d’une analyse prospective
des risques et devrait encourager les gestionnaires et les
cliniciens à une plus grande utilisation de ces techniques
dans le futur. La simplicité de la méthode contribue à son
application facile pour l’analyse des risques2. L’AMDEC
permet rapidement de voir où les risques sont le plus élevés, ce qui permet de cibler les actions à entreprendre.
De plus, il semble que l’utilisation de l’AMDEC augmente
la capacité de changement chez les collaborateurs, étant
donné la nature participative de la démarche10. Aux ÉtatsUnis, depuis le 1er juillet 2001, la JCAHO (Joint Commission on Accreditation of Healthcare Organizations)
exige d’ailleurs de chaque hôpital accrédité de conduire
au moins une évaluation proactive des risques par année
dans les secteurs associés à des risques élevés11. Sur le
plan canadien, Agrément Canada a inclus l’analyse prospective dans ses pratiques organisationnelles.
Il y a cependant certaines limites à cette méthode,
lorsqu’elle est utilisée dans le domaine de la santé. Par
exemple, le poids similaire donné, dans l’élaboration de
la criticité, à la sévérité (S), à la fréquence (F) et à la
probabilité de détection (D) peut être discutable. Rien
n’est prévu pour pondérer le risque vital encouru par
le patient. Ainsi, en théorie, une défaillance qui engage
le pronostic vital mais qui est exceptionnelle et facilement détectable (Criticité = 8), est placée plus bas sur
l’échelle des priorités qu’une défaillance fréquente, détectée de façon irrégulière et présentant peu de risques
pour les patients (Criticité = 18). Ce type d’analyse ne
permet pas d’effectuer de comparaison entre des milieux
mais plutôt au sein d’une même organisation dans une
approche pré-post. De plus, la méthode AMDEC repose
sur la subjectivité des panélistes lors de la sélection des
modes de défaillance et de la détermination des indices
de criticité dans des séances de remue-méninges. Pour
réduire ce biais, l’équipe devrait être suffisamment large
et multidisciplinaire et inclure plusieurs investigateurs
neutres. De plus, pour réduire la variabilité de jugement,
il est recommandé que la fréquence (F), la sévérité (S)
et la probabilité de détection (D) soient déterminées sur
la base de critères explicites, comme ceux proposés par
Willliams4. Enfin, cette méthode ne permet pas d’évaluer
l’impact sur un résultat spécifique d’une combinaison de
plusieurs défaillances8.
Conclusion
Cette étude décrit une évaluation critique des risques
relatifs au stockage et à la distribution d’échantillons de
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
313
médicaments à l’aide de la méthode d’AMDEC et évalue
l’impact de nouvelles mesures sur les risques établis par
rapport à la situation existante. On peut réduire théoriquement de près de 25 % l’indice de criticité dans ce domaine par une intervention administrative.
Abstract
Objective: This is a simulation study done at the
Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, a
500-bed hospital. It is based on a method of failure
mode, effects, and criticality analysis, as described by
Williams and collaborators.
Pour toute correspondance :
Jean-François Bussières
CHU Sainte-Justine
Département de pharmacie et unité de recherche
en pratique pharmaceutique
3175, chemin de la Côte Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1C5
Téléphone : 514 345-4603
Télécopieur : 514 345-4820
Courriel : [email protected]
Source of data: Based on a review of the scientific literature and an on-site study, an expert panel of
pharmacists and physicians developed an Ishikawa
diagram for the six steps of the distribution process
and use of drug samples. Thirty potential failure modes were identified and related to one of the six steps
of the process.
Context: This study demonstrates the value of
prospective risk analysis and should encourage managers and clinicians to take advantage of these techniques in the future. The simplicity of this method facilitates the analysis of reported risks and identification
of actions to take.
Remerciements
Nous remercions Lorraine Lebel, directrice adjointe,
direction de la planification et des communications, CHU
Sainte-Justine, pour sa collaboration à la tenue du stage
au département de pharmacie.
Conclusion: This study describes a critical evaluation of the risks related to drug samples using the
method of failure mode, effects and criticality analysis, and evaluates the impact of new measures on risks related to the current situation. An administrative
intervention can theoretically reduce the criticality
index by approximately 25%.
Key words: drug samples, failure mode, effects and
criticality analysis model, FMECA
Références
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314 Pharmactuel
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AU CENTRE DE L’INFORMATION
L’utilisation de radiopharmaceutiques ou d’agents de contraste nécessite-t-elle
l’interruption de l’allaitement ?
Lyne Tardif
Exposé de la question
Les agents de contraste sont des agents pouvant
être utilisés pour visualiser les structures vasculaires,
la vessie ou la muqueuse gastro-intestinale par exemple, lors d’imagerie par résonance magnétique ou de
tomodensitométrie. Les radiopharmaceutiques sont
utilisés dans le domaine de la médecine nucléaire
pour une meilleure visualisation du fonctionnement
des tissus ou encore dans le but de traiter (lors de cancer ou d’hyperthyroïdie par exemple). Certaines situations cliniques nécessiteront l’utilisation d’un de ces
agents durant la période d’allaitement et soulèveront
des inquiétudes au regard de l’exposition du nourrisson à ces substances1-3. Il faut se rappeler que l’arrêt
de l’allaitement, même pour une courte période, peut
compromettre sa poursuite et qu’il n’est pas toujours
facile pour la mère de tirer son lait. En pareille situation, quelles recommandations pouvons-nous émettre
à la mère et à l’équipe médicale ?
Mots clés : Allaitement, radiopharmaceutiques, agents
de contraste
Tableau I : Exemples de recommandations
d’interruption d’allaitement à la suite de
l’administration de certains agents de contraste
Agent de contraste
Durée d’interruption de
l’allaitement recommandée et données publiées
s’il y a lieu
Barium1
Interruption non requise
1,4,5
Gadodiamide
1,4,5,,8
Gadopentetate
Interruption non requise
Un nouveau-né serait exposé
à moins de 1 % de la dose
pédiatrique (n=20, à la suite
d’une dose de 0,1 à 0,2 mmol/
kg prise par la mère)
Gadoteridol,
Gadoversetamide1,4,5
Interruption non requise,
même si certains auteurs
recommandent un arrêt de
12 à 24 heures.
Ioversol, Iohexol,
Iothalamate, Iopromide,
Ioxilan, Iodixanol,
Iothalamtate1,4,7
Interruption non requise
Un nouveau-né serait exposé
à moins de 0,5 % de la dose
maternelle ajustée au poids
avec l’Iohexol (n=4, à la suite
d’une dose de 37,8 à 45,3 g
prise par la mère).
Mangafodipir trisodium1,5
Interruption de 4 heures
Réponse à la question
Les agents de contraste
On trouve peu de données dans la littérature médicale
quant à l’excrétion des agents de contraste iodés et gadolinés dans le lait maternel. Toutefois, d’après les données disponibles pour certains agents, il semblerait que le
nourrisson ne soit exposé qu’à une très faible dose de ces
substances4,5. De plus, même si on en retrouve dans le lait
maternel, l’absorption par le nourrisson sera négligeable
(biodisponibilité orale minime). L’arrêt de l’allaitement
n’est donc généralement pas requis (voir tableau I).
Les radiopharmaceutiques
Les radiopharmaceutiques sont des médicaments à
visée diagnostique ou thérapeutique constitués d’un isotope radioactif (radio-isotope) et d’un vecteur. La dose à
laquelle peut être exposé l’enfant dépend de différents
facteurs, soit la dose administrée à la mère, l’absorption
et la distribution du radio-isotope, ses demi-vies d’élimination, la quantité excrétée dans le lait maternel et
l’absorption que peut en faire l’enfant1-4,6,7. Les données
disponibles dans la littérature médicale se résument la
plupart du temps à des notifications de cas, c’est pourquoi
Interruption non requise
nous devons tenir compte des paramètres pharmacocinétiques des différents agents dans notre interprétation.
Les radiopharmaceutiques possèdent deux demi-vies
d’élimination : la demi-vie d’élimination radioactive de
l’isotope est prédéterminée et stable et est généralement
plus longue que la demi-vie d’élimination biologique, qui
dépend du vecteur lié au radio-isotope1. Lorsque la dose
requise du radiopharmaceutique est élevée, l’interruption de l’allaitement pour un minimum de 5 à 10 demivies radioactives peut être considérée acceptable pour la
majorité des agents1,7.
Lyne Tardif, B. Pharm., M.Sc., était étudiante à la maîtrise
en pratique pharmaceutique au CHU Sainte-Justine lors de
la rédaction de cet article
Pharmactuel Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
315
Tableau II : Recommandations sur l’interruption de l’allaitement à la suite de l’administration de certains radiopharmaceutiques.
Radiopharmaceutiques
Cr-51 EDTA1,2,6,8
Demi-vie d’élimination
(t1/2) de l’élément
radioactif
Dose administrée à la mère
au-dessus de laquelle des
consignes sont requises
pour l’arrêt de l’allaitement
(MBq*)
Exemples de durée
d’interruption de
l’allaitement recommandée
27,7 jours
60
Ga-67- Citrate
78,3 heures
(t1/2 biologique de 9 jours)
1
- 7 MBq : une semaine
- 50 MBq : 2 semaines
- 150 MBq : 1 mois, certains
auteurs recommandent un arrêt
complet.
I-123-mIBG1,6,8
13,2 heures
70
- 150 MBq : 12 heures
- 370 MBq : 24 heures
1,8
I-123-OIH1,8
100
I-123-NaI 1,8
20
1
I-125- OIH
60,1 jours
8,02 jours
I-131-NaI1,6,8,9
In 111- Globules blancs1,8
1,6,8
Tl-201 (chlorure d’)
Tc-99m:DTPA
1,6,8
3
0,01
• Risque d’exposition de l’enfant
aux radiations gamma lorsqu’il
est à proximité de la mère;
•¨Interruption de 46 à 52 jours,
à moins de vérifier la radioactivité dans le lait entre 15 et 20
jours.
• À noter que lors de thérapie
avec cet agent pour une hyperthyroïdie ou un cancer, l’allaitement doit aussi être interrompu pendant 3 à 4 semaines
avant l’administration.
2,80 jours
10
- 20 MBq : 1 semaine
73,2 heures
40
- 110 MBq : 1-2 semaines
6,02 heures
1000
Tc-99m DTPA Aerosol1,6,8
Tc-99m DISIDA1,6,8
Tc-99m Globules rouges (in vivo)1,8
Tc-99m Glucoheptonate1,6,8
Tc-99m HAM1,6,8
Tc-99m MIBI1,6,8
Tc-99m MDP1,6,8
Tc-99m PYP1,6,8
Tc-99m MAG31,6,8
1000
1000
1000
1000
400
1000
1000
900
1000
Tc-99m MAA1,2,6,8
Tc-99m Pertechnetate1,6,8
50
100
Tc-99m Globules rouges (in vivo)1,8
Tc-99m Sulphur Colloid1,6,8
Tc-99m Globules blancs1,8
400
300
100
316 Pharmactuel
Vol. 41 N° 5 Octobre - Novembre - Décembre 2008
Certaines sources recommandent une interruption de 5 heures pour une dose de 370 MBq.
- 150 MBq : 12,6 heures
- 440 MBq : 12 heures
- 1100 MBq : 24 heures
- 740 MBq : 6 à12 heures
- 440 MBq : 6 à12 heures
- 440 MBq : 12 heures
-1100 MBq : 24 heures
Les radio-isotopes iodés sont les agents les plus préoccupants en allaitement. Certains peuvent demeurer dans le
corps humain pendant une très longue période et potentiellement porter préjudice à l’enfant allaité1. Ils peuvent
se concentrer dans le lait maternel et altérer la fonction
thyroïdienne de l’enfant. Le risque de cancer de la thyroïde
chez l’enfant a été évoqué, mais sa portée demeure, pour le
moment, inconnue1,7. Le Technétium 99m pertechnetate est
une option qui peut remplacer ces agents, selon l’indication1. Le Technétium 99m peut aussi se concentrer dans les
tissus thyroïdiens et le lait maternel, mais il possède une
courte demi-vie radioactive (6,02 heures)1.
Les recommandations résumées dans le Tableau II proviennent principalement de l’American College of Radiology et de la Nuclear Regulatory Commission et s’appuient
sur le dosage de radioactivité dans le lait maternel ainsi
que sur la limite acceptable de radioactivité à laquelle peut
être exposé l’enfant. Lors de l’allaitement, ces organismes
considèrent qu’une exposition à 1 millisievert (mSv) ou
moins est acceptable pour le nourrisson.
La dose de radiopharmaceutique administrée est exprimée en becquerels ou en curies. L’effet de la radioactivité
sur les organismes n’est pas directement lié au becquerel
pour diverses raisons. C’est le sievert qui permet d’estimer
la mesure de la radioactivité sur l’organisme. Pour chacun
des radiopharmaceutiques présentés au tableau II, la dose
administrée à la mère à partir de laquelle on estime que le
nourrisson pourrait être exposé à plus de 1 mSv et à partir de laquelle on devrait recommander une interruption
temporaire de l’allaitement est indiquée. Des exemples de
recommandations dans un tel cas sont présentés à la quatrième colonne. Lorsque la quatrième colonne est vide, cela
signifie que la dose maximale généralement administrée à
la mère est inférieure aux doses de la troisième colonne
et ainsi, une interruption de l’allaitement n’est pas requise.
Le médecin responsable de l’examen devrait être consulté,
car il pourrait modifier à la hausse ou à la baisse les recommandations selon la situation propre à la patiente.
Conclusion
La nécessité de réaliser un examen requérant la prise
d’un radiopharmaceutique doit être soumis à la discussion
afin d’éviter de compromettre l’allaitement. Si l’examen ne
peut être reporté et que l’allaitement doit être interrompu
pour quelque temps, la mère peut tirer son lait quelques
jours avant l’examen et le conserver au réfrigérateur ou au
congélateur1,8. En cas de doute sur la durée d’interruption
minimale requise, le dosage de la radioactivité dans le lait
maternel, un service offert dans certains centres hospitaliers, demeure l’approche la plus précise pour déterminer
le risque.
Pour toute correspondance :
Lyne Tardif
CHU Sainte-Justine
175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine
Montréal (Québec) H3T 1C5
Téléphone : 514 345-4603
Télécopieur : 514 345-4820
Courriel : [email protected]
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