L’importance des marchés de produits dérivés dans le monde de la finance et des inves-
tissements s’est constamment accrue ces dernières années. Nous en sommes arrivés au
point où il est essentiel à tout professionnel de la finance de comprendre la façon dont
ces marchés fonctionnent, la manière de les utiliser et ce qui détermine leurs cours. Cet
ouvrage traite de ces questions.
Dans ce chapitre introductif, nous jetons un premier regard sur les contrats futures,
forward et sur les marchés d’options. Nous examinons leur histoire et nous montrons
comment utiliser ces actifs financiers pour la couverture, la spéculation ou l’arbitrage.
1.1 Les contrats futures
Un contrat futures est un accord entre deux parties pour acheter ou vendre un actif
donné à une date future pour un prix convenu. Les contrats futures s’échangent aujour-
d’hui sur de nombreux marchés à travers le monde. Le Chicago Board of Trade (CBOT,
www.cbot.com) et le Chicago Mercantile Exchange (CME, www.cme.com) sont les
deux marchés les plus significatifs aux États-Unis. Ils ont fusionné en 2007 constituant
le CME Group, le marché organisé de contrats à terme et d’options le plus grand et le
plus diversifié du monde (www.cmegroup.com, lisible en grande partie en français). En
Europe, les deux plus grands marchés sont Euronext (www.euronext.com), qui est
également parvenu à opérer une fusion avec le New York Stock Exchange
(www.nyse.com) en 2006, et l’Eurex (www.eurexchange.com), résultat de l’association
des Bourses allemande et suisse. Les autres marchés importants sont le Bolsa de
Mercadorias y Futuros de São Paulo (www.bmf.com.br), le Tokyo Financial Exchange
Inc. (www.tfx.co.jp), le Singapore International Monetary Exchange
(www.simex.com.sg) et le Sydney Futures Exchange (www.asx.com.au). Pour une liste
plus complète, reportez-vous au tableau à la fin de cet ouvrage.
Chapitre 1
Introduction
Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 1
Les échanges de futures permettent à ceux qui veulent acheter ou vendre des actifs à une
date future de négocier entre eux. Supposons que, le 5 mars, un investisseur localisé à
New York appelle son prestataire de services d’investissement, ou broker, pour lui
demander d’acheter 5 000 boisseaux de maïs, livraison en juillet de la même année. Le
broker transmet immédiatement cet ordre à un membre de marché, ou trader, sur le
parquet du marché adéquat (le CBOT ici). Au même moment, un autre investisseur,
situé au Kansas, demande à son broker de vendre 5 000 boisseaux de maïs, livraison en
juillet également. Cet ordre sera aussi passé sur le CBOT. Les deux ordres de sens oppo-
sé sont confrontés sur le marché et un prix d’équilibre, pour la livraison du maïs en
juillet, résulte de la confrontation de l’offre et de la demande.
Considérons l’achat de ce contrat de maïs portant sur 5 000 boisseaux. L’investisseur de
New York, qui a accepté d’acheter, a donc pris ce qu’on appelle une position longue sur
le contrat futures, et l’investisseur du Kansas, qui a accepté de vendre, une position
courte.
Le prix (coté le 5 mars) auquel les deux investisseurs conviennent d’échanger à
l’échéance est appelé « prix futures ». Supposons que ce soit 300 cents le boisseau. Ce
prix, comme n’importe quel autre, est déterminé par la confrontation de l’offre et de la
demande. Si, à une date quelconque, il existe un plus grand nombre d’investisseurs
souhaitant vendre en juillet plutôt qu’acheter à cette date, le prix futures baissera. Cela
poussera de nouveaux acheteurs à acheter sur le marché, de sorte qu’un équilibre sera
finalement trouvé entre acheteurs et vendeurs. Un raisonnement symétrique s’applique
si le nombre d’acheteurs est plus élevé que le nombre de vendeurs à un moment donné.
Les questions traitant des appels de marges, des pratiques de passages d’ordres, des
commissions et du rôle de la chambre de compensation seront abordées au chapitre 2.
Pour le moment, nous supposons que le résultat final de l’échange que nous venons de
décrire est le suivant : l’investisseur de New York a bien acheté, en juillet, 5 000 bois-
seaux de maïs à 300 cents le boisseau et l’investisseur du Kansas a bien vendu ces 5 000
boisseaux de maïs à 300 cents le boisseau en juillet. Les deux parties ont conclu un
contrat ferme (voir graphique 1.1).
Un prix futures se distingue d’un cours au comptant (spot) qui concerne une transaction
lorsque cette dernière est réalisée immédiatement. Le prix futures est le cours d’une
transaction qui se réalisera à une date définie ultérieurement. Ces deux prix sont géné-
ralement différents. Un cours futures peut être soit supérieur, soit inférieur au prix spot.
2Chapitre 1
Mars : un investisseur prend une position longue sur
un contrat futures de maïs de juillet
à 300 cents par boisseau
Juillet : linvestisseur doit acheter 5 000 boisseaux
de maïs pour un montant total de 15 000 $
Graphique 1.1
:Un contrat futures (censé tenu à l’échéance).
Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 2
1.2 L’histoire des marchés à terme
Les marchés à terme trouvent leur origine au Moyen Âge. Ils ont été initialement déve-
loppés pour répondre aux besoins des agriculteurs et des commerçants. Considérons, en
avril, la position dun agriculteur qui récoltera une certaine quantité de céréales en juin. Il
est impossible de connaître avec exactitude le prix auquel lagriculteur pourra vendre sa
récolte à ce moment-là. Les années de disette, il pourra obtenir un prix particulièrement
élevé,sil nest pas pressé de vendre. Au contraire, dans un contexte de surproduction, il
devra écouler sa récolte à un prix qui pourrait se révéler inférieur aux coûts de production.
De toute évidence, le fermier et sa famille sont exposés à un risque considérable.
Considérons à présent une entreprise qui doit se fournir en céréales. Cette société est
tout aussi exposée aux fluctuations de prix. Certaines années, une situation excédentai-
re peut lui permettre de profiter de prix favorables. Dautres années, en revanche, une
pénurie conduira à des prix exorbitants. Il peut alors être judicieux pour lagriculteur et
lentreprise de se réunir en avril (voire avant) et de sentendre sur le prix de la récolte
de juin. Cela implique quils négocient une sorte de contrat à terme. Le contrat offre à
chacune des parties un moyen d’éliminer le risque lié à lincertitude du prix des céréa-
les auquel elle est confrontée.
On peut se demander ce quil advient des céréales le reste de lannée. Une fois la récol-
te effectuée, les céréales doivent être stockées jusqu’à la prochaine saison. Si la société
ne subit plus le risque de variation du prix, elle supporte néanmoins des coûts de stoc-
kage. Si lagriculteur ou nimporte qui dautre stocke les céréales, la société et le stoc-
keur font tous deux face au risque lié à lincertitude du prix des céréales. De nouveau,
les contrats à terme ont un rôle à jouer.
Le Chicago Board of Trade
Le Chicago Board of Trade (CBOT, www.cbot.com) a été créé en 1848 pour confronter
les offres et demandes de céréales des fermiers et des négociants. Au départ, lobjectif
essentiel était de standardiser quantités et qualités de grains échangés. Quelques années
plus tard, le premier contrat futures a été mis en place. Rapidement, les spéculateurs ont
trouvé plus attractif de spéculer sur le contrat que sur les céréales elles-mêmes. Le
Chicago Board of Trade offre aujourdhui des contrats à terme sur des sous-jacents très
nombreux et variés tels que le maïs, lavoine, le soja, la farine de soja, lhuile de soja,
le blé, les bons du Trésor ou les billets de trésorerie.
Le Chicago Mercantile Exchange
En 1874, fut créé le Chicago Produce Exchange, qui offrait un marché pour le beurre, les
œufs, les volailles et dautres produits agricoles périssables. En 1898, les vendeurs de
beurre et d’œufs se retirèrent de ce marché pour former le Chicago Butter and Egg Board.
En 1919, ce dernier fut rebaptisé le Chicago Mercantile Exchange (CME) et fut réorgani-
sé pour négocier les contrats à terme. Dès lors, ce marché a permis la négociation des
Introduction 3
Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 3
contrats à terme de nombreuses matières premières telles que les poitrines de porc (1961),
les bovins (1964), les porcs (1966) et les bovins dengraissement (1971). En 1982, a été
introduit un contrat à terme sur lindice Standard & Poors (S&P) 500 Stock Index.
Le Chicago Mercantile Exchange (www.cme.com) a permis la négociation de contrats
à terme de devises en 1972. Les futures de devises négociés désormais incluent la livre
sterling, le dollar canadien, le yen japonais, le franc suisse, le dollar australien, le peso
mexicain, le réal brésilien, le rand sud-africain, le dollar néo-zélandais, le rouble russe
et leuro. Le Chicago Mercantile Exchange comprend le fameux contrat à terme
dEurodollar. (Comme nous lexpliquerons dans les chapitres ultérieurs, il sagit dun
contrat sur la valeur future dun taux dintérêt à court terme.) Il a également introduit
des contrats à terme sur la météo et limmobilier.
Le CME Group
En juillet 2007, le Chicago Mercantile Exchange (CME) et le Chicago Board of Trade
(CBOT) ont fusionné et donné naissance au CME Group (www.cmegroup.com), le plus
grand marché de contrats à terme et doptions du monde. Le New York Mercantile
Exchange (NYMEX) a rejoint le CME Group en août 2008. En octobre 2008, le CME
Group et le Citadel Investment Group de Chicago ont monté un partenariat pour créer
une plateforme de négociation électronique des swaps de défaut (CDS).
Les marchés électroniques
Alors que, traditionnellement, les traders (ou membres de marchés) négociaient en un
lieu unique, à la criée, à laide dun jeu de signes complexe, l’évolution technologique
a conduit à l’émergence de la négociation (ou trading) électronique qui est la norme
aujourdhui. Les ordres sont donc passés directement par ordinateur et transférés sur un
système central qui apparie acheteurs et vendeurs. Quoique les marchés à la criée aient
leurs défenseurs, ils sont progressivement remplacés par le trading électronique. Ainsi,
les traders soumettent leurs opérations à partir dun clavier et dun ordinateur utilisés
pour mettre en relation acheteurs et vendeurs.
De nos jours, la plupart des marchés sont gérés électroniquement. Le CME Group utili-
se le système CME Globex tandis que NYSE-Euronext utilise LIFFE CONNECT pour
ses produits dérivés.
1.3 Les marchés de gré à gré (OTC)
Tous les échanges ne sont pas réalisés sur des marchés organisés. Le marché de gré à
gré (Over The Counter, noté OTC dans la suite) constitue une solution non négligeable
en termes de volumes de transactions. Les échanges sont conclus par téléphone ou par
lintermédiaire de réseaux informatiques entre deux institutions financières ou entre une
4Chapitre 1
Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 4
institution et lun de ses clients. Ces institutions jouent souvent le rôle de teneurs de
marché, ou market-makers, pour les produits les plus courants, cest-à-dire quelles
cotent des prix auxquels elles sont prêtes à acheter (prix demandé ou bid) et des prix
auxquels elles acceptent de vendre (prix offert ou ask).
Les transactions sur le marché OTC sont en général dun montant moyen plus élevé que
sur le marché organisé et les conversations téléphoniques sont enregistrées en vue de
litiges éventuels. Lavantage essentiel du marché OTC est la possibilité de traiter des
produits sur mesure, la contrepartie étant quune des deux parties puisse faire défaut.
Les marchés organisés ont, par contre, défini des règles de fonctionnement qui rendent
ce risque pratiquement nul.
Les montants échangés sur les actifs dérivés sont énormes, que ce soit sur les marchés
organisés ou sur les marchés de gré à gré. Bien que les statistiques provenant des deux
types de marchés ne soient pas exactement comparables, il est clair que le marché de
gré à gré dans sa globalité est beaucoup plus important que le marché organisé. La
Banque des règlements internationaux (www.bis.org) a commencé à collecter des statis-
tiques en 1998. Le graphique 1.2 compare (a) le montant estimé du sous-jacent
correspondant aux contrats sur le gré à gré entre juin 1998 et juin 2006 et (b) les
montants correspondants sur les marchés organisés pendant la même période. On voit
quen juin 2006 le montant atteint 370 000 milliards de dollars pour le gré à gré contre
« seulement » 84 000 milliards de dollars sur les marchés organisés.
Pour interpréter ces chiffres, il faut garder à lesprit que le montant du sous-jacent asso-
cié à un contrat ne représente pas la valeur du contrat. Considérons par exemple un
contrat engageant une entreprise britannique à acheter 100 millions de dollars dans un
an à un taux de change fixé. Le montant du sous-jacent de la transaction est de 100
millions de dollars, alors que la valeur du contrat peut n’être que de 1 million de dollars
à un instant donné. La BRI estime que la valeur totale des contrats sur le marché de gré
à gré en juin 2006 est de lordre de 10 000 milliards de dollars1.
Introduction 5
Taille du marché
(en milliers de milliards de dollars)
0
50
100
150
200
250
300
350
400
Organisés
OTC
Juin-06Juin-05Juin-04Juin-03Juin-02Juin-01Juin-00Juin-99Juin-98
Graphique 1.2
:Tailles respectives des marchés organisés et de gré à gré.
1. Un contrat qui vaut 1 million pour une des parties et 1 million pour lautre est compté pour
1 million.
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