Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 1 Chapitre 1 Introduction L’importance des marchés de produits dérivés dans le monde de la finance et des investissements s’est constamment accrue ces dernières années. Nous en sommes arrivés au point où il est essentiel à tout professionnel de la finance de comprendre la façon dont ces marchés fonctionnent, la manière de les utiliser et ce qui détermine leurs cours. Cet ouvrage traite de ces questions. Dans ce chapitre introductif, nous jetons un premier regard sur les contrats futures, forward et sur les marchés d’options. Nous examinons leur histoire et nous montrons comment utiliser ces actifs financiers pour la couverture, la spéculation ou l’arbitrage. 1.1 Les contrats futures Un contrat futures est un accord entre deux parties pour acheter ou vendre un actif donné à une date future pour un prix convenu. Les contrats futures s’échangent aujourd’hui sur de nombreux marchés à travers le monde. Le Chicago Board of Trade (CBOT, www.cbot.com) et le Chicago Mercantile Exchange (CME, www.cme.com) sont les deux marchés les plus significatifs aux États-Unis. Ils ont fusionné en 2007 constituant le CME Group, le marché organisé de contrats à terme et d’options le plus grand et le plus diversifié du monde (www.cmegroup.com, lisible en grande partie en français). En Europe, les deux plus grands marchés sont Euronext (www.euronext.com), qui est également parvenu à opérer une fusion avec le New York Stock Exchange (www.nyse.com) en 2006, et l’Eurex (www.eurexchange.com), résultat de l’association des Bourses allemande et suisse. Les autres marchés importants sont le Bolsa de Mercadorias y Futuros de São Paulo (www.bmf.com.br), le Tokyo Financial Exchange Inc. (www.tfx.co.jp), le Singapore International Monetary Exchange (www.simex.com.sg) et le Sydney Futures Exchange (www.asx.com.au). Pour une liste plus complète, reportez-vous au tableau à la fin de cet ouvrage. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 2 2 Chapitre 1 Les échanges de futures permettent à ceux qui veulent acheter ou vendre des actifs à une date future de négocier entre eux. Supposons que, le 5 mars, un investisseur localisé à New York appelle son prestataire de services d’investissement, ou broker, pour lui demander d’acheter 5 000 boisseaux de maïs, livraison en juillet de la même année. Le broker transmet immédiatement cet ordre à un membre de marché, ou trader, sur le parquet du marché adéquat (le CBOT ici). Au même moment, un autre investisseur, situé au Kansas, demande à son broker de vendre 5 000 boisseaux de maïs, livraison en juillet également. Cet ordre sera aussi passé sur le CBOT. Les deux ordres de sens opposé sont confrontés sur le marché et un prix d’équilibre, pour la livraison du maïs en juillet, résulte de la confrontation de l’offre et de la demande. Considérons l’achat de ce contrat de maïs portant sur 5 000 boisseaux. L’investisseur de New York, qui a accepté d’acheter, a donc pris ce qu’on appelle une position longue sur le contrat futures, et l’investisseur du Kansas, qui a accepté de vendre, une position courte. Le prix (coté le 5 mars) auquel les deux investisseurs conviennent d’échanger à l’échéance est appelé « prix futures ». Supposons que ce soit 300 cents le boisseau. Ce prix, comme n’importe quel autre, est déterminé par la confrontation de l’offre et de la demande. Si, à une date quelconque, il existe un plus grand nombre d’investisseurs souhaitant vendre en juillet plutôt qu’acheter à cette date, le prix futures baissera. Cela poussera de nouveaux acheteurs à acheter sur le marché, de sorte qu’un équilibre sera finalement trouvé entre acheteurs et vendeurs. Un raisonnement symétrique s’applique si le nombre d’acheteurs est plus élevé que le nombre de vendeurs à un moment donné. Les questions traitant des appels de marges, des pratiques de passages d’ordres, des commissions et du rôle de la chambre de compensation seront abordées au chapitre 2. Pour le moment, nous supposons que le résultat final de l’échange que nous venons de décrire est le suivant : l’investisseur de New York a bien acheté, en juillet, 5 000 boisseaux de maïs à 300 cents le boisseau et l’investisseur du Kansas a bien vendu ces 5 000 boisseaux de maïs à 300 cents le boisseau en juillet. Les deux parties ont conclu un contrat ferme (voir graphique 1.1). Un prix futures se distingue d’un cours au comptant (spot) qui concerne une transaction lorsque cette dernière est réalisée immédiatement. Le prix futures est le cours d’une transaction qui se réalisera à une date définie ultérieurement. Ces deux prix sont généralement différents. Un cours futures peut être soit supérieur, soit inférieur au prix spot. Mars : un investisseur prend une position longue sur un contrat futures de maïs de juillet à 300 cents par boisseau Juillet : l’investisseur doit acheter 5 000 boisseaux de maïs pour un montant total de 15 000 $ Graphique 1.1 : Un contrat futures (censé tenu à l’échéance). Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 3 Introduction 1.2 3 L’histoire des marchés à terme Les marchés à terme trouvent leur origine au Moyen Âge. Ils ont été initialement développés pour répondre aux besoins des agriculteurs et des commerçants. Considérons, en avril, la position d’un agriculteur qui récoltera une certaine quantité de céréales en juin. Il est impossible de connaître avec exactitude le prix auquel l’agriculteur pourra vendre sa récolte à ce moment-là. Les années de disette, il pourra obtenir un prix particulièrement élevé, s’il n’est pas pressé de vendre. Au contraire, dans un contexte de surproduction, il devra écouler sa récolte à un prix qui pourrait se révéler inférieur aux coûts de production. De toute évidence, le fermier et sa famille sont exposés à un risque considérable. Considérons à présent une entreprise qui doit se fournir en céréales. Cette société est tout aussi exposée aux fluctuations de prix. Certaines années, une situation excédentaire peut lui permettre de profiter de prix favorables. D’autres années, en revanche, une pénurie conduira à des prix exorbitants. Il peut alors être judicieux pour l’agriculteur et l’entreprise de se réunir en avril (voire avant) et de s’entendre sur le prix de la récolte de juin. Cela implique qu’ils négocient une sorte de contrat à terme. Le contrat offre à chacune des parties un moyen d’éliminer le risque lié à l’incertitude du prix des céréales auquel elle est confrontée. On peut se demander ce qu’il advient des céréales le reste de l’année. Une fois la récolte effectuée, les céréales doivent être stockées jusqu’à la prochaine saison. Si la société ne subit plus le risque de variation du prix, elle supporte néanmoins des coûts de stockage. Si l’agriculteur ou n’importe qui d’autre stocke les céréales, la société et le stockeur font tous deux face au risque lié à l’incertitude du prix des céréales. De nouveau, les contrats à terme ont un rôle à jouer. Le Chicago Board of Trade Le Chicago Board of Trade (CBOT, www.cbot.com) a été créé en 1848 pour confronter les offres et demandes de céréales des fermiers et des négociants. Au départ, l’objectif essentiel était de standardiser quantités et qualités de grains échangés. Quelques années plus tard, le premier contrat futures a été mis en place. Rapidement, les spéculateurs ont trouvé plus attractif de spéculer sur le contrat que sur les céréales elles-mêmes. Le Chicago Board of Trade offre aujourd’hui des contrats à terme sur des sous-jacents très nombreux et variés tels que le maïs, l’avoine, le soja, la farine de soja, l’huile de soja, le blé, les bons du Trésor ou les billets de trésorerie. Le Chicago Mercantile Exchange En 1874, fut créé le Chicago Produce Exchange, qui offrait un marché pour le beurre, les œufs, les volailles et d’autres produits agricoles périssables. En 1898, les vendeurs de beurre et d’œufs se retirèrent de ce marché pour former le Chicago Butter and Egg Board. En 1919, ce dernier fut rebaptisé le Chicago Mercantile Exchange (CME) et fut réorganisé pour négocier les contrats à terme. Dès lors, ce marché a permis la négociation des Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 4 4 Chapitre 1 contrats à terme de nombreuses matières premières telles que les poitrines de porc (1961), les bovins (1964), les porcs (1966) et les bovins d’engraissement (1971). En 1982, a été introduit un contrat à terme sur l’indice Standard & Poor’s (S&P) 500 Stock Index. Le Chicago Mercantile Exchange (www.cme.com) a permis la négociation de contrats à terme de devises en 1972. Les futures de devises négociés désormais incluent la livre sterling, le dollar canadien, le yen japonais, le franc suisse, le dollar australien, le peso mexicain, le réal brésilien, le rand sud-africain, le dollar néo-zélandais, le rouble russe et l’euro. Le Chicago Mercantile Exchange comprend le fameux contrat à terme d’Eurodollar. (Comme nous l’expliquerons dans les chapitres ultérieurs, il s’agit d’un contrat sur la valeur future d’un taux d’intérêt à court terme.) Il a également introduit des contrats à terme sur la météo et l’immobilier. Le CME Group En juillet 2007, le Chicago Mercantile Exchange (CME) et le Chicago Board of Trade (CBOT) ont fusionné et donné naissance au CME Group (www.cmegroup.com), le plus grand marché de contrats à terme et d’options du monde. Le New York Mercantile Exchange (NYMEX) a rejoint le CME Group en août 2008. En octobre 2008, le CME Group et le Citadel Investment Group de Chicago ont monté un partenariat pour créer une plateforme de négociation électronique des swaps de défaut (CDS). Les marchés électroniques Alors que, traditionnellement, les traders (ou membres de marchés) négociaient en un lieu unique, à la criée, à l’aide d’un jeu de signes complexe, l’évolution technologique a conduit à l’émergence de la négociation (ou trading) électronique qui est la norme aujourd’hui. Les ordres sont donc passés directement par ordinateur et transférés sur un système central qui apparie acheteurs et vendeurs. Quoique les marchés à la criée aient leurs défenseurs, ils sont progressivement remplacés par le trading électronique. Ainsi, les traders soumettent leurs opérations à partir d’un clavier et d’un ordinateur utilisés pour mettre en relation acheteurs et vendeurs. De nos jours, la plupart des marchés sont gérés électroniquement. Le CME Group utilise le système CME Globex tandis que NYSE-Euronext utilise LIFFE CONNECT pour ses produits dérivés. 1.3 Les marchés de gré à gré (OTC) Tous les échanges ne sont pas réalisés sur des marchés organisés. Le marché de gré à gré (Over The Counter, noté OTC dans la suite) constitue une solution non négligeable en termes de volumes de transactions. Les échanges sont conclus par téléphone ou par l’intermédiaire de réseaux informatiques entre deux institutions financières ou entre une Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 5 Introduction 5 institution et l’un de ses clients. Ces institutions jouent souvent le rôle de teneurs de marché, ou market-makers, pour les produits les plus courants, c’est-à-dire qu’elles cotent des prix auxquels elles sont prêtes à acheter (prix demandé ou bid) et des prix auxquels elles acceptent de vendre (prix offert ou ask). Les transactions sur le marché OTC sont en général d’un montant moyen plus élevé que sur le marché organisé et les conversations téléphoniques sont enregistrées en vue de litiges éventuels. L’avantage essentiel du marché OTC est la possibilité de traiter des produits sur mesure, la contrepartie étant qu’une des deux parties puisse faire défaut. Les marchés organisés ont, par contre, défini des règles de fonctionnement qui rendent ce risque pratiquement nul. Les montants échangés sur les actifs dérivés sont énormes, que ce soit sur les marchés organisés ou sur les marchés de gré à gré. Bien que les statistiques provenant des deux types de marchés ne soient pas exactement comparables, il est clair que le marché de gré à gré dans sa globalité est beaucoup plus important que le marché organisé. La Banque des règlements internationaux (www.bis.org) a commencé à collecter des statistiques en 1998. Le graphique 1.2 compare (a) le montant estimé du sous-jacent correspondant aux contrats sur le gré à gré entre juin 1998 et juin 2006 et (b) les montants correspondants sur les marchés organisés pendant la même période. On voit qu’en juin 2006 le montant atteint 370 000 milliards de dollars pour le gré à gré contre « seulement » 84 000 milliards de dollars sur les marchés organisés. Pour interpréter ces chiffres, il faut garder à l’esprit que le montant du sous-jacent associé à un contrat ne représente pas la valeur du contrat. Considérons par exemple un contrat engageant une entreprise britannique à acheter 100 millions de dollars dans un an à un taux de change fixé. Le montant du sous-jacent de la transaction est de 100 millions de dollars, alors que la valeur du contrat peut n’être que de 1 million de dollars à un instant donné. La BRI estime que la valeur totale des contrats sur le marché de gré à gré en juin 2006 est de l’ordre de 10 000 milliards de dollars1. 400 350 Taille du marché (en milliers de milliards de dollars) 300 OTC Organisés 250 200 150 100 50 0 Juin-98 Juin-99 Juin-00 Juin-01 Juin-02 Juin-03 Juin-04 Juin-05 Juin-06 Graphique 1.2 : Tailles respectives des marchés organisés et de gré à gré. 1. Un contrat qui vaut 1 million pour une des parties et – 1 million pour l’autre est compté pour 1 million. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 6 6 1.4 Chapitre 1 Les contrats forward Un contrat forward est, comme un contrat futures, un engagement ferme à acheter ou à vendre un actif (sous-jacent) à une date future donnée pour un prix convenu. Il est échangé le plus souvent entre deux établissements financiers ou entre un établissement financier et un client. Contrairement aux contrats futures, les contrats forward sont négociés sur des marchés OTC. Les contrats forward sont très prisés sur le marché des changes. Les plus grandes banques disposent souvent d’une équipe spécialisée dans ces contrats au sein de leur département de change. Le tableau 1.1 donne un exemple de cotation de ces contrats sur le taux de change dollar américain (USD) – euro (EUR). La cotation donne le nombre de dollars par euro. La première colonne indique l’horizon du contrat, c’est-à-dire le délai entre la prise de position et la réalisation de l’achat ou la vente de devises. La deuxième donne les taux de change auxquels la banque est prête à acheter les euros, et la troisième les taux de change auxquels elle est prête à vendre. Tableau 1.1 : Taux de change spot et forward EUR – USD Bid Ask Spot 1,3931 1,3935 Forward un mois 1,3920 1,3925 Forward trois mois 1,3898 1,3903 Forward six mois 1,3865 1,3871 Forward un an 1,3899 1,3805 Par exemple, pour une transaction spot (mise à disposition immédiate de l’actif), l’institution est prête à acheter 1 EUR en payant 1,3931 USD, ou prête à vendre immédiatement 1 EUR contre paiement de 1,3935 USD. Pour une transaction forward à six mois, la banque serait prête à acheter l’euro 1,3865 USD, etc. Ces cotations sont valides pour des transactions de montants très élevés. Tout particulier ayant voyagé sait qu’au guichet des banques l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente est beaucoup plus élevé. Les contrats forward peuvent être utilisés pour couvrir le risque de change. Supposons que le trésorier d’une entreprise américaine sache que, dans six mois, il devra décaisser 1 million d’euros et qu’il souhaite se protéger contre les variations du taux de change. À l’aide des cotations du tableau 1.1, il peut s’engager à acheter de l’euro dans six mois au taux de 1,3871 USD/EUR. L’entreprise a alors une position longue sur un forward à six mois au taux de 1,3871. Elle s’est donc engagée auprès de la banque qui cote ces taux de change à payer 1,3871 million de dollars pour recevoir 1 million d’euros. Symétriquement, la banque a une position courte sur un forward six mois l’engageant à livrer 1 million d’euros et elle recevra en contrepartie 1,3871 million de dollars. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 7 Introduction 7 Le cours forward d’une devise est lié au cours spot de la devise, au taux sans risque de la monnaie domestique et au taux sans risque de la devise. Nous approfondirons ces considérations au chapitre 5. 1.5 Les options Il existe deux types d’options : les options d’achat (appelées calls par la suite) et les options de vente (appelées puts). Un call donne le droit à son détenteur d’acheter une certaine quantité d’un actif sous-jacent à une date future donnée et à un prix convenu. Un put donne le droit à son détenteur de vendre une certaine quantité d’un actif sousjacent à une date future et à un prix convenu. Ce prix est appelé prix d’exercice (strike price) ; la date maximale à laquelle le droit peut être exercé est la date d’échéance. Si l’exercice peut survenir à tout moment jusqu’à la date d’échéance, l’option est dite américaine. Par contre, si l’option ne peut être exercée qu’à la date d’échéance, elle est dite européenne. Il n’y a aucun lien entre ces appellations et les lieux de cotation. Des options européennes sont cotées sur les marchés américains et des options américaines sur les marchés européens. Un point essentiel est que l’achat d’une option donne le droit (mais pas l’obligation) de faire quelque chose. C’est la différence fondamentale avec les contrats forward ou futures. L’acheteur d’un contrat à terme est dans l’obligation d’acheter un actif à un prix défini et à une date fixée dans le futur. Au contraire, l’acheteur d’un call peut au choix acheter ou non l’actif au prix défini et à la date prévue. Cela ne coûte quasiment rien de prendre une position dans un contrat à terme (si l’on fait abstraction des appels de marge présentés au chapitre 2). En revanche, l’investisseur qui souhaite acheter une option doit payer une prime, appelée premium, au départ. Aux États-Unis, le marché organisé le plus significatif est le Chicago Board Options Exchange (www.cboe.com). Un contrat donne le droit d’acheter ou de vendre 100 actions au prix d’exercice spécifié. Cette quotité semble raisonnable car les actions s’échangent le plus souvent par multiples de 100. En France, les options sur actions sont cotées sur le LIFFE de NYSE-Euronext (www.liffe.com). La quantité de titres sousjacents par contrat dépend du prix de ce sous-jacent. En effet, si l’action support cote 0,5 €, les contrats d’options porteront sur un nombre plus élevé de titres supports que si l’action cotait 150 €. Le tableau 1.2 donne un exemple de prix d’options (valeur moyenne entre les ordres d’achat et de vente) sur une action France Télécom (FTE) le 2 janvier 2009. Les cours ont été obtenus sur euronext.com. Le cours de FTE à cette date était de 20,45 €. Les prix d’exercices retenus (sur 15 disponibles) sont de 18, 20, 22, 24 et 28 €. Les dates d’échéance sont celles de janvier, mars et juin 2009. Les dates d’échéance correspondant au troisième jour ouvré suivant le troisième vendredi du mois d’échéance, nous obtenons respectivement le 21 janvier, 25 mars et 24 juin 2009. Ces options sont de type américain et portent chacune sur 100 actions (quotité). Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 8 8 Chapitre 1 Tableau 1.2 : Prix des options sur France Télécom (FTE) le 2 janvier 2009 (cours de l’action : 20,45 €) Calls Puts Prix d’exercice Janv. Mars Juin Janv. Mars Juin 18 2,51 3,23 3,70 0,04 0,65 1,40 20 0,82 1,79 2,35 0,35 1,21 2,14 22 0,07 0,80 1,31 1,60 2,22 3,18 24 0,01 0,30 0,67 3,55 3,73 4,59 28 0,01 0,03 0,11 7,55 7,55 7,55 Le tableau 1.2 illustre un certain nombre de propriétés des options. Lorsque le prix d’exercice augmente, le prix d’un call diminue, tandis que le prix d’un put augmente. Ces deux types d’options voient leur valeur s’apprécier si leur durée de vie augmente. Un put au prix d’exercice de 28 € devrait être exercé immédiatement. C’est la raison pour laquelle le prix de ce put est le même quelle que soit l’échéance. Nous examinerons en détail les propriétés de ces options au chapitre 9. Supposons qu’un investisseur charge un courtier d’acheter un call échéance juin sur FTE au prix d’exercice de 20 €. Le courtier transmet cet ordre au LIFFE de NYSEEuronext, lequel va alors trouver un autre trader qui veut vendre un call juin sur FTE au même prix d’exercice. Ils s’accordent alors sur le prix d’échange. Pour cet exemple, nous ne tenons pas compte de l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente et supposons que ce prix est de 2,35 €, comme le précise le tableau 1.2. C’est le prix à payer pour une option qui permettrait d’acheter une action. La quotité de ce contrat d’option est de 100, c’est-à-dire qu’une option permet d’acheter 100 actions. Par conséquent, l’investisseur doit payer 235 €. Ce montant sera versé au vendeur de l’option par l’intermédiaire des courtiers. Dans notre exemple, pour un coût de 235 €, l’investisseur a obtenu le droit d’acheter 100 actions FTE à 20 € chacune. La contrepartie de la transaction a reçu 235 € et a accepté de vendre 100 actions FTE pour 20 € par action si l’investisseur le lui demande (c’est-à-dire, s’il choisit d’exercer l’option). Si le cours de FTE ne dépasse pas 20 € d’ici le 24 juin 2009, l’option ne sera pas exercée et l’investisseur aura perdu 235 €. Mais si le cours de l’action FTE progresse et si l’option est exercée pour un cours de 30 €, l’investisseur peut alors acheter 100 titres à 20 € l’unité alors qu’elle en vaut 30. Cela lui procure au final un gain de 1 000 €, soit 765 € net du coût initial du contrat d’option. L’investisseur peut tout aussi bien vouloir acheter un put juin au prix d’exercice de 18 €. Le tableau 1.2 établit que cela lui coûte 100 × 1,40 €, soit 140 €. L’investisseur obtient alors le droit de vendre 100 actions FTE à 18 € l’action jusqu’au 24 juin 2009. Si le cours de l’action FTE reste au-dessus de 18 €, l’option n’est pas exercée et, à Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 9 Introduction 9 l’échéance, l’investisseur aura perdu 140 €. Mais si l’investisseur peut exercer l’option lorsque le cours de FTE est, par exemple, à 15 €, il réalise un gain de 300 € en achetant 100 actions à 15 € l’unité et en les revendant 18 € au vendeur de son put. Son bénéfice net, en tenant compte du coût initial du contrat, est de 160 €. Les options sont généralement de type américain. Si, pour simplifier, nous supposons qu’elles sont européennes, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être exercées qu’à la date d’échéance, le gain de l’investisseur à l’échéance pour chacun de nos deux exemples est représenté dans le graphique 1.3. 2 000 2 000 1 500 1 500 1 000 1 000 500 500 0 –500 0 0 10 20 30 40 –500 0 10 (a) 18 20 30 40 (b) Graphique 1.3 : Profit net pour (a) l’achat d’un call sur 100 actions France Télécom (FTE) avec un prix d’exercice de 20 € et une échéance juin et (b) l’achat d’un put sur 100 actions FTE avec un prix d’exercice de 18 € et une échéance juin. Comme il existe deux types d’options (calls et puts) et que chaque transaction fait intervenir un acheteur et un vendeur, quatre positions sont alors envisageables : 1. L’achat de call. 2. L’achat de put. 3. La vente de call. 4. La vente de put. On emploie, comme pour les contrats forward et futures, les expressions position longue pour les acheteurs et position courte pour les vendeurs. 1.6 L’histoire des marchés d’options La première négociation d’options débuta en Europe et aux États-Unis dès le XVIIIe siècle. Les premières années, le marché eut mauvaise réputation en raison de certaines pratiques de corruption. L’une d’elles impliqua des courtiers recevant des options sur certaines actions, les incitant à recommander ces mêmes actions à leurs clients. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 10 10 Chapitre 1 L’Association des courtiers et vendeurs d’options Au début des années 1900, un groupe d’entreprises constitua la Put and Call Brokers and Dealers Association. L’objectif de cette association était de fournir un mécanisme pour rapprocher acheteurs et vendeurs. Les investisseurs qui souhaitaient acheter une option devaient contacter un des membres du groupe d’entreprises. Cette dernière tentait de trouver un vendeur ou un émetteur de cette option, soit parmi ses propres clients, soit parmi ceux des autres entreprises membres. Si aucun vendeur n’était trouvé, l’entreprise s’engageait à émettre l’option elle-même à un prix jugé approprié. Le marché des options de l’Association des courtiers et vendeurs souffrait de deux inconvénients majeurs. Tout d’abord, il n’y avait pas de marché secondaire : l’acheteur d’une option n’avait pas le droit de la revendre à un tiers. Ensuite, aucun mécanisme ne garantissait que l’émetteur de l’option honore les contrats. Si l’émetteur ne respectait pas ses engagements en cas d’exercice de l’option, l’acheteur devait alors recourir à de coûteuses poursuites judiciaires. La formation du marché des options En avril 1973, le Chicago Board of Trade créait un nouveau marché, le Chicago Board Options Exchange, consacré à la négociation des options sur actions. Dès lors, les marchés d’options sont devenus de plus en plus populaires auprès des investisseurs. L’American Stock Exchange (www.amex.com) et le Philadelphia Stock Exchange (www.phlx.com) commencèrent à coter des options sur actions en 1975. Le Pacific Exchange fit de même en 1976. Et, dès le début des années 1980, le volume des échanges a augmenté si rapidement que le nombre d’actions sous-jacentes impliquées dans les contrats négociés chaque jour a dépassé le volume quotidien d’actions échangées sur le New York Stock Exchange. L’International Securities Exchange (www.iseoptions.com) a ouvert son marché de négociation d’options entièrement électronique en 2000 et le Boston Options Exchange en 2004. Dans les années 1980, les marchés d’options de change, d’options sur indices boursiers et d’options sur contrats à terme se sont développés aux États-Unis. Le Philadelphia Stock Exchange fut le premier à proposer la négociation des options de change. Le Chicago Board Options Exchange introduit les options sur le S&P100 Stock Index (OEX), le S&P500 Stock Index (SPX), le Nasdaq 100 Index (NDX) et le Dow Jones Industrial Average (DJX). La plupart des marchés cotant des contrats à terme offrent aujourd’hui des options sur ces contrats. Ainsi, le Chicago Board of Trade propose des options de futures sur le maïs, le Chicago Mercantile Exchange des options sur les futures de bovins vivants et ainsi de suite. Des marchés d’options sont aujourd’hui présents dans le monde entier (voir le tableau à la fin de cet ouvrage). Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 11 Introduction 11 Le marché de gré à gré des options Le marché OTC (de gré à gré) des options s’est développé très rapidement depuis le début des années 1980 et est maintenant plus important que l’ensemble des marchés organisés. L’un des avantages des marchés OTC est qu’ils peuvent proposer des options adaptées à un besoin particulier de trésoriers ou de gestionnaires de fonds. Par exemple, un trésorier d’entreprise recherchant un call européen portant sur 1,6 million de livres sterling au taux de change de 1,9125 risque fort de ne pas trouver ce contrat particulier sur un marché organisé. En revanche, de nombreuses banques d’investissement n’hésiteront probablement pas à lui fournir un prix pour un contrat de gré à gré qui réponde précisément à ses besoins. 1.7 Les intervenants Le succès considérable des marchés d’options et de contrats à terme trouve son origine dans la capacité de ces derniers à attirer diverses catégories d’investisseurs. La liquidité, conséquence de ce succès, permet à tout investisseur souhaitant prendre une position en options de trouver une contrepartie. Nous distinguerons trois catégories d’intervenants : les opérateurs en couverture, appelés hedgers, les spéculateurs et les arbitragistes. Les hedgers utilisent les contrats forward, les futures ou les options pour réduire leur exposition au risque de variation de la valeur des actifs sous-jacents à ces contrats. Les spéculateurs, quant à eux, prennent des positions qui sont des paris sur l’évolution future de ces sous-jacents. Les arbitragistes cherchent à profiter, en prenant position sur plusieurs contrats ou actifs, des incohérences momentanées dans les cotations. Les prochaines sections examinent les activités de ces trois catégories d’intervenants. L’encadré 1.1 illustre le fait que les hedge funds sont devenus des acteurs essentiels des marchés d’actifs dérivés. Encadré 1.1 Les hedge funds Les hedge funds figurent aujourd’hui parmi les plus gros consommateurs d’actifs dérivés. Ils les utilisent aussi bien pour la couverture que pour la spéculation ou l’arbitrage. Contrairement aux fonds mutuels, ils sont peu réglementés et disposent d’importantes marges de manœuvre dans l’utilisation de ces produits. Les commissions exigées par les managers de ces fonds dépendent de la performance du fonds mais peuvent atteindre 1 % à 2 % du montant investi, auxquels s’ajoutent 20 % des profits réalisés. En 2004, environ 1 000 milliards de dollars étaient investis dans les hedge funds. Des « fonds de fonds » ont même été créés pour construire des portefeuilles constitués de parts de différents hedge funds. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 12 12 Chapitre 1 Les stratégies suivies par les hedge funds requièrent le plus souvent l’utilisation d’actifs dérivés pour construire une position de spéculation ou d’arbitrage. Une fois le type de stratégie défini, le gérant du fonds doit : 1. Évaluer les risques auxquels expose la stratégie envisagée. 2. Définir les risques qui sont acceptables et ceux qui doivent être couverts. 3. Construire les stratégies de couverture des risques inacceptables. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de stratégies, avec leur dénomination anglaise (employée sur tous les marchés). • Convertible arbitrage : achat d’obligations convertibles et vente à découvert de l’action sous-jacente. La position sur l’action est gérée de manière dynamique en fonction de l’évolution du cours. • Distressed securities : achat de titres d’entreprises sous le coup d’une procédure de faillite ou proches de cette situation. • Emerging markets : investissement dans la dette et les actions d’entreprises de pays émergents et/ou investissement dans la dette souveraine de ces pays. • Growth fund : investissement dans les titres de croissance et couverture par la vente d’options. • Macro ou global : utilisation d’actifs dérivés pour spéculer sur l’évolution des taux d’intérêt et des taux de change. • Market neutral : achat d’actions jugées sous-évaluées et vente d’actions jugées surévaluées de façon à neutraliser l’exposition au risque de marché. 1.8 Les opérateurs en couverture Illustrons tout d’abord la façon dont un hedger peut réduire son risque en prenant une position sur un forward ou une option. Se couvrir avec des contrats forward Supposons que, le 14 juillet 2008, la société ImportCo, basée aux États-Unis, prévoie de payer 10 millions d’euros à la date du 14 octobre 2008 pour des marchandises achetées en France. Les taux de change spot et forward cotés par une grande banque sont ceux du tableau 1.1. L’entreprise peut prendre une position longue sur un forward trois mois au taux de 1,3903. Ce choix fixerait le prix à payer pour les marchandises à 13,903 millions de dollars. Notez que choisir de ne pas se couvrir peut donner un meilleur résultat ; si, à la fin des trois mois, le taux de change spot est de 1,37, l’absence de Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 13 Introduction 13 couverture entraîne un décaissement de 13,7 millions, inférieur à 13,903 millions. À l’inverse, si le taux de change spot est passé à 1,40, les 10 millions d’euros coûtent 14 millions de dollars et l’entreprise regrettera l’absence de couverture. Considérons maintenant l’entreprise ExportCo, qui exporte ses produits vers la France et doit recevoir 10 millions d’euros dans trois mois. Elle peut couvrir son risque de change par une position courte sur le forward trois mois avec un taux de change de 1, 3898, fixant ainsi sa recette en dollars à 13,898 millions. La situation d’ExportCo est symétrique de celle d’ImportCo ; si l’euro s’apprécie contre le dollar américain, ExportCo regrettera peut-être de s’être couverte, alors que si l’euro se déprécie, la recette de la position couverte sera supérieure à celle qui est obtenue en l’absence de couverture. ■ Exemple 1.1 : Récapitulatif d’une couverture à l’aide de contrats forward Nous sommes le 14 juillet 2008. La société américaine ImportCo doit payer 10 millions d’euros le 14 octobre 2008 pour des marchandises achetées en France. À l’aide des données du tableau 1.1, nous déduisons que la société peut prendre une position longue sur un forward trois mois au taux de 1,3903 pour les euros qu’elle va payer. Le 14 octobre 2008, une autre société américaine, ExportCo, doit recevoir 30 millions d’un client français. Cette société doit alors prendre une position courte sur un forward trois mois au taux de 1,3898 pour les euros qu’elle recevra. Cet exemple illustre un point essentiel de la couverture. La recette et la dépense sont connues d’avance, mais a posteriori rien ne garantit que la solution retenue se révélera la meilleure. Se couvrir avec des options Les options peuvent aussi être utilisées pour se couvrir. Considérons un investisseur qui détient 1 000 titres Lafarge alors que l’action cote 73 €. L’investisseur craint qu’un ralentissement économique ne pénalise le cours. Il peut acheter 100 contrats de puts avec un prix d’exercice de 65 € sur Euronext.LIFFE. Cela lui donne le droit de vendre 1 000 titres à 65 € par titre. Si l’option cote 2,5 €, chaque contrat coûte 25 €, soit un décaissement total de 2 500 €. La stratégie coûte 2 500 € mais garantit que les titres pourront être revendus à un prix supérieur à 65 € pendant la durée de vie de l’option. Si le cours de Lafarge chute sous ce seuil, les options seront exercées de façon que la vente rapporte 65 000 €. Si l’on tient compte du coût de l’option, l’encaissement net est de 62 500 €. Si, par contre, le cours est supérieur à 65 €, l’option n’est pas exercée et expire sans valeur. Dans ce cas, la valeur des titres est supérieure à 65 000 € (ou 62 500 € si l’on tient compte du coût initial des options). Le graphique 1.4 décrit la valeur nette du portefeuille (incluant le Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 14 14 Chapitre 1 coût initial de l’option) comme une fonction du cours de Lafarge dans deux mois. La ligne en pointillés représente la valeur du portefeuille non couvert. ■ Exemple 1.2 : Récapitulatif d’une couverture à l’aide d’options En mai, un investisseur possède 1 000 titres Lafarge et souhaite se garantir d’une baisse du cours de l’action dans les deux prochains mois. Les cours sur le marché sont les suivants : • cours de l’action Lafarge : 73 € ; • cours d’un contrat put 65 juillet : 2,5 € (parité 1 pour 10). L’investisseur doit acheter 100 contrats put pour 2 500 €. Cela lui donne le droit de vendre 1 000 titres Lafarge à 65 € l’unité au cours des deux prochains mois. Une comparaison Il existe donc une différence fondamentale entre une couverture par des contrats forward et une couverture par des options. Les forwards sont conçus pour neutraliser le risque, en définissant un prix auquel le hedger achètera ou vendra. Les options, par contre, procurent une assurance. Elles offrent aux investisseurs un moyen de se protéger contre des mouvements défavorables des cours, tout en leur laissant la possibilité de profiter des mouvements favorables. La contrepartie de cet avantage est le coût d’achat de l’option. 75 000 Valeur du portefeuille (€) 70 000 65 000 Couvert Non couvert 60 000 Cours de l’action (€) 55 000 55 60 65 70 Graphique 1.4 : Représentation de l’exemple 1.2 : couverture de Lafarge par des options. 75 Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 15 Introduction 1.9 15 Les spéculateurs Considérons maintenant l’usage des futures et des options par les spéculateurs. Alors que les hedgers cherchent à éliminer le risque lié aux variations de prix du sous-jacent, les spéculateurs vont, au contraire, prendre position pour parier sur le sens d’évolution du marché. Spéculer avec des futures Supposons qu’un spéculateur américain pense, en février, que la livre sterling (GBP) va se renforcer par rapport au dollar (USD) dans les deux mois à venir, alors que le taux de change actuel est de 1,6470 USD/GBP. Il est prêt à miser l’équivalent de 250 000 GBP sur cette anticipation. La stratégie la plus simple serait d’acheter 250 000 GBP au cours de change d’aujourd’hui et d’attendre l’appréciation de la devise britannique. La livre, une fois achetée, pourrait être placée au taux sans risque britannique. La seconde solution consiste à prendre une position longue sur quatre contrats cotés au CME, permettant d’acheter fin avril 250 000 GBP (chaque contrat porte sur 62 500 GBP). Le tableau 1.3 résume cette alternative en retenant l’hypothèse d’un taux de change actuel de 1,6470 USD par GBP et du prix d’un futures pour avril à 1,6410. Si, fin avril, le taux de change est passé à 1,7000, le contrat à terme engendre un profit égal à (1,7000 – 1,6410) × 250 000 = 14 750 USD. La solution consistant à acheter la devise immédiatement aurait conduit à un profit égal à (1,7000 – 1,6470) × 250 000 = 13 250 USD. Si, par contre, le spéculateur s’est trompé et que le taux de change chute à 1,6000, la perte est (1,6000 – 1,6410) × 250 000 = – 10 250 USD, alors qu’elle aurait été (1,6000 – 1,6470) × 250 000 = 11 750 USD sur l’opération au comptant. Il apparaît que les deux opérations engendrent des profits et pertes différents, à l’avantage de l’opération sur les contrats futures. Mais si l’on tient compte de l’intérêt payé en USD et reçu en GBP dans l’opération au comptant, les profits et pertes sont identiques dans les deux situations. Quelle est alors la différence entre les deux opérations ? La première nécessite une mise initiale de 411 750 USD (250 000 GBP au taux de change initial) alors que, comme nous le verrons au chapitre 2, la seconde opération n’implique qu’une faible mise initiale, de l’ordre de 25 000 USD, qui doit être déposée par le spéculateur sur un compte de deposit (ou compte de marge). Le marché des futures permet donc de bénéficier d’un effet de levier. Avec une mise modique, l’investisseur peut prendre une position spéculative prépondérante. Spéculer avec des options On peut aussi utiliser les options pour spéculer. En octobre, un spéculateur pense que le cours de France Télécom est susceptible d’augmenter dans les deux mois. Le prix actuel est de 20 € et un call de prix d’exercice 25 € est actuellement coté 1 € pour l’échéance Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 16 16 Chapitre 1 Tableau 1.3 : Comparaisons de spéculation à l’aide d’achats au comptant ou de contrats futures. Un futures porte sur 62 500 GBP. La marge intiale est de 20 000 USD. Cotations de février Investissement Achat de 250 000 GBP Achat de quatre contrats futures Cours au comptant = 1,6470 Cours du futures = 1,6410 411 750 USD 25 000 USD Gain si cours spot d’avril = 1,7000 13 250 USD 14 750 USD Gain si cours spot d’avril = 1,6000 –11 750 USD –10 250 USD décembre. Le tableau 1.4 illustre deux possibilités de spéculation, en supposant que l’investisseur est prêt à engager 4 000 €. La première consiste à acheter 200 actions, la seconde à acheter 4 000 options. Si l’anticipation est correcte et si le cours de France Télécom passe à 35 €, la première opération engendre un profit de (35 – 20) × 200 = 3 000 €. La seconde est beaucoup plus profitable puisque l’option, à l’échéance du contrat, vaut (35 – 25) = 10 €. L’investisseur reçoit donc 40 000 €, desquels il faut déduire l’investissement initial, soit 4 000 € ; le profit net est donc 36 000 €, soit 12 fois plus qu’avec la première stratégie. Tableau 1.4 : Comparaisons des profits des deux stratégies, en investissant 4 000 € en octobre Prix de l’action fin décembre 15 € 35 € Achat des actions –1 000 € 3 000 € Achat des calls –4 000 € 36 000 € Stratégie Les options entraînent aussi une perte plus élevée si l’anticipation ne se vérifie pas. En effet, si France Télécom vaut 15 € fin décembre, les options ont une valeur nulle et la perte est de 4 000 €, soit la totalité de l’investissement initial. La première stratégie entraîne, quant à elle, une perte de (15 – 20) × 200 = –1 000 €. Le tableau 1.3 montre en fait que les options, comme les contrats futures, ont un fort effet de levier. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 17 Introduction 17 40 000 Profit (€) 36 000 32 000 28 000 24 000 20 000 16 000 12 000 8 000 Achat d’actions Achat d’options 4 000 0 20 15 –4 000 25 30 35 Cours de l’action (€) –8 000 Graphique 1.5 : Pertes et profits des deux stratégies de spéculation sur l’action France Télécom. Une comparaison Options et contrats futures se ressemblent car ils engendrent tous deux un puissant effet de levier. Il existe cependant une différence essentielle entre les deux. Quand un spéculateur utilise les contrats futures, pertes et gains potentiels sont considérables. Quand il a recours à l’achat d’options, la perte est limitée au montant payé pour acquérir ces options. 1.10 Les arbitragistes La troisième catégorie d’opérateurs sur ces marchés est celle des arbitragistes. Leur objectif est d’assurer un profit en prenant simultanément position soit sur plusieurs actifs dérivés différents, soit sur un actif dérivé et son sous-jacent. Il s’agit, pour eux, de profiter d’éventuelles incohérences temporaires de prix entre différents titres ou contrats. Dans les chapitres suivants, nous verrons plus en détail comment fonctionnent ces stratégies, mais pour le moment, nous allons illustrer cette démarche par un exemple simple. Une action est simultanément cotée sur Euronext-Paris (www.euronext.fr) et sur le New York Stock Exchange (www.nyse.com). Le titre vaut 105 € à Paris et 125 $ à New York, alors que le taux de change est de 1,2500 USD/EUR (soit 0,8000 EUR/USD). Un arbitragiste peut simultanément acheter 100 unités du titre à New York et vendre la même quantité à Paris. Il obtient ainsi un profit immédiat égal à : 100 × (105 – 125 × 0,8000 EUR/USD) = 500 € Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 18 18 Chapitre 1 en dehors des coûts de transaction. Pour un investisseur individuel, les coûts de transaction rendraient ce type d’opération inintéressant, mais pour les grandes institutions financières supportant des coûts très faibles sur les marchés d’actions et de change, ce genre d’opportunités, quand elles se présentent, est évidemment très attractif. Notre exemple a une simple vertu pédagogique ; les opportunités d’arbitrage sur les marchés réels sont en général moins flagrantes ! ■ Exemple 1.3 : Récapitulatif d’une opportunité d’arbitrage Une action est cotée simultanément à Paris (sur Euronext) et à New York (sur le NYSE). Les cours suivants ont été relevés : • sur Euronext : 105 € ; • sur le NYSE : 125 $ ; • valeur d’un euro : 1,2500 $. Un arbitragiste effectue alors les opérations suivantes : 1. Conversion de 10 000 € en 10 000 × 1,2500 = 12 500 $. 2. Achat de 100 actions à New York pour 12 500 $. 3. Vente de ces 100 actions à Paris pour 10 500 €. Il réalise un profit de : 10 500 – 10 000 = 500 €. Il est clair que ce type d’opportunités ne peut survivre très longtemps, du fait même de l’existence d’arbitragistes. La demande excédentaire du titre à New York va faire monter le prix sur le NYSE, et l’offre excédentaire à Paris va faire chuter le prix sur Euronext. Très rapidement, les prix vont redevenir équivalents, compte tenu du taux de change en vigueur. De manière générale, même si cela paraît paradoxal, l’existence d’arbitragistes implique que les opportunités d’arbitrage sont rares, mais surtout éphémères. Par conséquent, dans cet ouvrage, la plupart des raisonnements sur les prix futures, forward ou sur les prix d’options font l’hypothèse de l’absence d’opportunités d’arbitrage. 1.11 Les dangers Les actifs dérivés peuvent conduire à des résultats spectaculaires. Comme nous l’avons mentionné, ils peuvent être utilisés pour la couverture, la spéculation ou l’arbitrage. Certains traders qui sont normalement des arbitragistes peuvent devenir (consciemment ou non) des spéculateurs. Le résultat peut se révéler désastreux. L’exemple de Nick Leeson, employé de la banque Barings, en est une illustration emblématique (voir encadré 1.2)2. 2. Le film Trader est une version remaniée mais intéressante de la faillite de la Barings. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 19 Introduction Encadré 1.2 19 Le désastre de la banque Barings Les actifs dérivés sont des titres qui peuvent se révéler dangereux. Un des risques auxquels fait face une entreprise ou une institution financière est lié à la possible utilisation de ces actifs par un employé pour spéculer alors qu’il est censé opérer comme arbitragiste. Nick Leeson, trader employé par la banque Barings à Singapour en 1995, était mandaté pour réaliser des arbitrages entre les Bourses de Singapour et d’Osaka sur le contrat futures portant sur l’indice Nikkei 225. Petit à petit, ce trader se transforma en spéculateur sans que personne à la Barings se rende compte du changement de « philosophie » de ses interventions. Il réussit à cacher ses premières pertes et tenta de les résorber en adoptant des positions de plus en plus audacieuses, qui ne firent qu’aggraver la situation. Quand le problème fut découvert, les pertes atteignaient 1 milliard de dollars. La banque, qui pourtant avait 200 ans d’existence, fut mise en faillite. Une des leçons de cette histoire est la nécessité de définir précisément les limites des risques que peuvent prendre les traders et de s’appuyer sur une structure de contrôle qui permette de vérifier que ces limites sont respectées. Résumé La croissance des marchés de produits dérivés a constitué un des faits marquants du monde financier des 30 dernières années. Dans de nombreux cas, hedgers et spéculateurs préfèrent intervenir sur les dérivés plutôt que sur les sous-jacents. Certains actifs dérivés sont échangés sur des marchés organisés alors que d’autres le sont de gré à gré par des institutions financières et leurs clients, ou encore ajoutés à des émissions d’actions ou d’obligations. Une grande partie de ce livre est consacrée à l’évaluation de ces produits. Il s’agit, en particulier, de présenter une approche unifiée et une méthodologie générale qui permettent d’évaluer tous les actifs dérivés, pas seulement les futures et les options. Dans ce chapitre, nous avons jeté un premier regard sur les contrats forward, futures et sur les options. Un contrat forward ou futures est un engagement à acheter ou vendre une quantité donnée de sous-jacents à une date future spécifiée pour un prix donné. Les futures sont négociés sur des marchés organisés tandis que les forwards s’échangent sur des marchés de gré à gré. Une option donne le droit, mais pas l’obligation, d’acheter ou de vendre un sous-jacent. Un call (put) est le droit d’acheter (de vendre) une quantité donnée d’un actif sous-jacent à une date future spécifiée, pour un prix convenu. Les options sont négociées aussi bien sur des marchés organisés que sur des marchés de gré à gré. Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 20 20 Chapitre 1 Les forwards, futures et options ont constitué des innovations financières véritablement couronnées de succès. Trois grands types d’intervenants peuvent être identifiés, les hedgers ou opérateurs en couverture, les spéculateurs, et enfin les arbitragistes. Les hedgers supportent un risque lié à l’actif sous-jacent ; ils utilisent alors les futures, les forwards ou les options pour réduire ou éliminer le risque. Les spéculateurs souhaitent parier sur l’évolution du sous-jacent et tentent de profiter de l’effet de levier fourni par ces produits financiers. Les arbitragistes cherchent, quant à eux, à profiter des incohérences des prix relatifs de plusieurs actifs. Références complémentaires CHANCELLOR E., Devil Take the Hindmost – A History of Financial Speculation, New York, Farra Straus Giroux, 1999. MERTON R. C., « Commentary: Finance Theory and Future Trends. The Shift to Integration », Risk, 12, 7 (juillet 1999), 48-51. MILLER M. H., « Financial Innovation: Achievements and Prospects », Journal of Applied Corporate Finance, 4 (hiver 1992), 4-11. RAWNSLEY J. H., Total Risk: Nick Leeson and the Fall of Barings Bank, New York, Harper Collins, 1995. ZHANG P. G., Barings Bankruptcy and Financial Derivatives, Singapore, World Scientific, 1995. Problèmes et exercices 1.1 Quelle est la différence entre une position longue et une position courte sur un futures ? 1.2 Expliquez précisément la différence entre (a) hedgers, (b) spéculateurs et (c) arbitragistes. 1.3 Quelle est la différence entre (a) prendre une position longue sur un futures avec un prix futures de 50 € et (b) acheter un call de prix d’exercice 50 € ? 1.4 Un investisseur prend une position courte sur un forward pour vendre 100 000 livres sterling (GBP) contre du dollar américain (USD). Le taux de change forward est de 1,9000 USD par GBP. Combien gagne ou perd l’investisseur si le taux de change à la fin du contrat est (a) 1,8900 ou (b) 1,9200 ? 1.5 Vous vendez un put de prix d’exercice 25 € avec une durée de vie de trois mois. L’action sous-jacente cote aujourd’hui 22 € et le contrat porte sur 10 titres. À quoi vous êtes-vous engagé ? Combien pouvez-vous gagner ou perdre ? Chapitre1 10/08/09 14:10 Introduction Page 21 21 1.6 Vous souhaiteriez spéculer sur la hausse d’une certaine action. Son prix est aujourd’hui de 29 € et un call à trois mois de prix d’exercice 30 € cote aujourd’hui 2,9 €. Vous avez 5 800 € à investir. Définissez deux stratégies conformes à vos anticipations, la première sur l’action, la seconde sur l’option. Quels sont vos gains (pertes) potentiels sur chacune des deux stratégies ? 1.7 Quelle est la différence entre un marché de gré à gré et un marché organisé ? Que signifient les expressions bid et offer (ou ask) dans les cotations d’un marché de gré à gré ? 1.8 Vous avez en portefeuille 5 000 actions cotant 25 € chacune. Comment l’achat de puts peut-il vous procurer une assurance contre la baisse des cours dans les quatre mois qui viennent ? 1.9 L’émission d’actions apporte des fonds à l’entreprise émettrice. En est-il de même pour une option sur action ? Justifiez votre réponse. 1.10 Expliquez pourquoi un contrat forward peut être utilisé pour spéculer ou pour se couvrir. 1.11 Un éleveur doit vendre 120 000 livres de bovins vivants dans trois mois. Le contrat futures sur les bovins vivants du Chicago Mercantile Exchange porte 40 000 livres. Comment l’éleveur peut-il utiliser ce contrat pour se couvrir ? Du point de vue de l’éleveur, quels sont les avantages et les inconvénients de ce type de couverture ? 1.12 En juillet 2007, une compagnie minière a découvert un petit gisement d’or. Il faut six mois pour construire la mine. L’or sera alors extrait de manière plus ou moins continue pendant un an. Des contrats à terme sur l’or sont disponibles sur le New York Commodity Exchange. Les mois de livraison sont fixés tous les deux mois, d’août 2007 à décembre 2008. Chaque contrat permet la livraison de 100 onces d’or. Expliquez de quelle façon la société minière peut utiliser les marchés de futures pour se couvrir. 1.13 Un call, échéance mars et prix d’exercice 50 €, cote 2,5 €. Il est détenu jusqu’à l’échéance. Dans quelles circonstances le détenteur fera-t-il un profit et dans quels cas l’option sera-t-elle exercée ? Construisez le graphique des profits à l’échéance du contrat en fonction du prix du support. 1.14 Un put, échéance juin et prix d’exercice 60 €, cote 4 €. Dans quelles circonstances le vendeur de cette option fera-t-il un profit à l’échéance et dans quels cas l’option sera-t-elle exercée ? Construisez le graphique des profits du vendeur du put à l’échéance du contrat en fonction du prix du support. 1.15 Un call, échéance septembre, de prix d’exercice 20 € est vendu par un investisseur. Nous sommes en mai, le prix du support est de 18 € et le call cote 2 €. Décrivez les flux de fonds de l’investisseur s’il conserve le call jusqu’à l’échéance et si le cours de l’action est de 25 € à cette date. 1.16 Un investisseur vend 4 € un put, échéance décembre, de prix d’exercice 30 €. Dans quelles circonstances réalise-t-il un gain ? Chapitre1 10/08/09 14:10 Page 22 22 Chapitre 1 1.17 L’Eurex propose un contrat sur obligations de l’État fédéral allemand (Bunds) à long terme (contrat FGBL). Quels types d’intervenants sont susceptibles d’utiliser ce contrat ? 1.18 La direction d’une compagnie aérienne a fait valoir : « Ce n’est pas la peine d’utiliser des futures sur le pétrole. Il existe autant de probabilités, qu’à l’avenir, le prix du pétrole soit inférieur au prix à terme qu’il ne soit supérieur. » Discutez le point de vue de la direction. 1.19 « Options et contrats futures sont des jeux à somme nulle. » Qu’entend-on par cette affirmation ? 1.20 Un trader prend une position courte sur un forward de 100 millions de yens. Le taux de change forward est de 0,0080 € par yen. Combien gagne ou perd le trader si le taux de change à la fin du contrat est (a) 0,0074 € ou (b) 0,0091 € par yen ? 1.21 Un trader prend une position courte sur un contrat futures sur le coton avec un prix futures de 50 cents la livre. La quantité sous-jacente au contrat est de 50 000 livres. Combien gagne ou perd le trader si le prix du coton à la fin du contrat est (a) 48,20 cents ou (b) 51,30 cents par livre ? 1.22 Une entreprise sait qu’elle recevra un certain montant de devise étrangère dans quatre mois. Quel type d’option est approprié pour couvrir le risque de change ? 1.23 Une entreprise française s’attend à recevoir 1 million de dollars dans six mois. Expliquez comment elle peut couvrir le risque de change avec (a) un contrat forward et (b) une option. Questions complémentaires 1.24 L’or cote 600 USD l’once et le prix forward pour livraison dans un an est de 800 USD l’once. Un arbitragiste peut emprunter à 10 % par an. Que doit-il faire ? Vous supposerez que le coût de stockage de l’or est nul et que l’or ne rapporte pas de revenus intermédiaires. 1.25 Expliquez de quelle façon des options de devises peuvent être utilisées pour couvrir le risque de la situation décrite dans l’exemple 1.1, afin que (a) ImportCo s’assure un taux de change inférieur à 1,4100 et (b) ExportCo un taux de change supérieur à 1,3700. 1.26 Une action cote aujourd’hui 94 € et les calls à trois mois avec un prix d’exercice de 95 € valent 4,7 €. Un investisseur pense que le cours va monter dans les trois mois. Il décide d’acheter soit 100 actions, soit 2 000 options. Les deux imposent d’engager 9 400 €. Quels conseils lui donneriez-vous ? À partir de quel prix d’action la stratégie d’option devient-elle profitable ? 1.27 Le 12 septembre 2006, un investisseur dispose de 100 actions France Télécom. Comme indiqué dans le tableau 1.2, le cours est de 20,45 € et un put d’échéan- Chapitre1 10/08/09 14:10 Introduction Page 23 23 ce janvier avec un prix d’exercice de 20 € est coté 0,35 €. L’investisseur compare deux solutions pour limiter les risques de baisse. La première consiste à acheter une option de vente à échéance janvier avec un prix d’exercice de 20 €. La seconde solution consiste plus simplement à vendre les 100 parts dès que le prix baisse et atteint 20 €. Expliquez les avantages et les inconvénients de ces deux stratégies. 1.28 Un investisseur achète un call européen et vend un put européen ; les deux options possèdent les mêmes caractéristiques (sous-jacent, durée de vie, prix d’exercice). Décrivez sa position. Dans quels cas le prix du call est-il égal au prix du put ?