CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.1.DEFINITION: L’eau, de part qu’il entre dans la constitution des sols, sa présence est l’origine de plusieurs phénomènes caractérisant le sol tels que capillarité et pression interstitielle. D’autre part, l’eau a un effet direct sur le comportement des sols fins (voir limites d’Atterberg). Elle est un facteur important dans la plupart des problèmes géotechniques telles que gonflement, gel, percolation, tassement, glissement…A titre statistique, les pertes de vies humaines causées par la rupture de barrages et digues (par érosion interne) sont plus importantes de toute perte causée par les autres types de rupture d’ouvrages de génie civil. Les pertes matérielles et le coût d’entretient des structures sous sols gonflants sont les plus importantes que les dommages causés par inondations, ouragans, tornades et tremblements de terres. III.2. DIFFERENTS ETATS DE L’EAU DANS LES SOLS : III.2.1. Nappes souterraines : Lorsque les sols sont saturés, que l’eau est libre de circuler et qu’un gradient hydraulique apparaît, on parle alors de nappe souterraine. En particulier, on distingue : • Les terrains aquifères dans lesquels l’eau circule avec des débits importants. Ils sont constitués de sols ou de roches perméables. • Les terrains aquifuges qui sont si peu perméables que les débits sont insignifiants. Ils se comportent donc comme des sols ou roches imperméables. • Surface de la nappe, surface de l’eau limitant la partie supérieure de la nappe. • Nappe libre, nappe où la pression interstitielle de l’eau au niveau de la surface est nulle. • Nappe phréatique, première nappe libre rencontrée depuis la surface. La surface de cette nappe s’appelle le niveau phréatique. • Nappe artésienne, nappe pour laquelle la pression de l’eau à la surface de la nappe est positive. Une telle nappe est généralement prisonnière entre deux couches de terrains aquifuges. • Nappes artificielles, ce sont des nappes créées par l’homme, telles celles qui existent à l’intérieur du corps d’un barrage en terre. III.2.2. L’eau dans les sols : L’eau dans le sol peut se présenter sous trois formes différentes : • Eau de constitution : c’est l’eau de cristallisation Exemple : gypse (SO4Ca,2H2O , ou encore appelé plâtre). • Eau adsorbée : c’est l’eau de mouillage des grains solides. Elle est fixée à la surface de ceux-ci en formant un film mince. • Eau libre : contrairement aux cas précédents, pour lesquels l’eau est solidaire des grains solides, l’eau libre remplit les interstices formés par les grains solides et peut y circuler. 19 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.3. HYDRAULIQUE DES SOLS - HYPOTHESES DE BASE - : Pour étudier l’écoulement de l’eau dans les sols, les hypothèses suivantes sont considérées : 1. Le sol est saturé. 2. L'eau et les grains sont incompressibles. 3. La phase liquide est continue. Soit un volume quelconque de sol saturé (V), limité par une surface (S) et traversé par un écoulement (figure III.1). Dans un intervalle de temps donné dt, un volume d'eau dV1 pénètre à I’ intérieure de (S) et un volume d'eau dV2 en sort. Si on suppose que les grains n’ont pas bougé, c'est-à-dire si (V) est un domaine fixe de l'espace, et en vertu de I’ hypothèse 2, le volume d'eau Vw contenu dans (S) reste le même. Par suite, dV1= dV2. Le débit est conservé. C'est la condition de continuité. Figure III.1 : Schéma représentatif III.4. PROPRIETE DE L’EAU LIBRE : ECOULEMENT LINEAIRE A TRAVERS UN SOL: Considérons un cylindre de sol de section S (Figure III.2) et supposons qu’il se produise un écoulement de M vers N. Figure III.2 : Ecoulement dans un tube III.4.1. Vitesse de l’eau dans le sol : Soit Q le débit à travers S. la vitesse apparente v de l’eau est par définition : Cette définition bien que la plus utilisée, donne une vitesse fictive car en réalité l’eau ne circule que dans les pores de surface n.S (n étant la porosité du sol) d’une part et d’autre part, les trajectoires sont vraisemblablement tortueuses. On définit la vitesse moyenne v’ par le rapport : 20 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.4.2. Charge hydraulique – perte de charge - : Dans l'étude de l'écoulement d'un fluide sous l'action de la pesanteur on appelle charge hydraulique en un point M la quantité : Avec VM : vitesse de I’eau au point M. UM : pression de l'eau en M (en prenant pour origine des pressions la pression atmosphérique), appelée la pression interstitielle. ZM : altitude du point M par rapport à un plan de référence arbitraire mais qui, judicieusement choisi, peut simplifier les calculs g : accélération due à la pesanteur. Remarque : 1. La charge hm s’exprime en m. 2. Dans les sols les vitesses d’écoulement sont si faibles (10 cm/s grand maxi) que l’on peut négliger la quantité . La charge hydraulique s’écrit alors : (Théorème de Bernoulli) La variation de charge dh subie par I’eau dans son mouvement de M à N (dans le sens de l'écoulement) est égale à hM- hN. Cette variation est négative. On appelle perte de charge la quantité – dh : La pression interstitielle U est mesurée par la hauteur d'eau dans un tube piézométrique (appelé aussi piézomètre) pénétrant dans le sol jusqu'au point considéré. (Figure III.3) Soit M le point considéré et A le niveau supérieur de I'eau dans le tube. La charge hydraulique est la même en A et en M puisqu'il n 'ya pas écoulement entre ces deux points. Ces surfaces portent le nom de surface équipotentielle. Figure III.3 : Notion de perte de charge 21 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS La surface libre de l'écoulement est constituée de ligne de courant confondue avec la ligne piézométrique qui leur est associée (UM= 0, quel que soit le point M considéré appartenant à la surface de l'écoulement). III.4.3. Gradient hydraulique : On définit le gradient hydraulique i entre deux points A et B par le rapport : Si A est voisin de B A noter : Figure III.4 : Définition du gradient hydraulique • Cette relation définie dans un milieu unidirectionnelle se généralise aisément dans un milieu à deux ou trois dimensions. On a alors : Si la charge hydraulique est la même en tout point du milieu ; l’eau interstitielle est dite en équilibre hydrostatique. • i est une quantité sans dimension. • En tout point M du sol, le vecteur même sens. et la ligne de courant sont tangents et sont orientés dans le Cette perte de charge « i » traduit le frottement exercé par l’eau sur le squelette solide. La poussée d’écoulement qui en résulte est à l’origine de nombreux sinistres (glissement de terrain, formation de renard). III.4.4. Loi de Darcy : Les expériences de Darcy (publiées en 1986), qui sont à la base de l'hydraulique souterraine étaient relatives à l'écoulement de I'eau dans une conduite verticale remplie de sable en régime permanent. Dans un tel cas, les lignes de courant sont rectilignes et parallèles. La loi, établie expérimentalement, peut être étendue au cas d'un écoulement monodimensionnel de direction quelconque. La loi de Darcy exprime que la vitesse de décharge est proportionnelle au gradient hydraulique. 22 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS La circulation de I'eau s'effectue en régime laminaire .Le coefficient « K » ainsi introduit est une caractéristique du sol étudié. ll est appelé coefficient de perméabilité. Sa dimension est celle d'une vitesse puisque « i » est sans dimension. La perméabilité varie beaucoup avec la nature du terrain. Le tableau III.1 près donne les intervalles de valeurs correspondant aux perméabilités de différents types de sol : Tableau III.1 : Perméabilité des différents types de sol Remarques : • Pour avoir un ordre de grandeur facile à retenir : 10-8m /s représente une vitesse de 30 cm par an environ. • Les roches non fissurées ont des perméabilités variant de 10-12à 10-10m /s. • Dans le cas d'un sable à granulométrie serrée ( Cu< 2), on peut obtenir une estimation du coefficient de perméabilité à I’ aide de la relation empirique de Hazen: K=D102 où k est exprimée en m/s et D10 est exprimé en cm. • L’équation du débit à travers une section S de sol, s’écrit alors en fonction de i et K : III.5. MESURE DE LA PERMEABILITE DU SOL EN LABORATOIRE : Divers procédés sont utilisés pour déterminer la perméabilité d’un sol. Le plus simple est l’utilisation d’un perméamètre. Le principe de la mesure consiste à relier le débit q traversant un échantillon cylindrique de sol saturé ( écoulement uniforme ) à la charge h sous laquelle se produit l' écoulement . Suivant l'ordre de grandeur de la perméabilité du sol étudié on sera amené à travailler sous charge constante (perméabilités élevées : k > 10-5m /s) ou sous charge variable (faibles perméabilités : k < 10-5 m/s). III.5.1. Perméabilité à charge constante : Le niveau de I'eau dans le réservoir étant maintenu constant, on a, en prenant le plan de référence au niveau de sortie de I'eau (Figure III.5) 23 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS d dh dh Figure III.5: Perméamétre à charge constante D’où : dh Avec S : section de l’échantillon Et V : Volume d’eau recueilli pendant le temps T (l’écoulement dans l’échantillon est uniforme) III.5.2. Perméabilité à charge variable : Dans le cas des faibles perméabilités l'essai à charge constante serai trop long, les débits étant très faibles. On procède alors à charge variable: l'eau provient d'un tube de faible diamètre (section « s » ) relié à l'échantillon. Au fur et à mesure que l'écoulement se produit, le niveau de I'eau dans le tube baisse (charge variable). On mesure le temps t nécessaire pour que I'eau descende du niveau h1 au niveau h2 ( Figure III.6). Dans cet essai, le mouvement n'est pas permanent, Mais le phénomène est lent et on suppose que la loi de Darcy est applicable à chaque intervalle de temps élémentaire. Avec les notations de la figure (plan de référence au niveau d’entrée de l’échantillon), il vient, pour un temps intermédiaire : 24 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS d dh Figure III.6: Perméamétre à charge variable le volume d 'eau qui traverse l'échantillon pendant I’ intervalle de temps « dt » est égal à la diminution de volume d 'eau dans le tube ,i l vient: dV = Q . dt = - s . dh soit : dh d’où : et après intégration : III.6. PERMEABILITE DES TERRAINS STRATIFIÈS : Lorsque le terrain est composé de plusieurs couches de perméabilités différentes, il est possible de calculer un coefficient de perméabilité équivalente pour un massif fictif supposé homogène. Mais il faut distinguer le cas d’un écoulement horizontal d’un écoulement vertical ( Figure III.7). a)Ecoulement parallèle au plan de stratification b) Ecoulement perpendiculaire au plan de stratificationFigure III.7 : Sens d’écoulement par rapport à la stratification 25 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.6.1.Perméabilité équivalente horizontale (Cas d'un écoulement parallèle au plan de stratification): En exprimant que: • la perte de charge est la même pour toutes les couches (le gradient hydraulique est donc aussi le même). • le débit total est la somme des débits de chaque couche. III.6.2.Perméabilité équivalente verticale (Cas d'un écoulement perpendiculaire au plan de stratification): En exprimant que : • la perte de charge totale est la somme des pertes de charge de chaque couche. • le débit est le même pour toutes les couches (la vitesse de décharge v est donc aussi la même). Remarque: La perméabilité du terrain fictif homogène est beaucoup plus élevée dans le sens des couches que dans le sens perpendiculaire aux couches. Dans le cas d’un terrain constitué de deux couches on peut facilement démontrer que : (KH/KV) >1 dans les terrains stratifiés, la perméabilité est plus grande parallèlement à la stratification que perpendiculairement 26 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.7. MESURE DE LA PERMEABILITE DU SOL IN SITU : Les petits échantillons testés en laboratoire ne rendent pas compte de l'hétérogénéité des formations naturelles. En effet, il peut exister dans la nature des passages privilégiés (joints de stratification, fissures,..ect) qui modifient localement l'écoulement . On procède alors à des essais en place. Les perméabilités mesurées en laboratoire sont inférieures à celles mesurées in-situ. On distingue deux types d'essais: l'essai de pompage et I’ essai ponctuel. III.7.1. Essai de pompage en régime permanent : formule de Dupuit L’essai consiste à rabattre, par pompage, la surface piézométrique d’une nappe. La perméabilité du sol est telle que le pompage provoque un rabattement de la surface piézométrique en quelques heures. Pour cela on fore un puits à travers la formation perméable jusqu’au substratum. Le puits est crépiné sur toute la longueur traversant la nappe (Figure III.8.a et b). Des piézomètres sont mis en place. On pompe alors avec un débit constant Q jusqu’à ce qu’on est atteint un régime permanent. Figure III.8 : Essai de pompage La surface libre de la nappe présente une dépression en forme d’entonnoir centré sur le puits et qui s’étend jusqu'à la limite du massif. Lorsqu'un régime permanent s’établit, le débit pompé est donné par la relation : Pour une nappe captive Pour une nappe libre 27 CHAPITRE III L’EAU DANS LES SOLS III.7.2. Essai ponctuel (Essais Lefranc) : Un essai ponctuel est réalisé pendant un temps suffisamment court pour que le niveau de la nappe au cours de l’essai reste inchangé. On suppose que le substratum imperméable est assez loin du fond du sondage. Il intéresse un volume de sol ayant un rayon de quelques mètres autour du point étudié. L’essai le plus courant est l’essai Lefranc (Figure III.9). Une cavité est ménagée à la partie inférieure du tubage. Il s’agit en général d’une cavité cylindrique de longueur «L» et de diamètre «D». En régime permanent on a : Si : L < 2D la formule ci-dessus n’est plus valable et l’on peut assimiler la cavité à une sphère et écrire la formule approchée : Figure III.9 : Essai LEFRANC Pour L = D cette formule donne : Avec : S est la section du forage h0 et h1 sont les niveaux de l’eau dans le sondage entre les temps t0 et t1 (par rapport au niveau phréatique). 28