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Bible et cultures
LE CONTEXTE CULTUREL ET SOCIAL
Essais d’insertion de chronologie biblique dans chronologie générale ne sont pas
les seuls moyens de replacer livres bibliques dans leur contexte. Mais on peut aussi
utiliser la documentation proche-orientale pour établir des parallèles concernant les
institutions, la société, les pratiques religieuses ou la mythologie. Ces parallèles sont
très nombreux, quelques-uns présentés ici à titre d’exemples.
Seront plus ou moins développés en raison de leur intérêt et de leurs
répercussions dans art et littératures postérieurs.
I) LE DELUGE
Déluge épisode très célèbre du livre de la Genèse (fascicule, p. 13-14). Grand
récit dramatique de destruction par Dieu de l'humanité qu'il avait créée, au moyen d'un
cataclysme extraordinaire: pluies torrentielles pendant 40 jours et nuits, qui noient tout.
Dieu ne sauve que quelques hommes : Noé et sa famille, embarqués dans une «arche.
Impact énorme dans l'art: on ne compte pas les représentations du Déluge.
Longtemps considéré comme épisode authentique.
Mais au XIX° s., redécouverte progressive des textes du PO. Des archéologues
anglais fouillent le site de Kuyunjik = antique. Ninive, capitale de lempire néo-
assyrien. Aujourd'hui dans partie N Irak, au XIX° s. dans l'Empire Ottoman. Ils
découvrent les bibliothèques des palais d'Assurbanipal, roi au VII° s. av. J.-C. qui
avait rassemblé à Ninive une grosse collection de tablettes. Ils envoient le tout au
British Museum cette époque, objets découverts dans fouilles appartiennent à ceux
qui les trouvent, en l'occurrence à l'institution qui finance le chantier).
Au BM, textes passent entre les mains d'un autodidacte brillant, George Smith.
Il appris tout seul à déchiffrer le cunéiforme, en lisant les travaux des autres savants sur
la question. Le BM l'a engagé pour trier l'énorme masse de tablettes qui arrive de
Ninive.
En triant les tablettes, G. Smith repère et lit des textes mythologiques. Trouve un texte
qui parle d'un bateau échoué sur une montagne; occupants du bateau lâchent une
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colombe, qui ne trouve pas se poser et revient au bateau. Comprend qu'il s'agit d'un
régit du Déluge. Cherche d'autres morceaux du même texte et les trouve: en fait, il
reconstitue la 11° tablette de l'épopée de Gilgamesh (aventures d’un roi légendaire
d’uruk, en quête de l’immortalité).
—> 3 déc. 1872: conférence. à la Sté d'Archéologie Biblique: annonce qu'il a
découvert un récit mésopotamien. du déluge.
Impact immédiat. Le journal Daily Telegraph propose à G. Smith de financer la
suite des fouilles de Ninive, arrêtées depuis 1855, pour retrouver d'autres morceaux;
contrepartie: G. Smith doit publier le récit de ses découvertes dans le D.T.
Dès 1873 reprend des fouilles à Ninve et au bout d'une semaine trouve un
nouveau fragment. En 1876 G. Smith publie The Chaldean Account of Genesis, étude
de tous les textes mésopotamiens. qu'il connaît sur la question. S’est rendu compte que
la 11° tablette de Gilgamesh reprenait un récit plus ancien. Atra-hasis (titre ancien :
« Lorsque les dieux faisaient l’homme. » (fascicule, p. 12-13).
Récit qui raconte comment les dieux créent l’homme pour les décharger de leur
labeur. Mais hommes se reproduisent trop vite, font trop de vacarme. Devant cette
situation, Enlil, chef du panthéon, décide d’exterminer les humains, d’abord par la
famine et les maladies. Mais le dieu Ea, qui avait eu l’idée de créer l’homme, veille sur
sa créature et parvient à déjouer les plans d’Enlil. Le dernier cataclysme envoyé par
Enlil est un déluge, des pluies torrentielles.
Ea avait promis de ne pas prévenir les humains. A recours à une ruse. Révèle
catastrophe imminente à une palissade derrière laquelle se trouve un homme très sage,
Atra-hasis. (début de l’extrait). Lui conseille de construire un bateau très solide pour
embarquer sa famille et des animaux de toutes sortes. Lorsque la catastrophe prend fin
et que les eaux commencent à baisser, le bateau accoste et Atra-hasis offre un sacrifice
aux dieux. Or les dieux ont faim, car il n’y avait plus d’hommes pour leur faire des
offrandes de nourriture. Se rendent compte qu’ils ont agi précipitamment. Renoncent à
détruire l’espèce humaine, tout en limitant fortement la durée de vie, pour éviter la
surpopulation.
11° tablette de Gilgamesh. Héros porte un autre nom (Utanapishtim) et quelques
épisodes ajoutés.
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Dates de rédaction : XVII° s. pour les plus anciens manuscrits d’Atra-hasis,
Vers XII° s. pour la version complète de l’Epopée de Gilgameh. Aussi versions en
sumérien (d’où vient le nom d’Utanapishtim, de peu postérieures à Atra-hasis.
A la fin du XIX° s., ces découvertes ont eu un retentissement énorme.
Bible considérée comme livre inspiré directement par Dieu: inimaginable qu'un
texte de la Bible ait pu «copier » un modèle plus ancien. Parfaitement scandaleux. Et
choque autant juifs que chrétiens.
Aujourd’hui : on a abandonné l’idée d’une historicité du Déluge (aucune
tentative archéologique pour en retrouver les traces n’a été concluante). On pense que
récit biblique du Déluge surtout inspiré par Gilgamesh, œuvre très populaire dans tout
le PO ancien. Un fragment retrouvé à Ugarit (XII° s.). Indice de diffusion jusque sur la
côte méditerranéenne. Et les Juifs ont pu aussi prendre connaissance du récit lors de
l’Exil en Babylonie.
TOB admet transmission à la Bible. En particulier références. à Gilgamesh..
Convergences évidentes, déjà repérés par G. Smith.
– L’«arche » :
Terme bizarre, qui vient slt de la traduction. latine de la Bible: Noé construit un
coffre, arca, qui lui sert de bateau.
Hébreu tébah: caisse, par extension bateau.
Description dans Gn plutôt bizarre (6, 15): longueur 300 coudées, largeur 50,
hauteur 30. (Coudée ± 50 cm: L = 150 m, l = 25 m, h = 15 m).
Très grand pour un bateau, mais puisqu'il faut y loger bcp de monde… Mais pas
du tout impression de bateau avec proue et poupe, mais effectivement de
parallélépipède, de boîte. Plus sur l'arche, toit à pignon (6, 16): évoque bcp plus un toit
de maison que la couverture d'un bateau! Plutôt référence à l'architecture des
temples. Ne pas chercher une description de bateau.
Ds Atra-hasis, description précise perdue, mais conservée ds Gilgamesh: du
point de vue de la navigation, encore bcp plu farfelu!
Un cube de 10 coudées = 60 m de côté. Cube forme parfaite.
Dans les 2 cas, description plus symbolique que réaliste. Noter aussi que ttes ces
constructions st soigneusement fermées (p. ex. Atra-hasis: plafonné, III 29). But:
préserver un microcosme de vie.
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— Noé échoue sur Mt Ararat / Utnapishtim échoue aussi sur une haute
montagne, Mt Nisir.
— Passage qui avait alerté G. Smith: les oiseaux:
Gn 8, 7-12: Pour savoir si les eaux ont baissé, Noé, qui a emporté avec lui des animaux,
lâche un corbeau, puis une colombe, mais ils reviennent car eaux partout, ne peuvent se
poser nulle part. Lâche une fois un oiseau, encore la colombe, qui revient mais en
ramenant un rameau d'olivier, signe que la terre se découvre. Noé la lâche encore une
fois, elle ne revient pas.
Or histoire très proche ds Gilgamesh, XI, 145-154. C’est le retour d’un oiseau
qui annonce la baisse des eaux.
— Dans Atra-hasis comme dans Gilgamesh, une fois déluge fini, survivants
sortent du bateau et font un sacrifice. Même structure dans Gn 8, 20: instauration de
l'holaucauste (offrande totale de l'animal), le 1er mentionné dans la Genèse.
Mais il est aussi vrai que Genèse donne une signification différente au mythe.
Si l’on considère l’insertion du Déluge ds Gn, du point de vue du récit:
Chap. 1: création du monde.
Chap. 2: création de l'homme et de la femme.
Chap 3: la faute. L'homme et la femme mangent le fruit auquel Dieu leur avait interdit
de toucher. Doivent quitter le «jardin en Eden », sont maudits par Dieu et deviennent
mortels, quoique avec existence très longue.
Chap. 4: enfants du premier couple, dt Caïn et Abel.
Chap. 5: Descendance d'Adam jusqu'à Noé, 10e génération.
Chap 6-9, récit du déluge, très long.
Motif : non pas surpopulation, mais parce que les hommes font le mal et Dieu se
repent de les avoir créés. Détruit sa création, sauf un homme, Noé et sa famille.
Mais une même conséquence : diminution de la durée de vie. Rois
mésopotamiens d’avant le Déluge vivent plusieurs milliers d’années. Parallèle avec
premiers hommes selon Bible (cf. Mathusalem et Noé lui-même vit 950 ans).
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II) LES DEPORTATIONS
Phénomène général dans le Proche-Orient ancien: la déportation des populations
vaincues.
Ce phénomène a d'abord été connu par la Bible, 2 R, (cf fascicule, p. 15-16):
Nabuchodonosor II, roi de Babylone (605-562) s'empare à deux reprises de Jérusalem,
597 et 587 av. JC; les deux fois, il déporte une partie de la population.
Pour Judéens déportés, drame, dont les livres bibliques se font l'écho: toute une
partie de la Bible est rédigée pendant ou après l'exil; certains textes plus anciens ont
être révisés à ce moment-là. Développement d'une réflexion sur le malheur du
peuple: pourquoi Dieu a-t-il abandonné son peuple, l'a-t-il arraché à la terre qu'il lui
avait donnée…
Au XIX° s., fouilles en Mésopotamie: découverte des capitales NA, des annales
royales et des grands reliefs des palais: les déportations ne sont pas seulement une
réalité NB du VI° s. L'empire NA, IX°-VII° s, pratiquait déjà des déportations de très
grande envergure: chiffres de centaines de milliers de personnes déportées donnés
dans les inscriptions royales. Peut-être en tout 2 à 3 millions entre milieu du VIII° s. et
milieu du VI° s., concernant tous les peuples du PO., Files de déportés représentés sur
les bas-reliefs.
Textes du PO et Bible intéressants à regarder ensemble car:
— Textes du PO donnent toujours le point de vue des vainqueurs.
— Bible: seul texte conservé provenant de vaincus, de gens ayant été victimes de ces
déportations. De ce point de vue, doc. unique.
Les motivations
i) Raisons politico-militaires:
Briser résistances. Si chiffres importants, on ne dépeuple jms totalement une
ville et région, même si inscriptions prétendent que roi a capturé tte la population, avec
formules comme: «Le peuple de ce pays, hommes et femmes, grands et petits, je
l'emmenai comme butin. En fait, gouverneur ou roi plus docile nommé pour diriger
ceux qui restent et leur faire payer des taxes. 2 Rois XXIV, 17, « Le roi de Babel fit roi
à la place de Joachin son oncle Mattaniah et il changea son nom en celui de
Sédécias. »
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