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La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001
DÉPISTAGE
Actuellement en France, sur 90 départements, 32 seulement
ont vu s’installer un dépistage organisé. L’extension aux autres
départements achoppe pour différentes raisons, l’une d’entre
elles, et non la moins négligeable, étant le coût et la responsa-
bilité de la prise en charge du budget. L’article suivant, évalue
un dépistage organisé dans le Bas-Rhin, le dépistage original
ayant démarré bien avant les départements suivants, qui obéis-
sent au cahier des charges édicté par l’Institut de veille sani-
taire et les Caisses d’assurance maladie. Certains des pro-
blèmes posés par le dépistage sont évoqués dans les articles
suivants : l’intervalle, la compétence des lecteurs, les difficul-
tés d’interprétation dues à l’obésité et aux images multiples.
Schaffer P et al. Un système décentralisé de dépistage du
cancer du sein : l’exemple du Bas-Rhin en France. J Radiol
2000 ; 81 : 845.
Voici l’évaluation de l’expérience du dépistage organisé dans
le Bas-Rhin depuis 1989. L’originalité de cet exemple est
d’être décentralisé, reposant sur les cabinets de radiologie et
d’anatomocytopathologie. Le taux de reconvocations, ou tests
positifs, atteint 2,3 % à la troisième vague incidente ; la valeur
prédictive positive de la biopsie est passée de 48,8 à 72,5 %. Il
faut noter que les femmes ayant eu un test faussement positif
participent moins aux vagues ultérieures.
Les cancers de l’intervalle peuvent être invasifs ou in situ et
exprimés soit en taux pour 1 000 femmes dépistées (2,03 pour
la deuxième vague incidente), soit en taux proportionnel
d’incidence (48,1 % pour la deuxième vague incidente). Ils ont
des tailles plus grandes et sont plus fréquemment N+ que les
cancers dépistés ; ils se répartissent, quant à la lecture des
mammographies, en “vrais” (47,5 %), “non spécifiques”
(35,3 %), “ratés” (14,7 %) et “occultes” (1,5 %). Ceci corres-
pond à une moyenne tout à fait acceptable par comparaison
avec les résultats des autres programmes européens.
Au total, un tel programme décentralisé, fondé sur le volonta-
riat des femmes puisqu’il n’y a pas de convocation, donne de
bons résultats, avec une augmentation nette des CCIS : 15,9 %
au lieu de 3 % en 1985. De plus, le système d’assurance qua-
lité de la chaîne mammographique a fortement contribué à
améliorer la qualité globale.
Wait S et al. Le coût du dépistage du cancer du sein en
France. J Radiol 2000 ; 81 : 799.
Cet article est complémentaire au précédent. Il concerne l’éva-
luation du coût de deux programmes décentralisés, Bas-Rhin
et Bouches-du-Rhône. Ces coûts sont élevés par rapport à ceux
des programmes centralisés existants et doivent être pris en
compte avant d’étendre le dépistage en France. Une évaluation
permanente et un système d’assurance qualité à tous les
niveaux restent indispensables.
Michaelson J et al. The breast carcinoma screening interval
is important. Cancer 2000 ; 88 : 1282 [Commentaire].
Il s’agit d’une mise au point intéressante sur trois articles parus
en 1999 concernant le rythme des mammographies dans un
dépistage organisé. En pratique courante, le délai varie actuel-
lement de un an à partir de l’âge de 40 ans aux États-Unis
jusqu’à trois ans au Royaume-Uni. Peut-on, à partir de ces
études, déterminer de façon scientifique un rythme optimal ?
Hunt, après avoir comparé un groupe dépisté annuellement et
un groupe tous les deux ans, trouve que, dans le premier
groupe, les cancers sont plus petits et le taux de reconvoca-
tions plus bas, ce qui réduit d’autant l’angoisse liée à un test
faussement positif.
Tabar compare un groupe de femmes de 40 à 49 ans ayant eu
un dépistage biennal et un groupe de femmes de plus de 50 ans
ayant un intervalle de 33 mois. Après étude des cancers de
l’intervalle, il conclut que les tumeurs passent plus rapidement
du stade impalpable au stade clinique chez les patientes
jeunes. Avec l’aide d’un modèle mathématique, les auteurs
estiment que, en réduisant l’intervalle chez les femmes de
moins de 50 ans, on obtient le même gain de survie qu’avec un
intervalle plus long chez les femmes de plus de 50 ans.
Michaelson, en utilisant un modèle informatique de croissance
et de diffusion des cellules cancéreuses, conclut que plus
l’intervalle de dépistage est court, plus la réduction de morta-
lité par cancer du sein est importante.
Les auteurs en concluent que l’on devrait recommander aux
femmes un rythme annuel, en les motivant pour que la com-
pliance soit élevée. La motivation doit être que la survie à
16 ans après découverte d’un cancer par mammographie
atteint 85 à 90 % ; elle sera peut-être même supérieure avec
l’amélioration des techniques de dépistage. La possibilité d’un
dépistage deux fois par an est même envisagée dans cet article.
Il faut noter que l’ablation des lésions de carcinome canalaire
in situ permet de prévenir l’émergence des cancers invasifs, ce
qui explique l’amélioration de la survie.
Revue de presse
l
A. Travade*
* Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand.
Kan L et al. Standardized abnormal interpretation and can-
cer detection ratios to assess reading volume and reader per-
formance in a breast screening program. Radiology 2000 ;
215 : 563.
Les auteurs ont évalué les capacités de lecture de 35 radio-
logues ayant plus de trois ans d’expérience d’interprétation de
mammographies de dépistage, de façon à optimiser les résul-
tats, augmenter la détection des cancers et diminuer les recon-
vocations inutiles ou faux-positifs. Ceux qui ont le meilleur
taux de détection des cancers et le taux le plus bas d’interpréta-
tions inadéquates sont ceux qui lisent plus de 2 500 tests par an.
Hunt K, Sickles EA. Effect of obesity on screening mammo-
graphy : outcomes analysis of 88,346 consecutive examina-
tions. Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 1251.
L’augmentation du poids est corrélée à l’augmentation du taux
de reconvocations, du taux de biopsies et du taux de cancers
dépistés. De plus, il y a une augmentation de la taille et du
stade du cancer. Ceci étaye l’hypothèse que l’obésité est un
facteur de risque de cancer du sein.
Leung JWT, Sickles EA. Multiple bilateral masses detected
on screening mammography : assessment of need for recall
imaging. Am J Roentgenol 2000 ; 175 : 23.
Une mammographie de dépistage met parfois en évidence des
opacités bilatérales multiples, plus ou moins bien circonscrites.
De façon à éviter les reconvocations inutiles et les examens
diagnostiques onéreux, les auteurs ont analysé rétrospective-
ment 1 440 mammographies de ce type. Si l’on élimine les
signaux franchement suspects (augmentation de volume d’une
seule opacité, les autres restant stables, ou opacité différente
des autres, plus grande ou plus dense ou ayant des contours
mal définis), il n’est pas nécessaire de rappeler ces patientes, le
taux de cancers d’intervalle n’étant pas plus important que
dans la population générale dépistée.
Il s’agit toutefois d’une étude américaine où la mammographie
est renouvelée un an après. Par ailleurs, une bonne analyse
sémiologique et une bonne iconographie permettent de mieux
cerner le problème des opacités multiples en dépistage.
IMAGERIE ET PROCÉDURES INTERVENTIONNELLES
Les techniques permettant d’améliorer le diagnostic non opéra-
toire des lésions impalpables font toujours l’objet de nom-
breuses publications. Quelques-unes d’entre elles sont sélec-
tionnées ci-dessous. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe
et en particulier en Allemagne, les avantages réalisés par les
dispositifs assistés par aspiration type Mammotome sont mis
en évidence.
Microbiopsies stéréotaxiques
Liberman L, Sama MP. Cost-effectiveness of stereotactic-
gauge directional vacuum-assisted breast biopsy. Am J
Roentgenol 2000 ; 175 : 53.
Dans le but d’évaluer aux États-Unis l’économie réalisée par
comparaison avec une excision chirurgicale, les auteurs ont
analysé 200 lésions impalpables ayant fait l’objet d’un prélè-
vement par système assisté par aspiration Mammotome avec
aiguille 11 G. Les lésions ponctionnées se situent dans la caté-
gorie 4 ou 5 de la classification BI-RADS de l’ACR ; il s’agis-
sait d’un foyer de microcalcifications dans 77 % des cas.
Dans 53 % des cas, ces lésions n’auraient pas pu être ponction-
nées avec les procédures classiques de microbiopsies à l’aiguille
14 G couplée à un pistolet automatique du fait soit de leur petite
taille, inférieure à 5 mm, soit de leur localisation superficielle,
soit d’un manque d’épaisseur du sein. En effet, on utilise alors le
Mammotome sans le déclenchement automatique tandis que
l’aspiration augmente le volume des échantillons.
Cette technique a évité une chirurgie diagnostique dans 76 %
des cas. En revanche, elle n’évite pas la chirurgie thérapeu-
tique en cas de cancer. Elle n’évite pas non plus la chirurgie en
cas d’hyperplasie atypique sévère ou de carcinome lobulaire in
situ puisque, même si les anomalies radiographiques sont tota-
lement enlevées, il persiste la possibilité d’une sous-estimation
histologique des lésions réelles : CCIS au lieu d’une HEA,
invasion liée à un CCIS par exemple.
Pour faciliter la surveillance ou le repérage préopératoire
lorsqu’une petite lésion a été totalement enlevée par la biopsie
à l’aiguille 11 G, il est possible de laisser en place, avant de
retirer celle-ci, un clip radio-opaque non magnétique. En effet,
il est habituel de ne trouver aucune trace du Mammotome lors
d’un contrôle mammographique réalisé dans les mois qui sui-
vent la procédure.
On peut calculer la réduction des coûts par comparaison avec
la chirurgie, cette procédure étant réalisée en moins d’une
heure sous anesthésie locale : absence d’arrêt de travail,
reprise rapide des activités normales, absence de consultation
anesthésique et chirurgicale pré- ou postopératoire. Des fac-
teurs plus subjectifs peuvent de plus être pris en compte :
anxiété moins importante ou moins longue, absence de cica-
trice, obtention d’un résultat histologique fiable en 24 à
48 heures.
Lamm RL, Jackman RJ. Mammographic abnormalities cau-
sed by percutaneous stereotactic biopsy of histologically
benign lesions evident on follow-up mammograms. Am J
Roentgenol 2000 ; 174 : 753.
Les auteurs ont évalué les anomalies observées sur la première
mammographie de contrôle, 6 à 8 mois après une microbiopsie
stéréotaxique réalisée de trois façons différentes, les lésions
étant bénignes : Mammotome 11 G, Mammotome 14 G,
microbiopsie 14 G avec pistolet automatique. Il n’y a jamais
eu d’anomalie radiologique séquellaire qui puisse être classée
3, 4 ou 5 dans la classification BI-RADS de l’ACR. On peut
simplement remarquer que, dans 2 % des cas prélevés avec le
Mammotome 11 G, il y a une surdensité résiduelle visible seu-
lement sur l’incidence parallèle au trajet de l’aiguille de biop-
sie 11 G.
Melotti K, Berg WA. Core needle breast biopsy in patients
undergoing anticoagulation therapy : preliminary results.
Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 245.
L’un des inconvénients des microbiopsies réalisées sous gui-
dage stéréotaxique est le risque de saignement ou d’hématome.
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La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001
Un interrogatoire soigneux permet de reconnaître les patientes
qui ont des anomalies de la crase sanguine ou qui sont sous
thérapeutique anticoagulante. Faut-il pour autant renoncer dans
ce dernier groupe à procéder à ces prélèvements alors que ce
sont souvent les mêmes patientes qui ont un risque opératoire
accru ?
Les auteurs ont réalisé des ponctions à l’aiguille 14 G sous pis-
tolet automatique ou des ponctions à l’aiguille 11 G avec aspi-
ration Mammotome chez 18 patientes sous anticoagulant. Il y
a eu des hématomes qui sont sans gravité et pas plus impor-
tants que dans le groupe témoin, à condition qu’une bonne
compression soit appliquée. On peut donc ponctionner sans
risque majeur une patiente sous anticoagulant.
Ponction et résonance magnétique nucléaire
Heywang-Köbrunner SH et al. Interventional MRI of the
breast : lesion localisation and biopsy. Eur Radiol 2000 ;
10 : 36.
Les examens par résonance magnétique nucléaire permettent
de trouver des anomalies impalpables qui ne sont pas toujours
néoplasiques, hormis dans le cas particulier des seins irradiés
où la spécificité s’élève à 90 %. Après découverte d’un cancer
du sein, ceci limite la recherche de lésions multifocales, sauf si
l’on peut localiser et ponctionner ces lésions afin de les repérer
pour le chirurgien ou de les analyser de façon à avoir un dia-
gnostic préopératoire fiable.
Les auteurs rapportent leur expérience de ponctions avec des
appareils ouverts. Les anomalies impalpables qui sont décou-
vertes par un rehaussement de contraste isolé sans traduction
mammographique ou échographique sont bénignes dans
75 % des cas (faux-positifs). Il serait alors intéressant de
ponctionner, mais de nombreux problèmes restent à
résoudre : artéfacts dus à l’aiguille même si elle est en métal
non magnétique, ponction des petites images inférieures à
1 cm, etc. Dans un grand nombre de cas, l’utilisation d’un
système avec aspiration à l’aiguille 11 G, Mammotome,
pourrait résoudre ces inconvénients : l’aspiration augmentant
le volume des tissus prélevés compense les limites de la
méthode. Ceci permettrait alors de ponctionner les anomalies
inférieures à 1 cm. De plus, on pourrait utiliser un guide de
ponction non métallique de façon à diminuer au maximum
les artéfacts.
MICROMÉTASTASES MÉDULLAIRES
Vingt-cinq à 40 % des patientes N– rechutent sans qu’il soit
actuellement possible de le prévoir. La recherche de micromé-
tastases médullaire a fait l’objet de nombreuses études et, pour
de nombreuses équipes, la signification de leur présence est
incertaine. Dans les travaux suivants, le premier réalisé au
stade du diagnostic précoce et le second au stade de récidive, il
semble y avoir une corrélation entre le marquage positif et la
survie mais non avec les rechutes locales.
Braun S et al. Cytokeratin-positive cells in the bone marrow
and survival of patients with stage I, II or III breast cancer.
N Engl J Med 2000 ; 342 : 525.
Les auteurs ont analysé la présence dans la moelle osseuse de cel-
lules marquées par la cytokératine et ont fait une corrélation avec
la survie. Des cellules positives ont été retrouvées dans 1 % des cas
témoins n’ayant pas de cancer et chez 36 % des patientes atteintes
d’un cancer du sein. Il n’y a pas de lien avec l’envahissement gan-
glionnaire axillaire. Il y a corrélation avec le risque de métastases à
distance et la mortalité mais non avec les rechutes locales.
Au total, la présence de cellules métastatiques occultes dans la
moelle osseuse est un facteur de risque indépendant de morta-
lité et ce paramètre pourrait donc faciliter la prise de décision
pour traiter par chimiothérapie adjuvante les formes sans enva-
hissements ganglionnaires.
Janni W et al. Prognostic significance of an increased num-
ber of micrometastatic tumor cells in the bone marrow of
patients with first recurrence of breast carcinoma. Cancer
2000 ; 88 : 2252.
Les auteurs ont étudié la présence de micrométastases occultes
dans la moelle osseuse de patientes présentant une récidive de
cancer du sein. Les cellules prélevées dans la moelle osseuse
sont repérées par un marquage à la cytokératine : ce marquage
est positif chez 16 % des patientes présentant une récidive
locale et 73 % des patientes ayant des métastases à distance.
Dans le groupe récidive locale, le marquage ne donne aucune
indication pronostique alors que, dans le groupe métastatique,
un marquage élevé est associé à une survie plus courte. Il s’agit
d’un facteur pronostique indépendant, non lié à l’âge, aux
récepteurs hormonaux, à l’intervalle libre ni aux sites atteints.
Ceci doit pouvoir guider au mieux l’attitude thérapeutique. n
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