R E V U E D E P R E S S E Revue de presse lA. Travade* DÉPISTAGE Actuellement en France, sur 90 départements, 32 seulement ont vu s’installer un dépistage organisé. L’extension aux autres départements achoppe pour différentes raisons, l’une d’entre elles, et non la moins négligeable, étant le coût et la responsabilité de la prise en charge du budget. L’article suivant, évalue un dépistage organisé dans le Bas-Rhin, le dépistage original ayant démarré bien avant les départements suivants, qui obéissent au cahier des charges édicté par l’Institut de veille sanitaire et les Caisses d’assurance maladie. Certains des problèmes posés par le dépistage sont évoqués dans les articles suivants : l’intervalle, la compétence des lecteurs, les difficultés d’interprétation dues à l’obésité et aux images multiples. Schaffer P et al. Un système décentralisé de dépistage du cancer du sein : l’exemple du Bas-Rhin en France. J Radiol 2000 ; 81 : 845. Voici l’évaluation de l’expérience du dépistage organisé dans le Bas-Rhin depuis 1989. L’originalité de cet exemple est d’être décentralisé, reposant sur les cabinets de radiologie et d’anatomocytopathologie. Le taux de reconvocations, ou tests positifs, atteint 2,3 % à la troisième vague incidente ; la valeur prédictive positive de la biopsie est passée de 48,8 à 72,5 %. Il faut noter que les femmes ayant eu un test faussement positif participent moins aux vagues ultérieures. Les cancers de l’intervalle peuvent être invasifs ou in situ et exprimés soit en taux pour 1 000 femmes dépistées (2,03 pour la deuxième vague incidente), soit en taux proportionnel d’incidence (48,1 % pour la deuxième vague incidente). Ils ont des tailles plus grandes et sont plus fréquemment N+ que les cancers dépistés ; ils se répartissent, quant à la lecture des mammographies, en “vrais” (47,5 %), “non spécifiques” (35,3 %), “ratés” (14,7 %) et “occultes” (1,5 %). Ceci correspond à une moyenne tout à fait acceptable par comparaison avec les résultats des autres programmes européens. Au total, un tel programme décentralisé, fondé sur le volontariat des femmes puisqu’il n’y a pas de convocation, donne de bons résultats, avec une augmentation nette des CCIS : 15,9 % au lieu de 3 % en 1985. De plus, le système d’assurance qualité de la chaîne mammographique a fortement contribué à améliorer la qualité globale. * Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand. 42 Wait S et al. Le coût du dépistage du cancer du sein en France. J Radiol 2000 ; 81 : 799. Cet article est complémentaire au précédent. Il concerne l’évaluation du coût de deux programmes décentralisés, Bas-Rhin et Bouches-du-Rhône. Ces coûts sont élevés par rapport à ceux des programmes centralisés existants et doivent être pris en compte avant d’étendre le dépistage en France. Une évaluation permanente et un système d’assurance qualité à tous les niveaux restent indispensables. Michaelson J et al. The breast carcinoma screening interval is important. Cancer 2000 ; 88 : 1282 [Commentaire]. Il s’agit d’une mise au point intéressante sur trois articles parus en 1999 concernant le rythme des mammographies dans un dépistage organisé. En pratique courante, le délai varie actuellement de un an à partir de l’âge de 40 ans aux États-Unis jusqu’à trois ans au Royaume-Uni. Peut-on, à partir de ces études, déterminer de façon scientifique un rythme optimal ? Hunt, après avoir comparé un groupe dépisté annuellement et un groupe tous les deux ans, trouve que, dans le premier groupe, les cancers sont plus petits et le taux de reconvocations plus bas, ce qui réduit d’autant l’angoisse liée à un test faussement positif. Tabar compare un groupe de femmes de 40 à 49 ans ayant eu un dépistage biennal et un groupe de femmes de plus de 50 ans ayant un intervalle de 33 mois. Après étude des cancers de l’intervalle, il conclut que les tumeurs passent plus rapidement du stade impalpable au stade clinique chez les patientes jeunes. Avec l’aide d’un modèle mathématique, les auteurs estiment que, en réduisant l’intervalle chez les femmes de moins de 50 ans, on obtient le même gain de survie qu’avec un intervalle plus long chez les femmes de plus de 50 ans. Michaelson, en utilisant un modèle informatique de croissance et de diffusion des cellules cancéreuses, conclut que plus l’intervalle de dépistage est court, plus la réduction de mortalité par cancer du sein est importante. Les auteurs en concluent que l’on devrait recommander aux femmes un rythme annuel, en les motivant pour que la compliance soit élevée. La motivation doit être que la survie à 16 ans après découverte d’un cancer par mammographie atteint 85 à 90 % ; elle sera peut-être même supérieure avec l’amélioration des techniques de dépistage. La possibilité d’un dépistage deux fois par an est même envisagée dans cet article. Il faut noter que l’ablation des lésions de carcinome canalaire in situ permet de prévenir l’émergence des cancers invasifs, ce qui explique l’amélioration de la survie. La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 Kan L et al. Standardized abnormal interpretation and cancer detection ratios to assess reading volume and reader performance in a breast screening program. Radiology 2000 ; 215 : 563. Les auteurs ont évalué les capacités de lecture de 35 radiologues ayant plus de trois ans d’expérience d’interprétation de mammographies de dépistage, de façon à optimiser les résultats, augmenter la détection des cancers et diminuer les reconvocations inutiles ou faux-positifs. Ceux qui ont le meilleur taux de détection des cancers et le taux le plus bas d’interprétations inadéquates sont ceux qui lisent plus de 2 500 tests par an. Hunt K, Sickles EA. Effect of obesity on screening mammography : outcomes analysis of 88,346 consecutive examinations. Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 1251. L’augmentation du poids est corrélée à l’augmentation du taux de reconvocations, du taux de biopsies et du taux de cancers dépistés. De plus, il y a une augmentation de la taille et du stade du cancer. Ceci étaye l’hypothèse que l’obésité est un facteur de risque de cancer du sein. Leung JWT, Sickles EA. Multiple bilateral masses detected on screening mammography : assessment of need for recall imaging. Am J Roentgenol 2000 ; 175 : 23. Une mammographie de dépistage met parfois en évidence des opacités bilatérales multiples, plus ou moins bien circonscrites. De façon à éviter les reconvocations inutiles et les examens diagnostiques onéreux, les auteurs ont analysé rétrospectivement 1 440 mammographies de ce type. Si l’on élimine les signaux franchement suspects (augmentation de volume d’une seule opacité, les autres restant stables, ou opacité différente des autres, plus grande ou plus dense ou ayant des contours mal définis), il n’est pas nécessaire de rappeler ces patientes, le taux de cancers d’intervalle n’étant pas plus important que dans la population générale dépistée. Il s’agit toutefois d’une étude américaine où la mammographie est renouvelée un an après. Par ailleurs, une bonne analyse sémiologique et une bonne iconographie permettent de mieux cerner le problème des opacités multiples en dépistage. IMAGERIE ET PROCÉDURES INTERVENTIONNELLES Les techniques permettant d’améliorer le diagnostic non opératoire des lésions impalpables font toujours l’objet de nombreuses publications. Quelques-unes d’entre elles sont sélectionnées ci-dessous. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe et en particulier en Allemagne, les avantages réalisés par les dispositifs assistés par aspiration type Mammotome sont mis en évidence. Microbiopsies stéréotaxiques Liberman L, Sama MP. Cost-effectiveness of stereotacticgauge directional vacuum-assisted breast biopsy. Am J Roentgenol 2000 ; 175 : 53. Dans le but d’évaluer aux États-Unis l’économie réalisée par comparaison avec une excision chirurgicale, les auteurs ont analysé 200 lésions impalpables ayant fait l’objet d’un prélèLa Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 vement par système assisté par aspiration Mammotome avec aiguille 11 G. Les lésions ponctionnées se situent dans la catégorie 4 ou 5 de la classification BI-RADS de l’ACR ; il s’agissait d’un foyer de microcalcifications dans 77 % des cas. Dans 53 % des cas, ces lésions n’auraient pas pu être ponctionnées avec les procédures classiques de microbiopsies à l’aiguille 14 G couplée à un pistolet automatique du fait soit de leur petite taille, inférieure à 5 mm, soit de leur localisation superficielle, soit d’un manque d’épaisseur du sein. En effet, on utilise alors le Mammotome sans le déclenchement automatique tandis que l’aspiration augmente le volume des échantillons. Cette technique a évité une chirurgie diagnostique dans 76 % des cas. En revanche, elle n’évite pas la chirurgie thérapeutique en cas de cancer. Elle n’évite pas non plus la chirurgie en cas d’hyperplasie atypique sévère ou de carcinome lobulaire in situ puisque, même si les anomalies radiographiques sont totalement enlevées, il persiste la possibilité d’une sous-estimation histologique des lésions réelles : CCIS au lieu d’une HEA, invasion liée à un CCIS par exemple. Pour faciliter la surveillance ou le repérage préopératoire lorsqu’une petite lésion a été totalement enlevée par la biopsie à l’aiguille 11 G, il est possible de laisser en place, avant de retirer celle-ci, un clip radio-opaque non magnétique. En effet, il est habituel de ne trouver aucune trace du Mammotome lors d’un contrôle mammographique réalisé dans les mois qui suivent la procédure. On peut calculer la réduction des coûts par comparaison avec la chirurgie, cette procédure étant réalisée en moins d’une heure sous anesthésie locale : absence d’arrêt de travail, reprise rapide des activités normales, absence de consultation anesthésique et chirurgicale pré- ou postopératoire. Des facteurs plus subjectifs peuvent de plus être pris en compte : anxiété moins importante ou moins longue, absence de cicatrice, obtention d’un résultat histologique fiable en 24 à 48 heures. Lamm RL, Jackman RJ. Mammographic abnormalities caused by percutaneous stereotactic biopsy of histologically benign lesions evident on follow-up mammograms. Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 753. Les auteurs ont évalué les anomalies observées sur la première mammographie de contrôle, 6 à 8 mois après une microbiopsie stéréotaxique réalisée de trois façons différentes, les lésions étant bénignes : Mammotome 11 G, Mammotome 14 G, microbiopsie 14 G avec pistolet automatique. Il n’y a jamais eu d’anomalie radiologique séquellaire qui puisse être classée 3, 4 ou 5 dans la classification BI-RADS de l’ACR. On peut simplement remarquer que, dans 2 % des cas prélevés avec le Mammotome 11 G, il y a une surdensité résiduelle visible seulement sur l’incidence parallèle au trajet de l’aiguille de biopsie 11 G. Melotti K, Berg WA. Core needle breast biopsy in patients undergoing anticoagulation therapy : preliminary results. Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 245. L’un des inconvénients des microbiopsies réalisées sous guidage stéréotaxique est le risque de saignement ou d’hématome. 43 R E V U E D Un interrogatoire soigneux permet de reconnaître les patientes qui ont des anomalies de la crase sanguine ou qui sont sous thérapeutique anticoagulante. Faut-il pour autant renoncer dans ce dernier groupe à procéder à ces prélèvements alors que ce sont souvent les mêmes patientes qui ont un risque opératoire accru ? Les auteurs ont réalisé des ponctions à l’aiguille 14 G sous pistolet automatique ou des ponctions à l’aiguille 11 G avec aspiration Mammotome chez 18 patientes sous anticoagulant. Il y a eu des hématomes qui sont sans gravité et pas plus importants que dans le groupe témoin, à condition qu’une bonne compression soit appliquée. On peut donc ponctionner sans risque majeur une patiente sous anticoagulant. Ponction et résonance magnétique nucléaire Heywang-Köbrunner SH et al. Interventional MRI of the breast : lesion localisation and biopsy. Eur Radiol 2000 ; 10 : 36. Les examens par résonance magnétique nucléaire permettent de trouver des anomalies impalpables qui ne sont pas toujours néoplasiques, hormis dans le cas particulier des seins irradiés où la spécificité s’élève à 90 %. Après découverte d’un cancer du sein, ceci limite la recherche de lésions multifocales, sauf si l’on peut localiser et ponctionner ces lésions afin de les repérer pour le chirurgien ou de les analyser de façon à avoir un diagnostic préopératoire fiable. Les auteurs rapportent leur expérience de ponctions avec des appareils ouverts. Les anomalies impalpables qui sont découvertes par un rehaussement de contraste isolé sans traduction mammographique ou échographique sont bénignes dans 75 % des cas (faux-positifs). Il serait alors intéressant de ponctionner, mais de nombreux problèmes restent à résoudre : artéfacts dus à l’aiguille même si elle est en métal non magnétique, ponction des petites images inférieures à 1 cm, etc. Dans un grand nombre de cas, l’utilisation d’un système avec aspiration à l’aiguille 11 G, Mammotome, pourrait résoudre ces inconvénients : l’aspiration augmentant le volume des tissus prélevés compense les limites de la méthode. Ceci permettrait alors de ponctionner les anomalies inférieures à 1 cm. De plus, on pourrait utiliser un guide de ponction non métallique de façon à diminuer au maximum les artéfacts. E P R E S S E MICROMÉTASTASES MÉDULLAIRES Vingt-cinq à 40 % des patientes N– rechutent sans qu’il soit actuellement possible de le prévoir. La recherche de micrométastases médullaire a fait l’objet de nombreuses études et, pour de nombreuses équipes, la signification de leur présence est incertaine. Dans les travaux suivants, le premier réalisé au stade du diagnostic précoce et le second au stade de récidive, il semble y avoir une corrélation entre le marquage positif et la survie mais non avec les rechutes locales. Braun S et al. Cytokeratin-positive cells in the bone marrow and survival of patients with stage I, II or III breast cancer. N Engl J Med 2000 ; 342 : 525. Les auteurs ont analysé la présence dans la moelle osseuse de cellules marquées par la cytokératine et ont fait une corrélation avec la survie. Des cellules positives ont été retrouvées dans 1 % des cas témoins n’ayant pas de cancer et chez 36 % des patientes atteintes d’un cancer du sein. Il n’y a pas de lien avec l’envahissement ganglionnaire axillaire. Il y a corrélation avec le risque de métastases à distance et la mortalité mais non avec les rechutes locales. Au total, la présence de cellules métastatiques occultes dans la moelle osseuse est un facteur de risque indépendant de mortalité et ce paramètre pourrait donc faciliter la prise de décision pour traiter par chimiothérapie adjuvante les formes sans envahissements ganglionnaires. Janni W et al. Prognostic significance of an increased number of micrometastatic tumor cells in the bone marrow of patients with first recurrence of breast carcinoma. Cancer 2000 ; 88 : 2252. Les auteurs ont étudié la présence de micrométastases occultes dans la moelle osseuse de patientes présentant une récidive de cancer du sein. Les cellules prélevées dans la moelle osseuse sont repérées par un marquage à la cytokératine : ce marquage est positif chez 16 % des patientes présentant une récidive locale et 73 % des patientes ayant des métastases à distance. Dans le groupe récidive locale, le marquage ne donne aucune indication pronostique alors que, dans le groupe métastatique, un marquage élevé est associé à une survie plus courte. Il s’agit d’un facteur pronostique indépendant, non lié à l’âge, aux récepteurs hormonaux, à l’intervalle libre ni aux sites atteints. Ceci doit pouvoir guider au mieux l’attitude thérapeutique. n Voir page 8... 44 La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001