18 | La Lettre du Sénologue 52 - avril-mai-juin 2011
DOSSIER THÉMATIQUE Réunion de concertation pluridisciplinaire à travers des cas cliniques
* Service d'oncologie médicale,
hôpital Avicenne, Bobigny.
Le suivi après cancer du sein
Follow-up care for breast cancer patients
L. Zelek*
U
ne patiente de 48 ans est reçue en première
consultation de surveillance, elle a fini il y a
6 mois sa chimiothérapie adjuvante (3 FEC
suivis de 3 docétaxel) pour une tumeur du sein de
28 mm grade 3, Ki67 40 %, RE– et RP–, HER2–,
2N+/8 au curage. Elle se plaint d’une aménorrhée
chimio-induite, mal tolérée, avec notamment des
bouffées vasomotrices sévères, qui semblent cepen-
dant s’améliorer depuis peu, et une prise de poids de
8 kg (elle pesait initialement 65 kg et pèse désor-
mais 73 kg pour 1 m 68). Elle n’a par ailleurs pas
de pathologie sévère en dehors d’une hypertension
artérielle (HTA) bien contrôlée par le traitement, et
le bilan récemment pratiqué par son médecin trai-
tant retrouve seulement une hypertriglycéridémie à
1,8 mmol/l et un taux de vitamine D à 8 pg/l.
D’un point de vue carcino-
logique, doit-on envisager
une surveillance particulière
pour cette patiente ?
Il s’agit d’une forme de cancer du sein qui présente
de multiples facteurs de gravité : prolifération élevée
(Ki67 > 20 %) type triple-négatif, avec atteinte
ganglionnaire. Nous n’avons cependant pas de
démonstration formelle du bénéfice d’une surveil-
lance rapprochée dans ce cas précis et il faudrait en
toute rigueur s’en tenir au consensus de la Haute
Autorité de santé (1) qui date de quelques années.
Bien entendu, cela nest pas sans soulever quelques
interrogations : l’expérience clinique montre que les
rechutes dans ce type de cancer du sein sont souvent
agressives. Dans ce cas précis, un retard diagnostique
pourrait conduire à une perte de chances (ce qui n’a
toutefois jamais été démontré dans la population
générale des cancers du sein). Par ailleurs, le risque
de récidive devient très faible au-delà de la 3e année
(2). Certains cliniciens préconisent donc, sur des
bases empiriques, une surveillance intensifiée (dont
les modalités précises restent à définir…) au cours
des 3 premières années.
Quel traitement proposer pour
les bouffées vasomotrices ?
Lévolution est habituellement spontanément favo-
rable, mais cette amélioration peut prendre plus de
1 an. Il existe plusieurs possibilités thérapeutiques :
venfalaxaine, gabapentine… (3). Dans le cas de cette
patiente, qui ne reçoit pas de tamoxifène, l’induction
du CYP2D6 ne doit pas poser de problème. Certaines
patientes sont réticentes vis-à-vis d’un traitement
médicamenteux et s’orientent vers les médecines
complémentaires, notamment l’acupuncture. En ce
qui concerne les compléments alimentaires, il faut
demeurer prudent vis-à-vis des phytoestrogènes,
qui sont des perturbateurs endocriniens dont l’effet
après cancer du sein est mal connu.
Cette prise de poids
préoccupe la patiente,
peut-on la rassurer ?
Il faut au contraire demeurer vigilant. Il nest pour
l’instant pas certain que la prise de poids après
cancer du sein soit un facteur de récidive, bien que
l’obésité semble être un facteur de mauvais pronostic
(4). Cependant, il vient d’être récemment montré
que les femmes qui ont, comme cette patiente, une
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Points forts Mots-clés
Prise de poids
Compléments
alimentaires
Vitamine D
Activité physique
»La prise de poids après cancer du sein concerne près de 1 femme sur 2.
»La surmortalité s’observe surtout en cas de prise de poids supérieure à 10 % du poids initial.
»Les compléments alimentaires sont déconseillés, notamment les antioxydants.
»Les carences en vitamine D doivent être dépistées et corrigées.
»La pratique d’une activité physique adaptée doit être encouragée.
Keywords
Weight gain
Dietary supplements
Vitamine D
Physical activity
prise de poids supérieure à 10 % du poids initial ont,
toutes causes confondues, une surmortalité nette-
ment importante (5), ce qui justifie une prise en
charge adaptée. On notera que l’origine de la prise de
poids n’est pas univoque mais que la chimiothérapie
semble jouer un rôle important (4). Néanmoins,
il n’existe pas de facteurs de risque clairs pour les
prises de poids importantes.
Faut-il envisager
dans ce cas spécifique
la prescription de metformine ?
La metformine fait l’objet d’un intérêt croissant dans
le cancer du sein : il y a notamment des taux de
réponse complète histologique, après une première
chimiothérapie plus importants chez les patientes
sous metformine (6). Cette dernière semble avoir un
effet antitumoral dans les tumeurs triple-négatives.
Toutefois, le niveau de preuve demeure faible et il
faut attendre le résultat des essais randomisés adju-
vants en cours. Cette patiente possède 2 des critères
du syndrome métabolique (hypertriglycéridémie et
HTA) mais la metformine nest pas recommandée
dans cette indication dont la prise en charge repose
sur la réduction pondérale et la pratique de l’activité
physique. On soulignera que le bénéfice de l’acti-
vité physique en termes de réduction de risque de
rechutes repose sur un niveau de preuve plus élevé
que celui de la metformine (4).
Que penser du taux sérique
de vitamine D ?
Avec un taux compris entre 10 et 30 pg/l, cette
patiente présente une insuffisance en vitamine D
(la carence correspondant à un taux inférieur à 10).
Il faut souligner que la majorité de la population
européenne souffre de carence ou d’insuffisance
en vitamine D à des degrés divers, car nos apports
alimentaires sont très insuffisants. Le rapport béné-
fice/risque de l’exposition solaire est par ailleurs
défavorable, car celle-ci augmente le risque de
cancers cutanés et est donc déconseillée. La question
de l’effet des carences en vitamine D sur le risque de
rechute des cancers du sein a été abordée par une
seule étude, qui retrouve une mortalité spécifique
significativement augmentée (7), ce qui, cependant,
ne démontre pas de lien de causalité. Les études en
prévention primaire sont, quant à elles, contradic-
toires (8). En tout état de cause, le bénéfice non
cancérologique (c’est-à-dire la réduction du risque
d’ostéoporose) justifie largement la supplémen-
tation, que le bénéfice carcinologique soit réel ou
non (8). Il faut prescrire des doses de vitamine D de
l’ordre de 50 000 UI par semaine sur des périodes de
1 à 3 mois selon le taux initial, la supplémentation
quotidienne aux doses habituelles de 400 à 800 UI
ne permettant la correction des taux sériques que
chez 15 % des patientes après 12 mois de traitement
(6).
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Références
bibliographiques
1. Guide ALD (affection longue
durée). Cancer du sein. HAS, INCa,
janvier 2010:30. Ce document est
téléchargeable sur : www.has-sante.fr
et sur www.e-cancer.fr
2. Esserman LJ, Moore DH, Tsing
PJ et al. Biologic markers deter-
mine both the risk and timing of
recurrence in breast cancer. Breast
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3. Plantade A. Bouffées de chaleur.
In: Aider à vivre après un cancer. L.
Zelek, N. Zernik. Springer 2010:
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4. Zelek L, Bouillet T, Latino-Martel
P et al. Mode de vie et cancer du
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5. AACR Press Release. Extreme
weight gain raises risk for recur-
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vors. http://www.aacr.org/home/
public--media/aacr-press-releases.
aspx?d=2325
6. Jiralerspong S, Palla SL, Giordano
SH et al. Metformin and pathologic
complete response to neoadjuvant
chemotherapy in diabetic patients
with breast cancer. J Clin Oncol
2009;10:3297-302.
7. Goodwin PJ, Ennis M, Pritchard
KI et al. Prognostic effects of
25-hydroxyvitamin D levels in early
breast cancer. J Clin Oncol 2009;10:
3757-63.
8. Rosen CJ. Clinical practice.
Vitamin D insufficiency. N Engl J
Med 2011;364:248-54.
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