• Ce système politique a été critiqué dès l’origine, à la fois pour des raisons d’ordre
pratique (Athènes n’a pu conserver son empire et a été vaincue en 322 par la Macédoine)
et d’ordre théorique (par de nombreux penseurs et parmi eux les plus grands philosophes).
Ont été dénoncés les excès de la liberté : 1 - Les violences populaires. 2 - Ègalité
excessive : ouverture des fonctions publiques et système des indemnités qui donne le
pouvoir à des pauvres, des ignorants, des incompétents dominés par leurs passions, qui
dilapident l’argent publique. La chute d’Athènes s’expliquerait ainsi par le choix populaire
de dépenser pour les fêtes et non pour l’armée. 3 - Plaie des démagogues.
On comprend qu’Athènes reste un sujet de réflexion pour les démocraties modernes, et
qu’en un sens son histoire soit rassurante pour nous : les difficultés de la démocratie ne
tiennent pas à une déliquescence contemporaine mais à ses principes mêmes.
2°) D’Athènes à la Révolution française
• Le long oubli de la démocratie
Le peuple reste source de légitimité, mais de manière toute théorique. Pendant presque
deux millénaires, institutions et pensée politique ne sont pas démocratiques
.
Quelques observations : • Le sens nouveau, fortement péjoratif, pris à Rome, où la
République était de type oligarchique, du terme de plebs, plèbe, qui désigne le bas peuple,
la populace. • L’élection n’a pas disparu, mais elle a lieu au sein de communautés diverses
(monastères, communes, métiers…), dans une société hiérarchisée et hétéronome
• Au
XVIe siècle, la connaissance d’Athènes s’améliore avec celle de la langue grecque,
l’individu apparaît avec la Réforme. Mais c’est la monarchie qui est préférée, avant tout
comme garantie contre les violences populaires • Des historiens comme Roger Dupuy ont
soutenu qu’il y eut une politique du peuple » dès l’Ancien Régime, entendons par là une
politique propre au peuple, venue du peuple et dont l’État a dû tenir compte : pour lui, le
rôle joué par le peuple pendant la Révolution n’a pu surgir du néant, il s’est manifesté au
XVIIe-XVIIIe siècle principalement sous le forme de révoltes antifiscales, que l’État a
réprimé mais dont il a dû tenir compte
.
La Rome républicaine (fin du IVe-fin du 1er siècle) possédait les institutions d’une cité (assemblée
populaire, conseil et magistrats), mais elle fonctionnait autrement. Athènes était alors admirée pour son
rayonnement culturel, mais son régime politique n’intéressait plus sinon pour être critiqué. Il l’était encore
plus au temps de l’Empire romain, des royaumes barbares, du Saint Empire romain germanique, même si
théoriquement le souverain tire sa légitimité de Dieu et du « peuple ». C’est Rome qui est le modèle.
Dans les cités-républiques du Nord de l’Italie aux XIIe-XIIIe siècles, indépendantes de l’Empereur et
du pape, qui s’administrent elles-mêmes, le thème de la liberté reprend de l’actualité, mais pas celui de
l’égalité. Elles nous ont légué, d’une part, la question du bon gouvernement (« organiser la mésentente qui
préside à toute société » selon P.Boucheron), et, d’autre part, le thème de l’opposition entre le popolo grasso
et le popolo minuto, « le peuple et les gros », si souvent repris par la suite.
Hétéronomie (de hétéros = autre et nomos = loi): la légitimité vient d’un autre que l’individu, elle vient
de Dieu (et de ses représentants…) le plus souvent.
Dupuy s’oppose ainsi aux historiens bourgeois du XIXe siècle (sauf Michelet) et aux historiens
marxistes du XXe siècle qui voyaient dans la Révolution française une révolution « bourgeoise » donc le
triomphe des Lumières, proposition étrange quand on sait que la France compte au moins 90 % de paysans à
la fin de l’Ancien Régime. Pour Dupuy, le populisme n’apparaît pas soudainement en 1887 avec le
boulangisme, mais lors des révoltes paysannes de l’Ancien Régime, souvent antifiscales (cf. les « bonnets
rouges » de 1673-1674), puis dans le rôle politique spécifique des paysans et du petit peuple urbain au cours
de la Révolution avec les résistances paysannes et les journées révolutionnaires, puis en 1830, 1848 et 1871
(avec la Commune, dernière manifestation du populisme démocratique).