Dossier pédagogique du spectacle

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Le voyage en Tartanie
Bouli redéboule
de Fabrice Melquiot
L’Arche éditeur
Dossier pédagogique
par
Mercedes Sanz Bernal
mise en scène
Mercedes Sanz Bernal
avec
Cyril Amiot
Irène Dafonte
Jean-Marc Foissac
Nathalie Marcoux
Fausto Olivares
Laurie Sgrazzutti
« Homme debout »
biographie / prix / bibliographie
la saga de Bouli
résumé de Bouli redéboule
lumière
Davy Deffieux
son
Laurent Besse, Mercedes Sanz
scénographie
Pauline Caillet, Laurie Sgrazzutti
le spectacle
Note d’intention
Scénographie
Thématiques
avant le spectacle
après le spectacle
annexe / lettre aux enfants
Création et production : compagnie Au cœur du monde en collaboration avec les
Oiseaux de passage. Avec le soutien du conseil général des Landes, de l’Acddp, de l’Iddac et de
l’Oara.
La cie Au cœur du monde est subventionnée par le conseil général de Gironde et le conseil régional
d’Aquitaine.
Bouli redéboule
« Homme debout » de Fabrice Melquiot (extraits)
“…Je n’écris donc pas pour les enfants, mais à partir de l’enfance, parce qu’avant
tout, ce que je cherche c’est une immersion. L’Ecrire depuis. Ce qui permet
d’espérer les plus grandes nuances possibles et je crois que c’est là l’un des buts
premiers de l’art.”
“…Le texte de théâtre attend quelqu’un et il attend aussi des enfants, qui ne sont
pas les spectateurs de demain, mais ceux d’aujourd’hui et maintenant. Le texte de
théâtre aime les enfants, parce que les enfants aiment très vite jouer avec la vie, la
mémoire et l’invention. Le texte de théâtre n’aime pas les étagères, les enfants non
plus ne tiennent pas en place. Le texte de théâtre a une voix propre, en dehors des
phrases, au-delà de ce qui le construit ou le déconstruit ; le texte de théâtre parle
depuis le vide qu’il enferme, n’éteignant jamais le vertige qu’on a devant le vide.”
“…Lire un texte de théâtre, c’est se reconnaître prêt à autre chose que lire,
simplement lire. Lire un texte de théâtre, c’est courir, siffler, boire et manger,
trembler, mettre des coups, en prendre, perdre et gagner, quitter sa maison, entrer
dans d’autres par des portes dérobées, et puis, ça n’a rien à voir, c’est autre
chose. Les passages secrets ne s’expliquent pas ; ils s’empruntent et ils
s’oublient.“
“…aller, au-delà de ce petit tas de feuilles sèches, faire pousser l’ombre et la
lumière, faire parler l’ombre et la lumière ; ainsi, devenir autre. Et l’enfant aime cela, lui qui parle avec sa solitude et croit aux fantômes. “
“… une magie plus grande encore : celle de la représentation du texte, au sein de
l’assemblée du théâtre. Celle d’hommes, femmes et enfants, réunis, dans un
silence consenti, passant ensemble à travers l’illusion, pour la quitter en retranchant cette illusion de la somme qui nous contient ou que nous gardons. Regarder
la réalité en face. Jeter sur la vie une lumière. Dire je, à force de devenir d’autres,
et dire je au présent car c’est toujours le temps qu’il fait au théâtre. Faire confiance
à autre chose, à cet instant donné. Faire homme debout avec des phrases
couchées. Faire homme debout avec cet enfant-là.”
Fabrice Melquiot
biographie / prix / bibliographie
biographie
Fabrice Melquiot vient d’une petite ville de Savoie, Modane, où il est né en avril
1972. Après avoir obtenu un baccalauréat audiovisuel, il suit une formation
d’acteur sous la direction de Julie Vilmont puis travaille effectivement en tant qu’acteur au sein de la Compagnie des Millefontaines, dirigée par Emmanuel DemarcyMota.
Parallèlement, il écrit.
En 1998, ses premiers textes pour enfants, Les Petits Mélancoliques et Le Jardin
de Beamon sont publiés à l’École des loisirs et diffusés sur France Culture. Il reçoit
le Grand Prix Paul Gilson de la Communauté des radios publiques de langue
française et, à Bratislava, le Prix européen de la meilleure œuvre radiophonique
pour adolescents.
Depuis quelques années il se consacre entièrement à l’écriture.
Perlino Comment (2001) inaugure la collection de théâtre jeunesse de l’Arche
éditeur, suit Bouli Miro (2002), sélectionné par La Comédie Française en
Bouli redéboule
biographie / prix / bibliographie (suite)
décembre 2003 ; c’est le premier spectacle jeune public à être présenté au
Français.
En 2002/2003, pour sa première saison à la tête de La Comédie de Reims,
Emmanuel Demarcy-Mota invite Fabrice Melquiot à le rejoindre comme auteur
associé, membre du collectif artistique de La Comédie.
Leur compagnonnage se poursuit : actuellement il dirige le Théâtre de la Ville, où
Melquiot est l’artiste associé pour la saison 2009/2010.
Prix
En 2003, Fabrice Melquiot s'est vu décerner le prix SACD de la meilleure pièce radiophonique, le Prix Jean-Jacques Gauthier du Figaro et deux prix du Syndicat national de la Critique pour Le Diable en partage : meilleure création d'une pièce en
langue française et révélation de l'année.
En 2005, il reçoit le Prix de la Critique ainsi que le Prix "Nouveau Talent
Radio" de la SACD. France Culture lui rend hommage en diffusant huit de ses pièces.
En 2008, il reçoit le Prix Théâtre de l'Académie Française pour l'ensemble de son
oeuvre.
Ses textes sont traduits en allemand, en espagnol et en italien.
Bibliographie
jeune public
• Wanted Pétula, l'Arche Éditeur , 2007, Collection Théâtre jeunesse.
• Alice et autres merveilles, l'Arche Éditeur , 2007, Collection Théâtre jeunesse.
• Catalina in fine, l'Arche Éditeur , 2005, Collection Théâtre jeunesse.
• Bouli Redéboule, l'Arche Éditeur , 2005, Collection Théâtre jeunesse.
• Albatros, l'Arche Éditeur, 2004, Collection Théâtre jeunesse.
• Le Gardeur de silences, l'Arche Éditeur, 2003, Collection Théâtre jeunesse.
• L’enfant Dieu, 2003, Éditions l'École des Loisirs.
• Bouli Miro, l'Arche Éditeur, 2002, Collection Théâtre jeunesse.
• Perlino Comment, l'Arche Éditeur, 2001, Collection Théâtre jeunesse.
• Les Petits mélancoliques, Éditions l'École des Loisirs.
• Le Jardin de Beamon, Éditions l'École des Loisirs.
Bouli redéboule
la saga de Bouli : un « feuilleton » théâtral
“Bouli Miro”, “Bouli redéboule” et “Wanted Petula” sont à ce jour les trois épisodes
de la saga de Bouli écrite par Fabrice Melquiot.
La notion de
« feuilleton »
théâtral
Le professeur pourra travailler sur la notion de feuilleton où l’on retrouve les
personnages dans plusieurs histoires ou épisodes. Cette forme est rare au théâtre,
elle est plus fréquente dans les bandes-dessinées et le roman feuilleton
Il est rare en effet de voir vieillir le héros de l’histoire au cours des épisodes
comme c’est le cas dans la saga de Bouli. Dans la littérature jeunesse plus
récente, c’est Harry Potter qui vieillit de livre en livre au même rythme que ses
lecteurs.
L’origine du
personnage
de Bouli
Extrait d’un échange entre l’auteur et une classe de CM1/CM2 (mai 2008):
Lucas - Comment avez-vous eu l’idée de Bouli Miro ?
Fabrice Melquiot - La relation que j’entretiens avec ce personnage a
immédiatement été très importante, pour une raison simple, c’est que le point de
départ, c’est une photographie que j’ai retrouvée de moi quand j’avais deux ans ;
sur cette photo je suis à côté d’une fontaine, près de la maison où j’ai grandi, dans
une petite ville qui s’appelle Modane, et j’ai une combinaison de ski, un passemontagne jaune sur la tête et je suis très très costaud. En retrouvant la photo je
me suis dit : « Tiens, j’aimerais bien prendre soin de ce petit garçon, de l’enfant
que j’ai été. »
Et prendre soin de cet enfant, ça voulait dire lui redonner une vie. Et il me semblait
que le théâtre, que l’espace de la fable, ça pouvait être un nouvel espace de vie
pour ce petit garçon.
Myriam - Comment avez-vous trouvé les noms des personnages : Bouli, Petula ?
Fabrice Melquiot - Pour Bouli Miro, je voulais que son nom soit une sorte de carte
d’identité immédiate, que son prénom dise la forme de son corps, et que son nom
nous donne immédiatement à entendre sa myopie. Et je voulais qu’il ait ce petit
souci, car j’aime la façon dont les myopes sont obligés de focaliser quand ils n’ont
pas leurs lunettes, tu vois, […] et de prendre le temps de plisser les yeux.
Résumé
de
Bouli Miro
Bouli est un gros bébé, gros comme son père Daddi Rotondo et miro comme sa
mère Mama Binocla. Il grossit avec une rapidité effrayante ce qui n’empêche pas
sa cousine Petula de tomber amoureuse de lui. Les médecins préconisent un
régime sévère mais Bouli, gros de toutes ses peurs, prend encore plus de poids
lorsque sa bien-aimée part pour l’Espagne.
Vient le jour où Bouli écrase presque ses parents et se met enfin à la gymnastique.
Une nouvelle vie commence! Mais quelle vie!
Résumé
de
Wanted
Petula
« Au fil des ans, Bouli Miro n’a pas tant changé : il est toujours Bouli (car il pèse
101 kilos) et toujours miro (car il est myope) ! En revanche, il a grandi – c’est
presque un adolescent – et bien sûr, il est amoureux de sa cousine Petula, qui a
disparu dans l’espace. Prêt à tout pour retrouver Petula, Bouli rencontre pendant
son épopée Neil Armstrong et le Petit Prince made in Taïwan, la puce de
Marguerite Duressort et sa nouvelle belle-mère, Améthyste Crappp, qui cuisine du
canard cru à l’orange et s’avère être un vampire. Il finit par embrasser son amour
de cousine Petula, comme dans les histoires « à la Roméo et Juliette ».
Bouli redéboule
résumé de Bouli redéboule
On avait quitté Bouli et sa cousine Petula Clark, sur le quai de la gare de Calais,
dans une errance joyeuse semée de doutes et d’apprentissages. Ils sont de retour.
Mais ils semblent être sortis de l'âge innocent qui, dans Bouli Miro, rendait leur
idylle si charmante.
D'ailleurs, ils ne s'aiment plus.
Bouli a 7 ans, Petula 10. C’est le moment de grandir, de se retrouver confronté aux
chagrins de l’existence.
Signe du changement : l'apparition d'un nouveau personnage, qui n'est autre que
Sigmund Freud. Car les deux bambins et leurs parents entrent dans l'ère de la
névrose et des traumatismes enfantins :
Mama et Daddy divorcent (pour cause « d’adultère par myopie généralisée »),
Jean-Michel et Marie-Jeanne abandonnent leur petite Petula pour tenter une
carrière internationale de pop-stars et vivre une seconde jeunesse. Rien ne va plus
chez les grands.
Les enfants en sont tout bouleversés : Bouli prend du poids tandis que sa cousine,
jusque là bien ronde, en perd de façon vertigineuse.
Tout bouge, change et se transforme, on a du mal à garder pied !
le spectacle
Note
d’intention
Après Le Gardeur de Silence la compagnie poursuit son travail d’exploration du
théâtre jeunesse de Fabrice Melquiot.
C’est maintenant le tour du rapport de l’enfant au divorce des parents et au
sentiment d’abandon, à la souffrance de ceux qu’on aime, aux maladies
alimentaires et au corps résonance, à l’amour qui n’a pas d’âge, décliné en trois
variations pour couple sous l’œil distrait et un tantinet terni d’un certain Sigmund
Freud.
On a envie de pouvoir faire entendre aux enfants que quand notre corps se met à
obéir à une petite voix intérieure malheureuse il se détraque et que c’est de cette
petite voix qu’il faut prendre soin.
On a envie de pouvoir faire entendre aux parents qu’un petit corps de 10 ans peut
contenir l’amour, la détresse et l’intelligence d’un corps de 28 ans et qu’un corps
de 28 ans peut lui aussi contenir l’amour, la détresse et l’intelligence d’un corps de
10 ans.
Nous avons envie que parents et enfants puissent contempler ensemble les
errances des uns et des autres, en rire un peu, pleurer un peu aussi , pourquoi
pas ? et se dire que le jeu de la vie en vaut la chandelle.
Ce qui nous touche dans ce texte c’est l’errance active de chacun, où chacun
cherche à grandir avec plus ou moins d’adresse et plus ou moins de bagages pour
le voyage, mais cherche et c’est bien cela qui importe. Parce que la grande
moralité de cette pièce c’est qu’il n’y en a pas. On constate plutôt :
Que les parents, pas toujours mieux armés que leurs enfants, souffrent et s’embrouillent et que leur souffrance fait souffrir et que l’amour n’y peut pas toujours
grand chose.
Individuellement tout le monde à ses raisons, manque de pot l’amour rend les
corps et les esprits communicants. Et là tout se complique.
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
Nous avons choisi de jouer ce spectacle sous un chapiteau itinérant.
Dans notre conscience collective le chapiteau est lié à un autre monde où
l’extravagant, le féerique font le quotidien, où beaucoup de choses deviennent possibles : des hommes éléphants des lions obéissants, des nains et des géants, mais
aussi des parents qui fuguent, des enfants qui parlent comme des adultes, une
petite fille fil de fer…
Scénographie Le dosage entre réalité et fiction sous-tend nos choix dans ce domaine dans le but
de permettre au spectateur un aller-retour entre identification et distance, entre
Un espace
sensation et réflexion, afin qu’il puisse mieux appréhender la réalité des sujets
physique
abordés.
Un espace
On veut qu’il puisse reconnaître, se reconnaître, mais sans confusion.
psychologique
Le chapiteau, le décor, les costumes, les accessoires se déclinent en un camaïeu
du blanc au noir sur lequel viennent se greffer quelques rares notes de couleur
significatives.
L’esthétique du théâtre se démarque de celle de la masse colorée des spectateurs
et nous rappelle encore que la représentation théâtrale est une représentation de
la réalité et non pas la réalité elle-même.
Cela semblait d’autant plus important que notre choix s’est porté sur un univers
très contemporain, très proche des codes actuels que connaissent les enfants: les
personnages s’habillent comme eux et ont des inquiétudes qui pourraient être les
leurs .
La disposition scénique en bi frontal -les spectateurs sont placés de part et d’autre
du plateau, eux-mêmes se faisant face- installe une grande proximité entre acteurs
et spectateurs tout en intégrant les spectateurs dans le dispositif scénique, puisque
qu’ils se voient les uns les autres: la fiction est dénoncée et la nécessaire distance
entre fiction et réalité est posée.
Sur le plateau, un jeu de cubes géants avec des faces aux dessins stylisés
représentant l’univers de la maison, se conjuguent à l’horizontale et à la verticale
pour créer les différents espaces.
Espace physique et espace psychologique:
Si dans la première partie du spectacle leur disposition évoque les pièces de la
maison de Bouli dans une organisation bien repérable pour tous, au moment du
divorce le décor se fait l’écho de la perception des enfants:
Ies cubes se mettent à tanguer comme sur un bateau qui coule, deviennent les
objets qu’on sauve du naufrage, ceux qu’on se dispute, les cartons d’un
déménagement… Et la grande maison accouche de deux petites maisons qui se
font face, à l’organisation plus disparate, reflet de l’état intérieur des habitants: d’un
côté la forteresse de Daddy Rotondo, de l’autre le chaos de Mama Binocla.
L’idée des vases communicants est importante dans la pièce de Melquiot et se
décline sous toutes ses formes. Tout est relié. L’amour où le désamour des uns
envers les autres les lient inextricablement, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils habitent
ensemble, à côté, ou à des milliers de kilomètres.
Pour renforcer cette idée de lien permanent et le rendre visible tous les acteurs
sont constamment présents sur scène, les cubes nous permettant de créer divers
espaces en simultané avec des cloisons invisibles.
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
L’espace affectif
séparations.
se superpose
et s’impose sur l’espace physique des
Le son qui accompagne certains moments du spectacle accentue aussi la
perception psychologique, intuitive plutôt que descriptive. Il n’explique pas un lieu
mais un état du personnage, une tension, un climat .
Thématiques «Je peux aborder tous les sujets, avec les enfants, en leur compagnie. On peut
affronter de grandes peurs au théâtre comme dans les contes de fées, de grandes
questions, de grands troubles, parce qu’affronter, dépasser, trouver le courage de
se faire face à soi-même, traquer les réponses, c’est aussi ce qu’on cherche. Mais
je ne peux pas asséner le désespoir; quand j’écris depuis l’enfance, j’espère au
moins une promesse».
Fabrice Melquiot
Bouli redéboule aborde des thèmes importants dans la vie de l’enfant
d’aujourd’hui, voire fondateurs pour l’être humain en devenir qu’il est.
Que se passe-t-il quand ces questionnements désertent la sphère familiale?
Où l’enfant trouve-t-il ses réponses?
A la télé? Glanées tant que bien que mal parmi des propos surpris chez les
adultes, dans les mots pas toujours bienveillants des autres enfants?
Il semble important qu’un regard adulte puisse être un repère au milieu de tout ça.
Porteur d’intelligence, de sincérité et de bienveillance.
Le théâtre peut être cet outil intermédiaire entre la famille et l’école, ce miroir de
nos peurs qui nous encourage à les regarder face à face, qui fait éclore des mots
au dedans ou au dehors, pour mieux appréhender une blessure, une douleur, une
joie, présentes ou à venir.
“ L’enfant est une personne et la parole délivre.”
Françoise Dolto
Le cadre familial : le divorce, l’abandon
“Pourquoi Daddy et Mama ne reviennent pas ensemble?”
“A quoi ça sert une seconde jeunesse?”
La vertu principale de cette pièce est de poser des mots sur des bouleversements
familiaux afin de mieux les traverser.
En suivant tour à tour les enfants et les parents, Melquiot offre à l’enfantspectateur la possibilité d’en savoir plus que Bouli et Petula sur ce qu’il leur arrive.
Il connaît les pièces qui sont habituellement manquantes au puzzle:
il voit les parents de Bouli tentant de maintenir une apparence rassurante qui se
craquelle de partout, Il sait que Mama a trompé Daddy et que c’est ça qui rend
Daddy furieux, il voit Bouli désorienté par les non-dits, désarmé face à une
souffrance dont il ignore tout et dont il se rend coupable.
Le spectateur a des mots pour ce que Bouli ne fait que pressentir, sait là où Bouli
interprète.
Bouli : « On a déglingué nos parents, je m’en voudrais toute ma vie ».
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
Bien sûr, voir des parents qui divorcent et n’arrivent pas à se réconcilier est
forcément douloureux pour l’enfant spectateur. Toutefois ces parents-là semblent
au moins se réconcilier avec eux-mêmes : Daddy après une période dépressive
reprend le dessus, Mama aussi fait un choix, celui de la sincérité avec elle-même.
Il s’agit là d’une porte de sortie à l’image idéale du couple familial: papa et
maman ne s’aiment plus comme avant mais ne sont pas malheureux.
Si le divorce de ses parents redéfinit pour Bouli un nouveau cadre familial où se
construire, en abandonnant leur fille les Clark font voler en éclats le cadre familial
lui même.
Dès le début, l’auteur nous plonge dans la confusion, on ne sait plus très bien qui
est l’adulte et qui est l’enfant. Que des enfants partent en fugue pour se marier
c’est étonnant mais que leurs parents acceptent leur mariage commence à devenir inquiétant: ils confortent Bouli et Petula dans un rôle qui n’est pas de leur âge,
alors que les enfants expriment le souhait de réintégrer leur peau d’enfant
auprès de papa maman.
Les repères valsent et la porte s’ouvre à toutes les dérives: Les Clark, au nom de
leur couple, profitent de l’occasion du mariage de leur fille devenue donc “adulte”,
pour démissionner sans complexe de leur rôle de parents.
Jean-Michel Clark : “Dix ans, de nos jours, tu t’en sors tout seul.”
Petula: “Je comprends pas. Je vais avoir onze ans. Je suis une femme. Mais, rien
de fixe.”
Plus paumés que réellement méchants, leur démission n’en a pas moins des
conséquences graves sur Petula, catapultée dans un rôle d’adulte qu’elle ne peut
pas porter: le mutisme dont elle couvre l’absence de ses parents, révolte ou
fidélité, se prolonge dans son refus-impossibilité de manger.
Le spectateur voit se côtoyer la détresse de Petula et l’errance insouciante de ses
parents. Le sort final de la petite fille remet les pendules à l’heure:
Un enfant de dix ans est bien un enfant et comme tout enfant il a besoin d’un
temps d’enfance pour grandir et de parents pour y arriver.
En brouillant tous les repères Melquiot réussit à en faire mieux ressentir le besoin
essentiel, sans jamais s’ériger en donneur de leçons.
Corps résonance : Boulimie et anorexie
“Est-ce que Pétula décède à force de ne rien manger?”
Dans le spectacle quand les relations familiales se détériorent, le rapport à la
nourriture se détraque. Et ce sont les corps qui se mettent à causer enchevêtrés
dans un drôle de système de vases communicants : Bouli prend toutes les kilos
que Petula perd. Marie-Jeanne Clark grossit peut-être aussi des kilos que perd sa
fille.
On constate d’ailleurs que le moment de plaisir et de rencontre qu’est le repas en
famille est négligé. Par Daddy qui ne cuisine que des omelettes et par Mama qui
s’en tient à des boîtes de conserve de raviolis au boeuf.
La douleur qui ne trouve pas d’interlocuteur, pas de mots pour se dire prend
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
d’autres voix (voies) : manger trop ou pas assez ce sont les voix avec lesquelles
Bouli et Petula tentent de hurler leur souffrance :
Petula: “ c’était une petite voix toute malheureuse que j’entendais tout au fond, très
loin, une toute petite voix qui ressemblait à la mienne, mais pas tout à fait et elle
répétait: je me sens pas bien, je me sens pas bien. Et je ne savais pas comment la
consoler cette idiote.” (p.64)
Bouli: “ je mange trop. Je mange comme un goret. Je ne peux pas m’empêcher de
manger comme un goret. Dans ma tête, quand je mange, je pense à un goret et
c’est pas ce que je veux devenir , mais je mange quand même en pensant au
goret et tant pis.” (p.57)
Si le texte n’en parle pas de manière explicite les fantômes de la boulimie et
l’anorexie sont bien là comme les manifestations d’une souffrance psychique qui
ne peut s’exprimer autrement.
Sigmund Freud
“Il a existé pour de vrai Fleud?”
Sigmund Freud est un personnage à part dans le spectacle.
Melquiot prend un grand plaisir à ressusciter le personnage historique avec
beaucoup d’ impertinence:
Les enfants, à l’instar de Bouli, découvrent sans arrière pensée ce bonhomme
plutôt étonnant, surgissant dès que les non-dits s’épaississent, semant le trouble à
son passage et auquel Petula et Mama prêtent un grand crédit.
C’est d’ailleurs Petula qui initie les spectateurs à Freud et à la définition de la
névrose, mot magique qui semble à lui seul définir tous les maux qui assaillent les
personnages.
Bouli : « C’est qui Sigmund Fleud?
Petula : Un type. Freud, pas Fleud
Bouli : Tu l’as embrassé?
Petula : N’importe quoi, il est vieux et en plus il écrit des livres, alors! »
Bouli : « C’est quoi une névrose?
Petula : C’est un peu comme une araignée qui aurait pondu sous ta peau des tas
de petits oeufs tout blancs, et tu l’aurais vue pondre mais zut trop tard ! Alors, tu
sais qu’elle a pondu, ça te rend dingue, mais tu n’y peux pas grand chose, à part
t’allonger sur un divan et te détendre et oublier les oeufs d’araignée, et attendre
que ça sorte, à force d’être allongée et d’y penser à tête refroidie. »
Le public adulte lui, en connivence avec l’auteur, s’amuse d’une certaine image de
Freud : il est l’incarnation des problèmes, de la culpabilité, de la mauvaise conscience qui escortent les problèmes familiaux.
Empêtré dans une caricature de lui-même, le doute s’insinue à chacune de ses
apparitions : s’agit-il d’un imposteur ? D’un fantasme ? Ou… d’un rêve !
Mama : “C’est fou mais je croyais que vous étiez mort.
Freud : Mais non voyons puisque je vous dis que j’habite à deux pas… Je viens de
Moravie (Mort à vie) vous connaissez la Moravie? »
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
C’est peut-être le moment d’évoquer qui était vraiment Sigmund Freud (le vrai), le
métier de psychanalyste, de psychologue.
A quoi ça sert une thérapie? Dans quel cas suit-on une psychothérapie?
L’amour : le sentiment amoureux et l’amour parental.
“Pourquoi Petula veut être Batman? Pour voler jusqu’à Bouli?”
Le sentiment amoureux n’a pas d’âge…
Petula : “Je suis une petite fille de 10 ans qui a déjà connu l’amour à la manière
d’une femme de 27-28 ans, c’est-à-dire en pleine possession de ses moyens et au
sommet de sa séduction (…) .
On s’est aimés Bouli et moi comme des adultes qui n’ont rien d’autre à faire.
Bouli : Quand tu n’as rien d’autre à faire qu’aimer comme un adulte qui n’a que ça
à penser...
Petula : “Aimer, aimer, aimer ! … la passion, ça s’appelle la passion. »
Mais dans Bouli redéboule, Bouli et Petula ne s’aiment plus, ou plus comme avant,
et ils vont découvrir que cela peut aussi arriver aux adultes.
L’amour n’est plus cet absolu qu’on croyait immuable : il évolue, il se transforme, il
a ses intermittences, il peut être infidèle, jaloux, blessant, il peut disparaître…
Bouli : “On s’aime toujours, hein,… mais, autrement.
Petula : C’est à dire qu’en allant se marier, pour tout vous dire, on a rencontré
d’autres personnes. »
Petula : « Bouli, quand je pense à mes amours passées je ne pense qu’à toi. Ça
me pose un problème parce que je ne t’aime plus. Est-ce que tu y comprends
quelque chose? »
Daddy : « Elle est belle, je l’ai toujours trouvée belle. C’est une belle tourte. J’ai
envie de la tuer. J’ai envie de lui arracher les yeux et de m’en faire un collier. J’ai
envie de m’asseoir dessus et d’en faire une porte-fenêtre. Une toute petite portefenêtre mignonne comme tout. J’ai toujours adoré les portes-fenêtres. »
Mama Binocla : « Je vois quelqu’un d’autre.
Daddi Rotondo : Toutes les phrases pour dire je t’aime se ressemblent. Toutes les
phrases pour dire je ne t’aime plus se ressemblent aussi. »
L’amour parental
“L’amour parental est-il un amour comme les autres ou bien ne peut-il mériter ce
nom d’amour qu’à certaines conditions?(…)
…il n’est pas définissable seulement en termes de sentiments. (…)
Affirmer que l’on aime un enfant alors que l’on n’a pour lui aucun projet de vie, que
l’on ne s’emploie pas à lui enseigner le monde et ses lois, qu’on ne le soutient pas
dans ses études, que l’on ne se préoccupe ni de sa vie sociale ni de ce qu’il
ressent, n’a aucun sens.”
Claude Halmos Pourquoi l’amour ne suffit pas
Bouli redéboule
le spectacle (suite)
Mama Binocla : « Tu sais que je t’aime.
Petula : Oui
Mama Binocla : Tu le sais?
Petula : Oui.
Mama Binocla : Alors, mange.
Petula : J’ai pas faim.
Les Clark, par carte postale interposée:
“Nous pensons à toi et nous t’aimons. Papa Maman.”
La mort
« Est-ce que Petula décède à force de ne rien manger? »
« Mais bien sûr tu ne vois pas qu”elle est en haut. »
Bouli : « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de disparaître.
…Tout le monde se demande où t’es passée
…Quand est-ce que tu reviendras de ta disparition, dis-moi? »
La mort s’insinue dans la disparition de Petula. On en effleure la possibilité comme
un pense-bête au conditionnel : à force de ne rien manger tu pourrais…, sans la
confirmer. Fabrice Melquiot garde une fenêtre ouverte sur l’avenir…
Petula s’est-elle envolée?
Est-elle partie à la recherche de ses parents?
S’est-elle cachée?
Il n’apporte pas de solution, il ne cherche pas à rassurer les enfants par des
réponses…qui appartiennent au troisième volet de la série !
Marc: «Finalement je crois qu’elle n’est pas morte. J’ai demandé à ma mère de
commander Wanted Petula».
avant le spectacle
Le but est de susciter la curiosité de l'enfant, lui donner envie de découvrir ce
spectacle. Toutefois, ne dévoilez pas l'histoire, n'expliquez pas le spectacle,
laissez l'enfant le découvrir par lui- même.
Mises
en
appétit
Voici des pistes pédagogiques pour ouvrir l’appétit !
Lecture de la lettre de Melquiot adressé aux enfants (en annexe).
Lecture du texte de Melquiot sur l’origine du personnage de Bouli.
Découverte de la première pièce de la série : Bouli Miro afin de faire
connaissance avec l’écriture de Fabrice Melquiot et les personnages qu’ils vont
retrouver dans le spectacle.
Mettre l’accent sur la notion de feuilleton dont Bouli redéboule est le deuxième
volet. Il en existe un premier, et un troisième volet… pour l’instant.
Karaoké théâtral de Bouli Miro (cf karaoké théatrâl).
Bouli redéboule
après le spectacle
Un travail d’accompagnement est tout à fait souhaitable pour que cette expérience
individuelle qu’à été la représentation puisse être partagée.
Pistes
de travail
Pistes de travail: remémoration et résonances
Dessiner ( un personnage, une scène, le décor…)
Ecrire sur l’une des questions ci-dessous.
En parler :
• Quel est le moment qui m’a le plus marqué, “impressionné” –parce qu’ému,
surpris, révolté, fait peur…- et tenter de dire pourquoi. Décrire le plus précisément
possible les détails de ce qui se passait concrètement (mots, jeu, lumière, son,
mise en scène).
Choisir un personnage. Le décrire : de quoi il rêve, qu’est-ce qui lui fait peur,
qu’est-ce qui le rend triste, qu’est-ce qui le fait rire. Il me rappelle quelqu’un, si
j’étais lui j’aurais agi pareil ou différemment.
• Si je devais écrire la critique de ce spectacle: ce que je trouve réussi et
pourquoi, ce que je trouve décevant, ce que je changerais…
• Si je devais rédiger le programme du spectacle : résumé de la pièce, une
image, les personnages, les techniciens. Quels sont les autres métiers concernés
par le spectacle : éclairagiste, technicien son, metteur en scène.
• Si je devais dessiner l’affiche du spectacle.
• Les émotions : ce que j’ai ressenti, ce qui m’a surpris, m’a rendu triste, m’a fait
peur, m’a fait plaisir, m’a mis en colère. Quel est le personnage dont je me sens le
plus proche ? Qui je comprends le mieux ?
• Noter les questions que le spectacle a suscitées. Tenter de trouver des
réponses ensemble.
• Inventaire des mots ou des phrases qui me reviennent en mémoire.
• Comment continuerait l’histoire. Que deviennent chacun des personnages?.
Lire “Wanted Pétula”.
Choisir un extrait et le décrypter.
Exemple : scène où Petula apprend la fugue de ses parents et Bouli le divorce des
siens.
Nous avons choisi de traiter cette scène charnière sous le mode d’une tempête
aussi réelle que métaphorique : la forme s’allie au fond pour rendre visible ce
que les enfants ressentent comme un grand désastre.
Un orage s’annonce dès le début comme un pressentiment et va en s’amplifiant à
mesure que la catastrophe de l’annonce du divorce approche. Une fois le mot prononcé, l’orage devient naufrage, tout le monde perd pied, tangue comme sur un
bateau qui coule. Les cubes qui étaient la maison de Bouli sont tantôt une planche
de salut à laquelle s’accrocher, tantôt les objets qu’on se partage où qu’on se
dispute lors d’une séparation, on peut y voir aussi les cartons d’un grand
déménagement…
A la fin, l’orage s’apaise et la pluie commence à tomber sur les larmes de Bouli, ou est-ce les larmes de Bouli qui tombent? - une nouvelle vie s’apprête à commencer.
Mama Binocla : « C’est fini
Daddy Rotondo : Waterloo
Bouli redéboule
après le spectacle (suite)
Mama Binocla : La Bérézina.
Petula : Tonton Rotondo et Tata Binocla ont finit par se taper dessus comme des
poissons pourris. Bouli et moi on regardait leur amour partir à la mer, comme des
Titanic qui meurent à la fin.
Bouli: J’ai compris que la vie ne serait plus comme avant. »
Avec les enfants on essaie d’abord de se remémorer le passage, en notant le plus
précisément possible tous les éléments en présence :
Quels sont les personnages concernés par la scène, y a-t-il du son, quelle lumière,
quels mouvement font les personnages ? Comment la scène commence?
Comment elle se finit? Que devient le décor ?
On dit les phrases dont on se souvient.
On peut tenter ensuite des interprétations :
A partir de quel moment les personnages se mettent-ils à tanguer ? Pourquoi à votre avis?
Qui dit le premier le mot “divorce”? Pourquoi les parents de Bouli n’arrivent pas à
le prononcer ?
Associer des images, des mots au mot divorce (ex : catastrophe, déménagement,
orage, bateau qui coule, naufrage, peur, surprise, noir, tonnerre…)
Pourquoi le metteur en scène a-t-il choisi de traiter ce moment comme cela et pas
autrement ?
Une autre manière de faire ? Des propositions ?
Relire le passage éventuellement.
Bouli redéboule
annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot
Chères filles, chers garçons,
Un jour, j’ai fait un voyage. Un voyage dans le Poitou. Le Poitou, c’est en France.
Une région de France, célèbre pour ses baudets, les baudets du Poitou, qui sont
des ânes à poils longs et roux. J’ai fait ce voyage pour rencontrer des classes,
dans les écoles du Poitou, et là, un matin, j’ai rencontré un enfant qui m’a confié
qu’il m’imaginait vieux, avec une barbe blanche et un gilet en mouton. Il avait l’air
très déçu que je ne corresponde pas à l’idée qu’il se faisait de moi. Je vous dis ça
à vous, garçons et filles de France entière, afin que vous économisiez de
l’imagination pour des choses plus insensées : des aventures inouïes, des
aventures dans des mondes qui n’appartiendraient qu’à vous. Je ne ressemble pas
à Victor Hugo à la ferme. Je suis un type assez normal, ni jeune ni vieux. Je suis
né à Modane. Dans les montagnes. Dans la vallée de la Maurienne. Près de
l’Italie. Mais j’habite entre deux villes, Paris et Reims. Et je prends beaucoup de
trains et quelques avions.
J’écris des pièces de théâtre. Ce qui m’intéresse le plus au théâtre, ça peut
sembler bizarre, mais je crois que c’est la réalité. C’est la réalité qui m’intéresse.
Cette façon qu’a le théâtre de parler de la réalité, d’en parler autrement, en y
ajoutant un poids de poésie. Vous aimez la poésie ? Si vous n’aimez pas la
poésie, c’est que vous êtes des nuls. Si vous aimez la poésie, je vous emmène en
vacances sur mon île personnelle. J’ai une île personnelle, au soleil, avec palmiers
et jus de goyave, bonbecs à gogo. Y’a même un peu d’alcool, pour les plus
vaillants d’entre vous. Si vous aimez la poésie, je vous y emmène. Alors, est-ce
que vous aimez la poésie, oui ou non ? La poésie est la seule véritable
démonstration de révolte permanente. Quand on lit un poème, quand on le lit
jusqu’à remonter le cours de son écriture pour aller toucher à l’homme, à la femme
qui l’a écrit, alors on objecte quelque chose, on construit du lien, on tire un fil de
vie, on lustre son coeur, on forge une pensée.
Le théâtre est le seul endroit au monde où on peut parler de choses profondes,
contradictoires, mystérieuses, ambiguës, violentes et douces, drôles et tristes, et
donner une forme à des sentiments, et se demander ensemble pourquoi toutes
ces choses existent, ces sentiments, ces sensations, cette forme singulière qu’ont
les souvenirs et les rêves ; et qu’est-ce qu’on en pense, et c’est quoi la place de
chacun ? C’est quoi la pensée de chacun ? Combien d’imagination me faut-il pour
bien voir la réalité ? Ah bon, il faut imaginer pour voir ? Eh oui. Parce que mémoire
et imagination, rêve et réalité, s’adressent sans cesse la parole et toujours se
mélangent.
Le théâtre que j’écris essaie de vous dire que vous êtes des spectateurs
d’aujourd’hui, des spectateurs à part entière, des lecteurs à part entière. Vous êtes
entiers. Le théâtre vous prend pour de petites personnes bien entières. Vous avez
vos doutes, vos peurs, vos questions, vos désirs. Vous avez déjà des amis, des
parents, avec qui parler de tout ça. Disons que le théâtre est parfois l’endroit où
l’on parle de tout ça avec soi-même, ou avec le rêve auquel on assiste. On assiste
à un rêve et on l’assiste, on lui prête son attention, parce qu’il en a besoin pour
devenir rêve debout, rêve artisanal, rêve partagé. Rêve bizarre, qui est une autre
réalité. Une autre vie, pleine d’artifices, une vie qui s’ajoute à la vie. Ça n’a l’air de
rien, comme ça, mais je crois que ça peut aider à mieux être ensemble. C’est
comme un bon repas. Comme un dimanche au bord d’une rivière, avec des amis.
Comme une belle conversation avec des potes dans la cour de récré.
Bouli redéboule
annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot
En tout cas, c’est pas pour frimer, mais vous avez vachement de chance de
tomber sur moi, parce que les années précédentes, vous auriez pu tomber sur
Catherine Zambon. Heureusement qu’elle zozotte, Catherine, sinon on découperait
tous ses livres en tranches bien fines et on les mangerait avant de les avoir lus (y’a
un jeu de mots, cherchez-le).
Vous auriez pu tomber sur Jean Cagnard ; je vous dis pas la chaleur qu’il fait
quand on lit ses pièces (y’a un jeu de mots, cherchez-le).
Philippe Dorin, alors on ne va pas le réveiller (y’a un jeu de mots, cherchez-le).
Nathalie Papin écrit du théâtre parce qu’elle n’a pas réussi à faire la carrière de
son frère dans le football (y’a un jeu de mots, cherchez-le).
Ceux qui trouvent les bonnes réponses aux jeux de mots peuvent partir avec moi
sur mon île personnelle (n’oubliez pas votre maillot de bain).
Avec mon nom, on ne peut pas faire de jeux de mot, c’est pratique (ceux qui
auraient envie d’essayer ne viendront pas sur mon île personnelle et ils peuvent
s’asseoir sur le jus de goyave).
N’allez surtout pas croire que je me la raconte, j’aime beaucoup mes
prédécesseurs (cherchez le mot dans le dictionnaire, si vous ne le connaissez
pas ; n’oubliez pas que le meilleur ami de l’homme, ce n’est pas le chien, c’est le
dictionnaire – un dictionnaire ne vous mordra jamais). Je les aime beaucoup, mes
prédécesseurs, parce qu’ils jonglent avec des mondes, des tas de petites planètes,
faites de morceaux de mémoire et d’imaginaire, de poésie et de théâtre,
d’expériences et d’illusions. Et en même temps, ce sont des gens tout à fait
normaux. Vous pourriez les croiser au supermarché. Sauf Philippe Dorin, qui n’y
va jamais et laisse tout le temps sa femme Sylviane faire les courses. Mais il est
sympa, sinon.
Bon, cela dit, vous avez le droit de ne pas m’aimer, vous ne serez pas punis pour
autant. Vous avez le droit de dire du mal de mes pièces, c’est autorisé. Du moment
que c’est sincère. Vous avez le devoir de les critiquer. Pas juste dire j’aime ou
j’aime pas. Les mettre en question. Les examiner, comme une aile de papillon
sous un microscope. Je compte sur vous.
Je précise que je ne paie pas les billets d’avion pour mon île personnelle ; ils sont
à votre charge (vous pouvez réclamer un soutien financier à vos parents, mais je
vous interdis de racketter vos camarades à la sortie). Et tâchez d’être un peu
heureux d’aller à l’école, en tout cas les jours où vous savez que vous avez
théâtre. Les autres jours, faites la tronche, comme tout le monde, si ça vous
chante.
Lisez, lisez, lisez. Pas seulement mes pièces. Les pièces de mes camarades,
Catherine, Jean, Philippe, Nathalie… Et puis des romans, des bandes dessinées,
des poèmes, des journaux. Et puis lisez les mains de vos voisins. Et lisez dans les
pas de vos frères, de vos cousins, aussi, voyez comment ils marchent, d’où ils
viennent, où ils vont. Lisez partout où quelque chose laisse une impression. Lisez
la trace des avions au ciel, les traces de doigts sur la vaisselle, le regard de votre
amoureux ou de votre amoureuse, lisez tout ce qui peut se lire. Lisez le vol des
abeilles, lisez la pluie, lisez les panneaux publicitaires, lisez les néons des
magasins, lisez les plis du drap de votre lit, lisez le dos des gens devant vous, lisez
la respiration de ceux qui vous suivent, relisez vos souvenirs, élisez vos rêves. Et
en avant ! Vous êtes attendus !
Bouli redéboule
annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot
Vous verrez, ce sera classe quand vous pourrez dire : moi, je peux tout lire, c’est
pas compliqué, en fait. Ce serait compliqué, je vous jure que je ne vous le
demanderais pas. Mais là, franchement. C’est moins compliqué que sortir une
tranche de brioche coincée au fond du grille-pain, sans se brûler les doigts.
Voilà. Je suis à Moscou, en Russie ; on est le 29 novembre 2008. Il y a un peu de
neige sur les trottoirs, trop peu pour la saison, m’a-t-on dit. Ce matin, j’ai été faire
silence dans une petite église rouge et blanche. Puis j’ai déjeuné dans un
restaurant désert, au bord de la Moskova. La serveuse portait un habit
traditionnel ; même couleurs que l’église visitée plus tôt. Elle souriait beaucoup, ça
m’aidait à manger ma soupe. J’ai bu trois cafés. J’ai pris une photo : au premier
plan, une grille de fer forgé, au second plan les branches nues des arbres. Et je
suis rentré dans ma chambre d’hôtel, vous écrire cette lettre.
Bien à vous,
Fabrice Melquiot
Bouli redéboule
annexe / karaoké théâtral
Le karaoké théâtral s’apparente au karaoké musical en affichant sur un écran un
texte à lire par différents personnages/lecteurs et se veut une étape de découverte
collective du répertoire théâtral contemporain pour la jeunesse, avant la lecture
individuelle d’une œuvre imprimée et publiée.
La mise en forme du texte projeté à l’écran permet d’éclairer les codes de lectures
du théâtre, souvent inconnus des enfants :
-par des rappels de couleur pour chaque personnage : qui parle ? qu’est-ce qu’une
réplique ? qu’est-ce qu’une didascalie ?
-par des animations visuelles mettant en relief le passage d’une scène à une autre,
-par l’illustration du lieu de l’action : dans « Etre le loup » de Bettina Wegenast, une
scène se passe dans le pré. Les répliques sont alors encadrées par l’image d’un
pré,
-par des indications sonores qui sont pré-enregistrées ou bruitées par les enfants
en direct, etc.
Chaque scène est lue au micro par plusieurs enfants devant l’ensemble du groupe,
pendant que les autres poursuivent leur propre lecture individuelle et muette à
l’écran. Cela permet d’impliquer chaque personne de façon active et continue.
Le karaoké théâtral propose la lecture et l’interprétation d’extraits d’une œuvre et
des variations autour de mêmes scènes en proposant différents points de vue et
intentions pour dépasser le stade de la lecture et commencer à travailler
l’interprétation.
Notre catalogue de karaokés théâtraux est en cours d’élaboration : « Etre le loup »
de Bettina Wegenast est disponible et ainsi que « Bouli Miro » de Fabrice Melquiot
(premier épisode de la saga des Bouli). Bruno Castan nous tente également et
nous sommes attentifs aux commandes ou plutôt aux désirs de lectures de nos
partenaires.
Il s’agit d’une activité où l’enfant se retrouve actif et acteur ; elle nécessite d’être
non interventionniste par rapport au rythme de lecture du participant ou
d’éventuelles erreurs de lecture (sauf si elles perturbent la compréhension). Ce
n’est pas un spectacle mais un véritable atelier de lecture qui doit absolument
respecter le niveau de lecture de l’enfant afin d’aiguiser son désir de langage et de
jeu.
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