Le voyage en Tartanie Bouli redéboule de Fabrice Melquiot L’Arche éditeur Dossier pédagogique par Mercedes Sanz Bernal mise en scène Mercedes Sanz Bernal avec Cyril Amiot Irène Dafonte Jean-Marc Foissac Nathalie Marcoux Fausto Olivares Laurie Sgrazzutti « Homme debout » biographie / prix / bibliographie la saga de Bouli résumé de Bouli redéboule lumière Davy Deffieux son Laurent Besse, Mercedes Sanz scénographie Pauline Caillet, Laurie Sgrazzutti le spectacle Note d’intention Scénographie Thématiques avant le spectacle après le spectacle annexe / lettre aux enfants Création et production : compagnie Au cœur du monde en collaboration avec les Oiseaux de passage. Avec le soutien du conseil général des Landes, de l’Acddp, de l’Iddac et de l’Oara. La cie Au cœur du monde est subventionnée par le conseil général de Gironde et le conseil régional d’Aquitaine. Bouli redéboule « Homme debout » de Fabrice Melquiot (extraits) “…Je n’écris donc pas pour les enfants, mais à partir de l’enfance, parce qu’avant tout, ce que je cherche c’est une immersion. L’Ecrire depuis. Ce qui permet d’espérer les plus grandes nuances possibles et je crois que c’est là l’un des buts premiers de l’art.” “…Le texte de théâtre attend quelqu’un et il attend aussi des enfants, qui ne sont pas les spectateurs de demain, mais ceux d’aujourd’hui et maintenant. Le texte de théâtre aime les enfants, parce que les enfants aiment très vite jouer avec la vie, la mémoire et l’invention. Le texte de théâtre n’aime pas les étagères, les enfants non plus ne tiennent pas en place. Le texte de théâtre a une voix propre, en dehors des phrases, au-delà de ce qui le construit ou le déconstruit ; le texte de théâtre parle depuis le vide qu’il enferme, n’éteignant jamais le vertige qu’on a devant le vide.” “…Lire un texte de théâtre, c’est se reconnaître prêt à autre chose que lire, simplement lire. Lire un texte de théâtre, c’est courir, siffler, boire et manger, trembler, mettre des coups, en prendre, perdre et gagner, quitter sa maison, entrer dans d’autres par des portes dérobées, et puis, ça n’a rien à voir, c’est autre chose. Les passages secrets ne s’expliquent pas ; ils s’empruntent et ils s’oublient.“ “…aller, au-delà de ce petit tas de feuilles sèches, faire pousser l’ombre et la lumière, faire parler l’ombre et la lumière ; ainsi, devenir autre. Et l’enfant aime cela, lui qui parle avec sa solitude et croit aux fantômes. “ “… une magie plus grande encore : celle de la représentation du texte, au sein de l’assemblée du théâtre. Celle d’hommes, femmes et enfants, réunis, dans un silence consenti, passant ensemble à travers l’illusion, pour la quitter en retranchant cette illusion de la somme qui nous contient ou que nous gardons. Regarder la réalité en face. Jeter sur la vie une lumière. Dire je, à force de devenir d’autres, et dire je au présent car c’est toujours le temps qu’il fait au théâtre. Faire confiance à autre chose, à cet instant donné. Faire homme debout avec des phrases couchées. Faire homme debout avec cet enfant-là.” Fabrice Melquiot biographie / prix / bibliographie biographie Fabrice Melquiot vient d’une petite ville de Savoie, Modane, où il est né en avril 1972. Après avoir obtenu un baccalauréat audiovisuel, il suit une formation d’acteur sous la direction de Julie Vilmont puis travaille effectivement en tant qu’acteur au sein de la Compagnie des Millefontaines, dirigée par Emmanuel DemarcyMota. Parallèlement, il écrit. En 1998, ses premiers textes pour enfants, Les Petits Mélancoliques et Le Jardin de Beamon sont publiés à l’École des loisirs et diffusés sur France Culture. Il reçoit le Grand Prix Paul Gilson de la Communauté des radios publiques de langue française et, à Bratislava, le Prix européen de la meilleure œuvre radiophonique pour adolescents. Depuis quelques années il se consacre entièrement à l’écriture. Perlino Comment (2001) inaugure la collection de théâtre jeunesse de l’Arche éditeur, suit Bouli Miro (2002), sélectionné par La Comédie Française en Bouli redéboule biographie / prix / bibliographie (suite) décembre 2003 ; c’est le premier spectacle jeune public à être présenté au Français. En 2002/2003, pour sa première saison à la tête de La Comédie de Reims, Emmanuel Demarcy-Mota invite Fabrice Melquiot à le rejoindre comme auteur associé, membre du collectif artistique de La Comédie. Leur compagnonnage se poursuit : actuellement il dirige le Théâtre de la Ville, où Melquiot est l’artiste associé pour la saison 2009/2010. Prix En 2003, Fabrice Melquiot s'est vu décerner le prix SACD de la meilleure pièce radiophonique, le Prix Jean-Jacques Gauthier du Figaro et deux prix du Syndicat national de la Critique pour Le Diable en partage : meilleure création d'une pièce en langue française et révélation de l'année. En 2005, il reçoit le Prix de la Critique ainsi que le Prix "Nouveau Talent Radio" de la SACD. France Culture lui rend hommage en diffusant huit de ses pièces. En 2008, il reçoit le Prix Théâtre de l'Académie Française pour l'ensemble de son oeuvre. Ses textes sont traduits en allemand, en espagnol et en italien. Bibliographie jeune public • Wanted Pétula, l'Arche Éditeur , 2007, Collection Théâtre jeunesse. • Alice et autres merveilles, l'Arche Éditeur , 2007, Collection Théâtre jeunesse. • Catalina in fine, l'Arche Éditeur , 2005, Collection Théâtre jeunesse. • Bouli Redéboule, l'Arche Éditeur , 2005, Collection Théâtre jeunesse. • Albatros, l'Arche Éditeur, 2004, Collection Théâtre jeunesse. • Le Gardeur de silences, l'Arche Éditeur, 2003, Collection Théâtre jeunesse. • L’enfant Dieu, 2003, Éditions l'École des Loisirs. • Bouli Miro, l'Arche Éditeur, 2002, Collection Théâtre jeunesse. • Perlino Comment, l'Arche Éditeur, 2001, Collection Théâtre jeunesse. • Les Petits mélancoliques, Éditions l'École des Loisirs. • Le Jardin de Beamon, Éditions l'École des Loisirs. Bouli redéboule la saga de Bouli : un « feuilleton » théâtral “Bouli Miro”, “Bouli redéboule” et “Wanted Petula” sont à ce jour les trois épisodes de la saga de Bouli écrite par Fabrice Melquiot. La notion de « feuilleton » théâtral Le professeur pourra travailler sur la notion de feuilleton où l’on retrouve les personnages dans plusieurs histoires ou épisodes. Cette forme est rare au théâtre, elle est plus fréquente dans les bandes-dessinées et le roman feuilleton Il est rare en effet de voir vieillir le héros de l’histoire au cours des épisodes comme c’est le cas dans la saga de Bouli. Dans la littérature jeunesse plus récente, c’est Harry Potter qui vieillit de livre en livre au même rythme que ses lecteurs. L’origine du personnage de Bouli Extrait d’un échange entre l’auteur et une classe de CM1/CM2 (mai 2008): Lucas - Comment avez-vous eu l’idée de Bouli Miro ? Fabrice Melquiot - La relation que j’entretiens avec ce personnage a immédiatement été très importante, pour une raison simple, c’est que le point de départ, c’est une photographie que j’ai retrouvée de moi quand j’avais deux ans ; sur cette photo je suis à côté d’une fontaine, près de la maison où j’ai grandi, dans une petite ville qui s’appelle Modane, et j’ai une combinaison de ski, un passemontagne jaune sur la tête et je suis très très costaud. En retrouvant la photo je me suis dit : « Tiens, j’aimerais bien prendre soin de ce petit garçon, de l’enfant que j’ai été. » Et prendre soin de cet enfant, ça voulait dire lui redonner une vie. Et il me semblait que le théâtre, que l’espace de la fable, ça pouvait être un nouvel espace de vie pour ce petit garçon. Myriam - Comment avez-vous trouvé les noms des personnages : Bouli, Petula ? Fabrice Melquiot - Pour Bouli Miro, je voulais que son nom soit une sorte de carte d’identité immédiate, que son prénom dise la forme de son corps, et que son nom nous donne immédiatement à entendre sa myopie. Et je voulais qu’il ait ce petit souci, car j’aime la façon dont les myopes sont obligés de focaliser quand ils n’ont pas leurs lunettes, tu vois, […] et de prendre le temps de plisser les yeux. Résumé de Bouli Miro Bouli est un gros bébé, gros comme son père Daddi Rotondo et miro comme sa mère Mama Binocla. Il grossit avec une rapidité effrayante ce qui n’empêche pas sa cousine Petula de tomber amoureuse de lui. Les médecins préconisent un régime sévère mais Bouli, gros de toutes ses peurs, prend encore plus de poids lorsque sa bien-aimée part pour l’Espagne. Vient le jour où Bouli écrase presque ses parents et se met enfin à la gymnastique. Une nouvelle vie commence! Mais quelle vie! Résumé de Wanted Petula « Au fil des ans, Bouli Miro n’a pas tant changé : il est toujours Bouli (car il pèse 101 kilos) et toujours miro (car il est myope) ! En revanche, il a grandi – c’est presque un adolescent – et bien sûr, il est amoureux de sa cousine Petula, qui a disparu dans l’espace. Prêt à tout pour retrouver Petula, Bouli rencontre pendant son épopée Neil Armstrong et le Petit Prince made in Taïwan, la puce de Marguerite Duressort et sa nouvelle belle-mère, Améthyste Crappp, qui cuisine du canard cru à l’orange et s’avère être un vampire. Il finit par embrasser son amour de cousine Petula, comme dans les histoires « à la Roméo et Juliette ». Bouli redéboule résumé de Bouli redéboule On avait quitté Bouli et sa cousine Petula Clark, sur le quai de la gare de Calais, dans une errance joyeuse semée de doutes et d’apprentissages. Ils sont de retour. Mais ils semblent être sortis de l'âge innocent qui, dans Bouli Miro, rendait leur idylle si charmante. D'ailleurs, ils ne s'aiment plus. Bouli a 7 ans, Petula 10. C’est le moment de grandir, de se retrouver confronté aux chagrins de l’existence. Signe du changement : l'apparition d'un nouveau personnage, qui n'est autre que Sigmund Freud. Car les deux bambins et leurs parents entrent dans l'ère de la névrose et des traumatismes enfantins : Mama et Daddy divorcent (pour cause « d’adultère par myopie généralisée »), Jean-Michel et Marie-Jeanne abandonnent leur petite Petula pour tenter une carrière internationale de pop-stars et vivre une seconde jeunesse. Rien ne va plus chez les grands. Les enfants en sont tout bouleversés : Bouli prend du poids tandis que sa cousine, jusque là bien ronde, en perd de façon vertigineuse. Tout bouge, change et se transforme, on a du mal à garder pied ! le spectacle Note d’intention Après Le Gardeur de Silence la compagnie poursuit son travail d’exploration du théâtre jeunesse de Fabrice Melquiot. C’est maintenant le tour du rapport de l’enfant au divorce des parents et au sentiment d’abandon, à la souffrance de ceux qu’on aime, aux maladies alimentaires et au corps résonance, à l’amour qui n’a pas d’âge, décliné en trois variations pour couple sous l’œil distrait et un tantinet terni d’un certain Sigmund Freud. On a envie de pouvoir faire entendre aux enfants que quand notre corps se met à obéir à une petite voix intérieure malheureuse il se détraque et que c’est de cette petite voix qu’il faut prendre soin. On a envie de pouvoir faire entendre aux parents qu’un petit corps de 10 ans peut contenir l’amour, la détresse et l’intelligence d’un corps de 28 ans et qu’un corps de 28 ans peut lui aussi contenir l’amour, la détresse et l’intelligence d’un corps de 10 ans. Nous avons envie que parents et enfants puissent contempler ensemble les errances des uns et des autres, en rire un peu, pleurer un peu aussi , pourquoi pas ? et se dire que le jeu de la vie en vaut la chandelle. Ce qui nous touche dans ce texte c’est l’errance active de chacun, où chacun cherche à grandir avec plus ou moins d’adresse et plus ou moins de bagages pour le voyage, mais cherche et c’est bien cela qui importe. Parce que la grande moralité de cette pièce c’est qu’il n’y en a pas. On constate plutôt : Que les parents, pas toujours mieux armés que leurs enfants, souffrent et s’embrouillent et que leur souffrance fait souffrir et que l’amour n’y peut pas toujours grand chose. Individuellement tout le monde à ses raisons, manque de pot l’amour rend les corps et les esprits communicants. Et là tout se complique. Bouli redéboule le spectacle (suite) Nous avons choisi de jouer ce spectacle sous un chapiteau itinérant. Dans notre conscience collective le chapiteau est lié à un autre monde où l’extravagant, le féerique font le quotidien, où beaucoup de choses deviennent possibles : des hommes éléphants des lions obéissants, des nains et des géants, mais aussi des parents qui fuguent, des enfants qui parlent comme des adultes, une petite fille fil de fer… Scénographie Le dosage entre réalité et fiction sous-tend nos choix dans ce domaine dans le but de permettre au spectateur un aller-retour entre identification et distance, entre Un espace sensation et réflexion, afin qu’il puisse mieux appréhender la réalité des sujets physique abordés. Un espace On veut qu’il puisse reconnaître, se reconnaître, mais sans confusion. psychologique Le chapiteau, le décor, les costumes, les accessoires se déclinent en un camaïeu du blanc au noir sur lequel viennent se greffer quelques rares notes de couleur significatives. L’esthétique du théâtre se démarque de celle de la masse colorée des spectateurs et nous rappelle encore que la représentation théâtrale est une représentation de la réalité et non pas la réalité elle-même. Cela semblait d’autant plus important que notre choix s’est porté sur un univers très contemporain, très proche des codes actuels que connaissent les enfants: les personnages s’habillent comme eux et ont des inquiétudes qui pourraient être les leurs . La disposition scénique en bi frontal -les spectateurs sont placés de part et d’autre du plateau, eux-mêmes se faisant face- installe une grande proximité entre acteurs et spectateurs tout en intégrant les spectateurs dans le dispositif scénique, puisque qu’ils se voient les uns les autres: la fiction est dénoncée et la nécessaire distance entre fiction et réalité est posée. Sur le plateau, un jeu de cubes géants avec des faces aux dessins stylisés représentant l’univers de la maison, se conjuguent à l’horizontale et à la verticale pour créer les différents espaces. Espace physique et espace psychologique: Si dans la première partie du spectacle leur disposition évoque les pièces de la maison de Bouli dans une organisation bien repérable pour tous, au moment du divorce le décor se fait l’écho de la perception des enfants: Ies cubes se mettent à tanguer comme sur un bateau qui coule, deviennent les objets qu’on sauve du naufrage, ceux qu’on se dispute, les cartons d’un déménagement… Et la grande maison accouche de deux petites maisons qui se font face, à l’organisation plus disparate, reflet de l’état intérieur des habitants: d’un côté la forteresse de Daddy Rotondo, de l’autre le chaos de Mama Binocla. L’idée des vases communicants est importante dans la pièce de Melquiot et se décline sous toutes ses formes. Tout est relié. L’amour où le désamour des uns envers les autres les lient inextricablement, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils habitent ensemble, à côté, ou à des milliers de kilomètres. Pour renforcer cette idée de lien permanent et le rendre visible tous les acteurs sont constamment présents sur scène, les cubes nous permettant de créer divers espaces en simultané avec des cloisons invisibles. Bouli redéboule le spectacle (suite) L’espace affectif séparations. se superpose et s’impose sur l’espace physique des Le son qui accompagne certains moments du spectacle accentue aussi la perception psychologique, intuitive plutôt que descriptive. Il n’explique pas un lieu mais un état du personnage, une tension, un climat . Thématiques «Je peux aborder tous les sujets, avec les enfants, en leur compagnie. On peut affronter de grandes peurs au théâtre comme dans les contes de fées, de grandes questions, de grands troubles, parce qu’affronter, dépasser, trouver le courage de se faire face à soi-même, traquer les réponses, c’est aussi ce qu’on cherche. Mais je ne peux pas asséner le désespoir; quand j’écris depuis l’enfance, j’espère au moins une promesse». Fabrice Melquiot Bouli redéboule aborde des thèmes importants dans la vie de l’enfant d’aujourd’hui, voire fondateurs pour l’être humain en devenir qu’il est. Que se passe-t-il quand ces questionnements désertent la sphère familiale? Où l’enfant trouve-t-il ses réponses? A la télé? Glanées tant que bien que mal parmi des propos surpris chez les adultes, dans les mots pas toujours bienveillants des autres enfants? Il semble important qu’un regard adulte puisse être un repère au milieu de tout ça. Porteur d’intelligence, de sincérité et de bienveillance. Le théâtre peut être cet outil intermédiaire entre la famille et l’école, ce miroir de nos peurs qui nous encourage à les regarder face à face, qui fait éclore des mots au dedans ou au dehors, pour mieux appréhender une blessure, une douleur, une joie, présentes ou à venir. “ L’enfant est une personne et la parole délivre.” Françoise Dolto Le cadre familial : le divorce, l’abandon “Pourquoi Daddy et Mama ne reviennent pas ensemble?” “A quoi ça sert une seconde jeunesse?” La vertu principale de cette pièce est de poser des mots sur des bouleversements familiaux afin de mieux les traverser. En suivant tour à tour les enfants et les parents, Melquiot offre à l’enfantspectateur la possibilité d’en savoir plus que Bouli et Petula sur ce qu’il leur arrive. Il connaît les pièces qui sont habituellement manquantes au puzzle: il voit les parents de Bouli tentant de maintenir une apparence rassurante qui se craquelle de partout, Il sait que Mama a trompé Daddy et que c’est ça qui rend Daddy furieux, il voit Bouli désorienté par les non-dits, désarmé face à une souffrance dont il ignore tout et dont il se rend coupable. Le spectateur a des mots pour ce que Bouli ne fait que pressentir, sait là où Bouli interprète. Bouli : « On a déglingué nos parents, je m’en voudrais toute ma vie ». Bouli redéboule le spectacle (suite) Bien sûr, voir des parents qui divorcent et n’arrivent pas à se réconcilier est forcément douloureux pour l’enfant spectateur. Toutefois ces parents-là semblent au moins se réconcilier avec eux-mêmes : Daddy après une période dépressive reprend le dessus, Mama aussi fait un choix, celui de la sincérité avec elle-même. Il s’agit là d’une porte de sortie à l’image idéale du couple familial: papa et maman ne s’aiment plus comme avant mais ne sont pas malheureux. Si le divorce de ses parents redéfinit pour Bouli un nouveau cadre familial où se construire, en abandonnant leur fille les Clark font voler en éclats le cadre familial lui même. Dès le début, l’auteur nous plonge dans la confusion, on ne sait plus très bien qui est l’adulte et qui est l’enfant. Que des enfants partent en fugue pour se marier c’est étonnant mais que leurs parents acceptent leur mariage commence à devenir inquiétant: ils confortent Bouli et Petula dans un rôle qui n’est pas de leur âge, alors que les enfants expriment le souhait de réintégrer leur peau d’enfant auprès de papa maman. Les repères valsent et la porte s’ouvre à toutes les dérives: Les Clark, au nom de leur couple, profitent de l’occasion du mariage de leur fille devenue donc “adulte”, pour démissionner sans complexe de leur rôle de parents. Jean-Michel Clark : “Dix ans, de nos jours, tu t’en sors tout seul.” Petula: “Je comprends pas. Je vais avoir onze ans. Je suis une femme. Mais, rien de fixe.” Plus paumés que réellement méchants, leur démission n’en a pas moins des conséquences graves sur Petula, catapultée dans un rôle d’adulte qu’elle ne peut pas porter: le mutisme dont elle couvre l’absence de ses parents, révolte ou fidélité, se prolonge dans son refus-impossibilité de manger. Le spectateur voit se côtoyer la détresse de Petula et l’errance insouciante de ses parents. Le sort final de la petite fille remet les pendules à l’heure: Un enfant de dix ans est bien un enfant et comme tout enfant il a besoin d’un temps d’enfance pour grandir et de parents pour y arriver. En brouillant tous les repères Melquiot réussit à en faire mieux ressentir le besoin essentiel, sans jamais s’ériger en donneur de leçons. Corps résonance : Boulimie et anorexie “Est-ce que Pétula décède à force de ne rien manger?” Dans le spectacle quand les relations familiales se détériorent, le rapport à la nourriture se détraque. Et ce sont les corps qui se mettent à causer enchevêtrés dans un drôle de système de vases communicants : Bouli prend toutes les kilos que Petula perd. Marie-Jeanne Clark grossit peut-être aussi des kilos que perd sa fille. On constate d’ailleurs que le moment de plaisir et de rencontre qu’est le repas en famille est négligé. Par Daddy qui ne cuisine que des omelettes et par Mama qui s’en tient à des boîtes de conserve de raviolis au boeuf. La douleur qui ne trouve pas d’interlocuteur, pas de mots pour se dire prend Bouli redéboule le spectacle (suite) d’autres voix (voies) : manger trop ou pas assez ce sont les voix avec lesquelles Bouli et Petula tentent de hurler leur souffrance : Petula: “ c’était une petite voix toute malheureuse que j’entendais tout au fond, très loin, une toute petite voix qui ressemblait à la mienne, mais pas tout à fait et elle répétait: je me sens pas bien, je me sens pas bien. Et je ne savais pas comment la consoler cette idiote.” (p.64) Bouli: “ je mange trop. Je mange comme un goret. Je ne peux pas m’empêcher de manger comme un goret. Dans ma tête, quand je mange, je pense à un goret et c’est pas ce que je veux devenir , mais je mange quand même en pensant au goret et tant pis.” (p.57) Si le texte n’en parle pas de manière explicite les fantômes de la boulimie et l’anorexie sont bien là comme les manifestations d’une souffrance psychique qui ne peut s’exprimer autrement. Sigmund Freud “Il a existé pour de vrai Fleud?” Sigmund Freud est un personnage à part dans le spectacle. Melquiot prend un grand plaisir à ressusciter le personnage historique avec beaucoup d’ impertinence: Les enfants, à l’instar de Bouli, découvrent sans arrière pensée ce bonhomme plutôt étonnant, surgissant dès que les non-dits s’épaississent, semant le trouble à son passage et auquel Petula et Mama prêtent un grand crédit. C’est d’ailleurs Petula qui initie les spectateurs à Freud et à la définition de la névrose, mot magique qui semble à lui seul définir tous les maux qui assaillent les personnages. Bouli : « C’est qui Sigmund Fleud? Petula : Un type. Freud, pas Fleud Bouli : Tu l’as embrassé? Petula : N’importe quoi, il est vieux et en plus il écrit des livres, alors! » Bouli : « C’est quoi une névrose? Petula : C’est un peu comme une araignée qui aurait pondu sous ta peau des tas de petits oeufs tout blancs, et tu l’aurais vue pondre mais zut trop tard ! Alors, tu sais qu’elle a pondu, ça te rend dingue, mais tu n’y peux pas grand chose, à part t’allonger sur un divan et te détendre et oublier les oeufs d’araignée, et attendre que ça sorte, à force d’être allongée et d’y penser à tête refroidie. » Le public adulte lui, en connivence avec l’auteur, s’amuse d’une certaine image de Freud : il est l’incarnation des problèmes, de la culpabilité, de la mauvaise conscience qui escortent les problèmes familiaux. Empêtré dans une caricature de lui-même, le doute s’insinue à chacune de ses apparitions : s’agit-il d’un imposteur ? D’un fantasme ? Ou… d’un rêve ! Mama : “C’est fou mais je croyais que vous étiez mort. Freud : Mais non voyons puisque je vous dis que j’habite à deux pas… Je viens de Moravie (Mort à vie) vous connaissez la Moravie? » Bouli redéboule le spectacle (suite) C’est peut-être le moment d’évoquer qui était vraiment Sigmund Freud (le vrai), le métier de psychanalyste, de psychologue. A quoi ça sert une thérapie? Dans quel cas suit-on une psychothérapie? L’amour : le sentiment amoureux et l’amour parental. “Pourquoi Petula veut être Batman? Pour voler jusqu’à Bouli?” Le sentiment amoureux n’a pas d’âge… Petula : “Je suis une petite fille de 10 ans qui a déjà connu l’amour à la manière d’une femme de 27-28 ans, c’est-à-dire en pleine possession de ses moyens et au sommet de sa séduction (…) . On s’est aimés Bouli et moi comme des adultes qui n’ont rien d’autre à faire. Bouli : Quand tu n’as rien d’autre à faire qu’aimer comme un adulte qui n’a que ça à penser... Petula : “Aimer, aimer, aimer ! … la passion, ça s’appelle la passion. » Mais dans Bouli redéboule, Bouli et Petula ne s’aiment plus, ou plus comme avant, et ils vont découvrir que cela peut aussi arriver aux adultes. L’amour n’est plus cet absolu qu’on croyait immuable : il évolue, il se transforme, il a ses intermittences, il peut être infidèle, jaloux, blessant, il peut disparaître… Bouli : “On s’aime toujours, hein,… mais, autrement. Petula : C’est à dire qu’en allant se marier, pour tout vous dire, on a rencontré d’autres personnes. » Petula : « Bouli, quand je pense à mes amours passées je ne pense qu’à toi. Ça me pose un problème parce que je ne t’aime plus. Est-ce que tu y comprends quelque chose? » Daddy : « Elle est belle, je l’ai toujours trouvée belle. C’est une belle tourte. J’ai envie de la tuer. J’ai envie de lui arracher les yeux et de m’en faire un collier. J’ai envie de m’asseoir dessus et d’en faire une porte-fenêtre. Une toute petite portefenêtre mignonne comme tout. J’ai toujours adoré les portes-fenêtres. » Mama Binocla : « Je vois quelqu’un d’autre. Daddi Rotondo : Toutes les phrases pour dire je t’aime se ressemblent. Toutes les phrases pour dire je ne t’aime plus se ressemblent aussi. » L’amour parental “L’amour parental est-il un amour comme les autres ou bien ne peut-il mériter ce nom d’amour qu’à certaines conditions?(…) …il n’est pas définissable seulement en termes de sentiments. (…) Affirmer que l’on aime un enfant alors que l’on n’a pour lui aucun projet de vie, que l’on ne s’emploie pas à lui enseigner le monde et ses lois, qu’on ne le soutient pas dans ses études, que l’on ne se préoccupe ni de sa vie sociale ni de ce qu’il ressent, n’a aucun sens.” Claude Halmos Pourquoi l’amour ne suffit pas Bouli redéboule le spectacle (suite) Mama Binocla : « Tu sais que je t’aime. Petula : Oui Mama Binocla : Tu le sais? Petula : Oui. Mama Binocla : Alors, mange. Petula : J’ai pas faim. Les Clark, par carte postale interposée: “Nous pensons à toi et nous t’aimons. Papa Maman.” La mort « Est-ce que Petula décède à force de ne rien manger? » « Mais bien sûr tu ne vois pas qu”elle est en haut. » Bouli : « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de disparaître. …Tout le monde se demande où t’es passée …Quand est-ce que tu reviendras de ta disparition, dis-moi? » La mort s’insinue dans la disparition de Petula. On en effleure la possibilité comme un pense-bête au conditionnel : à force de ne rien manger tu pourrais…, sans la confirmer. Fabrice Melquiot garde une fenêtre ouverte sur l’avenir… Petula s’est-elle envolée? Est-elle partie à la recherche de ses parents? S’est-elle cachée? Il n’apporte pas de solution, il ne cherche pas à rassurer les enfants par des réponses…qui appartiennent au troisième volet de la série ! Marc: «Finalement je crois qu’elle n’est pas morte. J’ai demandé à ma mère de commander Wanted Petula». avant le spectacle Le but est de susciter la curiosité de l'enfant, lui donner envie de découvrir ce spectacle. Toutefois, ne dévoilez pas l'histoire, n'expliquez pas le spectacle, laissez l'enfant le découvrir par lui- même. Mises en appétit Voici des pistes pédagogiques pour ouvrir l’appétit ! Lecture de la lettre de Melquiot adressé aux enfants (en annexe). Lecture du texte de Melquiot sur l’origine du personnage de Bouli. Découverte de la première pièce de la série : Bouli Miro afin de faire connaissance avec l’écriture de Fabrice Melquiot et les personnages qu’ils vont retrouver dans le spectacle. Mettre l’accent sur la notion de feuilleton dont Bouli redéboule est le deuxième volet. Il en existe un premier, et un troisième volet… pour l’instant. Karaoké théâtral de Bouli Miro (cf karaoké théatrâl). Bouli redéboule après le spectacle Un travail d’accompagnement est tout à fait souhaitable pour que cette expérience individuelle qu’à été la représentation puisse être partagée. Pistes de travail Pistes de travail: remémoration et résonances Dessiner ( un personnage, une scène, le décor…) Ecrire sur l’une des questions ci-dessous. En parler : • Quel est le moment qui m’a le plus marqué, “impressionné” –parce qu’ému, surpris, révolté, fait peur…- et tenter de dire pourquoi. Décrire le plus précisément possible les détails de ce qui se passait concrètement (mots, jeu, lumière, son, mise en scène). Choisir un personnage. Le décrire : de quoi il rêve, qu’est-ce qui lui fait peur, qu’est-ce qui le rend triste, qu’est-ce qui le fait rire. Il me rappelle quelqu’un, si j’étais lui j’aurais agi pareil ou différemment. • Si je devais écrire la critique de ce spectacle: ce que je trouve réussi et pourquoi, ce que je trouve décevant, ce que je changerais… • Si je devais rédiger le programme du spectacle : résumé de la pièce, une image, les personnages, les techniciens. Quels sont les autres métiers concernés par le spectacle : éclairagiste, technicien son, metteur en scène. • Si je devais dessiner l’affiche du spectacle. • Les émotions : ce que j’ai ressenti, ce qui m’a surpris, m’a rendu triste, m’a fait peur, m’a fait plaisir, m’a mis en colère. Quel est le personnage dont je me sens le plus proche ? Qui je comprends le mieux ? • Noter les questions que le spectacle a suscitées. Tenter de trouver des réponses ensemble. • Inventaire des mots ou des phrases qui me reviennent en mémoire. • Comment continuerait l’histoire. Que deviennent chacun des personnages?. Lire “Wanted Pétula”. Choisir un extrait et le décrypter. Exemple : scène où Petula apprend la fugue de ses parents et Bouli le divorce des siens. Nous avons choisi de traiter cette scène charnière sous le mode d’une tempête aussi réelle que métaphorique : la forme s’allie au fond pour rendre visible ce que les enfants ressentent comme un grand désastre. Un orage s’annonce dès le début comme un pressentiment et va en s’amplifiant à mesure que la catastrophe de l’annonce du divorce approche. Une fois le mot prononcé, l’orage devient naufrage, tout le monde perd pied, tangue comme sur un bateau qui coule. Les cubes qui étaient la maison de Bouli sont tantôt une planche de salut à laquelle s’accrocher, tantôt les objets qu’on se partage où qu’on se dispute lors d’une séparation, on peut y voir aussi les cartons d’un grand déménagement… A la fin, l’orage s’apaise et la pluie commence à tomber sur les larmes de Bouli, ou est-ce les larmes de Bouli qui tombent? - une nouvelle vie s’apprête à commencer. Mama Binocla : « C’est fini Daddy Rotondo : Waterloo Bouli redéboule après le spectacle (suite) Mama Binocla : La Bérézina. Petula : Tonton Rotondo et Tata Binocla ont finit par se taper dessus comme des poissons pourris. Bouli et moi on regardait leur amour partir à la mer, comme des Titanic qui meurent à la fin. Bouli: J’ai compris que la vie ne serait plus comme avant. » Avec les enfants on essaie d’abord de se remémorer le passage, en notant le plus précisément possible tous les éléments en présence : Quels sont les personnages concernés par la scène, y a-t-il du son, quelle lumière, quels mouvement font les personnages ? Comment la scène commence? Comment elle se finit? Que devient le décor ? On dit les phrases dont on se souvient. On peut tenter ensuite des interprétations : A partir de quel moment les personnages se mettent-ils à tanguer ? Pourquoi à votre avis? Qui dit le premier le mot “divorce”? Pourquoi les parents de Bouli n’arrivent pas à le prononcer ? Associer des images, des mots au mot divorce (ex : catastrophe, déménagement, orage, bateau qui coule, naufrage, peur, surprise, noir, tonnerre…) Pourquoi le metteur en scène a-t-il choisi de traiter ce moment comme cela et pas autrement ? Une autre manière de faire ? Des propositions ? Relire le passage éventuellement. Bouli redéboule annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot Chères filles, chers garçons, Un jour, j’ai fait un voyage. Un voyage dans le Poitou. Le Poitou, c’est en France. Une région de France, célèbre pour ses baudets, les baudets du Poitou, qui sont des ânes à poils longs et roux. J’ai fait ce voyage pour rencontrer des classes, dans les écoles du Poitou, et là, un matin, j’ai rencontré un enfant qui m’a confié qu’il m’imaginait vieux, avec une barbe blanche et un gilet en mouton. Il avait l’air très déçu que je ne corresponde pas à l’idée qu’il se faisait de moi. Je vous dis ça à vous, garçons et filles de France entière, afin que vous économisiez de l’imagination pour des choses plus insensées : des aventures inouïes, des aventures dans des mondes qui n’appartiendraient qu’à vous. Je ne ressemble pas à Victor Hugo à la ferme. Je suis un type assez normal, ni jeune ni vieux. Je suis né à Modane. Dans les montagnes. Dans la vallée de la Maurienne. Près de l’Italie. Mais j’habite entre deux villes, Paris et Reims. Et je prends beaucoup de trains et quelques avions. J’écris des pièces de théâtre. Ce qui m’intéresse le plus au théâtre, ça peut sembler bizarre, mais je crois que c’est la réalité. C’est la réalité qui m’intéresse. Cette façon qu’a le théâtre de parler de la réalité, d’en parler autrement, en y ajoutant un poids de poésie. Vous aimez la poésie ? Si vous n’aimez pas la poésie, c’est que vous êtes des nuls. Si vous aimez la poésie, je vous emmène en vacances sur mon île personnelle. J’ai une île personnelle, au soleil, avec palmiers et jus de goyave, bonbecs à gogo. Y’a même un peu d’alcool, pour les plus vaillants d’entre vous. Si vous aimez la poésie, je vous y emmène. Alors, est-ce que vous aimez la poésie, oui ou non ? La poésie est la seule véritable démonstration de révolte permanente. Quand on lit un poème, quand on le lit jusqu’à remonter le cours de son écriture pour aller toucher à l’homme, à la femme qui l’a écrit, alors on objecte quelque chose, on construit du lien, on tire un fil de vie, on lustre son coeur, on forge une pensée. Le théâtre est le seul endroit au monde où on peut parler de choses profondes, contradictoires, mystérieuses, ambiguës, violentes et douces, drôles et tristes, et donner une forme à des sentiments, et se demander ensemble pourquoi toutes ces choses existent, ces sentiments, ces sensations, cette forme singulière qu’ont les souvenirs et les rêves ; et qu’est-ce qu’on en pense, et c’est quoi la place de chacun ? C’est quoi la pensée de chacun ? Combien d’imagination me faut-il pour bien voir la réalité ? Ah bon, il faut imaginer pour voir ? Eh oui. Parce que mémoire et imagination, rêve et réalité, s’adressent sans cesse la parole et toujours se mélangent. Le théâtre que j’écris essaie de vous dire que vous êtes des spectateurs d’aujourd’hui, des spectateurs à part entière, des lecteurs à part entière. Vous êtes entiers. Le théâtre vous prend pour de petites personnes bien entières. Vous avez vos doutes, vos peurs, vos questions, vos désirs. Vous avez déjà des amis, des parents, avec qui parler de tout ça. Disons que le théâtre est parfois l’endroit où l’on parle de tout ça avec soi-même, ou avec le rêve auquel on assiste. On assiste à un rêve et on l’assiste, on lui prête son attention, parce qu’il en a besoin pour devenir rêve debout, rêve artisanal, rêve partagé. Rêve bizarre, qui est une autre réalité. Une autre vie, pleine d’artifices, une vie qui s’ajoute à la vie. Ça n’a l’air de rien, comme ça, mais je crois que ça peut aider à mieux être ensemble. C’est comme un bon repas. Comme un dimanche au bord d’une rivière, avec des amis. Comme une belle conversation avec des potes dans la cour de récré. Bouli redéboule annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot En tout cas, c’est pas pour frimer, mais vous avez vachement de chance de tomber sur moi, parce que les années précédentes, vous auriez pu tomber sur Catherine Zambon. Heureusement qu’elle zozotte, Catherine, sinon on découperait tous ses livres en tranches bien fines et on les mangerait avant de les avoir lus (y’a un jeu de mots, cherchez-le). Vous auriez pu tomber sur Jean Cagnard ; je vous dis pas la chaleur qu’il fait quand on lit ses pièces (y’a un jeu de mots, cherchez-le). Philippe Dorin, alors on ne va pas le réveiller (y’a un jeu de mots, cherchez-le). Nathalie Papin écrit du théâtre parce qu’elle n’a pas réussi à faire la carrière de son frère dans le football (y’a un jeu de mots, cherchez-le). Ceux qui trouvent les bonnes réponses aux jeux de mots peuvent partir avec moi sur mon île personnelle (n’oubliez pas votre maillot de bain). Avec mon nom, on ne peut pas faire de jeux de mot, c’est pratique (ceux qui auraient envie d’essayer ne viendront pas sur mon île personnelle et ils peuvent s’asseoir sur le jus de goyave). N’allez surtout pas croire que je me la raconte, j’aime beaucoup mes prédécesseurs (cherchez le mot dans le dictionnaire, si vous ne le connaissez pas ; n’oubliez pas que le meilleur ami de l’homme, ce n’est pas le chien, c’est le dictionnaire – un dictionnaire ne vous mordra jamais). Je les aime beaucoup, mes prédécesseurs, parce qu’ils jonglent avec des mondes, des tas de petites planètes, faites de morceaux de mémoire et d’imaginaire, de poésie et de théâtre, d’expériences et d’illusions. Et en même temps, ce sont des gens tout à fait normaux. Vous pourriez les croiser au supermarché. Sauf Philippe Dorin, qui n’y va jamais et laisse tout le temps sa femme Sylviane faire les courses. Mais il est sympa, sinon. Bon, cela dit, vous avez le droit de ne pas m’aimer, vous ne serez pas punis pour autant. Vous avez le droit de dire du mal de mes pièces, c’est autorisé. Du moment que c’est sincère. Vous avez le devoir de les critiquer. Pas juste dire j’aime ou j’aime pas. Les mettre en question. Les examiner, comme une aile de papillon sous un microscope. Je compte sur vous. Je précise que je ne paie pas les billets d’avion pour mon île personnelle ; ils sont à votre charge (vous pouvez réclamer un soutien financier à vos parents, mais je vous interdis de racketter vos camarades à la sortie). Et tâchez d’être un peu heureux d’aller à l’école, en tout cas les jours où vous savez que vous avez théâtre. Les autres jours, faites la tronche, comme tout le monde, si ça vous chante. Lisez, lisez, lisez. Pas seulement mes pièces. Les pièces de mes camarades, Catherine, Jean, Philippe, Nathalie… Et puis des romans, des bandes dessinées, des poèmes, des journaux. Et puis lisez les mains de vos voisins. Et lisez dans les pas de vos frères, de vos cousins, aussi, voyez comment ils marchent, d’où ils viennent, où ils vont. Lisez partout où quelque chose laisse une impression. Lisez la trace des avions au ciel, les traces de doigts sur la vaisselle, le regard de votre amoureux ou de votre amoureuse, lisez tout ce qui peut se lire. Lisez le vol des abeilles, lisez la pluie, lisez les panneaux publicitaires, lisez les néons des magasins, lisez les plis du drap de votre lit, lisez le dos des gens devant vous, lisez la respiration de ceux qui vous suivent, relisez vos souvenirs, élisez vos rêves. Et en avant ! Vous êtes attendus ! Bouli redéboule annexe / lettre aux enfants par Fabrice Melquiot Vous verrez, ce sera classe quand vous pourrez dire : moi, je peux tout lire, c’est pas compliqué, en fait. Ce serait compliqué, je vous jure que je ne vous le demanderais pas. Mais là, franchement. C’est moins compliqué que sortir une tranche de brioche coincée au fond du grille-pain, sans se brûler les doigts. Voilà. Je suis à Moscou, en Russie ; on est le 29 novembre 2008. Il y a un peu de neige sur les trottoirs, trop peu pour la saison, m’a-t-on dit. Ce matin, j’ai été faire silence dans une petite église rouge et blanche. Puis j’ai déjeuné dans un restaurant désert, au bord de la Moskova. La serveuse portait un habit traditionnel ; même couleurs que l’église visitée plus tôt. Elle souriait beaucoup, ça m’aidait à manger ma soupe. J’ai bu trois cafés. J’ai pris une photo : au premier plan, une grille de fer forgé, au second plan les branches nues des arbres. Et je suis rentré dans ma chambre d’hôtel, vous écrire cette lettre. Bien à vous, Fabrice Melquiot Bouli redéboule annexe / karaoké théâtral Le karaoké théâtral s’apparente au karaoké musical en affichant sur un écran un texte à lire par différents personnages/lecteurs et se veut une étape de découverte collective du répertoire théâtral contemporain pour la jeunesse, avant la lecture individuelle d’une œuvre imprimée et publiée. La mise en forme du texte projeté à l’écran permet d’éclairer les codes de lectures du théâtre, souvent inconnus des enfants : -par des rappels de couleur pour chaque personnage : qui parle ? qu’est-ce qu’une réplique ? qu’est-ce qu’une didascalie ? -par des animations visuelles mettant en relief le passage d’une scène à une autre, -par l’illustration du lieu de l’action : dans « Etre le loup » de Bettina Wegenast, une scène se passe dans le pré. Les répliques sont alors encadrées par l’image d’un pré, -par des indications sonores qui sont pré-enregistrées ou bruitées par les enfants en direct, etc. Chaque scène est lue au micro par plusieurs enfants devant l’ensemble du groupe, pendant que les autres poursuivent leur propre lecture individuelle et muette à l’écran. Cela permet d’impliquer chaque personne de façon active et continue. Le karaoké théâtral propose la lecture et l’interprétation d’extraits d’une œuvre et des variations autour de mêmes scènes en proposant différents points de vue et intentions pour dépasser le stade de la lecture et commencer à travailler l’interprétation. Notre catalogue de karaokés théâtraux est en cours d’élaboration : « Etre le loup » de Bettina Wegenast est disponible et ainsi que « Bouli Miro » de Fabrice Melquiot (premier épisode de la saga des Bouli). Bruno Castan nous tente également et nous sommes attentifs aux commandes ou plutôt aux désirs de lectures de nos partenaires. Il s’agit d’une activité où l’enfant se retrouve actif et acteur ; elle nécessite d’être non interventionniste par rapport au rythme de lecture du participant ou d’éventuelles erreurs de lecture (sauf si elles perturbent la compréhension). Ce n’est pas un spectacle mais un véritable atelier de lecture qui doit absolument respecter le niveau de lecture de l’enfant afin d’aiguiser son désir de langage et de jeu.