La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 10 - décembre 2012 | 505
Points forts
»
Lorsque de la viande est cuite à température élevée et/ou grillée, des amines hétérocycliques se forment
(viande bien cuite).
»Ces molécules sont expérimentalement cancérogènes.
»
Les études épidémiologiques montrent nettement leur rôle dans l’apparition du cancer colorectal, mais
aussi du cancer du sein, de la prostate, du poumon, de la vessie et du pancréas. Cela pourrait en partie
rendre compte du lien entre une consommation élevée de viande et la survenue d’un cancer.
»Des facteurs génétiques modulent les effets de leur consom-mation.
»Leur apparition dépend de nombreux facteurs culinaires et peut être limitée par certains usages.
»
Des recommandations diététiques et culinaires pratiques doivent être élaborées pour la prévention
des cancers.
Mots-clés
Cancer
Amines
hétérocycliques
Viande
Cuisson
Cancer colorectal
Highlights
»
On high-heated or grilled
meat cooking, heterocyclic
amines occurr (well-done
meat).
»
These molecules have a
cancerogenic effect.
»
Epidemiological studies have
shown that they have a role in
the colorectal, breast, prostate,
lung, bladder, and pancreatic
cancer risk.
»
This could partially explain
the relationship between high
meat consumption and cancer.
»
Genetic factors may modu-
late the effect of heterocyclic
amines on that risk.
»
Their occurrence in foods
depends from many cooking
factors and may be decreased
with some uses.
»
Practical dietary and culi-
nary recommendations must
be made for cancer prevention.
Keywords
Cancer
Heterocyclic amines
Meat
Cooking
Colorectal cancer
Les composés néoformés
lors de la cuisson
Les composés néoformés lors de la cuisson sont
de 4 types : les composés de Maillard, les amines
hétérocycliques, les produits d’oxydation et les
hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Les produits de la réaction de Maillard
Les produits de la réaction de Maillard résultent de
l’interaction entre des sucres réducteurs (hexoses)
et des acides aminés, suivie d’un ensemble complexe
d’étapes donnant naissance à des composés variés,
dont les principaux sont les composés carbonylés :
N carboxyméthyllysine (CML), hydroxyméthylfur-
fural (HMF) et acrylamide.
La principale source d’acrylamide est représentée
par les produits tels que les frites, les chips, le pain,
les céréales transformées. On en retrouve peu dans
la viande. L’acrylamide présente dans les tissus bio-
logiques provient aussi du tabagisme.
Les produits d’oxydation
Les produits d’oxydation sont des molécules issues
des réactions de thermo-oxydation des corps gras,
notamment insaturés. Ils ne sont pas spécifiques de
la viande. Ils sont surtout liés au chauffage excessif
des graisses de cuisson, notamment des lipides riches
en acides gras insaturés.
Les hydrocarbures aromatiques
polycycliques
Les HAP sont issus de la combustion incomplète
de sub-stances organiques à partir des radicaux
libres générés au cours des réactions de pyrolyse
et de pyrosynthèse (8). La température très élevée,
la cuisson au feu de bois, au charbon, au contact
de la flamme ou de la fumée entraînent l’appari-
tion de substances telles que le benzo(a)pyrène, le
dibenzo(a)pyrène, le dibenzo(a)anthracène et plus
de 100 autres composés. Ces molécules hautement
cancérogènes sont essentiellement produites lors
de la cuisson sévère des aliments gras au contact
du bois et des hydrocarbures fossiles et confèrent
à l’aliment carbonisé une croûte noire qui y adhère.
Les sources directes principales de ces HAP sont le
tabagisme, la pollution et l’exposition profession-
nelle, tous susceptibles d’agresser directement la
peau et la muqueuse respiratoire.
Les amines hétérocycliques
Plus de 25 AH ont été isolés et identifiés comme
potentiellement mutagènes. Tous contiennent de
2 à 5 cycles aromatiques, avec 1 atome d’azote (N)
ou plus dans ce noyau, et habituellement un grou-
pement aminé non cyclique (8-10).
Les AH sont constitués lors de la cuisson. Leur
formation dépend de la température, qui détermine
2 familles d’AH : ceux formés à une température
comprise entre 100 et 300 °C et appelés AH ther-
miques, du type IQ (indoles quinolines ou indoles
quinoxalines), qui sont des amino-imidazo-aza-
arènes et des composés polaires ; et ceux formés à
de plus hautes températures (supérieures à 300 °C),
appelés AH pyrolytiques, de type non IQ, qui sont
des amino-carbolines et des composés non polaires.
Les premiers sont générés à partir de la réaction
entre des acides aminés libres (la créatine et la créa-
tinine) et des hexoses, et donc à partir des composés
de Maillard, conduisant à des pyridines et pyrazines
hétérocycliques, puis aux IQ.
Les seconds apparaissent au-delà de 250 à 300 °C
à partir de la dégradation des premiers à travers la
réaction de pyrolyse entre les acides aminés et les
protéines.
Les principaux amino-imidazo-aza-arènes sont DMIP,
PhIP, iso IQ, IQ, MeIQ, IQx, MeIQx, Di MeIQx, etc.
Les principaux amino-carbolines sont α, β, γ et δ
carbolines, Phe-P-1, Orn-P-1 Cre-P-1, Lys-P-1, etc.
Les niveaux d’AH formés lors de la cuisson des
viandes varient entre 0,2 et 650 μg/g selon le mode
de cuisson utilisé ; PhIP représente dans tous les cas
l’AH majoritaire (11). La formation des AH, surtout
lors de la cuisson des viandes et des poissons, a été
décrite pour la première fois en 1964 (12), et leur
caractère cancérogène chez l’animal a été établi