Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - nos 5-6 - mai-juin 2012
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dossier thématique
Cuisson des aliments,
nutrition et santé
Dans l’étude de la Swedish Mammography Cohort
auprès de 61 433 Suédoises suivies pendant 17,4 ans,
il existe une interaction avec des facteurs hormonaux,
puisque le risque de cancer invasif est accru pour la
consommation de viande grillée ou poêlée chez les
patients ayant des récepteurs aux estrogènes ER+ et
des récepteurs à la progestérone PR− (26).
Dans une revue de la littérature analysant 7 études
prospectives, on constate, lorsque les données sont
disponibles (6 études sur 7), que le risque relatif de
cancer du sein est accru en cas de consommation de
viande grillée ou “bien cuite” : il passe de 1,92 à 4,6 (9).
Cela a été observé dans l’étude Iowa Women’s Health
Study auprès de 41 836 femmes âgées de 55 à 69 ans,
chez qui une relation de type dose-réponse entre la
consommation de viande “bien cuite” et le risque de
cancer du sein a été mise en évidence (27).
En ce qui concerne l’acrylamide, issu principalement des
céréales, du pain et des pommes de terre, les premières
études ont été menées sur la base d’une estimation
des apports. Deux études cas-témoins et une étude
prospective (28-30) n’ont pas montré de corrélation
entre l'apport en acrylamide et le risque de cancer du
sein, mais une étude fondée sur le taux d’acrylamide
et de son métabolite, la glycinamide, et les adduits sur
l’hémoglobine N terminale a montré, après ajustement
sur le tabac, une relation entre ce paramètre biologique
et le risque de cancer du sein récepteur aux estrogènes
récepteur + (31).
Cancer de la prostate
Dans l’étude américaine NIH-AARP Diet and Health Study
auprès de 175 343 hommes âgés de 50 à 71 ans et suivis
pendant 9 ans, le risque de cancer de la prostate est
modérément élevé en cas de consommation de viande
grillée/barbecue (HR = 1,11 ; IC95 : 1,03-1,19) ou d’apports
élevés en benzo(a)pyrène (HAP) [HR = 1,09 ; IC
95
: 1,00-
1,18], mais le risque de cancer avancé est beaucoup plus
élevé (respectivement HR = 1,36 et 1,28) [32].
Chez 1 294 hommes ayant eu un cancer de la prostate et
suivis pendant 2 ans en moyenne, la progression (décès,
métastases ou augmentation du PSA) n’est observée
que pour une consommation élevée de poulet avec (et
non pas sans) la peau (HR = 2,26 ; IC95 : 1,36-3,76 ; p =
0,003) [33]. Or, la viande de poulet “bien cuite”, grillée,
est plus riche en HA que les autres viandes, et le poulet
avec la peau est beaucoup plus souvent cuit grillé.
Cancer du poumon
Une étude cas-témoin italienne rapporte une corréla-
tion entre les apports en AH et en benzo(a)pyrène et
le risque de cancer du poumon (34).
L’étude de la cohorte NIH-AARP Diet and Health Study
auprès de 278 380 hommes suivis pendant 8 ans a éga-
lement montré une corrélation entre la consommation
de viande rouge “bien cuite” ou “très bien cuite” (HR =
1,20 ; IC95 : 1,04-1,38 ; p = 0,04) et le risque de cancer
du poumon ; une relation identique a été observée
avec les apports en MeIQx (HR = 1,25 ; IC95 : 1,07-1,45 ;
p = 0,02) [35].
Cancer du pancréas
J. Zhu et al. ont montré que la teneur en adduits ADN/
PhIP était associée à une augmentation du risque de
cancer du pancréas et à la préférence pour la viande
“bien cuite” (36).
Une étude cas-témoin a montré une corrélation entre
les apports en amines hétérocycliques et le risque
de cancer du pancréas pour PhIP (OR = 1,8 ; IC95 : 1,0-
3,1), Di MeIQx (OR = 2,0 ; IC95 : 1,2-3,5) et MeIQx (OR =
1,5 ; IC95 : 0,9-2,7) et pour le benzo(a)pyrène (OR = 2,2 ;
IC95 : 1,2-4,0) [37].
Cancer de la vessie
Au cours de l’étude prospective NIH-AARP Diet and
Health Study, 854 cas de cancer de la vessie ont été iden-
tifiés lors du suivi pendant 7 ans de 300 933 hommes et
femmes. Le risque relatif de cancer de la vessie était de
1,19 (IC95 : 0,95-1,48 ; p = 0,06) pour les apports estimés
en PhIP (38).
Dans une récente étude cas-témoins, le risque de cancer
de la vessie était très augmenté pour les deuxième, troi-
sième et quatrième quartiles d’apports en AH, avec un
OR respectif de 1,47, de 2,58 et de 3,32 (p < 0,001) [39].
Facteurs déterminant la teneur en AH
✓La température, la durée et la méthode de cuisson
affectent la teneur en AH ; il existe une relation avec
le degré de température, mais elle n’est pas linéaire
pour tous les AH. Au-delà de 200 °C, la quantité d’AH
augmente dramatiquement, alors qu’en dessous de
150 °C, elle n’est pas détectable.
✓
Le type de viande intervient également. La peau (de
poulet) est un facteur mécanique protecteur pour la
viande ; certains AH (PhIP) sont plus facilement formés
dans la viande de poulet, tandis que d’autres (8-MeIQx)
le sont moins que dans le viande de bœuf et de porc.
La teneur en créatine et celle en glycogène peuvent
être déterminantes. Cette dernière dépend de facteurs
génétiques propres à l’animal : l’allèle RN– confère à la
viande une teneur plus forte en glycogène, une couleur
plus foncée et une moindre formation de certains AH