PR - Physiopathologie
Figure 5. Phase préclinique : rôle des peptides citrullinés et des
cytokines.
Dans la phase préclinique, on distingue deux périodes : avant
(période 1) et après (période 2) l’apparition des anti-CCP. La
période 3 correspond à la phase symptomatique de la PR. Le
nombre de peptides citrullinés (en vert) augmente plus que
le nombre de peptides natifs non citrullinés (en jaune) entre
les périodes 1 et 3. Les cytokines et les chimiokines augmen-
tent entre les périodes 2 et 3. Le phénomène d’amplitude de
la réponse auto-anticorps explique une diusion épitopique
(“epitope spreading”), conséquence de la citrullination anti-
génique croissante.
Peptides natifs
Anti-CCP –
Période 1 : 4 ans
Anti-CCP +
Période 2 : 0,7 an
PR
Période 3 : 3 ans
Peptides citrullinés
Cytokines
Figure 6. Un nouvel antigène citrulliné : l’énolase.
Mimétisme moléculaire entre énolase humaine et bactérienne
(Porphyromonas gingivalis). L’énolase bactérienne a une
structure proche de l’énolase humaine qui pourrait activer une
réponse immunitaire auto-immune avec des anticorps anti-
énolase humaine (anti-CEP1).
Mimétisme moléculaire Réponse
auto-immune
P. gingivalis
Énolase citrullinée
ou autoantigène citrulliné CPA : cellule présentant l’antigène
TH1 : lymphocyte TH1
Anti-CEP1
La Lettre du Rhumatologue - n° 338 - janvier 2008
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trois périodes. Avant l’apparition des anti-CCP, l’augmentation
croissante des peptides citrullinés, alors que le nombre de pep-
tides natifs, quant à lui, augmente peu, suggère que l’amplitude
de la réponse anti-CCP est plutôt une conséquence de la citrul-
lination croissante des peptides, ce qui privilégie la théorie de
l’epitope spreading (diffusion épitopique) [figure 5]. L’amplitude
de la réponse auto-anticorps expliquerait une diffusion épito-
pique, conséquence de la citrullination antigénique croissante.
Cette reconnaissance des peptides citrullinés, marquée par
l’apparition des anticorps anti-CCP, est suivie, après l’apparition
des anticorps et durant la phase clinique de la maladie, d’une
augmentation des cytokines et chimiokines de l’inflammation
ainsi que de cytokines anti-inflammatoires. Cette production
cytokinique témoigne d’une réponse inflammatoire qui suit la
réponse immunitaire avec production d’anticorps (anti-CCP).
gingivalis, impliquée dans les infections gingivales. L’anti-CEP1
reconnaît l’énolase de P. gingivalis mis ou non en présence d’une
PAD (Peptidyl Arginine Deiminase) qui favorise la citrullina-
tion des peptides. Cette observation suggère que P. gingivalis
possède une PAD endogène capable d’induire la citrullination
de l’énolase. L’ensemble de ces résultats privilégie non seule-
ment la théorie du mimétisme moléculaire entre un peptide du
soi et celui d’un agent étranger, tous deux ayant une structure
proche (figure 6), mais aussi celle de la diffusion épitopique avec
l’existence de nombreux anticorps dirigés contre des peptides
citrullinés. Cette analogie entre des énolases bactérienne et
humaine privilégie également l’hypothèse du rôle déclenchant
d’une infection bactérienne (gingivale) dans la PR.
L’amélioration clinique observée pendant la grossesse
n’est pas corrélée à la présence des anticorps anti-CCP
L’étude TARA est un suivi de patientes atteintes de PR pendant
leur grossesse avec une évaluation de l’activité de la PR par le
DAS (Disease Activity Score) 28 3 critères (CRP) tous les 3 mois
puis 6, 12 et 26 semaines après l’accouchement (De Man, 1838).
Des dosages biologiques étaient disponibles pour 119 patientes,
et 76 d’entre elles avaient des anti-CCP. En considérant une
évolution favorable selon les critères de réponse EULAR, les
patientes sans anti-CCP n’ont pas plus d’amélioration de leur
PR que les patientes ayant des anti-CCP (tableau I). Le taux
d’anti-CCP ne variait pas avant et pendant la grossesse (200 UI/l
en moyenne). Pour les facteurs rhumatoïdes, IgG, IgM et IgA,
les taux étaient également stables au cours de la grossesse. Après
l’accouchement, seul le taux de FR IgM diminuait significative-
ment à la reprise du traitement.
Un nouvel antigène citrulliné : l’énolase
L’énolase est une enzyme qui intervient dans la glycolyse.
Onze différents peptides citrullinés obtenus à partir de l’éno-
lase humaine ont été mis en présence de sérums de patients
atteints de PR. Le sérum a réagi avec un seul peptide : CEP1
(Citrullinated Enolase Peptide 1). L’anticorps anti-CEP1 isolé
n’a pas de réaction croisée avec les 10 autres énolases, ni avec
les anticorps anti-CCP. En revanche, l’anti-CEP1 est, comme
les anti-CCP, plus fréquemment associé à l’épitope partagé. La
sensibilité et la spécificité de cet anticorps ont été testées sur
trois cohortes différentes et varient respectivement de 37 à 62 %
et de 96 à 98 %. La présence d’anticorps CEP-1 chez les patients
atteints de PR sans anticorps anti-CCP permet d’envisager son
utilisation comme une aide supplémentaire au diagnostic de
PR. L’anti-CEP1 reconnaît une énolase bactérienne. L’épitope
dominant reconnu par l’anti-CEP1 a une parfaite homologie de
séquence (100 %) avec l’énolase de la bactérie Porphyromonas
Tableau I. Amélioration clinique de la PR pendant la grossesse et anti-
CCP. Le pourcentage de patientes qui voient leur état s’améliorer pen-
dant la grossesse est indépendant du statut des anticorps anti-CCP.
Amélioration pendant
la grossesse selon les critères
de réponse EULAR
Bonne/modérée
(n = 47)
Aucune
(n = 72)
p
Anti-CCP+ (n = 76) 29 (38,2 %) 47 (61,8 %) 0,69
Anti-CCP – (n = 43) 18 (41,9 %) 25 (58,1 %) 0,6