Médecine
& enfance
EXAMEN JULES
Jules, huit ans, consulte pour une adénopathie latérothoracique sous-axillaire gauche. Apparue quinze
jours auparavant, l’adénopathie est devenue douloureuse alors qu’elle ne l’était pas initialement. Un
traitement antibiotique par Zeclar®prescrit il y a une semaine n’a rien changé. A l’examen, on palpe une
tuméfaction sous-cutanée de deux centimètres de diamètre, mobile et sensible. On découvre également
une deuxième adénopathie, d’un centimètre de diamètre, indolore, sous-axillaire gauche, ainsi qu’une
petite papule cutanée au niveau du flanc gauche
(photos ci-dessous)
. Les autres aires ganglionnaires sont
libres et il n’y a pas d’hépatosplénomégalie. Le reste de l’examen somatique est normal et Jules est apy-
rétique. Quel est votre diagnostic ?
COUP DŒIL
A. Kerkache, E. Bagur,
service de pédiatrie,
centre hospitalier
Sud francilien, Evry
Rubrique dirigée
par A. Mosca,
alexis.mosca@
ch-sud-francilien.fr
octobre 2011
page 347
EXAMEN ENZO
Ce nourrisson de neuf mois, aux antécédents de dermatite atopique sévère connus, est amené par sa ma-
man pour une éruption cutanée évoluant depuis sept jours. L’éruption a initialement débuté en rétro-au-
riculaire gauche, sous forme de croûte, avant de s’étendre secondairement aux mains et au haut du dos.
L’examen clinique met en évidence une fébricule à 38 °C, ainsi que des lésions de dermatite atopique as-
sociées aux lésions visibles sur les photographies. Quel est votre diagnostic ?
Voir les diagnostics page suivante
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DIAGNOSTIC ENZO
Il s’agit d’un syndrome de Kaposi-Julius-
berg, qui correspond à la surinfection
d’une dermatite atopique en poussée
par Herpes Simplex Virus (le plus sou-
vent de type 1).
Deux types de tableaux cliniques sont
décrits :
dans l’un, l’éruption vésiculo-pustu-
leuse débute brutalement au visage,
puis, dans un second temps, s’étend ra-
pidement, s’accompagnant d’une attein-
te muqueuse (kérato-conjonctivite, gin-
givo-stomatite), d’une altération de
l’état général importante et d’une fièvre
à 40 °C. Cette forme est grave et peut
être létale en raison du risque de nécro-
se des éléments vésiculeux et d’atteinte
viscérale du HSV (hépatite, encéphalite,
myosite) ;
l’autre, le plus fréquent, correspond à
une forme fruste : il n’y a pas de signes
généraux et l’éruption est limitée, préfé-
rentiellement au visage.
Le diagnostic est clinique, mais une
confirmation par cytodiagnostic de
Tzanck, culture virale ou PCR sur pro-
duits de vésicules est possible. Un bilan
biologique (bilan hépatique) est égale-
ment conseillé, afin d’éliminer les at-
teintes viscérales.
Une hospitalisation est nécessaire, le
traitement devant être administré en
urgence. Il n’existe pas de consensus sur
la voie d’administration (per os ou in-
traveineuse), ni sur la durée du traite-
ment. Il est généralement admis que
l’aciclovir doit être administré en IV
dans les formes graves avec signes gé-
néraux (AMM existant dans cette indi-
cation, sans précision de durée), alors
que le valaciclovir semble uniquement
indiqué dans des formes plus frustes,
dans les deux cas pour une durée de 7 à
10 jours. Compte tenu de la fréquence
des impétiginisations secondaires, il
convient d’associer une antibiothérapie
antistaphyloccocique par voie générale.
Il n’y a pas de séquelles, si le traitement
est débuté précocement.
La principale prévention consiste à évi-
ter tout contact entre un enfant en
poussée de dermatite atopique et un su-
jet porteur de lésions herpétiques. Il
faut notamment informer les parents
qu’un sujet ayant une récurrence herpé-
tique labiale ne doit pas embrasser l’en-
fant, car c’est le plus souvent ainsi que
se transmet le virus.
DIAGNOSTIC JULES
Il s’agit d’une maladie des griffes du chat,
ou lymphoréticulose bénigne d’inocula-
tion ; c’est une bartonellose liée à Barto-
nella henselae (bacille Gram négatif).
La maladie est ubiquitaire sous les cli-
mats tempérés, avec un pic saisonnier
d’août à janvier. Le réservoir principal
est le chat domestique. La transmission
se fait soit par morsure ou griffure de
chat, soit par l’intermédiaire des puces
du chat. Elle doit être évoquée devant
toute adénopathie chronique isolée
chez un sujet en contact avec un chat.
La lésion initiale est constituée d’une
papule, qui évolue vers une vésicopus-
tule apparaissant au niveau du site
d’inoculation trois à dix jours après la
contamination. Quelques jours plus
tard apparaissent une ou plusieurs adé-
nopathies, généralement limitées à un
seul site (cervical ou axillaire le plus
souvent, parfois épitrochléen ou ingui-
nal), unilatérales, inflammatoires, peu
ou pas douloureuses. Il n’y a pas de
signes généraux en dehors d’une fébri-
cule présente dans 30 % des cas.
Les complications peuvent être ophtal-
mologiques (dans le cadre du syndrome
oculoglandulaire de Parinaud, lequel
associe une conjonctivite à une adéno-
pathie préauriculaire), neurologiques
(encéphalites), hépatiques (granu-
lomes) ou osseuses (ostéomyélites).
Chez l’immunodéprimé, l’infection se
traduit par une angiomatose bacillaire
ou par une péliose hépatique. Chez les
patients porteurs d’une valvulopathie, il
peut survenir une endocardite à hémo-
cultures négatives.
Le diagnostic est essentiellement cli-
nique. En cas de doute, la sérologie
Bartonella henselae doit être effectuée
deux fois à quinze jours d’intervalle,
afin d’objectiver une séroconversion ou
une augmentation significative des
titres d’anticorps. Il existe cependant
15 à 20 % de faux négatifs et 6 % de
faux positifs. La ponction-aspiration du
ganglion ou la biopsie-exérèse ne sont
réalisées qu’en cas de doute diagnos-
tique persistant, en seconde intention
(étude histologique, culture, identifica-
tion par PCR).
L’évolution de la forme typique est
spontanément favorable en deux à
quatre mois. Il existe une fistulisation
dans 10 % des cas.
Le traitement est avant tout symptoma-
tique (antalgiques) dans les formes lo-
calisées. L’azithromycine ou la doxycy-
cline pendant 7 à 14 jours peuvent ré-
duire la durée d’évolution dans les
formes typiques. En revanche, un traite-
ment antibiotique intraveineux prolon-
gé est indispensable dans les formes
systémiques et viscérales ou chez l’im-
munodéprimé.
La prévention repose sur des mesures
sanitaires comme l’éviction des chats
dans l’entourage des patients immuno-
déprimés, le lavage des mains après ma-
nipulation d’un chat, la désinfection des
plaies en cas de griffure ou morsure,
ainsi que la lutte contre l’infestation des
chats par les puces.
Médecine
& enfance
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Pour en savoir plus
sur le syndrome de Kaposi-Juliusberg :
Conférence de consensus « Herpès », HAS, 2001.
OLSON J., ROBLES D.T., KIRBY P., COLVEN R. : « Kaposi varicel-
liform eruption (eczema herpeticum) »,
Dermatology Online J.,
2008 ;
14 :
18.
FRISCH S., SIEGFRIED E.C. : « The clinical spectrum and thera-
peutic challenge of eczema herpeticum »,
Pediatr Dermatol.,
2011 ;
28 :
46-52.
MEHNDIRATTA S. : « Kaposi’s varicelliform eruption (eczema
herpeticum) in an infant »,
World J. Pediatr.,
2010 ;
6:
282.
KRAMER S.C. et al. : « Kaposi’s varicelliform eruption : a case re-
port and review of the literature »,
Cutis,
2004 ;
73 :
115-22.
sur la maladie des griffes du chat :
« Bartonella henselae et maladie des griffes du chat », faculté de
médecine de Marseille, IFR 48,
http://ifr48.timone.univmrs.fr/
portail2/index.php?option=com_content&task=view&id=71&Ite
mid=44.
ESCARMELLE A., DELBRASSINE N., DE POTTER P. : « Maladie
des griffes du chat et syndrome oculo-glandulaire de Parinaud »,
J. Fr. Ophtalmol.,
2004 ;
27
: 179-83.
NERVI S.J. : « Catscratch Disease »,
Medscape Reference,
http://emedicine.medscape.com/article/1051992-overview.
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