
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVIII - n° 1-2 - janvier-février 2014
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Regard sur le surpoids et l’obésité
ou extrême (IMC ≥ 40 kg/m2). Ces seuils servent de
repères pour une évaluation individuelle, mais il est en
fait avéré que le risque de maladies chroniques aug-
mente progressivement avec l’IMC et ce, avant même
d’atteindre le seuil de 25 kg/m2.
La répartition corporelle des graisses est un fac-
teur important du risque de complication cardio-
métabolique. On oppose ainsi les obésités avec une
prépondérance de la graisse sous-cutanée et celles où la
graisse s’accumule préférentiellement au niveau abdo-
minal, périviscéral. C’est cette dernière qui conditionne
le risque cardio métabolique. Les techniques sophisti-
quées et coûteuses – scanner, IRM, DEXA – permettent
une évaluation précise de la répartition des graisses. En
pratique clinique courante, on se limitera à la simple
évaluation du tour de taille mesuré à l’horizontale (sans
nécessairement passer par l’ombilic), à mi-distance entre
le bord inférieur des côtes et le bord supérieur de la
crête iliaque. On peut retenir 2 niveaux de seuil pour le
tour de taille, définissant une augmentation modérée
ou importante du risque cardiométabolique. Pour les
populations européennes, ces seuils sont de 80 et 88 cm
chez la femme et de 94 et 102 cm chez l’homme (2).
Le surpoids et l’obésité
enquelques chiffres
D’après les estimations mondiales de l’OMS pour l’année
2005, environ 1,6 milliard d’adultes (âgés de 15 ans
et plus) étaient en surpoids et au moins 400 millions
d’adultes étaient obèses ; les prévisions de l’époque
pour 2015 étaient de quelque 2,3 milliards d’adultes
en surpoids et plus de 700 millions en situation d’obé-
sité. Au moins 20 millions d’enfants de moins de 5 ans
avaient un surpoids en 2005. En France, depuis 1997,
l’étude ObÉpi-Roche apprécie tous les 3 ans la préva-
lence du surpoids et de l’obésité, afin d’évaluer son
évolution dans la population âgée de 18 ans et plus.
La dernière enquête, de 2012 (3), fait état de 32,3 %
de Français adultes de 18 ans et plus en surpoids et
de 15 % en situation d’obésité. Après des années de
forte augmentation, une tendance à la stabilisation
de la prévalence de l’obésité semble apparaître au
cours de ces dernières années. En effet, par rapport à
la prévalence estimée en 2009 (14,5 %), la prévalence
en 2012 (15 %) représente une augmentation relative
du nombre d’obèses dans la population limitée à 3,4 %.
Cette augmentation est significativement inférieure à
celle des années précédentes, qui avait été de 18,8 %
entre 1997 et 2000, de 17,8 % entre 2000 et 2003, de
10,1 % entre 2003 et 2006 et de 10,7 % entre 2006 et
2009. Le nombre de personnes obèses en France en
2012 est ainsi estimé à environ 6 922 000, ce qui cor-
respond à 3 356 000 personnes supplémentaires par
rapport au chiffre de 1997. La prévalence de l’obésité
est plus élevée chez les femmes (15,7 % versus 14,3 %
chez les hommes ; p < 0,01). L’Étude nationale Nutrition-
Santé (ENNS) de 2006 (4), menée chez des adultes âgés
de 18 à 74 ans, retrouve une prévalence supérieure
aussi bien pour l’obésité (16,9 %) que pour le surpoids
(32,4 %) comparativement aux 13,1 % et 30,6 % des
chiffres d’ObÉpi 2006. La méthodologie des 2 études
était différente (poids et taille déclaratifs dans ObÉpi,
et mesurés dans l’ENNS), ce qui peut expliquer la dis-
cordance des résultats, qui reste cependant modérée.
Dans les 2 études, la prévalence de l’obésité augmentait
avec l’âge pour atteindre 24,0 % des hommes et 24,1 %
des femmes entre 55 et 74 ans dans l’ENNS. Enfin, la
prévalence et l’augmentation de l’obésité sont plus
importantes dans les catégories socio professionnelles
inférieures et sont inversement proportionnelles au
niveau d’instruction. La prévalence de l’obésité est ainsi
de 24,5 % pour un niveau d’instruction primaire et de
7,3 % pour un niveau de troisième cycle universitaire
dans ObÉpi 2012. Ces chiffres témoignent de l’impor-
tance du problème, même si nous restons pour l’instant
bien loin des valeurs retrouvées aux États-Unis, où 69 %
de la population atteignaient ou dépassaient la barre
des 25 kg/m
2
d’IMC, avec 35,5 % d’obèses (IMC > 30 kg/
m2) en 2009-2010 (5).
L’obésité, une maladie
L’obésité est-elle une maladie ? La question peut
sembler triviale, mais elle reste d’actualité, comme le
montrent les récents débats qu’elle a suscités au sein de
l’Association médicale américaine (AMA) [6]. Sans entrer
dans ce débat, 2 arguments peuvent soutenir l’idée que
l’obésité est bien une maladie. Le premier est celui des
complications qu’elle induit. Celles-ci touchent abso-
lument tous les organes (figure, p. 33) et conduisent à
une altération de la qualité de vie. Il ne faut pas non plus
oublier les complications psychosociales, avec un plus
grand nombre de dépressions, des revenus inférieurs et
une discrimination à l’embauche et dans le monde du
travail. La personne obèse passe fréquemment pour un
“bon vivant” dont l’attention est tournée vers les autres,
mais vit le plus souvent un calvaire et souffre souvent
de dépression. Les conséquences économiques sont
importantes, avec des coûts de santé multipliés par 2 à
3 par rapport aux personnes de poids normal et jusqu’à
10 à 12 pour les obésités extrêmes (IMC > 40 kg/m2).