Échos des congrès 48e Congrès de l’EASD Une étape de réflexion concernant le traitement du diabète de type 1 Berlin, du 1er au 5 octobre 2012 48th EASD Meeting: a checkpoint for the treatment of type 1 diabetes © Thomas Roske Bertrand Duvillié* Le congrès de la Société européenne pour l’étude du diabète (EASD) s’est déroulé cette année à Berlin en Allemagne et a réuni 18 000 participants. Voici 12 ans maintenant que les premiers essais cliniques de greffes d’îlots ont été effectués à Edmonton sur des patients atteints de diabète de type 1, et l’heure est venue de dresser le bilan des risques encourus et des améliorations apportées par cette technique. C’est également le moment de faire le point sur les modèles expérimentaux et de s’interroger sur l’extrapolation des modèles de rongeurs à l’homme. Diabète de type 1 * Faculté Necker, Paris. 258 D. Quintin (Lille) [1] a présenté une étude clinique qui analyse l’évolution des complications du diabète chez des patients ayant reçu une greffe d’îlots depuis 5 ans. Les auteurs ont montré que la transplantation d’îlots dans un groupe de 21 patients n’était pas associée à des complications cardiovasculaires sévères, bien que certains soient traités pour une coronaropathie (angioplastie avec pose d’un stent). La fonction rénale et l’acuité visuelle sont restées stables. De façon intéres­ sante, la vitesse de transmission nerveuse sensitive est améliorée. L’amélioration neurologique est corrélée avec le peptide C et la glycémie, avec le β-score pour les paramètres de sensibilité, avec l’hémoglobine glyquée et les triglycérides pour l’amplitude de la réponse nerveuse. L’ensemble de ces données suggère que, malgré le régime immunosuppresseur, le protocole d’Edmonton est capable de stabiliser et même d’améliorer les complications du diabète (essai clinique NCT01123187). Le développement des nouvelles stratégies qui visent à traiter le diabète de type 1 chez l’homme repose sur des études réalisées chez les rongeurs. Il est donc important de savoir dans quelle mesure ces modèles expérimentaux sont représentatifs du diabète chez l’homme. A. Jörns et al. (Hanovre, Allemagne) [2] ont comparé l’infiltrat de cellules immunitaires ainsi que le profil d’expression des cytokines dans des îlots provenant de pancréas des 4 types de modèles expérimentaux utilisés en laboratoire – à savoir : la souris NOD (non-obese diabetic), le rat BB (bio-breeding rat), le rat LEW.1AR1-iddm, et le rat Komeda – avec les îlots de patients diabétiques de type 1. Ils ont ainsi montré que les principales cellules du système immunitaire, les lymphocytes T cytotoxiques CD8+, les lymphocytes T CD4+ et les macrophages CD68, sont similaires chez tous ces animaux et chez l’homme. Les cytokines dont le Tumor Necrosis Factor α (TNFα), l’interleukine 1β (IL-1β) et l’interféron γ (IFNγ) étaient exprimés dans tous les groupes au niveau de l’infiltrat de cellules immunitaires, conduisant à l’apoptose des cellules β. L’exception est le rat Komeda, pour lequel on observe une prédominance de l’IFNγ par rapport à l’IL-1β. Ces modèles animaux semblent donc représentatifs du diabète humain et nous fournissent des éléments de compréhension importants pour envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques. Le laboratoire de F. Bosch (Barcelone, Espagne) s’est penché sur le rôle protecteur du facteur Insulin-like Growth Factor 1 (IGF-1) vis-à-vis de la réponse auto­ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2012 Une étape de réflexion concernant le traitement du diabète de type 1 Mitochondries et diabète de type 2 On sait que les mitochondries jouent un rôle très important dans la sécrétion d’insuline en fournissant l’énergie nécessaire à la cellule β pour assurer ce travail. Le congrès de l’EASD a été l’occasion de rapporter des travaux qui mettent en évidence l’importance de plusieurs facteurs mitochondriaux. Le facteur TB1FM V. Sharoyko et al. (Malmö, Suède) [4] ont étudié le facteur de transcription et de traduction mitochondrial B1 (TFB1M). Une étude génétique d’association avait en effet montré que TFB1M pourrait être impliqué dans le diabète de type 2. Sharoyko et al. ont produit et analysé des souris qui présentent une délétion de TFB1M spécifiquement dans la cellule β. Les îlots de ces souris sécrétaient moins d’insuline en réponse au glucose que les îlots témoins. Ces îlots TFB1M−/− consommaient moins d’oxygène en réponse au glucose et contenaient moins d’ATP que les îlots sauvages (WT). La densité des granules de sécrétion d’insuline était réduite de moitié chez les cellules β des mutants par rapport aux témoins. La surface des mitochondries passait de 7 %, chez les témoins, à 19 % dans les cellules β TFB1M−/−. Enfin, 4 mois après la naissance, les souris TFB1M−/− développaient un diabète avec une infiltration de macrophages dans les îlots. L’ensemble de ces résultats démontre que TFB1M joue un rôle important dans la fonction des cellules β. L’hypothèse principale est que ce facteur pourrait affecter la synthèse des protéines mitochondriales, conduisant à un diabète de type 2. Le fait que TFB1M ait été identifié chez l’homme comme un facteur de risque du diabète de type 2 joue en faveur de cette hypothèse. Fission des mitochondries et sécrétion d’insuline Les mitochondries appartiennent à un réseau dynamique où se produisent continuellement des événements de fusion/fission. La fusion est contrôlée par les mitofusines 1 et 2, et la protéine d’atrophie optique OPA1. La fission des mitochondries est contrôlée par la protéine de fission 1 (Fis1) et la protéine apparentée à la dynamine (Drp1). J. Schultz et al. (Rostock, Allemagne) [5] ont examiné l’hypothèse d’un rôle de Fis1 dans la sécrétion d’insuline. Pour cela, ils ont utilisé des lignées de cellules β Ins1, qu’ils ont infectées avec des lentivirus exprimant un short hairpin RNA (shRNA) de Fis1. En conséquence, un allongement et un regroupement des mitochondries étaient observés. De plus, la sécrétion d’insuline en réponse au glucose était altérée dans les cellules β ayant une réduction de l’expression de Fis1 (figure). Ces données suggèrent que la structure de la mitochondrie est un point important pour sa fonction. Le facteur Fis1 paraît crucial pour ce processus. Ce facteur pourrait représenter à l’avenir un sujet d’étude pour le traitement du diabète de type 2. 100 Sécrétion d’insuline immune (3). Pour réaliser cette étude, son laboratoire a produit des souris NOD transgéniques qui expriment le facteur IGF-1 sous le contrôle du promoteur de l’insuline (RIP). Elles ont été comparées à des souris NOD sauvages (témoins). Environ 60 % des animaux témoins ont développé un diabète à l’âge de 8 mois, alors que seulement 10 % des souris NOD RIP-IGF-1 étaient diabétiques à l’âge de 10 mois. Une analyse immunohistochimique avec des anticorps anti-insuline a révélé que les cellules β étaient préservées chez les souris RIP-IGF-1. De plus, l’infiltration de leucocytes chez les souris transgéniques était plus faible que chez les témoins. Cette étude indique donc que l’expression locale d’IGF-1 protège des souris prédiposées au diabète contre l’infiltration des cellules immunitaires et la mort des cellules β. Cet effet semble prometteur, mais il faudra néanmoins rester prudent, car l’IGF-1 pourrait favoriser la survenue de tumeurs. 50 Glucose (mM) 2,8 20 Contrôle 2,8 20 shFis1 Figure. Le facteur mitochondrial Fis1 contrôle la sécrétion d’insuline. Des cellules Ins1 ont été infectées avec un lentivirus portant un shRNA Fis1, puis analysées pour leur capacité de sécrétion d’insuline en réponse au glucose. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2012 259 Échos des congrès Récepteur à la sérotonine HTb2 et sécrétion d’insuline : le rôle des mitochondries La sérotonine, encore appelée 5-hydroxytryptamine (5-HT), est une monoamine servant de neurotransmetteur dans le système nerveux central. La sérotonine est essentielle dans l’excitation et l’inhibition des neurones, la motilité gastro-intestinale, la contraction des muscles lisses et la contraction et la dilatation vasculaires. En dehors de son activité sur le système nerveux central, la sérotonine est exprimée dans le pancréas endocrine. Notamment, on a émis l’hypothèse qu’elle module la sécrétion d’insuline. Toutefois, ces données sont controversées. Parmi les différentes formes de récepteurs de la sérotonine, 5-HT1a, 5-HT1d, 5-HT2a sont détectées à la fois dans les cellules α et β. La forme 5-HT2b ne semble présente, chez l’homme et les rongeurs, que dans les cellules β. La stimulation du récepteur 5-HT2b par un agoniste (α-MET) augmente la sécrétion d’insuline en réponse au glucose. En revanche, l’extinction de l’expression du gène 5-HT2b produite par un small interfering RNA (siRNA) réduit la sécrétion d’insuline en réponse au glucose de 30 % dans des cellules INS(832/13) [6]. Enfin, l’activation du récepteur 5-HT2b augmente la respiration mitochondriale. Ces données suggèrent donc fortement que la signalisation par le récepteur 5-HT2b est couplée à la respiration mitochondriale. MicroARN et cellules β La gestation et l’obésité sont associées à une insulino­ résistance et une demande d’insuline accrue. Dans ces situations, une augmentation de la masse de cellules β est nécessaire afin de maintenir la glycémie. Les mécanismes cellulaires et moléculaires qui permettent cette adaptation sont encore très largement discutés à ce jour. C. Jacovetti et al. (Lausanne, Suisse) [7] ont proposé l’hypothèse d’une régulation de la masse de cellules β par les microARN. Cette famille de molécules est constituée d’ARN non codants, qui jouent un rôle très important dans l’expression des gènes, en se liant sur la partie 3’-UTR de leurs ARN cibles. Ainsi, ils inhibent partiellement leur transcription ou leur stabilité. Jacovetti et al. ont examiné le profil d’expression des microARN dans des modèles dans lesquels on observe une compensation de la masse de cellules β : rates gestantes, souris exposées à un régime riche en graisse, ou souris obèses db/db de 6 semaines. Les auteurs ont observé une réduction de l’expression de miR-338-3p dans les îlots de ces différents modèles, par rapport à un groupe témoin. La réduction de miR-338-3p est également observée dans des îlots de rats ou des îlots humains traités par l’estradiol ou l’exendine 4. Cette réduction conduisait à une augmentation de la prolifération et de la survie des cellules β exposées à des stimuli proapoptotiques. Enfin, la réduction de l’expression de miR-338-3p à l’aide d’un antisens induisait une diminution de l’expression de gènes proapoptotiques et une augmentation de l’expression des gènes antiapoptotiques et de prolifération dans des cellules β de rats ou humaines. Ces résultats montrent l’implication de miR-338-3p dans l’adaptation cellulaire à la gestation, mais fournissent également de nouveaux outils susceptibles d’être utilisés pour induire une régénération des cellules β dans des modèles pathologiques. ■ Références Les références sont consultables dans : Diabetologia. Clinical and Experimental Diabetes and Metabolism. Journal of the European Association for the Study of Diabetes (EASD) 2012;55(suppl.1). 1. Quintin D et al. Evolution of diabetes complications 5 years after islet transplantation (IT) with the Edmonton immunosuppressive regimen. P434. 260 2. Jörns A et al. The pathology underlying beta cell destruction 5. Schultz J et al. Fis1, a key regulator of the mitochondrial in four type 1 diabetes animal models in comparison with the human situation. P446. network, controls glucose responsivness in beta cells. OP17. 6. Bennet H et al. Activation of the 5-HT2b receptor in INS-1 3. Mallol C et al. Pancreatic overexpression of IGF-I protects cells couples to mitochondrial respiration and potentiates glucose insulin stimulated secretion. OP17. NOD mice from autoimmune diabete. P444. 4. Sharoyko V et al. Deficiency of TFB1M leads to beta cell dysfonction and development of diabetes. OP17. L 7. Jacovetti C et al. Role of the microRNA miR-338-3p in compensatory beta-cell mass expansion during pregnancy and obesity. OP 36. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2012 17050_