congrès congrès Écho des congrès Compte rendu de la 41e Rencontre de la Psychonomic Society E. Bacon* Des sens, des capacités De l’incommunicabilité des êtres a Psychonomic Society a été créée en 1959 à Chicago verbales avec pour objectif de promouvoir la communication des et de l’hédonisme Des travaux déjà anciens ont démontré que des résultats récents de la recherche scientifique en psychologie Des chercheurs des unide Dijon et de auditeurs sont plus aptes et dans les domaines apparentés. Pour ce faire, elle orga- versités Dallas (!) ont comparé la à comprendre les implications et à saisir les nise un congrès annuel fin novembre et édite six revues de capacité de novices et d’exréférences énoncées par réputation internationale spécialisées dans le domaine de perts à discriminer, classer, l’orateur lorsque, au tra- la psychologie expérimentale. Cette année, c’est la décrire et reconnaître vins rouges provenant vers d’un échange interNouvelle-Orléans qui, quelques semaines après avoir 28 de 7 régions vinicoles actif avec ce dernier, ils peuvent reformuler cer- accueilli le congrès de la Société internationale des neuro- françaises (Valentin et al.). tains éléments du dis- sciences, a hébergé la 41e Rencontre de la Psychonomic Leurs résultats montrent cours avec des tournures Society. Examinons la manière dont la psychologie expéri- que, alors que les deux de phrases et des termes de sujets étaient mentale explore certains comportements ou observations groupes différents pour s’assurer capables de distinguer les de leur compréhension. qui ont leur importance en psychiatrie ou dans la vie vins, seuls les experts M. Schober et ses colla- quotidienne. étaient capables d’en généborateurs ont démontré rer des descriptions perexpérimentalement que mettant aux novices de les que : “La semaine dernière, avez-vous des auditeurs à qui on permettait de reconnaître. La supériorité des experts pourréalisé un travail quelconque pour contrôler leur compréhension du sujet rait provenir, d’une part, du maniement d’un payer ?” Les auditeurs devaient ensuite par des questions utilisaient en fait rarevocabulaire plus analytique pour décrire les répondre à des questions concernant des ment cette possibilité parce qu’ils ne se vins et, d’autre part, de leur représentation scénarios fictifs incluant les informarendaient généralement pas compte que perceptive plus aiguisée des propriétés tions fournies par l’orateur. Il s’est avéré leur interprétation pouvait différer du olfactives des vins français. Suite à des tests que, même lorsqu’ils en avaient la possens donné par l’orateur. Les chercheurs de classement, les auteurs ont également sibilité, ils n’ont pas interrogé l’orateur l’ont vérifié par des expériences au constaté que les experts, contrairement aux pour clarifier le sens de certaines parcours desquelles les expérimentateurs novices, classaient les vins par régions. Ces ties du discours comme “work for pay” posaient des questions très ordinaires résultats contredisent des travaux antérieurs (travail pour un salaire ou travail pour mais ambiguës du type : “Last week, did et suggèrent que les différences entre payer). Il s’ensuivait que leurs réponses you do any work for pay.” L’ambiguïté experts et novices ne sont pas limitées aux aux questions de contrôle étaient incorde la phrase anglaise réside dans le fait capacités verbales. rectes par rapport au sens donné par que le sens peut aussi bien être : “La Une autre étude s’intéressant à la façon dont l’orateur. La compréhension était amésemaine dernière, avez-vous réalisé un sont perçues les fragrances naturelles et artiliorée lorsque les expérimentateurs fourtravail quelconque pour un salaire ?” ficielles révèle que nos capacités à discrinissaient des éclaircissements en miner les deux sortes d’odeurs sont en fait considérant que les sujets pouvaient faibles. En revanche, une odeur supposée avoir mal compris. Ainsi, la discussion naturelle sera perçue de manière plus posiaméliore la compréhension, mais seuletive qu’une odeur supposée synthétique. Les ment dans la mesure où tant celui qui croyances sur la composition d’une odeur parle que celui qui écoute en reconnaît semblent être le facteur essentiel dans l’éla nécessité. * Inserm, Strasbourg. valuation hédonique d’un parfum (R. Herz). L Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 3, mars 2001 80 congrès congrès Écho des congrès Des préjugés sociaux, partis pris et prises de décision Banaji et Geenwald ont démontré l’existence d’un biais lié au sexe lorsque des sujets ont à exprimer un jugement de célébrité sur des personnages donnés. Ils ont constaté que, pour des personnages ayant déjà été présentés une fois aux sujets, les noms masculins étaient considérés comme plus célèbres que les noms féminins. Il existerait donc une différence dans les critères d’évaluation, les hommes bénéficiant de critères plus larges que les femmes pour l’estimation de leur célébrité, observation confirmée par la suite par A. Buchner et ses collaborateurs. Dans un autre ordre d’idées, D. Poole et S. Lindsay rapportent les résultats d’une série d’expériences au cours desquelles de jeunes enfants participaient à des interactions en tête à tête avec un homme dénommé “Mr Science”. Après quoi, les enfants recevaient de la part de leurs parents des informations erronées concernant les expériences de Mr Science. Interrogés par la suite, les enfants donnaient souvent des réponses erronées. Lors d’entretiens libres, les enfants de 3 à 8 ans rapportaient souvent comme véridiques des événements qui leur avaient été suggérés, incluant des souvenirs d’attouchements corporels ambigus. Un questionnement plus dirigé amenait encore une augmentation de tels faux souvenirs, en particulier chez les enfants les plus jeunes. Des instructions contrôlant la source de l’information permettaient de réduire les faux souvenirs chez les enfants les plus âgés, mais pas chez les plus jeunes. L’instauration d’une procédure d’entraînement à contrôler la source des informations, lorsqu’elle est mise en place au début de l’entretien, permet de réduire les témoignages erronés des enfants les plus âgés, en réponse à un entretien libre ou à des questions directes. Les enfants plus jeunes, quant à eux, ne retirent pas de bénéfice de cet entraînement. Ce type d’influence doit donc être pris en compte pour distinguer la remémoration réelle d’agressions physiques dans l’enfance de possibles faux souvenirs. De l’interprétation des expressions La reconnaissance de l’expression du dégoût semble médiée par deux substrats neuroanatomiques distincts : en effet, certains travaux démontrent que la maladie de Huntington peut entraîner une perturbation disproportionnée de la capacité à reconnaître l’expression faciale du dégoût. Par ailleurs, des études de résonance magnétique nucléaire montrent que les expressions faciales du dégoût mettent en œuvre des zones cérébrales (l’insula et le putamen) différentes de celles activées par les expressions faciales d’autres émotions. Toutefois, l’interprétation de ces études ne sera pas la même selon que l’on considérera qu’elles ont permis d’identifier un système spécialisé de mise en œuvre des signaux faciaux du dégoût, ou plutôt un système supramodal qui serait impliqué dans l’analyse des signaux de cette émotion à partir de toutes les modalités sensorielles. Des éléments de réponse sont fournis par A. Calder et ses collaborateurs, qui se sont intéressés au cas de NK, un jeune homme de 25 ans souffrant d’une atteinte de l’insula gauche et du ganglion de la base gauche. NK montrait une perturbation des capacités à reconnaître tant les signaux faciaux que vocaux du dégoût et paraissait avoir une estimation personnelle réduite du dégoût. Les déficits de NK suggèrent l’implication d’un système supramodal permettant la reconnaissance de l’expression du dégoût à partir de modalités multiples. D’autres travaux démontrent que les hommes attribuent de façon erronée un contenu sexuel à la manifestation d’un simple comportement amical de la part des femmes. On suppose que cette fausse interprétation des expressions fait partie de la constellation de facteurs qui pourraient entraîner un certain nombre de problèmes, le plus grave étant le viol. R. Mehiel et ses collaborateurs ont quant à eux cherché à mettre en évidence une éventuelle différence liée au sexe dans les attributions d’intentions à autrui concer- 81 nant d’autres types de motivation. Ils ont ainsi pu constater que les sujets masculins avaient plus tendance que les femmes à considérer les autres comme affamés, cependant qu’aucune différence liée au sexe n’était observée dans l’attribution de l’expression de la crainte. Mémoires des événements agréables et traumatiques Pour savoir si les expériences traumatiques sont rappelées de manière plus ou moins vive ou cohérente par rapport à d’autres événements, les Drs Hyman et Byrne ont comparé l’évaluation par les individus de leurs souvenirs concernant des expériences traumatisantes ou des expériences agréables. Ils se sont ainsi intéressés aux souvenirs de lycéens ayant vécu une expérience traumatisante et à des enfants suivant une psychothérapie pour des problèmes reliés à un traumatisme. Dans tous les cas, les expériences traumatiques sont rappelées de manière moins vivaces que les expériences agréables. Déficits de l’initiation de l’action, de la mémoire et de la métamémoire dans la schizophrénie La difficulté à initier la pensée et le comportement est une caractéristique fondamentale de la schizophrénie. Ces symptômes sont habituellement difficiles à traiter et contribuent à la mauvaise insertion sociale et professionnelle des patients. S. Caissie et ses collaborateurs ont cherché à mettre en évidence le rôle des instructions explicites dans l’initiation d’une tâche simple. Les sujets avaient à presser sur l’un ou l’autre de deux boutons pour signaler la présence ou l’absence d’une lettre donnée. L’hypothèse était que les individus schizophrènes seraient perturbés dans la situation pour laquelle les liens entre le stimulus et la réponse n’ont pas été clairement définis. C’est effectivement ce qui s’est vérifié : les patients semblaient avoir des difficultés particulières pour initier un comportement donné en l’absence d’instructions explicites. congrès congrès Écho des congrès Des travaux récents suggèrent par ailleurs que la schizophrénie est une pathologie affectant les états de conscience. Nous nous sommes intéressés à la mémoire et aux capacités introspectives des patients schizophrènes par rapport à leur propre mémoire, en d’autres termes à leur métamémoire. Nous avons observé ainsi que la mémoire sémantique (la mémoire de notre culture générale, nos règles, nos concepts) des patients schizophrènes était altérée. En ce qui concerne la capacité des patients à évaluer leur propre savoir, nous avons pu constater que les patients schizophrènes jugeaient plus souvent que les sujets sains ne pas connaître une information, alors qu’en fait un test de reconnaissance ultérieur, au cours duquel on leur proposait la bonne réponse parmi un choix de cinq réponses possibles, permettait de voir qu’ils connaissaient la réponse à la question. Ce type de comportement cognitif peut jouer un rôle non négligeable dans la vie quotidienne des patients qui, du fait de ce sentiment de ne pas savoir, passeront moins de temps à rechercher une information en mémoire, avec pour résultat une performance de mémoire moindre (Bacon et Danion). Depuis leur début, les congrès de la Psychonomic Society sont plutôt spartiates, l’accent étant mis principalement sur la communication scientifique, avec simplicité et efficacité, sans aucune exposition commerciale, peu de babillage et d’agitation, ce qui n’empêche pas la convivialité et la jubilation intellectuelle. Il est sans doute remarquable que la sobriété, la simplicité et l’élégance de fonctionnement de la Psychonomic Society aient été préservées aussi longtemps.