D Le dossier médical personnel : opérationnel mais pas tout à fait prêt

36 | La Lettre du Rhumatologue No 375 - octobre 2011
VIE PROFESSIONNELLE
Le dossier médical personnel :
opérationnel
mais pas tout à fait prêt
E. Senbel*
* Rhumatologue, Marseille.
D
epuis le 20 avril 2011, le dossier médical
personnel (DMP) est offi ciellement lancé.
Même si ce lancement fut discret, il s’agit
néanmoins d’une version nationale consécutive aux
expériences menées dans certaines régions pilotes et
d’un événement qui pourrait changer radicalement
la pratique quotidienne des médecins libéraux et
hospitaliers. Les premiers DMP ont pu être créés,
et il est désormais possible de mieux connaître la
“mouture” actuelle, qui évoluera progressivement
en fonction des retours d’expérience. Une analyse
de l’historique, des modalités de mise en place et
du fonctionnement à ce jour permettent déjà d’en
dégager l’intérêt et les limites.
Historique du DMP
Le projet a vu le jour le 13 août 2004 et prévoyait le
lancement pour juillet… 2007. En 2010, nous aurions
dû, d’après le prévisionnel, tous posséder un dossier.
Autant dire que le projet initial était totalement irréa-
liste, ce qui a conduit le ministère à commander un
rapport circonstancié et approfondi en novembre
2007, pointant d’importants dysfonctionnements
dans la conception du projet, principalement liés
aux intervenants (hébergement des données infor-
matiques, groupement d’intérêt général), au cadre
légal (Commission nationale de l’informatique et
des libertés, confi dentialité), à la philosophie pri-
vilégiant le contenant (plus visible) au contenu
(plus important), avec le risque de la mise en place
d’une “coquille vide”. De plus étaient discrètement
pointés le coût et le gaspillage ainsi que le problème
de l’éventuelle rémunération des médecins pour le
travail accompli. Ce rapport a proposé de recentrer,
avec de multiples propositions, la conception du DMP
en lançant de nouveaux appels d’offres, en élaborant
un cahier des charges plus souple dans le temps et
en privilégiant le contenu plutôt que le contenant.
De nouvelles agences ont ainsi vu le jour pour piloter
ce projet, avec la création de l’ASIP Santé (Agence
des systèmes d’information partagés de santé), qui
a pour objectifs principaux l’interopérabilité, le déve-
loppement d’un identifi ant national de santé ainsi
que la synthèse des expérimentations en cours pour
mettre en route un DMP réellement opérationnel.
La loi “Hôpital, patients, santé, territoires” (HPST),
en instituant les Agences régionales de santé (ARS),
a donné une nouvelle impulsion à la naissance du
DMP : il est devenu possible, dans le cadre des
espaces numériques régionaux de santé, de tester
une version à grande échelle du DMP. Les maîtres
mots retenus pour l’hébergement de données
sont confi dentialité, sécurité, intégrité et dispo-
nibilité. Un hébergeur national répondant au
cahier des charges a été sélectionné après un appel
d’offres, marché attribué au consortium industriel
ATOS/ La Poste.
Mise en place
Le DMP est en cours d’installation sur le plan
national : tout un chacun, médecin et professionnel
de santé, peut accéder, au prix de quelques diffi -
cultés techniques et d’une bonne dose de patience
(cf. infra), à un dossier dont il faut, après sa créa-
tion, alimenter le contenu au fur et à mesure des
interventions.
Côté patient, il est présenté comme une garantie
de prise en charge optimale, avec possibilité de
consulter son DMP après sa création, de permettre
aux professionnels de santé d’avoir accès à des
données fondamentales pour une meilleure qualité
de soin tout en contrôlant cet accès. Le patient peut
en effet décider d’en interdire l’accès à un profes-
sionnel donné ou d’en cacher une partie selon le
professionnel concerné. À l’inverse, la possibilité
de masquer transitoirement une information au
patient en attendant une consultation d’annonce
pour une maladie au pronostic péjoratif est prévue.
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VIE PROFESSIONNELLE
À noter que le DMP est gratuit et non obligatoire et
que les médecins du travail n’ont pas, pour l’heure,
la possibilité de le consulter. La création du dossier
est en outre conditionnée par l’attribution d’un
numéro, l’identifi ant national de santé (INS), qui
est différent du numéro de Sécurité sociale. Tout
se fait par Internet ( www. dmp. gouv. fr). Bien que
ne prétendant pas être exhaustif, le DMP est censé
contenir des informations sur les traitements et
les antécédents médicaux et chirurgicaux, des
comptes-rendus hospitaliers et d’imagerie, des
analyses de laboratoire, etc., et peut être enrichi
pour une meilleure coordination par les différents
intervenants.
Côté médecin, on met surtout en avant la possi-
bilité d’un accès direct aux antécédents (allergies,
notamment), aux traitements (plus de “Vous savez,
la petite pilule blanche”) et à un grand nombre de
documents, y compris ceux émanant de l’hôpital
– en fait tout ce qui peut être utile à un suivi coor-
donné. Cela permet à la fois de mieux exploiter des
données connues et, source d’économie, d’éviter la
redondance d’examens complémentaires. Le DMP
ne peut être consulté qu’avec l’accord du patient,
sauf en situation d’urgence vitale, auquel cas la fonc-
tion “bris de glace” doit être activée. Pour créer le
dossier, il faut donc la carte Vitale du patient et la
carte de professionnel de santé (CPS) ; en revanche,
la consultation d’un dossier déjà créé peut se faire
simplement avec la CPS et le “consentement” du
patient. Ce dernier peut choisir de masquer certains
documents qu'il sera le seul à pouvoir consulter,
ainsi que le médecin traitant et le médecin les ayant
déposés dans le DMP. Pour l’instant, le problème
majeur est la compatibilité entre le logiciel utilisé
par le professionnel et le DMP : il faut que l’éditeur
du logiciel ait intégré la lecture de l’INS dans la carte
Vitale et que le logiciel soit “DMP-compatible”. S’il
n’est pas encore compatible, un accès permettant
de créer et de consulter le DMP est prévu via la page
d’accueil “Professionnels de santé” du site Internet.
Cela impose malheureusement une double saisie si
on souhaite y intégrer des données écrites ou des
pièces jointes, comme par e-mail. La liste des logi-
ciels compatibles avec le DMP reste pour l’instant
très réduite. Elle est régulièrement mise à jour sur
le site Internet (Espace “Professionnels de santé”
>> Liste des logiciels DMP-compatibles). Selon la
profession de la personne accédant au dossier, il
existe une matrice d’habilitation qui dé nit le champ
des données auxquelles elle a le droit d’accéder. Le
patient peut librement choisir de masquer ou de
détruire un document contenu dans le DMP. Enfi n,
l’historique de l’accès au DMP d’un patient est tracé
au travers de la CPS, ce qui permet d’identifi er toute
personne ayant accédé aux données présentes et
non masquées, avec possibilité de sanction en cas
d’accès abusif.
La vraie vie du DMP en 2011
Tout ce qui précède décrit le fonctionnement théo-
rique d’un outil qui paraît incontestablement utile.
Qu’en est-il en réalité aujourd’hui ?
Il faut tout d’abord signaler que le DMP “offi ciel”
n’est pas le seul sur le marché. D’autres éditeurs
ont déjà créé, avec des clés de cryptage et des iden-
tifi ants personnels, des dossiers médicaux entière-
ment gérés par le patient et dont l’anonymat reste
préservé. Ce type de dossier se présente cependant
davantage comme un carnet de santé” virtuel que
comme un dossier médical. Par ailleurs, alors que
le DMP ne guide pas l’intervenant sur la façon de le
remplir, ces dossiers sont souvent conçus avec de
multiples onglets ou menus déroulants, qui balaient
les différents champs d’antécédents, d’allergie, de
traitements, de suivi biologique, proposant parfois
des liens vers d’autres sites d’information sur la
santé. Cela complexifi e la lisibilité pour le profes-
sionnel de santé, car les interfaces sont diverses, au
risque de rebuter l’utilisateur. En outre, si un patient
a déjà un dossier sur Sanoia (partenaire de Doctis-
simo) par exemple, il pourrait ne pas voir l’intérêt
de créer en plus un DMP offi ciel non obligatoire, ce
qui obligerait les professionnels à naviguer dans des
sites forts différents, au risque de s’y perdre.
Actuellement, la création du DMP reste “sportive” :
il faut tout d’abord disposer d’un lecteur bifente et
d’un ordinateur confi guré de façon satisfaisante (cer-
tifi cat d’authenticité, logiciel de gestion de CPS),
puis suivre une procédure pour se connecter à la
partie “Professionnels de santé” du site du DMP
donnant accès à la création et à la consultation
des dossiers. Cela ne se fait pas tout seul, et il est
parfois nécessaire de faire appel à un professionnel
de l’informatique ou de passer du temps avec la
hotline, dont la bonne volonté est évidente mais
l’expérience encore limitée…
Après recueil du consentement du patient, un INS
lui sera attribué “à vie”, numéro qui permet par ail-
leurs de consulter un DMP sans avoir la carte Vitale
du patient et d’y inclure, par exemple, des comptes-
rendus. Viennent ensuite la création du DMP ainsi que
bandeaux à placer en pied
dans la petite colonne
bandeau à placer en pied
sous les deux colonnes
Selon demande de la secrétaire de rédaction
sur le choix du /des bandeau(x) à faire paraître
La Lettre du Rhumatologue Supplément 1 au n° 344 - septembre 2008 | 33
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VIE PROFESSIONNELLE
l’attribution d’un identifiant et d’un mot de passe, que
le patient modifiera à la première occasion, lorsqu’il
se connectera (ce qui impose de laisser un numéro
de portable et/ ou une adresse mail pour recevoir
le code d’accès à usage unique qui permet de créer
un nouveau mot de passe, ce dernier devant com-
prendre au moins 8 caractères, dont une majuscule,
une minuscule et un chiffre).
On imprime enfin et on remet au patient une feuille
récapitulant l’INS, l’identifiant DMP et le mot de
passe temporaire.
Il faut ensuite remplir le dossier. À noter, concer-
nant les documents joints, que seuls les formats .jpg,
.jpeg, .pdf, .txt, .tif et .tiff sont acceptés (donc pas
de lettre sous Word, qu’il faudra scanner ou trans-
former). Il faut aussi choisir la rubrique dans laquelle
on classera le document. Un moteur de recherche
(par date, auteur, etc.) permet de retrouver un docu-
ment sur l’interface Web. Pour l’instant, certains
formats, bien que compatibles (par exemple, le
format .jpg), ne s’affichent pas au format d’origine
dans le DMP, ce qui en altère la lisibilité, contraire-
ment au format pdf.
Le patient peut aussi remplir en texte libre entre
les consultations des champs concernant notam-
ment le signalement d’effets indésirables ou une
autosurveillance.
À l’usage, on pointera aussi la lourdeur des moda-
lités d’accès, avec, à chaque connexion, l’envoi
d’un code d’accès à usage unique à utiliser dans les
3 minutes après envoi, ainsi que la gestion complexe
des utilisateurs dont on souhaite bloquer l’accès (ou,
pire, le débloquer), la notion de médecin traitant
complètement déconnectée de celle du médecin
traitant de la Sécurité sociale, le médecin traitant
DMP étant celui (mais ils peuvent être plusieurs) qui
peut bloquer l’accès au DMP d’autres professionnels,
intervenir sur les documents masqués et accéder à
l’historique des actions enregistrées au sein du DMP.
Pour l’heure, aucune rémunération nest prévue pour
ce travail, dont on a compris qu’il prenait, au moins
au début, bien plus que quelques minutes lors d’une
consultation de routine…
Concernant la gageure que représente l’interopéra-
bilité du logiciel métier et du DMP, il faut signaler
que l’homologation ne porte pas sur l’ergonomie
mais uniquement sur la compatibilité : l’ASIP Santé
fait fi des choix des éditeurs concernant la facilité
d’utilisation. Quand on sait qu’on est souvent pieds
et poings liés par l’antériorité à son éditeur (des
milliers de dossiers ne sont pas toujours faciles à
transférer), on sera tributaire des visions informa-
ticiennes de certains “geeks” pas toujours très au
fait de l’intensité d’une consultation médicale en
colloque singulier
Même si la plupart des logiciels deviennent compa-
tibles avec le DMP (certains éditeurs risquent pure-
ment et simplement d’abandonner du fait d’un
manque de rentabilité ou d’imposer des bandeaux
publicitaires, ce qui serait un comble pour un outil
estampillé ARS), resteront encore le problème de
l’exportation des données vers le DMP et celui de la
gestion des documents au sein du DMP
On imagine la réticence des patients toujours hési-
tants à donner le consentement pour 1 prescription,
et qui devront autoriser la publication de leur vie
privée sur le Web !
Conclusion
Le suivi de cette expérimentation à grande échelle,
avec l’adhésion non encore acquise des patients
et des professionnels de santé (pas seulement les
médecins), retiendra l’attention de tous, car de son
succès dépendra la généralisation de ce dossier, qui
devrait, à terme, devenir la pierre angulaire de la
coordination de soins.
Agenda
Formation
XIIejournée nationale “Pathologie de l’épaule”
Lyon, samedi 17mars2012
Organisation :
Philippe Goupille, Éric Noël et Thierry Thomas,
du Groupe Rhumatologique français de l’EPaule (GREP).
Renseignements et inscriptions :
Nukléus, Mme Bénédicte Louis, 55, rue Bobillot - 75013 Paris.
Tél. : 01 45 88 66 88 – Fax : 33 (0) 1 45 88 70 10 – E-mail : b.louis@nukleus.fr
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