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Tribune de Genève | Lundi 25 août 2014
Rencontre avec Manon Pulver
Elle se joue du Bicentenaire
Isabel Jan-Hess
E
crire un spectacle pour le
bicentenaire de l’entrée de
Genève dans la Confédération? Ce défi périlleux,
lancé par le comité
GE200.ch, l’auteure et
dramaturge genevoise Manon Pulver le relève avec Rien de Tell.
Cette «fantaisie commémorative» décalée
sera jouée du 12 septembre au 5 octobre,
aux Bastions. «J’ai choisi de m’amuser du
principe de ces commémorations, toujours difficiles à mettre en place», confie
celle qui mêle volontiers à son écriture
une pointe d’humour, parfois ironique.
«On est dans la comédie, avec une
famille très fantasque qui se retrouve à
organiser ce Bicentenaire, poursuit-elle.
Il fallait trouver l’alchimie pour garder un
fil conducteur permettant un jeu hybride
mêlant théâtre satirique et cabaret.» La
dramaturge s’est plongée dans les lectures historiques pour faire traverser les
époques genevoises à une drôle de tribu.
«Le spectacle enchaîne les séquences
théâtrales et musicales avec, entre autres,
un hymne suisse revisité à la sauce comédie musicale. Mais je n’en dirai pas plus!»
Autodidacte décomplexée
Les premières répétitions, sous la direction de la metteure en scène genevoise
Anne Bisang, conduisent encore à des
ajustements du texte, dictés par l’espace.
«On est dans une configuration de chapiteau à miroirs intéressante, mais contraignante. C’est la première fois d’ailleurs
que mon écriture doit prendre en
compte autant de paramètres», confie
Manon Pulver. Le parcours de cette autodidacte décomplexée est à l’image de ses
créations. Toujours atypique, son écriture est en lien avec ses époques. Elle
braque sa lorgnette sur ses contemporains, affinant avec les années son style et
son mordant. Comme dans sa dernière
pièce Un avenir heureux, montée en 2014
au Grütli et récompensée par le prix des
écrivains 2013.
Enfant espiègle et plutôt introvertie,
Manon Pulver a dû affronter son mutisme
social pour s’imposer sur la scène genevoise: «Je m’intéressais à beaucoup de
choses, j’aimais sortir, voir du monde,
mais je ne disais parfois pas un mot de la
soirée, se souvient-elle en riant. On me
prenait pour une sauvage méprisante et
hautaine, alors que j’étais juste affreusement timide.» Aujourd’hui elle parle, le
regard franc et les yeux brillants, elle raconte cette vie composée d’écriture, de
Manon Pulver aux Bastions, où aura lieu le spectacle écrit dans le cadre des festivités du Bicentenaire. OLIVIER VOGELSANG
Manon Pulver
Bio express
1965 Naissance à Genève, dans une
famille de comédiens qui vit à Paris.
1971 Arrive à Versoix, où elle grandit avec
sa sœur au bord du lac.
1983 Ecole technique de cinéma, à Paris.
1985 Etudes en dramaturgie, à Berlin.
1994 Première pièce, d’après Sade.
2007 «Au bout du Rouleau», à la
Comédie.
2013 Reçoit le prix des écrivains genevois
pour sa pièce «Un avenir heureux».
2014 Crée «Rien de Tell», qui sera joué
aux Bastions en septembre, dans le cadre
des commémorations du Bicentenaire.
mandats artistiques et de petits boulots:
«Le théâtre, c’est magnifique, une passion, mais il est presque impossible d’en
vivre ici, à Genève. Pourtant, j’aime cette
indépendance.»
L’intimité du théâtre
Une liberté conquise très jeune, à 17 ans.
Rêvant de cinéma, elle quitte sa famille et
Versoix où elle a grandi, pour Paris. «J’y ai
suivi une école de cinéma.» Mais en 1985,
un stage dans un opéra de Berlin dirige sa
carrière vers le théâtre. «J’ai découvert un
monde plus concret. Au cinéma, c’est
80% de travail en amont et 20% de réalisation. Alors que sur scène on est dans
l’immédiateté, dans l’intime de ce rendez-vous avec le public.»
De retour à Genève après une formation en dramaturgie en Allemagne, elle
écrit en 1994 sa première pièce, Augustine
de Ville blanche ou le bal contrarié, une
adaptation d’après Sade. En 2001, elle
rend hommage à Barbara dans Pour une
absente. Depuis, elle alterne les collaborations artistiques pour des théâtres genevois, les activités radiophoniques et de
presse écrite et l’écriture. Ses dernières
créations s’amusent de la phobie de la
cinquantaine qu’elle observe dans son
entourage: «J’aime creuser ce côté énigmatique que révèlent ces caps pseudo-fatidiques dans notre société», poursuit
celle qui, à une année du demi-siècle, ne
s’y retrouve pas. «Au contraire, je me suis
toujours sentie bien à tout âge. Je n’aimerais pas revenir en arrière, surtout pas!»
«Rien de Tell» Du 12 septembre au
5 octobre, sous chapiteau, aux Bastions.
[email protected]
ou tél.: 079 474 89 95
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