Adrénoleucodystrophie liée à l’X et atteintes endocriniennes Observation

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Cas
clinique
Adrénoleucodystrophie liée à l’X
et atteintes endocriniennes
Claire Douillard*
Observation
Monsieur J. est âgé de 19 ans en 2008 et n’a pas d’antécédents familiaux ou personnels particuliers lorsqu’il
est admis aux urgences pour un syndrome méningé
fébrile. Les paramètres biologiques et l’évolution
seront finalement en faveur d’une mononucléose
infectieuse.
* Service d’endocrinologie,
diabétologie
et métabolisme, hôpital
C. Huriez, CHRU de Lille.
L’examen du LCR est normal. En revanche, la TDM cérébrale met en évidence des hypodensités pariéto-occipitales bilatérales. L’IRM cérébrale confirme la présence
des hypersignaux pariéto-occipitaux périventriculaires
bilatéraux symétriques, en faveur d’une leucodystrophie (figure 1).
Le diagnostic positif sera par la suite posé par l’élévation des acides gras à très longues chaînes (AGTLC) et,
en particulier, en C26 mesurés à 3,17 µmol/l (0,45-0,92)
un rapport C24/­C22 à 1,63 µmol/l (0,74-1,06), et un
rapport C26/C22 à 0,057 (0,01-0,043). Le diagnostic
moléculaire est en cours d’analyse.
Sur le plan neurologique, les troubles cognitifs
demeurent discrets mais expliquent possiblement,
et en partie, les difficultés scolaires apparues depuis
l’intégration au lycée. L’examen neuropsychologique
est en faveur de troubles mnésiques exécutifs et
attentionnels d’expression légère prédominant sur
le matériel audio-verbal. Le reste de l’examen neurologique est strictement normal. L’EMG est normal.
Secondairement, le patient nous est adressé pour
évaluation endocrinienne.
Sur le plan fonctionnel, le patient signale une asthénie
physique et psychique. Sur le plan clinique, le poids
est de 71 kg pour une taille de 1,73 m (IMC à 23), la
tension artérielle est à 11/6 cmHg ; une mélanodermie
marquée est présente au niveau du visage, des avantbras, des plis palmaires et des zones de flexion en
général, ainsi que des mamelons ; le développement
pubertaire est normal (G/P), avec toutefois une discrète gynécomastie. Sur le plan biologique, on note
une cortisolémie à 8 heures à 4,8 µg/dl (9-22 à 8 h)
en regard d’une ACTH à 5 898 pg/ml (10-50), une
ARP à 0,50 ng/­ml/h (0,8-5 debout) en regard d’une
aldostéronémie à 69 pg/ml (30-300), un ionogramme
normal (natrémie 138 mmol/l, kaliémie 4,2 mmol/l),
une testostérone à 6,48 ng/ml (2,30-6,70), une SBP
(Sex Binding Protein) à 58,5 nmol/l (16-64), une LH à
19,2 UI/l, stimulée à 73,8 UI/l (+ 284 %) et une FSH à
7,2 UI/l, stimulée à 10,2 UI/l sous LHRH. La TSH, la FT4,
l’IGF1 et la prolactine sont normaux.
Figure 1. IRM cérébrale : hypersignaux pariéto-occipitaux et périventriculaires.
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Le scanner surrénalien retrouve des surrénales de taille
normale (figure 2). Un traitement hormonal substitutif
par hydrocortisone est mis en place à 25 mg/j, puis
ajusté à 30 mg/j sur les données cliniques et biolo-
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
Adrénoleucodystrophie liée à l’X et atteintes endocriniennes
giques (20 mg le matin, 5 mg le midi, 5 mg le soir).
Les conseils et les informations relatifs à l’insuffisance
surrénale sont remis au patient.
Discussion
Le cas de notre patient illustre le caractère parfois
paucisymptomatique de la maladie, qui, ici, a finalement été diagnostiquée à la faveur d’un événement
intercurrent.
L’adrénoleucodystrophie liée à l’X (ALD) est la maladie métabolique héréditaire neurodégénérative la
plus commune parmi les désordres du peroxysome
(1/20 000, en comptant les patients hémizygotes et
les femmes hétérozygotes). La maladie associe une
démyélinisation progressive du système nerveux central et périphérique et une insuffisance surrénalienne
périphérique (maladie d’Addison).
Figure 2. TDM surrénalienne sans injection : glandes surrénales normales.
Le diagnostic positif repose sur l’élévation des AGTLC.
Le diagnostic moléculaire est pratiqué et aura un rôle
fondamental dans l’enquête familiale, en dépistant
notamment les femmes conductrices.
L’insuffisance surrénalienne sera finalement présente
chez environ 70 % des patients présentant une ALD
(2), mais la chronologie de l’apparition au cours de la
maladie peut être variable.
Sur le plan physiopathologique, la surcharge des
AGTLC dans le plasma et les tissus est secondaire au
défaut de la protéine ALD, qui appartient à la famille
des transporteurs ABC (ATP-Binding Cassette) et est
codée par le gène ABCD1 porté en Xq28. Cette protéine ALD est impliquée dans le transport des AGTLC
dans les peroxysomes afin qu’ils soient dirigés vers
le processus de la bêta-oxydation. L’altération de
ce processus contribue à la surcharge des tissus en
AGTLC, mais le mécanisme physiopathologique précis
impliqué dans l’atteinte neurologique ou surrénalienne n’est pas entièrement élucidé. Deux principaux phénotypes sont décrits (1) : celui des formes
cérébrales démyélinisantes chez l’enfant âgé de 5 à
15 ans (parfois sur un mode inflammatoire aux âges
les plus précoces), retrouvé également chez l’adulte
dans 35 % des cas ; celui des formes limitées à l’atteinte
médullaire, ou adrénomyéloneuropathie (20-60 ans).
Cette dernière peut parfois s’associer, chez l’adulte
jeune, à une atteinte cérébrale démyélinisante inflammatoire. La pénétrance de la maladie chez l’homme
est complète après l’âge de 50 ans. Cinquante pour
cent des femmes conductrices hétérozygotes peuvent présenter des signes d’adrénomyéloneuropathie, mais la femme ne développera pas d’atteinte
cérébrale démyélinisante ni d’atteinte endocrinienne.
En effet, l’insuffisance surrénalienne peut être la première manifestation de la maladie, plusieurs années
avant la symptomatologie neurologique. Classiquement,
elle touche d’abord la fonction glucocorticoïde, puis la
fonction minéralocorticoïde. Les surrénales peuvent
être morphologiquement normales, comme chez notre
patient, ou hypertrophiées, voire pseudonodulaires.
Chez l’adulte, l’ALD est la deuxième cause d’insuffisance surrénale après l’origine auto-immune (3). Des
cas d’insuffisance surrénale aiguë sont rapportés (4).
La deuxième atteinte endocrinologique est l’insuffisance
gonadique, souvent asymptomatique, ce qui est le cas
pour notre patient. Les troubles de la spermatogenèse
seraient également plus fréquents. Une étude portant
sur 26 hommes atteints d’ALD a mis en évidence une
diminution de la libido dans 46 % des cas, une dysfonction érectile dans 58 % des cas, une diminution de
la pilosité dans 50 % des cas, une gynécomastie dans
35 % des cas, une diminution du volume testiculaire
dans 12 % des cas, une stimulation insuffisante de la
testostérone sous hCG (en moyenne 57 % [5 à 12 %,
N > 150 %]), une élévation du niveau de LH et de FSH
respectivement dans 16 et 32 % des cas (ce qui est le cas
pour notre patient) et une réponse de la LH sous GnRH
anormalement ample dans 47 % des cas (5).
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 1-2 - janvier-février 2011
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Cas
clinique
Plusieurs mécanismes ont été évoqués pour expliquer
l’altération de la production hormonale, mais sans qu’un
mécanisme physiopathologique soit là aussi clairement
élucidé : baisse de la disponibilité des esters de cholestérol liés aux AGTLC pour les précurseurs de la synthèse
des hormones stéroïdes, rigidité des membranes liée
à l’excès des AGTLC conduisant à un défaut de fonctionnalité des récepteurs à l’ACTH et possiblement des
récepteurs à FSH/LH.
Sur le plan thérapeutique, la greffe de cellules souches
hématopoïétiques est proposée à un nombre limité
de patients, c’est-à-dire à ceux se situant à un stade
précoce de la maladie neurologique pour permettre
de stabiliser, voire de faire régresser, les lésions cérébrales. L’huile de Lorenzo (enrichie en acides oléique
et érucique) normalise les taux d’AGTLC et pourrait,
dans certains cas seulement, atténuer la sévérité de
l’atteinte cérébrale, au cas par cas.
■
Références
1. Aubourg P. X-linked adrenoleukodystrophy. Ann Endocrinol
2007;68(6):403-11.
2. Aubourg P et al. Adrenoleukodystrophy presenting as
addison’s disease in children and adults. Trends Endocrinol
Metab 1991;2:49-52.
3. Laureti S et al. Etiological diagnosis of primary adrenal
Metab 2006;91:4849-53.
4. Bergthorsdottir R et al. Premature mortality in patients with
myeloneuropathy and neurologically asymptomatic X-linked
adrenoleukodystrophy: a retrospective study. Int J Andrology
1997;20:315-21.
insufficiency using an original flowchart of immune and biochemical markers. J Clin Endocrinol Metab 1998;83:3163-8.
Addison’s disease: a population-based study. J Clin Endocrinol
5. Assies J et al. Signs of testicular insufficiency in adreno-
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