REVUE DE PRESSE coordonné par
le Pr B. Combe
14 | La Lettre du Rhumatologue • No 379-380 - février-mars 2012
Diminution de la réponse B spécifique dirigée
contre le virus influenza chez les patients atteints
de polyarthrite rhumatoïde traités par anti-TNF
Le risque infectieux est plus grand chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) que
dans la population générale, particulièrement si ces patients sont traités par anti-TNF. Une des
hypothèses pouvant expliquer cette plus grande susceptibilité infectieuse pourrait être une plus
faible réponse humorale entraînée en partie par l’activité du rhumatisme mais aussi par les consé-
quences du blocage de la voie du TNF. En effet, le TNF est connu pour jouer un rôle important
dans le développement et l’homéostasie du répertoire B ainsi que dans ses capacités de réponse
aux antigènes, notamment par l’activation de la voie NF-κB après liaison du TNF à ses récepteurs.
Deplus, le TNF participe à l’organisation des centres germinatifs via l’activation des cellules dendri-
tiques folliculaires, son blocage y provoquant alors des perturbations fonctionnelles majeures (1).
Les centres germinatifs étant indispensables au déclenchement de la production d’anticorps, le
blocage du TNF pourrait de fait altérer la fonction effectrice et la fonction mémoire des cellules B,
contribuant ainsi à l’augmentation du risque d’infections et à une faible réponse aux vaccinations.
Pour le démontrer, J.J. Kobie et al. (université de Rochester, États-Unis) ont étudié puis comparé
les réponses B antigrippales postvaccinales précoce (<10jours) et mémoire (>1mois) de
164patients atteints de PR, dont certains étaient traités par méthotrexate (MTX) et/ou anti-
TNF, et de 97 volontaires sains servant de témoins.
Après toute vaccination s’observe une réponse B effectrice transitoire où des cellules B préplas-
mocytaires CD19+ IgD− CD27hi CD38hi gagnent le sang périphérique. Leur taux est fortement
corrélé à celui des anticorps spécifiques antigrippaux qui seront ensuite synthétisés. Dans
cette étude, les taux sériques postvaccinaux (vaccin saisonnier inactivé dirigé contre 3 souches
grippales) d’anticorps anti-influenza ont été mesurés tous les ans pendant au moins 2ans, de
2006 à 2010, dans les 10jours puis 1 et 6mois après la vaccination, de même que les taux de
cellules préplasmocytaires exprimant en surface des anticorps spécifiquement dirigés contre le
virus influenza ainsi que les taux des cellules B mémoires correspondantes.
J.J. Kobie et al. ont ainsi montré que les patients atteints de PR et traités par anti-TNF produisaient
des anticorps anti-influenza en réponse à leur vaccination. Cependant, ces patients en produi-
saient significativement moins que les sujets sains et que les patients ne recevant pas d’anti-TNF
(figure), tant à 1mois (50 %, 65 % et 30 % moins d’anticorps anti-influenza H1N1, H3N2 et
B respectivement) qu’à 6mois
après la vaccination.
De même, leur taux de
cellules B mémoires était
lui aussi significativement
réduit, ainsi que la réponse
B spécifique anti-influenza à
court terme, avec significa-
tivement moins de cellules
B préplasmocytaires CD19+
IgD− CD27
hi
CD38
hi
chez
les patients atteints de PR et
traités par anti-TNF que chez
les volontaires sains ou que
chez les patients atteints de
PR ne recevant pas d’anti-TNF.
Cela était également corrélé
à une diminution significa-
tive des taux de cellules B
mémoires spécifiques.
V. Goëb (Rouen)
Commentaire
Ce travail montre que les patients atteints de PR et
traités par anti-TNF produisent des anticorps anti-
influenza après vaccination à des taux présumés
suffisants pour leur conférer une séroprotection
antivirale efficace. Néanmoins, ces patients pré-
senteraient une réponse immune humorale post-
vaccinale moins efficace du fait d’une moindre
réponse B effectrice et mémoire, aboutissant à une
production d’anticorps réduite. L’augmentation de
l’incidence et de la sévérité des infections observée
chez ces patients traités par anti-TNF pourrait être
la conséquence d’une capacité de réponse initiale
à l’antigène diminuée. Ce travail corrobore celui
de L.B.Gelinck et al. (2) et de J.L. Kaine et al. (3),
qui ont déjà observé une plus faible efficacité de la
vaccination antigrippale chez les patients atteints
de PR et traités par anti-TNF. Cependant, il va contre
les résultats d’une étude de la réponse vaccinale
anti-H1N1 chez des patients atteints de rhumatismes
inflammatoires chroniques (4), où il n’a été relevé
aucune influence négative des traitements anti-TNF,
au contraire du MTX ou du rituximab reçu dans les
3mois précédant la vaccination.
En l’absence de contre-indication particulière, la
vaccination saisonnière antigrippale des patients
traités par anti-TNF est à encourager annuellement
et selon les mêmes modalités que pour la popula-
tion générale, conformément aux recommandations
actuelles de la Société française de rhumatologie
(5). Si d’autres études confirmaient les résultats de
J.J.Kobie et al., des schémas de vaccination saison-
nière – mais avec rappel systématique et/ou utili-
sation de vaccins antigrippaux plus immunogènes
(couplés avec des adjuvants) – pourraient être des
solutions pratiques à envisager pour optimiser l’effi-
cacité vaccinale chez ces patients.
Référence bibliographique
Kobie JJ, Zheng B, Bryk P et al. Decreased influenza-specific
B cell responses in rheumatoid arthritis patients treated with
anti-TNF. Arthritis Res Ther 2011;13:R209 [Epub ahead of print].
Références complémentaires
1. Anolik JH, Ravikumar R, Barnard J et al. Cutting edge: anti-
tumor necrosis factor therapy in rheumatoid arthritis inhibits
memory B lymphocytes via effects on lymphoid germinal
centers and follicular dendritic cell networks. J Immunol
2008;180:688-92.
2. Gelinck LB, Van der Bijl AE, Beyer WE et al. The effect of anti-
tumour necrosis factor α treatment on the antibody response
to influenza vaccination. Ann Rheum Dis 2008;67:713-6.
3. Kaine JL, Kivitz AJ, Birbara C, Luo AY. Immune responses
following administration of influenza and pneumococcal
vaccines to patients with rheumatoid arthritis receiving
adalimumab. J Rheumatol 2007;34:272-9.
4. Gabay C, Bel M, Combescure C et al.; H1N1 Study Group.
Impact of synthetic and biologic disease-modifying antirheu-
matic drugs on antibody responses to the AS03-adjuvanted
pandemic influenza vaccine: a prospective, open-label, parallel-
cohort, single-center study. Arthritis Rheum 2011;63:1486-96.
5. Pham T, Bachelez H, Berthelot JM et al. TNF alpha anta-
gonist therapy and safety monitoring. Joint Bone Spine
2011;78(Suppl. 1):15-185.
512
256
128
32
64
16
80,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
Taux d’anticorps anti-influenza
(dilutions moyennes observées)
Temps (0-1 mois)
* Différence significative avec les témoins sains.
** Différence significative avec les patients atteints de PR.
Témoins sains (n = 14-24)
Patients atteints de PR (n = 5-7)
Patients atteints de PR traités par MTX (n = 3-13)
Patients atteints de PR traités par anti-TNF (n = 7-13)
*
** **
Figure. Comparaison de l’évolution des taux postvac-
cinaux d’anticorps anti-influenza au cours du temps.
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