RÔLE DE L’IMAGERIE DANS LE BILAN D’UN SYNDROME DE CLAUDE BERNARD-HORNER D’ORIGINE INDÉTERMINÉE CHEZ L’ENFANT PROISY M (1), CHOUKLATI K (1), TREGUIER C (1), HABONIMANA E (2), CHAPPE C (3), BRUNEAU B (1) (1) Service d’imagerie pédiatrique – Rennes (2) Service de chirurgie pédiatrique – Rennes (3) Service de pédiatrie – unité d’hémato-oncologie – Rennes INTRODUCTION Syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH) = Myosis + Ptôsis + Anhidrose +/- hétérochromie irienne (en cas d’atteinte précoce: âge < 2 ans) Causé par une atteinte de l’innervation sympathique de l’œil Rare en pédiatrie Étiologies chez l’enfant: « Causes acquises / Causes congénitales/ Idiopathique » Absence de données consensuelles dans la littérature concernant l’exploration radiologique et non radiologique d’un CBH chez l’enfant (environ 7 études depuis 1976) Nous rapportons 5 cas de CBH chez l’enfant et discutons l’apport de l’imagerie devant un CBH d’origine indéterminée Introduction MATÉRIEL & MÉTHODES 5 enfants pris en charge au CHU de Rennes entre 2009 et 2011 4 enfants de moins de 1 an (1, 2, 5 et 10 mois) 1 enfant de 10 ans Présentation clinique Syndrome de Claude Bernard-Horner isolé dans 4 cas Associé à des douleurs dorsales dans 1 cas (enfant de 10 ans) Examens paracliniques Imagerie: Echographie cervicale (n = 5) et abdominale (n = 3) IRM cervico-thoracique (n = 5 ), IRM encéphalique (n = 3) Scanner TAP (n = 3) Scintigraphie au MIBG (n = 5) Dosage des catécholamines urinaires (n = 5) Diagnostique anatomopathologique (n = 4) Traitement chirurgical (n = 2), chimiothérapie (n = 2), radiothérapie (n= 1), simple surveillance (n= 2) Matériel & méthodes RÉSULTATS Cas N° 1 – garçon de 2 mois Histoire clinique Naissance à terme, pas d’antécédents particuliers Découverte par le médecin traitant d’une anisocorie lors d’un examen systématique Examen ophtalmologique = syndrome de Claude Bernard-Horner droit Imagerie Échographie cervicale IRM cervico-thoracique Résultats Échographie cervico-thoracique Masse de l’apex thoracique droit De 19 x 26 mm Bien limitée En partie calcifiée Cas n°1 Résultats IRM cervico-thoracique: Syndrome tumoral pararachidien de C6 à T4 de l’apex thoracique droit de 38 x 34 X 27 mm Hétérogène en iso signal T1 et discret hypersignal T2 Contact proche avec les trous de conjugaison, l’artère vertébrale, la trachée, la veine cave supérieure. Cas n°1 Résultats RÉSULTATS Cas n° 1 – garçon de 2 mois Scintigraphie MIBG Hyperfixation de la lésion apicale droite Catécholamines urinaires VMA = 31,7 μmol/mmol de créatinine (N< 14) HVA = 25,1 μmol/mmol de créatinine (N < 25) Anatomopathologie (biopsie) Neuroblastome peu différencié exprimant fortement la tyrosine OH ASE, le NB 84a et le CD57 Cytogénétique Pas d’amplification du gène N-myc Pas de délétion en 1p36 Bilan d’extension Myélogramme = négatif Biopsie ostéo-médullaire (BOM) = négative Imagerie = échographie abdominale normale Prise en charge thérapeutique Chimiothérapie 1ière (Vincristine – Endoxan) 4 cures Chirurgie d’éxérèse sub-totale Suivi En cours Résultats RÉSULTATS Cas n°2 – fille de 5 mois Histoire clinique À 5 mois : Ptosis gauche IRM cérébrale normale À 15 mois : Le ptosis correspond en fait à un CBH associé à des manifestations vasomotrices de la main gauche (4ième et 5ième doigts « froids ») Imagerie Échographie cervico-thoracique Découverte d’une masse cervico-thoracique gauche IRM cervico-thoracique Résultats Masse paravertébrale de l’ apex thoracique gauche En partie calcifiée en échographie Cas n°2 Résultats Masse de 38 x 31 x 32 mm Rehaussement homogène Contact avec l’artère sous-clavière Absence de refoulement des structures adjacentes Absence d’extension au canal médullaire Cas n°2 Résultats RÉSULTATS Cas n°2 – fille de 5 mois Scintigraphie MIBG Absence d’hyperfixation Catécholamines urinaires Normales Anatomopathologie (biopsie) Ganglioneuroblastome à stroma prédominant, mélangé, histopronostic favorable Cytogénétique Analyses non contributives Bilan d’extension Imagerie : Echographie abdominale normale Prise en charge thérapeutique Surveillance Suivi Stabilité à 10 mois Résultats RÉSULTATS Cas n°3 – garçon de 10 mois Histoire clinique Absence d’antécédents particuliers Syndrome de Claude Bernard-Horner gauche intermittent Imagerie Échographie cervicale Masse cervicale gauche finement calcifiée IRM cervico-thoracique Résultats Échographie cervicale Masse cervicale gauche Entre les vaisseaux carotidiens et la veine jugulaire Finement calcifiée Cas n°3 Résultats IRM cervico-thoracique Masse cervicale en avant et au dessus de la bifurcation carotidienne gauche À limites nettes 25 x 13 x 13 mm Rehaussement homogène !! La présence de calcifications en échographie permet de différencier la lésion d’une « simple » adénomégalie en IRM!! Cas n°3 Résultats RÉSULTATS Cas n°3 – garçon de 10 mois Scintigraphie MIBG Absence d’hyperfixation Catécholamines urinaires Normales Anatomopathologie (biopsie) Non réalisée Cytogénétique Non réalisée Bilan d’extension Imagerie : Scanner thoraco-abdomino-pelvien normal Prise en charge thérapeutique Surveillance clinique et échographique Suivi Stabilité en échographie à 1 an Résultats RÉSULTATS Cas n°4 – garçon de 1 mois Histoire clinique Syndrome de Claude Bernard-Horner droit néonatal Enfant né à terme sans antécédent particulier Imagerie ETF normale Échographie cervicale Masse cervicale droite calcifiée IRM cervico-thoracique Résultats Echographie Masse cervicale droite Au contact et en arrière de l’axe carotidien Bien limitée En partie nécrotique Avec une coque périphérique hyperéchogène Cas n°4 Résultats IRM cervicothoracique Lésion cervicale à hauteur de la bifurcation carotidienne droite, hétérogène 2.2 x 2.4 x 3.3 cm. Prise de contraste modérée à la partie inférieure. Trachée modérément refoulée Liseré hyperT1 hypoT2 (coque calcifiée) Cas n°4 Résultats RÉSULTATS Cas n°4 – garçon de 1 mois Scintigraphie MIBG Absence de fixation Catécholamines urinaires Normales Anatomopathologie (biopsie) Neuroblastome peu différencié Cytogénétique Absence d’amplification du gène N-MYC Absence de délétion 1p36 Bilan d’extension Imagerie : Scanner thoraco-abdomino-pelvien normal Prise en charge thérapeutique Chirurgie d’éxérèse 1ière = Éxérèse complète, une métastase ganglionnaire à capsule non rompue Suivi Absence de récidive à 20 mois Anisocorie et dyschromie des iris séquellaire Résultats RÉSULTATS Cas n°5 – garçon de 10 ans Histoire clinique Absence d’antécédents Douleurs dorsales hautes latéralisées à droite Syndrome de Claude-Bernard-Horner droit Imagerie Radiographie de thorax Découverte d’une masse de l’apex thoracique droit IRM cervico-thoracique Résultats IRM cervicothoracique: Lésion pararachidienne de l’apex thoracique droit 48 x 46 x 44 mm Hétérogène en T2 Rehaussement modéré en T1 Refoule les vaisseaux sub-claviers vers le haut Cas n°5 Résultats Cas n°5 Résultats RÉSULTATS Cas n°5 – garçon de 10 ans Scintigraphie MIBG Normale Catécholamines urinaires Normales Anatomopathologie (biopsie) Tumeur à petites cellules rondes Cytogénétique Pas d’amplification de N-MYC Translocation EWSR1 en faveur d’un diagnostic de PNET/EWING Bilan d’extension Scintigraphie osseuse = normale 4 myélogrammes = normaux 2 BOM = normales Prise en charge thérapeutique Chimiothérapie et radiothérapie Suivi En cours Résultats RÉSULTATS : SYNTHÈSE 2 neuroblastomes peu différenciés Fixation scintigraphique (n = 1) Catécholamines urinaires augmentées (n = 1) 1 ganglioneuroblastome Fixation scintigraphique (n = 0) Catécholamines urinaires augmentées (n = 0) 1 lésion cervicale sans diagnostique anatomopathologique (probable ganglioneurome) Fixation scintigraphique (n = 0) Catécholamines urinaires augmentées (n = 0) 1 sarcome d’Ewing (enfant de 10 ans) Résultats DISCUSSION RAPPEL ANATOMIQUE Le syndrome de Claude BernardHorner est causé par une atteinte de la voie sympathique oculaire Composée de 3 neurones En théorie une atteinte est possible sur tout son trajet : de l’hypothalamus à l’orbite Schéma anatomique de la voie sympathique pupillaire. 1. Région postérolatérale de l'hypothalamus 2. Ganglion cervical supérieur 3. Ganglion cervical moyen 4. Centre ciliospinal de Budge 5. Anse sous-clavière 6. Artère sous-clavière. EMC Neurologie - Pathologie pupillaire Discussion DISCUSSION Les étiologies du CBH diffèrent chez l’enfant et chez l’adulte (rarement lié à une dissection chez l’enfant …) Chez l’enfant les étiologies diffèrent également avec l’âge L’exploration radiologique d’un CBH chez l’enfant doit donc prendre en compte ces considérations Discussion Etiologies d’un CBH isolé d’origine indéterminée chez l’enfant (pas de contexte traumatique, hors chirurgie …) Il s’agit d’une lésion tumorale jusqu’à preuve du contraire Chez l’enfant jeune on recherchera en priorité une lésion type neuroblastome (+++) Chez l’enfant plus vieux il s’agit souvent de lésions tumorales différentes (Ewing …) L’exploration radiologique doit donc concerner en priorité le territoire cervico-thoracique Si ce bilan s’avère négatif ou en présence d’autres signes associés on pourra alors rechercher d’autres étiologies plus rares chez l’enfant : dissection ou malformation carotidienne, lésion cérébrale, anévrysme de l’artère sous-clavière … Discussion Protocole d’imagerie proposé dans le cadre d’un CBH isolé d’origine indéterminée chez l’enfant Echographie cervico-thoracique Examen non invasif, non irradiant, facilement réalisable sans sédation chez l’enfant À la recherche d’une lésion tumorale (neuroblastome …) Exploration thoracique supérieure souvent possible chez l’enfant jeune (les 5 lésions dans notre série étaient visibles en échographie y compris les 3 lésions thoraciques) Très bonne sensibilité concernant la visualisation des calcifications (sensibilité > IRM) IRM cervico-thoracique En complément d’une lésion visualisée en échographie ou en l’absence de lésion visible en échographie Si ce bilan s’avère négatif ou en présence d’autres signes associés on pourra alors rechercher d’autres étiologies plus rares chez l’enfant : angio-IRM TSA, doppler TSA, IRM cérébrale… Discussion DISCUSSION NEUROBLASTOME CERVICAL ET CBH Tumeur développée à partir des cellules embryonnaires participant à la formation du système sympathique Pic d’incidence entre 0 et 4 ans Cause la plus fréquente de tumeur maligne associée à un CBH isolé d’origine indéterminée chez l’enfant Neuroblastome cervical primaire = 5% des neuroblastomes 2% des neuroblastomes se présentent avec un CBH initial Il s’agit souvent d’un neuroblastome congénital et de bon pronostic Positivité des catécholamines urinaires inconstante Discussion DISCUSSION On retrouve dans la littérature la notion de CBH « idiopathique » chez l’enfant (absence de cause retrouvée) Ce taux varie sensiblement selon les études Certains auteurs émettent l’hypothèse pour ces CBH « idiopathiques » d’une cause présente mais non retrouvée (régression spontanée d’un neuroblastome congénital, lésion bénigne de type ganglioneurome …) C’est aussi l’hypothèse que nous émettons car nous n’avons pas retrouvé de CBH « idiopathique » pendant la durée de notre étude (mais nombre limité de cas) De plus beaucoup de ces cas idiopathiques ont été décrits dans des séries plus anciennes, avec des techniques d’imagerie qui n’étaient pas celles que l’on connait actuellement Discussion CONCLUSION Devant un « ptôsis » de l’enfant = penser au CBH Quand le CBH est isolé et d’origine indéterminée: Il s’agit d’une cause tumorale jusqu’à preuve du contraire (neuroblastome +++) On propose la réalisation d’une échographie cervico-thoracique qui sera le plus souvent complétée par une IRM cervico-thoracique Si ce bilan s’avère négatif, ou en présence d’autres signes associés, on pourra alors rechercher d’autres étiologies plus rares chez l’enfant Conclusion BIBLIOGRAPHIE Mahoney NR, Liu GT, Menacker SJ, Wilson MC, Hogarty MD, Maris JM. Pediatric Horner syndrome: etiologies and roles of imaging and urine studies to detect neuroblastoma and other responsible mass lesions. Am J Ophthalmol. 2006;142(4):651-659. Jeffery AR, Ellis FJ, Repka MX, Buncic JR. Pediatric Horner syndrome. J AAPOS. 1998;2(3):159-167. Ryan FH, Kline LB, Gomez C. Congenital Horner’s syndrome resulting from agenesis of the internal carotid artery. Ophthalmology 2000;107(1):185-188. Zafeiriou DI, Economou M, Koliouskas D, Triantafyllou P, Kardaras P, Gombakis N. Congenital Horner’s syndrome associated with cervical neuroblastoma. Eur J Paediatr Neurol. 2006;10(2):90-92. George NDL, Gonzalez G, Hoyt CS. Does Horner’s syndrome in infancy require investigation? Br J Ophthalmol. 1998;82(1):51-54.