Mise au point
Mise au point
La Lettre du Neurologue - Vol. XII - n° 3 - mars 2008
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d’une poussée de façon insidieuse. Elles persistent de nombreux
mois, voire des années, et elles ne sont pas améliorées par les
traitements corticoïdes une fois la poussée terminée. Ce sont
surtout des douleurs des membres inférieurs. Cliniquement, elles
ont les caractéristiques des douleurs neuropathiques centrales
(10), brûlures continues, coups d’aiguilles, pointes ou fourmille-
ments douloureux. L’examen peut révéler une hyperpathie,
une allodynie et un déficit sensitif extralemniscal, mais il peut
aussi être normal.
Traitement
Les douleurs neurologiques centrales font partie des douleurs
persistantes non malignes et leur prise en charge doit être pluri-
dimensionnelle et faire parfois appel à une évaluation pluridisci-
plinaire prenant en compte la dimension psychique du symptôme.
Le retentissement de la douleur sur la qualité de vie du sujet, son
inscription dans son histoire personnelle, son vécu douloureux,
les troubles de l’humeur éventuellement présents doivent être
évalués et faire, si besoin, l’objet d’une prise en charge. L’intrica-
tion avec d’autres mécanismes douloureux (spasticité) doit être
analysée. Les antalgiques usuels sont le plus souvent peu efficaces,
à l’exception notable du tramadol, qui possède des actions de
type morphinique et imipraminique. Il a montré son efficacité
dans différentes situations de douleurs neuropathiques mais,
bien qu’il n’ait pas été évalué spécifiquement dans la SEP, il est
fréquemment efficace. On préférera les formulations à libération
prolongée, qui permettent une ou deux prises par 24 heures et
qui induisent moins d’effets indésirables digestifs que la forme
à libération immédiate. On peut l’utiliser en première intention
à une posologie variant de 100 à 400 mg par jour. Le risque de
constipation, plus rarement de dysurie, est à surveiller.
Les médicaments ayant fait l’objet d’essais thérapeutiques
contrôlés positifs pour les douleurs centrales sont l’amitripty-
line (11), la lamotrigine (12), la prégabaline (13) et les dérivés
du cannabis (14). La lamotrigine n’a pas d’AMM et son effet
est limité. L’effet de l’amitriptyline est modeste : réduction de
10 % par rapport au placebo dans une étude sur les douleurs
centrales vasculaires. La dose recommandée se situe entre
50 et 150 mg. Les effets indésirables à redouter sont la séda-
tion, l’impuissance, l’aggravation d’une rétention vésicale, la
constipation et l’hypotension artérielle orthostatique. Elle a
une AMM pour les douleurs neuropathiques périphériques de
l’adulte. La prégabaline (13), à une dose de 150 à 600 mg/j, a
montré sa supériorité par rapport au placebo dans une étude sur
les douleurs neuropathiques centrales des blessés médullaires,
56,5 % des patients voyant leur état s’améliorer (contre 21,5 %
sous placebo). L’amélioration excédait 50 % dans environ 20 %
des cas. La prégabaline a une AMM mais n’est pas actuellement
remboursée pour les douleurs centrales. Les autres antiépilep-
tiques ne sont pas efficaces dans les douleurs centrales. Plusieurs
études récentes ont concerné les dérivés du cannabis. Le 9-
tétrahydrocannabinol (THC) en spray buccal a fait l’objet d’une
étude contrôlée menée chez 64 patients (14). Le traitement a été
supérieur au placebo pour la réduction de l’intensité de la douleur
(diminution de 2,7 points en moyenne contre – 1,4 sous placebo).
•
Les effets indésirables rapportés ont été la sécheresse buccale,
les vertiges, la somnolence et des troubles de la mémoire à long
terme. Ces produits n’ont actuellement pas d’AMM en France.
L’efficacité des morphiniques de niveau III dans le traitement
des douleurs neuropathiques est maintenant établie, même si
des doses souvent supérieures à celles des douleurs nociceptives
sont nécessaires. Une efficacité a été rapportée dans les douleurs
centrales de la SEP (15). L’utilisation d’un traitement morphinique
chronique dans une pathologie chronique et complexe comme
la SEP ne peut être envisagée qu’après échec des mesures plus
simples et après une évaluation pluridisciplinaire. Cette évalua-
tion permet de s’assurer que les conditions de prescription d’un
morphinique fort dans une douleur chronique non maligne sont
réunies. En particulier, on s’assure de l’absence d’antécédents de
toxicomanie ou d’abus de substances psychoactives (alcool, etc.),
d’un environnement défavorable ou de troubles du comporte-
ment. La prescription sera effectuée et renouvelée par un seul
médecin. Une information claire et précise sur le médicament,
les effets indésirables et les objectifs du traitement doit être
donnée au malade avant de commencer le traitement. Cepen-
dant, utilisés dans ces conditions, les morphiniques peuvent
constituer la seule solution efficace chez bien des patients SEP
ayant des douleurs continues. La voie orale doit être préférée et
les formes à libération prolongée sur 12 heures ou sur 24 heures
sont utiles. Les formes immédiates sont nécessaires en cas de
douleur incidente émergeant alors que les douleurs continues
sont bien calmées, ou pour prévenir les douleurs des soins.
Les objectifs ne doivent pas se limiter à l’amélioration de la
douleur au repos, mais ils doivent aussi concerner une amélio-
ration globale fonctionnelle de la qualité de vie. Le patient doit
être régulièrement revu pour évaluer le bénéfice antalgique et
fonctionnel, les effets indésirables et rechercher l’apparition de
comportements de type toxicomaniaque. La place des patchs
transdermiques de fentanyl n’a pas été évaluée et ils n’ont pas
l’AMM dans cette indication.
La stratégie thérapeutique exposée dans le tableau II pour les
douleurs neuropathiques centrales des SEP est proposée par
l’auteur. Il n’y a pas actuellement de consensus établi pour la
prise en charge des douleurs de la SEP. Les produits sans AMM
dans les douleurs centrales, comme la prégabaline, n’ont pas été
inclus dans le tableau.
Tableau II.
Stratégie thérapeutique proposée dans les douleurs neuro-
pathiques centrales de la SEP.
Identier les douleurs
neuropathiques centrales Sémiologie, questionnaire DN4 (16)
Traitement de première
intention
Tramadol LP (Monocrixo®, Zamudol LP®,
Topalgic LP®, Contramal LP®) [100-400 mg/j]
(ou amitriptylline si syndrome dépressif
majeur associé)
En cas d’échec ou d’intolérance Prégabaline (Lyrica®) [150-600 mg/j] 2 prises
En cas d’échec ou d’intolérance Amitriptylline (Laroxyl®, Elavil®) [50-150 mg/j]
En cas d’échec ou d’intolérance Discuter morphiniques après évaluation
pluridisciplinaire