TRIBUNE
A. Grimaldi
Service de diabétologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
Paris.
Faut-il encore une fois réformer
lesétudes médicales ?
Do we need a medical studies reform, once again?
44 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 2 - février 2014
Depuis plus de 20ans, on déplore l’inadéquation des études médicales
àleurobjectif : former d’abord et avant tout les praticiens du pays. On souhaite
des praticiens formés à la résolution de problèmes toujours singuliers, souvent
complexes, et, pour ce faire, sachant chercher et traiter les informations nécessaires,
desprofessionnels habitués à travailler en équipe et à fonctionner en réseaux (formels
ouinformels), et donc aptes à piloter leurs patients dans le système de santé. On veut
des médecins au fait des données de l’“evidence-based medicine”, sachant les adapter
àlasingularité de chaque patient, des médecins jaloux de leur indépendance à l’égard
del’industrie et des financeurs, pouvant justifier leurs actes et leurs prescriptions.
Desprofessionnels pratiquant l’autoévaluation, analysant les échecs rencontrés
etleserreurs commises, toujours avides d’apprendre, convaincus que, “en médecine,
cequi est difficile, ce sont les 80premières années, après ça va tout seul”, des médecins
développant unemédecine centrée sur le patient grâce à une approche globale et
àunerelation empathique. Enfin, des médecins soucieux de la collectivité et des deniers
publics, développant la prévention et pratiquant le “juste soin au juste coût”,
brefdesmédecins formés à la pratique de la santé publique. Amen !
On ne cesse de le répéter de rapports en colloques, de réformes des programmes
enrévisions des cursus et en rénovations pédagogiques. Pourtant, malgré tous
cesefforts, les résultats sont décevants : le meilleur côtoie le pire. Le constat est partagé :
nous formons plus des prescripteurs (et quelques futurs PU-PH à notre image)
quedesprofessionnels aptes à résoudre desproblèmes pratiques. Il apparaît donc
indispensable, avant toute nouvelle réforme, de repérer et d’analyser les verrous
auchangement souhaité par tous : ce sont, à mon sens, lesmodes de sélection
etd’évaluation des étudiants et des enseignants.
➤On sélectionne les étudiants sur 2 critères : leur appétence pour les matières
scientifiques et leur capacité d’ingurgitation et de régurgitation. Malheur aux littéraires
et aux lents ! Résultats : les victimes de l’hypersélection sont sujets à la dépression,
tandis que les reçus ont tendance à se comporter en anciens combattants, exigeant
reconnaissance et faisant valoir leurs droits. Quant aux collés fortunés, ils peuvent
toujours aller faire leurs études en Belgique ou en Roumanie et revenir ensuite
s’installer en France. Les doyens proposent, par humanité, d’abréger le calvaire
despostulants en avançant la date du couperet. Hélas, plus personne ne semble
proposer la vieille solution raisonnable : organiser l’entrée en médecine à partir
desdifférentes filières universitaires, scientifiques comme littéraires, sur la base
dequotas en première et en deuxième année de licence. La faculté de médecine
serait enquelque sorte branchée en dérivation sur les autres facultés. La biologie
serait la voie principale, mais non exclusive.
Oui, mais les facultés de médecine y perdraient des postes d’enseignants, de l’argent
et donc du pouvoir !