
N° 95 jeudi 19 juin 2008 
 
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soit traité dans la jurisprudence du Conseil 
constitutionnel ou dans une loi pour exclure à tout 
jamais ce thème de notre loi fondamentale ? A ce 
compte-là, il n’y aurait plus rien dans notre 
Constitution. Enfin, c’est le Parlement qui a été chargé 
de réformer cette Constitution, ce n’est pas un comité, 
fût-il composé des plus éminentes personnalités.  
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Bien entendu, 
nous voterons cet amendement. Moderniser nos 
institutions, c’est se préoccuper des manques de notre 
loi fondamentale ou des problèmes qui sont devenus 
aigus. Celui du pluralisme des moyens d’information 
est grave, l’audiovisuel public est menacé et les 
moyens d’information sont sous la coupe des pouvoirs 
financiers. Nous ferions donc acte de modernité en 
défendant le pluralisme et l’indépendance des moyens 
d’information.  
La Garde des sceaux évoque le comité Veil : 
pourquoi n’avoir pas attendu ses conclusions avant de 
nous faire discuter le présent texte, au risque de nous 
obliger, au vu de ces conclusions, à légiférer à 
nouveau ? Nous serions fondés à nous regimber. 
M. David Assouline. – La Garde des sceaux juge 
l’objectif de notre amendement louable mais elle 
réserve son approbation à Mme Veil. Pour moderniser 
notre Constitution, comme vous prétendez le faire, il 
faut y intégrer ce qui n’était pas un problème majeur il 
y a cinquante ans mais qui l’est devenu. Nous 
sommes désormais dans une société où l’information 
a tout envahi. Mais parce que cet amendement vient 
d’un socialiste, vous vous réfugiez derrière Mme Veil ! 
Les principes de pluralisme et d’indépendance 
devraient nous rassembler et figurer dans notre 
Constitution sous peine de décrédibiliser votre 
entreprise de modernisation.  
Mme Jacqueline Gourault. – Je voterai cet 
amendement et rappellerai que François Bayrou a été 
le premier à soulever ce problème. Il faut couper les 
liens entre les propriétaires des médias et ceux qui 
sont liés à la commande publique : c’est une condition 
sine qua non de la démocratie. (Applaudissements à 
gauche) 
M. Hugues Portelli. – Le seul problème est de 
savoir si c’est, ou non, pertinent d’inscrire cela noir sur 
blanc dans la Constitution. Nous croulons aujourd’hui 
sous une multitude de documents fondamentaux 
-notamment européens- qui entrent peu à peu dans 
notre droit et le Conseil constitutionnel comme le 
Conseil d’État les ont intégrés dans leurs 
jurisprudences. Ces textes divers sont si nombreux 
que nous ne parviendrons jamais à actualiser notre 
Constitution en permanence. Ce serait une course 
sans fin et nous ne rattraperons jamais notre retard. 
Ce n’est pas à nous de le faire : c’est au juge 
constitutionnel lui-même. Ou alors, faisons-le sous 
forme législative, pas sous forme constituante. Dans 
de nombreux pays voisins, le constituant a renoncé à 
courir en permanence derrière les évolutions 
techniques et il laisse faire le juge constitutionnel ou 
les autres juges. (M. Alain Gournac applaudit) 
M. Michel Charasse. – Cet amendement a le 
mérite de traduire le malaise qui règne sur cette 
question. Cela ne va pas très bien, mais on ne sait pas 
comment faire pour que ça aille mieux… Nos 
collègues posent les bonnes questions, mais 
n’apportent pas de réponse tangible. Sur le pluralisme, 
le Conseil constitutionnel a tout dit en examinant la loi 
de 1984 ; et les règles ainsi posées ont été respectées 
dans les textes ultérieurs, statut de l’audiovisuel, 
Haute autorité, etc. Il n’est pas essentiel d’inscrire 
dans la Constitution un principe qui figure déjà dans la 
jurisprudence du Conseil.  
Le texte le plus sacré en la matière est l’article 11 
de la Déclaration des droits de l’homme : finie, la 
dictature de l’Ancien régime, on peut désormais 
penser et écrire librement. L’effet fut immédiat : 
foisonnement de journaux, parole libérée, réunions 
publiques. Au cas présent, quel serait l’effet ? 
Obligera-t-on les lecteurs à lire des journaux dont ils 
ne veulent pas ? L’État devra-t-il créer des gazettes 
pour « boucher les trous » ? Nous avons un service 
public dont le rôle est précisément de garantir le 
pluralisme, hélas les journalistes pensent moins à 
remplir cette mission qu’à se faire plaisir à 
eux-mêmes. (Applaudissements à droite) 
M. Bernard Frimat. – Je suggère à M. Portelli 
d’engager au sein de son parti une course-poursuite 
pour rattraper la démocratie.  
Dans la loi fondamentale, il ne s’agit pas de faire 
des adaptations techniques mais d’affirmer des 
principes.  
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Ce n’est pas 
faux.  
M. Bernard Frimat. – Allons-nous participer au 
même jeu de rôle qu’hier, avec une ministre qui juge 
les idées présentées presque bonnes, intéressantes, 
mais qui finalement les rejette, tout en assurant 
cependant qu’une commission y réfléchit ?  
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Si une 
commission réfléchit, il n’y a plus rien à dire.  
M. Bernard Frimat. – Dès lors qu’une commission 
a été nommée par qui nous savons, le Parlement doit 
cesser d’évoquer le sujet en cause, devenu tabou. 
Vous êtes pour le pluralisme tant qu’il ne se réalise 
pas -il en va de même pour le vote des étrangers… 
Telle est votre ligne de conduite ! Je songe à cette 
célèbre phrase du Bossu de Paul Féval : « Si tu ne 
viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi. » 
(Rires) 
M. Robert Badinter. – Il n’y a pas de démocratie 
sans liberté d’opinion. Et la situation n’est plus celle de 
1789. L’indépendance des médias est une chose, celle 
des journalistes au sein des rédactions en est une 
autre. Je ne m’attarderai pas sur les nominations