L E S A P P O R T S D E L ` I R M D A N S LA PRISE EN CHARGE

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Le 17 juillet 2012
LES APPORTS DE L’IRM DANS
LA PRISE EN CHARGE DU CANCER DE LA PROSTATE
Le cancer de la prostate concerne environ 300 000 hommes en France. En 2010, on comptait près
de 71 000 nouveaux cas et de 8 870 décès (source INCa).
L’une des difficultés de sa prise en charge tient au fait qu’il fait partie des derniers cancers difficiles à
visualiser grâce à l’imagerie, de sorte que son diagnostic repose essentiellement sur des biopsies
randomisées qui ne permettent pas toujours de bien évaluer l’agressivité et le volume de la (ou des)
tumeur(s).
Or, l’enjeu majeur de la prise en charge est le ciblage :

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ciblage des cancers à traiter : ceux qui peuvent affecter l’espérance ou la qualité de
vie des patients ;
ciblage de la prise en charge : la stratégie thérapeutique devant éviter, autant que
possible, les effets secondaires des traitements (incontinence ou impuissance), mais
aussi les risques de sous-traitement.
Dans cette double démarche, les radiologues de la Société d’Imagerie Génito-Urinaire (SIGU)
œuvrent, en collaboration avec les urologues, au développement de nouvelles solutions d’imagerie
qui permettent, à terme, d’améliorer le diagnostic (localisation et caractérisation des tumeurs), les
traitements (thérapies focales guidées grâce à l’imagerie), et le suivi du patient tout au long de la
prise en charge.
La présentation des apports de l’IRM et de la fusion d’image, par le Pr Olivier Rouvière, radiologue
au CHU de Lyon, et de la cryothérapie sous IRM, par le Dr Afshin Gangi, à l’origine de l’introduction
de cette technique au CHU de Strasbourg, illustrent la place croissante de l’imagerie et de la
radiologie interventionnelle dans l’amélioration de la prise en charge du cancer de la prostate.
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LES BENEFICES DE L’IRM ET DE LA FUSION D’IMAGE
DANS LA PRISE EN CHARGE DU CANCER DE LA PROSTATE
INTERVIEW DU PROFESSEUR OLIVIER ROUVIERE
Professeur Rouvière, quels bénéfices l’IRM peut-elle apporter dans la prise en charge du cancer de
la prostate ?
La prise en charge du cancer de la prostate confronte les urologues à un double défi :
éviter les sur-diagnostics et les sur-traitements consécutifs ;
éviter les sous-diagnostics qui peuvent être fatals aux patients.
Le diagnostic de ce cancer, suspecté à la suite de la mesure d’un PSA trop élevé ou d’un toucher
rectal anormal, repose sur la réalisation de biopsies, qui consistent à aller voir ce qui se passe à
l’intérieur de la glande.
Mais, comme ce cancer de la prostate est difficile à voir à l’imagerie, notamment à l’échographie,
contrairement à d’autres cancers, les urologues doivent réaliser des biopsies à l’aveugle (en général
une douzaine), en s’appliquant certes à couvrir l’ensemble de la glande, mais sans jamais avoir la
certitude d’avoir ciblé les zones tumorales. D’où le risque :
de faux négatifs, lorsque les carottes n’ont pas touché la (ou les) tumeur(s) ;
de mésestimation du volume et de l’agressivité des tumeurs (par sous-estimation le plus
souvent, parfois par surestimation).
Il est essentiel de disposer de techniques d’imagerie suffisamment fiables pour mieux cibler les
biopsies et, par là, avoir une idée précise du volume et de l’agressivité des cancers, particulièrement
lorsque l’on souhaite proposer une surveillance active.
Par ailleurs, il est nécessaire de localiser avec précision la ou les tumeur(s) – le cancer de la prostate
est souvent multifocal - pour permettre aux urologues de proposer à leurs patients les traitements
focaux (ultrasons focalisés de haute intensité, cryothérapie, laser, photothérapie dynamique), voies
médianes entre la surveillance active, anxiogène, et la prostatectomie, qui expose aux risques
d’effets secondaires lourds pour le patient. En un mot, il nous faut trouver la carte pour voir où l’on
va et ce que l’on va traiter.
Dans cette perspective si l’échographie n’est pas très opérationnelle, et si, pendant longtemps, la
seule séquence T2 de l’IRM n’a pas permis de voir grand-chose, nous disposons, aujourd’hui, grâce
aux séquences IRM de diffusion et aux séquences dynamiques avec injection de gadolinium, d’outils
qui nous permettent de beaucoup mieux voir les tumeurs de la prostate.
Par ailleurs, les techniques de fusion d’image, qui consistent à importer les images acquises par IRM
dans l’image d’échographie et de les fondre grâce à un logiciel ad hoc, apportent un vrai bénéfice :
elles permettent de guider l’urologue tant dans la réalisation des biopsies que lors des interventions
focales. L’image, acquise en amont de l’intervention, garantit aux médecins une visibilité accrue mais
ne nécessite pas la mobilisation d’une IRM pendant toute la durée de l’acte – ce qui est essentiel
étant donnée la pénurie de machines IRM en France.
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Il existe aujourd’hui deux systèmes de fusion d’image :
les systèmes de fusion rigide, qui ne permettent pas de prendre en compte les déformations
de la glande en cours d’intervention ;
les systèmes de fusion élastique, qui fondent en 3 ou 4 secondes les images de l’IRM et celles
réalisées par l’échographe, au fur et à mesure de l’intervention, en tenant compte des
déformations de la glande, de sorte qu’il est possible de visualiser l’acte quasiment en temps
réel.
Considérant tous ces bénéfices, pourquoi l’IRM n’est-elle pas plus souvent utilisée en routine ?
D’abord parce qu’il n’y a pas suffisamment de machines aujourd’hui pour pouvoir l’envisager en
routine.
Ensuite, parce que l’utilisation de l’IRM comporte aujourd’hui deux écueils :
Le premier tient à ce que l’IRM n’est pas très sensible aux tumeurs de faible risque
(Score de Gleason ≤6). Mais, dans un sens, cela nous permet de faire le tri entre les cancers à
faible risque (qu’elle ne détecte pas) et celles plus agressives, qui méritent d’être traitées.
Le deuxième tient à la subjectivité de son interprétation. C’est pourquoi nous œuvrons à
développer des solutions qui rendent la lecture de l’IRM de la prostate moins opérateurdépendante. L’une des pistes consiste à développer des scores d’aide au diagnostic. Ces
scores sont réalisés à partir de la confrontation de milliers d’images acquises avant
prostatectomie aux pièces opératoires analysées par les anatomopathologistes. Cette
confrontation nous permet de mieux corréler les images à la réalité anatomique et d’établir
une sorte de grille de lecture, sous la forme de scores aussi objectifs que possible. La
deuxième voie de recherche est le développement d’un logiciel d’aide au diagnostic capable
d’interpréter les images. Toujours sur le principe de la confrontation de l’image IRM à
l’anatomopathologie, le logiciel apprend à reconnaître le cancer de la prostate. Aujourd’hui,
les capacités du logiciel demeurent inférieures aux compétences d’un expert de l’IRM de la
prostate, mais elles égalent déjà celles d’un interne ; cela n’est évidemment pas suffisant.
Cependant, dans la mesure où l’homme et le logiciel ne commettent pas les mêmes erreurs,
ils parviennent à se compléter : le logiciel aide à caractériser les zones qu’on lui signale et il
améliore, d’ores et déjà, les performances diagnostiques des experts, même expérimentés.
C’est donc une piste très intéressante, tant sur le plan de l’apprentissage de la lecture que du
diagnostic par un radiologue expérimenté. Nous sommes très heureux des premiers résultats
que nous présenterons aux Journées Françaises de Radiologie 2012.
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Pour conclure, quelle pourrait être, à l’avenir, la place de l’IRM dans la prise en charge du cancer
de la prostate ?
L’IRM devrait, à plus ou moins long terme, apporter des solutions intéressantes dans :
La cartographie et la caractérisation des tumeurs de la prostate.
La mise en œuvre de solutions de rattrapage après un traitement de 1ère ligne aux résultats
insuffisants, quel que soit le traitement de première ligne : par exemple, devant une
remontée du PSA après prostatectomie, l’IRM pourrait offrir la possibilité, en deuxième ligne,
d’utiliser la radiothérapie de manière très ciblée avec des doses d’irradiation supérieures à
66 grays, là où cela est nécessaire afin de garantir plus d’efficacité et plus de sécurité au
patient.
Mais derrières ces enjeux cliniques, il y a aussi des enjeux économiques. L’évaluation médicoéconomique de l’IRM dans la prise en charge du cancer de la prostate participera de la définition de
son rôle et de sa place à venir. Nous devons veiller à la fois à la qualité des soins pour le patient et à
la dimension médico-économique, afin d’être sûrs de garantir à tous le meilleur accès aux meilleurs
traitements.
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LA CRYOTHERAPIE SOUS IRM
INTERVIEW DU DR AFSHIN GANGI
Dr Afshin Gangi, pourquoi avez-vous souhaité développer la cryothérapie sous IRM au CHU de
Strasbourg?
Pour comprendre, il faut d’abord revenir sur la cryothérapie classique. Il s’agit d’une technique qui
consiste à détruire les cellules par le froid (- 183 °C), grâce à des sondes introduites jusqu’à la
prostate, à travers le périnée. La cryothérapie fait partie des thérapies mini-invasives du cancer de la
prostate, qui offrent une alternative à la prostatectomie totale dans les cancers localisés.
Aujourd’hui, la cryothérapie sous échographie fait partie des solutions thérapeutiques proposées, en
routine, par les urologues, dans les centres équipés.
Cependant, l’échographie ne permet pas de cibler précisément la tumeur à traiter, de sorte que l’on
détruit bien souvent la totalité de la prostate : à l’inverse, l’IRM interventionnelle apporte des
bénéfices évidents en termes de ciblage de la tumeur et de contrôle de la destruction des cellules
cancéreuses. En effet, grâce à ses séquences de diffusion et de perfusion, elle présente une image de
la tumeur avec un très bon contraste. Par ailleurs, elle permet, en temps réel, de suivre et de
contrôler la progression des sondes vers la zone cible, ainsi que la progression de la glace. Celle-ci
apparaît en noir à l’IRM, alors qu’elle n’est pas visible à l’échographie.
Grâce à l’IRM interventionnelle, il donc possible d’envisager un traitement focal (ciblé) de la zone
tumorale, à la fois sûr en termes de destruction de la tumeur et sûr en termes de préservation des
tissus adjacents. C’est pourquoi j’ai souhaité que le CHU de Strasbourg soit l’un des premiers centres
au monde à proposer cette technique innovante.
Mon initiative, soutenue par Patrick Guillot, le directeur de l’établissement, a été menée en
collaboration avec le service d’urologie du professeur Lang. Elle a aussi reçu le soutien financier du
CNRS et de la Région.
Pour qui la cryothérapie sous IRM est-elle indiquée ?
Ses indications sont aujourd’hui les mêmes que celles de la cryothérapie classique, sous échographie.
Elle est proposée dans le traitement des cancers de la prostate localisés (intracapsulaires, soit un
stade inférieur à T2c) lorsque le patient présente un risque opératoire (problème cardiovasculaire,
prise d’anticoagulants, etc.) ou bien en cas de récidive, après un traitement par radiothérapie.
Comment l’intervention se déroule-t-elle ?
Le patient placé sous anesthésie générale, dans un appareil à tunnel large, genoux et pieds relevés
pour dégager le périnée. Les sondes sont introduites, en présence de l’urologue et sous contrôle
IRM, jusqu’à la zone à traiter. L’intervention dure au total environ deux heures et demie, mais les
progrès techniques en cours de développement devraient permettre de la raccourcir sensiblement.
En effet, l’installation du patient et la mise en place des sondes est la partie la plus longue du
traitement, la cryodestruction des cellules en elle-même ne dure que 30 minutes. L’utilisation de
grilles de quadrillage compatibles avec l’IRM, en cours de développement, facilitera cette mise en
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place et écourtera l’intervention : appliquées contre le périnée du patient, elles permettront de viser
plus aisément la zone cible. Enfin, les techniques de robotisation développées à l’Université de
Strasbourg par l’équipe de Michel de Mathelin, devraient, à terme, rendre le geste aisément
reproductible et accessible à tous les opérateurs.
Combien de temps le patient doit-il être hospitalisé ?
L’hospitalisation dure jusqu’à la reprise de la diurèse (émission naturelle des urines) : aujourd’hui, en
l’absence de complication la durée moyenne de l’hospitalisation est de 4 jours.
Pour plus d’information :
http://www.sigu.fr/
http://www.sfrnet.org/
http://www.sfrnet.org/JFR/JFR2012/?mapViewDataId=dd29a3ac-35bf-491e-8ea1-d1e7ee0818dc
Contact presse :
MHC Communication
Véronique Simon
01 49 12 03 43
[email protected]
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