négation ne peuvent pas être vraies en même temps »), énoncent des affirmations absolument
certaines, indépendantes de toute application dans le monde empirique. Nous ne nous bornons
pas à constater qu’en général de deux affirmations contradictoires, l’une est vraie et l’autre est
fausse : nous en sommes absolument certains, c’est-à-dire indépendamment de toute circons-
tance particulière, et même sans savoir de quelles affirmations il s’agit (du moment qu’elles
sont contradictoires). On peut avancer un autre argument : au moment même d’observer et de
décrire la façon dont les individus raisonnent, le psychologue présuppose déjà les lois logiques
telles que le principe de contradiction : pour que l’observation « L’individu Aa fait ceci » ait
un sens, il faut évidemment déjà admettre qu’elle exclut l’observation contraire « L’individu A
n’a pas fait ceci ». De façon générale, les vérités logiques ne concernent ni ne constituent aucun
domaine de connaissance en particulier, et sont valables en amont de toute vérité scientifique
particulière. Les vérités logiques sont les vérités sans lesquelles il n’y aurait pas de vérité du
tout. C’est pourquoi le philosophe et logicien allemand Gottlob Frege a pu définir la logique,
non pas comme la science des lois de la pensée, mais comme « la science de l’être vrai1».
À vrai dire, le rejet d’une explication purement psychologique de la pensée logique est es-
sentiellement motivé par la volonté de rendre compte de l’objectivité très solide propre aux
mathématiques : l’armature purement logique des raisonnements mathématiques est l’une des
raisons pour lesquelles les vérités mathématiques peuvent être considérées comme indépen-
dantes de toute condition factuelle, et en particulier comme indépendantes de la façon dont de
fait la plupart des hommes ont l’habitude de raisonner. Le débat opposant le rationalisme et le
psychologisme à propos de la logique est en réalité sous-déterminé par le statut à accorder aux
mathématiques.
Un débat plus contemporain (ancré dans le XXesiècle et non plus le XIXesiècle) concerne
le domaine de pertinence de la logique : les lois logiques concernent-elles la pensée en prise
avec le monde empirique et exprimée par le langage ordinaire, ou bien ne font-elles au contraire
que schématiser les raisonnements que l’on trouve dans les théories mathématiques ? La logique
doit-elle être conçue comme une grammaire générale, ou au contraire comme une formalisation
des mathématiques ? Ce débat n’est pas si éloigné du débat précédent opposant le psycholo-
gisme et le rationalisme. Il s’agit même en quelque sorte d’une réédition du même débat. Il ne
s’agira pas ici de trancher ce débat, mais au contraire d’insister sur les deux aspects que l’on
1« La Pensée », 1918, in [Frege(1971)].
2