Explorer le potentiel des technologies mobiles pour aider les enseignants et améliorer les pratiques

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Organisation
des Nations Unies
pour l’éducation,
la science et la culture
L’APPRENTISSAGE MOBILE POUR LES ENSEIGNANTS:
THèMES GéNéRAUX
Accent
sur les
enseignants
Série de
documents
de travail
de l’UNESCO
sur l’apprentissage
mobile
Cette licence est octroyée par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
(UNESCO) conformément aux objectifs de l’activité de la Série de documents de travail sur l’apprentissage
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reflètent pas nécessairement les points de vue de l’UNESCO.
Les désignations employées dans ce contenu et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part
de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut juridique des pays, villes ou zones, ou de leurs autorités,
ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.
Publié en 2012
par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
7, place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France
© UNESCO 2012
Droits et réutilisation conformément à la notification de licence ci-dessus
ISSN 2305-8625
Auteur pour l'UNESCO : Mark West
Coordination : Steven Vosloo and Mark West
Édition et création graphique : Rebecca Kraut
Couverture : Aurélia Mazoyer
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SUR LA SÉRIE La présente publication s’inscrit dans la Série de documents de travail de l’UNESCO sur
l’apprentissage mobile. Celle-ci vise à mieux comprendre comment on peut utiliser les
technologies mobiles pour améliorer l’accès à l’éducation et l’équité et la qualité des services
éducatifs à travers le monde. Elle se compose de quatorze documents qui paraîtront tout au
long de l’année 2012.
La Série est divisée en deux grands sous-ensembles : six publications analysent l’impact des
initiatives en matière d’apprentissage mobile, ainsi que leurs implications en termes de
politiques, et six autres examinent l’aide que les technologies mobiles peuvent apporter aux
enseignants en vue d’améliorer leur pratique.
Chacun des sous-ensembles aborde cinq régions géographiques : Afrique et Moyen-Orient,
Amérique latine, Amérique du Nord, Asie et Europe. Il contient aussi une publication
consacrée aux « Thèmes généraux », qui fait la synthèse des résultats des cinq documents
régionaux.
Deux fascicules intitulés « Questions » complètent la Série. Le premier souligne les points
communs entre les expérimentations réussies et identifie les politiques de soutien. Le second
s’attache à évaluer l’impact futur des technologies mobiles sur l’éducation.
La Série offre un aperçu global des efforts d’apprentissage mobile en cours à travers le monde.
Pris ensemble ou séparément, tous ces documents rassemblent les enseignements qui ont tirés
dans les différentes régions du monde, offrant aux responsables politiques, aux éducateurs et
aux autres parties prenantes un outil précieux pour l’application des technologies mobiles à
l’amélioration de l’apprentissage, aujourd’hui et demain.
L’UNESCO projette d’ajouter d’autres titres à la Série après 2012. L’Organisation espère que
ces ressources aideront les divers publics à mieux saisir le potentiel éducatif des technologies
mobiles.
On trouvera l’ensemble des titres actuels et futurs de la Série sur :
http://www.unesco.org/new/en/unesco/themes/icts/m4ed/
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REMERCIEMENTS Le présent document est le fruit des efforts de nombreuses personnes.
Mark West, boursier du Programme Fulbright des États-Unis travaillant à l’UNESCO, a
effectué les recherches et signé ce document. Il a bénéficié des informations fournies par
Steven Vosloo et Rebecca Kraut, et des contributions de nombreux experts, dont les
participants à la Première Semaine de l’apprentissage nomade de l’UNESCO, organisée à
Paris en décembre 2011.
Ce document s’inscrit dans la Série de documents de travail de l’UNESCO sur l’apprentissage
mobile. La Série elle-même a été conçue par Francesc Pedró, tandis que Steven Vosloo et
Mark West en assuraient la coordination et la gestion quotidienne. Plusieurs spécialistes de
l’éducation de l’UNESCO, dont David Atchoarena, Fengchun Miao et Jongwon Seo, ainsi que
les partenaires de l’UNESCO au sein de Nokia, en particulier Riitta Vänskä et Gregory
Elphinston, ont également participé au projet. Au sein de l’UNESCO, Marie-Lise Bourcier
mérite une mention particulière pour son soutien précieux. Enfin, la Série doit beaucoup au
remarquable travail éditorial de Rebecca Kraut.
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TABLE DE MATIÈRES SUR LA SÉRIE....................................................................................................................3 REMERCIEMENTS .............................................................................................................4 CRISE MONDIALE DES ENSEIGNANTS : UN ÉTAT DES LIEUX........................................6 L’APPRENTISSAGE MOBILE POUR LES ENSEIGNANTS : PRINCIPAUX RÉSULTATS .......8 Les téléphones mobiles, un moyen de faciliter l'accès à l'éducation
Les téléphones mobiles au service de l'instruction, de l'administration et de la formation
professionnelle
Contenus éducatifs en ligne
Communication administrative
Le développement professionnel
La place centrale des enseignants dans l'apprentissage mobile
L’apprentissage mobile favorise la sécurité des étudiants en ligne et ailleurs
Il est indispensable d'améliorer les contenus éducatifs, les plates-formes logicielles et les modèles
pédagogiques
CONSIDÉRATIONS POLITIQUES...................................................................................21 CONCLUSION ...............................................................................................................24 5---
CRISE MONDIALE DES ENSEIGNANTS : UN ÉTAT DES LIEUX Il est impératif de former des enseignants de qualité. Selon les dernières données disponibles
de l’Institut de statistique de l’UNESCO, le monde connaît un problème massif de pénurie
d’enseignants. Pour assurer l’éducation primaire pour tous à l’horizon 2015 comme les
prévoient les Objectifs du Millénaire pour le développement, il faudrait recruter à l’échelle
mondiale quelque 8,2 millions d’enseignants dans le primaire, dont 6,1 millions pour
remplacer les enseignants qui abandonneront la profession au cours des trois prochaines
années, et 2,1 millions pour pourvoir les nouveaux postes. Pour rendre ces chiffres peu
réjouissants un peu plus parlants, sachez que 8,2 millions équivaut grosso modo à la
population des Émirats Arabes Unis, qu’aux États-Unis le nombre d’enseignants du primaire et
du secondaire réunis est inférieur à 6,1 millions et que 2,1 millions de passagers monteront à
bord d’avions de ligne au cours des prochaines 24 heures. Imaginons un instant la somme
d’efforts et de ressources nécessaire pour transformer en enseignant du primaire accompli
chacun de ces voyageurs – en passant par toutes les aérogares de Santiago à Moscou. Cette
analogie manque peut-être de finesse, mais elle montre bien l’ampleur de la pénurie
d’enseignants à l’heure actuelle.
À ces défis purement mathématiques s’ajoute le fait que, loin d’être homogènement répartie,
la crise des enseignants touche avant tout les pays et les communautés déjà en proie à
d’autres difficultés (taux de chômage élevé, pauvreté, infrastructures insuffisantes et instabilité
politique). Alors que beaucoup de pays développés ont un surplus d’enseignants qualifiés,
dans les pays pauvres le déficit est souvent abyssal. Ainsi, l’Afrique subsaharienne aurait à elle
seule besoin de la moitié des 2,1 millions de nouveaux postes à créer. Dans bon nombre de
pays de cette région, il faudrait multiplier l’effectif enseignant par deux, trois ou même quatre.
Et encore, ces chiffres vertigineux ne concernent pas les enseignants du secondaire. Si c’était
le cas, en plus des 8,2 millions d’enseignants nécessaires à la réalisation de l’éducation
primaire universelle, il serait nécessaire de former et de recruter plusieurs millions
d’enseignants supplémentaires. Dans beaucoup de pays en développement, la crise touche
tous les niveaux d’enseignement. De l’école primaire à l’université, le manque d’enseignants
est extrêmement alarmant.
Mais hélas, les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là : lié au problème de la pénurie, celui
de la faible qualité des enseignants est tout aussi inquiétant. Il ressort des données réunies par
les Nations Unies que partout dans le monde, beaucoup d’enseignants travaillent sans les
qualifications ou la préparation requises pour répondre aux besoins éducatifs du XXIe siècle.
Bien que les employeurs exigent de plus en plus que leurs employés soient capables
d’organiser, de filtrer et d’exploiter l’information en faisant preuve de créativité, dans les
écoles on se contente encore trop souvent de demander aux élèves d’apprendre par cœur le
contenu des manuels. En outre, étant donné les exigences du monde du travail actuel, les
éducateurs qui n’apprennent pas à leurs étudiants à exploiter les technologies pour améliorer
leur productivité contribuent, sans le vouloir, à mal les préparer à la vie professionnelle.
Comme le reconnaissent l’UNESCO et d’autres organisations internationales, pour garantir la
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qualité de l’éducation, il ne suffit pas d’amener les adultes à reprendre le chemin de l’école, il
faut en outre s’assurer durablement de la qualité des enseignants. Tout comme la pénurie
d’enseignants, le défaut de qualité touche surtout les pays en développement. Beaucoup
d’éducateurs ne maîtrisent pas les matières qu’ils enseignent et arrivent parfois en classe avec
une formation pédagogique insuffisante, voire inexistante. Le plus souvent, ces enseignants
sont mal rémunérés, ils n’ont pas de possibilités de formation professionnelle et ne reçoivent
pas d’appui suffisant de la part des administrateurs.
Bref, pour surmonter la crise des enseignants qui sévit sur l’ensemble de la planète, il nous
faudra accomplir simultanément deux tâches titanesques : augmenter la quantité et la qualité
du corps enseignant dans toutes les régions du monde. Il faut agir au plus vite, en particulier
dans les communautés pauvres, où la crise est la plus grave. Comme le révèlent clairement
les documents de la présente Série, les technologies mobiles peuvent aider les pays à
atteindre ce double objectif. Si elles ne constituent pas la seule et unique solution, alliées à
d’autres technologies, elles contribuent, comme l’expérience le montre abondamment, à
accroître l’efficacité de l’éducation et à aider les enseignants, qu’ils soient débutants ou
expérimentés, à acquérir des compétences complexes et à accomplir en classe un travail
constructif. Les documents sur « L’apprentissage mobile pour les enseignants » examinent les
initiatives menées à ce jour et décrivent quelques-unes des mille et une façons d’utiliser les
technologies mobiles pour donner un appui et une formation aux enseignants dans différentes
régions et situations du monde.
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L’APPRENTISSAGE MOBILE POUR LES ENSEIGNANTS : PRINCIPAUX RÉSULTATS L’accès des enseignants aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dans
les écoles est généralement limité, voire inexistant dans les communautés où les défis
éducatifs sont les plus graves. Aujourd’hui, cependant, la situation a changé. Grâce à la baisse
rapide du prix des téléphones mobiles, le nombre d’abonnements de téléphonie mobile dans
le monde a franchi la barre des 5,9 milliards. Les téléphones mobiles sont extrêmement
répandus, et ce jusque dans les régions où les ordinateurs et les établissements de formation
des maîtres sont rares. Et, le plus souvent, les enseignants savent à peu près comment les faire
fonctionner. En Afrique, continent où les besoins en éducation sont les plus urgents, de 600
000 en 1995, le nombre d’abonnements de téléphonie mobile devrait dépasser les 735
millions avant la fin 2012. (On notera au passage que la dernière technologie à avoir connu
un tel essor en Afrique était l’AK-47.) Pour la première fois dans l’histoire, dans les pays
développés ou en développement, la grande majorité des enseignants ont directement accès à
des technologies de la communication très puissantes, ce qui ouvre des perspectives
extrêmement prometteuses.
Les cinq documents sur « L’apprentissage mobile pour les enseignants » montrent comment
les technologies mobiles aident les éducateurs dans leur travail, que ce soit dans leurs
relations avec les étudiants ou en leur permettant de perfectionner leurs compétences
pédagogiques et thématiques. Ces documents, qui font partie de la Série de l’UNESCO
consacrée de manière plus générale à l’apprentissage mobile, sont organisés par région et
décrivent une multitude de projets novateurs, des programmes visant à faciliter la
communication entre enseignant et étudiants au Mozambique à l’initiative Presemo en
Finlande, où les technologies mobiles stimulent la participation et l’interactivité d’un grand
nombre d’étudiants. Ces projets n’en sont qu’à leurs balbutiements, et pourtant ils préfigurent
sans doute la façon dont les appareils mobiles, qui gagnent chaque jour en puissance,
bouleverseront et amélioreront l’éducation à l’avenir. Ils incitent également les responsables
politiques et les éducateurs à sortir des sentiers battus lorsqu’ils cherchent des solutions à la
crise des enseignants. Ainsi, si les pays n’ont pas les moyens de former des enseignants à
l’université ou dans des instituts spécialisés, ils pourront néanmoins apporter aux enseignants
en poste un appui précieux via les téléphones mobiles qu’ils possèdent déjà. À l’inverse, un
pays disposant d’un réseau bien établi de centres de formation des enseignants pourra mettre
à profit la téléphonie mobile pour multiplier ou compléter les possibilités de formation
continue. Ces cinq documents régionaux examinent les stratégies élaborées par les écoles, les
systèmes éducatifs et les gouvernements pour utiliser les téléphones mobiles pour le plus
grand profit des enseignants.
Bien que les stratégies varient considérablement selon les régions, les pays et les programmes,
les tendances majeures qui se dégagent n’obéissent pas à une logique géographique.
Premièrement, les téléphones mobiles ont la capacité d’ouvrir l’accès à l’éducation à des
groupes d’enseignants et d’étudiants qui se situent hors de la portée des systèmes éducatifs
classiques. Deuxièmement, les téléphones mobiles peuvent faciliter l’enseignement en classe,
les communications avec l’administration et la formation professionnelle des enseignants.
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Troisièmement, les enseignants ont un rôle crucial à jouer dans le développement d’un
système éducatif qui adopte l’apprentissage mobile, il est donc indispensable de les former
efficacement et de les rallier à cette approche. Quatrièmement, même si beaucoup de parents
et d’éducateurs préconisent d’interdire les appareils mobiles en classe pour des raisons de
sécurité, l’apprentissage à distance contribue à renforcer la sécurité des étudiants ; il s’agit en
effet d’apprendre aux étudiants à naviguer en ligne de façon responsable et d’utiliser les
fonctions de communication des téléphones mobiles afin de leur fournir des informations
relatives à la sécurité dans un souci de rapidité, d’efficacité et de protection de la vie privée.
Enfin, il importe d’actualiser, d’étendre et d’améliorer les contenus éducatifs numériques, les
plates-formes logicielles et les modèles pédagogiques afin de permettre aux enseignants et
aux étudiants de profiter pleinement de la chance unique que leur offre l’apprentissage
mobile. Ces constations, tirées des documents régionaux, seront abordées dans les sections
suivantes.
LES TÉLÉPHONES MOBILES, UN MOYEN DE FACILITER L’ACCÈS À L’ÉDUCATION S’il fallait trouver un fil conducteur pour relier les divers projets décrits dans les documents de
l’UNESCO, ce serait le formidable potentiel des téléphones mobiles, qui ouvrent l’accès à
l’éducation aux apprenants isolés et défavorisés. Bien des étudiants qui ne possèdent ni livre
ni ordinateur ont en revanche un téléphone mobile, de même que ceux qui ne fréquentent
pas l’école classique parce qu’il n’en existe pas dans la région où ils habitent ou qu’ils n’ont
pas les moyens de s’y rendre. Ainsi, de nombreux exemples de projets s’appuient sur les
appareils mobiles pour transmettre un contenu éducatif. C’est ainsi qu’à Lahore, Pakistan, un
projet mis en œuvre par l’UNESCO utilise la technologie du service d’envoi de messages
courts (SMS, ou texto) pour diffuser des contenus éducatifs à des apprenants socialement et
économiquement défavorisés ayant suivi jusqu’au bout une formation présentielle en
alphabétisation dans des centres éducatifs. Le programme a pour but d’aider les étudiants à
mémoriser et à consolider leurs nouvelles compétences en lecture et en écriture, qui souvent
s’érodent lorsqu’elles ne sont pas régulièrement appliquées. Autre exemple, celui de la Boat
School au Bangladesh, qui utilise diverses technologies, dont les téléphones mobiles, pour
donner une chance d’éducation à 87 000 familles vivant dans des communautés
marginalisées installées le long des voies d’eau. Sans ces appareils mobiles connectés à
Internet, ces familles n’auraient aucun lien avec la société de l’information. Dans l’ensemble,
les projets de ce type ont permis de dispenser une éducation adaptée dans des régions où elle
était jusqu’alors inaccessible. Les chercheurs constatent également qu’ils produisent des effets
bénéfiques imprévus : des femmes à qui on a procuré un téléphone mobile au Moyen-Orient
et en Afrique ont déclaré se sentir plus autonomes et davantage connectées à leur
communauté en dehors de leur famille ; les enfants participant aux diverses initiatives
d’apprentissage mobile ont appris à leurs parents comment utiliser plus efficacement les
appareils mobiles ; et, dans certains cas, des étudiants qui venaient de rejoindre des réseaux
expérimentaux d’apprentissage mobile ont échangé les uns avec les autres sur des questions
éducatives plus souvent que ne l’avaient prévu les enseignants.
Outre l’aide qu’ils apportent aux étudiants connaissant de graves difficultés, les projets décrits
dans cette Série proposent des possibilités d’éducation aux personnes qui, en raison de leur
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profession, ne peuvent facilement aller à l’école. Le projet Bloom (Bite-sized Learning
Opportunities on Mobile Devices), par exemple, qui a été lancé dans plusieurs pays de
l’Union européenne, ciblait les professionnels du secteur des transports qui, comme les
chauffeurs de taxi, ne peuvent assister à des cours classiques en raison d’horaires de travail
irréguliers. Le projet a montré qu’il était possible d’apporter un enseignement pertinent à des
étudiants dans des circonstances inhabituelles afin de réaliser des objectifs relatifs à
l’apprentissage tout au long de la vie. À la faculté de médecine de l’Université de Leeds,
Royaume-Uni, conscients qu’il était difficile pour les étudiants travaillant dans les divers
hôpitaux et cliniques de la région d’assister aux cours et de communiquer avec leurs
professeurs sur le campus, les éducateurs ont décidé que certains modules d’évaluation et de
tutorat passeraient dorénavant par le téléphone mobile. Le système de Leeds a été conçu pour
proposer des possibilités éducatives adaptées à un contexte particulier. Ainsi, aussitôt terminé
l’évaluation de son patient, l’étudiant en médecine réfléchira, à l’aide d’un appareil mobile, à
la qualité de son examen. Ce système aide les étudiants à se souvenir de tous les détails d’une
évaluation, à noter des questions à l’intention de médecins expérimentés et à mettre au point
des stratégies qui amélioreront leurs évaluations à l’avenir.
Compte tenu de la baisse ininterrompue du prix des technologies mobiles, dans toutes les
communautés, qu’elles soient riches ou pauvres, les étudiants de tout âge peuvent s’engager
plus avant dans l’auto-apprentissage. Grâce au téléphone mobile, l’information n’est plus une
« denrée » rare, et même les appareils les plus simples donnent accès à une pléiade de
contenus éducatifs. Reconnaissant que la transmission de l’information a cessé d’être l’unique
prérogative de l’école, les documents régionaux préconisent que les systèmes éducatifs aident
les étudiants à cultiver l’amour de l’apprentissage tout en les dotant des compétences
cognitives requises pour poursuivre un apprentissage qui ne soit pas nécessairement scolaire.
L’économie et le monde évoluent très vite et, dans un tel contexte, les écoles ne peuvent plus
espérer familiariser leurs étudiants avec ne serait-ce qu’une petite fraction des informations
dont ils auront vraisemblablement besoin dans leur vie professionnelle et personnelle. Le rôle
de l’école devrait plutôt consister à « apprendre à apprendre » à l’aide de meilleures
technologies disponibles afin que les étudiants aient ensuite l’aptitude à acquérir, en dehors
de l’éducation formelle, de nouvelles compétences en fonction de l’évolution de leurs
besoins.
Malgré les efforts concertés déployés pour réaliser l’éducation primaire universelle et
généraliser la possibilité d’enseignement secondaire et supérieur, le nombre de jeunes
déscolarisés et d’enseignants privés d’accès aux ressources éducatives de base se chiffre
toujours par millions. Parce qu’ils sont accessibles partout ou presque, les appareils mobiles
apportent des possibilités d’éducation aux étudiants et aux enseignants où qu’ils se trouvent.
Voilà pourquoi, pour résumer, l’apprentissage mobile est si enthousiasmant. Selon les
documents de la Série, les effets bénéfiques des technologies mobiles pour l’éducation des
étudiants défavorisés et des enseignants travaillant dans des situations difficiles n’ont sans
doute pas d’équivalent dans l’histoire.
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LES TÉLÉPHONES MOBILES AU SERVICE DE L’INSTRUCTION, DE L’ADMINISTRATION ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE Quelques-uns des projets relatifs à l’apprentissage mobile décrits dans les documents
régionaux avaient pour objectif d’aider les enseignants à mieux exercer un métier difficile,
que ce soit en les soutenant dans leur travail quotidien ou en leur proposant de nouvelles
possibilités de formation professionnelle. Tout d’abord, les contenus en ligne, accessibles
pour la plupart via des appareils mobiles, fournissent aux enseignants comme aux étudiants
une multitude de matériels éducatifs qui viennent renforcer et compléter l’enseignement en
classe. En outre, les téléphones mobiles peuvent faciliter et améliorer la communication
d’ordre administratif entre les écoles, les étudiants, les enseignants et les parents. Enfin, les
téléphones mobiles peuvent favoriser le développement professionnel des enseignants dans la
mesure où ils facilitent le tutorat et l’observation des enseignants en formation et en exercice
et où ils permettent aux enseignants de prendre part aux communautés professionnelles en
ligne.
CONTENUS ÉDUCATIFS EN LIGNE À l’heure actuelle, on peut accéder librement sur Internet à des plans de cours et à des
contenus éducatifs consultables dans des archives d’une grande richesse. Lorsqu’ils n’avaient
pas d’ordinateur, il y a quelques années, les enseignants pouvaient difficilement accéder à ces
matériels mais, aujourd’hui, l’essentiel de ces données peut être téléchargé, lu ou même
projeté ou imprimé au moyen d’appareils mobiles tels que les smartphones. Le Mozambique
en particulier a su reconnaître que les téléphones mobiles pouvaient faciliter la transmission
des programmes d’enseignement aux étudiants et aux enseignants. Le Ministère de
l’éducation a ainsi adapté des contenus du curriculum aux téléphones mobiles, et ce dans des
versions multiples afin de répondre aux besoins culturels et linguistiques particuliers. De la
même façon, aux États-Unis, le Département de l’éducation use de toute son influence pour
faire aboutir un projet de construction de bases de données en ligne de matériels
pédagogiques faciles à consulter. Ces bases de données permettront de mettre en œuvre des
fonctionnalités telles que l’évaluation des contenus par les pairs et de favoriser l’organisation
par matière et par classe. Dans de nombreuses situations, les bases de données de ce type
sont déjà une réalité. La Khan Academy réunit ainsi un somme impressionnante de
conférences sur l’éducation, et on trouve sur iTunes, la boutique en ligne d’Apple, une
section consacrée aux contenus en diffusion libre fournis par les universités. Plus récemment,
des plates-formes numériques telles que Cousera et Udacity ont mis en ligne des cours
entiers, ainsi que des systèmes permettant d’évaluer, de noter, de favoriser l’aide mutuelle
entre étudiants et de remettre des certificats de fin d’études. Il ne s’agit pas là de cas isolés
quelque peu extravagants, ces projets sont en effet soutenus par des universités parmi les plus
prestigieuses au monde, comme Stanford, Harvard et le Massachusetts Institute of Technology
(MIT). Les enseignants se servent de ces outils en ligne pour rafraîchir leurs propres
connaissances et aider les étudiants en difficulté ou, à l’inverse, demander plus à ceux qui
excellent. Les matériels étant accessibles à partir d’appareils mobiles à la fois en ligne et hors
ligne, les enseignants peuvent consulter les archives au moment qui leur convient le mieux.
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COMMUNICATION ADMINISTRATIVE Les documents régionaux décrivent également des projets qui utilisent les téléphones mobiles
à des fins certes moins glorieuses mais néanmoins très concrètes : la transmission
d’informations brèves, simples et concises. Le système Mobile Oxford conçu par l’Université
d’Oxford, Royaume-Uni, permet aux étudiants d’accéder, grâce au portail mobile qui leur est
fourni, à des informations sur leurs classes (plan de cours, horaires) et de télécharger des
documents à lire sur leur appareil mobile. La plate-forme, qui utilise un cadre d’application
Web propriétaire baptisé Molly, fonctionne avec la quasi-totalité des téléphones mobiles. Au
Moyen-Orient, des écoles ont élaboré des systèmes permettant aux enseignants d’envoyer à
leurs étudiants des textos pour leur rappeler la date de remise des devoirs. Dans d’autres
projets, les enseignants et les administrateurs envoient des messages aux parents pour les tenir
informés des progrès scolaires de leurs enfants ou les avertir d’une absence. Ailleurs, les
appareils mobiles servent à prévenir les familles des événements, ou encore de la fermeture
de l’école. Ces programmes sont simples mais efficaces. Ils n’utilisent certes pas les
microprocesseurs et les smartphones les plus récents, ni une puissance de traitement
ultrarapide, mais ils rendent service aux enseignants et aux écoles et, comme l’expliquent en
détail les documents, ils sont généralement très efficaces. Citons un exemple tiré des
documents : lorsqu’en Norvège, les enseignants ont décidé d’envoyer un texto de rappel au
sujet des « cours du soir pour parents », la participation est passée de 60 à plus de 80 %. En
mettant à profit un outil technologique consulté plusieurs fois par jour ou même par heure, le
projet norvégien a pu renforcer la communication entre parents et enseignants. On notera
avec intérêt que dans toutes les régions du monde, les parents et les étudiants préfèrent
recevoir des nouvelles et des informations par téléphone mobile. Et contrairement aux
brochures imprimées, les messages numériques permettent tout autant d’obtenir que de
diffuser des informations, en recueillant des renseignements auprès des parents et des
étudiants par texto ou sondage. Ainsi, grâce à des outils technologiques facilement
accessibles, un chef d’établissement informera un parent que son enfant risque de ne pas
réussir son année tout en lui proposant un rendez-vous pour en discuter. À la réception d’un
tel message, il suffira au parent d’appuyer sur une ou deux touches de son téléphone mobile
pour indiquer que la date de réunion lui convient. Le rendez-vous apparaîtra alors
automatiquement sur l’agenda du directeur. Dans la plupart des cas, les messages envoyés via
des appareils mobiles sont plus rapides, plus fiables, plus efficaces et moins coûteux que
lorsqu’ils sont transmis à l’aide d’autres moyens de communication. Il est donc tout naturel
que les enseignants en tirent parti afin de faciliter les communications administratives avec les
étudiants et leurs parents.
LE DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL Les téléphones mobiles, en particulier les smartphones munis d’écrans de grande taille,
peuvent faciliter la réalisation de tâches plus complexes. Comme l’expliquent en détail les
documents régionaux, ce sont des outils d’un bon rapport coût-efficacité à l’appui de la
formation continue et initiale des enseignants, principalement parce qu’ils facilitent le tutorat
et la participation dans les communautés professionnelles.
Le tutorat compte parmi les modes de développement professionnel les plus efficaces. Il s’agit
pour un maître-formateur d’observer un enseignant moins expérimenté dans l’exercice de ses
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fonctions et d’en tirer une évaluation constructive. Les téléphones mobiles contribuent à
réduire les coûts du tutorat en permettant à un maître-formateur de suivre un plus grand
nombre d’enseignants en passant moins de temps en observations et en réunions. Selon le
document relatif à l’Amérique du Nord :
Lorsqu’il mène ses observations par vidéo et qu’il envoie ses évaluations via des appareils mobiles,
le maître-formateur peut produire des observations plus souvent, tout en passant moins de temps
en déplacements entre les classes et entre les écoles. Logistiquement plus satisfaisant, ce mode de
fonctionnement est aussi de nature à améliorer la qualité des observations car il permet au maîtreformateur d’arrêter et de repasser la vidéo, chose impossible lors des observations in situ. Le tutorat
au moyen des technologies mobiles renforce en outre le niveau de soutien dont bénéficient les
enseignants car il favorise une plus grande régularité des communications entre les enseignants et
les maîtres-formateurs.
Des stratégies similaires peuvent être mises en place pour les enseignants en formation. En
Amérique du Nord et dans d’autres régions, pour se filmer en train de donner un cours, les
formateurs débutants n’utilisent pas de caméras vidéo mais des smartphones, beaucoup moins
onéreux, très faciles à transporter et généralement équipés de caméras et microphones
puissants. Les vidéos sont ensuite téléchargées sur un serveur, où les professeurs et les pairs
pourront les visionner lorsqu’ils le souhaitent. Grâce à ce système, les formateurs mettent en
place des dossiers de pratiques pédagogiques qui pourront être consultés à un stade ultérieur
pour suivre la progression des enseignants. Les enseignants en formation et leurs formateurs
peuvent analyser les vidéos et discuter des interactions. Les vidéos aident en outre les
enseignants débutants à réfléchir à leur propre pratique et aux moyens de l’améliorer. Bien
que ce système soit relativement nouveau, il existe déjà des applications spécifiques pour
smartphones.
En matière de développement professionnel, le principal intérêt des technologies mobiles est
de permettre aux enseignants de participer aux communautés professionnelles en ligne.
Qu’elles soient formelles ou informelles, ces communautés ont toutes pour objectif
d’améliorer les connaissances et les pratiques d’un métier donné. Souvent consacrées à une
classe ou à une matière, ces communautés réunissent des enseignants qui seraient sans quoi
isolés de leurs collègues. Il existe ainsi plusieurs communautés d’appui aux enseignants
spécialisés, qui n’ont généralement pas d’homologue dans l’école ou la région où ils
travaillent. Au sein des communautés professionnelles, les enseignants coopèrent avec leurs
pairs à l’aide d’appareils mobiles qui leur permettent également avec facilité et rapidité de
poser des questions et de discuter de sujets particuliers, de partager des vidéos, des plans de
cours, des exposés et autres ressources. Certaines sont hébergées sur des sites spécialisés,
d’autres sur des applications mobiles. D’autres encore utilisent des plates-formes de réseaux
sociaux très largement répandues comme Facebook, Google+ ou Twitter. Ces communautés
d’enseignants allient rencontres présentielles et communication numérique, comme l’illustre
l’exemple du Teaching Biology Project en Afrique du Sud, qui organise chaque année trois
ateliers de formation continue à l’intention des enseignants. L’atelier vise à renforcer les
connaissances des enseignants en biologie évolutionniste tout en favorisant la constitution de
réseaux avec les enseignants d’autres écoles. Entre deux ateliers, les participants échangent
des textos thématiques ou administratifs et des messages de motivation. Le projet a créé sa
propre page Facebook, un compte Twitter et un profil sur Mxit, une plate-forme de médias
sociaux populaire en Afrique du Sud. À intervalle régulier, les enseignants consultent sur leur
téléphone mobile les ressources et les messages publiés sur ces sites. Le projet est apprécié
des enseignants et montre que les technologies mobiles favorisent l’entraide entre les
13---
enseignants appartenant à une même communauté professionnelle. Des projets semblables
ont été mis en œuvre dans d’autres pays.
LA PLACE CENTRALE DES ENSEIGNANTS DANS L’APPRENTISSAGE MOBILE On relèvera que les projets d’apprentissage mobile présentés dans les documents régionaux
exigent plus de compétences, et non moins, de la part des enseignants. Prenons pour exemple
l’initiative de vaste envergure actuellement en cours aux Philippines, Text2Teach (T2T),
décrite en détail dans le document consacré à l’Asie. Partie prenante d’une association
multisectorielle de programmes d’éducation interactive et multimédias présente dans le
monde entier et baptisée BridgeIT, ce programme se sert des téléphones mobiles pour aider
les enseignants du primaire à planifier et à dispenser des cours intéressants et conformes aux
programmes nationaux. À l’aide des téléphones mobiles fournis dans le cadre du projet, les
enseignants téléchargent des vidéos pédagogiques correspondant aux plans de cours
recommandés. Les chefs de projet apprennent aux enseignants à utiliser les téléphones
mobiles afin de sélectionner les vidéos qui les concernent dans une bibliothèque en ligne et à
les projeter en classe en reliant les téléphones à des projecteurs numériques ou à des postes
de télévision. Tout en aidant les enseignants à surmonter les difficultés techniques, les
formateurs leur montrent également comment intégrer les vidéos à leurs cours de façon à
favoriser un apprentissage fondé sur l’enquête et la collaboration. Le programme privilégie
non pas le savoir-faire technique mais la formation pédagogique. Les enseignants sont
également encouragés à utiliser leur téléphone mobile pour communiquer avec d’autres
participants au programme T2T, constituant ainsi des communautés de pratique. À l’aide
d’une plate-forme de médias sociaux, les enseignants partagent des idées, évoquent des
problèmes et posent des questions sur la mise en œuvre du programme.
T2T revêt une grande importance dans la mesure où, comme plusieurs autres projets décrits
dans les documents, il reconnaît le rôle central des enseignants et s’efforce de développer
leurs compétences pédagogiques et curriculaires en leur montrant comment utiliser les
technologies pour que l’éducation en tire le plus grand profit. Ce programme n’essaie pas de
contourner les éducateurs en les remplaçant par des appareils numériques, pas plus qu’il
n’utilise les technologies inutilement. Les raisons qui poussent à intégrer les technologies sont
clairement définies : les vidéos contribuent à stimuler l’intérêt des étudiants pour des matières
spécifiques, tandis que les téléphones mobiles et les plateformes technologiques offrent aux
enseignants des aides pédagogiques multimédias et pratiques. Comme il ressort d’évaluations
externes, le programme T2T a permis aux étudiants d’obtenir de meilleurs résultats et
contribué à réduire le taux d’abandon scolaire. En outre, le programme a fourni des matériels
d’apprentissage puissants à des écoles pauvres en ressources et renforcé les compétences en
TIC du corps enseignant du pays.
Solidité des partenariats, soutien de la communauté et évaluation et révision régulières, T2T
doit sa réussite à de nombreux facteurs, mais les auteurs des documents ont choisi de faire
ressortir une qualité souvent négligée : la facilité d’utilisation pour les enseignants. Trop
souvent, les initiatives visant à intégrer les technologies mobiles à l’éducation échouent parce
que, sans le vouloir, elles compliquent la tâche des éducateurs, dont l’emploi du temps est
14---
déjà très rempli et parfois surchargé. Les enseignants voient souvent dans les stratégies de
développement de l’apprentissage mobile « une chose de plus à faire », plutôt qu’un outil
destiné à leur faciliter la vie. T2T suit une approche toute différente. Chaque vidéo est
complétée par une proposition de plan de cours, ce qui réduit la charge de travail des
enseignants et, selon le document, leur permet de consacrer plus de temps à leur famille. De
sa conception à sa mise en œuvre sur le terrain, le projet cherche à rendre les enseignants
plus efficaces mais aussi à alléger leur charge de travail, et non l’inverse. Les enseignants
indiquent que T2T leur convient car il contribue, dans une certaine mesure, à simplifier un
métier difficile.
Il ressort de tous les documents régionaux que la plupart des projets de développement de
l’apprentissage mobile ne prennent pas suffisamment la peine de former les enseignants aux
technologies mobiles dans le but d’améliorer leur travail auprès des étudiants. La recherche
montre très clairement que, faute d’interventions pertinentes, les enseignants utiliseront le
plus souvent les technologies mobiles pour « faire du vieux avec du neuf » au lieu de modifier
en profondeur leurs méthodes pédagogiques. Le document relatif à l’Amérique latine illustre
très clairement cette difficulté et estime que l’enseignant doit être au centre de toute initiative
de développement de l’apprentissage mobile :
Si les ressources numériques sont une composante majeure de l’apprentissage mobile, elles n’en
sont pas la seule, loin s’en faut ; les programmes ne seront efficaces qu’à condition de définir des
stratégies pédagogiques axées sur l’utilisation de ces ressources. Quelle que soit la technologie
utilisée, dans le contexte scolaire, c’est l’enseignant qui favorise l’apprentissage. L’enseignant n’est
pas simplement un individu qui fournit des ressources aux élèves et qui les guide du début à la fin
d’une séquence d’activités prédéfinies. Les enseignants modifient et adaptent en permanence les
activités d’apprentissage afin de répondre aux besoins de chacun de leurs élèves. Ils s’appuient sur
ce qu’ils savent des étudiants, de leurs centres d’intérêts à leur milieu d’origine, pour rendre leurs
cours plus stimulants ; ils effectuent continuellement des évaluations, formelles et informelles,
pour déterminer le niveau de connaissances de leurs élèves ainsi que les compétences et les
connaissances qu’ils devront renforcer ; ils anticipent les erreurs et les difficultés les plus
communes et cherchent les meilleures solutions pour les surmonter ; enfin, ils évaluent les progrès
et l’apprentissage des étudiants à l’échelle de l’individu et de la classe. Bref, l’enseignant est
essentiel au processus d’apprentissage. Or, peut-être plus intéressés par les technologies que par
l’éducation, les concepteurs de projets d’apprentissage mobile ont souvent tendance à négliger
l’importance des enseignants.
Pour que les choses soient bien claires, le document relatif à l’Amérique latine fait une
comparaison détaillée entre deux grandes initiatives actuellement en cours dans la région :
BridgeIT et EMIA-SMILE (Entorno Móvil Interactivo de Aprendizaje, environnement
d'apprentissage mobile et interactif, inspiré du Stanford Mobile Inquiry-based Learning
Environment (SMILE), ou environnement d'apprentissage mobile fondé sur l'enquête de
Stanford). Bien que visant l’une et l’autre à renforcer l’enseignement et l’apprentissage, ces
deux initiatives emploient deux approches radicalement différentes. BridgeIT, très semblable
au programme T2T décrit ci-dessus, consacre des ressources importantes à la formation, pour
aider les enseignants à planifier des cours interactifs et centrés sur l’étudiant. Des appareils
mobiles, qui permettent d’accéder à une vidéothèque consacrée aux matières au programme,
sont fournis aux enseignants. À l’inverse, EMIA-SMILE, programme conçu par le professeur
Paul Kim à l’Université de Stanford, distribue des appareils mobiles à de petits groupes
d’étudiants afin de favoriser un apprentissage en classe fondé sur la collaboration et l’enquête.
Le projet EMIA-SMILE s’appuie moins sur les enseignants et, à la différence de BridgeIT, son
budget de formation des enseignants n’est pas considérable. Au lieu de quoi, la pédagogie est
15---
directement intégrée aux appareils mobiles. Les étudiants suivent pas à pas les instructions du
logiciel qui, en ce sens, favorise un apprentissage « sans enseignant ». Les auteurs du
document sur l’Amérique latine ne semblent pas persuadés de la réussite d’un projet dans
lequel ce n’est pas l’instructeur qui est aux commandes de l’enseignement. EMIA-SMILE ne
semble pas avoir défini de stratégie claire sur la nécessité de donner une formation
permanente aux enseignants qui font l’expérience de l’apprentissage fondé sur l’enquête. Le
projet produirait sans doute des résultats plus bénéfiques si, au lieu de laisser au seul logiciel
le soin de transformer les méthodes d’enseignement, il déployait davantage d’efforts pour
former les enseignants à des principes et à des méthodes spécifiques. Le document reconnaît
toutefois sans tergiverser qu’il est difficile de faire évoluer la pratique des enseignants. Les
évaluations externes en Amérique latine révèlent ainsi que le programme BridgeIT n’est pas
vraiment parvenu à améliorer l’instruction. Comme l’indique un audit du projet, les
enseignants ont généralement utilisé les plans de cours et les vidéos mais ont continué à
enseigner sans rien changer à leurs pratiques, sans parvenir à améliorer les interactions et la
participation des étudiants grâce aux méthodes présentées lors des séminaires de formation.
Quoi qu’il en soit, tous les cinq documents régionaux soutiennent que pour assurer le succès
des initiatives en faveur des TIC, y compris des projets d’apprentissage mobile, il est
absolument nécessaire de doter les enseignants d’un cadre pédagogique pour leur apprendre
à utiliser les ressources et les technologies nouvelles.
L’UNESCO et d’autres organisations ont publié dans divers documents des propositions
claires pour aider les responsables politiques à renforcer les compétences en TIC du corps
enseignant. C’est à cette fin que l’Organisation a publié en 2011 le Cadre de compétences en
TIC destiné aux enseignants. Afin de permettre aux enseignants d’aider les étudiants à tirer
parti des technologies pour renforcer leur apprentissage, la première étape, indispensable,
consiste à leur apprendre à utiliser ces technologies. Les enquêtes montrent que les
enseignants sont avides de formations professionnelles de ce type. De fait, dans une
économie mondiale qui attache le plus grand prix à la maîtrise des technologies numériques
et à la capacité d’utiliser ces technologies pour trier, filtrer, organiser et utiliser l’information,
les enseignants comme les étudiants devront nécessairement, pour parfaire leur éducation et
approfondir leurs connaissances, acquérir le savoir-faire qui leur permettra de piloter un large
éventail de TIC et plus particulièrement, si les tendances actuelles se confirment, les appareils
mobiles.
L’APPRENTISSAGE MOBILE FAVORISE LA SÉCURITÉ DES ÉTUDIANTS EN LIGNE ET AILLEURS La sécurité en ligne est l’un des arguments invoqués pour interdire les technologies mobiles à
l’école. Mais le fait est que les appareils mobiles sont si puissants et si facilement accessibles
qu’indépendamment de la position de l’école, les étudiants vont de toute façon les utiliser.
Les enseignants sont bien placés pour aider les étudiants à apprendre à naviguer de façon
responsable dans les contenus accessibles à partir des smartphones ou autres appareils
similaires. Et si les enseignants n’abordent pas ces questions, qui le fera ? Les appareils
mobiles sont aujourd’hui un élément incontournable de la vie moderne. Les enseignants
doivent donc discuter avec leurs étudiants de la façon d’utiliser les technologies mobiles à des
fins éducatives et en toute sécurité.
16---
On trouvera dans la Série plusieurs exemples de cas où l’utilisation des téléphones mobiles a
renforcé la sécurité des étudiants. Le document sur l’Amérique du Nord explique ainsi que la
Virginia Tech, Université de la côte est des États-Unis, a conçu un système d’alerte par texto
après la fusillade de 2007 sur le campus, au cours de laquelle un étudiant avait tué 32
personnes. Ce système a été utilisé en 2011 lorsqu’un étudiant venu d’une université voisine a
pénétré sur le campus de la Virgina Tech et abattu un officier de police. En l’espace de
quelques minutes, l’université a envoyé des messages d’alerte aux étudiants et aux professeurs
qui, pendant les heures qui ont suivi, ont été tenus informés à intervalle régulier. Il s’agit bien
sûr d’un cas extrême, mais il illustre malgré tout comment la communication instantanée
contribue à protéger les étudiants. Les autres exemples sont plus banals : dans le monde
entier, les écoles préviennent par texto les parents de l’absence de leurs enfants ou les alertent
en cas d’une situation potentiellement dangereuse. Les téléphones mobiles sont également
employés pour informer les jeunes des pratiques sexuelles sans risque et des dangers liés aux
drogues. Les appareils mobiles sont des moyens d’information d’autant plus efficaces pour ce
genre de messages qu’ils appartiennent habituellement à une seule personne ; ainsi, un
étudiant pourra lire des informations sur une question délicate sur le plan culturel ou social
sans que les autres sachent ce qu’il est en train de faire. Certaines organisations de
développement mettent ainsi en place des mesures pour inciter les gens à mieux s’informer au
sujet de maladies comme le SIDA. Les organisateurs d’un projet pourront, sans grande
difficulté, créditer de quelques minutes le compte mobile d’un usager si ce dernier lit un court
message d’information et répond correctement à quelques questions visant à évaluer sa
compréhension. Ces exemples montrent donc que, loin de constituer une menace pour les
étudiants, les téléphones mobiles peuvent contribuer à atténuer les risques, moyennant une
action soigneusement planifiée.
IL EST INDISPENSABLE D’AMÉLIORER LES CONTENUS ÉDUCATIFS, LES PLATES-­‐FORMES LOGICIELLES ET LES MODÈLES PÉDAGOGIQUES Bien que les documents régionaux décrivent diverses tentatives novatrices visant à renforcer
le contenu éducatif des appareils mobiles, ce processus n’en est qu’à ses débuts. De toute
évidence, les contenus mobiles restent assez rudimentaires : les logiciels proposent aux
étudiants des supports visuels numériques et des jeux assez simples ayant une visée
éducative, mais rien de plus. Dans une certaine mesure, c’est compréhensible : le contenu est
limité par l’appareil qui permet d’y accéder et, pour l’essentiel, les contenus actuellement
accessibles ont été conçus pour être utilisés à partir d’appareils plus anciens. De façon
générale, les logiciels n’ont pas évolué au même rythme que le matériel informatique. À
quelques exceptions près, les applications et programmes éducatifs n’exploitent pas encore
l’énorme potentiel qu’offrent les appareils mobiles les plus récents, qu’il s’agisse par exemple
d’adapter l’apprentissage au lieu géographique ou d’inciter les étudiants à utiliser la caméra
intégrée à leur smartphone pour collecter des données. Les contenus privilégient le plus
souvent les matières et les concepts qui sont enseignés de manière linéaire, universelle. Ainsi,
nombreuses sont les applications destinées à faciliter l’apprentissage des mathématiques, de
l’anglais ou encore, à un moindre degré, des sciences, mais les sciences sociales ou humaines
ont nettement moins de succès. En termes de pédagogie, le modèle d’apprentissage le plus
17---
fréquent consiste en une brève explication suivie généralement de nombreux exercices de
mémorisation. Certes, il y a là une certaine mesure d’interactivité, mais en réalité, le logiciel
ne fait qu’indiquer à l’étudiant s’il a bien répondu à une question, puis il sélectionne une
nouvelle question en fonction du résultat obtenu. Nous n’en sommes qu’à un début, certes,
mais étant donné que l’accès aux appareils très puissants se généralise, il est indispensable
que les logiciels exploitent un plus large éventail de fonctionnalités afin que l’apprentissage
devienne plus interactif, intéressant et créatif. Enfin, pour l’essentiel, les contenus éducatifs
accessibles sur les appareils mobiles sont figés, autrement dit, les enseignants n’ont pas la
possibilité de concevoir ou d’adapter les modules d’apprentissage en fonction des besoins de
leurs étudiants. Le modèle le plus répandu aujourd’hui est comparable aux manuels scolaires
classiques : le contenu est le même pour tout le monde. Pour résumer, en dépit de la grande
richesse de l’environnement technologique de l’apprentissage mobile, les contenus
accessibles restent limités, pas tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif.
De toute évidence, les fournisseurs de contenu n’ont pas encore exploité toutes les richesses
d’une plate-forme éducative numérique vraiment mobile. Rien d’étonnant à cela sans doute,
l’apprentissage mobile étant encore un phénomène relativement nouveau. Il a fallu des
années pour que les journaux télévisés se débarrassent des normes et des conventions de la
presse écrite ; de même, il faudra attendre encore quelques temps pour que l’apprentissage
mobile s’épanouisse pleinement et trouve le support qui lui convient le mieux.
Il ne faut pas croire pour autant que les approches novatrices n’existent pas. Les documents
réunis dans la Série décrivent des contenus mobiles qui n’ont plus rien à voir avec des
modèles d’apprentissage vieux de plusieurs siècles. En Amérique du Nord par exemple, des
efforts considérables sont déployés pour « inverser » les classes : les étudiants visionnent sur
des appareils mobiles ou des ordinateurs des cours sur vidéos qu’ils peuvent arrêter ou
repasser chez eux autant de fois que nécessaire. Ensuite, à l’école, ils appliquent les
informations tirées des conférences, par exemple en cherchant la solution à un ensemble de
problèmes pendant un cours de mathématiques. Le travail à la maison devient le travail à
l’école, et vice versa, d’où l’idée de « classe inversée ». Beaucoup d’écoles ont adopté ce
modèle car il aide les étudiants à s’ouvrir aux connaissances au moyen d’un large éventail de
médias – texte, vidéo et sites Web interactifs, entre autres – et les fait bénéficier de l’appui de
l’enseignant au moment où ils en ont le plus besoin, c’est-à-dire pour appliquer les
connaissances. Parce qu’ils accompagnent les étudiants à l’école et presque partout ailleurs,
les appareils mobiles constituent une passerelle idéale entre l’apprentissage à l’école et hors
de l’école. La « classe inversée » constitue sans doute l’initiative la plus ambitieuse à ce jour
pour tirer parti des possibilités qu’offrent les technologies mobiles.
Beaucoup de projets d’apprentissage mobile considèrent l’utilisateur final comme un individu
travaillant de façon relativement isolée, ce qui a incité les documents régionaux à décrire les
initiatives qui font voler ce schéma traditionnel en éclats, soit en envisageant l’enseignant
comme l’utilisateur principal soit en mettant l’accent sur de petits groupes d’étudiants
travaillant de manière collective. BridgeIT, un projet qui associe les partenaires des
technologies et de l’éducation dans le monde entier, cible les enseignants plutôt que les
étudiants. L’objectif consiste ici à renforcer l’apprentissage de l’étudiant en fournissant à
l’enseignant des contenus stimulants et en les incitant à adapter leurs méthodes
d’enseignement afin de favoriser l’apprentissage fondé sur la collaboration et l’enquête. En ce
sens, BridgeIT est un programme d’apprentissage mobile qui met l’accent sur la formation des
enseignants. EMIA-SMILE et Eduinnova, deux projets en cours en Amérique latine, remettent
en cause le modèle du 1:1 (un appareil par étudiant), en considérant les technologies mobiles
18---
comme un outil destiné à faciliter et à rationaliser le travail d’un groupe d’apprenants. Dans
chacun de ces programmes, de petits groupes d’étudiants se partagent un appareil mobile,
soit pour poser des questions soit pour y répondre. Les méthodes sont toutefois quelque peu
différentes : comme l’expliquent les auteurs du document sur l’Amérique latine, EMIA-SMILE
privilégie l’apprentissage fondé sur l’enquête, en demandant aux étudiants de formuler euxmêmes des questions sur un sujet précis. En revanche, Eduinnova accorde une grande
importance à l’apprentissage collaboratif et incite les étudiants à répondre avec l’aide de leurs
pairs aux questions posées par l’enseignant. On notera avec intérêt qu’Eduinnova utilisait au
départ des téléphones mobiles avant d’opter pour les netbooks, moins onéreux que des
smartphones. Ce qu’il faut retenir ici, c’est que lorsque les stratégies d’éducation font leurs
preuves, la technologie utilisée importe peu. Ce qui compte, c’est l’apprentissage, la
pédagogie, la méthode et, bien sûr, le coût ; l’appareil, aussi puissant soit-il, n’est qu’un outil
qui permet de renforcer la compréhension et la productivité de l’étudiant.
D’autres projets, comme ViDHaC2 (Videojuegos para el Desarrollo de Habilidades en
Ciencia a través de Celulares, ou jeux vidéos pour le renforcement des compétences
scientifiques grâce aux téléphones mobiles), au Chili, font œuvre de pionnier en offrant aux
enseignants la possibilité d'adapter aux téléphones mobiles des jeux vidéos ayant des visées
scientifiques. Espérons que ces approches se généraliseront. Parce qu'ils sont proches de leurs
élèves et qu'ils connaissent leurs besoins particuliers, les enseignants devraient pouvoir
adapter les contenus mobiles pour qu'ils viennent compléter leur travail et que les étudiants
en tirent le plus grand profit. Le défi est technique tout autant que pédagogique : sur le plan
technique, les appareils mobiles sont généralement difficiles à programmer. Il incombe donc
aux concepteurs de faciliter la tâche des éducateurs et de leur permettre d'adapter les
contenus numériques sans devoir utiliser un code dans des langages de balisage comme
HTML (HyperText Markup Language). Les plates-formes de gestion de l’apprentissage comme
Moodle ont déjà fait beaucoup de progrès. Il y a quelques années seulement, Moodle n’avait
d’intérêt qu’aux yeux d’enseignants férus d’informatique que ne rebutait pas la complexité des
menus permettant de télécharger des fichiers et d’évaluer le travail des élèves. Peu à peu,
cependant, le logiciel libre est devenu plus convivial et, aujourd’hui, les enseignants dotés de
compétences moyennes en informatique le trouvent utile et facile à utiliser. Les technologies
de Google Maps permettent aux usagers de s’approprier des cartes à des fins spécifiques. Au
lieu d’un système fermé, d’une solution unique, Google Maps s’apparente davantage à une
toile blanche, que les utilisateurs s’approprient à leur guise. Le contenu éducatif destiné aux
téléphones mobiles devrait donner les mêmes possibilités aux enseignants.
Les documents décrivent un autre projet prometteur : Apps for Good. Lancé au Royaume-Uni,
Apps for Good est une classe spéciale où les étudiants apprennent à concevoir et à construire
des applications mobiles afin de résoudre des problèmes de la vie de tous les jours. Les
instructeurs prennent soin de placer les technologies en arrière-plan. Au début du cours, les
étudiants commencent non pas par explorer les fonctionnalités dernier cri des technologies
mobiles mais par décrire en détail quelque chose qui ne marche pas dans le monde qui les
entoure. On leur explique ensuite le fonctionnement des applications mobiles et,
graduellement, ils conçoivent et construisent une application pour apporter des solutions à ce
problème. Ainsi, pendant les cours Apps for Good, les étudiants ne se contentent pas d’utiliser
les logiciels mobiles : ils les construisent. Certes, les étudiants enrichissent ainsi leurs
compétences technologiques mais, en même temps, ils affinent ainsi les jugements qu’ils
seront amenés à porter sur l’utilité d’autres applications, créées par des professionnels. De
même qu’ils seront plus sensibles au talent littéraire de Shakespeare s’ils écrivent eux-mêmes
19---
des pièces de théâtre, les étudiants seront mieux équipés pour observer la fonctionnalité et la
conception des applications commerciales s’ils en créent eux-mêmes. Cette compétence revêt
peu à peu une importance vitale. Éditorialiste au New York Times, Thomas Friedman, qui a
beaucoup écrit sur la mondialisation, a récemment annoncé que « le monde n’est plus
connecté, il est hyperconnecté », en raison de l’essor des technologies sans fil à haut débit, de
l’Internet à haut débit, des smartphones, de Facebook et autres médias sociaux, et du Cloud
computing. Les applications mobiles sont peu à peu devenues les outils que nous utilisons le
plus pour naviguer dans ce monde hyperconnecté et surfer sur l’immensité des océans de
l’information. L’évaluation critique et l’utilisation optimale des logiciels mobiles, ou parfois
même leur création, n’est plus aujourd’hui une compétence spécialisée, c’est une question de
survie.
Comme le montrent clairement tous les documents qui composent la Série, les logiciels et les
initiatives d’apprentissage mobile les plus efficaces sont davantage centrés sur les besoins
éducatifs que sur les possibilités techniques. Les projets marchent lorsqu’ils s’attaquent aux
difficultés particulières rencontrées par des enseignants et des étudiants, ils échouent
lorsqu’ils ne sont qu’une vitrine technologique. Ainsi, en Finlande, Presemo s’est imposé
parce qu’il s’efforce d’aider les enseignants à dispenser des cours-séminaires devant des
classes nombreuses pour promouvoir la participation active et les interactions entre étudiants.
Grâce au logiciel, l’enseignant pose des questions à des groupes d’étudiants et réunit les
réponses en temps réel. Le programme est conçu de telle sorte que l’enseignant peut
examiner et évaluer une grande quantité d’informations en provenance des étudiants tout en
poursuivant son cours au même rythme et sans interruption. Au Mali, le programme Road to
Reading répond à un autre problème éducatif concret, quoique très différent. Le projet
consiste à fournir des plans de cours intéressants aux enseignants travaillant dans des
contextes pauvres en ressources. Des exemples de plans de cours sont publiés sur une page
Web facilement accessible depuis des appareils mobiles connectés à Internet. Bien que les
plans de cours soient produits à l’extérieur, le projet envoie des textos aux enseignants pour
recueillir leurs réactions afin de mieux adapter ensuite les cours au contexte local. Dans
chacun de ces exemples, les projets ont recours aux technologies mobiles non pas parce
qu’elles existent mais parce qu’elles offrent aux enseignants des solutions pratiques en
réponse à leurs besoins immédiats.
20---
CONSIDÉRATIONS POLITIQUES Bien que les documents sur « L’apprentissage mobile pour les enseignants » ne traitent pas
explicitement des questions de politique (contrairement aux documents « Mettre en marche
l’apprentissage mobile »), on peut néanmoins souligner quelques points d’une importance
capitale pour les dirigeants politiques et les responsables de l’éducation qui conçoivent des
projets d’apprentissage mobile à l’appui des enseignants ou pour trouver des solutions à la
crise des enseignants :
1. Envisager de considérer comme utilisateurs finals non pas les étudiants pris
individuellement mais les enseignants ou de petits groupes d’étudiants
Comme il ressort de l’ensemble des documents, dans la plupart des projets de
développement de l’apprentissage mobile, les étudiants travaillent directement avec des
appareils. On considère généralement que cette approche permet de promouvoir
l’apprentissage par l’expérience et de construire les compétences du XXIe siècle. Ce
postulat, indiquent en conclusion les documents, est sans doute la raison pour laquelle la
grande majorité des projets d’apprentissage mobile ont tendance à considérer les
étudiants, et non les enseignants, comme les principaux utilisateurs finals des technologies
mobiles. Et pourtant, comme l’illustrent notamment des projets tels que BridgeIT, EMIASMILE et Eduinnova, le modèle 1:1 n’est pas nécessairement le plus efficace. Il est aussi
beaucoup plus coûteux, en raison du plus grand nombre d’appareils requis et des plans de
connexion qui vont de pair. Les gouvernements devraient envisager de mieux rentabiliser
leurs investissements en fournissant des téléphones non pas aux étudiants mais aux
enseignants, ou encore en favorisant les modèles pédagogiques dans lesquels de petits
groupes d’étudiants utilisent un seul et même appareil.
2. Reconnaître la pertinence des communautés professionnelles en ligne pour la formation
des enseignants
Beaucoup de spécialistes de l’éducation s’accordent à reconnaître que les communautés
professionnelles en ligne contribuent à renforcer les compétences et les connaissances des
enseignants en exercice. Cependant, ces communautés ne sont pas reconnues comme
relevant du développement professionnel. De fait, la participation à ces communautés
n’entraîne pas de validation, contrairement par exemple à une journée de séminaire dans
une université. Selon le document sur l’Amérique du Nord, les communautés en ligne ne
bénéficient pas de la légitimité qui entoure d’autres types de développement
professionnel. Si les gouvernements souhaitent encourager les enseignants à participer
activement à ces communautés, ils devraient envisager d’élaborer des stratégies pour
reconnaître et, pourquoi pas, récompenser la participation.
3. Normaliser les curricula nationaux pour encourager la production de contenus
numériques
L’innovation en faveur de l’apprentissage mobile sera stimulée par une normalisation des
curricula. Lorsque les programmes d’enseignement varient selon les écoles, les districts ou
les États, les concepteurs de logiciels mobiles sont moins incités à produire des contenus
coûteux parce que le marché est trop petit et trop fragmenté pour justifier de gros
investissements de temps et d’argent.
21---
4. Mobiliser des financements ciblés pour favoriser, développer et viabiliser les projets
d’apprentissage mobile
À l’heure actuelle, les projets d’apprentissage mobile sont généralement menés à petite
échelle et bénéficient rarement d’une aide financière importante de la part des
gouvernements. Nombre de projets décrits dans les documents régionaux n’ont pas été
viables faute de financements. D’autres projets parviennent à s’inscrire sur la durée en
raison de leur portée réduite mais, et c’est révélateur, ils parviennent rarement à se
développer. Dans la majorité des cas, les projets qui font leurs preuves sont ceux qui
recourent à des stratégies rigoureuses de contrôle des coûts.
5. Choisir des technologies adaptées aux objectifs et aux contextes éducatifs, même si elles
sont « low-tech »
Trop souvent, les projets sont portés par les innovations technologiques plutôt que par le
souci de répondre à des besoins éducatifs propres au contexte local. Ainsi, en Amérique
latine, quelques-uns des principaux projets d’apprentissage mobile ont été mis en œuvre
dans des écoles ayant déjà accès aux TIC. Bien que les TIC représentent un outil d’une
puissance considérable pour toucher les étudiants appartenant aux communautés les plus
vulnérables et les plus isolées, leur potentiel n’a pas encore été exploité à grande échelle.
Les apprenants bénéficiant de ces projets se comptent généralement par milliers, parfois
par dizaines de milliers. Lorsqu’ils apportent leur soutien à des initiatives d’apprentissage
mobile, les gouvernements devraient réfléchir à des modèles de projets qui utilisent les
technologies de manière efficace et efficiente afin d’en faire profiter le plus grand nombre
possible d’apprenants tout en ciblant plus particulièrement les populations mal desservies,
et ce même si les technologies à l’œuvre ne sont pas à la pointe du progrès.
6. La conception des initiatives d’apprentissage mobile doit tenir compte de la question de
l’équité
La question de l’équité occupe une large place dans l’apprentissage mobile. Beaucoup
d’écoles se lancent dans des projets qui autorisent les étudiants à apporter leur propre
téléphone mobile à l’école, ce qui pénalise ceux qui n’en possèdent pas ou n’ont pas les
moyens de s’en procurer. Le problème se complique lorsque l’on sait que dans de
nombreuses régions, il existe de fortes disparités entre les sexes en termes d’accès aux
téléphones mobiles. Les concepteurs de projets veilleront à ce que les initiatives
d’apprentissage mobile n’exacerbent pas les disparités fondées sur l’éducation et le sexe
mais au contraire qu’elles les atténuent.
7. Envisager de remplacer les ordinateurs portables par des smartphones pour que chaque
apprenant puisse disposer de son propre appareil
Les programmes basés sur les ordinateurs portables en Afrique et au Moyen-Orient
semblent avoir périclité en raison des coûts élevés et de l’insuffisance des connexions
Internet fixes à haut débit. Dans un environnement technologique où le téléphone mobile
a le vent en poupe, les projets d’apprentissage mobile semblent avoir toutes les chances
de réussite. Dans les pays qui parviennent difficilement à fournir un ordinateur portable à
chaque élève, les téléphones mobiles connectés à Internet, comme les smartphones,
peuvent permettre de réaliser le modèle 1:1 ou du moins d’y contribuer.
22---
8. S’inspirer des modèles de projets d’apprentissage mobile dans l’enseignement supérieur
et l’apprentissage tout au long de la vie
De façon générale, les projets d’apprentissage mobile concernent davantage les niveaux
d’enseignement secondaire et supérieur ainsi que les programmes d’apprentissage tout au
long de la vie. En effet, les adolescents et les jeunes adultes ont plus de chances que les
jeunes enfants de posséder des téléphones mobiles et de savoir les utiliser. On suppose
également que les adultes font un usage plus responsable des appareils mobiles, ce qui
atténue les craintes liées à la sécurité et à la responsabilité en ligne. Les éducateurs et les
responsables politiques trouveront dans ces secteurs des modèles de projets utiles, qu’ils
pourront adapter ensuite à l’enseignement primaire. Cependant, il faudra tenir compte des
questions d’accès, de sécurité et de développement de l’enfant lors de la mise en œuvre
de projets d’apprentissage mobile auprès des jeunes élèves.
23---
CONCLUSION Pour résoudre la crise mondiale de l’éducation et répondre aux besoins des étudiants du
monde entier, il est indispensable de soutenir le travail des enseignants. Les enseignants sont
les personnes les mieux placées pour guider et conseiller les étudiants. Le corps enseignant
est le fondement de tout système éducatif. Étant donné le nombre élevé de personnes
possédant un téléphone mobile, les technologies mobiles constituent une solution très
prometteuse pour former de nouveaux enseignants, renforcer les capacités des enseignants en
exercice et appuyer le travail des éducateurs, dans la classe comme à l’extérieur. Comme le
montrent les cinq documents régionaux, les technologies mobiles peuvent aider les
enseignants travaillant dans des contextes très divers à approfondir leurs connaissances
thématiques, à élaborer des approches pédagogiques nouvelles et plus réfléchies, à évaluer
leurs pratiques à l’aide de formateurs expérimentés, à accéder à une grande abondance de
contenus qu’ils utiliseront pour améliorer l’apprentissage des étudiants, à renforcer leur
sentiment d’appartenance et de communauté en établissant des liens avec leurs collègues
travaillant dans des contextes similaires et soumis aux mêmes contraintes qu’eux, et à
améliorer et à accélérer la communication avec les étudiants, les parents et les autres
enseignants. En exploitant toutes les possibilités qu’offrent les technologies mobiles, les
enseignants travailleront plus rapidement et plus efficacement avec les apprenants, et ce dans
un contexte plus proche du monde non scolaire, où la technologie est omniprésente.
Il est arrivé par le passé que lors des débats sur les TIC dans l’éducation et, plus
particulièrement, dans l’apprentissage mobile, les ministères de l’éducation et les
organisations internationales négligent le rôle central des enseignants. Et c’est généralement
aux étudiants que les responsables politiques confient des appareils mobiles. Or, les
enseignants jouent un rôle clé dans les processus d’apprentissage. Il est donc indispensable de
les doter des outils technologiques et des compétences qui leur permettront d’exercer leur
métier de manière efficiente et efficace. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO prend les
devants et souhaite réfléchir à la façon dont les technologies mobiles peuvent aider les
enseignants et contribuer à leur développement professionnel. La Série de documents de
travail de l’UNESCO sur l’apprentissage mobile marque le point de départ de cette entreprise
salutaire.
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Les abonnements de téléphonie mobile dans le monde dépassent aujourd’hui le chiffre de 5,9 milliards. Pour
une personne accédant à Internet à partir de son ordinateur, deux autres se connectent via un appareil mobile.
Parce que les technologies mobiles sont accessibles partout et que leurs fonctionnalités se multiplient en
permanence, l’UNESCO souhaite mieux comprendre en quoi elles peuvent améliorer et faciliter l’apprentissage,
en particulier dans les communautés pauvres en possibilités éducatives.
Ce rapport présente la synthèse des conclusions des cinq documents régionaux « L’apprentissage mobile pour les
enseignants ». En identifiant les tendances qui se dégagent dans le monde et en analysant leurs effets, il tire des
enseignements d’une importance capitale pour les responsables politiques et l’ensemble des parties prenantes
qui tentent de mieux exploiter les appareils mobiles afin d’aider les enseignants dans leur travail.
Les six documents sur le soutien aux enseignants sont complétés par six autres qui décrivent à titre illustratif
diverses initiatives de développement de l’apprentissage mobile ainsi que leurs répercussions sur l’élaboration
des politiques. Ils sont eux aussi organisés région par région.
Deux documents sur « Questions » viendront compléter la Série vers la fin de l’année 2012, l’un pour tenter de
prévoir ce que sera l’apprentissage mobile à l’avenir, l’autre pour réfléchir à la mise en place d’environnements
politiques propices au développement de l’apprentissage mobile.
La Série des documents de travail de l’UNESCO sur l’apprentissage mobile photographie le globe pour montrer
comment les technologies mobiles contribuent à réaliser les objectifs de l’Éducation pour tous, à relever les défis
qui se posent dans certains contextes éducatifs, à compléter et à enrichir l’éducation formelle et, de façon plus
générale, à rendre l’apprentissage plus accessible, plus équitable et plus flexible pour les élèves, quel que soit le
lieu où ils se trouvent.
Pour découvrir les titres de la Série publiés et à paraître, merci de consulter :
http://www.unesco.org/new/en/unesco/themes/icts/m4ed/
SERIE DE DOCUMENTS DE TRAVAIL DE L'UNESCO SUR
L’APPRENTISSAGE MOBILE
Initiatives illustratives et implications sur l’élaboration des politiques



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
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Mettre en marche l’apprentissage mobile en Afrique et au Moyen-Orient
Mettre en marche l’apprentissage mobile en Amérique latine
Mettre en marche l’apprentissage mobile en Amérique du Nord
Mettre en marche l’apprentissage mobile en Asie
Mettre en marche l’apprentissage mobile en Europe
Mettre en marche l’apprentissage mobile : Thèmes généraux
Explorer le potentiel des technologies mobiles pour aider les enseignants et améliorer les
pratiques
 L’apprentissage mobile pour les enseignants en Afrique et au Moyen-Orient
 L’apprentissage mobile pour les enseignants en Amérique latine
 L’apprentissage mobile pour les enseignants en Amérique du Nord
 L’apprentissage mobile pour les enseignants en Asie
 L’apprentissage mobile pour les enseignants en Europe
 L’apprentissage mobile pour les enseignants : Thèmes généraux
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