Act. Méd. Int. - Hypertension (10), n° 9, novembre 1998
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Tolérance lors de l’utilisation du
Viagra®chez l’hypertendu traité
Les troubles de l’érection sont une plainte
fréquente des hypertendus traités, et la
commercialisation du Viagra®(sildefanil)
va conduire à une demande de prescrip-
tion de la “pilule bleue”. Dans le dossier
d’enregistrement du Viagra®, environ
30 % des sujets étaient des hypertendus
traités, et l’analyse de cette cohorte de
1 218 hypertendus donne des informa-
tions sur la tolérance du Viagra®par com-
paraison au placebo. Ces sujets étaient des
hypertendus traités par des antihyperten-
seurs de toutes les familles thérapeutiques,
et ces hommes d’un âge moyen de 56 ans
ont utilisé le Viagra®pendant 6 mois. Le
Viagra®permet une amélioration statisti-
quement significative de trois critères : “la
qualité de la pénétration”, “le maintien de
l’érection” et “l’amélioration de l’érec-
tion”. Ces résultats positifs sont aussi
observés chez l’hypertendu traité. Les
bénéfices sont comparables que les sujets
prennent ou non un traitement antihyper-
tenseur. Mis à part les effets secondaires
bénins connus du traitement (céphalée
14 %, flush 14 %), la tolérance cardiovas-
culaire a été comparable pour les deux
groupes, et la pression artérielle est restée
équilibrée sans que surviennent notam-
ment des épisodes d’hypotension. Il faut
rappeler que la principale contre-indica-
tion du Viagra®est sa coprescription avec
un dérivé nitré car il existe un risque d’hy-
potension ; toutefois aucune précaution
particulière n’est recommandée chez les
utilisateurs de médicaments antihyperten-
seurs. Les résultats de cette analyse, bien
que n’apportant pas les réponses à toutes
les questions que se poseront les patients
et leur médecin concernant les risques car-
diovasculaires éventuels du Viagra®, indi-
quent qu’au moins chez les hypertendus
non compliqués de la cinquantaine, cette
prescription n’expose pas à des complica-
tions cardiovasculaires. Voilà qui devrait
tout de même nous aider à conseiller nos
hypertendus se plaignant d’une dysfonc-
tion érectile.
- Feldman R. et coll. : XIIIecongrès de
l’American Society of Hypertension, New
York, 1998, Am. J. Hypertens., 1998, 11 : part
2, 10A. P.C.
Relation entre variations nycthé-
mérales tensionnelles et épisodes
ischémiques chez le coronarien
hypertendu
Chez le patient hypertendu coronarien,
l’apparition d’épisodes ischémiques
(symptomatiques ou non) peut être
secondaire soit à une augmentation de la
consommation en oxygène du myocarde
par le biais d’une poussée tensionnelle,
soit, à l’inverse, à une réduction de la
pression de perfusion coronaire du fait
d’une baisse tensionnelle. Plusieurs
études, pas toutes cependant, ont rappor-
té l’effet bénéfique de la baisse de la
pression artérielle diastolique sur le
risque d’infarctus du myocarde, jusqu’à
une valeur seuil de pression artérielle
diastolique en deçà de laquelle le risque
d’infarctus augmente (courbe en J).
Dans le même sens, des épisodes passés
inaperçus de baisse tensionnelle noctur-
ne pourraient expliquer l’absence de
bénéfice franc du traitement antihyper-
tenseur sur le risque d’événement coro-
narien. L’intérêt, entre autres, de la
mesure ambulatoire de la pression arté-
rielle est d’avoir révélé que le profil ten-
sionnel nycthéméral n’est pas uniforme
chez l’hypertendu. Certains patients,
appelés “non-dippers”, n’ont pas de
baisse tensionnelle nocturne contraire-
ment aux “dippers” et aux “over-dip-
pers”. Des épisodes d’ischémie sympto-
matique ou indolore ont été détectés
chez des coronariens stables normoten-
dus, de même que chez des hypertendus
avec ou sans coronaropathie clinique. Il
semble que ces épisodes ischémiques
objectivés par un holter ECG, par
exemple, soient de mauvais pronostic
chez le coronarien stable.
L’étude récemment publiée dans le JACC
a montré, pour la première fois, l’in-
fluence des variations nycthémérales de
la tension artérielle sur le déclenchement
d’épisodes ischémiques chez des hyper-
tendus coronariens. Vingt et un patients
“non-dippers” (pas de chute tensionnelle
nocturne), 35 “dippers” (chute tension-
nelle de 10 à 20 % de la pression artériel-
le diurne) et 14 “over-dippers” (chute ten-
sionnelle de plus de 20 %) ont simultané-
ment bénéficié d’un holter tensionnel et
ECG. Ces deux enregistrements ont été
effectués avant traitement antihyperten-
seur (nitré + aténolol ou nitré + vérapamil)
et après un mois de traitement par l’une ou
l’autre des deux associations.
Le traitement a significativement réduit la
pression artérielle dans chacun des trois
groupes. En période diurne, la fréquence
et la durée des épisodes ischémiques sont
identiques dans les trois groupes avant ou
après traitement. Avant traitement, en
période nocturne, les épisodes isché-
miques sont plus fréquents chez les “non-
dippers”. Après traitement, ils diminuent
chez les “non-dippers”, restent inchangés
chez les “dippers” et augmentent chez les
“over-dippers”. Au cours du traitement,
les épisodes ischémiques sont plus fré-
quents chez les “over-dippers”. Au cours
du traitement, les épisodes ischémiques
sont plus fréquents chez les “over-dip-
pers” que chez les autres.
Cette étude suggère donc, pour la pre-
mière fois, une relation entre les varia-
tions nycthémérales de la pression arté-
rielle et épisodes ischémiques détectés
par un enregistrement holter ECG. Elle
prouve tout l’intérêt du monitoring
ambulatoire de la pression artérielle chez
le coronarien hypertendu. Elle montre,
en effet, l’intérêt de diminuer la pression
artérielle nocturne chez les “non-dip-
Revue de presse
Patrice Colin, Xavier Girerd