PRÉFACE
L'entre-deux-guerres, c'est le nom que Charles Maurras avait
donné à la période s'étendant de 1871 à 1914. L'expression est un
passe-partout, puisque toutes les nations du monde n'ont jamais
cessé d'être entre deux guerres. Elle avait, cependant, un sens
spécifique. Entre la guerre qui s'est achevée au traité de Francfort
et la guerre qui a commencé quarante-quatre ans plus tard sur les
champs de bataille de Lorraine et de Belgique, il existe un
enchaînement constituant un lien de continuité.
L'enchaînement est encore plus net entre 1914-18 et 1939-45. La
période racontée par le présent ouvrage ne fut en réalité qu'une
trêve dans une nouvelle guerre de Trente Ans.
Pourtant, la tragédie de 1914-18 s'était achevée dans une grande
espérance. Les survivants avaient posé les armes avec la conviction
que l'humanité ne connaîtrait plus jamais les horreurs qu'ils avaient
vécues.
La paix universelle est probablement une chimère. Ce qu'il eût
été possible d'éviter, c'était une seconde grande guerre européenne.
Le moyen d'y parvenir était une réconciliation franco-allemande.
La dureté des traités de paix, l'arbitraire des clauses territoriales,
l'irréalisme des clauses .financières, la méfiance de la France devant
la démocratie allemande s'y opposèrent.
Partant de l'insignifiance, la .figure de Hitler grandit au fil de ce
récit. Les convulsions de l'immédiat après-guerre, l'occupation de
la Ruhr, l'inflation monstrueuse furent les premiers moteurs de son
ascension. Le putsch manqué de 1923 l'amena à comprendre que la
conquête du pouvoir par un coup de main était impossible, et à
mettre au service de son totalitarisme le suffrage universel, principe
sacré de la démocratie. Les historiens ne peuvent plus l'étudier sans
reconnaître l'astuce, la patience, l'intelligence politique profonde