Séance 2.
1914-1919 : la Première guerre mondiale, le choc des
nationalismes et le projet international wilsonien.
Les idéologies totalitaires du XXe siècle sont en partie des conséquences de la première
guerre mondiale. La « Grande guerre » qui a été totale a remis en cause tout le système
international d’avant-guerre. La première guerre mondiale s’achève par une paix de victoire
pas par une paix négociée. C’est tout à fait contraire aux traditions diplomatiques
européennes. L’intervention des Etats-Unis et du Japon permettait de prévoir une
redistribution des pôles de puissance mondiaux. La Première guerre mondiale a accéléré le
déclin de l’Europe. Les conséquences de la guerre ont remis en cause l’opinion que les
Européens avaient d’eux-mêmes sur le plan moral et politique. Le sentiment de supériorité a
été entaché après un conflit qui a fait 9 millions de morts. La « Grande guerre » a été une
sorte de suicide collectif de l’Europe. Elle a aussi entraîné les premières idées européennes.
Les négociateurs européens ont au final décidé de rompre avec le concert européen et la
pratique de la diplomatie secrète. Malgré tout, la paix sans la reconstruction d’un ordre
international et la division entre vainqueurs et vaincus a marqué l’après-guerre. Le système
international n’était pas pleinement reconnu. Les Allemands ont refusé le diktat du Traité de
Versailles. Les méthodes du concert européen bien que mis sur le côté n’ont pas été
complètement oubliées.
I)Les grandes étapes du conflit : de la guerre européenne mondiale.
La doctrine militaire de l’époque mettait l’accent sur l’offensive. Les différents belligérants
comptaient grâce à une offensive rapide obtenir une victoire rapide pour obtenir des avantages
étendus. On avait l’illusion d’une guerre courte (trois mois), une sorte de coup de torchon afin
de régler les rancunes du XIXe siècle. Après la guerre courte, on aurait à rétablir un équilibre
pour une période de paix et de nouvel équilibre. Si les chefs d’Etat européens sont entrés en
guerre sans serve c’est parce qu’ils n’imaginaient pas une guerre qui durerait 5 ans.
Néanmoins, les officiers britanniques avaient émis l’hypothèse d’une guerre longue.
Cependant, toutes les offensives ont échoué en quelques semaines. En novembre 1914, le
front occidental était continu de la mère du Nord et des Flandres à la Suisse. Le front oriental
a été moins fixe, mais il n’y a pas eu de victoires décisives. Le blocage des fronts a été
poursuivi jusqu’en 1918.
Afin de percer les défenses en ouvrant de nouveaux fronts, les puissances vont chercher des
alliés. L’Allemagne commence par rallier l’Empire Ottoman, puis la Bulgarie en 1915
ouvrant ainsi un grand front en Europe centrale. Les Alliés rallient de leur côté l’Italie (Traité
de Londres, avril 1915) et la Roumanie. Pour attirer ces pays, on leur a fait des promesses
comme, par exemple, pour l’Italie. Cependant les promesses faites à l’Italie étaient
contradictoires à celles de la Serbie (on a promis aux deux pays les mêmes territoires croates).
Ce qui a été décisif dans la poursuite du conflit est l’entrée des Etats-Unis dans la guerre en
1917. Wilson a d’abord joué un rôle d’arbitre en considérant que les torts étaient partagés des
deux côtés. En 1916, le président avait proposé une conférence afin d’établir une paix sous
l’arbitrage des Etats-Unis, proposition rejetée de part et d’autres. Les Allemands en réponse
au blocus maritime allié ont lancé une guerre sous-marine à outrance. Les sous-marins
allemands ont commencé à couler tous les bateaux commerciaux ou de guerre qui se
dirigeaient vers la Grande-Bretagne et le France dont des navires américains. C’est la cause
immédiate de l’entrée en guerre des Etats-Unis.
Les révolutions russes de 1917 ont conduit la Russie à se retirer du conflit. Les échecs des
offensives françaises de 1917 et la lassitude générale des belligérants ont conduit à une série
de gociations plus ou moins officielles. Les démarches de l’été 1917 ont échoué parce que
les jusqu’au-boutistes estimaient qu’il ne fallait pas rechercher une paix négociée mais une
paix de victoire. En outre, avec l’arrivée de troupes américaines en Europe, on pourrait
vraiment l’emporter de façon décisive sur l’Allemagne. En tout cas, les Européens venaient
de perdre toutes tentatives de régler un système international entre eux. On passait donc à un
système mondial.
L’Allemagne battue signa l’armistice le 11 septembre 1918.
II)Buts de guerre et enjeux politiques et idéologiques du conflit.
Les buts de guerre des Européens étaient à la fois de type traditionnel (étendre leur influence,
gagner des territoires). Les buts étaient en outre tellement ambitieux qu’ils aboutissaient à la
négation du concert européen d’avant-guerre. Il n’était plus question d’équilibre.
Pour l’Allemagne, les frontières d’Europe de l’Ouest ne doivent pas être changés. À l’Est,
l’Allemagne établirait un certain nombre de protectorat sur la Pologne, l’Ukraine, les pays
baltes, la Finlande et la Roumanie. Ce programme a été momentanément réalisé après le traité
de Brest-litovsk avec la Russie et le Traité de Budapest avec la Roumanie.
Le vaste ensemble en Europe centrale aurait été une réalisation de la Mittle Europa. C’est
l’ambition allemande d’être la puissance dominante en Europe. C’est une remise en cause
directe du Traité de Westphalie qui considérait la réalisation d’un Reich allemand au centre de
l’Europe comme inacceptable.
Les orientations des dirigeants allemands en partie tirées du compromis bismarckien étaient
en contradiction avec les visées libérales des Anglais et des Français.
Pour les Britanniques, il y avait une volonté d’affaiblir l’Allemagne de façon décisive car elle
était considérée comme ayant une place hégémonique notamment dans le domaine
économique et naval.
La France est inquiétée aussi par les forces économiques de l’Allemagne. Mais les buts sont
également territoriaux. La France veut établir une sécurité géopolitique définitive du pays en
récupérant l’Alsace-Lorraine, mais aussi la rive gauche du Rhin l’on constituerait un Etat
indépendant en protectorat français (pour certains, l’annexion était aussi envisageable). À
Paris, on était décidé à remettre en cause l’unité de l’Allemagne et la centralisation. Les
Français étaient aussi décidés à annexer le Luxembourg et à lier étroitement la France, la
Belgique et l’Italie. L’Europe de l’Ouest passerait en fait sous leadership français.
Mais la défection de l’allié russe pose un problème géopolitique à la France, la puissance
allemande n’ayant plus de contrepoids à l’Est. On va alors édifier une sorte de « barrière de
l’Est ». La France soutient la constitution d’une Grande Pologne englobant des populations
non polonaises et géographiquement étendues. Paris va soutenir des états pluriethniques et
multinationaux comme la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie. Après 1917, les Français ont un
discours officiel sur les nationalités. Le discours idéologique sur la libération des nations a été
un discours récurrent de la part des français à côté du discours contre l’Allemagne. France
comme Angleterre ont toutes les deux une vision unilatérale, elle ne pense qu’en fonction de
leurs intérêts.
Wilson s’est élevé au niveau de principes généraux pour ériger un nouveau système
international : les Quatorze Points. Il y avait un fond moral aux principes qui pouvait énerver
Lloyd Georges et Clemenceau avait rétorqué à Wilson que « même Dieu s’était contenté de
dix commandements ».
Certains objectifs étaient quand même soutenus par une majorité de la population. Les
Quatorze Points rejetaient le découpage de l’Europe et les sanctions économiques. Ils
poussaient aussi à l’extension des principes démocratique et libéral à l’ensemble de l’Europe.
La création d’une Société Des Nations était le but de Wilson afin de promouvoir
mondialement le Way of Life (démocratie et économie libérale). Pour Wilson, les Européens
étaient incapables de reconstituer la paix sur le continent. Wilson avait une volonté d’intégrer
tout le monde dans le nouveau système international à condition de se plier au modèle de la
démocratie libérale. Néanmoins, le modèle wilsonien demandait une participation active des
Etats-Unis dans les affaires internationales, ce qui ne sera pas le cas. De même
l’intériorisation du modèle libéral dans toutes l’Europe n’a pas été chose faite. Le modèle
situé au niveau mondial exigeait un haut degré d’abstraction et ne prenait pas en compte tous
les éléments de la réalité historique des Européens. Le mélange de messianisme américain et
d’intérêt économique laissait déjà certains crier à l’impérialisme américain.
Wilson, Lloyd Georges et Clemenceau étaient toutefois d’accord sur le fait que la guerre
devait apporter la démocratie en Europe. La guerre reflétait aussi un conflit idéologique entre
démocraties libérales et parlementaires et sociétés autoritaires et aristocraties. L’opposition
entre deux systèmes politiques étaient un des enjeux de la guerre. Il s’agissait de faire de la
démocratie une norme interne sur le plan international.
Si la défaite de l’Allemagne après la révolution contre l’aristocratie paraissait annoncer la
victoire en Europe de la démocratie libérale en même temps un autre modèle apparaissait en
Europe avec le léninisme en Russie. À partir de novembre 1917, le libéralisme et le
communisme soviétique sont en concurrence. Lénine avait développé la thèse d’une victoire
totale du communisme pour changer radicalement les rapports de force sur la planète. Dès
1919, les bolcheviques essayent d’appliquer cela en Europe centrale. Dans tous les cas, la
Russie sort de l’espace politique et culturel européen en s’isolant. Lénine contestant à la fois
concert européen et Traité de Versailles.
III)Les conséquences à long terme sur la vie de l’Europe : elle ne domine plus le
système international.
Après la guerre, le poids des réparations vont porter un coup considérable à l’économie
européenne. Il faudra attendre les années 1920 pour retrouver la production de 1913. Il y a
une interruption de grande conséquence pendant une génération.
Le système de régulation du continent est définitivement en miette et les colonies qui ont été
engagées massivement dans les combats commencent à revendiquer une certaine
émancipation.
IV)Le Traité de Versailles et les autres traités de paix, leur signification
profonde, leurs contradictions.
La conférence de la paix de Paris (janvier 1919-juin 1919) débute les négociations, mais pour
la première fois le Traité est négocié sans les vaincus. Le texte signé le 28 juin 1919 prenait
en compte très peu de revendications allemandes. Les Allemands n’ont pu déposer que des
remarques écrites. Mais on a refusé à l’Allemagne d’entrer dans le jeu des nations. Pour
l’opinion allemande, c’est un vrai diktat. À cause des dissensions entre alliés, les phases
préliminaires ont duré trop longtemps de fait on est arrivé à la fin à un Traité non négociable
pour les vaincus.
Il y a une distinction entre les grandes puissances (Angleterre, France, Etats-Unis, Japon,
Italie) et les puissances à intérêt particulier mais au final ce sont Clemenceau, Wilson et Lloyd
Georges qui ont tout fait. Le Traité prétend formé un ordre international européen nouveau.
Le Traité de Versailles n’a pas réussi à établir le statut international de Russie. Le Traité
laisse aussi de nombreux ressentiments à l’Allemagne.
Wilson souhaite un ordre national reposant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
la fin des alliances secrètes, la démocratisation de l’Allemagne. Le problème est que Wilson
a perdu dans le même temps il s’occupait des relations internationales le contrôle de son
pays.
La Grande-Bretagne souhaitait la fin de la marine allemande et la perte de ses colonies. La
limitation du commerce international pour l’Allemagne était aussi de mise.
Côté français, un quart de la population masculine en âge de portée les armes est morte et
blessée. La France veut récupérer l’Alsace-Lorraine et annexer la Sarre qui représentait
exactement le déficit charbonnier français. En outre, la rive gauche du Rhin serait détachée de
l’Allemagne en un Etat indépendant.
Les Américains et les Anglais étaient hostiles à ces positions car ils redoutaient que les
annexions entraînent un esprit de revanche en Allemagne. En outre, le but n’était pas de faire
de la France le nouvel état hégémonique en Europe.
Le Traité de Versailles peut être révisé tous les cinq ans. Par exemple, la Silésie sera soumise
à un plébiscite en 1921. La Sarre ne sera au final que rattacher économiquement à la France et
elle sera soumise à un plébiscite en 1935. La Rhénanie a été démilitarisée et occupée par les
alliés pour 15 ans.
L’unité allemande n’était pas remise en cause au final. Même la nouvelle constitution de
Weimar renforçait l’unité.
Pour donner des garanties aux Français, deux traités de garanties obligeaient Etats-Unis et
Allemagne à intervenir. Cependant, le Sénat américain refusa de ratifier le Traité de
Versailles et l’alliance devint caduque.
Le Traité même signé a tout de suite été très critiqué. Keynes a insisté sur les conséquences
économiques de la paix. Bainville a insisté sur le fait que l’Allemagne était à la fois trop
brimée pour accepter les conditions de la paix et pas assez brimée pour empêcher sa relève. Il
aurait fallu faire une paix plus concrète plus en accord avec le concert européen.
À gauche, on trouvait que le Traité ne réalisait pas assez l’idéal wilsonien et qu’il privilégiait
trop les enjeux de puissance. Il y a une sorte de position équilibrée qui admet qu’au niveau
des clauses territoriales, les choses n’auraient pas été très différentes quoi qu’il en soit. Les
Allemands ne pouvaient être qu’être engagé à un révisionnisme.
Le vrai problème est qu’il n’y a pas eu de reconstruction d’un ordre international. Français et
Britanniques comptaient sur les Etats-Unis pour réinsérer l’Allemagne dans la SDN après
reconsidération du traité.
Les autres traités de paix contribuent à créer une Europe différente. Le Traité de Saint-
Germain avec l’Autriche interdit l’alliance avec l’Allemagne, le Traité de Trianon avec
l’Empire Ottoman et Neuilly avec la Bulgarie. On a critiqué le démantèlement de l’Empire
austro-hongrois qui du coup ne permettait plus un équilibre autour du Danube.
L’Autriche n’est pas satisfaite car elle ne peut pas rejoindre l’Allemagne. La Hongrie qui
perd des populations et la Bulgarie ne sont pas satisfaites non plus ;
L’Italie ne reçoit pas la côte d’Almatte et une partie de la Croatie. Elle fait partie des pays non
satisfaits qui seront révisionnistes.
L’Europe progresse quand même au niveau de l’homogénéisation nationale. Le principe des
nationalités a progressé, mais à côté de cela il y a des nouveaux états qui comportent de fortes
minorités ethniques. A Versailles on a alors stipulé que les droits des minorités seront
garanties par les nouveaux Etats. La SDN devait d’ailleurs contrôler la gestion de ces
minorités. Les responsables du Traité de Versailles défendent une conception civique reposant
sur les libertés individuelles alors qu’en Europe centrale la tradition est une conception
ethnique des nationalités.
Enfin, la transformation démocratique et libérale de l’Europe n’a pas été faite totalement.
Conclusion :
Les deux grands problèmes qui compromettent le système de 1919 : l’incertitude
fondamentale sur la notion de nationalité et le problème de la démocratisation. À cela s’ajoute
la question russe et le fait que les Etats-Unis n’ont pas ratifié le Traité de Versailles.
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