Place de la radiologie interventionnelle au cours de la pancréatite aiguë D

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Place de la radiologie interventionnelle
au cours de la pancréatite aiguë
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F. Labbé, P. Maquin, E. Bloom, B. Pradère, J.L. Gouzi*
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CHOIX DU DRAIN
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L’un d’entre nous a réalisé un travail en laboratoire (6) testant
plusieurs types de drain sur des milieux de densité comparable
à celle de la nécrose. Le drain de Van Sonnenberg à double
lumière s’est révélé le plus performant à condition d’employer
le modèle droit, de supprimer la robinetterie source de perte de
charge, et d’utiliser un drain de gros calibre 24 ou 30 French
(figure 1).
■ Le drainage percutané des collections doit être effectué à
l’aide de drains de gros calibres (24 à 30 F).
■ Seules les coulées de nécrose infectées doivent bénéficier
d’un drainage percutané.
■ Les drains doivent être changés régulièrement (en moyenne
trois fois par site de drainage).
■ La principale complication du drainage est la fistule. Celle-
ci guérit en général médicalement.
L
a réunion de consensus d’Atlanta de 1992 (1) reconnaît
deux types de complications infectieuses intra-abdominales survenant durant l’évolution d’une pancréatite
aiguë (PA) grave : les abcès et les nécroses infectées. La plupart
des auteurs (2) s’accordent dans les deux cas pour reconnaître la
nécessité d’un drainage efficace, le traitement médical seul
conduisant presque inéluctablement à l’échec thérapeutique.
Jusqu’à une date récente le drainage de ces collections était
exclusivement chirurgical soit par voie transpéritonéale, soit
plus récemment par un abord électif rétropéritonéal (3), qui a
pour avantage d’autoriser des débridements itératifs permettant
de réduire le taux de mortalité à moins de 20 %.
Le développement du drainage percutané (DP) des abcès intraabdominaux post-opératoires, ou secondaires à une sigmoïdite,
nous a amenés comme d’autres (4) à étendre cette technique au
traitement de la pancréatite aiguë. En effet, le DP des abcès a
montré son efficacité et sa moindre morbidité pariétale comparé au drainage chirurgical (5), aussi nous est-il apparu licite de
le proposer d’abord pour les abcès survenant après une pancréatite puis pour les coulées de nécroses infectées.
C’est cette technique, ses résultats dans la littérature et dans
notre expérience personnelle, que nous allons détailler à présent.
* Hôpital Purpan, Toulouse.
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Figure 1. Drain de Van Sonnenberg de 24 French. Par comparaison le
drain inférieur de plus petit calibre est le drain de 12 French le plus communément utilisé par les auteurs.
Figure 2. Drainage d'une collection infectée dirigé par examen TDM,
aiguille en place.
MISE EN PLACE DU DRAIN
La mise en place du drain est réalisée selon la technique décrite en 1984 par Van Sonnenberg (7). Une aiguille fine de 22
Gauge, guidée par examen tomodensitométrique, est introduite
au sein de la collection sous anesthésie locale (figure 2). En cas
de coulée de nécrose sans abcès, on procède à un prélèvement
bactériologique afin d’en affirmer le caractère septique, aucun
examen iconographique n’ayant une spécificité suffisante pour
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
juger de l’infection au sein de la nécrose. Le drainage doit alors
être repoussé de quelques heures pour attendre le résultat de cet
examen bactériologique. Comme la plupart des auteurs (8),
nous pensons que le drainage doit être réservé aux nécroses
infectées. S’il s’agit au contraire d’un abcès, il est vidé et le
drain est d’emblée introduit sous neuro-analgésie selon la technique de Seldinger.
SUITES POST-DRAINAGES
Le patient est amené en salle de réveil où le drain est immédiatement mis en lavage au sérum physiologique. Comme Van
Sonnenberg (7), nous pensons que l’utilisation de solutions
contenant un antibiotique ou un agent protéolytique est inutile,
voire nuisible.
Le malade est ensuite reconduit en service de soins intensifs, la
relative bénignité du geste ne dispensant pas bien sûr des soins
hautement spécialisés que nécessitent ces patients. Ils peuvent
être mis au fauteuil quelques heures après le drainage, et, le cas
échéant, être réalimentés. Le lavage est poursuivi à raison de
3 à 4 litres de sérum salé par jour. Dès que l’état des patients
l’autorise, les drains sont débranchés plusieurs fois par jour afin
de permettre aux patients de faire quelques pas dans le couloir.
L’ensemble de ces manipulations nécessite une attention toute
particulière de la part de l’ensemble du personnel du service
afin d’éviter l’obstruction du drain : il s’agit d’une technique
très consommatrice de temps qui peut, comme nous l’avons déjà
dit, difficilement s’envisager en dehors d’une structure de soins
intensifs.
Au début de l’évolution de la PA, le patient a un contrôle TDM
toutes les semaines (7,5 par patient en moyenne dans notre expérience). Nous rejoignons encore Van Sonnenberg pour penser
que la réalisation d’abcessogrammes est inutile et dangereuse sur
le plan septique. En cas d’apparition de nouvelles collections, il
faut savoir rajouter d’autres drains, certains patients dans notre
série ayant eu jusqu’à 4 drains de façon concomitante. Les drains
sont changés à la demande en cas d’obstruction, ce changement
s’effectuant alors de façon simple, sans anesthésie, sous contrôle scopique (figure 3). Dans notre pratique ces changements sont
nécessaires en moyenne trois fois par site de drainage.
RÉSULTATS
Nous n’avons relevé dans la littérature qu’une dizaine d’articles
faisant état de DP pour PA. La plupart des auteurs concluent à
l’inefficacité de la méthode (4, 9, 10), mais ces équipes ont
choisi des drains de petit calibre (14 French au maximum)
(tableau I), ce qui explique à notre sens ces échecs. Par ailleurs
les effectifs étaient très réduits, la plus grosse série française (4)
regroupant 13 patients seulement, avec un taux de laparotomie
secondaire de 85 %. Dans d’autres études (11, 12), les résultats
étaient plus tempérés mais les patients étaient sélectionnés, les
drainages étant limités aux abcès et aux pseudo-kystes infectés.
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - août 1998
Figure 3.
Changement
de drain par contrôle
scopique.
Pour notre part, après avoir essayé des drains de petit calibre et
constaté un taux d’échec important, nous avons résolument opté
pour le drain de gros diamètre. Ainsi, depuis 1992, tous nos
patients atteints de PA infectées ont été traités de première
intention par DP. Trente-deux malades au total (Ranson moyen
4,6, Balthazar D 10 cas, E 22 cas) ont été soignés selon cette
technique ; il s’agissait de 49 drainages correspondant à huit
abcès et 41 nécroses infectées.
Tableau I. Drainage percutané des complications infectieuses intraabdominales des pancréatites aiguës nécrotico-hémorragiques.
Auteur
Année
Effectif
Taille drain Conversion %
(French)
Leone
1996
15
12 - 16
33
Lee
1992
30
12 - 24
55
Feig
1992
16
12
62
Rotmann
1992
13
14
85
Karlson
1982
6
7-8
50
Dans notre série 25 patients sur 32 (78 %) ont été guéris par le
drainage percutané exclusif. En effet, cinq malades sont décédés
(15,6 %), ce qui équivaut à la moyenne des résultats des
meilleures séries chirurgicales récentes : 35 % pour Chaudhary
(13), 30 % pour Margulies (14), 25 % pour Rotman (15), ou
7 % pour Farkas (16). D’autre part, deux autres patients (6,2 %)
ont subi une nécrosectomie chirurgicale pour échec du drainage
après plusieurs semaines de lavage.
Parmi les 25 malades guéris, nous avons enregistré 55,5 % de
complications évolutives dominées, comme dans les séries chirurgicales, par les fistules (14 cas) et les pseudo-kystes (3 cas).
Les fistules digestives (28 %) plus directement imputables à la
méthode sont sans doute plus fréquentes que lors des abords
chirurgicaux rétropéritonéaux (15 %) (13), mais elles ont tou167
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jours guéri par traitement médical. De plus, la durée d’hospitalisation, comparée à celle des séries chirurgicales, n’a pas été
raccourcie par le drainage percutané, puisque la durée moyenne
de séjour en soins intensifs de nos patients est de près de deux
mois (57 jours), et la durée moyenne d’hospitalisation de près
de trois mois (81 jours).
CONCLUSION
Le DP peut être proposé de première intention aux patients
atteints d’abcès survenant au cours d’une PA. Pour les nécroses
infectées les attitudes sont plus tempérées, mais, à notre sens,
les échecs enregistrés sont dus à l’emploi de drains trop petits et
peut-être à une “conversion” trop précipitée par manque de
confiance en la technique. Dans notre expérience, le taux de
succès est proche de 80 %, le confort du patient est meilleur, et
enfin, à l’heure de la cœlio-chirurgie, le résultat pariétal à distance est excellent.
■
Mots clés. Pancréatite aiguë - Complications - Radiologie interventionnelle - Drainage.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
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Site Internet : http://www.edimark.fr
E-mail : [email protected]
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