Les progrès en pharmaco-génomique : qu’apporte la connaissance des polymorphismes ?

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 10 - décembre 2013
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Mise au point
Points forts
Highlights
»
La pharmacogénomique consiste à étudier l’effet des
polymorphismes génétiques sur la sensibilité individuelle aux
traitements et leurs éventuels eff ets indésirables.
»
Dans le domaine de la stimulation ovarienne, l’objectif est de
mieux individualiser la dose initiale de FSH en fonction des
besoins spécifi ques de la patiente de façon à éviter une réponse
ovarienne insuffisante et un syndrome d’hyperstimulation
ovarienne.
»
Les données sur le gène du récepteur de la FSH, situé sur le
chromosome 2, suggèrent une sensibilité réduite à la FSH in vivo
pour le variant Ser680, pouvant être corrigée par l’augmentation
de la dose de FSH exogène. En revanche, les femmes homozygotes
pour Asn680 sont plus à risque d’hyperstimulation ovarienne
sévère.
»
On peut envisager, à terme, que cette approche fera partie
du bilan précédant la stimulation ovarienne, mais des études
complémentaires sont nécessaires pour mieux évaluer le poids
spécifi que des diff érents paramètres : âge, réserve ovarienne, indice
de masse corporelle, taux plasmatiques d’androgènes et dinsuline,
polymorphismes des récepteurs de FSH, AMH, estradiol, variants
de LH, BMP 15 et AMH.
Mots-clés : Pharmacogénomique – FSH – Récepteur de la FSH –
Stimulation ovarienne
Pharmacogenomics is the study of the effects of genetic
polymorphisms on individual sensitivity to various treatments
and to their possible adverse eff ects.
In the fi eld of ovarian stimulation, the goal is to arrive at a
better-adjusted personalised initial dose of FSH based on
the specifi c needs of the patient, so as to avoid insuffi cient
ovarian response and ovarian hyperstimulation syndrome.
Data on the gene of the FSH receptor, found in chromosome
2, suggest reduced sensitivity to FHS in vivo for the variant
Ser680, that can be corrected by increasing the dose of
exogenous FSH. However, Asn680 homozygotic women have
a greater risk of severe ovarian hyperstimulation.
Eventually, this approach might be included in the exams
that precede ovarian stimulation, but additional studies
are necessary to better evaluate the specific role of each
parameter: age, ovarian reserve, body mass index, plasma
levels of insulin and androgens, as well as polymorphism of
FSH, AMH, estradiol, LH, BMP 15 and AMH variant receptors.
Keywords: Pharmacogenomics – FSH – FSH receptor –
Ovarian stimulation
Les progrès en pharmaco-génomique :
quapporte la connaissance
des polymorphismes ?
Progress in pharmacogenomics: what about polymorphisms?
J.M. Antoine*
* Université Pierre-et-Marie
Curie (Paris-VI)
et hôpital Tenon, Paris.
Défi nitions
Mutations (inhibitrices/activatrices), délétions,
translocations : modifi cations majeures de la séquence
d’ADN, rares et à l’origine de variations importantes
du phénotype.
Polymorphismes : variants physiologiques du géno-
type, fréquents dans la population générale.
SNP (single nucleotide polymorphism) : changement
d’une seule base présent dans au moins 1 % de la
population.
Pharmacogénomique : étude de l’eff et des polymor-
phismes sur la sensibilité individuelle aux traitements et
leurs eff ets indésirables, dans le but de mieux adapter
la dose administrée à chaque personne en fonction de
ses caractéristiques génétiques propres.
© La Lettre
du Gynécologue
2010;355:29-31.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n°10 - décembre 2013
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Mise au point
I. Qu'est-ce que le
polymorphisme
d’un gène ?
Lexpression variable
d’un gène sous l’influence
de modulateurs
épigénétiques.
Des variants
physiologiques
du génotype fréquents
dans la population
générale.
Lexpression
phénotypique variable
d’un gène au sein
d’une fratrie.
Des variations de la
structure d’un gène d’une
population à l’autre sans
conséquences connues.
II. Le polymorphisme
Asn/Asn 680 du gène
du récepteur de la FSH :
n’a pas de conséquence
connue ;
expose à un risque
de réponse ovarienne
insuffisante ;
expose à un
risque de syndrome
d’hyperstimulation
ovarienne plus sévère ;
nécessite d’introduire
précocement de la LH
au cours de la stimulation
ovarienne.
Quiz
Réponses : I : 2 ; II : 3.
Gène du récepteur de la FSH (FSHR)
Situé sur le chromosome 2 p21-p16, le récepteur de la
follicle-stimulating hormone (FSH) comprend 10 exons
et 9 introns :
Les 9 premiers exons codent pour le domaine extra-
cellulaire du récepteur.
Lexon 10 code pour l’extrémité C terminale du
domaine extracellulaire et pour les domaines trans-
membranaire et intracellulaire de FSHR. Il est donc
fondamental pour la transduction du signal mais non
nécessaire à la liaison du ligand.
Le FSHR est situé, chez la femme, exclusivement à la
surface des cellules de la granulosa. Il appartient à la
famille des récepteurs couplés à la protéine G et consti-
tué de 678 acides aminés, groupés en un domaine
extracellulaire N terminal (349 acides aminés formant
une poche en fer à cheval : la spécifi cité de liaison de
la FSH repose sur des acides aminés des sous-unités α
et β). Elle entraîne des changements de conformation
de la FSH et une activation de la protéine kinase A (PKA),
principal signal de la transduction ; en 7 domaines
transmembranaires, composés de 264 acides aminés ;
en 1 domaine intracellulaire C terminal constitué de
65 acides aminés, à l’origine de la transduction du signal
induit par la fi xation de la FSH à son récepteur. La FSH
est constituée de deux sous-unités α et β. Par activa-
tion de FSHR des cellules de la granulosa de l’ovaire,
elle stimule la croissance des follicules antraux et la
synthèse de l’aromatase indispensable à la production
d’estradiol.
Les mutations inactivatrices du gène FSHR sont
rares. Décrites initialement en Finlande (1), elles
entraînent dans la forme complète une insuffisance
ovarienne majeure avec retard pubertaire, aménor-
rhée primaire, estradiol plasmatique bas et FSH très
élevée, arrêt du développement folliculaire au stade
primordial. Des résistances partielles se traduisent
par une puberté normale et aménorrhée secondaire
avec des follicules antraux jusqu’à 5 mm. Dautres
mutations de FSHR entraînent la perte de spécificité
de liaison pour la FSH et un syndrome d’hypersti-
mulation ovarienne familial spontané induit par
hCG (2-4).
Environ 1 800 polymorphismes ont été mis en évi-
dence par séquençage du gène, mais la plupart sont
situés sur un intron et 8 seulement sur un exon (codant
pour les protéines), dont 7 sur l’exon 10 en position
307, 329, 449, 524, 567, 665 et 680 et 6 associés à des
substitutions d’acides aminés.
Les polymorphismes les plus fréquents concernent
les nucléotides 919 et 2039 de l’exon 10, qui cor-
respondent aux acides aminés 307 et 680 de la pro-
téine mature : Ala307Thr (alanine ou tréonine) et
Ser680Asn (sérine ou asparagine) dont la fréquence
et la distribution ethnique ont été bien caractéri-
sées : les combinaisons Ala307-Ser608 (AS) et Thr307-
Asn680 (TN) sont les plus fréquentes, représentant
environ 40 % de tous les allèles du FSHR au niveau
mondial.
Le polymorphisme du codon 680 a fait l’objet de la
majorité des études en ce qui concerne l’impact sur la
fonction ovarienne :
Au cours du cycle menstruel normal, l’allèle Ser/
Ser 680 est signifi cativement plus fréquent chez les
femmes avec FSH élevée par rapport aux femmes
avec FSH normale, suggérant une sensibilité à la FSH
réduite (5).
En revanche, il n’apparaît pas d’association entre le
polymorphisme du FSHR et une insuffi sance ovarienne
prématurée (6).
En cycle stimulé, la quantité de FSH nécessaire
pour obtenir le même pic d’estradiol est signifi ca-
tivement plus faible chez les femmes homozygotes
pour le variant Asn680 par rapport aux femmes
homozygotes Ser680 ou hétérozygotes, suggérant
une plus faible sensibilité à la FSH in vivo pour le
variant Ser680 (7). La réponse plus faible chez les
homozygotes Ser680 est corrigée par l’augmentation
de la dose de FSH (8).
En FIV, pour certains, le génotype du codon 680
infl ue signifi cativement sur les nombres de follicules
et d’ovocytes (9) ; le taux de grossesses cliniques est
signifi cativement plus élevé chez les homozygotes
pour Asn680 (10) ou à l’inverse pour Ser680 (11).
Des études sur des effectifs plus importants sont
nécessaires pour tirer des conclusions à ce sujet ; le
syndrome d’hyperstimulation ovarienne iatrogène
serait plus sévère chez les femmes Asn/Asn 680 par
sensibilité accrue à la FSH exogène (12). Le poly-
morphisme en 307 semble également infl uer sur la
réponse à la stimulation, avec des besoins plus réduits
en FSH exogène, un estradiol plasmatique plus élevé
et davantage de syndrome d’hyperstimulation chez
les patientes Ala307Ala (13). Le polymorphisme, G/A
dans la région 5’ en position -29, a également été
étudié : in vitro, la présence de l’allèle A est associée
à une diminution de l’activité transcriptionnelle du
récepteur par rapport à l’allèle G ; in vivo, les femmes
AA ont un besoin supérieur en FSH, des taux d’estra-
diol plus bas, des nombres de follicules et d’ovocytes
ponctionnés et des taux de grossesses plus faibles
que les GG, suggérant une plus grande résistance
à la FSH (14).
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Les progrès en pharmaco-génomique : qu’apporte la connaissance des polymorphismes ?
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Références
Gène du récepteur de LH
Il est situé à côté du gène de FSHR sur le chromosome 2
et comporte 11 exons. Les mutations hétérozygotes
nont pas d’expression phénotypique chez la femme. Les
mutations homozygotes sont associées à une puber
normale ou subnormale, une aménorrhée primaire ou
secondaire, une FSH normale mais une LH très élevée,
et à l’existence de follicules primordiaux et antraux,
sans corps jaune.
Gène de la LH
Le variant le plus courant de la LH-β (v-βLH) est retrouvé
plus fréquemment chez les femmes avec résistance à
la rec-FSH exogène (15). Autres variants à l’étude : le
récepteur de l’estradiol (16, 17), l’AMH et son récepteur
(18, 19), GDF9 et BMP 15 (20, 21).
Conclusion
Ces données suggèrent que des variants génomiques
sont susceptibles de modifi er la réponse ovarienne à
la FSH exogène, notamment celui du codon 680 du
gène du récepteur de la FSH, dont la détermination
fera probablement partie à terme du bilan requis avant
stimulation ovarienne. Le but ultime est d’individua-
liser chaque protocole thérapeutique en fonction
des besoins spécifi ques de la patiente et d’éviter les
réponses ovariennes insuffi santes et les hyperstimula-
tions iatrogènes. À l’évidence, cette approche ne peut
se limiter à la détermination d’un génotype isolé. Des
études prospectives complémentaires en cours permet-
tront de mieux évaluer le poids spécifi que de chaque
paramètre potentiel : âge, réserve ovarienne, indice
de masse corporelle, androgènes, insuline, polymor-
phismes des récepteurs de FSH, AMH, estradiol, variants
de LH, BMP 15 et AMH.
L’auteur déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
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