Absence de relation moléculaire entre les tumeurs borderline

26
es tumeurs de l’ovaire à malignité atténuée, dites bor-
derline, représentent 10 à 15 % des tumeurs ova-
riennes épithéliales. Elles sont caractérisées par
l’absence d’invasion, surviennent à un âge plus jeune et ont un
pronostic de loin meilleur que leurs équivalents invasifs (1).
Certains ont suggéré que les tumeurs à malignité atténuée
représentent des précurseurs des tumeurs ovariennes inva-
sives (2). D’autres, par contre, estiment que ces tumeurs
constituent un groupe indépendant et n’évoluent pas en général
en cancers ovariens (3). Afin de contribuer à l’élucidation de
cette controverse, nous avons entrepris une revue de la littéra-
ture et avons tiré profit de l’incidence élevée de certaines muta-
tions dans les gènes BRCA1 et BRCA2 ches les patientes israé-
liennes souffrant de cancers ovariens (4). En effet, les
mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 de la lignée germi-
nale sont associées à la prédisposition familiale aux cancers du
sein et de l’ovaire (4). L’incidence de mutations dans un de ces
deux gènes est de 1 pour 800 dans la population générale, mais
s’élève à 2 % parmi les Juifs d’origine ashkénaze. Trois muta-
tions ancestrales, la mutation 185de1AG et 53insC dans le gène
BRCA1, et la mutation 6174de1T dans le gène BRCA2,peuvent
être identifiées chez 2 % des Juifs ashkénazes, ainsi que chez
20 à 60 % des patientes porteuses du cancer de l’ovaire en
Israël. L’incidence élevée de ces mutations chez les patientes
porteuses de cancers de l’ovaire nous a incités à analyser leur
fréquence chez les patientes avec des tumeurs à malignité atté-
nuée et à la comparer à celle relevée chez les patientes avec des
cancers de l’ovaire. Une fréquence élevée de mutations à la
fois chez les patientes porteuses de tumeurs à malignité atté-
nuée et chez celles porteuses de cancers ovariens suggérerait
une étiopathogénie commune. Ceci soutiendrait l’hypothèse
que les tumeurs à malignité atténuée constituent des formes
précoces non invasives des cancers ovariens. Inversement, une
absence de corrélation entre la fréquence des mutations dans
les tumeurs à malignité atténuée et celle observée dans les can-
cers invasifs suggérerait l’absence de relation entre ces deux
types de tumeurs, tout au moins dans les formes familiales.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Par analogie avec les lésions intra-épithéliales du col utérin, il
pourrait sembler à première vue que les tumeurs à malignité
La Lettre du Gynécologue - n° 254 - septembre 2000
Absence de relation moléculaire entre les tumeurs
à malignité atténuée (borderline)
et les cancers héréditaires de l’ovaire
W.H. Gotlieb*, G. Ben-Baruch*, E. Friedman**, B. Davidson***
*Division d’oncologie gynécologique, Centre médical Sheba, université de
Tel-Aviv, Israël.
**Laboratoire d’oncogénétique, Centre médical Sheba, université de Tel-Aviv,
Israël.
***Département d’anatomopathologie, The Norvegian Radium Hospital, Oslo,
Norvège.
RÉSUMÉ DE LA RELATION
TUMEURS BORDERLINE
ET CANCERS DE L’OVAIRE
L’analyse de marqueurs biologiques suggère que les
tumeurs à malignité atténuée ne partagent pas les mêmes
anomalies génétiques et la même étiopathogénie que les
cancers de l’ovaire.
Objectifs de l’étude. Il persiste des divergences d’opinion
concernant la possibilité que les tumeurs à malignité atténuée
(dites borderline) représentent des précurseurs des tumeurs
épithéliales invasives de l’ovaire. L’étude de marqueurs bio-
logiques permet d’analyser la relation entre ces deux types de
tumeurs.
Modalités. Revue de la littérature et analyse de la pré-
sence des mutations 185de1AG-BRCA1 et 6174de1T-BRCA2
chez les patientes porteuses de tumeurs borderline et chez les
patientes porteuses de cancers ovariens.
Résultats. Un nombre important d’études des marqueurs
biologiques dans les tumeurs à malignité atténuée ne trouvent
pas de similitudes avec les cancers invasifs de l’ovaire. Par
ailleurs, seules 2,2 % de patientes israéliennes souffrant de
tumeurs à potentiel malin réduit présentent une mutation
dans le gène 185de1AG-BRCA1, contrairement aux 32 % de
patientes israéliennes souffrant de cancers ovariens et présen-
tant une mutation (p < 0,0003).
Conclusion. Ces résultats suggèrent que la prédisposition
génétique ainsi que les mécanismes moléculaires à l’origine
des tumeurs borderline et des cancers héréditaires de l’ovaire
sont différents.
Mots-clés. Borderline - Cancer de l’ovaire - Génétique -
Héréditaire - Familial - Mutation - BRCA.
L
DOSSIER
27
atténuée de l’ovaire, caractérisées par la présence de cellules
atypiques pseudostratifiées sans effraction de la membrane
basale, représentent des précurseurs des cancers invasifs de
l’ovaire (1).
Certaines études de marqueurs biologiques soutiennent cette
hypothèse. Ainsi, des similitudes ont été décrites entre les
tumeurs à malignité atténuée et les cancers invasifs concernant
les marqueurs moléculaires K-ras (5, 6), Bcl-2 (7), PDGF (8),
CA125 (9) et gamma GT (10). Contrairement à ces études, la
majorité des données publiées semblent indiquer l’absence de
relation moléculaire entre les tumeurs à malignité atténuée et
les cancers invasifs ovariens. Contrairement aux cancers inva-
sifs, on ne trouve pas de cellules atypiques dans des kystes
d’inclusion, considérés comme précurseurs à potentiel malin, à
proximité des tumeurs à malignité atténuée (11). L’altération
des gènes somatiques présents dans les cancers ovariens,
comme la perte allélique des chromosomes 6p, 9p, 17p et q, et
13p et q, n’est que rarement retrouvée dans les tumeurs à mali-
gnité atténuée (12-15). La perte d’hétérozigotie pour le gène
p53, ou sa mutation, est fréquente dans les cancers ovariens
(50 %), mais rare dans les tumeurs à malignité atténuée (0-
14 %) (3, 16-21). Des différences ont également été décrites
entre ces deux types de tumeurs pour les marqueurs molécu-
laires comme AKT2 (22), c-erb B2 (23, 24), et l’amphirégu-
line (25). Par ailleurs, les tumeurs à malignité atténuée, à
l’inverse des cancers invasifs, présentent fréquemment une
instabilité des microsatellites (26).
Il ressort de cette brève revue de littérature que les méca-
nismes moléculaires menant au développement des tumeurs à
malignité atténuée et des cancers invasifs sont différents, et
que le potentiel d’évolution des tumeurs à malignité atténuée
en cancers invasifs demeure incertain. Une étude récemment
publiée par notre groupe a comparé la fréquence de mutations
ancestrales 185de1AG-BRCA1 et 6174de1T-BRCA2 dans les
tumeurs à malignité atténuée et dans les cancers invasifs de
l’ovaire (4). Dans le groupe des tumeurs à malignité atténuée,
une patiente seulement (2,2 %) possédait une mutation dans le
gène 185de1AG-BRCA1, contrairement à 19 patientes (17 avec
la mutation 185de1AG-BRCA1 et 2 avec la mutation
6174de1T-BRCA2) (32,2 %) porteuses de cancers ovariens
invasifs (tableau I). Néanmoins, comme il a été démontré à
maintes reprises que l’incidence des mutations dans les gènes
BRCA1 et BRCA2 est plus élevée dans la population juive ash-
kénaze que dans la population d’origine séfarade (nord-afri-
caine) et plus faible dans les tumeurs d’histologie mucineuse
que dans celles d’histologie séreuse, nous devions éliminer la
possibilité qu’une sélection ethnique ou histologique ait pu
influencer nos résultats. À cette fin, nous avons analysé sépa-
rément les résultats obtenus chez les patientes d’origine ashké-
naze ainsi que dans les tumeurs séreuses. Les résultats de cette
analyse ont confirmé la différence significative entre les
tumeurs à malignité atténuée et les cancers invasifs (tableau I).
Une incidence faible de tumeurs à malignité atténuée a été rap-
portée dans les familles présentant plusieurs membres atteints
de cancers de l’ovaire. En effet, d’après nos résultats, il n’y a
pas de raison de trouver une incidence plus élevée de tumeurs
à malignité atténuée dans ces familles à risques de cancers
ovariens, étant donné que la majorité des altérations molécu-
laires héréditaires à l’origine des syndromes de cancers fami-
liaux ovariens se situent dans les gènes BRCA. Ces mutations
n’apparaissent pas augmenter le risque de tumeurs à malignité
atténuée, du moins pour les mutations ancestrales que nous
avons analysées. Nous n’avons néanmoins pas exclu que
d’autres mutations plus rares dans les gènes BRCA ou dans
d’autres gènes puissent être à l’origine de certaines formes de
tumeurs à malignité atténuée qui seraient peut-être des précur-
seurs de cancers ovariens. Néanmoins, d’après les études
moléculaires citées et en accord avec l’observation clinique, la
probabilité qu’une tumeur à malignité atténuée évolue en can-
cer invasif est particulièrement faible.
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La Lettre du Gynécologue - n° 254 - septembre 2000
Tableau I. Représentation des résultats obtenus lors de l’analyse des
mutations 185delAG-BRCA1 et 6174delT-BRCA2 dans les tumeurs à
malignité atténuée (borderline) et dans les cancers invasifs de l’ovaire
(total), ainsi que dans les sous-groupes de patientes ashkénazes ou de
tumeurs séreuses uniquement (4). La recherche de mutations était
basée sur la technique de détection de mutations par formation d’hété-
roduplex après amplification par PCR et confirmation de la mutation
par analyse de la séquence d’ADN.
Total 185delAG 6174delT
Borderline 46 1 0
invasif 59 17 2
p = 0,00028
Ashkénazes Séreux
Borderline 1/32 (3,1 %) 1/36 (2,8 %)
invasif 17/47 (36,2 %) 16/52 (30,8 %)
p = 0,0015 p = 0,0011
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DOSSIER
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