Absence de relation moléculaire entre les tumeurs borderline

publicité
D
O
S
S
I
E
R
Absence de relation moléculaire entre les tumeurs
à malignité atténuée (borderline)
et les cancers héréditaires de l’ovaire
● W.H. Gotlieb*, G. Ben-Baruch*, E. Friedman**, B. Davidson***
RÉSUMÉ DE LA RELATION
TUMEURS BORDERLINE
ET CANCERS DE L’OVAIRE
L’analyse de marqueurs biologiques suggère que les
tumeurs à malignité atténuée ne partagent pas les mêmes
anomalies génétiques et la même étiopathogénie que les
cancers de l’ovaire.
● Objectifs de l’étude. Il persiste des divergences d’opinion
concernant la possibilité que les tumeurs à malignité atténuée
(dites borderline) représentent des précurseurs des tumeurs
épithéliales invasives de l’ovaire. L’étude de marqueurs biologiques permet d’analyser la relation entre ces deux types de
tumeurs.
● Modalités. Revue de la littérature et analyse de la présence des mutations 185de1AG-BRCA1 et 6174de1T-BRCA2
chez les patientes porteuses de tumeurs borderline et chez les
patientes porteuses de cancers ovariens.
● Résultats. Un nombre important d’études des marqueurs
biologiques dans les tumeurs à malignité atténuée ne trouvent
pas de similitudes avec les cancers invasifs de l’ovaire. Par
ailleurs, seules 2,2 % de patientes israéliennes souffrant de
tumeurs à potentiel malin réduit présentent une mutation
dans le gène 185de1AG-BRCA1, contrairement aux 32 % de
patientes israéliennes souffrant de cancers ovariens et présentant une mutation (p < 0,0003).
● Conclusion. Ces résultats suggèrent que la prédisposition
génétique ainsi que les mécanismes moléculaires à l’origine
des tumeurs borderline et des cancers héréditaires de l’ovaire
sont différents.
● Mots-clés. Borderline - Cancer de l’ovaire - Génétique Héréditaire - Familial - Mutation - BRCA.
*Division d’oncologie gynécologique, Centre médical Sheba, université de
Tel-Aviv, Israël.
**Laboratoire d’oncogénétique, Centre médical Sheba, université de Tel-Aviv,
Israël.
***Département d’anatomopathologie, The Norvegian Radium Hospital, Oslo,
Norvège.
26
L
es tumeurs de l’ovaire à malignité atténuée, dites borderline, représentent 10 à 15 % des tumeurs ovariennes épithéliales. Elles sont caractérisées par
l’absence d’invasion, surviennent à un âge plus jeune et ont un
pronostic de loin meilleur que leurs équivalents invasifs (1).
Certains ont suggéré que les tumeurs à malignité atténuée
représentent des précurseurs des tumeurs ovariennes invasives (2). D’autres, par contre, estiment que ces tumeurs
constituent un groupe indépendant et n’évoluent pas en général
en cancers ovariens (3). Afin de contribuer à l’élucidation de
cette controverse, nous avons entrepris une revue de la littérature et avons tiré profit de l’incidence élevée de certaines mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 ches les patientes israéliennes souffrant de cancers ovariens (4). En effet, les
mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 de la lignée germinale sont associées à la prédisposition familiale aux cancers du
sein et de l’ovaire (4). L’incidence de mutations dans un de ces
deux gènes est de 1 pour 800 dans la population générale, mais
s’élève à 2 % parmi les Juifs d’origine ashkénaze. Trois mutations ancestrales, la mutation 185de1AG et 53insC dans le gène
BRCA1, et la mutation 6174de1T dans le gène BRCA2, peuvent
être identifiées chez 2 % des Juifs ashkénazes, ainsi que chez
20 à 60 % des patientes porteuses du cancer de l’ovaire en
Israël. L’incidence élevée de ces mutations chez les patientes
porteuses de cancers de l’ovaire nous a incités à analyser leur
fréquence chez les patientes avec des tumeurs à malignité atténuée et à la comparer à celle relevée chez les patientes avec des
cancers de l’ovaire. Une fréquence élevée de mutations à la
fois chez les patientes porteuses de tumeurs à malignité atténuée et chez celles porteuses de cancers ovariens suggérerait
une étiopathogénie commune. Ceci soutiendrait l’hypothèse
que les tumeurs à malignité atténuée constituent des formes
précoces non invasives des cancers ovariens. Inversement, une
absence de corrélation entre la fréquence des mutations dans
les tumeurs à malignité atténuée et celle observée dans les cancers invasifs suggérerait l’absence de relation entre ces deux
types de tumeurs, tout au moins dans les formes familiales.
RÉSULTATS ET DISCUSSION
Par analogie avec les lésions intra-épithéliales du col utérin, il
pourrait sembler à première vue que les tumeurs à malignité
La Lettre du Gynécologue - n° 254 - septembre 2000
atténuée de l’ovaire, caractérisées par la présence de cellules
atypiques pseudostratifiées sans effraction de la membrane
basale, représentent des précurseurs des cancers invasifs de
l’ovaire (1).
Certaines études de marqueurs biologiques soutiennent cette
hypothèse. Ainsi, des similitudes ont été décrites entre les
tumeurs à malignité atténuée et les cancers invasifs concernant
les marqueurs moléculaires K-ras (5, 6), Bcl-2 (7), PDGF (8),
CA125 (9) et gamma GT (10). Contrairement à ces études, la
majorité des données publiées semblent indiquer l’absence de
relation moléculaire entre les tumeurs à malignité atténuée et
les cancers invasifs ovariens. Contrairement aux cancers invasifs, on ne trouve pas de cellules atypiques dans des kystes
d’inclusion, considérés comme précurseurs à potentiel malin, à
proximité des tumeurs à malignité atténuée (11). L’altération
des gènes somatiques présents dans les cancers ovariens,
comme la perte allélique des chromosomes 6p, 9p, 17p et q, et
13p et q, n’est que rarement retrouvée dans les tumeurs à malignité atténuée (12-15). La perte d’hétérozigotie pour le gène
p53, ou sa mutation, est fréquente dans les cancers ovariens
(50 %), mais rare dans les tumeurs à malignité atténuée (014 %) (3, 16-21). Des différences ont également été décrites
entre ces deux types de tumeurs pour les marqueurs moléculaires comme AKT2 (22), c-erb B2 (23, 24), et l’amphiréguline (25). Par ailleurs, les tumeurs à malignité atténuée, à
l’inverse des cancers invasifs, présentent fréquemment une
instabilité des microsatellites (26).
Il ressort de cette brève revue de littérature que les mécanismes moléculaires menant au développement des tumeurs à
malignité atténuée et des cancers invasifs sont différents, et
que le potentiel d’évolution des tumeurs à malignité atténuée
en cancers invasifs demeure incertain. Une étude récemment
publiée par notre groupe a comparé la fréquence de mutations
ancestrales 185de1AG-BRCA1 et 6174de1T-BRCA2 dans les
tumeurs à malignité atténuée et dans les cancers invasifs de
l’ovaire (4). Dans le groupe des tumeurs à malignité atténuée,
une patiente seulement (2,2 %) possédait une mutation dans le
gène 185de1AG-BRCA1, contrairement à 19 patientes (17 avec
la mutation 185de1AG-BRCA1 et 2 avec la mutation
6174de1T-BRCA2) (32,2 %) porteuses de cancers ovariens
invasifs (tableau I). Néanmoins, comme il a été démontré à
maintes reprises que l’incidence des mutations dans les gènes
BRCA1 et BRCA2 est plus élevée dans la population juive ashkénaze que dans la population d’origine séfarade (nord-africaine) et plus faible dans les tumeurs d’histologie mucineuse
que dans celles d’histologie séreuse, nous devions éliminer la
possibilité qu’une sélection ethnique ou histologique ait pu
influencer nos résultats. À cette fin, nous avons analysé séparément les résultats obtenus chez les patientes d’origine ashkénaze ainsi que dans les tumeurs séreuses. Les résultats de cette
analyse ont confirmé la différence significative entre les
tumeurs à malignité atténuée et les cancers invasifs (tableau I).
Une incidence faible de tumeurs à malignité atténuée a été rapportée dans les familles présentant plusieurs membres atteints
de cancers de l’ovaire. En effet, d’après nos résultats, il n’y a
pas de raison de trouver une incidence plus élevée de tumeurs
à malignité atténuée dans ces familles à risques de cancers
La Lettre du Gynécologue - n° 254 - septembre 2000
Tableau I. Représentation des résultats obtenus lors de l’analyse des
mutations 185delAG-BRCA1 et 6174delT-BRCA2 dans les tumeurs à
malignité atténuée (borderline) et dans les cancers invasifs de l’ovaire
(total), ainsi que dans les sous-groupes de patientes ashkénazes ou de
tumeurs séreuses uniquement (4). La recherche de mutations était
basée sur la technique de détection de mutations par formation d’hétéroduplex après amplification par PCR et confirmation de la mutation
par analyse de la séquence d’ADN.
Total
185delAG
6174delT
Borderline
46
1
0
invasif
59
17
2
Ashkénazes
Séreux
Borderline
1/32 (3,1 %)
1/36 (2,8 %)
invasif
17/47 (36,2 %)
16/52 (30,8 %)
p = 0,0015
p = 0,0011
p = 0,00028
ovariens, étant donné que la majorité des altérations moléculaires héréditaires à l’origine des syndromes de cancers familiaux ovariens se situent dans les gènes BRCA. Ces mutations
n’apparaissent pas augmenter le risque de tumeurs à malignité
atténuée, du moins pour les mutations ancestrales que nous
avons analysées. Nous n’avons néanmoins pas exclu que
d’autres mutations plus rares dans les gènes BRCA ou dans
d’autres gènes puissent être à l’origine de certaines formes de
tumeurs à malignité atténuée qui seraient peut-être des précurseurs de cancers ovariens. Néanmoins, d’après les études
moléculaires citées et en accord avec l’observation clinique, la
probabilité qu’une tumeur à malignité atténuée évolue en cancer invasif est particulièrement faible.
■
R
É
F
É
R
E
N
C
E
S
B
I
B
L
I
O
G
R
A
P
H
I
Q
U
E
S
1. Gotlieb WH, Flikker S, Davidson B et al. Bordeline tumors of the ovary : fertility treatment, conservative management, and pregnancy outcome. Cancer
1998 ; 82 : 141.
2. Link CJJ, Kohn E, Reed E. The relationship between bordeline ovarian
tumors and epithelial ovarian carcinoma : epidemiologic, pathologic, and molecular aspects. Gynecol Oncol 1996 ; 60 : 347.
3. Van Haaften Day C, Russell P, Boyer CM et al. Expression of cell regulatory
proteins in ovarian bordeline tumors. Cancer 1996 ; 77 : 2092.
4. Gotlieb WH, Friedman E, Bar-Sade RB et al. Rates of Jewish ancestral
mutations in BRCA1 and BRCA2 in bordeline ovarian tumors. J Natl Cancer
Inst 1998 ; 90 : 995.
5. Mok SC, Bell DA, Knapp RC et al. Mutation of K-ras protooncogene in
human ovarian epithelial tumors of bordeline malignancy. Cancer Res 1993 ;
53 : 1489.
6. Ichikawa Y, Nishida M, Suzuki H et al. Mutation of K-ras protooncogene is
associated with histological subtypes in human mucinous ovarian tumors
[published erratum appears in Cancer Res 1994 ; 54 (5) : 1391]. Cancer Res
1994 ; 54 ; 33.
7. Henriksen R, Wilander E, Oberg K. Expression and prognostic significance
of Bcl-2 in ovarian tumours. Br J Cancer 1995 ; 72 : 1324.
8. Henriksen R, Funa K, Wilander E et al. Expression and prognostic significance of platelet-derived growth factor and its receptors in epithelial ovarian
neoplams. Cancer Res 1993 ; 53 : 4550.
27
D
O
S
S
I
E
R
9. Tamakoshi K, Kikkawa F, Shibata K et al. Clinical value of CA125, CA19-9,
CEA, CA72-4, and TPA in bordeline ovarian tumor. Gynecol Oncol 1996 ; 62 :
67.
10. Hanigan MH, Frierson HF Jr, Brown JE, Lovell MA, Taylor PT. Human
ovarian tumors express gamma-glutamyl transpeptidase. Cancer Res 1994 ;
54 : 286.
11. Hutson R, Ramsdale J, Wells M. p53 protein expression in putative precursor lesions of epithelial ovarian cancer. Histopathology 1995 ; 27 : 367.
12. Wertheim I, Tangir J, Muto MG et al. Loss of heterozygosity of chromosome 17 in human bordeline and invasive epithelial ovarian tumors. Oncogene
1996 ; 12 : 2147.
13. Tangir J, Muto MG, Berkowitz RS et al. A 400 kb novel delection unit centrometric to the BRCA1 gene in sporadic epithelial ovarian cancer. Oncogene
1996 ; 12 : 735.
14. Rodabaugh KJ, Biggs RB, Qureshi JA et al. Detailed deletion mapping of
chromosome 9p and p16 gene alterations in human bordeline and invasive epithelial ovarian tumors. Oncogene 1995 ; 11 : 1249.
15. Rodabaugh KJ, Blanchard G, Welch WR et al. Detailed deletion mapping
of chromosome 6q in bordeline epithelial ovarian tumors. Cancer Res 1995 ;
55 : 2169.
16. Berchuck A, Kohler MF, Hopkins MP et al. Overexpression of p53 is not a
feature of benign and early-stage bordeline epithelial ovarian tumors. Gynecol
Oncol 1994 ; 52 : 232.
17. Kupryjanczyk KJ, Bell DA, Yandell DW, Scully RE, Thor AD. p53 expression in ovarian bordeline tumors and stage I carcinomas. Am J Clin Pathol
1994 ; 102 : 671.
A
B
O
N
N
E
18. Wertheim I, Muto MG, Welch WR et al. p53 gene mutation in human bordeline epithelial ovarian tumors. J Natl Cancer Inst 1994 ; 86 : 1549.
Immunohistochemical detection of
p53 protein in bordeline and malignant serous ovarian tumors. Int J Gynecol
Pathol 1994 ; 13 : 228.
20. Kappes S, Milde Langosch K, Kressin P. p53 mutations in ovarian tumors,
detected by temperature-gradient gel electrophoresis, direct sequencing and
immunohistochemistry. Int J Cancer 1995 ; 64 : 52.
21. Kupryjanczyk J, Bell DA, Dimeo D et al. p53 gene analysis of ovarian bordeline tumors and stage I carcinomas. Hum Pathol 1995 ; 26 : 387.
22. Bellacosa A, de Feo D, Godwin AK et al. Molecular alterations of the AKT2
oncogene in ovarian and breast carcinomas. Int J Cancer 1995 ; 64 : 280.
23. Wong YF, Cheung TH, Lam SK et al. Prevalence and significance of HER2/neu amplification in epithelial ovarian cancer. Gynecol Obstet Invest 1995 ;
40 : 209.
24. Fajac A, Benard J, Lhomme C et al. c-erb B2 gene amplification and protein expression in ovarian epithelial tumors : evaluation of their respective prognostic significance by multivariate analysis. Int J Cancer 1995 ; 64 : 146.
25. Stromberg K, Johnson GR, O’Connor DM et al. Frequent immunohistochemical detection of EGF supergene family members in ovarian carcinogenesis.
Int J Gynecol Pathol 1994 ; 13 : 342.
26. Tangir J, Loughridge NS, Berkowitz RS et al. Frequent microsatellite instability in epithelial bordeline ovarian tumors. Cancer Res 1996 ; 56 : 2501.
27. Piver MS, Goldberg JM, Tsudaka Y et al. Characteristics of familial ovarian cancer : a report of the first 1 000 families in the Gilda Radner Familial
Ovarian Cancer Registry. Eur J Gynaecol Oncol 1996 ; 17 : 169.
19. Klemi PJ, Takahashi S, Joensuu H et al.
Z
-
V
O
U
✁
S
!
À découper ou à photocopier
Tarifs 2000
Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules
❏ Collectivité .................................................................................
à l’attention de ..............................................................................
FRANCE / DOM-TOM / Europe
ÉTRANGER (autre qu’Europe)
❐ 580 F collectivités
(88,42 €)
❐ 700 F collectivités
(127 $)
Dr, M., Mme, Mlle ...........................................................................
❐ 460 F particuliers
(70,12 €)
❐ 580 F particuliers
(105 $)
Prénom ..........................................................................................
❐ 290 F étudiants
(44,21 €)
❐ 410 F étudiants
(75 $)
❏ Particulier ou étudiant
joindre la photocopie de la carte
Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale ❏ autre...............................
POUR RECEVOIR LA RELIURE
......................................................................................................
❐ 70 F avec un abonnement ou un réabonnement
(10,67 €, 13 $)
❐ 140 F par reliure supplémentaire (franco de port et d’emballage) (21,34 €, 26 $)
MODE DE PAIEMENT
Code postal ...................................................................................
Ville ................................................................................................
Pays................................................................................................
Tél..................................................................................................
Avez-vous une adresse E-mail :
Si oui, laquelle :
oui ❏ non ❏
Merci de joindre votre dernière étiquette-adresse en cas de réabonnement,
changement d’adresse ou demande de renseignements.
❐ par carte Visa
N°
ou Eurocard Mastercard
Signature :
Date d’expiration
❐ par virement bancaire à réception de facture (réservé aux collectivités)
❐ par chèque (à établir à l’ordre de La Lettre du Gynécologue)
EDIMARK - 62-64, rue Jean-Jaurès - 92800 Puteaux
Tél. : 01 41 45 80 00 - Fax : 01 41 45 80 25 - E-mail : [email protected]
Votre abonnement prendra effet dans un délai de 3 à 6 semaines à réception de votre ordre.
Un justificatif de votre règlement vous sera adressé quelques semaines après son enregistrement.
1 abonnement = 21 revues “on line”
LG 254
Adresse..........................................................................................
Téléchargement