I Contraception hormonale, cancer du sein et âge doSSiEr

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DOSSIER
Contraception hormonale,
cancer du sein et âge
Hormonal contraception, breast cancer and age
C. Jamin*
I
l existe incontestablement une augmentation de
la prévalence du cancer du sein dans le monde,
qu’il s’agisse des pays développés ou en voie
de développement. Cette augmentation touche
indifféremment toutes les tranches d’âge. Il est
non moins incontestable que les estrogènes et les
progestatifs jouent un rôle dans l’apparition et/ou le
développement de ce cancer. Depuis des décennies,
les chercheurs mais aussi “Monsieur et Madame
Tout-le-monde” concluent par syllogisme que ces
hormones sont en partie au moins, d’une façon ou
d’une autre, responsables de cette augmentation. La
contraception orale estroprogestative est de ce fait
régulièrement mise en cause par certains chercheurs
ou par les ennemis de leur utilisation, quelle que soit
la cause de leur animosité à son égard.
Pour ce qui est de la contraception hormonale en générale, il n’existe pas d’étude randomisée versus placebo
pour attester de ce lien entre cancer et contraception
hormonale. Cela tient à plusieurs évidences :
– l’utilisation d’un placebo dans le cadre de la
contraception n’est pas envisageable sur de longues
périodes ;
– la prévalence du cancer du sein est si faible aux âges
d’utilisation de la contraception que des cohortes de
plusieurs millions de femmes seraient nécessaires ;
– le temps qui sépare les premières mutations cellulaires conduisant à l’apparition clinique ou radiologique du cancer s’étend sur des décennies, ce qui
n’est pas compatible avec un essai d’intervention ;
– personne n’a osé, dans un essai randomisé, donner
une contraception hormonale à des femmes ayant
eu un cancer du sein.
Ne restent donc que les études d’observation rétrospectives ou de cohorte. Mais là encore les difficultés méthodologiques sont légion. On peut citer pèle-mêle:
– la faible prévalence du cancer du sein à l’âge de
la contraception ;
– la durée d’observation nécessaire ;
– la non-hormonodépendance des cancers de la
femme jeune ;
– l’utilisation si large de la contraception qu’il est
difficile de trouver des témoins ne l’ayant jamais
utilisée ;
- les différences multiples de mode de vie entre les
utilisatrices et les non-utilisatrices ;
– l’âge de la première grossesse, facteur de risque
confirmé du cancer du sein qui est modifié de fait
par la durée de la contraception hormonale ;
– le nombre de grossesses et d’IVG dans le groupe
sans contraceptif ;
– l’hétérogénéité des populations entre les pays et
même les régions d’un même pays ;
– les prises de contraceptifs ne sont pas constantes
dans le groupe traité, s’étendant parfois sur quelques
mois mais aussi sur plusieurs dizaines d’années ;
– le type de contraception change avec l’évolution
de la pharmacopée et n’est pas constant chez une
même femme ;
– les biais de mémorisation ;
– les biais de dépistage, les femmes sous contraception sont mieux suivies que les autres ;
– l’âge d’observation du risque de cancer (par
exemple avant ou après la ménopause) et l’âge
d’utilisation de la contraception orale estroprogestative (COP)...
Les résultats de ces études sont extrêmement discordants et manquent souvent de puissance. Pour pallier ce
manque de puissance, on a fait appel aux métaanalyses
qui, en augmentant le nombre de cas, augmentent la
puissance statistique mais pas la signification du résultat,
car elles ne résolvent en rien les problèmes méthodologiques. L’hétérogénéité des résultats rend leur interprétation très hasardeuse, pour ne pas dire plus.
La plus connue est celle du Collaborative Group
on Hormonal Factors in Breast Cancer (CGHFBC)
publiée dans le Lancet en 1996 (1). Il s’agit de la
compilation de 54 études épidémiologiques incluant
*169, bd Haussmann, 75008 Paris.
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DOSSIER
Problèmes d’âge en gynécologie
Références
bibliographiques
1. Collaborative Group on
Hormonal Factors in Breast
Cancer. Breast cancer and
hormonal contraceptives:
collaborative reanalysis of individual data on 53 297 women
with breast cancer and 100 239
women without breast cancer
from 54 epidemiological studies.
Lancet 1996;347:1713-27.
2. Lé MG. Pilule et cancer du
sein : revue de la méthodologie
des enquêtes épidémiologiques
et discussion sur quelques publications récentes. Fertil Contracep
Sex 1990;18:399-406.
3. Kaunitz AM. Hormonal contraception in women of older reproductive age. New Engl J Med
2008;358:1262-70.
4. Harlap S. Oral contraceptives and breast cancer. Cause
and effect ?J Reprod Med
1991;36:374-95.
5. Marchbanks PA, McDonald JA,
Wilson HG et al. Oral contraceptives and the risk of breast cancer.
N Eng J Med 2002;346:202532.
6. Hankinson SE, Coldittz GA,
Manson JE et al. A prospective
study of oral contraceptive
use and risk of breast cancer
(Nurses’ Health Study, United
States). Cancer Causes Control
1997;8:62-72.
7. Kumle M, Weiderpass E,
Braaten T, Persson I, Adami HO,
Lund E. Use of oral contraceptives and breast cancer risk: the
Norwegian-Swedish Women’s
Lifestyle and Health Cohort
Study. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2002;11:1375-81.
8. Hannaford PC, Selvaraj S,
Elliott AM, Angus V, Iversen L, Lee
AJ. Cancer risk among users of
oral contraceptives: cohort data
from the Royal College of General
Practitioner’s oral contraception
study. BMJ 2007;335:651.
53 297 cas de cancer du sein et 100 239 témoins,
qui correspondaient à l’époque à 90 % des données
publiées. Les femmes en cours de contraception ont
un risque relatif (RR) de cancer du sein légèrement
augmenté (1,24 ; p = 0,00001), celui-ci reste élevé (1,16
; p = 0,00001) lorsque la contraception est interrompue
depuis 1 à 4 ans puis passe à 1,07 pour un arrêt depuis
5 à 9 ans (p = 0,009) puis à 1,01 (NS) pour un arrêt
plus long. Le pronostic du cancer du sein est meilleur
lorsque les femmes sont sous COP lors du diagnostic.
La dose de la COP n’avait pas d’influence. Ce résultat
ne permet pas de conclure entre absence de surrisque
un effet de dépistage ou un effet de promotion tant
les biais sont nombreux et le résultat peu élevé. Un
effet d’initiation dans la population générale pouvant
être écarté du fait du retour du RR à la normale sur un
temps court (pour l’histoire naturelle du cancer du
sein). Depuis cette publication, de nombreuses autres
études ont été publiées avec des résultats toujours aussi
discordants et le plus souvent très rassurants.
Mais si le risque ne semble pas augmenté dans la
population générale, peut-il l’être dans certains
sous-groupes ?
Sur le plan statistique, plus le nombre de sous-groupes
étudiés est grand plus les chances de trouver un résultat
significatif augmente (2). Ainsi, les sous-groupes dans
lesquels un résultat significatif a été trouvé varient
d’une étude à l’autre. Parfois, le résultat est significatif
en fonction de la dose, la durée, l’âge d’utilisation, avant
la première grossesse, il l’est aussi lorsqu’il existe des
antécédents familiaux, une mutation BRCA1 ou 2, une
mastopathie bénigne et chez les nullipares… À force
de multiplier les sous-groupes, on finit toujours par en
trouver un significatif ! Le problème est qu’il ne s’agit
jamais du même d’une étude à l’autre ! On peut même
associer les facteurs afin d’augmenter les chances de
découvrir un résultat significatif, comme par exemple
les femmes de moins de 20 ans ayant une mutation
et suivant l’année de naissance.
Deux sous-groupes semblent cependant plus intéressants. Les femmes très jeunes, si l’on pense à un
effet initiateur, puisque l’on connaît la sensibilité particulière du sein aux carcinogènes en péripubertaire,
et les femmes âgées de plus de 40 ans en périménopause puisque le risque spontané augmente avec
l’âge ainsi que l’hormonosensibilité, si l’on pense à un
effet promoteur.
Pour ce qui est des femmes jeunes, la première difficulté est de trouver une définition de femme jeune :
est-ce jeune en général (avant 20 ans), péripubertaire (période à risque d’induction) moins de 20, 30,
ou 40 ans ou jeune pour avoir un cancer du sein ?
Est-ce avant une première grossesse menée à terme,
sachant qu’aujourd’hui ces femmes ne sont plus très
jeunes (30 ans) ? De plus, si l’on doit envisager une
facilitation de l’induction, il faut évaluer le risque
chez les femmes de 40 ans et plus du fait du délai
nécessaire à la visibilité du risque induit.
Les résultats sont là encore très discordants : lorsque
les femmes utilisent une contraception à un jeune
âge, par exemple moins de 20 ans, le risque est parfois
augmenté en cours de prise uniquement, pas à distance,
donc lorsque le cancer est très rare ! Ainsi, ce n’est pas
une induction qui serait mise en évidence mais une
promotion sur un terrain où l’incidence spontanée est
très basse. Si l’on tient compte de l’incidence spontanée
du cancer à cet âge et du RR trouvé dans les études
où le résultat est significatif, le surrisque serait de 1
cas par million d’utilisatrices (calcul personnel), mise
en évidence incompatible avec les approximations
méthodologiques citées ci-dessus. De plus, aucune
étude n’est disponible pour les femmes péripubertaires,
période de fragilité mammaire vis-à-vis des oncogènes.
On compte 1 300 interruptions volontaires de grossesses (IVG) en France par an chez les très jeunes filles
(moins de 17 ans). Quel serait, dans cette population,
le rapport bénéfice-risque en général et sur le cancer
du sein ? Devant cette question, peut-être faudrait-il
réserver l’usage de la contraception hormonale à cette
période à une nécessité contraceptive, sachant que le
problème d’acquisition du pic de masse osseuse vient
alourdir l’interrogation.
Ainsi aujourd’hui, l’augmentation des découvertes de
cancer du sein chez les femmes jeunes est loin d’être
prouvée et si elle a lieu, elle ne touche que les traitements en cours, ce qui donne une incidence très faible
et évoque un effet de promotion dans une population
où le risque spontané est exceptionnel.
La seconde tranche d’âge où il est légitime de regarder
d’encore plus près est la population des femmes de
plus de 40 ans (3). En effet, si la contraception hormonale a une action de promotion, l’augmentation de
l’incidence se fera d’autant plus sentir que le risque
spontané est plus élevé et que les tumeurs sont plus
hormonosensibles. C’est dans la population des femmes
sous contraception hormonale après 40 ans que cette
situation (augmentation du risque spontané et de l’hormonosensibilité) est la moins rare, sachant que l’hormonosensibilité à cet âge est loin d’être la règle.
Les résultats des études dans la tranche d’âge supérieure à 40 ans sont une fois de plus discordants (0,9
pour la CASH study), et même un risque qui décroît
pour devenir significatif à la baisse pour les longues
utilisations. Cela peut être lié à un effet de recrutement des cas antérieurs entraînant une diminution du
risque ultérieur. Cinq autres études constatent ce même
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phénomène (4). Deux autres études montrent une
décroissance avec la durée non pas d’utilisation mais
celle qui sépare la première prise évoquant le même
phénomène. La métaanalyse du Lancet ne trouve pas
de tendance à l’augmentation du risque avec l’augmentation de l’âge. Marchbanks (5) n’indique pas non
plus d’effet délétère de l’âge d’utilisation, de même
dans la Nurses’ Health study (6) et la CARE study,
pour les femmes qui ont commencé la contraception
après 40 ans. Parmi les études récentes, seule celle de
cohorte suédoise et norvégienne (7) met en évidence un
risque augmenté (1,6 ; IC95 : 1,2-2,3) pour les femmes
de plus de 40 ans sous contraception lors de l’entrée
dans l’étude, mais pour 44 cas seulement !
Pour conclure, il est toujours aussi difficile de se faire
une idée exacte sur ce sujet délicat. Globalement, la
prise d’une contraception hormonale n’augmente pas
le risque de cancer du sein comme vient de le révéler la
publication récente du Royal College of General Practitioners (8) sur une étude de cohorte de 1 million d’an-
nées-femmes. Chez les femmes jeunes, il est possible
que les contraceptions hormonales aient un effet de
promotion sur les rares cas de cancer du sein à ces âges.
Cela augmenterait le risque de 1 cas pour 10 000 femmes
par an avec un risque majeur entre 30 et 34 ans pour un
début de prise à 20 ans. Mais au fur et à mesure que ces
femmes vieillissent et que la durée de prise augmente,
leur risque diminue pour devenir négatif : 105 cas de
cancer du sein de moins par an pour 10 000 femmes
entre 50 et 54 ans. Tous ces chiffres évoquent un effet
de dépistage, mais surtout, avec le temps, de promotion
ou de recrutement sur des populations à faible risque.
Les cancers ayant été vus plus tôt disparaissent du risque
chez les femmes de la cinquantaine, âge où apparaît le
cancer du sein “classique”, hormonodépendant, lié à l’âge
et pour lequel la prise antérieure d’une contraception
est sans influence. Rien ne permet d’évoquer un effet
d’initiation de la contraception orale, y compris chez
les femmes jeunes, sachant que nous n’avons pas de
données pour un début de prise en péripubertaire. ■
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Prévention primaire des anomalies
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sans antécédent particulier et qui
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des concentrations plasmatiques des anticonvulsivants inducteurs enzymatiques, par augmentation de leur métabolisme hépatique dont les folates représentent un des cofacteurs. Surveillance clinique, éventuellement des taux plasmatiques et adaptation, s’il y a lieu, de la posologie de l’antiépileptique pendant la supplémentation folique et après son arrêt. Effets indésirables : Très rares cas de réactions allergiques cutanées. Possibilité de troubles gastro-intestinaux. Surdosage : Un apport excessif d’acide folique est suivi d’une augmentation de l’élimination urinaire. PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES :
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