I. 1. Des déséquilibres structurels
Certains dérèglements et disparités pèsent lourdement sur l’avenir de la Corse,
d’autant plus qu’ils connaissent une accélération et un accroissement de leurs effets sur un
territoire dont l’insularité renforce l’intensification.
D’un territoire cohérent à un espace désarticulé
Le rapport à l’espace apparaît comme une des caractéristiques les plus déterminantes.
Il est aujourd’hui marqué par le passage d’un territoire porteur d’une forte valeur existentielle
à un espace instrumentalisé et à forte valeur marchande. Cette dénaturation se manifeste sous
plusieurs formes.
On déplore ainsi l’absence de politique foncière efficiente et adaptée à l’île1. Cette
situation provoque des conflits d’usage entre activités ainsi qu’une spéculation accrue (ex. :
prix constatés par la SAFER pour les terres agricoles2) comme peut le montrer notamment le
très fort taux de résidences secondaires3. La Corse figure aujourd’hui au troisième rang des
régions les plus chères en termes de prix immobiliers (en comptant l’Île-de-France) alors
même que le revenu par habitant est parmi les plus bas de France. A cette déstabilisation du
marché s’ajoute une insécurité juridique de la propriété, particulièrement marquée par les
difficultés à établir le titrage des parcelles. Cela conduit à l’émergence d’espaces
déshumanisés, où le foncier est ramené à sa seule valeur commerciale. S’intensifie alors une
forme de zoning fonctionnaliste : les services comme l’habitat se retrouvent concentrés dans
certains secteurs, ce qui pose la question du morcellement politique, administratif et
économique du territoire. Cette situation est notamment marquée par une surconcentration des
implantations dans l’urbain et le périurbain4. Ce zoning axé sur la consommation provoque
une modification conséquente des activités, des usages et des modèles culturels.
Une économie fortement dépendante
Ces déséquilibres spatiaux accentuent une économie peu productive et fortement
dépendante de l’extérieur. La production tertiaire représente plus de la moitié de la production
totale (52 %)5, à quoi s’ajoute la faible part (moins de 20 %) de la production locale dans la
consommation des ménages résidents. La balance commerciale, fortement déficitaire avec un
taux de couverture global de 28 % malgré le poids du tourisme (considéré comme une
exportation), s’appuie sur un marché du travail où le taux d’emploi est de 58 % contre 64 %
en moyenne nationale, et le dernier de France chez les femmes6. La fuite ou l’inertie de
l’épargne locale7 contribue également à favoriser le « non-investissement ».
1 Les travaux actuellement en cours au sein des « Assises du foncier et du logement social » devront bien
entendu être intégrés dans l’Étape 2 de la proposition.
2 En 2006, 4500 euros/ha ; en 2009 : 7200 euros/ha.
3 33 %, pouvant atteindre 60 % dans certaines zones, contre 10 % en moyenne nationale.
4 Sur moins de 10 % du territoire vivent ainsi près de 60 % des insulaires ; Aiacciu, avec 40 % des flux
d’attraction, et Bastia, avec 60 %, regroupent 36 % de la population.
5 - production de biens : agriculture (1,4% de la VAB) + industrie (5,1 %) + construction (10,8 %) = 17,3 %
- production de services : commerce (10,8 %) + autres services marchands (41,5 %) = 52,3 % ; services non
marchands : 30,5%.
6 49 % contre une moyenne nationale de 66 %.
7 Dont le montant, présumé très important selon certaines sources non autorisées, demeure curieusement dans
l’opacité la plus complète.