la connaissance des méthodes qui vont avec. De son côté, le vaccinologue a la connaissance du « comment fait-on pour
induire chez un hôte, homme ou animal, une réponse immunitaire qui va protéger ». L’immunologue comprend pour sa
part les mécanismes de la protection. Pour réaliser un vaccin, il faut réunir des connaissances immunologiques,
virologiques ou des autres agents infectieux. Mais le vaccinologue n’a pas besoin de toutes les connaissances du
virologue et de l’immunologue. Le point qui est intéressant dans la vaccination, c’est qu’il est possible d’en faire depuis
les méthodes et les concepts les plus simples jusqu’aux plus compliqués. Quand Pasteur a vacciné contre la rage, il ne
savait rien du virus et de la réponse immunitaire. Il a pourtant vacciné efficacement. Inversement, nous savons tout du
virus du Sida, tout de la réponse immunitaire, mais ne savons pas vacciner. La part de recette, intuitive, joue
considérablement dans l’élaboration d’une partie des vaccins. En général, plus cela est simple, plus cela fonctionne. La
puissance d’Aventis Pasteur et de Merial tient à leur culture dans le vaccin. Ils en font depuis tellement longtemps qu’ils
connaissent tous les « trucs » pour en produire.
Quel est le niveau de la recherche lyonnaise en immuno-virologie ?
Je ne sais pas réellement ce que vaut la recherche de Merial et de Sanofi Pasteur. En revanche, dans la proclamation de
l’excellence de la recherche académique en immuno-virologie à Lyon, il y a un biais : la notoriété mondiale de Lyon en
immunologie, virologie et vaccinologie, c’est Mérieux, et non la recherche académique. Le niveau de cette recherche est
bon, mais sa notoriété est dérivée de celle de Mérieux : si vous parlez à un Japonais des vaccins, il dit Lyon car il dit
Mérieux ! Cela signifie que la notoriété académique est associée à la réputation de Mérieux.
Cela suscite une confusion entre image et réalité ?
L’histoire est finie depuis longtemps, mais la notoriété reste, c’est un avantage. bioMérieux ne réalise plus de vaccin
mais du diagnostic infectieux. Je remarque aussi que dans le projet de pôle de compétitivité dans ce domaine, les cinq
entreprises mises en avant sont issues de la saga Mérieux : Merial, Sanofi Pasteur, bioMérieux, Sanofi Pasteur MSD et
Synbiotics, l’ancien Rhône Mérieux. Il est tout à fait admirable de la part de Charles Mérieux d’avoir réussi à installer un
tel tissu industriel. Peu de lieux dans le monde peuvent présenter tant d’entreprises de cette taille.
Est-ce que cette réputation ne constitue pas un challenge : celui de monter le niveau de la recherche publique
au niveau de la réputation qu’on lui prête ?
Au niveau de l’ENS, de l’université, des HCL…, la volonté est justement de renforcer la recherche publique dans ces
domaines de la viro-immuno-vaccinologie en regroupant des centres, en attirant des chercheurs, en renforçant la
notoriété dans les domaines cliniques. La notoriété est un facteur important dans le maintien à Lyon des industries. Alors
que le Canceropôle a été imaginé pour faire venir, ce qui est très compliqué, l’instauration d’un pôle de compétitivité en
infectiologie aurait le mérite de les faire rester.
Est-ce à dire que les activités bios vont se concentrer de plus en plus à Gerland dans les années à venir ?
La concentration à Gerland s’est réalisée progressivement, sans politique délibérée. A partir d’aujourd’hui, si la
concentration se renforce, cela sera l’effet d’une action délibérée. Pour aborder la question de l’intérêt d’une
concentration des recherches, je prendrai le cas de la virologie que je connais le mieux. Une discussion porte sur le fait
de savoir s’il faut ou non regrouper les aspects de virologie. Cela est vraisemblable ; par la dispersion, nous perdons cet
atout considérable qu’est la confrontation et la comparaison entre les différents virus. L’unité Inserm dirigée autrefois par
J. Huppert travaillait sur plusieurs virus. Nous avons beaucoup gagné à ce que les chercheurs échangent d’un système
viral à un autre. L’augmentation du nombre de virus étudiés dans un même site accroît les chances de succès, ce qu’a
récemment démontré une étude réalisée sur les virus animaux au Royaume Uni : la décision d’avoir concentré la
recherche au même endroit a produit des avancées importantes. Plusieurs projets sur le site de Gerland visent de
grandes comparaisons en utilisant à la fois plusieurs virus et des animaux différents, y compris l’homme. Ce choix
impose ensuite de mettre les moyens humains adéquats, regrouper des chercheurs ayant un haut niveau de
compétence sur « leur » virus et d’autres bons connaisseurs de plusieurs virus, ajouter ensuite des immunologues et des
chercheurs relevant d’autres disciplines, sur la structure des protéines, les mathématiques, etc. Cela est en train de se
construire sur le site de Gerland.
Pourquoi les entreprises ont-elles intérêt à localiser leur activité de R&D en des lieux où la recherche publique
est de très bonne qualité ?
Elles trouvent localement des ressources conceptuelles qui leur permettent d’avancer, par le biais notamment de la
contractualisation avec les laboratoires. Dans leurs recherches, les entreprises n’ont ni l’immunologie fondamentale, ni la
virologie fondamentale, mais ont besoin de ces connaissances. Quand bien même cela ne les dérange pas d’aller
chercher l’information partout à travers le monde, elles préfèrent être à l’endroit le plus proche des sources maximales de
la production de ces savoirs. Par ailleurs en termes de recrutement, elles préfèrent recruter des personnels bien formés
sortant d’écoles locales. A mon sens, en matière de recherche, Merial ne pourrait aller nulle part ailleurs car n’y a pas de
recherche dans leur domaine aux Etats-Unis, et en un seul site au Royaume Uni. Cela donne certainement à Merial une
plus grande autonomie en matière de recherche qu’Aventis Pasteur dont la recherche pourrait se faire à Boston ou en
d’autres centres.