Planifier pour mieux agir Louise Gratton, écologiste Conservation de la Nature, région du Québec SIX ÉTAPES Définir les limites du territoire Identifier les cibles de conservation Évaluer les priorités de conservation Équilibrer sciences et opportunités Designer une aire protégée fonctionnelle Protéger… un propriété à la fois ÉTAPE 1 Définir les limites du territoire 1. Idéalement, définir les limites de l’aire naturelle sur la base de ses caractéristiques écologiques de manière à bien appuyer la stratégie de conservation Selon la mission de votre organisme, les limites de cette aire seront des limites écologiques : Grand domaine climatique, écorégion, province naturelle Ensemble physiographique Bassin versant Colline, boisé, milieu humide, lac Population d’une espèce Les activités de votre organisme peuvent être étroitement liées à des limites administratives (province, région administrative, MRC, municipalité), selon vos objectifs de conservation, votre planification devra tenir compte de l’échelle écosystémique à laquelle vous devrez agir et les partenariat à développer en conséquence. Autres exemples CIME – le Grand Bois de Saint-Grégoire Fiducie foncière du Marais Alderbrooke Fiducie foncière du Mont-Pinacle Fiducie foncière de la Vallée-Ruiter Centre de la Nature du Mont-Saint-Hilaire Fondation des terres du Lac Brome : les milieux humides Conservation de la Nature du Canada – Barachois 2. Colliger toutes les données pertinentes au projet de conservation a. Sur le plan biophysique Topographie et hydrographie Carte topographie Bassin versant Centre d’expertise hydrique Couvert forestier Carte écoforestière du MRNF Milieu humide, zone inondable Atlas des milieux humides du SCF ou du CSL; BDTQ Habitat faunique essentiel MRNF; MRC Ecosystème forestier exceptionnel MRNF Espèces menacées et vulnérables CDPNQ Communautés ou écosystèmes rares (ex. alvars) CDPNQ Localités d’intérêt écologique ou autre au niveau régional ou local Schéma MRC; personnes ressources 2. (suite) b. Sur le plan administratif : Limites administratives Carte topographique Infrastructures actuelles Carte topographique Infrastructures projetés (autoroute, route, corridors de transports d’énergie, parc d’éoliennes, barrages, sites d’enfouissement) MTQ, MRNF, schéma de la MRC, plan d’urbanisme de la municipalité Tenure des terres MRNF Zonage municipale MRC, municipalité Zonage agricole CPTAQ Projets de développement industriel, commercial, résidentiel ou touristique Municipalité, personnes ressources Aire protégée ou gérée MDDEP, MRNF, SCF 2. (suite) c. Sur le plan des usages: Agriculture, acériculture MAPAQ, Fédérations Exploitation des ressources forestières, sylviculture MRNF, Agence forestière, regroupement forestier Extraction de la tourbe MRNF Chasse, pêche, piégeage MRNF, clubs Activités de plein air (motorisés ou non) Fédérations, clubs et organismes Observation de la nature Clubs Activités traditionnelles Communautés locales et autochtones 3. Considérer les facteurs socio-économiques ayant un impact sur le milieu naturel et à quel rythme ces facteurs peuvent influencer le territoire Tendance démographique Taux d’emploi permanent et saisonnier Croissance ou décroissance de secteurs d’activités Construction Marché immobilier Exploitation des ressources forestières ou minière Pêche commerciale ou sportive Chasse et pêche Récréotourisme Villégiature Taux d’occupation des infrastructures touristiques Étalement urbain (expansion du réseau routier) 2 pays 9 états et provinces 141 comtés 2 pays 9 états et provinces 141 comtés 116,820 Unités de recensement 5,427,898 personnes 2,545,516 résidences 390,000 km de routes 13,000 km de voies ferrées 91,000 km2 de développement, d’agriculture et de foresterie 105 de mines actives 266 de grands barrages 17,000 km de lignes de transmissions majeures Human Footprint V0.5.1 Human Footprint = Normalized HII 35.8% is wild (HF <= 10) 8.6 % HF = 0 4. Situer l’aire naturelle dans le cadre d’autres initiatives de conservation ou de planification de la conservation. L’aire naturelle a-t-elle déjà été identifiée comme importante pour la conservation? Les milieux humides du Québec: des sites prioritaires à protéger (UQCN 1988) Guide des milieux humides du Québec (UQCN 1993) Les milieux naturels du Québec méridional (WWF/UQCN 1998) Territoires d’intérêt pour la conservation au Québec méridional (WWF/AMBSQ 2001) Planification écorégionale de Conservation de la Nature ( en préparation) 4. Incorporer les objectifs de conservation identifiées dans le cadre d’autres initiatives de conservation ou de planification de la conservation. L’aire naturelle fait-elle partie d’un territoire de planification plus grand? Deux pays, une forêt Corridor appalachien Atlas de conservation des boisés du Richelieu Global Forest Watch Fonds mondial pour la Nature WWF L’espèce visée fait–elle partie d’un groupe d’espèces : Ayant fait l’objet d’un plan de rétablissement ou d’action? Identifiés prioritaires dans le cadre d’initiatives plus larges telles l’Initiative de conservation des oiseaux d’Amérique du Nord? Global Forest Watch 2006 ÉTAPE 2 Identifier les cibles de conservation 1. Cibler en premier les paysages et les communautés prioritaires (filtre grossier) En termes de fonctions écologiques et d’habitats Les fragments forestiers Les milieux humides Les milieux aquatiques Les milieux riverains Les corridors naturels En termes de représentativité et d’unicité à l’échelle nationale, régionale ou locale Les échantillons de qualité de qualité d’écosystèmes terrestre, humide et aquatique représentatifs Les échantillons de qualité d’écosystèmes rares (terrestre, humide et aquatique) 2. Sur un territoire où peu d’information existe, utiliser les indicateurs de biodiversité tels les caractéristiques particulières du paysage ou d’un habitat, un site d’un grande diversité d’habitats ou d’espèces; Les massifs forestiers peu ou non fragmentés Les forêts matures (VIN) La représentation de peuplements forestiers feuillus, mixtes et résineux Tous les types de milieux humides Les cours d’eau et les zones riveraines naturelles Les affleurements ou les falaises Les zones de grande diversité d’espèces de la faune et de la flore Autres lieux d’intérêt reconnus localement 3. Si l’information est disponible, cibler prioritairement les communautés et les espèces menacées, vulnérables, rares ou en déclin(filtre fin) Cibles prioritaires à l’échelle mondiale rang de priorité globale G1 à G3 les espèces endémiques Cibles prioritaires à l’échelle nationale les précédentes les espèces désignées au Canada en vertu de la Loi sur les espèces en péril ou COSEPAC rang de priorité N1 à N3 Cibles prioritaires à l’échelle provinciale (subnationale) les précédentes les espèces désignées au Québec en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables rang de priorité S1 à S3 Les écosystèmes forestiers exceptionnels Cibles prioritaires à l’échelle régionale ou locale les espèces et les communautés rares ou en déclin selon différentes études et expertises Les rangs de priorité Le rang G exprime le degré de rareté à l’échelle de l’ensemble de l’aire de répartition (ex. G1 : chevalier cuivré; G5 : cerf de Virginie) Le rang S exprime le rang à l’échelle de la province ou de l’état Le complément T s’utilise avec le rang G et exprime une sousespèces ou une variété distincte Le complément Q indique que la taxinomie du taxon est questionnable Le complément H que la mention est historique Le complément X que la mention est disparue Les rang de priorité sont disponibles au CDPNQ ou sur le site de NatureServe (www.natureserve.org) (ex. S1 : tortue-molle à épines; S2 : ginseng; S3 : esturgeon jaune) 4. Inclure plusieurs occurrences d’habitats et d’espèces de bonne qualité les habitats fauniques essentiels aire de confinement du cerf de Virginie aire de concentration des oiseaux aquatiques aire de fréquentation du caribou au nord du 52e aire de fréquentation du caribou au sud du 52e falaise habitée par une colonie d’oiseaux habitat du poisson habitat du rat musqué héronnière île ou presqu’île habitée par une colonie d’oiseaux vasière les habitats d’espèces de la faune désignées menacées et vulnérables 4. (suite) les habitats d’espèces de la faune susceptibles d’être désignées menacées et vulnérables Exemple : Petit Blongios Cote A : Site où la nidification a été confirmée au moins quatre fois depuis quinze ans; le site a été utilisé au moins huit années durant les quinze dernières. Cote B : Site où la nidification a été confirmée au moins une fois depuis quinze ans ; le site a été utilisé au moins six années durant les quinze dernières années. Cote C : Le site a été utilisé au moins deux années durant les quinze dernières années. Cote D : Le site a été utilisé au moins une année depuis les vingt-cinq dernières années peu importe si l’habitat offre des conditions adéquates à la nidification de l’espèce ; il y a déjà eu nidification, mais on pense que l’habitat n’offre plus les conditions adéquates à la nidification de l’espèce 4. (suite) les habitats floristiques désignées (50 en 2006) les habitats d’espèces de la flore désignées menacées et vulnérables les habitats d’espèces de la flore susceptibles d’être désignées menacées et vulnérables exemple : Ginseng à cinq folioles Cote A : >500 individus et qualité de l’habitat bonne Cote B : >500 individus et qualité de l’habitat faible ou 175 à 500 individus et qualité de l’habitat bonne Cote C : 175 à 500 individus et qualité de l’habitat faible ou 51à 175 individus et qualité de l’habitat bonne Cote D : 51à 175 individus et qualité de l’habitat faible ou <50 individus et qualité de l’habitat bonne ou faible Les débuts du Corridor appalachien ÉTAPE 3 Évaluer les priorités de conservation 1. Faire une analyse de carence pour évaluer le degré de protection actuel d’une cible de conservation de manière à cibler les sites les plus menacés Exemple de la planification écorégionale Pie-grièche migratrice Rainette faux-grillon > 1 000 ha Concentration d’alvars Concentration de plantes menacées Tortue mouchetée, faucon pèlerin, rainette fauxgrillon Herbaçaie à Sporobolus heterolepis Espèces endémiques Concentration de plantes menacées Marais intertidale Oiseaux aquatiques Ginseng Espèces menacées et vulnérables Chênaie rouge à ostryer > 1 000 ha 2. Considérer l’efficacité du statut de protection pour contrer les menaces aux cibles de conservation Aires protégées Habitat d’une espèce menacée ou vulnérable Habitat faunique Milieu marin protégé Milieu naturel protégé par une institution scolaire Parc de la Commission de la capitale nationale (Canada) Parc d’intérêt récréotouristique et de conservation Parc et lieu historique national Parc national et réserve de parc national Parc québécois Parc régional urbain Refuge d’oiseau migrateurs Refuge faunique Réserve écologique Réserve nationale de faune Rivière à saumon Site protégé par la Fondation de la faune du Québec Site protégé par une charte d’organisme privé Aires de conservation gérée Lois, règlements et politiques 3. Établir des objectifs de conservation spécifiant le nombre et le type de sites protégés requis pour assurer le pérennité des cibles de conservation Choisir les cibles de conservation Évaluer la viabilité des occurences Établir les objectifs de conservation Taille Espèce Condition Communauté Contexte Système Nombre de réplications et répartition Exemple de réplication et de répartition pour les espèces menacées ou vulnérables Répartition G1 G2 G3 G4 G5 20 par écorégion ou au moins 5 par sous-région 20 par écorégion ou au moins 5 par sous-région Endémique/ Restreinte Toutes viables Toutes viables 20 par écorégion ou au moins 5 par sous-région Disjointe Toutes viables Toutes viables 10 par écorégion ou au moins 2 par sous-région 10 par écorégion ou au moins 2 par sous-région 10 par écorégion ou au moins 2 par sous-région Toute viables 10 par écorégion ou au moins 2 par sous-région 5 par écorégion 5 par écorégion Toutes viables 10 par écorégion ou au moins 2 par sous-région 5 par écorégion 5 par écorégion Limitée Périphérique Toutes viables Toutes viables Milieux humides 4. Évaluer la viabilité des sites ciblés en fonction de la taille, de la qualité et du contexte pour déterminer les meilleurs prospects pour la conservation Superficie en hectares Aire protégée Contribution à l’objectif de représentation Type d’occupation du sol dans le contexte immédiat environnant Occupation par un cours d’eau Contiguïté à un cours d’eau Fragmentation de l’aire naturelle Fragmentation de la zone tampon Ouvrages Ligne de transport d’énergie Nombre d’espèces menacées ou vulnérables 5. Évaluer les menaces pour déterminer les sites où il est le plus urgent d’intervenir Développement résidentiel, commercial ou de villégiature Current trend 2040 Développement du réseau routier ÉTAPE 5 Quelques principes de base pour équilibrer sciences et opportunités 1. La notion de représentativité/irremplacibilité Total Obj. Ité.1 contri. Ité.2 contri. Ité.3 contri. 1 0.5 1 200 1 200 1 200 2 1 0 0 1 100 1 100 4 2 1 50 2 100 2 100 16 8 2 25 4 50 8 100 2. Résilience S’assurer que le milieu puisse maintenir ses caractéristiques à long terme et résister ou de récupérer après un stress naturel ou anthropique 3. Réplication ou redondance Dans un réseau de sites protégés, s’assurer que plusieurs exemples d’un même écosystème ou habitat sont représentés 4. Restaurable Considérer le potentiel de restauration d’un habitat ou d’une population d’une espèce Exemples de redondance 6. Configuration Modifié de Primack 1999 7. Taille minimale Échelle géographique espèce à grand domaine vital Filtre grossier Filtre fin mosaïque d’écosystèmes écosystème et communauté espèce Millions d’hectares et + Milliers à millions d’hectares Centaines à milliers d’hectares Un à centaines d’hectares Modifié de Poiani et al. 2000 8. Zone tampon Noss 1994 Source: Thompson 2002 9. Connectivité : l’exemple des carnivores dans les Appalaches 10. Bénéfices socio-économiques : l’exemple de Y2Y Faits La conservation doit s’intégrer aux préoccupations des communautés locales. Les usages qui détruisent l’environnement nuisent à l’économie à long terme. Plus le développement est rapide, plus il risque de détruire les valeurs mêmes qui ont stimulé la croissance économique. La meilleure façon d’atteindre une stabilité dans la communauté est de diversifier l’économie… … et de protéger les qualités culturelles, sociales et environnementales qui font de cette communauté un endroit où il fait bon vivre et d’y faire des affaires. Constats La croissance économique a été stimulée par l’arrivée de nouveaux résidants à la recherche d’une qualité de vie. Ils ont été attirés par les « commodités de la montagne ». L’environnement est donc un atout qui aide à diversifier l’économie. Il protège les communautés des cycles de croissancedécroissance liés à l’extraction des ressources. Power 1996 11. Réalisme Est-ce que l’acquisition de la propriété correspond à la mission de mon organisme? La valeur écologique de la propriété est-elle démontrée? Quels sont les menaces à la valeur écologique et en quoi l’acquisition est-elle l’option la plus efficace pour les contrer? Les caractéristiques de la propriété sont-elle viables ou y a-t-il des opportunités qui permettraient d’atteindre cet objectif? La propriété est-elle en lien avec d’autres habitats et ceux-ci sont-ils critiques au maintien des espèces ciblées par la conservation? Les activités à la périphérie du site sont-elles compatibles avec sa protection ou susceptibles de soulever des conflits irréconciliables avec la vocation de conservation? Quels sont les coûts de gestion à long terme de la propriété et comment en assurer le financement? Qu’arrivera-t-il si notre organisme n’accepte pas d’acquérir la propriété? Qu’arrivera-t-il à la propriété si notre organisme est dissous? ÉTAPE 4 Designer une aire protégée fonctionnelle 1. Identifier des sites permettant de protéger plusieurs cibles de conservation à la fois 2. Baser la taille de l’aire protégée selon les objectifs de conservation poursuivis feu, verglas, chablis 4X la taille d’une ouragan perturbation historique sévère tornade, feu chouette rayée migrateurs néotropicaux buse à épaulettes 25X la taille de l’aire vitale d’une femelle orignal lynx roux micromammifères amphibiens 0 1 2 4 6 8 10 12 14 // 30 // 60 Milliers d’hectares Modifié de Anderson 2001 4 000 ha 5 000 ha 17 000 ha 9 000 ha 25 ha 4 000 ha 2 000 ha 5 000 ha Quand l’habitat est-il suffisant? Une excellente publication à consulter www.on.ec.gc.ca/wildlife/publications-f.html 3. Incorporer les zones tampons quand elles sont requises pour atteindre les objectifs de conservation ÉTAPE 6 Protéger… une propriété à la fois Plan de conservation et de gestion La planification inspire-t-elle la conservation? 1990 2002