L Tumeur ovarienne à cellules de Sertoli-Leydig : à propos de

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Prévention et recommandations de la SFOG en oncologie gynécologique
DOSSIER
Tumeur ovarienne à cellules
de Sertoli-Leydig : à propos de
6 cas et revue de la littérature
Sertoli-Leydig cell tumor of ovary:
about 6 cases and review of the literature
T. Damak*, A. Hadiji*, R. Chargui*, M. Hechiche*, K. Rahal*
L
es tumeurs ovariennes à cellules de SertoliLeydig (TCSL) ou arrhénoblastomes représentent 0,1 à 0,5 % des tumeurs ovariennes
primitives et 1 % des tumeurs des cordons sexuels
(1, 2). Elles atteignent le plus souvent la femme jeune
avec un âge moyen de 25 ans (1). L’aménorrhée est
le maître symptôme révélateur de cette pathologie
(70 % des cas) [3, 4]. La confirmation du diagnostic
est fondée sur l’étude histologique et immunohistochimique. Le traitement est chirurgical et parfois
associé à une chimiothérapie.
Patientes et méthodes
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur une
période de 15 ans, allant du 1 er janvier 1992 au
31 juillet 2005 qui analyse les observations de six
patientes traitées pour une tumeur à cellules de
Sertoli-Leydig de l’ovaire au service de chirurgie
carcinologique à l’institut Salah-Azaïz (Tunis).
Résultats (tableau)
L’âge moyen de nos patientes était de 33,5 ans. Les
motifs de consultation les plus fréquents étaient les
douleurs pelviennes et l’aménorrhée. L’échographie
abdominopelvienne a objectivé dans 5 cas une masse
hétérogène de taille moyenne de 24 cm (extrêmes :
15-40). L’exploration chirurgicale avait objectivé
dans tous les cas une tumeur ovarienne mixte unilatérale. Devant l’âge jeune des patientes et le désir
de grossesse, le traitement a été conservateur dans
4 cas. Histologiquement, la tumeur était à différenciation intermédiaire dans 1 cas, peu différenciée
dans 3 cas et à composante sarcomatoïde dans
2 cas. Deux patientes ont eu une chimiothérapie
adjuvante, suivie d’un second look dans 1 cas, qui
s’est révélé négatif. L’évolution fut marquée par
une reprise évolutive chez 2 patientes. Les 4 autres
patientes sont en bonne santé, leur survie moyenne
sans maladie étant de 57,6 mois.
Discussion
Dans notre institut, les TCSL représentent 0,6 %
de la totalité des tumeurs ovariennes. L’âge moyen
de leur survenue est de 25 ans (4). Moins de 10 %
se développent avant la puberté ou après la ménopause (5).
Les TCSL de l’ovaire peuvent être associées à une
pathologie thyroïdienne (6, 7). Dans notre série,
1 patiente a été opérée pour un adénome de la
thyroïde (observation II). La tumeur est unilatérale
chez 98 % des patientes (6) avec une prédilection
pour le côté droit (5 cas sur 6).
Les TCSL de l’ovaire se révèlent après un long délai
par des signes endocriniens dans 75 % des cas. L’aménorrhée a été retrouvée chez 3 de nos patientes.
Généralement, les patientes rapportent une déféminisation avec aménorrhée, atrophie mammaire
et perte de dépôts de graisse sous-cutanée responsables du morphotype féminin, puis l’installation
progressive de signes de virilisation : hirsutisme plus
ou moins associé à des signes plus avancés, tels une
clitoromégalie, une raucité de la voix, un acné et
une séborrhée (6, 8). De rares cas (1 patiente dans
notre série) présentent des signes d’hyperestrogénie
(ménorragie, métrorragie postménopausique).
Par ailleurs, 50 % des patientes (4 dans notre série)
* Service de chirurgie carcinologique, institut Salah-Azaïz, Tunis.
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Points forts
Mots-clés
Cancer
Ovaire
Arrhénoblastomes
Traitement
Pronostic
»» Les arrhénoblastomes sont des tumeurs ovariennes rares qui atteignent la femme jeune. Elles sécrètent
des hormones sexuelles males, ce qui leur confèrent un tableau clinique dominé par les signes de virilisation.
»» Leur diagnostic est posé sur l’étude histologique de la pièce opératoire. Le traitement est fondé sur une
chirurgie conservatrice de la fertilité.
»» Le pronostic est bon dans les formes différenciées (85 %), contrairement aux formes indifférenciées (15 %).
Highlights
développent un syndrome tumoral composé d’une
masse abdominale ou des douleurs pelviennes aiguës
ou chroniques.
Le délai moyen de consultation est de 360 jours
(6, 9). Nos patientes ont consulté plus précocement,
le délai de consultation était de 85 jours avec des
extrêmes allant de 1 à 180 jours.
Les TCSL de l’ovaire sont habituellement palpables à
l’examen clinique, ainsi 95 % des patientes symptomatiques présentent une masse annexielle palpable
(5 patientes dans notre série) [9].
L’échographie abdominopelvienne, pratiquée
chez 5 de nos patientes, permet, dans la majorité
des cas, de mettre en évidence une masse ovarienne
d’aspect mixte associant des images solides plus ou
moins homogènes et des images liquidiennes plus ou
moins cloisonnées, mais elle n’est pas spécifique (9).
La tomodensitométrie et l’imagerie par résonance
magnétique précisent les limites anatomiques de
la tumeur ovarienne et permettent de réaliser un
bilan d’extension.
Sur le plan hormonal, les effets virilisants de la tumeur
sont dus à une accumulation de testostérone induite
par un déficit en enzymes catabolisant la testostérone
et catalysant son aromatisation en estrogène. Ces
taux sont directement liés à la quantité du tissu
tumoral puisqu’ils sont élevés avant l’intervention,
bas après l’exérèse tumorale et augmentent en cas
de récidive métastatique (5).
»» The arrhenoblastomas are
rare ovarian tumors that occur
in young women. They secrete
male sex hormones that give
them a clinical.
»» Presentation dominated by
signs of virilization. The diagnosis is made on histological
examination of the surgical
specimen. The treatment is
based on surgery conserving
the fertility.
»» The prognosis is good in
differentiated forms (85 %) as
opposed to undifferentiated
forms (15 %).
Keywords
Cancer
Ovary
Arrhenoblastoma
Treatment
Prognosis
Les TCSL de l’ovaire posent des problèmes particuliers
d’ordre thérapeutique d’autant plus délicats que
la tumeur survient souvent chez une femme jeune
et sans enfant. C’est une tumeur dont le potentiel
évolutif est difficilement prévisible. Les indications
opératoires des arrhénoblastomes sont calquées
sur celles des cancers primitifs de l’ovaire. Ainsi, le
traitement conservateur des TCSL, qui consiste en
une annexectomie unilatérale, une ommentectomie
et une appendicectomie, n’est autorisé que chez
une patiente paucipare avec un stade I unilatéral
et une tumeur bien différenciée, encapsulée, sans
aucun élément hétérologue, sans adhérences et
sans atteinte ganglionnaire (6, 9). Le traitement
radical est préconisé pour les patientes de plus de
40 ans, ménopausées ou ne désirant pas conserver
leur fertilité (2 patientes dans notre série). Il est
indiqué pour les stades avancés, ainsi que toutes
les tumeurs peu différenciées, les tumeurs de différenciation intermédiaire avec rupture tumorale
peropératoire et pour les éléments hétérologues
mésenchymateux avec atypie (6, 9). Macroscopiquement, la taille des TCSL de l’ovaire varie de 2 à
25 cm (10). Leurs surfaces sont lisses et régulières.
À la coupe, l’aspect est extrêmement polymorphe.
Dans notre série, la taille moyenne de la tumeur en
peropératoire était de 19 cm (extrêmes : 15-25). La
capsule était envahie dans la première observation.
Elle s’est rompue accidentellement avec des zones
Tableau. Résumé des 6 observations.
Observation Âge Antécédents Symptômes
I
Délai de
consultation
Marqueurs
tumoraux
Geste
Stade
FIGO
Traitement
complémentaire
2 mois
Négatifs
Conservateur
IIIa
Chimiothérapie
Conservateur
17
-
Aménorrhée
II
20
Nodule
froid de la
thyroïde
opéré
Aménorrhée
Douleur
pelvienne
Fièvre
4 mois
Négatifs
III
15
-
Aménorrhée
3 mois
Négatifs
IV
20
-
Douleur
pelvienne
1 jour
Négatifs
62
-
Douleur
pelvienne
Métrorragies
6 mois
Négatifs
61
-
Douleur
pelvienne
2 mois
➚➚➚
CA125
V
VI
Survie sans
Récidive Traitement
maladie
156 mois
Non
Ia
-
17 mois
Oui
Ia
-
60 mois
Non
IIIa
Chimiothérapie
24 mois
Non
Radical
Ia
-
40 mois
Oui
Radical
Ia
-
12 mois
Non
Conservateur
Conservateur
Chimiothérapie
Pas de
chirurgie
Chirurgie
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Prévention et recommandations de la SFOG en oncologie gynécologique
de nécrose friable et diffusion d’un liquide brunâtre
dans la quatrième observation.
Microscopiquement, les TCSL sont caractérisées par
la présence de cordons ou de tubules sexuels et de
tissu stromal leydigien des gonades embryonnaires
tout au moins dans la forme bien différenciée (11).
Les TCSL de l’ovaire ont été divisées par l’OMS en
4 catégories : bien différenciées (11 %), de différenciation intermédiaire (54 %), peu différenciées
(13 %), dont la majorité sont sarcomatoïdes et
avec éléments hétérologues (22 %) [11, 12]. L’étude
immunohistochimique a mis en évidence plusieurs
marqueurs : l’inhibine α, la vimentine, la cytokératine 7, le CD99 et l’antigène de membrane épithéliale
(EMA) [13].
Dans l’étude de Young et Scully (6), toutes les
tumeurs bien différenciées sont diagnostiquées au
stade I. Les formes moins différenciées se présentent
plutôt à des stades plus avancés ou sont rompues
lors de la laparotomie dans 15 % des cas.
Certains auteurs indiquent une chimiothérapie adjuvante dans les formes indifférenciées aux stades Ia,
les types intermédiaires avec rupture intrapéritonéale, lorsqu’il existe des éléments hétérologues
mésenchymateux, dans certains stades Ib et dans
les stades plus évolués. La chimiothérapie palliative
est utilisée lors des récidives. Les protocoles sont
identiques à ceux qui sont suivis dans les autres
tumeurs de l’ovaire (9).
La radiothérapie n’a pas de valeur connue mais peut
être envisagée pour des reliquats de très petite taille
persistants après la chirurgie (14).
L’utilisation des agonistes de LH-RH a été rapportée
pour les tumeurs ovariennes sécrétant la testostérone
chez des patientes ayant une contre-indication transitoire à l’intervention (8).
DOSSIER
Les récidives des TCSL de l’ovaire sont traitées par
une cytoréduction de la tumeur suivie d’une chimiothérapie. La rareté de ces récidives est à l’origine
d’une expérience limitée concernant la chimiothérapie. Les tumeurs récidivantes, habituellement
peu différenciées, répondent mal à la chimiothérapie
(14).
La surveillance postopératoire, clinique, biologique
et radiologique a largement bénéficié de l’apport de
la cœlioscopie et surtout des progrès récents des
techniques de dosages hormonaux (15). Le dosage
de la testostéronémie, de l’alphafœtoprotéine et de
l’inhibine sérique peut servir comme un marqueur
biologique de l’évolution après un traitement conservateur (6, 9).
Les facteurs pronostiques pour les TCSL de l’ovaire
sont : l’âge, la taille, la rupture tumorale, l’indice
mitotique, la différenciation histologique, la présence
des éléments hétérologues et le stade tumoral (6, 9).
L’évolution souvent favorable peut toutefois être
marquée par la survenue de récidives précoces et
des métastases dans 60 % des cas durant la première
année pour les formes moyennement ou peu différenciées. Seules 6 à 8 % des récidives surviennent
après plus de 5 ans (6, 9).
Conclusion
Les TCSL de l’ovaire sont des tumeurs rares, dont le
diagnostic est fondé sur l’étude histologique de la
pièce opératoire. Ce sont des tumeurs à caractère
potentiellement malin et à évolution lente et dont
le traitement est essentiellement chirurgical. ■
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