Cancer du col utérin invasif et grossesse à propos

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Prévention et recommandations de la SFOG en oncologie gynécologique
DOSSIER
Cancer du col utérin invasif
et grossesse à propos
de 5 cas : évaluation des
pratiques en référence aux
recommandations françaises
Management of pregnant women with advanced cervical
cancer: about five cases in Lille from 2002 till 2009
Evaluation of practices referring to the new French
recommendations of 2008
M.A. Carillon*, V. Emmanuelli*, B. Castelain**, S. Taieb**, P. Collinet*, A. Lesoin**,
V. Chevalier-Evain***, E. Leblanc**, F. Narducci**
L
e cancer du col utérin est l’un des cancers
le plus souvent diagnostiqué pendant une
grossesse, avec le cancer du sein, les hémopathies malignes et le mélanome. Son incidence
est estimée à 1/10 000 grossesses. Les cancers du
col utérin diagnostiqués pendant la grossesse sont
significativement plus souvent à un stade précoce.
La répartition des types histologiques est identique
entre les femmes enceintes ou non : 95 % de carcinomes épidermoïdes et 5 % d’adénocarcinomes. La
grossesse ne modifie pas le pronostic ni l’évolutivité
du cancer du col utérin pour les stades précoces (le
stade IB est le plus fréquent). Nous avons souhaité
faire un état des lieux de nos pratiques en référence aux recommandations nationales (2008) de
P. Morice et al. (1) à propos du cancer du col utérin
pendant la grossesse.
Nous avons analysé de façon rétrospective les cas de
cancers invasifs du col utérin diagnostiqués en cours
de grossesse, pris en charge et discutés en réunion
de concertation pluridisciplinaire au centre OscarLambret à Lille. Nous avons volontairement choisi
les cas pris en charge après 1999, date à partir de
laquelle la radiochimiothérapie concomitante est
devenue le traitement standard des tumeurs de plus
de 4 cm. Nous avons retenu les patientes qui avaient
un cancer du col utérin infiltrant avec un stade ≥ IB1.
Le délai diagnostic-traitement correspondait à l’intervalle, en semaines, entre le diagnostic (date de
la biopsie) et le traitement principal.
Cinq patientes, observées au centre Oscar-Lambret
de Lille de 2002 à 2009, ont donné naissance à
6 enfants vivants. L’âge moyen des patientes était
de 35 ans (26-41 ans). La majorité était multipare
(4/5). Le diagnostic a été posé au premier trimestre
pour 1 cas, au deuxième trimestre pour 3 cas et en
fin de troisième trimestre pour 1 cas. Le type histologique retrouvé était un carcinome épidermoïde
dans 4 cas sur 5. Une patiente a présenté une tumeur
neuro-endocrine initialement étiquetée squameuse
peu différenciée, une relecture des lames avait bien
été demandée et effectuée, mais malheureusement
aucun foyer de type neuro-endocrine n’avait été
retrouvé. Des métastases hépatiques ont été mises
en évidence lors de la césarienne à 32 SA, la patiente
est décédée à 1 an du diagnostic. La majorité était à
un stade IB1 (4 cas sur 5) lors du diagnostic. Le délai
médian entre le diagnostic et le traitement était de
7 semaines. L’âge gestationnel moyen de décision
d’extraction fœtale par césarienne pour les patientes
prises en charge aux premier et deuxième trimestres
était de 33 SA (32 SA à 35 SA). Deux nouveau-nés
ont présenté une maladie des membranes hyalines
(1 cas d’intubation de 3 jours et l’autre ne nécessi-
* Département de cancérologie
gynécologique, centre OscarLambret, Lille.
** Service de gynécologie, hôpital
Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille.
*** Service de gynécologie obstétrique, pavillon Paul-Gellé, centre
hospitalier de Roubaix.
La Lettre du Gynécologue • no 374 septembre 2012 | 5
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Mots-clés
Points forts
Cancer du col utérin
Grossesse
Recommandations
Préservation
Cœlioscopie
»» Faire le point sur la prise en charge des cancers du col utérin invasif découverts en cours de grossesse en
référence aux recommandations françaises de 2008.
»» Lors de cette étude rétrospective, 3 patientes sur 5 ont bénéficié d’une chimiothérapie néoadjuvante
pendant la grossesse, 1 patiente a eu un curage pelvien par voie cœlioscopique au premier trimestre.
»» Prise en charge multidisciplinaire prenant en compte le stade, la taille, le type histologique, le statut
ganglionnaire, le terme du diagnostic, la parité et le désir de maintien de la grossesse.
Highlights
»» An update on the management of invasive cervical cancer
discovered during pregnancy
with reference to the French
guidelines 2008. A retrospective study of 5 patients. Three
patients underwent neoadjuvant chemotherapy during
pregnancy, one patient had
a laparoscopic pelvic lymphadenectomy in first trimester.
Multidisciplinary approach
taking into account the stage,
size, histological type, nodal
status, the term of diagnosis,
parity, and the desire to maintain the pregnancy.
LETTRES
Keywords
Cervical cancer
Pregnancy
Sous sommaire
Recommandations
largeur 105 mm
Preservation
Laparoscopy
Référence
bibliographique
1. Morice P, Narducci F, Mathevet
P, Marret H, Darai E, Querleu
D. French recommendations
on the management of invasive cervical cancer during
pregnancy. Int J Gynecol Cancer
2009;19(9):1638-41.
tant pas d’intubation). Trois patientes ont reçu une
chimiothérapie néoadjuvante par cisplatine débutée
au deuxième trimestre de grossesse (entre 17 et
25 SA). Une patiente (stade IB1 de 2,3 cm) a bénéficié
d’un curage pelvien (négatif) en cours de grossesse
(à 13 SA) par voie cœlioscopique. Deux patientes
ont eu un curage lomboaortique par voie rétropéritonéale : l’une à J41 de la césarienne et l’autre en
per-césarienne. Quatre patientes ont survécu, avec
un délai moyen de 47,5 mois (12 à 94 mois).
Selon notre procédure au centre Oscar-Lambret à
Lille, pour les patientes présentant une tumeur de
4 cm et plus, un curage lomboaortique ± pelvien puis
un traitement complémentaire ont été réalisés et
celles présentant une tumeur de moins de 4 cm ont
bénéficié d’un traitement chirurgical par hystérectomie élargie puis radiothérapie. Une chimiothérapie
néoadjuvante a été effectuée chez 3 patientes
pendant leur grossesse sans complication néonatale. Pour le cancer du col utérin, la molécule la
plus employée en chimiothérapie est le cisplatine,
et la plupart des cas rapportés pendant la grossesse
concerne son usage. Le délai médian diagnostictraitement était de 7 semaines (3-18 semaines). Ce
délai est proche de celui décrit dans la littérature
concernant les cancers du col utérin hors grossesse.
Toutes les patientes ont accouché par césarienne.
Plusieurs arguments défendent ce choix (dissémination lymphovasculaire, hémorragique, dystocie
mécanique, dilacération du col, et implantation de
cellules malignes sur l’épisiotomie.)
Les recommandations nationales de P. Morice
et al. (1) distinguent, dans un premier temps, le
terme du diagnostic où l’on peut considérer la maturité fœtale atteinte (dès 28 SA), puis le terme autori-
sant encore une stadification ganglionnaire pelvienne
(jusqu’à 24 SA) et, enfin, le stade FIGO. Cinq facteurs
clés déterminent la décision thérapeutique : le stade
tumoral, le statut ganglionnaire, le type histologique,
le terme du diagnostic et le souhait du couple de
poursuivre la grossesse. Les auteurs insistent bien
sur la taille tumorale : ≥ 4 cm. L’importance de la
stadification ganglionnaire pelvienne est soulignée
également pour les tumeurs de moins de 4 cm.
Conclusion
Dans notre travail, il faut retenir qu’un dépistage
systématique du cancer du col utérin doit être
effectué au début de la grossesse et qu’une concertation multidisciplinaire est nécessaire pour la prise
en charge de ces patientes.
Dans notre pratique, nous avons constaté que :
– la lymphadénectomie pelvienne par voie cœlioscopique est possible et décisive dans la prise en
charge thérapeutique des tumeurs inférieures à
4 cm ;
– la lymphadénectomie lomboaortique par voie
rétropéritonéale est réalisable en per-césarienne
pour les tumeurs de 4 cm et plus ;
– la chimiothérapie néoadjuvante à base de sels de
platine commencée dès le deuxième trimestre tient
une place déterminante (surtout évaluée pour les
stades IB). Elle n’est pas indiquée si la tumeur mesure
moins de 4 cm avec un curage pelvien négatif ;
– le carboplatine semble être mieux toléré que le
cisplatine ;
– la voie d’accouchement à privilégier est la césarienne.
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