ÉDITORIAL

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ÉDITORIAL
Alors que la recherche du Service de santé des armées (SSA) vivait il y a quelques
années une profonde restructuration, s’est imposé le questionnement de l’éthique
de cette recherche. Cette réflexion est née au sein du Comité consultatif en éthique
pour l’expérimentation animale du Centre de recherche du Service de santé des
armées (CRSSA) sous l’impulsion de son président, le MC A. Queyroy †. Cette
dynamique s’est ensuite étendue à l’Institut de recherche biomédicale des armées
(IRBA), puis s’est concrétisée en un colloque « Éthique dans la recherche du
Service de santé des armées ». Celui-ci s’est tenu le 17 octobre 2012 à l’École
du Val-de-Grâce, sous la présidence du Directeur central du SSA et sous le haut
patronage de Mme le professeur A. Fagot-Largeault, professeur au Collège de
France, et de M. le professeur B. de Saint-Sernin, membre de l’Académie des
sciences morales et politiques. Le dossier de ce numéro de Médecine et Armées
est le reflet de cette manifestation.
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L’éthique est une manière d’être et d’agir conforme à ce que l’on est et à la
communauté à laquelle on appartient. L’éthique n’est pas la morale, projection
de nos actes sur une échelle culturelle du bien et du mal. Ce n’est pas davantage
la déontologie, norme professionnelle, ou la loi, norme sociale de jugement des
actes. L’éthique, c’est la manière dont on anime au quotidien l’habit de médecin,
celui de militaire et celui de scientifique, dans notre contexte culturel français,
européen et occidental. Vivre ces différentes positions, c’est se confronter à
chaque instant à des contextes qui mettent notre manière d’être en danger. C’est
pourquoi il apparaît indispensable d’y réfléchir avant de s’y trouver plongé
volens nolens. C’est également pourquoi les contributions, pourtant nombreuses
et diverses, sont insuffisantes à montrer l’ampleur du champ des conflits bordant
notre vie et la manière dont les chercheurs du SSA conçoivent leurs actions. Que
les auteurs soient remerciés pour le partage de leur expérience et l’aide qu’ils
apportent dans cette réflexion collective vers une nécessaire éthique.
Le premier pas ne pouvait être que le respect de la loi, celle qui régit les
expérimentations effectuées chez l’homme. L’article du MC C. Verret, chef du
bureau de gestion de la recherche clinique, délimite les procédures qui permettent
de respecter les réglementations sans déroger à la rigueur scientifique, le tout
dans le cadre administratif du SSA. Le traitement des patients par les cellulessouches permet de répondre aux conséquences dramatiques des agressions NRBC
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dont les grands délabrements n’ont d’autres solutions que la régénérescence in
situ et dirigée des tissus lésés. L’importance de l’enjeu a d’autres contreparties
que techniques : les problèmes éthiques. M. F. Hérodin aborde ces difficultés
en relation avec l’utilisation des cellules-souches. Dans la dialectique que le
MC A. Queyroy † aurait appelée « du glaive et du bouclier », découvrir une
parade, un traitement, dans le domaine des agents B, et en publier les données,
c’est aussi ouvrir la porte à la définition de nouvelles armes biologiques. C’est la
gestion de ce conflit entre partage et dévoiement qu’évoque le MC J.-N. Tournier
au travers de l’éthique de publication scientifique. La recherche biomédicale de
Défense ne peut échapper à la réflexion éthique, qu’elle concerne la protection
environnementale du lieu de recherche comme le développe Mme B. Defert,
ou l’extension des capacités physiques et psychiques comme les présentent
respectivement les MC A. Malgoyre et M. Trousselard. Peut-on penser de la
même manière le dopage dans une situation de paix comme une compétition
sportive équitable, ou dans une situation de conflit lorsque le rapport bénéfice/
risque met dans la balance la santé des combattants, voire leur survie. Au-delà
des aides ergogéniques, comment conserver le caractère éthique des décisions
prises en situation de stress alors même que le stress modifie le comportement et
que le combattant aura à porter sa vie durant les conséquences de ses décisions ?
Comment le protéger de ces blessures de l’âme, résultats de conflits éthiques ?
C’est l’objet des différentes approches, neurobiologique du MC F. Canini,
philosophique du Cne(CR) S. Buosi et pédagogique de la cadre de santé S. HallyPerez de l’École des personnels paramédicaux des armées (EPPA).
Dans notre monde moderne où chaque acte est rapporté, amplifié par l’omniprésence
médiatique, la réflexion en éthique apparaît comme une dimension stratégique
pour les armées et protectrice pour les personnels.
(à titre posthume) Médecin en chef Alain Queyroy †
Capitaine de réserve Steeve Buosi
Médecin en chef Frédéric Canini
Coordonnateurs du colloque
« Éthique dans la recherche du Service de santé des armées »
École du Val-de-Grâce, 17 octobre 2012
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