Médecine & Armées - Octobre 2009 - N°4

publicité
MÉDECINE
ET
ARMÉES
Revue du Service de santé
des armées
T. 37 - n° 4 - Octobre 2009
SOMMAIRE
Pages
PRATIQUE MÉDICO-MILITAIRE
Direction centrale
du Service de santé des armées
Médecine et Armées
1, Place Alphonse Laveran,
75230 Paris Cedex 05.
291 • Hydrazine : un risque chimique d’actualité. Cas d’une fuite impliquant un aéronef de type F-16.
C. MILLET, C. RENARD, E. STRAT, P. BURNAT.
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
MGI J. MARIONNET
297 • Dépistage urinaire d’une consommation de drogues illicites (cannabis, cocaïne et opiacés) : bilan
de l’année 2007 pour le personnel navigant.
C. RENARD, J.-F. PARIS, D. DELAUNE, B. HUART, J.-F. OLIVIEZ, D. CHIANEA, PH. VEST.
RÉDACTEUR EN CHEF
MG F. FLOCARD – Tél. : 01 40 51 47 01
RÉDACTEURS EN CHEF ADJOINTS
MCS J.-D. CAVALLO.
SECRÉTARIAT DE RÉDACTION
Mme M. SCHERZI
Tél. : 01 40 51 47 44
Fax : 01 40 51 51 76
Email : [email protected]
TRADUCTION
MC M. AUDET-LAPOINTE
COMITÉ DE RÉDACTION
CDC A. BENMANSOUR – MCS A.-X. BIGARD –
PCS P. BURNAT – MCS J.-D. CAVALLO – MCS
J.-M- ROUSSEAU – VECS PH. ULMER – MCS
D. VALLET.
303 • Apport de l’échographie portable au diagnostic des thromboses veineuses en situation isolée.
C. VERGEZ-LARROUGET, P. MAY, J.-M. LE BORGNE, F. ARLES, P. PRECLOUX, M. PUIDUPIN.
307 • Le prothésiste dentaire : un allié indispensable du vétérinaire des armées pour la reconstitution
prothétique des crocs chez le chien de travail.
B. PENIGUEL, T. LAMOUR, J.-M. POULET, F. CICHY, PH. ULMER.
313 • Impact opérationnel et prise en charge des pathologies bucco-dentaires dans le cadre des
opérations extérieures.
M. GUINEPIN, F. DERACHE.
319 • Évolution du statut réglementaire des médicaments fabriqués par la Pharmacie centrale des
armées de 2000 à 2006. Perspectives actuelles.
I. BESSE-BARDOT, P. CLAIR, S. GRAFFEUIL.
COMITÉ SCIENTIFIQUE
MG P. BONNET – PGI J.-F. CHAULET – MGI É.
DAL – MG T. DEBORD – MGA P. JEANDEL –
MGI D. LAGARDE – MGI G. LAURENT – MG J.L. MOREL – MGI M. MORILLON – MG J.-L.
PERRET– GB C. TILLOY – MGI J.E. TOUZE –
MGI M. VERGOS.
325 • Décès chez les militaires français 2002-2005. Données issues de la Caisse nationale militaire de
sécurité sociale.
G. DESJEUX, C. BALAIRE, V. THÉVENIN-GARRON.
CONSEILLERS HONORAIRES
MGI P H . ALLARD – MGI M. BAZOT – MGI
B. BRISOU – MCS A. CHAGNON – MGI
L. COURT – MGI J.-P. DALY – MGA
J.DE SAINT JULIEN – MGI CL. GIUDICELLI –
MGI J. GUELAIN – MGI J. KERMAREC –
MGI CH. LAVERDANT – MGI P. LEFEBVRE –
PGI LECARPENTIER – VEGI R. LUIGI –
VGI C L . MILHAUD – MGI J. MINÉ – MCS
C L . MOLINIÉ – MCS J.-L. PAILLER – MGI
P. QUEGUINER – MGI J.-M. VEILLARD – MGI
J. VIRET – MGI R. WEY.
341 • Fauconnerie dans l’armées de l’Air, un domaine d’action original des vétérinaires des armées.
F. DULIEU, É. LEROY, P. BRIAND, C. PERRAUDIN.
ÉDITION
Délégué à l'information et à la communication
de la Défense (DICoD) - BP 33,
00450 Armées. Tél. : 01 44 42 30 11
ABONNEMENT (5 NUMÉROS PAR AN)
ECPAD/Service abonnements, 2 à 8 route
du Fort, 94205 IVRY-SUR-SEINE Cedex.
Tél. : 01 49 60 52 44 - Fax : 01 49 60 59 92.
Tarif des abonnements/1 an :
• Métropole :
36,50 €
• DOM-TOM par avion :
59,70 €
• Étranger par avion :
70,00 €
• Militaires et - 25 ans Métropole : 25,00 €
• Militaires et - 25 ans DOM-TOM : 48,00 €
Prix du numéro :
7,50 €
Les chèques sont à libeller à l’ordre de l’agent
comptable de l’ ECPAD.
IMPRIMEUR ET ROUTAGE
Pôle graphique de Tulle – BP 290 –19007
Tulle Cedex.
Tél. : 05 55 93 61 00
Commission paritaire N° 0306 B 05721
Dépôt légal : décembre 2008
ISSN : 0300-4937
COUVERTURE
Ghislaine PLOUGASTEL
[email protected]
331 • De l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des médecins légistes militaires.
C. AGOSTINI, Y. SCHULLIAR.
MISE AU POINT
351 • Les cataractes radio-induites. Regard sur de nouvelles données.
S. WASSILIEFF.
357 • Neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme.
R. MACAREZ, S. BAZIN, X. BURELLE, B. CHAUDIER, B. SOULLIÉ, M. VANIMSCHOOT, C. DOT, P. OCAMICA, J.-L.
KOVALSKI, J.-M. PUYHARDY, D. LAGAUCHE, F. MAY.
368 • Quel est votre diagnostic ?
A. CIRODDE, F. JANVIER, M. BORNE, J.-L. DABAN, C. SABY, E. BATJOM, L. BRINQUIN.
ÉPIDÉMIOLOGIE
373 • Toxi-infection alimentaire collective à Clostridium prefringens chez les sapeurs pompiers de Paris
: intérêt d’une investigation même en cas de faible effectif.
A. MAYET, N. CHAI, C. BOUGHERRA, V. ROUS, G. LAGATHU, S. DURON, C. VERRET, J.-B. MEYNARD, É.
NICAND, R. MIGLIANI.
MÉMOIRE
377 • Déficits hormonaux des traumatisés crâniens : résultatas de l’étude DETRAC.
L. BORDIER, F. CEPPA, P. AZOUVY, F. GENET, F. DE SOULTRAIT, O. GOASGUEN, P. HUGEUX, J. LE GUILLOUX,
MC. GOUPY, F. PETIT, D. ROGES, R. LAFAYE DE MICHEAUX, E. LAPEYRE, C. KIEFER, O. DUPUY, H. MAYAUDON,
B. BAUDUCEAU.
FAIT CLINIQUE
381 • une morsure de vipère à cornes au niveau du pouce compliquée d’une ischémie aiguë d’un
membre inférieur.
K. MOUNIR, A. BELHAJ, M. MEZIANE, S.-J. ELALAOUI, M. BAITE, L. SAFI, M. ATMANI.
289
CONTENTS
Pages
MEDICO-MILITARY PRACTICE
291 • Hydrazine: a topical cheminal hazard. A case of leakage from an F-16 plane.
C._MILLET, C. RENARD, E. STRAT, P. BURNAT.
297 • Urinary drug screening (cannabis, cocaine and opiates): results of the flight personnel in 2007.
C. RENARD, J.-F. PARIS, D. DELAUNE, B. HUART, J.-F. OLIVIEZ, D. CHIANEA, PH. VEST.
303 • Usefulness of hand help ultrasonography in vein thrombosis diagnosis for isolated physicians.
C. VERGEZ-LARROUGET, P. MAY, J.-M. LE BORGNE, F. ARLES, P. PRECLOUX, M. PUIDUPIN.
307 • Dental prosthetist: an essential ally for the military veterinarian for the working dog’s prosthetic
reconstitution of the fangs.
B. PENIGUEL, T. LAMOUR, J.-M. POULET, F. CICHY, PH. ULMER.
313 • Operational impact and taking over of dental diseases during overseas deployments.
M. GUINEPIN, F. DERACHE.
319 • Developing regulations statutes of the medicines made by the “Pharmacie centrale des armées”
between 2000 and 2006. New outlooks for the French armed forces.
I. BESSE-BARDOT, P. CLAIR, S. GRAFFEUIL.
325 • Deaths in french army (2002-2005). Data from « Caisse nationale militaire de sécurité sociale ».
G. DESJEUX, C. BALAIRE, V. THÉVENIN-GARRON.
331 • How useful are military forensic surgeons for the French armed forces.
C. AGOSTINI, Y. SCHULLIAR.
341 • Falconry in the air forcen an original operation for armed forces’ veterinary surgeons.
F. DULIEU, É. LEROY, P. BRIAND, C. PERRAUDIN.
PROGRESS CASE REPORT
351 • Radiation-induced cataracts. Glance at some new data.
S. WASSILIEFF.
357 • Neuro-ophtalmology: how to bear lyme borreliosis in mind.
R. MACAREZ, S. BAZIN, X. BURELLE, B. CHAUDIER, B. SOULLIÉ, M. VANIMSCHOOT, C. DOT, P. OCAMICA, J.-L.
KOVALSKI, J.-M. PUYHARDY, D. LAGAUCHE, F. MAY.
EPIDEMIOLOGY
373 • Clostridium prefringens related food poisoning outbreak among fire soldiers in Paris: investigation
is suitable despite a low population size.
A. MAYET, N. CHAI, C. BOUGHERRA, V. ROUS, G. LAGATHU, S. DURON, C. VERRET, J.-B. MEYNARD, É.
NICAND, R. MIGLIANI.
MEMORY
377 • Pituitary deficiencies after traumatic brain injury: the results of DETRAC study.
L. BORDIER, F. CEPPA, P. AZOUVY, F. GENET, F. DE SOULTRAIT, O. GOASGUEN, P. HUGEUX, J. LE GUILLOUX,
MC. GOUPY, F. PETIT, D. ROGES, R. LAFAYE DE MICHEAUX, E. LAPEYRE, C. KIEFER, O. DUPUY, H. MAYAUDON,
B. BAUDUCEAU.
CLINICAL CASE REPORT
1re de couverture :
Morphée © MC Borne.
4e de couverture
avec l’aimable autorisation
de la société Martineau.
290
381 • A Saharan horned viper bite on the right thumb complicated by a leg acute ischemia.
K. MOUNIR, A. BELHAJ, M. MEZIANE, S.-J. ELALAOUI, M. BAITE, L. SAFI, M. ATMANI.
Pratique médico-militaire
Hydrazine : un risque chimique d’actualité.
Cas d’une fuite impliquant un aéronef de type F-16.
C. Millet a, C. Renard b, E. Strat c, P. Burnat d.
a Service médical, Base Aérienne 102, BP 90 102 – 21093 Dijon Cedex 9.
b Service de biochimie toxicologie clinique, HIA PERCY, BP 406 – 92 141 Clamart Cedex.
c Escadron de sécurité incendie et de sauvetage, Base aérienne 102, BP 90102 – 21093 Dijon Cedex 9.
d Service de biochimie toxicologie clinique, HIA BÉGIN, 69 avenue de Paris – Saint Mandé Cedex.
Article reçu le 1er décembre 2008, accepté le 14 juin 2009.
Résumé
L’exposition à l’hydrazine ou à ses dérivés est un problème de santé publique car ces produits très réactifs sont
particulièrement toxiques. Ils sont utilisés dans différents domaines comme la chimie organique, l’aéronautique (avion de
chasse F16…) et l’aérospatial (fusée Ariane, navette spatiale américaine, satellites…). La contamination surtout aérienne
et cutanée conduit à des brûlures, des troubles respiratoires, rénaux, hépatiques et neurologiques. Le traitement, après une
décontamination rapide, est principalement basé sur l’administration de pyridoxine (vitamine B6) et d’un traitement
symptomatique. Après avoir décrit un incident aérien impliquant un avion de chasse de type F-16 conduisant à un risque
chimique par l’hydrazine, nous rappellerons les propriétés et la toxicité de ce produit, les mesures de protection à mettre
en œuvre et les traitements préconisés qui doivent être connus du personnel médical militaire.
Mots-clés : Aéronautique. Aérospatial. F16. Hydrazine. Méthyle hydrazine. Toxicologie.
HYDRAZINE : A TOPICAL CHEMINAL HAZARD. A CASE OF LEAKAGE FROM AN F-16 PLANE.
Abstract
Exposure to hydrazine or its by-products is a public health concern because of the particular toxicity of these very
reactive agents. They are commonly used in various fields such as organic chemistry, aeronautics and even aerospace
(Ariane rocket, US rocketship, satellites…). Airway and skin are the most frequent sites concerned by the contamination,
determining burns and severe functional disorders (respiratory, renal, liver and neurological functions). After a quick
decontamination, treatment is mainly based on pyridoxine in addition to the symptomatic treatment. In the light of an air
incident implying an F16 fighter leading to a chemical threat due to hydrazine, we will recall the properties and toxicity
of this agent as well as protective actions to carry out and recommended therapy strategy which the whole medical
military staff should know.
Keywords: Aeronautics. Aerospace. F16. Hydrazine. Methyl hydrazine. Toxicology.
Introduction
L’hydrazine et son dérivé méthylé sont des substances
chimiques très réactives. Elles sont utilisées en particulier
comme carburants dans le milieu aéronautique et spatial
mais aussi lors de synthèses chimiques dans l’industrie.
Ainsi, ils appartiennent à la liste des 21 produits reconnus
C. MILLET, médecin principal, C. RENARD, pharmacien en chef, professeur
agrégé du Val-de-Grâce. E STRAT, sergent chef, pompier de l’armée de l’Air.
P. BURNAT, pharmacien chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance : C. MILLET, service médical, Base Aérienne 102, BP 90 102 –
21093 Dijon Cedex 9
médecine et armées, 2009, 37, 4, 291-296
par l’Amed P6 (Allied Medical Publications) comme
toxiques chimiques industriels (1). Il est donc
indispensable que le personnel du service de santé des
armées connaisse la toxicité de ces substances ainsi que
les contres-mesures médicales à mettre en œuvre.
Celles-ci seront décrites après avoir relaté un incident
aérien survenu sur la base aérienne 102 capitaine
Guynemer de Dijon Longvic (BA 102).
Incident aérien du 7 juin 2006
Le 7 juin 2006 à 16 h 42, les moyens de secours de
la BA 102 sont mis en alerte pour un avion de chasse de
la Force aérienne Belge de type F-16 qui présente un
291
problème technique en vol nécessitant le déclenchement de son Emergency Power Unit (EPU). Le risque
chimique est immédiatement pris en compte car
l’EPU fonctionne grâce au mélange H70 (solution
aqueuse d’hydrazine à 70 %) (fig. 1, 2).
L’avion une fois posé, est dirigé vers une aire de parking
prédéfinie dans les consignes de sécurité (emplacement
le plus éloigné de la zone vie et de la zone technique de la
base aérienne). Il est suivi par l’ensemble des secours
aéronautiques qui se positionnent à 35 mètres, vent dans
le dos. Le périmètre de sécurité pour le personnel non
habilité est de 100 mètres minimum. Le chef des secours
et le chef d’agrès, équipés de combinaisons de protection
chimique et d’appareils respiratoires isolants (ARI)
calent l’avion et l’inspectent. Ils constatent (fig. 3) :
– l’utilisation de l’EPU grâce au témoin de
fonctionnement (noir et gris argenté) ;
– l’absence de fuite d’H70 dans le fuselage grâce au
témoin de fuite interne (pastille orange).
Avec l’accord du pilote, la goupille de sécurité est
insérée dans son logement afin de neutraliser l’EPU. Le
chef des secours demande la coupure du moteur au pilote
pour procéder au test de vapeur d’H70 au niveau de
l’échappement de l’EPU. Ce test s’effectue à l’aide d’une
pompe à main de marque Dräger utilisée avec des tubes
réactifs colorés spécifiques de l’hydrazine. Le test se
révèle positif : il existe un risque de contamination du
pilote lors de sa sortie du cockpit par ce toxique. Le pilote
en est informé par l’intermédiaire d’un panneau de
couleur rouge. Il reste à bord sous oxygène 100 % grâce à
une réserve située dans une bouteille à droite du siège
éjectable et annonce alors une heure d’autonomie. Un
quart d’heure plus tard un deuxième test est effectué,
toujours positif. Le pilote, ne supportant plus la chaleur
Figure 1. Configuration de l’avion F16 et de son armement.
Figure 2. Avion F-16, localisation du générateur de secours.
292
c. millet
Utilisations de l’hydrazine
Les dérivés les plus utilisés sont l’hydrazine, l’hydrate
de méthylhydrazine et l’Aérozine 50 (mélange à parties
égales d’hydrazine et de 1, 1- diméthyl hydrazine).
Aéronautique et spatial
Figure 3. Description schématique de la procédure de secours mise en œuvre.
dans le cockpit, sort à sa demande de l’avion, à l’aide d’un
masque branché sur un appareil respiratoire isolant (ARI)
d’un sauveteur. Le pilote est ensuite pris en charge par le
service médical de la base. L’interrogatoire ne retrouve
aucun signe d’exposition et l’examen clinique est
strictement normal. Le pilote n’ayant été contaminé ni
par les vapeurs, ni par le liquide, il est décidé de ne pas
pratiquer de bilan complémentaire.
Trois autres tests seront réalisés tous les quarts
d’heure. Le cinquième test étant négatif, l’avion est tracté
en zone dégagée du parking militaire. À 18 h 42, un
périmètre de sécurité est mis en place autour de l’avion :
l’intervention est terminée.
Proprietés physicochimiques
L’hydrazine anhydre (H2N-NH2) est un liquide incolore,
hygroscopique, fumant à l’air et présentant une odeur
aminée ou ammoniacale avec un seuil olfactif à 3,7 ppm
(parties par million). Son point de fusion est de 2 °C et
d’ébullition à la pression atmosphérique de 113,5 °C. La
température d’auto-inflammation est de 270 °C. A partir
de 23 °C l’hydrazine se décompose sous l’action de la
chaleur et des UV en azote, ammoniac et hydrogène.
Cette température peut être abaissée par la présence,
surtout lorsqu’ils sont à l’état pulvérulent, de catalyseurs
comme le platine, le fer, le nickel, le cuivre, le cobalt, le
molybdène et leur oxydes (2).
Avec l’eau, l’hydrazine à 70 % forme l’hydrazine
monohydratée qui est un liquide alcalin. C’est une base
légèrement plus faible que l’ammoniaque qui forme avec
les acides, des sels dont certains sont explosifs (nitrates,
chlorates, perchlorates, etc.).
L’hydrazine possède un puissant pouvoir réducteur,
particulièrement en milieu alcalin, et s’oxyde à l’air
à température ambiante. La majorité des oxydants
(acide nitrique, peroxyde d’hydrogène, chlorates,
permanganates, etc.) réagissent avec elle de manière
brutale avec des risques d’explosion.
Cette très forte réactivité fait que l’hydrazine doit
être conservée à l’abri de l’air sous azote dans des
récipients très propres exempts de catalyseurs
métalliques potentiels (acier inoxydable à faible teneur
en molybdène, aluminium, titane, etc.).
L’hydrazine produit lors de sa décomposition une
réaction très exothermique avec dégagement d’une
quantité très importante de gaz utilisé pour la propulsion.
Cette réaction est particulièrement rapide et puissante
mais facilement modulable sur les engins spéciaux.
C’est un monergol qui a la propriété de ne pas nécessiter
de comburant.
En aéronautique l’hydrazine est retrouvée dès 1944
dans le premier avion-fusée allemand, le Messerschmitt
Me163B ou Komet. L’hydrazine sous le nom de B-Stoff,
est associée au méthanol et au peroxyde d’hydrogène
T-Stoff dans une fusée Walter HWK 509A-2 à 1 700 kg
de combustible liquide. Le caractère très instable du
système de propulsion s’est traduit par de très nombreux
accidents et une utilisation opérationnelle limitée.
Aujourd’hui l’hydrazine sert de carburant pour les
générateurs de secours (EPU) des avions de chasse F-16.
Ce générateur permet de maintenir l’avion en vol en cas
de défaillance du circuit électrique, hydraulique ou en cas
d’arrêt du moteur. Le pilote bénéficie ainsi d’une petite
autonomie lui permettant de regagner une piste
d’atterrissage. En dehors des États-Unis (vol initial en
1974) cet avion a été vendu à de nombreuses armées de
l’air dans le monde (une vingtaine de pays) dont en
Europe : Belgique, Italie, Danemark, Grèce, Norvège,
Pays-Bas, Roumanie et Portugal. Cet avion construit en
très grand nombre, verra le 5 000 e exemplaire sortir
prochainement d’usine. Sur la dernière décennie, on
compte une moyenne de deux crashs par mois dans le
monde, et d’une intervention par semaine sur un F-16
effectuée par les moyens de secours.
Dans le domaine spatial européen, l’étage à propergols
stockables de la fusée Ariane 5 contient 3,5 tonnes de
monométhylhydrazine (MMH) [(CH3)-NH-NH2] pour la
satellisation de la charge utile. La navette spatiale
américaine utilise, après la première phase qui permet
l’arrivée dans l’espace, des moteurs localisés près de la
dérive. Ils fonctionnent avec un mélange d’hydrazine et
de peroxyde d'azote. Son principal avantage est sa
fiabilité car il brûle spontanément dès qu'il est injecté
dans la chambre de combustion. L’hydrazine est aussi
utilisée dans les moteurs auxiliaires de la navette spatiale
américaine pour assurer les petites corrections orbitales.
Cette présence d’hydrazine conduit notamment à des
précautions particulières et préventives lors des
atterrissages sur le site de secours en France.
L’hydrazine équipait les capsules Apollo, le module
lunaire et équipe aujourd'hui les satellites dans les
moteurs à faible poussée pour permettre leur
positionnement. Il n’y a pas besoin de mise à feu car
l’hydrazine est un monergol : elle réagit d’elle-même et la
réaction dure aussi longtemps que le produit est libéré et
s’arrête dès la f in de l’émission ce qui permet des
hydrazine : un risque chimique d’actualité. cas d’une fuite impliquant un aéronef de type f-16
293
corrections fines de trajectoires. La présence d’hydrazine
(450 kg) dans un satellite espion qui devait s’abattre sur
terre, a donné l’occasion à la marine américaine de le
détruire dans l’espace le 21 février 2008, avec un missile
de type SM-3 tactique, en donnant comme raison
officielle, le caractère très dangereux de l’hydrazine.
Autres utilisations
Le fort pouvoir réducteur de l’hydrazine est mis à profit
dans deux circonstances :
– en chimie organique en particulier dans la réaction de
Wolff-Kishner qui permet de réduire les cétones. Ainsi
l’hydrazine et ses dérivés sont largement utilisés dans
l’industrie pharmaceutique mais aussi dans celle des
matières plastiques, des colorants, des insecticides, des
fongicides, etc. Le risque industriel lors d’accident ou
d’attentat terroriste doit donc être pris en considération du
fait de l’extrême dangerosité du produit et des nombreuses
industries en cause ;
– comme agent anticorrosion, car il réagit avec
l’oxygène. Il est encore utilisé dans les circuits
hydrauliques, surtout dans les systèmes de chaudière à
vapeur, les centrales thermiques à vapeur, le chauffage
urbain et les circuits d’eau chaude (3). Sa concentration
peut alors atteindre 25 mg.L-1 dans certains circuits d’eau.
Enfin, nos futures voitures rouleront peut être avec de
l’hydrazine puisque le constructeur automobile Daihatsu
a proposé en 2007 une pile à combustible utilisant une
solution aqueuse à 5 % !
Toxicologie
Données générales
Le cas le plus fréquent d’intoxication en aéronautique
est l’inhalation de vapeurs ou un contact avec la peau,
beaucoup plus rarement une ingestion accidentelle.
Nous limiterons nos propos à sa toxicité aiguë et le
risque évoqué sera celui d’une intoxication des sauveteurs
ou du pilote après un crash d’aéronef utilisant de
l’hydrazine, ou des opérateurs lors de la réparation ou de
l’alimentation des réservoirs.
L’hydrazine est facilement et rapidement absorbée
à travers la peau, par inhalation ou par ingestion (1).
L’hydrazine est toxique quelle que soit la voie
d’intoxication. Par voie orale, la dose létale 50 % est
de 60 mg.kg-1 chez la souris ou le rat. Par voie percutanée
elle passe à 93 mg.kg-1 chez le cobaye. Par inhalation
pour une exposition de 4 heures la concentration
létale 50 % est de 250 ppm (328 mg.m-3) chez la souris
et 570 ppm (747 mg.m -3 ) chez le rat. Les données
expérimentales animales ont permis d’extrapoler
à l’homme et de déf inir, en cas d’exposition par
voie aérienne, des seuils d’effets létaux et des seuils
d’effets réversibles (fig. 4) (4).
Mécanisme d’action
Le mécanisme d’action toxique de l’hydrazine et de ses
dérivés est connu grâce à la toxicité des champignons
responsables du syndrome gyromitrien ou helvellien et à
294
Figure 4. Seuils de toxicité aiguë de l’hydrazine par inhalation pour un
temps d’exposition de 1, 10, 20, 30 et 60 minutes (facteur de conversion
1 ppm = 1,31 mg.m-3) (4).
celle d’un médicament antituberculeux l’isoniazide
qui est une hydrazide de l’acide isonicotinique. La
gyromitrine, retrouvée dans les gyromitres (fausse
morille…) et les helvelles (mitre d’évêque), est une
hydrazone toxique par l’un de ses métabolites : la
monométhylhydrazine (MMH). La MMH est ensuite
métabolisée par acétylation hépatique. Sa toxicité
est liée à l’inactivation de la vitamine B6 (pyridoxine)
ce qui conduit à une inactivation des enzymes
dépendantes de ce facteur vitaminique. Ainsi,
l’inhibition de la décarboxylase de l’acide glutamique
conduit à une diminution du taux d’acide gammaamino-butyrique (GABA) intracérébral responsable
d’une hyperexcitabilité et de convulsions. D’autre
part, une activation métabolique hépatique conduit
à la formation de diazonium générateurs de radicaux
libres très réactifs. Cette toxicité est majorée chez
les acétyleurs lents qui possèdent un génotype déterminé
de la NAT2 (N-acétyltransférase) (3). Sa toxicité
chronique se traduit par des effets cancérigènes
possibles, des risques d’hypotension et de dépression
cardiaque. Elle est également hémolysante avec un
risque de nécrose tubulaire aiguë (5, 6).
Manifestations cliniques
Elles sont liées au fait que l’hydrazine est un fort irritant
de la peau, des yeux et de l’appareil respiratoire.
1. Inhalation de vapeurs
L’exposition aux vapeurs provoque une sensation
d’étouffement, des difficultés respiratoires, des nausées
et vomissements (7). L’inhalation se traduit directement
par une atteinte respiratoire dyspnée et/ou œdème
aigu des poumons.
L’exposition de deux hommes à l’Aérozine 50 avec
des masques à gaz défectueux conduit chez le premier
à des céphalées, des nausées et des tremblements
avec une sensation de brûlure de la face. Le second est
dyspnéique, tremblant et présente un état de faiblesse.
Les deux ont des troubles neurologiques incluant des
reflexes hyperactifs. Tous ces signes ont disparu après
le traitement à la pyridoxine. L’œdème aigu des poumons
apparu ultérieurement chez les deux victimes a été traité
avec succès (8, 9).
c. millet
2. Contamination cutanée
L’absorption cutanée est très rapide : les données
animales (chien) montrent que l’hydrazine est détectée au
bout de 30 secondes dans le plasma et que la concentration
maximale est atteinte 1 à 3 heures après application. Un
cas de contamination cutanée lors d’une explosion en
milieu industriel s’est traduit par une brûlure à 22 %
associée à une probable inhalation. Lors de l’admission à
l’hôpital, l’état neurologique du patient est normal mais
14 heures après l’exposition la victime devient comateuse
et son coma persiste 60 heures Après un traitement par la
pyridoxine les désordres neurologiques disparaissent
dans les 12heures Les autres anomalies sont une élévation
de la glycémie, une hématurie, et des diff icultés
respiratoires. Des signes d’hépatotoxicité apparaissent
dans les trois jours puis disparaissent dans les cinq
semaines (9, 10). Lors d’un accident chez des ouvriers
allemands remplissant le circuit d’eau chaude d’un
système de chauffage central la contamination a été
essentiellement cutanée car les vêtements étaient
largement imprégnés par le liquide toxique. La biopsie
hépatique de l’un deux a montré des dépôts de graisse
centrolobulaires, des hépatocytes œdématiés, des
nécrose isolées, des inclusions de glycogène et des
cellules de Kuppfer granuleuses (11).
3. Atteinte oculaire
L’exposition aux vapeurs d’hydrazine peut provoquer
une conjonctivite importante et pour des concentrations
élevées de vapeurs la possibilité d’une cécité temporaire
(11).
4. Contamination par ingestion
Un technicien de laboratoire ayant avalé par accident
20-30 ml d’une solution aqueuse d’hydrazine à 6 % a
immédiatement vomi. Quatre heures plus tard sont
apparues : une sensation de faiblesse, une somnolence et
une arythmie. Une leucocytose légère mais persistante,
une baisse de l’albuminémie et un accroissement des
globulines ont également été notés. Deux jours après
l’exposition une augmentation de la température
corporelle et une hématurie a été mise en évidence avec
une respiration irrégulière. Cinq jours après le patient ne
présentait plus de signes (9, 12).
Un autre cas d’absorption d’une gorgée d’hydrazine a
conduit à un état de confusion, une léthargie et de
l’agitation. À l’admission le profil biochimique était
normal mais trois à quatre jours plus tard, des signes
d’hépatotoxicité sont mis en évidence avec une élévation
de l’activité des transaminases, des LDH et de la
bilirubine. Le patient est traité par de la pyridoxine et se
rétablit après cinq jours. Une neuropathie périphérique
s’est développée plus tardivement et a disparu dans les six
mois. La neuropathie a été attribuée en fait aux fortes
doses de pyridoxine (9, 13).
Signes biologiques de toxicité
La cytolyse hépatique se traduit par une augmentation
de l’activité plasmatique des transaminases, des LDH et
des GGT (11). L’atteinte métabolique conduit à une
acidose et à une hypoglycémie. L’anémie hémolytique est
mise en évidence par une augmentation des bilirubines
totale et libre et une haptoglobine effondrée. Si elle est
grave, une baisse de l’hématocrite et plus tardivement du
VGM est notée. Enfin, si la vitamine B6 était dosée, elle
serait abaissée.
Contres-mesures médicales
mesures préventives
et
Conduite à tenir en cas d’exposition
L’État-major de l’armée de l’Air a demandé à la
Direction centrale du Service de santé des armées de
constituer un « nécessaire d’urgence hydrazine » et
d’établir un protocole de conduite à tenir (14). Cette prise
en charge médicale en urgence est mise en place après la
décontamination des victimes. Les véhicules
d’intervention des services médicaux d’unité impliqués
doivent détenir le « kit hydrazine » qui contient l’antidote
et une fiche reflexe.
Le « kit hydrazine » est constitué de la façon suivante :
2 nécessaires à lavage oculaire, 4 étuis d’ampoules
injectables de vitamine B6 ou pyridoxine (BECILAN®
250 mg/5 ml), 4 seringues de 10 ml, 2 aiguilles IV,
2 aiguilles IM, 1 savon ordinaire, 2 serviettes, et 1 fiche
« conduite à tenir en cas d’exposition à l’hydrazine et
ses dérivés ».
La vitamine B6 est considérée comme l’antidote des
intoxications par l’hydrazine même si elle est administrée
plusieurs jours après l’intoxication. La posologie est de
25 mg.kg-1 (soit une ampoule pour 10 kg de poids) en
intraveineuse de 30 minutes (15). Cette dose peut être
répétée si nécessaire sans dépasser 15 g par jour à cause du
risque de neuropathie périphérique engendré par de fortes
doses de vitamine B6 (6).
La fiche reflexe peut se décliner selon le protocole
suivant : éloigner rapidement, transporter les victimes
à distances de la zone contaminée et débuter une
décontamination.
En cas de projection sur les vêtements : enlever
rapidement les textiles contaminés, les emballer pour
éviter tout risque de transfert de contamination et de
libération de vapeurs toxiques.
En cas de projection sur la peau : après un savonnage
soigneux, laver à grande eau pendant vingt minutes les
surfaces cutanées exposées.
En cas de projection oculaire : laver l’œil à l’eau
courante, front sous l’eau avec l’œil ouvert, ou rincer
abondamment l’œil par flux continu de sérum
physiologique pendant vingt minutes.
En cas d’ingestion, il faut donner une quantité
importante d’eau pour diluer le toxique puis réaliser
un lavage gastrique (7, 15) ou à défaut faire vomir.
L’administration de charbon actif est aussi envisageable.
En cas d’atteinte respiratoire une oxygénothérapie
sera mise en place.
En cas de convulsions des benzodiazépines seront
administrées.
hydrazine : un risque chimique d’actualité. cas d’une fuite impliquant un aéronef de type f-16
295
Mesures préventives
Les données toxicologiques sur ce produit ont donc
amené à prendre des précautions drastiques concernant
son utilisation. Un étiquetage réglementaire est
obligatoire et doit apparaître sur tous les produits
contenant de l’hydrazine (fig. 5). De plus, il existe en
France des valeurs limites d’exposition professionnelle,
la valeur limite de moyenne d’exposition (8 heures
par jour et 40 heures par semaine) est de 0,1 ppm ou
0,13 mg.m-3. Quant à l’IDLH (immediately dangerous for
life and health) définie par les américains, elle est de
50 ppm (66 mg.m-3) pour une exposition de 30 minutes.
Les secours qui vont intervenir en zone contaminée
doivent porter une protection des voies respiratoires soit
par un appareil respiratoire isolant, soit par un masque à
cartouche (filtre de type K efficace contre l’ammoniac et
les dérivés aminés). Le port de tenue de protection est
également nécessaire avec en particulier le port de gants.
En cas d’incendie, l’agent d’extinction préconisé est
l’eau si possible sous forme pulvérisée. Ces mesures
préventives doivent être en place sur les bases aériennes
mais aussi sur le site de Kourou où des militaires français
réalisent diverses missions. Ils pourraient être en contact
avec l’hydrazine après un accident sur la fusée Ariane qui
disperserait le toxique dans l’environnement. Que ce soit
lors d’une explosion en vol ou de la récupération des
morceaux d’épave (16).
Pour sa mise en évidence dans les atmosphères, la
société Dräger commercialise des tubes réactifs
utilisables avec une pompe à main qui permettent sa
détection à partir de 0,1 ppm. Des procédures écrites
doivent donc être rédigées et connues de l’ensemble
des personnels concernant la manipulation de l’hydrazine
et la conduite à tenir en cas d’incident.
R 10 : inflammable
R 23/24/24 : toxique par inhalation, par contact avec la peau et par
ingestion
R 34 : provoque des brûlures
R 43 : peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau
R 45 : peut occasionner un cancer
S 45 : en cas d’accident ou de malaise consulter immédiatement un
médecin
S 53 : éviter l’exposition et se procurer des instructions spéciales
avant utilisation
Figure 5. Étiquetage réglementaire de l’hydrazine.
Conclusion
Cet incident survenu sur un F16 rappelle que les
risques chimiques liés à l’hydrazine sont toujours
d’actualité. Ce produit, très largement utilisé dans
l’industrie chimique et aéronautique, a une place
très particulière du fait de sa très forte réactivité chimique
et de sa toxicité touchant de nombreux organes. Toutes
deux nécessitent des procédures parfaitement connues
et une connaissance des risques. La prise en charge
médicale en urgence doit être maîtrisée et si besoin,
mise en place après la décontamination des victimes.
Les véhicules d’intervention des services médicaux
d’unité impliqués doivent détenir un « nécessaire
d’urgence hydrazine » qui contient l’antidote et
un protocole de prise en charge.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. AmedP-6 (B) Part III Chemical. Manuel OTAN sur les aspects
médicaux des opérations de défense NBC. OTAN. Bruxelles, 1996.
2. Hydrazine, hydrate d’hydrazine et solution aqueuses. Fiche
toxicologique n° 21. INRS.1997.
3. Michiels F, Deslauriers M, Nicolas A. La biométrologie de
l’hydrazine : intérêt, limites et place dans la démarche de prévention
du risque. Arch Mal Prof Env 2008 ; 69 : 455-63.
4. Tissot S, Pichard A. Seuils de toxicité aiguë hydrazine. Août 2003 ;
http:// wwww.ineris.fr.
5. Saviuc P, Flesch F, Danel V. Intoxications par les champignons :
syndrome majeurs. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous
droits réservés), Toxicologie-Pathologie professionnelle,
16-077-A-10, 2003 : 10 p.
6. Duenas-Laita A. Freon and other inhalants. In: Haddad and
winchester’s clinical management of poisoning and drug overdose.
4e edition, Saunders Elsevier 2007 : 1 377-84.
7. http:// wwww. Reptox.csst.qc.ca
8. Fierson WM. Use of pyridoxine HCl in acute hydrazine and UDMH
intoxication. Ind Med Surg 1965, 34 : 650-1.
296
9. International Programme on Chemical Safety, Environmental Health
Criteria for Hydrazine, Section 9.2.1. 1987.
10. Kirklin JK, Watson M, Bondoc CC, Burke JF. Treatment of
hydrazine-induced coma with pyridoxine. New Engl J Med 1976 ;
294 : 938-9.
11. Schardt F, Trierolf H, Krause F. L’effet hépatotoxique de l’hydrazine.
Arch Mal Prof Env. 2005 : 494-7.
12. Drews A, Eversmann K, Fritze E. An oral poisoning by hydrazine.
Med Welt. 1960 ; 23 : 1 295-7.
13. Harati Y, Naikan E, Hydrazine toxicity, pyridoxine therapy, and
peripherical neuropathy. Ann Intern Med 1986 ; 104 : 728-9.
14. Note n° 890/DEF/DCSSA/OL/OME/3/DR du 14 septembre 1988.
Moyens médicaux d’intervention en cas de risque d’intoxication par
l’hydrazine.
15. Makarovsky I, Markel G, Dushnitsky T, Eisenkraft A. Hydrazine - the
space era agent. Isr Med Assoc J. 2008 : 10 : 302-6.
16. Lemaire M. Prise en compte des risques sanitaires et chimiques
concernant les militaires affectés à la garde du centre spatial guyanais.
Méd Arm 1995 ; 23 : 557-63.
c. millet
Épidémiologie
Dépistage urinaire d’une consommation de drogues illicites
(cannabis, cocaïne et opiacés) : bilan de l’année 2007 pour
le personnel navigant.
C. Renard a, J.-F. Paris b, D. Delaune c, B. Huart d, J.-F. Oliviez b, D. Chianea a, Ph. Vest a.
a Service biochimie toxicologie clinique, HIA Percy, BP 406 – 92 141 Clamart Cedex.
b Centre principal d’expertise médicale du personnel navigant, BP 406 – 92 141 Clamart Cedex.
c HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94 163 Saint Mandé Cedex.
d IRBA, antenne de Brétigny sur Orge, BP 73 – 91 223 Brétigny sur Orge Cedex.
Article reçu le 29 septembre 2008, accepté le 26 février 2009.
Résumé
Des textes réglementaires récents ont modifié le dépistage des consommations de drogues dans l’armée française. Ainsi,
depuis le premier septembre 2008 une harmonisation du seuil de dépistage urinaire du cannabis, entre les différentes
catégories de personnels navigants, a été instaurée à 50 μg.L-1 et le dépistage des opiacés a été arrêté. Par contre, la
recherche de l’ecstasy a été mise en place pour les militaires. Nous présentons dans ce travail les résultats obtenus en
2007 au Centre principal d’expertise médicale du personnel navigant de l’îlot Percy. Pour 5 863 dépistages urinaires
réalisés 17 ont permis de mettre en évidence une consommation de substances illicites. Il s’agit à une exception près
(cocaïne) de consommations de cannabis. Ces résultats sont ensuite discutés.
Mots-clés : Armée. Cannabis. Cocaïne. Dépistage de drogues. Opiacés.
URINARY DRUG SCREENING (CANNABIS, COCAINE AND OPIATES): RESULTS OF THE FLIGHT PERSONNEL IN 2007.
Abstract
New statutory texts have modified urinary drug screening in the French army. Since the first of September 2008, the cutoff value for cannabis has been harmonized between military and civilian personnel. Concerning the drugs panel, the
screening for opiates has been discontinued and replaced by a screening for ecstasy (but for military personnel only).
This article describes the results of 5 863 urinary drug screenings at the Percy “Centre principal d’expertise médicale du
personnel navigant” in 2007. Only 17 urines were positive: one for cocaine and 16 for cannabis. Finally we comment
these results.
Keywords: Army. Cannabis. Cocaïne. Drug screening. Opiates.
Introduction
Différents textes du ministère de la Défense et du
Service de santé des armées (SSA) ont fait récemment le
point sur le dépistage de la toxicomanie dans les armées
(1-3). Il est ainsi rappelé que l’ensemble des militaires
C. RENARD, pharmacien en chef, professeur agrégé du Val-de-Grâce. J-F. PARIS,
médecin chef des services, spécialiste du SSA, D. DELAUNE, médecin lieutenant,
interne des HA, B. HUART, pharmacien en chef (TA), spécialiste du SSA,
J.-F. OLIVIEZ, médecin principal. D. CHIANEA, pharmacien en chef spécialiste du
SSA. Ph. VEST, pharmacien en chef spécialiste du SSA.
Correspondance : C. RENARD, Fédération des laboratoires, HIA Percy, BP 406 –
92 141 Clamart Cedex.
médecine et armées, 2009, 37, 4, 297-302
peut être soumis, en tout temps et en tout lieu, au dépistage
des consommations de stupéfiants et de médicaments
détournés de leur usage ainsi que des abus d’alcool. Ce
dépistage peut ainsi être réalisé dans deux cadres
distincts :
– celui effectué par l’autorité militaire, susceptible
d’entraîner des sanctions disciplinaires ;
– celui effectué par le SSA, susceptible d’entraîner une
inaptitude médicale.
Dans tous les cas, les substances qui peuvent être
recherchées en dehors de l’alcool, sont celles mentionnées
à l’article L. 3 421-1 du Code de la santé publique et
notamment le cannabis, les opiacés, les amphétamines et
leurs dérivés, la cocaïne et ses dérivés, l’acide lysergique
297
diéthylamide (LSD) et l’acide gamma hydroxybutyrique
(GHB ou gamma-OH). Si le dépistage est réalisé par le
SSA, le sujet est au préalable informé de l’incompatibilité
des conduites addictives à l’alcool ou aux stupéfiants
avec la fonction militaire. L’information reçue, au moins
un mois avant sa mise en œuvre pour tout candidat à
l’engagement, sera attestée par un document signé. Le
dépistage organisé par le SSA peut ainsi se décliner sous
trois modes différents :
– le dépistage systématique comme celui défini dans
l’instruction N° 800 du 20 février 2008 relative à
l’aptitude médicale aux emplois du personnel navigant
des forces armées ;
– le dépistage ciblé pour une affectation temporaire
nécessitant une surveillance accrue ou devant un
comportement suscitant un doute quant à l’emploi de
substances illicites ;
– le dépistage aléatoire, essentiellement dissuasif,
organisé par le SSA à la demande de l’autorité militaire en
effectuant un tirage au sort par strate (par exemple 10 %
des officiers, des sous-officiers et des militaires du rang).
Les résultats, couverts par le secret professionnel, ne
peuvent être communiqués à l’autorité militaire que sous
la forme d’une appréciation globale et anonyme, en
termes d’aptitude ou d’inaptitude.
La note de mise en application précise que le dépistage
urinaire doit être la méthode de choix pour la
détermination d’une aptitude médicale et que le dépistage
salivaire peut être retenu pour le dépistage disciplinaire
(2). Tout résultat positif doit être conf irmé par une
technique de confirmation dans des laboratoires agréés :
l’institut de médecine aérospatiale du service de santé des
armées (IMASSA à Brétigny sur Orge) ou l’institut de
recherche criminelle de la gendarmerie nationale
(IRCGN à Rosny sous Bois).
En ce qui concerne le personnel navigant de l’armée
de l’Air et des compagnies aériennes civiles le dépistage
d’une prise de drogue illicite était réalisé, jusqu’au
1er septembre 2008, pour le cannabis, la cocaïne et les
opiacés. Depuis, une uniformisation des seuils de
détection pour le cannabis entre civils et militaires est
effective avec l’arrêt de la recherche des opiacés et la
recherche pour les militaires de l’ecstasy ou
méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA).
À partir des résultats obtenus pour l’année 2007
au prof it du centre principal d’expertise médicale
du personnel navigant (CPEMPN de l’îlot Percy)
nous discuterons des avantages et des limites du
dépistage urinaire ainsi que de son évolution depuis le
1er septembre 2008.
Matériels et méthodes
parties aliquotes, une est adressée immédiatement
au laboratoire de l’hôpital pour le dépistage et les
deux autres, conditionnées en flacon inviolable, sont
adressées à l’IMASSA uniquement si le dépistage est
positif pour au moins une des trois drogues recherchées
(une pour confirmation et une conservée congelée à
des fins de contre-expertise).
Techniques analytiques
Les techniques utilisées à l’HIA Percy sont basées
sur l’interaction cinétique de microparticules en
solution (KIMS ou kinetic interaction of microparticle
in solution) mises en œuvre sur l’analyseur Cobas
Integra 800 ® (Roche Diagnostics). Il s’agit d’une
technique où la drogue (antigène : Ag) présente
dans l’urine entre en compétition avec l’Ag du réactif,
f ixé sur des microparticules, vis-à-vis d’anticorps
(Ac) spécif iques. L’absorption de la lumière émise
par la lampe du spectrophotomètre est d’autant plus
importante qu’il y a agrégation des microparticules.
L’absorbance mesurée est donc inversement proportionnelle à la concentration de la drogue recherchée
dans l’urine. Les Ac monoclonaux de souris sont
dirigés contre la morphine pour les opiacés, la
benzoylecgonine pour la cocaïne et l’acide 11-nor-Δ-9tétrahydrocanabinol-carboxylique (THC-COOH) pour
le cannabis. Les résultats sont exprimés de façon
semi-quantitative en morphine, en benzoylecgonine et
en THC-COOH puis déclarés positif ou négatif après
comparaison aux seuils ou « cut-off » (tab. I).
Tous les dépistages positifs conduisent à la mise en
œuvre, par le laboratoire de l’IMASSA, d’une technique
de confirmation considérée par les sociétés scientifiques
comme la méthode de référence qui est la
chromatographie en phase gazeuse couplée à la
spectrométrie de masse. Elle associe la chromatographie
en phase gazeuse (CPG) qui assure la séparation des
constituants urinaires à une méthode d’identification par
spectrométrie de masse (SM). Ceci permet de confirmer
ou non la présence des molécules dépistées.
Tableau I. Seuils de positivité utilisés pour le personnel navigant.
DROGUE
Avant
Après
1er septembre 2008 1er septembre 2008
Cannabis
20 μg.L-1 pour les
50 μg.L-1 pour militaires
militaires
et civils
50 μg.L-1 pour les civils
Cocaïne
300 μg.L-1
300 μg.L-1
Opiacés
300 μg.L-1
Sans objet
Ecstasy (MDMA)
Sans objet
500 μg.L-1 militaires
uniquement
Spécimens biologiques
Les prélèvements biologiques utilisés sont des
échantillons d’urine adressés par le CPEMPN dans le
cadre des visites d’aptitude du personnel navigant civil
(visite d’admission) et militaire (visite d’admission et de
révision). L’échantillon recueilli est réparti en trois
298
c. renard
Résultats
25,3 ans (extrêmes : 19 - 42 ans) avec 65 % ≤ 25 ans et
35 % > 25 ans (fig. 1).
Dépistage
Au total 5 863 dépistages urinaires ont été réalisés au
profit du CPEMPN en 2007 (fig. 1). Ceci représente 77
dépistages positifs et 75 personnes positives puisqu’une
personne était doublement positive en cannabis et en
opiacés (non confirmé par l’IMASSA) et une autre a été
conf irmée deux fois positive en cannabis à un mois
d’intervalle. Le taux de positivité global est donc de 1,3 %
(1,2 % chez les hommes et 2,0 % chez les femmes). Pour
les deux sexes, les opiacés sont le plus souvent retrouvés
(0,7 % chez les hommes et 1,4 % chez les femmes) devant
le cannabis (0,5 % chez les hommes et 0,6 % chez les
femmes). La cocaïne n’a été retrouvée que chez un seul
personnel masculin civil.
Confirmation
Pour les opiacés sur 48 positifs ; 2/3 étaient des
militaires (8 admissions) et 1/3 des civils. Dans 96 % des
cas l’IMASSA a confirmé qu’il y avait eu effectivement
prise d’opiacés. Cependant, aucune consommation
d’héroïne n’a pu être mise en évidence. La conclusion est
donc qu’il s’agissait à chaque fois de la prise d’antalgiques
ou d’antitussifs contenant des opiacés (codéine,
pholcodine…). Nous avons retrouvé 11 positifs en hiver,
14 positifs en automne, 8 au printemps et 13 en été.
Pour le cannabis 12 (43 %) des 28 dépistages positifs
sont non confirmés par l’IMASSA donc des faux positifs
(11 militaires et 1 civil). Les 16 confirmés (11 hommes et
5 femmes) comprenaient 10 civils et 6 militaires.
Le seul dépistage positif en cocaïne a été confirmé par
l’IMASSA, notons que sa concentration estimée lors du
dépistage était proche du seuil (305 μg.L-1).
Au final les 17 confirmations de consommation de
drogues illicites (16 pour le cannabis et 1 pour la cocaïne)
représentent 0,3 % des urines testées, l’âge moyen est de
Discussion
Nous articulerons notre discussion en deux parties tout
d’abord sur le plan analytique puis sur le plan
épidémiologique.
Analytique
L’analyse globale des résultats des tests de dépistage
démontre que les techniques utilisées ne sont pas assez
spécif iques puisque seulement 22 % des dépistages
positifs ont été confirmés comme des consommations de
produits illicites. Les limites bien connues des tests de
dépistage justifient pleinement l’usage d’une technique
de confirmation comme la CPG/SM afin de pouvoir
décider de l’aptitude médicale.
Pour les opiacés, test de dépistage le plus souvent
positif, aucune confirmation de consommation d’héroïne
n’a pu être apportée. La raison est liée à la nature des Ac
utilisés qui sont dirigés contre le noyau morphinane de
la morphine commun à de nombreuses molécules à
usage thérapeutique comme la codéine, la pholcodine
et la codéthyline (4). Toutes ces molécules vont positiver
les tests urinaires par le biais de réactions croisées
(223 μg.L-1 de codéine donnent un résultat positif avec la
technique KIMS) et par le fait que la morphine est un
métabolite commun des opiacés. Notons que la
buprénorphine et la méthadone utilisées comme
traitements de substitution dans la dépendance aux
opiacés n’entraînent pas, aux doses thérapeutiques,
des tests positifs. La décision d’aptitude ne peut donc
être prononcée qu’après mise en œuvre de la technique
de conf irmation qui permet de rechercher la 6monoacétylmorphine (6-MAM) métabolite spécifique
de l’héroïne. La durée de détection dans les urines après
une prise d’héroïne n’est que de 7 heures; par contre elle
est métabolisée en morphine au niveau hépatique qui elle
5 863 dépistages
dépistages + = 1,3 %
Age moyen 31,9 ans
(ET = 9,3)
HOMMES
4915 (83,8 %)
dépistages + = 1,2 %
Age moyen 33,1 ans
(ET = 9,4)
Dépistage opiacés +
35 (0,71 %)
- 26 militaires
- 9 civils
Confirmation*
0
Dépistage cannabis +
22 (0,45 %)
- 16 militaires
- 6 civils
FEMMES
948 (16,2 %)
dépistages + = 2,0 %
Age moyen 25,9 ans
(ET = 6,3)
Dépistage cocaïne +
1 (0,02 %)
- 1 civil
Confirmation
11 (0,22 %)
- 5 militaires
- 6 civils
Confirmation
1 (0,02 %)
- 1 civil
Dépistage opiacés +
13 (1,37 %)
- 6 militaires
- 7 civils
Confirmation*
0
Dépistage cannabis +
6 (0,63 %)
- 1 militaire
- 5 civils
Confirmation
5 (0,52 %)
- 1 militaire
- 4 civils
Dépistage cocaïne +
0
Confirmation*
0
ET : écart type; * : d’une toxicomanie à l’héroïne.
Figure I. Résultats obtenus pour l’année 2007.
dépistage urinaire d’une consommation de drogues illicites (cannabis, cocaïne et opiacés) : bilan de l’année 2007 pour le personnel navigant
299
sera présente pendant 48 heures. Chez les héroïnomanes
il est fréquent de retrouver également de la codéine qui
provient des impuretés de fabrication et/ou de la
consommation concomitante de médicaments opiacés
comme le Néo-Codion®. Aucune toxicomanie à l’héroïne
n’a été détectée depuis la mise en place du dépistage
urinaire au CPEMPN. On ne peut cependant pas associer
ce résultat uniquement à la faible durée de détection dans
les urines car la forte dépendance liée à la prise d’héroïne
conduirait probablement le toxicomane à une prise dans
des délais < 48 heures.
Le nombre important de faux positifs pour le cannabis
chez les militaires est en partie lié au seuil utilisé pour
cette catégorie de personnels et à la technique mise
en œuvre. En effet, pour les militaires il était à 20 μg.L-1
alors qu’il était à 50 μg.L-1 pour les civils (tab. I). Les
performances de la technique sont moins bonnes à
20 μg.L-1 car c'est une concentration proche de la limite de
détection pour la technique de dépistage. De plus, les
substances interférentes par réaction croisée vont simuler
des concentrations plutôt faibles et donc majorer le risque
de faux positifs avec un seuil bas. Ainsi, 11 des 12 faux
positifs avaient une concentration estimée en THCCOOH comprise entre 20 et 30μg.L-1. Parmi les molécules
à l’origine de faux positifs nous pouvons citer plusieurs
anti-inflammatoires : l’acide niflumique (Nifluril ®
gélule) et le norniflumate (Nifluril® suppositoire) ainsi
que l’ibuprofène présent dans de nombreuses spécialités
(5, 6). Ces interférences sont d’autant plus inattendues
qu’il n’y a pas d’analogie structurale entre ces molécules
et le THC-COOH et que selon les coffrets l’interférence
n’est pas toujours retrouvée. Quant aux performances
analytiques du test utilisé (KIMS) Lu et Taylor (7) l’ont
comparé avec un autre très répandu dans les laboratoires
pour 10 drogues dont celles recherchées pour le CPEMPN.
En cas de discordance une conf irmation avec
quantification par CPG/SM était réalisée. La recherche
de cannabis est celle qui conduit le plus souvent à des
discordances puisque dans 2,6 % des cas la technique
KIMS est positive alors que l’autre est négative avec
comme seuil de positivité 50 μg.L-1. Le choix du réactif,
conditionné par l’équipement de chaque laboratoire,
conduira donc à un nombre de faux positifs variable.
Le commentaire de ces résultats permet de répondre à
deux interrogations récurrentes sur les tests de dépistage
du cannabis. Le tabagisme passif peut-il conduire à un test
de dépistage positif ? La polémique vient d’une
publication réalisée dans des conditions expérimentales
qui ne correspondent absolument pas à la réalité (local de
16 m2 dans lequel les sujets étaient exposés à la fumée de
16 cigarettes, l’atmosphère était tellement chargée qu’il
fallait porter des lunettes de plongée !) (8, 9). Ainsi, on
estime que la concentration maximale pouvant être
retrouvée chez un fumeur passif est bien inférieure aux
seuils utilisés (10). La deuxième interrogation porte sur la
durée de détection dans les urines après consommation ?
Pour répondre à cette question il est nécessaire de faire
un rappel sur le métabolisme complexe du cannabis et
sur sa vitesse d’élimination qui est extrêmement
variable selon les sujets (10, 11). Aux premiers rangs
des facteurs susceptibles de la modif ier, f igurent la
fréquence de consommation et les doses utilisées. Ainsi,
300
la demi-vie terminale d’élimination montre de grandes
amplitudes : de un à quatre jours chez le consommateur
occasionnel, elle peut atteindre trois à treize jours chez le
consommateur régulier. En raison de sa très forte
séquestration dans les graisses, de l’ordre de 20 %, la
quantité fixée dans les tissus a une demi-vie de deux à
trois mois. Il faut également mentionner l’existence d’un
cycle entéro-hépatique ainsi qu’une réabsorption rénale
qui constituent autant de freins à l’élimination. Au final
l’élimination urinaire de THC-COOH représente 15 à
30 % de la dose qui a pénétré dans l’organisme car 55 à
65 % de la dose est éliminée par voie digestive. L’analyse
des urines de sujets ayant fumé tous les jours pendant
deux semaines un « joint » contenant 1,75 % ou 3,55 % de
« principe actif » révèle une demi-vie d’élimination
comprise entre 44 et 60 heures (10). Chez des grands
consommateurs réguliers on estime qu’au seuil de
25 μg.L-1 le dépistage urinaire est toujours négatif après
un mois d’abstinence. Les candidats à l’admission seront
donc toujours négatifs s’ils arrêtent leur consommation
au moment où ils reçoivent leur convocation. Par contre,
la fenêtre de détection longue permettra de dépister ceux
qui ne respectent pas cette abstinence. Cependant, le
nouveau seuil fixé à 50 μg.L-1 va normalement limiter la
durée de détection depuis la dernière prise. L’objectif est
totalement différent de celui recherché par l’emploi d’un
test salivaire qui permet de détecter une consommation de
cannabis pendant uniquement six à neuf heures par
contamination de la cavité buccale par la fumée.
Qu’elle sera l’incidence d’harmoniser le seuil de
détection à 50 μg.L -1 pour les civils et les différentes
catégories de militaires ? Le nombre de dépistages rendus
positifs serait de 13 avec seulement 1 faux positif.
Cependant, il est important de constater que l’emploi de
ce nouveau seuil conduirait à l’existence de trois
consommateurs non dépistés (faux négatifs) parmi
les militaires (1 visite d’admission et 2 visites de
révision pour la même personne) ; en effet, ils avaient
respectivement des concentrations estimées en THCCOOH de 40, 45 et 27 μg.L-1 qui ont été confirmées par
l’IMASSA. Dans l’avenir le nombre de faux positifs
deviendra négligeable mais il y aura d’avantage de faux
négatifs. Le nombre de faux négatifs n’est pas évalué
actuellement, mais pour les militaires nous pouvons
penser qu’avec le seuil à 20 μg.L-1 il était négligeable
puisqu’un seul vrai positif a été retrouvé dans la zone de
concentration 20 - 30μg.L-1. Par contre pour les personnels
civils nous avons déjà actuellement des résultats compris
entre 20 et 50 μg.L-1 que nous rendons négatif (fréquence
non estimée) ; à l’instar des résultats obtenus pour les
militaires nous pouvons penser que ceux qui ont une
concentration estimée en THC-COOH entre 40 et
50 μg.L -1 seraient pour leur majorité conf irmés par
l’IMASSA. Même si la consommation de cannabis est
répréhensible, ces techniques de dépistage permettent
uniquement de donner un résultat qualitatif par rapport à
un seuil et non pas de dépister tous les consommateurs.
Les américains utilisent des seuils déf inis par le
SAMSHA (Substance abuse and mental health services
administration) qui sont actuellement : 50 μg.L-1 pour le
cannabis, 300 μg.L-1 pour la cocaïne et 2 000 μg.L-1 pour
les opiacés. Nous sommes donc en phase avec ces seuils
c. renard
depuis le 1 er septembre 2008. Pour les opiacés il est
intéressant de noter qu’il était initialement de 300 μg.L-1 et
qu’il a été augmenté en 1997 à cause du nombre important
de faux positifs lié en particulier à l’ingestion de graines
de pavot d’origine alimentaire (13).
Quant au MDMA, désormais recherché pour les
militaires, il est détectable dans les urines jusqu’à
72heures après son absorption (11). Sa parenté structurale
avec l’amphétamine et surtout la méthamphétamine
conduit à des réactions croisées variables selon les
techniques de dépistage. Des réactions croisées sont
également possibles avec d’autres drogues qualifiées
d’entactogènes (qui favorise le contact avec son
propre intérieur) car ecstasy est un terme générique
très souvent utilisé pour d’autres composés ou des
mélanges de ces drogues.
Épidémiologique
Le nombre important d’hommes dans notre série
s’explique par le fait que le personnel navigant militaire
est constitué d’une population majoritairement
masculine. Les militaires ont des dépistages urinaires à
l’admission et à chaque visite de révision ce qui explique
aussi la moyenne d’âge plus élevée chez les hommes.
Le dépistage urinaire de la cocaïne et surtout du
cannabis a permis de mettre en évidence des prises de
drogues illicites mais pour les opiacés aucune
consommation d’héroïne n’a été retrouvée. La période
allant du 20 septembre au 20 mars regroupe 54 % des
résultats trouvés positifs en opiacés, il ne ressort donc pas
d’effet saisonnier évident. La prise d’antalgiques, à la
différence de celles d’antitussifs, n’est pas rythmée par
les saisons. À une époque où le rapport coût/bénéfice doit
être pris en compte dans tout acte médical, l’abandon de
cette recherche semble justifié car elle n’a jamais permis
depuis sa mise en place de confirmer un prise d’héroïne.
De plus, si l’héroïne est injectée l’examen clinique
permettra éventuellement de dépister le toxicomane
(hématomes ou traces d’injections) et la consommation
concomitante d’autres drogues est fréquente. Ainsi,
depuis le 1er septembre 2008 le dépistage des opiacés est
abandonné et remplacé uniquement pour les militaires
par la recherche de l’ecstasy (tab. I).
Deux études nationales publiées récemment permettent
également de discuter nos résultats. Le système
d’observation des usages de drogues en population
générale, mis en place par l’observatoire français des
drogues et des toxicomanies (OFDT), repose sur plusieurs
enquêtes transversales dont les enquêtes Escapad
(Enquête sur la santé et les consommations lors de la
journée d’appel de préparation à la défense) (14). En
2005, 1 jeune de 17 ans sur 2 dit avoir déjà fumé du
cannabis, plus d’un quart au cours du mois, 1 sur 10
régulièrement (au moins 10 fois par mois) et 1 sur 20
quotidiennement. Le sexe ratio (homme/femme) passe de
1,2 pour l’expérimentation et l’usage au cours des 12
derniers mois à 2,4 pour l’usage régulier et l’usage
quotidien. À 17 ans, la consommation quotidienne de
cannabis est en revanche beaucoup plus répandue que
celle de l’alcool (5,2 % versus 1,2 %). Pour les autres
drogues recherchées au CPEMPN l’expérimentation à 17
ans est par ordre décroissant de 3,5 % pour l’ecstasy (sexe
ratio 1,5), de 2,5 % pour la cocaïne (sexe ratio 1,5), de
0,7 % pour le crack (sexe ratio 1,4) et de 0,7 % pour
l’héroïne (sexe ratio 1,2). Entre 2000 et 2005, il est
observé une augmentation des consommateurs réguliers
de cannabis, d’ecstasy et de cocaïne alors que ceux
d’héroïne sont stables (tab. II). Une autre étude réalisée
par auto-questionnaire entre 2003 et 2004, chez des
étudiants parisiens de première et deuxième année en
médecine, pharmacie, droit, psychologie et sociologie
porte sur une population plus proche de celle que nous
avons en visite d’admission (15). Seul le cannabis était
concerné et il en ressort que son expérimentation
concerne 47,6 % des étudiants (55,2 % des hommes et
45,7 % des femmes), qu’elle est de 39 % pour les titulaires
du bac S versus 63 à 72 % des bacs professionnels et
qu’elle est d’autant plus faible que le bac a été obtenu
jeune (37 % à 17 ans et 58 % si âge ≥ 19 ans). Enfin, le
classement selon les disciplines est le suivant : pharmacie
(25,9 %), médecine (37,3 %), droit (41 %), psychologie
(65,2 %) et sociologie (72 %). Quant à la fréquence
d’usage 31 % ont consommé dans l’année, 16,3 % sur le
mois précédant l’enquête, 7,9 % de façon occasionnelle,
4 % régulièrement et 4,4 % quotidiennement.
Toutes ces études, uniquement basées sur des
questionnaires, montrent que le cannabis est la substance
la plus consommée et que l’utilisation des autres drogues
reste marginale même si celles de cocaïne et d’ecstasy
augmentent (tab. II). Ces résultats sont en accord avec
ceux présentés car le cannabis est quasiment la seule
drogue retrouvée au CPEMPN. Pour 2008 aucun
dépistage de cocaïne n’a été positif et un taux de positivité
voisin de celui de la cocaïne est attendu pour le dépistage
de l’ecstasy (deux faux positifs à ce jour). Quant à la
fréquence de positivité, elle est très faible par rapport aux
enquêtes nationales et pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, les candidats à l’admission n’appartiennent
pas tous à des milieux sociaux favorisés, mais ils sont en
situation de réussite scolaire et universitaire donc dans la
catégorie la « moins touchée » par la toxicomanie. Le fait
de prévenir qu’il y aura un dépistage, au moins un mois
avant la date de la visite, ne permettrait de dépister que les
Tableau II. Usage de certaines drogues entre 18 et 25 ans en 2000 et 2005 (14).
2000 (en %) 2005 (en %)
Cannabis :
expérimentation
consommation dans l’année écoulée
consommation régulière
45,0
25,2
7,2
47,6
22,3
8,7
Ecstasy
2,8
4,0
Cocaïne
2,2
3,2
Héroïne
0,9
0,9
dépistage urinaire d’une consommation de drogues illicites (cannabis, cocaïne et opiacés) : bilan de l’année 2007 pour le personnel navigant
301
consommateurs réguliers et quotidiens donc finalement
8,8 % des étudiants d’après Simmat-Durand (15). Ces
derniers peuvent d’ailleurs suspendre voire arrêter leur
consommation afin d’obtenir leur aptitude. Pour les
visites de révision il s’agit de personnes qui ont déjà passé
le barrage de l’admission et qui évoluent dans un milieu
professionnel peu propice au développement d’une
toxicomanie, deux consommations de cannabis ont
cependant été confirmées, dont une qui ne serait plus
positive avec le seuil actuel (< 50 μg.L-1). Les données
récentes concernant le milieu militaire sont peu
nombreuses. Vautier (16) a étudié sur dossier médical
et sur questionnaire les consommations de tabac,
d’alcool et de cannabis dans un régiment de l’armée
de terre en 2002. La tranche d’âge 18-25 ans est celle
où la consommation est la plus importante, puis elle
diminue considérablement. Nous avons aussi trouvé
que dans 65 % des cas il s’agissait de jeunes ≤ 25 ans.
Quant au nombre de consommateurs, il est estimé à
9 % par l’examen des dossiers médicaux et à 5,6 %
par questionnaire. Les résultats sont supérieurs aux
nôtres mais le régiment est composé d’environ 2/3
de militaires du rang et d’1/3 de sous-officiers et officiers.
La comparaison de nos résultats à ceux des officiers
et sous-officiers serait certainement plus intéressante
mais ils ne sont pas disponibles dans l’article.
Conclusion
Les résultats obtenus confirment les limites des tests de
dépistage urinaires pour le cannabis, la cocaïne et les
opiacés. L’emploi d’une technique de confirmation en cas
de dépistage positif reste donc indispensable pour toute
décision médicale ou disciplinaire.
Seulement 0,3 % des urines testées sont réellement
positives (16 positifs en cannabis et 1 positif en cocaïne).
Comme pour les études réalisées dans la population
générale le cannabis est la drogue la plus souvent
consommée. Le dépistage de cocaïne reste exceptionnel
et celui d’héroïne inexistant chez le personnel navigant.
Ceci justifie la suppression de la recherche des opiacés
depuis le 1 er septembre 2008 remplacée, pour les
militaires, par la recherche d’ecstasy une drogue dont la
consommation augmente en France. Enfin, le seuil de
positivité utilisé pour le dépistage du cannabis est passé
de 20 μg.L -1 à 50 μg.L -1 pour le personnel navigant
militaire afin de l’harmoniser avec celui des civils et des
autres catégories de militaires.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Instruction N° 5549/DEF/CAB relative aux dépistages de la
toxicomanie et de la consommation excessive d’alcool applicable aux
militaires. 19 avril 2007 BOC n° 16 du 6 juillet 2007, texte 3.
2. Note N° 3075/DEF/DCSSA/AST/AME relative aux tests de
dépistage de la toxicomanie. 17 décembre 2007.
3. Instruction N° 800/DEF/DCSSA/AST/AME relative à l’aptitude
médicale aux emplois du personnel navigant des forces armées.
20 février 2008.
4. Pépin G, Dubourvieux N, Chèze M. Opiacés et opioïdes : usages,
effets, dépistage, dosage. Rev Fr Lab 2000 ; 322 : 41-5.
5. Forzy G, Spyckerelle C, Scalbert M, Lhermitte M, Dhont JL.
Cannabis et Nifluril®. Ann Biol Clin 2002 ; 60 : 745-6.
6. Delacour H, Servonnet A, Gardet V. Dépistage du cannabis
dans les urines : attention à l’acide niflumique. Ann Toxicol Anal
2005 ; 17 : 203-6.
7. Lu NT, Taylor BG. Drug screening and confirmation by GCMS : comparison of EMIT II and Online KIMS against 10
drugs between US and England laboratories. Forensic Sci Inter 2006 ;
157 : 106-16.
8. Cone EJ, Johnson RE, Darwin WD, Yousefejad D, Mell LD, Paul BD
et al. Passive inhalation of marijuana smoke: urinalysis and room
air levels of delta-9-tetrahydrocannabinol. J Anal Toxicol 1987 ;
11 : 89-96.
302
9. Hayden JW. Passive inhalation of marijuana smoke: a critical review.
J Subst Abuse 1991 ; 3 : 85-90.
10. Goullé JP, Lacroix C. Mise en évidence des cannabinoïdes : quel
milieu biologique ? Ann Pharm Fr 2006 ; 64 : 181-91.
11. Verstraete AG. Fenêtres de détection des xénobiotiques dans le
sang, les urines, la salive et les cheveux. Ann Toxicol Anal 2002 ;
14 : 390-4.
12. Mura P, Brunet B, Papet Y, Hauet T. Cannabis sativa var. indica :
une plante complexe aux effets pervers. Ann Toxicol Anal 2004 ;
16 : 7-17.
13. Luzzi VI, Saunders AL, Koenig JW, Turk J, Lo SF, Garg UC,
Dietzen DJ et al. Analytic Performance of immunoassays for
drugs of abuse below established cutoff values. Clin Chem 2004 ;
50 : 717-22.
14. Legleye S, Le Nézet O, Splika S, Beck F et al. Les usages de drogues
des adolescents et des jeunes adultes entre 2000 et 2005, France. Bull
Epidémiol Hebd 2008 ; 13 : 89-92.
15. Simmat-Durand L. Usages de cannabis chez des étudiants
d’une université parisienne, France, 2003-2004. Bull Epidémiol
Hebd 2007 ; 5) : 6-8.
16. Vautier V. Consommation de tabac d’alcool et de cannabis dans
un régiment de l’armée de Terre. Medecine et Armées 2005 ;
33 (5) : 447- 52.
c. renard
Pratique médico-militaire
Apport de l’échographie portable au diagnostic des
thromboses veineuses en situation isolée.
C. Vergez-Larrouget a, P. May, J.-M. Le Borgne b, F. Arles c, P. Precloux d, M. Puiduipin d.
a Antenne Lanvéoc du centre médical en base de défense de Brest, B CRM CC600 – 29240 Brest Cedex 9.
b Bâtiment de commandement ravitailleur VAR – 00388 Armées.
c Service de pathologie cardio-vasculaire, HIA Clermont-Tonnerre CCC41 – 29240 Brest Cedex 9.
d Service anesthésie réanimation, HIA Desgenettes, 108 boulevard Pinel – 69275 Lyon Cedex 03.
Article reçu le 21 juin 2008, accepté le 10 février 2009.
Résumé
Les thromboses veineuses sont des affections graves dont le diagnostic est difficile particulièrement pour le médecin
militaire en situation isolé qui ne disposerait que de la seule clinique. Nous relatons l’observation d’un patient porteur
d’une thrombose de la veine poplitée gauche dont le diagnostic a été porté grâce à un appareil d’échographie portable mis
en œuvre par du personnel non spécialisé après une formation courte et orientée. Après une courte revue de la littérature
rappelant la stratégie diagnostique, ce nouveau concept d’échographie d’urgence embarqué sur les bâtiments de la marine
nationale est ici analysé.
Mots-clés : Échographie portable. Médecin isolé. Thrombose veineuse profonde.
USEFULNESS OF HAND HELD ULTRASONOGRAPHY IN VEIN THROMBOSIS DIAGNOSIS FOR ISOLATED
PHYSICIANS.
Abstract
Acute deep venous thrombosis is a pathology facing military clinicians particularly in an isolated situation. We report the
clinical observation of a sailor with poplitea deep venous thrombosis diagnosed by use of a hand held ultrasound
device performed by medical personal with a brief focused training in echography. After a short review of the medical
literature of this diagnosis algorithm, we assess that ultrasonography usefully has its place on board French navy ships
medical departments.
Keywords: Deep venous thrombosis. Hand-held echography. Isolated physician.
Introduction
Le diagnostic des thromboses veineuses profondes est
difficile en pratique, particulièrement pour le médecin
d’unité en situation isolée (OPEX ou embarqué) (fig. 1)
qui ne dispose le plus souvent que de la seule clinique :
interrogatoire, examen et analyse de l’environnement
thrombogène parfois très évocateur (1). Les ultrasons
constituent un examen de choix pour le diagnostic des
thromboses veineuses profondes (TVP) toutefois
la conjonction d’un praticien formé aux techniques
de base de l’échographie et d’un appareil portable
embarqué sur un bâtiment de la Marine nationale
en situation isolée est relativement récente (2, 3). Au
travers d’un cas clinique nous envisagerons l’intérêt et
les modalités d’utilisation de ce type d’appareil pour
le médecin d’unité.
Observation
C. VERGEZ-LARROUGET, médecin en chef, praticien confirmé. P. MAY
médecin principal réserviste, chirurgien. J.-M. LE BORGNE, médecin principal. F.
ARLES, médecin en chef, praticien certifié. P. PRECLOUX, médecin principal,
praticien certifié, M. PUIDUIPIN, médecin en chef, praticien certifié.
Correspondance : C.VERGEZ-LARROUGET, Antenne médicale Lanvéoc, École
navale – 29 160 Lanvéoc.
Email : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 303-306
Données cliniques
M. K… H, officier marinier, âgé de 51 ans, se présente à
la consultation du matin pour une douleur du mollet
gauche à type de crampe irradiant dans le creux poplité et
gênant la marche depuis 24 heures. Dans ses antécédents
303
Examens paracliniques
Figure 1. Le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et la frégate Georges Leygues à la
mer (MP Le Ny - Marine nationale).
personnels on note une hypercholestérolémie mixte
modérée stabilisée en limite de normalité par un régime
seul et un tabagisme à 25 années – tabac, récemment
stoppé (traitement par varénicline en cours). Il existe
des antécédents de phlébite chez la mère. Il y a deux
jours le patient a participé à une cérémonie sur le pont
d’envol avec station assise prolongée en ambiance
chaude (29 °C, 83 % d’hygrométrie).
Chez ce patient en légère surcharge pondérale (81 kg
pour 1,73 m), l’examen clinique retrouve une diminution
du ballant, une augmentation du périmètre du mollet
gauche de 1 cm, le signe de Homans est négatif mais la
flexion du genou entraîne des paresthésies dans tout le
membre inférieur. Le malade est apyrétique, pouls
74c/mm TA : 125/79 mm. Au total le score clinique de
Wells (tab. 1) évoque donc une faible probabilité de
diagnostic de thrombose veineuse profonde en raison
d’une lésion musculaire ou ostéoarticulaire probable (4)
Devant ce tableau atypique, une prise de sang est
réalisée et une recherche des D-dimères par méthode
rapide d’agglutination de particules de Latex est
entreprise par le technicien de laboratoire embarqué pour
la campagne ; le résultat positif (>8 micro grammes/ml)
sera connu dans l’heure augmentant fortement la
probabilité du diagnostic de phlébite surale gauche. (3)
Parallèlement un examen écho-doppler est pratiqué à la
suite de l’examen clinique ; il montre des axes vasculaires
artériels et veineux perméables au membre inférieur
droit. Au niveau du creux poplité gauche, si l’artère est
perméable une veine présente un thrombus intra luminal
sur environ deux centimètres. L’obstruction de la lumière
veineuse semble complète et celle-ci n’est pas dépressible
par l’action de la sonde, l’image se situe en regard du point
douloureux initial sans anomalie des autres troncs (fig. 2).
L’électrocardiogramme ne montre pas d’anomalie
significative.
Figure 2. Échographie à bord du PH Jeanne d’Arc (photo SMU).
Tableau I. Diagnostic de thrombose veineuse profonde par l’intermédiaire du
score clinique de Wells (4).
Mise en place du traitement et suites
Clinique
Score
Cancer évolutif connu (traitement en cours ou dans
les 6 mois ou palliatif)
1
Paralysie, parésie ou immobilisation plâtrée récente
des membres inférieurs
1
Alitement récent supérieur à 3 jours, ou chirurgie
inférieure à 4 semaines
1
Sensibilité le long du trajet veineux profond
1
Œdème généralisé du membre inférieur
1
Discussion
Œdème du mollet de plus de 3 cm par rapport
au côté controlatéral (mesuré 10 cm sous la tubérosité
tibiale antérieure)
1
Œdème prenant le godet
1
Développement d’une circulation collatérale
superficielle (veines non variqueuses)
1
Diagnostic différentiel de TVP au moins aussi
probable que celui de TVP
-2
Le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc reste à ce jour l’un
des bâtiments les plus emblématiques de la Marine
nationale ; il se caractérise par son ancienneté (1964), son
équipage important (620 marins soit le deuxième après le
porte-avions Charles de Gaule), sa mission de formation
des off iciers de Marine entraînant un déploiement
lointain en situation isolée de longue durée (5 à 6 mois).
Le service médical d’unité est formé de deux médecins
et de quatre infirmiers ; il est renforcé durant la campagne
de GEAOM par un chirurgien, un dentiste, un infirmier
anesthésiste et un technicien de laboratoire.
Score élevé (>3) : prévalence TVP 75 %, IC 95 % (63-84)
Score intermédiaire (1 ou 2) : prévalence TVP 17 %, IC 95 % (12-23)
Score faible (<0) : prévalence TVP 3 %, IC 95 % (1,7-5,9)
TVP : thrombose veineuse profonde ; IC : indice de confiance
304
Le port de bas de contention de classe 2 est institué
associé à un traitement anticoagulant à dose curative par
énoxaparine 0,8ml, deux injections quotidiennes. Le relais
par les anti-vitamines K sera débuté au troisième jour.
Ce patient bénéficiera d’un rapatriement sanitaire, huit
jours plus tard lors de l’escale suivante en Amérique du
sud ; il est alors décoagulé de manière efficace avec un
INR stable à 2,9.
c. vergez-larrouget
Ses équipements médicaux ont récemment été
modernisés par le renouvellement de la dotation
spécialisée de bloc opératoire (DS2 type 05), de radiologie
(DS3 : appareil mobile associé à un numériseur) et
de laboratoire (DS4) lui permettant d’assurer un
soutien de rôle 2 OTAN.
C’est dans ce cadre qu’un appareil d’échographie
a été embarqué en novembre 2006, l’échographe
SONOSITE ® TITAN qui a permis outre l’examen de
notre patient, d’infirmer plusieurs autres hypothèses
diagnostiques durant la mission et d’éviter ainsi la
demande d’examens extérieurs en escale voire une
évacuation sanitaire souvent synonyme de déroutement
(5). Actuellement un échographe portable est embarqué
à bord des bâtiments susceptibles d’héberger une
structure sanitaire de rôle 2 de l’OTAN: bâtiments de
projection et de commandement Mistral et Tonnerre,
porte-avions Charles de Gaulle et sous marins nucléaires
lanceurs d’engins en raison de leur isolement extrême.
Une thrombose veineuse profonde est une affection
rare chez un militaire en activité particulièrement au sein
d’un personnel apte à la mer exempt à priori de facteurs de
risque de maladie thromboembolique.
L'algorithme diagnostique chez les patients vus en
externe repose sur des données cliniques (interrogatoire,
examen, recherche du contexte thrombogène) permettant
l’élaboration d’un score clinique dont le plus courant est
celui de Wells (4) et sur le dosage des D-dimères (sensibles
mais peu spécif iques) diminuant ainsi de risque de
thromboses veineuses non diagnostiquées de 12 % lorsque
seule la clinique est prise en compte chez un patient à faible
risque de TVP (score de Wells inférieur ou égal à zéro) à
2,9 % pour l’association clinique + D-dimères. (6, 7)
En cas de faible probabilité clinique ces études
réservent l’utilisation des ultrasons aux seuls patients
dont les D-dimères sont positifs.
Le contexte particulier (bâtiment à la mer loin des côtes,
patient unique, disponibilité des moyens) nous a conduit à
adapter cette démarche et pratiquer dans le même temps
un examen écho doppler afin d'éviter une anticoagulation
indue et son risque de thrombopénie.
En effet notre formation nous a incité à considérer
l’utilisation de l’échographe non pas comme un examen
para clinique, mais comme la suite logique de l’examen
clinique d’autant qu’il est mis en œuvre par le même
praticien et dans le temps même de la consultation par un
personnel par définition non spécialisé. (3, 8)
L’efficacité des ultrasons (sensibilité et spécificité
supérieures à 95 %) a permis l’obtention d’images
particulièrement évocatrices (3).
L’image écho-doppler (fig. 3) obtenue de notre patient
reproduit en effet les cinq critères échographiques de
thrombose veineuse communément admis et énumérés
au cours de la formation (2) :
– image hyperéchogène intraluminale ;
– incompressibilité de la veine ;
– diminution ou abolition du signal doppler ;
– pas de couleur (remplissage partiel ou absence) ;
– épreuve de chasse négative.
L’échographe TITAN comporte une carte mémoire de
stockage des images obtenues et est par ailleurs livré
Figure 3. L’image de thrombose en Doppler couleur (photo SMU).
avec le logiciel SiteLink® d’archivage et de visualisation
des examens sur ordinateur type PC (fig 4).
Les images obtenues ont une taille de 900 Ko et peuvent
aisément être compressées par les logiciels courants
jusqu’à 120 Ko permettant ainsi l’envoi d’une série
d’images fixes par Internet. Dans le cadre d’explorations
vasculaires l’obtention et l’envoi d’un film de l’examen
serait préférable mais actuellement limité par les
performances du matériel.
Le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc étant équipé d’une
liaison V SAT (128 Ko), l’envoi du dossier par Internet
à un spécialiste des hôpitaux des armées de l’HIA
Brest préalablement alerté par téléphone, son examen
et la confirmation du diagnostic par e-mail n’a nécessité
que cinq heures.
En effet ces images obtenues par du personnel non
spécialisé (médecin major et chirurgien réserviste)
nécessitent une interprétation par un spécialiste référent (9).
Une étude récente montre que sur 185 patients
suspectés de thrombose veineuse profonde du membre
inférieur ayant bénéficié d’un examen écho doppler
réalisé par un groupe de 56 internes et médecins
urgentistes sommairement formés (1h de formation
Figure 4. L’échographe portable SONOSITE « TITAN » (photo SMU).
apport de l’échographie portable au diagnostic des thromboses veineuses en situation isolée
305
théorique et 2h de pratique centrée sur la physiologie du
réseau veineux du membre inférieur), 19 examens
positifs ont été confirmés par un radiologue référent pour
un
total
de 27 cas de TV. La sensibilité de l’examen pratiqué
par ce personnel « non spécialisé » est évaluée à 70 %
et sa spécificité à 89 % (9).
Depuis 2001, l’American College of emergency
Physicians (ACEP) a émis des recommandations
concernant la formation théorique et pratique des
médecins urgentistes : 16 heures de cours initiaux
complétés par une formation continue diplomante
d’un minimum de 25 examens dans chaque domaine
d’application des ultrasons (traumatologie, échocardiographie…) validés par un superviseur non
radiologue. (10)
Alors quelle formation pour le médecin des armées
non spécialiste ?
En France plusieurs formations universitaires
coexistent ; comme plusieurs dizaines de médecins
d’unité depuis 2006, le médecin major a bénéficié de
la « formation à l’échographie d’urgence pour médecin
en poste isolé » dispensée durant une semaine au
CITERA de Lyon. À coté des bases théoriques (environ
9 heures réparties avant l’étude de chaque site) les
objectifs du stage sont avant tout pratiques et orientés
vers la manipulation en urgence et la réalisation de
coupes standardisées (FAST : Focused Assessment
with Sonography for Trauma) permettant au médecin
isolé l’obtention d’images de base pour une éventuelle
utilisation en télé médecine ; cette formation spécifiquement adaptée au praticiens des armées embarqués
ou en OPEX, prend aussi en compte d’autres indications
non traumatiques (exploration cardiaque, voies
urinaires, vasculaire) des ultrasons. Un deuxième
module correspondant à la validation d’un carnet
d’examens à réaliser en HIA (10 examens par site) a
par ailleurs été mis en place.
Plus récemment, le concept du FAST a été retenu
par l'OTAN comme la méthodologie de référence
pour l’échographie d’urgence (11).
Conclusion
Si l'utilisation de l’échographie est maintenant
courante dans les services urgences-accueil des Hôpitaux
des armées et des groupements médico-chirurgicaux
déployés en opération extérieure où elle a été évaluée
comme outil de triage au cours d'un afflux massif de
blessés, son extension au médecin d’unité en situation
isolée permet après une formation initiale rapide et à la
condition expresse d’un entretien régulier des
connaissances (en HIA idéalement mais aussi lors
des VSA) de proposer des réponses binaires à des
questions simples, bien ciblées, systématiquement
ré évaluées par un référent grâce aux possibilités de la
télé transmission. (12-14).
Sous toutes ces réserves elle est le prolongement
naturel et valorisant de l’examen clinique du médecin
d’unité en situation isolée.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Fortin JL, Arvis A.M, Domanski L, Lepogam A, Ruttman M,
Kowalski JJ. Syndrome de la classe économique, à propos d’une
observation pré hospitalière. Urgence pratique ; 67 : 35-7.
2. Andrews EJ, Fleicher AC. Sonography for deep venous
thrombosis: current and future applications. Ultrasound Q.2005 ;
21 (4) : 213-25.
3. Elias A, Boccalon H. Thromboses veineuses des membres inférieurs ;
Encyl Med Chir Angéiologie 19-2 030 ; 200 : 14p.
4. Wells PS, Anderson DR, Bormanis J et al. Value of assessment of pre
test probability of deep vein thrombosis in clinical management ;
Lancet 1997 ; 350 : 1 795-8.
5. Schouman-Claeys E, Karilacohen P. Le choix d’un matériel
échographique pour les urgences, communication : séminaire de la
société francophone de médecine d’urgence Groupe hospitalier
Bichat Claude Bernard 2001 (Paris).
6. Kelly J, Kelly B, Hunt J. A clinical probability assessment and Ddimer measurement should be the initial step in the investigation of
suspected thromboembolism. Chest. 2003 ; 124 : 1 116-9.
7. Oudega R, Hoes A, Moons K. The Wells rule does not adequately rule
out deep venous thrombosis in primary care patients, Annals of
Internal Medecine 2005 : 143-7.
8. Ruiz-Gimenez N, Friera A, Artieda P, Caballero P, Molini PS,
Morales M et al. Rapid D-dimer test combined a clinical model for
deep vein thrombosis: validation with ultrasonography and clinical
306
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
follow-up in 383 patients ; Thrombosis and Haemosthasis 2004 ; 91
(6) : 1 237-46.
Kline J, O' Malley P, Tayal V, Snead G, Mitchell A. Emergency
clinician-performed compression ultrasonography for deep venous
thrombosis of the lower extremity, Annals of Emergency Medecine
2008 : 52-4.
American College of Emergency Physicians (ACEP). Use of
ultrasound imaging by emergency physicians. Annals of Emergency
Medecine 2001 : 38-4.
OTAN. STANAG N° 2544 fiche A Med – P22.
Sargsyan AE, Hamilton DR, Jones JA, Melton S, Whitson PA,
Kirkpatrick AW et Al. FAST at MACH 20: Clinical ultrasound aboard
the International Space Station ; The journal of trauma injury
infection and critical care 2005 ; 58 (1) : 35-9.
Grégoire F. Évaluation de l’outil ultrasonique dans les mains d’un
urgentiste ; introduction à la notion de triage ultrasonique aux
urgences. Médecine et armées 2008 ; 36 (1) : 25-31.
Wey P, Attrait X, Lions, Eve O, Klack F, Turc J, Précloux P, Puidupin
M, Escarment J Première utilisation pratique de l'échographie pour le
triage en cas d'afflux saturant de blessés Ann Fr Anesth Réanim 2008 ;
27 S1 R 262 50e Congrès SFAR 2008.
Jolly BT, Massarin E, Pigman EC. Color Doppler ultrasonography by
emergency physicians for the diagnosis of acute deep vein thrombosis.
Acad. Emerg. Med. 1997 ; (4) : 129-32.
c. vergez-larrouget
Pratique médico-militaire
Le prothésiste dentaire : un allié indispensable du vétérinaire
des armées pour la reconstitution prothétique des crocs chez
le chien de travail.
B. Peniguel a, T. Lamour b, J.-M. Poulet a, F. Cichy a, Ph. Ulmer c
a Service d’odontologie, HIA Legouest, BP 90 001 – 57077 Metz Cedex 3.
b Secteur vétérinaire interamées École d’application Infanterie, 160 rue Lepic – 34274 Montpellier Cedex 3.
c Bureau vétérinaire DCSSA, Fort Neuf de Vincennes, cours des Maréchaux – 75614 Paris Cedex 12.
Article reçu le 31 octobre 2008, accepté le 26 janvier 2009.
Résumé
Les chiens militaires victimes d’une fracture de croc sont susceptibles d’être réformés pour inaptitude au mordant. Pour
l’éviter, le vétérinaire des armées peut effectuer, grâce à la participation du prothésiste dentaire, la reconstitution
prothétique des crocs fracturés. Les différentes étapes de cette reconstitution sont : l’anesthésie, la préparation de la dent
(traitement endodontique, élongation coronaire et préparation du moignon), la prise d’empreinte, la confection puis la
pose d’une prothèse définitive. Forts d’une collaboration de près de vingt ans, ces deux acteurs de la chirurgie dentaire
canine ont pu énoncer un véritable concept de reconstitution prothétique chez le chien de défense.
Mots-clés : Chien. Dent. Prothèse. Prothésiste. Vétérinaire.
DENTAL PROSTHETIST: AN ESSENTIAL ALLY FOR THE MILITARY VETERINARIAN FOR THE WORKING DOG’S
PROSTHETIC RECONSTITUTION OF THE FANGS.
Abstract
Military dogs victim of a fang's fracture may be reformed for biting inaptitude. To avoid it, the military veterinarian, with
the help of the prosthodontist, can make the prosthetic rehabilitation of these dogs. The various stages of this
rehabilitation are: anaesthesia, preparation of the tooth (endodontic treatment, crown lengthing and preparation of the
tooth stump), tooth impression taking, preparation then installation of a definitive prosthesis. After nearly twenty years
of collaboration, both actors of military canine dentistry can express a real concept of prosthetic reconstitution.
Keywords: Dog. Prosthesis. Prosthetist. Tooth. Veterinarian.
Introduction
Depuis le début des années 80, le besoin s’est fait sentir
dans les armées de prendre en compte précocement les
fractures dentaires chez les chiens militaires. En effet,
lors des exercices d’entraînement, qui comportent des
B. PENIGUEL, chirurgien-dentiste en chef, praticien confirmé de médecine
d’armée. T. LAMOUR, vétérinaire en chef, praticien certifié. J.-M. POULET,
prothésiste dentaire. F. CICHY, prothésiste dentaire. Ph. ULMER, vétérinaire en
chef, praticien professeur agrégé.
Correspondance : B. PENIGUEL, Hôpital d’Instruction des Armées « Legouest »
BP 90 001 – 57077 Metz Cedex 3.
médecine et armées, 2009, 37, 4, 307-312
morsures de chiens, lancés sur une certaine distance, dans
une manchette ou un costume d’attaque ou encore en
raison du comportement pathologique de certains
animaux qui les pousse à mordre toute sorte d’objets
divers (pica), les crocs des chiens militaires sont soumis
à des contraintes importantes qui peuvent entraîner
leur fracture. (1).
Par la suite, en l’absence de reconstitution prothétique,
les forces de traction se répartissent sur les autres dents et
les crocs se fracturent les uns après les autres par une sorte
d’effet « dominos » (2). Ces chiens sont alors susceptibles
d’être réformés pour inaptitude au mordant.
307
La chirurgie dentaire canine est un domaine exclusif
des vétérinaires mais, pour la partie prothétique, elle ne
peut s’effectuer qu’avec la participation d’un laboratoire
de prothèses dentaires compétent.
Au sein du ministère de la Défense, les vétérinaires
des armées du 132e Bataillon cynophile de l’armée de
Terre (132 e BCAT) ont été les premiers à tester une
adaptation des techniques de prothèses dentaires
humaines pour effectuer la reconstitution prothétique de
crocs fracturés sur des chiens des armées. Pour ce faire,
une étroite collaboration s’est établie entre le laboratoire
de prothèses dentaires de l’Hôpital d’instruction des
armées (HIA) Legouest de Metz et le Service vétérinaire
du 132e BCAT. Faisant suite à près de 20 ans de travaux, il
est possible aujourd’hui d’énoncer une doctrine de
reconstitution prothétique des fractures de croc des
chiens militaires.
Indications – Contre-indications
Premières réalisations – Facteurs de sélection
Au début des essais de réparation prothétique des
fractures de crocs, qui ont eu lieu dès 1993 (1), il a été
convenu de sélectionner au maximum les chiens amenés à
bénéficier de ce type de traitement afin d’être en parfaite
adéquation avec les indications théoriques pour les
prothèses dentaires humaines.
Seuls les chiens présentant des crocs à fracture simple,
coronaire, avec une faible perte de substance (moins
de 50 % de la couronne) étaient retenus pour recevoir
une prothèse (2-4).
D’autre part, les chiens qui présentaient un
comportement de pica étaient évités pour plusieurs
raisons (4) :
– risque de nombreuses micros fractures fragilisant
le moignon restant ;
– risque d’usure du moignon taillé entre la prise
d’empreinte et la pose de la prothèse ;
– risque accru de descellement lors de « pica » avec
la prothèse en place.
Aujourd’hui
Depuis le début des années 2000, l’objectif de la
reconstitution prothétique des crocs dans le contexte
militaire est la correction d’un déséquilibre important
entre la hauteur des différents crocs, indemnes ou
fracturés, dans la gueule du chien. Une réparation
prothétique est indiquée lorsqu’il existe une différence
importante (plus de 50 %) entre la hauteur de couronne
fracturée et la hauteur de la couronne du croc sain
controlatéral, quelle que soit la hauteur de couronne
résiduelle du croc fracturé.
Les contre-indications sont au nombre de deux :
l’équilibre des hauteurs des couronnes des différents
crocs, sains ou fracturés, (aucune nécessité de
reconstitution prothétique dans ce cas) et la présence
d’une maladie périodontale sévère qui affecte l’apex
de la dent (5).
308
Évolution de l’objectif recherché
Les débuts de la prothèse dentaire chez les
chiens militaires
Les techniques n’étant pas complètement maîtrisées
par les opérateurs, le but recherché était de consolider le
moignon de dent, tout en lui redonnant un petit peu plus de
hauteur. Différentes techniques sont alors tentées
entre 1993 et 1999 : prothèse clavettée, prothèse avec
tenon intra-radiculaire en carbone, puis prothèse
Richemond et pour finir prothèse de type Richemond
adaptée avec tenon intra-radiculaire monobloc : technique
développée au paragraphe « Concept actuel… »(2-4).
Le prothésiste dentaire a dû, lui aussi, se familiariser
avec la gueule du chien, qui ne ressemble en rien à
la bouche de l’homme. Pour ce faire, différentes
pièces anatomiques et différentes empreintes lui ont
été fournies.
Actuellement
L’objectif de la mise en place d’une prothèse est de
maintenir l’aptitude du chien militaire à pratiquer un
exercice de mordant intensif (5, 6). La reconstitution
prothétique doit donc permettre de rétablir au mieux et
au plus vite (dès la première fracture dentaire) l’équilibre
des forces exercées sur les dents lors des exercices de
mordant, afin de préserver l’intégrité des crocs sains
controlatéraux. De ce fait, la technique utilisée doit
impérativement redonner à la couronne fracturée une
hauteur identique à celle de la couronne du croc
controlatéral (5). Il est donc devenu classique d’utiliser
un inlay-core pour redonner de la hauteur au moignon,
au dessus duquel est scellée une coiffe simple.
Pour aider le travail du prothésiste, qui doit réaliser
les deux pièces dans le même temps af in de ne pas
multiplier les anesthésies générales de l’animal, le
vétérinaire lui fournit des photographies numériques
de différentes vues du moignon des dents préparées.
De plus, afin de visualiser la hauteur précise du croc
controlatéral, le prothésiste réalise un moulage en plâtre
au moyen d’une empreinte de l’articulé (les deux
mâchoires fermées sur la même prise d’empreinte) qui
lui est fournie par le vétérinaire.
Anesthésie
Toute intervention dentaire sur un chien nécessite
une anesthésie générale. Pour plus de confort et de
sécurité, l’anesthésie gazeuse est, en général, préférée.
L’inconvénient majeur de cette méthode est la présence
de la sonde d’intubation, qui peut être encombrante
dans la bouche de l’animal, surtout dans les étapes de
prise d’empreintes (4).
Afin d’augmenter le confort de travail, la tête du chien
peut être bloquée dans un coussin à dépression, ce qui
permet par la suite de travailler sur un support très stable.
Avant de placer l’animal en position de travail, des
moyens d’investigation supplémentaires sont utilisés
af in d’éliminer les dents présentant des fractures
avec trait de refend (4) :
b. peniguel
– coloration à l’éosine du moignon coronaire qui
permet de visualiser des fissures dentaires qui pourraient
passer inaperçues autrement,
– radiographie rétro alvéolaire « profil » des crocs et de
leurs racines qui permettent de détecter les fractures
radiculaires et les lyses alvéolaires trop importantes qui
sont des contre-indications à la pose de la prothèse.
Lorsque l’indication de la prothèse est correctement
confirmée, l’animal est mis en décubitus latéral de telle
manière que le canal dentaire de la dent concernée soit
très facilement accessible.
taille du moignon s’effectue à l’aide d’une fraise
diamantée f ine, conique, montée sur turbine, sous
irrigation. La taille est minimale, n’ayant pour but que de
supprimer les contre-dépouilles. La forme finale du
moignon de dent doit être la plus cylindrique possible, en
particulier à sa base. Un léger congé est effectué à ce
niveau (fig. 1).
Une rainure de guidage verticale, élément de stabilité
supplémentaire pour la future prothèse, peut être faite sur
la face vestibulaire du moignon parallèlement à l’axe de
progression de la prothèse à l’aide d’une fraise diamantée.
Intervention du vétérinaire
Traitement endodontique
La tête étant bloquée dans le coussin à dépression, un
écarteur de mâchoires (« pas d’âne ») est mis en place. La
sonde endotrachéale est fixée à la mâchoire opposée.
Dans un premier temps, à l’aide d’un contre-angle et
d’une fraise boule adaptée, la voie d’accès endodontique
est préparée par élargissement du canal de manière à
permettre l’utilisation des tire-nerfs. Tout le travail se fait
bien sûr sous irrigation. Des tire-nerfs de 60 mm de
longueur (Vetinox, Maillefer®) sont ensuite passés
plusieurs fois dans le canal dentaire af in d’extirper
toute la pulpe.
Ensuite, des limes de diamètre croissant sont utilisées
afin de nettoyer et d’élargir le canal dentaire. La dentine
de mauvaise qualité (jaune et friable) est ainsi éliminée.
Suit alors un rinçage à l’eau oxygénée sous pression
modérée à l’aide d’une seringue et de son aiguille de type
21G afin d’évacuer tous les débris présents dans le canal.
Celui-ci est ensuite asséché à l’aide de cônes de papier.
Puis l’obturation du canal est effectuée avec un produit
d’obturation canalaire (type endométhasone) et par
condensation à chaud de cônes de Gutta Percha (4).
Un cliché radiographique permet de vérif ier que
le traitement endodontique est complet jusqu’à l’apex
de la racine.
Élongation coronaire
La rétention des prothèses passe par une surface de
contact maximale entre le moignon et la prothèse. Pour
augmenter cette surface, une technique simple a été mise
en œuvre : l’élongation coronaire. Celle-ci est réalisée
par une incision de la gencive à la lame blanche de
façon circulaire sur l’ensemble des différentes faces de la
dent fracturée. Cette incision doit laisser un minimum
de 5 mm de gencive dite attachée. Une gingivectomie
est alors effectuée à l’aide de la lame blanche. Une
ostéotomie totale de toute la partie d’os alvéolaire mise
à nu est ensuite réalisée à l’aide d’une fraise
diamantée montée sur turbine.
Au f inal, une incision nette et franche doit être
visualisable sur tout le pourtour du moignon de la dent (2).
Préparation du moignon
La rétention de la prothèse sera en grande partie
dépendante de la qualité de la préparation de la dent. La
Figure 1. Taille minimale du moignon de la dent pour éliminer les
contre-dépouilles.
À l’aide de forets calibrés (Mooser® n °1 ou 2), le canal
est alésé aux diamètres des tenons Mooser® (4).
Une radiographie est réalisée avec un tenon préformé
en place. Elle permet de visualiser la position parfaite de
l’emplacement du futur tenon dans le prolongement et en
continuité parfaite avec le canal obturé (5).
Prise d’empreinte
Le moignon et son canal doivent être nettoyés et séchés
avant de faire la prise d’empreinte.
Celle-ci est réalisée avec des matériaux d’empreinte
en silicone de haute et de basse viscosité. La technique
consiste à prendre une première empreinte dite
« grossière » avec du silicone haute viscosité (Coltène
Président putty ® ), un tenon préformé en inox étant
préalablement placé dans le canal. Cette empreinte est
rebasée par application d’un silicone basse viscosité
(Coltène Président jet plus light body®) : à l’aide d’une
seringue de 5 ml et d’une aiguille de gros diamètre
(21G), le produit à empreinte est injecté dans le canal
dentaire. L’empreinte « grossière » du moignon est
également enduite de silicone et remise en position sur la
le prothésiste dentaire : un allié indispensable du vétérinaire des armées pour la reconstitution prothétique des crocs chez le chien de travail
309
mâchoire (fig. 2). Après durcissement, l’empreinte est
précautionneusement retirée.
L’empreinte est de meilleure qualité si elle est de taille
réduite (variations moindres) : en pratique, la prise
d’empreinte se fait de la pince (X01) à la deuxième
prémolaire (X06) (4).
mis en place des pin’s (qui permettront au prothésiste de
travailler son empreinte en différents tronçons, tout en
conservant les positions initiales). Il obtient un support
global en plâtre. Par la suite, le moulage du moignon de
dent est désolidarisé de son support. Un espaceur
matérialisant l’épaisseur de ciment de scellement est mis
en place sur le moignon en plâtre.
Réalisation de la prothèse
La prothèse est d’abord réalisée en cire.
C’est à ce niveau que l’art du prothésiste prend toute sa
signification. En effet, il doit recréer parfaitement la
couronne du croc initial en s’aidant des photographies, de
l’image du croc controlatéral, et de l’empreinte du
« mordu ». Toute erreur à ce niveau ramène à néant le
travail du vétérinaire. Seule une parfaite coaptation entre
la prothèse et le moignon de dent peut garantir une
réussite de la technique.
Cette préforme en cire est ensuite mise en revêtement
selon la technique dite de la « cire perdue », c’est-à-dire
rattachée à une tige de coulée, afin de la placer dans un
cylindre allant au four. La température de 1 000° est
atteinte en deux heures. Le métal, mélange de nickel et de
chrome, est coulé avec la fronde. Il obtient alors un brut de
coulée qui doit être sablé et poli (fig. 3).
Figure 2. Prise d’empreinte du moignon par la technique en deux temps
dite « wash technique ».
Une empreinte de la mâchoire antagoniste (« mordu »
ou articulé dentaire) est également effectuée avec
un silicone haute viscosité af in d’avoir les rapports
d’occlusion (5). L’animal réveillé est ensuite rendu à
son maître. Une antibiothérapie de sept jours à base
de spiramycine/métronidazole (Stomorgyl ND) est
prescrite de façon systématique du fait de l’agressivité
de l’acte dentaire sur le parodonte. Les empreintes
réalisées et des photographies du chien à traiter sont
ensuite envoyées au laboratoire de prothèses dentaires
de l’HIA « Legouest ».
Action du prothésiste dentaire
Le prothésiste responsable du laboratoire de
prothèses dentaires de l’HIA « Legouest » de Metz,
Monsieur Poulet, a été le premier à s’intéresser à ce travail
très particulier dans le métier. Actuellement, c’est le
seul prothésiste du Service de santé des armées
qualif ié à pouvoir confectionner correctement les
prothèses de crocs pour les chiens militaires. De sa
collaboration étroite avec les vétérinaires des
armées du 132 e BCAT est né un véritable concept
de réparation prothétique des fractures de crocs pour
les chiens militaires.
Figure 3. Inlay-core en place après polissage.
Dans le cas des reconstitutions complexes, le
prothésiste doit réaliser deux pièces séparées : l’inlaycore et la couronne. De l’espaceur est enduit sur
l’inlay-core positionné sur son support, afin de préparer
la couronne en cire. Pour f inir, il effectue la mise
en revêtement, coule la coiffe (en nickel chrome), la sable
et enfin la polit (fig. 4).
Moulage en plâtre
Pose de la prothèse
Le prothésiste doit préparer un modèle, qui lui servira
ensuite de base de travail pour confectionner la prothèse.
Sur l’empreinte en silicone, il coule du plâtre après avoir
Le vétérinaire des armées effectue la pose de la
prothèse sous anesthésie fixe (4-6). L’inlay-core, et la
couronne qui représente le croc définitif, sont essayés.
310
b. peniguel
Figure 4. La couronne finale sur son support en plâtre.
La coaptation doit être parfaite. Si ce n’est pas le
cas, le moignon est retaillé en ayant à l’esprit que
plus on modif ie la taille d’origine, plus le risque de
descellement augmente (4).
Après un séchage précautionneux, un ciment
de scellement à base de verre ionomère (GC Fuji plus®)
est appliqué dans le canal et sur le tenon de l’inlay-core.
Ce dernier est ensuite positionné et une pression
est exercée dessus (6). Après quelques minutes de
séchage, du ciment de scellement est mis sur le
moignon et l’inlay-core ainsi que dans la couronne.
Le croc est alors mis en place (f ig. 5), une forte
pression étant appliquée grâce à un tasseau de
bois que l’on appuie contre la couronne pendant 5 à 6
minutes. Les rapports d’occlusion sont ensuite vérifiés.
Le travail s’achève classiquement par un détartrage
et un polissage de l’ensemble de la denture du chien (5).
Concept actuel de reconstitution prothétique des crocs de chiens militaires
Dans cette pratique spécif ique de l’art dentaire
vétérinaire au sein des armées, deux contraintes
techniques s’opposent.
Figure 5. Résultat final après scellement de la couronne en bouche.
D’une part, le but de la réparation prothétique est de
recréer un croc de même dimension que celui initial, afin
de rétablir parfaitement l’égalité des forces de traction
dans la gueule du chien lors des séances de mordant.
L’objectif est bien de protéger les autres crocs d’une
fracture par effet « dominos ».
D’autre part, la théorie habituelle de l’art dentaire
vétérinaire contre-indique la reconstitution prothétique
dès lors que la fracture atteint la racine de la dent et que le
support n’est pas suff isant. En effet, en dentisterie
humaine, la technique d’élongation coronaire permet
d’effectuer des réhabilitations prothétiques y compris
lorsque la fracture atteint la racine, dès lors que le rapport
couronne-racine est favorable. Or, les fractures des crocs
des chiens militaires sont pour la plupart coronoradiculaires avec une perte de plus de 50 % de la couronne.
De plus, contrairement à ce qui se produit chez l’homme,
les forces de traction exercées sur les crocs du chien sont
horizontales, c’est-à-dire des forces d’arrachement.
Au final, sur un faible support, il faut mettre en place
une prothèse très haute et qui supporte des forces
d’arrachement horizontales très importantes.
Pour ce faire, une morphologie type des prothèses
canines a été établie en collaboration entre le vétérinaire
des armées et le prothésiste : la forme générale est
conique à base large puis plutôt cylindrique avec une
pointe arrondie. Pour les crocs mandibulaires, la base sera
plus large en partie mésiale alors que pour les crocs
maxillaires, la base sera plus large en partie distale (4).
Lorsque la fracture est simple, uniquement coronaire,
et qu’il reste plus de 50 % de la couronne en bouche, il est
possible d’envisager une prothèse de type Richemond,
c’est-à-dire avec tenon intra-radiculaire monobloc (4, 5).
Dans le cas des fractures corono-radiculaires
complexes avec perte de plus de 50 % de couronne
dentaire, les forces de rétention de la couronne sont
augmentées par la mise en place préalable d’un inlaycore. Ce dernier reconstitue de la hauteur au moignon. Ses
forces de rétention sont augmentées par la présence d’un
tenon intra-radiculaire monobloc. La prothèse est donc
une simple coiffe qui recouvre la totalité de l’inlay-core et
la base du moignon de la dent (6).
L’ensemble assure une parfaite stabilité puisque les
axes d’insertion des deux éléments forment un angle et
que de ce fait, le montage ne peut se desceller sans
fracturer une partie du support.
Il est très difficile de pouvoir comparer les résultats
obtenus au fil du temps car les techniques ont évolué et les
praticiens également. En tenant compte uniquement des
prothèses posées après une seule intervention (très
souvent après un arrachement de la première prothèse, il
est possible de tenter une seconde voire une troisième
reconstitution), et toujours en place sur la période de suivi
d’au moins un an, les chiffres du Service vétérinaire du
132e BCAT sont (6) :
– entre 1997 et 1999 : 24 prothèses de type Richemond
(VEC Richard) avec 67 % de réussite ;
– entre 1995 et 2000 : 19 prothèses de type Richemond
(VEC Ulmer) avec 84 % de réussite ;
– entre 2000 et 2003 : 49 prothèses de type Richemond
(VEC Lamour) avec 57 % de réussite ;
le prothésiste dentaire : un allié indispensable du vétérinaire des armées pour la reconstitution prothétique des crocs chez le chien de travail
311
– entre 2001 et 2007 : 91 prothèses avec inlay-core
(VEC Lamour) avec 68 % de réussite.
Ces chiffres sont ceux annoncés par les auteurs euxmêmes, au titre du suivi sanitaire des chiens militaires : est
considéré comme une réussite, une prothèse encore en
place dans la gueule du chien resté militaire, un an après la
pose des prothèses. À contrario, une prothèse descellée
durant une activité de mordant est considérée comme un
échec.
D’autre part, l’objectif de protection des autres crocs
non fracturés est assuré pour plus de 95 % des cas, puisque
seuls trois chiens ont été revus depuis 2001 pour la
fracture d’un second croc alors que la première prothèse
était encore en place.
Conclusion
La reconstitution prothétique des crocs fracturés des
chiens militaires permet d’éviter qu’un certain nombre de
chiens de valeur soient réformés pour inaptitude au
mordant. Cette pratique, devenue courante au sein des
armées, est le fruit d’une étroite collaboration, longue de
près de vingt ans, entre les vétérinaires des armées du
Service vétérinaire du 132 e Bataillon cynophile de
l’armée de Terre situé à Suippes (51) et le prothésiste du
laboratoire de prothèses dentaires de l’HIA « Legouest »
de Metz. Elle a permis d’établir un concept de réparation
prothétique des crocs chez le chien de défense. Ce
concept précise les indications et les contre indications à
cet acte de chirurgie dentaire. Il précise l’utilisation de
différents types de prothèses adaptées des techniques de
prothèse dentaire humaine, telles que la couronne avec
tenon intra-radiculaire de type « Richemond » et la
couronne scellée sur inlay-core. Cette collaboration, en
faisant évoluer les techniques utilisées, a réussi à élargir
les indications de mise en place de prothèses de crocs et à
améliorer les résultats obtenus, dans le but de maintenir
l’aptitude au mordant chez les chiens militaires et d’éviter
leur réforme précoce.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Schaeffer D. Contribution à l’étude des prothèses de croc chez le chien
de défense : pose de couronne « clavetées ». Thèse de médecine
vétérinaire, Nantes, 1996.
2. Fauqueux F. Contribution à l’étude des prothèses de croc chez le
chien : prothèse de type « Richemond ». Thèse de médecine
vétérinaire, Toulouse, 1997.
3. Richard S, Ulmer P, Fauqueux F, Mercier A, Lamour T. Essai
d’une technique de reconstitution prothétique de crocs chez le chien
de travail. Bull. Soc. Vét. Prat. De France 1997 ; 81, 7 : 295-311.
312
4. Fauqueux F, Richard S, Ulmer P. Prothèses de croc sur chiens de ring :
prothèse de type Richemond. Prat Méd Chir Anim Comp 1998 ; 33
(6) : 483-90.
5. Lamour T, Ginesta J, Magnan S, Quain C, Ulmer P. Dentisterie
vétérinaire chez le chien militaire. Revue internationale des Services
de santé des forces armées 2004 ; 77 (3) : 166-85.
6. Ulmer P, Lamour T, Magnan S, Quain C, Ginesta J. Reconstitution
prothétique de crocs fracturés chez le chien militaire. Bulletin de
l’académie vétérinaire de France 2005 ; 158 (2) : 111-24.
b. peniguel
Pratique médico-militaire
Impact opérationnel et prise en charge des pathologies
bucco-dentaires dans le cadre des opérations extérieures.
M. Gunepin b, F. Derache a.
b École d’application de l’Artillerie, Secteur Dentaire interarmées de Draguignan, quartier Bonaparte, BP400 – 83 007 Draguignan Cedex.
a Service de Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie de l’HIA Sainte-Anne de Toulon, BP 20 545 – 83041 Toulon Cedex 9.
Article reçu le 18 décembre 2007 ; accepté le 6 mai 2009.
Résumé
Les pathologies bucco-dentaires sont à l’origine d’une part importante des urgences médicales rencontrées par les
militaires en opérations. Afin d’évaluer l’impact de ces pathologies sur l’activité opérationnelle des unités, il est
nécessaire de mettre en place des outils de mesure. Dans ce contexte, le nombre des évacuations sanitaires pour des
raisons dentaires n’est en aucun cas un indicateur de l’importance des problèmes bucco-dentaires durant les projections.
Il faut raisonner en terme de disponibilité du personnel et de mise à disposition des matériels pour percevoir l’impact du
domaine dentaire sur les activités opérationnelles. Afin de réduire cet impact opérationnel, le Service de Santé des
Armées doit s’appuyer sur les chirurgiens-dentistes militaires. En effet, en tant que praticiens et militaires, les
chirurgiens-dentistes des armées présents sur les théâtres d’opérations extérieures sont des acteurs essentiels du maintien
des capacités opérationnelles des forces.
Mots clés : Capacité opérationnelle. Chirurgiens-dentistes des Armées. Opérations extérieures. Urgences dentaires.
OPERATIONAL IMPACT AND TAKING OVER OF DENTAL DISEASES DURING OVERSEAS DEPLOYMENTS.
Abstract
Dental pathologies account for a great deal of the medical emergencies met by the deployed military. In order to assess
the impact of these pathologies on the operational activity of units it is necessary to provide measurements tools. Against
this backdrop the number of casevacs on dental grounds is irrelevant to assess the importance of dental problems during
deployments. A better way to assess the situation is to take into account the availability of personnel and equipment so
as to get a better insight into the repercussions of dental problems on operations. In order to diminish this impact on
operations, the Armed Forces Health Service should rely on the military dental surgeons. Indeed, owing to their
knowledge in dentistry as well as their expertise in the military field, military dental surgeons prove to be indispensable
actors contributing to the maintaining of the operational capabilities of the Forces.
Keywords: Dental emergencies. Military dental surgeons. Operational capability. Overseas deployments.
Introduction
La création d’un corps de chirurgiens-dentistes au sein
de l’armée française date de 2001. Les récentes
modifications de la maquette de ce corps ont permis une
évolution de la répartition géographique des postes de
chirurgiens-dentistes mais également du nombre de ces
M. GUNEPIN, chirurgien-dentiste des armées. F. DERACHE, chirurgiendentiste des armées.
Correspondance : M GUNEPIN, Secteur dentaire interarmées de Draguignan,
BP 400 – 83007Draguigna Cedex.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 313-318
postes avec un passage de 58 à 47 praticiens (1, 2). À partir
de là et après avoir porté nos réflexions dans un précédent
travail sur le rôle du corps des chirurgiens-dentistes des
armées et de ses praticiens dans l’optimisation de la mise
en condition dentaire des forces (3), il nous semblait
opportun de rappeler l’importance de la présence des
chirurgiens-dentistes militaires sur les théâtres
d’opérations extérieures.
L’existence du corps des chirurgiens-dentistes des
armées est intimement liée à sa mission principale et
primordiale à savoir optimiser la mise en condition
dentaire des militaires afin de garantir leur capacité
313
opérationnelle. Dans le cadre de ce travail, nous nous
intéresserons au maintien de cette capacité opérationnelle
durant les opérations extérieures car, comme nous le
verrons, les pathologies bucco-dentaires peuvent avoir
des conséquences délétères sur le potentiel des unités.
À l’heure actuelle, le maintien de la capacité
opérationnelle des forces se mesure et se chiffre au sein
des armées anglo-saxonnes et notamment de l’Australian
Defence Force (ADF) qui a fait le choix de conserver des
odontologistes militaires sur la base de l’analyse de tels
chiffres (4). C’est cette démarche que nous allons suivre
en nous posant plusieurs questions :
– quel est le taux de consultations dentaires en
opérations auquel nous devrons faire face ?
– à mise en condition dentaire équivalente, quels sont
les paramètres susceptibles de faire varier le taux de
consultations dentaires en urgence ?
– ce taux de consultations dentaires en urgence
impacte-t-il la capacité opérationnelle des militaires ?
– quel est le rôle des chirurgiens-dentistes des armées
dans l’amélioration de la capacité opérationnelle des
militaires sur les théâtres d’opérations extérieures ?
– le traitement des pathologies bucco-dentaires sur le
terrain peut-il être réalisé par des personnels médicaux
non chirurgiens-dentistes ?
Les questions qui se posent
Quel sera le taux de consultations dentaires
en urgence durant la mission ?
La mise en place d’un indice de survenue d’urgences
dentaires lors de projections se traduit dans la plupart
des pays de l’OTAN par le nombre d’urgences
dentaires rapporté à 1 000 hommes et à une période
d’un an (nombre d’urgences/1 000 hommes/an). Ce taux
est également utilisé par l’armée australienne, il
prend alors le nom de Annualised Incidence Rate
(AIR) (5). Les études les plus récentes portant sur les
conflits passés, les opérations de maintien de la paix
et les manœuvres permettent d’établir des normes
en matière de taux de consultations dentaires en
urgence en fonction de l’état bucco-dentaire des
personnels (6) (tab. I). Il est intéressant de noter que
Tableau I. Taux moyens de consultations dentaires en fonction des
personnels projetés (6).
Type de personnels projetés
taux
Personnels d’active bien
préparés
150-200
Personnels de réserve
150-260
Personnels non préparés
750
314
ces normes sont partagées par l’ensemble des auteurs
(américains, canadiens, anglais, australiens…) (7).
À titre d’exemple, en 1999, l’ADF avait dirigé une force
multinationale sous l’égide de l’ONU au Timor Oriental
(4). Ce déploiement a connu deux phases distinctes. La
première phase, nommée « Opération Warden », avait
pour objectif de stabiliser la situation dans le Timor
Oriental. Ce fut la plus importante projection de l’ADF
depuis la Seconde Guerre mondiale (4 500 personnels).
La seconde phase, dénommée « Opération Tanager »,
était une opération de maintien de la paix et impliquait
entre 1 500 et 2 000 personnels.
Sur la base d’une étude de la littérature, l’ADF a estimé
que le taux de consultations dentaires en urgence serait de
150 à 260/1000h/an. Or pour l’ « Opération Warden » le
taux fut de 453, de 269 pour la première année de
«l’Opération Tanager» (2000) et de 265 pour la deuxième
année (2001). Alors que le taux de consultations dentaires
en urgence est à la limite supérieure de la fourchette pour
« l’Opération Tanager », il approche le double de cette
limite lors de la première phase. Ceci s’explique par
plusieurs facteurs :
– population militaire hétérogène sur le théâtre avec la
présence de personnel d’active mais également de
réservistes dont l’état bucco-dentaire était peu satisfaisant
(8, 9) ;
– problèmes inhérents au système de détermination des
aptitudes dentaires : il y avait une réelle autonomie des
praticiens dans la détermination de l’aptitude dentaire des
militaires et donc des aptitudes dentaires praticiendépendant ;
– présence sur le théâtre d’opérations de personnels
inaptes dentaires projetés sur décision du commandement
pour des raisons opérationnelles.
Les résultats de « l’Opération Warden » suggèrent qu’il
serait plus prudent de prévoir pour les projections à court
préavis impliquant des réservistes un taux de
consultations dentaires en urgence de 260 à 450/1000h/an.
Les conclusions de l’armée australienne sont
extrêmement intéressantes car elles nous permettent de
comprendre que les normes peuvent être, et souvent sont,
différentes en fonction des pays, et au sein d’un même
pays différentes en fonction des armées (Terre, Air…).
Ceci indique la nécessité de mener à bien nos propres
études et de formuler nos propres standards à partir de
l’expérience de nos troupes en opérations.
Quels sont les paramètres susceptibles
d’impacter le taux de consultations dentaires
en urgence ?
Au-delà du taux « normal » de consultations
dentaires en urgence sur les théâtres d’opérations
extérieures (150 à 200/1000h/an) définit par les armées
anglo-saxonnes (6), la fourchette du taux effectivement
constaté durant les missions varie selon les études de
120 à plus de 750/1000h/an (5, 10-21). Il ne s’agit pas de
comparer l’efficacité des mises en condition dentaire
que nous avons décrites dans un travail précédent (3).
Mais, à mise en condition équivalente, le taux de
consultations dentaires peut varier considérablement
d’une mission à l’autre du fait de nombreux facteurs :
m. gunepin
– la durée de projection : lors de projections longues,
une augmentation du taux de consultations dentaires
est à prévoir (22, 23) et donc à prendre en compte par la
réalisation d’actions de prévention sur le terrain
(visites systématiques, rappels de conseils d’hygiène
bucco-dentaire…) ;
– la durée du préavis de projection : le déploiement à
court préavis augmente la probabilité de projection de
personnels dont l’état bucco-dentaire est incompatible
avec la mission ;
– le type de projection : les missions de combat
entraînent une augmentation des blessures maxillofaciales (24) ;
– les facteurs propres au théâtre : les conditions de
vie des personnels sur le théâtre d’opération
(modif ications de l’alimentation, des conditions
climatiques, des habitudes de vie…) impactent
directement le taux de consultations dentaires en
urgence (22, 25-27).
Les variations inhérentes à ces nombreux facteurs se
traduisent au cours d’une projection par un taux de
consultations dentaires en urgence extrêmement variable
d’une semaine à l’autre (fig. 1) (4).
Figure 1. Évolution au cours des semaines du taux de consultations dentaires
en urgence en opération extérieure (4, 24).
Nous comprenons qu’il n’existe pas de dogme
inébranlable du taux de consultations dentaires en
urgence en opérations. Les études épidémiologiques
réalisées à travers le monde nous donnent une base
de travail avec un taux moyen de consultations
dentaires en fonction de l’état bucco-dentaire des
militaires projetés. À partir de là, il faut prendre en
compte de nombreux facteurs af in d’arriver à une
estimation la plus en adéquation possible avec la
réalité. Cette estimation est primordiale afin d’adapter
les moyens mis en œuvre à chaque projection qui est
par essence unique.
Ce taux de consultations dentaires en
urgence impacte-t-il la capacité
opérationnelle des militaires ?
Afin d’adapter au mieux notre travail à celui effectué
par nos collègues anglo-saxons, nous emploierons
le terme de perte dentaire, traduction littérale de
« dental casualty » qui correspond aux personnels
victimes de problèmes dentaires notamment sur
les théâtres d’opérations. Ces blessés dentaires sont le
pendant de toutes les autres pertes « santé », victimes
auxquels les services de santé vont être confrontés
en opérations.
Plusieurs études ont examiné la relation entre les pertes
dentaires et la capacité opérationnelle des militaires. Une
étude américaine de 1992 a par exemple mis en évidence
que les urgences dentaires entraînaient chaque année une
perte d’environ 18 720 jours de disponibilité de ses
personnels par division (soit 10 000 hommes) (28, 29).
Les publications internationales indiquent que les
urgences dentaires représentent de 10 à 22 % de
l’ensemble des urgences médicales (6, 30-33). De plus,
une pathologie bucco-dentaire sur un théâtre d’opérations
est à l’origine, en moyenne, de cinq jours d’indisponibilité
pour le patient (28). Ces cinq journées ne sont pas
forcément consécutives, ainsi certaines pathologies
bucco-dentaires nécessitent une prise en charge en
plusieurs séances de traitement, ce qui est le cas pour 54 %
des urgences dentaires (34). Ces séances peuvent parfois
être séparées par des délais incompressibles (nécessité
d’attendre une cicatrisation par exemple).
Ludwig et al. dans leur étude portant sur les urgences
dentaires de personnel de la Marine américaine et de
Marines au cours de la guerre du Vietnam (35), ont aussi
mis en exergue le fait que les urgences dentaires
conduisaient à une diminution significative du temps de
travail et donc à une réduction de l’activité opérationnelle
des militaires et de leurs Unités. Il est par contre évident
que cette perte est difficile à quantifier.
Bishop et Donnely insistent sur le fait que même
des douleurs de faible intensité peuvent perturber
la concentration, le sommeil et les performances
individuelles (36). Avec la sophistication des armes
utilisées dans les conflits modernes et la spécialisation
des militaires, une performance individuelle altérée
peut mettre en péril le caractère opérationnel de l’unité
et de ce fait entraver la bonne marche de toute la
mission (37).
En ce qui concerne l’ADF, une étude fut conduite sur le
lien existant entre la performance au travail et les
urgences dentaires (38). Ce travail concernait des
personnels de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air
australienne :
– 35 % des blessés dentaires éprouvaient une douleur
suffisante pour affecter leurs performances au travail ;
– sur le reste des blessés dentaires, 30 % indiquaient
avoir modifié leur style de vie (manger que d’un côté,
dormir la tête surélevée, éviter le chaud, le froid…) du fait
de leur problème dentaire, ce qui pouvait affecter leur
performance au travail.
impact opérationnel et prise en charge des pathologies bucco-dentairess dans le cadre des opérations extérieures
315
À partir de là, si l’on se base sur la prévision d’un taux de
consultations dentaires en urgence de 260 à 450/1000h/an
pour une projection de six mois, Mahoney indique qu’il
faut s’attendre à ce que 8,4 % à 14,6 % des militaires aient,
à certains moments, une diminution de leur performance
au travail (4, 38). Ceci correspond d’ailleurs tout à fait aux
constations faites par l’armée anglaise durant la première
guerre du Golfe (34).
Clairement, les pathologies bucco-dentaires
compromettent les performances opérationnelles des
militaires (37) et surviennent à un tel taux, une telle
fréquence qu’elles peuvent dégrader la capacité
opérationnelle de forces déployées sur un théâtre
d'opérations.
Quel est le rôle des chirurgiens-dentistes des
armées dans le maintien de la capacité
opérationnelle des militaires sur les théâtres
d’opérations extérieures ?
L’objectif des chirurgiens-dentistes militaires est,
par leurs traitements, de permettre aux blessés
dentaires de rejoindre leur poste dans les meilleurs
délais. Si ce retour au travail se fait à des postes à
faible soutien dentaire (plus le personnel est proche
de la ligne de combat, plus l’accès à des structures
de soins dentaires est limité) alors les obligations
d’efficacité et d’efficience des traitements dentaires
réalisés sont augmentées.
Sur un théâtre d’opérations, les chirurgiens-dentistes
militaires sont à même de traiter et de renvoyer à leur
activité opérationnelle la quasi-totalité des personnels
qu’ils reçoivent en urgence. Une des plus grandes
diff icultés, décrite par l’ensemble de nos confrères
anglo-saxons, reste le traitement des péricoronarites
associées aux dents de sagesse. L’armée australienne
indique ainsi que : « dans le passé, les péricoronarites
étaient un problème majeur et la raison d’un grand
nombre d’évacuations aéromédicales » (24). Or, il a été
démontré par l’armée anglaise en 2005, que le
développement de pathologies inhérentes aux dents
de sagesse sur les théâtres d’opérations était lié à
une diminution des défenses immunitaires des individus
(21) due à des modifications du comportement de vie
des militaires en opérations (stress, altération du
sommeil, modif ication du régime alimentaire…).
À partir de cette constatation, le Service de santé
de l’ADF a formulé une doctrine de prise en charge
des dents de sagesse (Health Policy Directive N° 404
(39)) qui a conduit à une diminution significative de
la prévalence des péricoronarites. Ceci fut démontré
par la diminution de la prévalence des pathologies
parodontales (les péricoronarites représentant la
grande majorité des pathologies parodontales) au cours
des « Opérations Tanager » et « Warden » par rapport à
celle constatée lors d’une étude portant sur des garnisons
de l’ADF mais aussi durant certaines opérations
extérieures américaines (fig. 2).
Pour « l’Opération Warden », il était estimé, sur la
base d’études épidémiologiques, que les Forces de
316
Figure 2. Pathologies bucco-dentaires rencontrées lors des projections.
l’ADF déployées connaîtraient 90 à 100 personnels
victimes de péricoronarites. En fait, grâce à l’application
du Health Policy Directive N° 404, il n’y eu que huit cas
et donc une préservation de l’efficacité opérationnelle
des soldats avec moins de jours d’indisponibilité et
moins d’évacuations sanitaires (4).
Le traitement des pathologies buccodentaires sur le terrain peut-il être réalisé par
des personnels médicaux non chirurgiensdentistes ?
Les Australian National Antarctic Research
Expeditions déploient des personnels dans un
environnement isolé comparable à celui des opérations
militaires. En Antarctique, les médecins qui gèrent
les problèmes dentaires sont « formés » à la dentisterie
avant le départ. Du fait de la très stricte préparation
médicale et dentaire des personnels envoyés dans ces
contrées, la charge de travail dentaire de ces médecins
est relativement limitée (41).
L’expérience de l’Antarctique montre qu’il est
possible de former des personnels non dentistes
(médecins ou non) à des gestes dentaires de base. Dans
le cadre militaire, ceci présente un intérêt évident pour
les militaires disposant d’un accès limité aux structures
de soins dentaires. Il est d’ailleurs à noter que nos
confrères anglo-saxons ont mis en place des « kits
d’urgence dentaire » à destination des Unités au plus
proche des combats. Cependant, les indications
d’utilisation de ces kits sont si limitées que les
traitements dentaires réalisés dans ces conditions
extrêmes restent exceptionnels (42-44).
En fait, la réalisation de tels soins dentaires par
des praticiens autres que des chirurgiens-dentistes
aboutit à une baisse des standards de qualité des
soins dentaires et conduit quasi systématiquement à une
évacuation du blessé dentaire vers des structures idoines
où il pourra être pris en charge par un chirurgien-dentiste.
La projection de chirurgiens-dentistes permet
la réalisation de diagnostics et de traitements plus
m. gunepin
pertinents, mais également un travail de prévention
af in de pallier une augmentation des problèmes
dentaires au cours de la projection.
Commentaires
La prise en compte exclusive du nombre des évacuations sanitaires pour raisons dentaires comme
indicateur de l’impact des pathologies bucco-dentaires
en opérations n’est pas satisfaisante. En effet, le nombre
de ces évacuations est anecdotique comparé au
nombre total des évacuations sanitaires et surtout au
nombre de militaires présents sur les théâtres
d’opérations. Si nous prenons l’exemple de l’armée
américaine, durant les premiers mois de la deuxième
guerre du Golfe (du 19 mars 2003 au 30 octobre 2003),
6 861 militaires ont été évacués pour des raisons
médicales vers les États-Unis ou l’Allemagne. Sur
ces 6 861 évacuations, seules 37 (soit 0,5 %) l’étaient
pour des raisons dentaires (45).
La seule question qu’il faut se poser est celle
des conséquences des problèmes dentaires sur
la capacité opérationnelle des individus et de leur
unité. Si l’impact est évident pour le blessé dentaire
(perte de sommeil, diminution de la concentration,
perte d’appétit…), d’autres répercussions doivent
être prises en compte : dans le cadre de l’opération
« Iraqi Freedom » en cours actuellement, mais
également au cours de toutes les missions de combat
de forte intensité, le fait de transporter un personnel
du front jusqu’à une structure de soins dentaires
représente un danger pour le blessé dentaire mais
également pour son escorte (accident de la circulation,
engins explosifs improvisés, embuscade…) (21, 46).
De plus, à l’indisponibilité du blessé pour une autre
mission, il faut ajouter celle des personnels de l’escorte
(dont les effectifs sont d’autant plus pléthoriques que
les conditions de la mission sont extrêmes) et des
véhicules (moyens terrestres, aériens…) dont le
nombre varie également avec le contexte de la mission.
Le cas des dents de sagesse est extrêmement
intéressant. Pourquoi de nombreuses armées (47-49)
insistent tant sur les problèmes liés aux péricoronarites
associées à des dents de sagesse ? Tout d’abord
parce que les symptômes liés à ces péricoronarites
peuvent être très handicapants. Dans le cas d’une
péricoronarite aiguë suppurée, le patient se plaint
de douleurs intenses qui deviennent insomniantes
avec otalgies violentes. Cette pathologie peut
s’accompagner d’un trismus, d’une dysphagie,
d’une gêne à la mastication voire d’une fébricule (50).
L’extraction de cette dent de sagesse ne pourra
être réalisée qu’à froid après traitement antibiotique.
Une fois l’avulsion effectuée et en fonction de
l’intervention, le militaire ne pourra pas reprendre
immédiatement son poste. Le risque d’alvéolite
post-extractionnelle de type « dry socket » existe
d’autant plus que les conditions sur le terrain ne sont
pas toujours favorables à une bonne hygiène buccodentaire. Une telle alvéolite nécessite le suivi du
patient au jour le jour… Nous pouvons dire que
l’utilité opérationnelle d’un tel personnel sur le
théâtre d’opération extérieure est plus que limitée.
Cet exemple des dents de sagesse doit faire comprendre que le nombre d’évacuations sanitaires n’est pas
un indice satisfaisant d’évaluation de l’impact
opérationnel des problèmes dentaires. Il est beaucoup
plus pertinent d’évaluer l’impact opérationnel des
pathologies bucco-dentaires sur les personnels et donc
les unités en terme quantitatif (nombre de jours
d’indisponibilité des personnels) et qualitatif
(modification des activités de l’unité, de ses missions
du fait de l’indisponibilité de personnels, de véhicules…).
Cet impact des pathologies bucco-dentaires sur
les capacités opérationnelles des personnels et des
unités doit pousser les chirurgiens-dentistes militaires à
tendre vers une obligation de résultat lors des mises en
condition dentaire mais aussi et surtout lors de la prise en
charge globale des blessés dentaires sur le terrain,
l’objectif étant d’adapter les soins aux contraintes
opérationnelles des militaires (choix des thérapeutiques,
nombre de séances pour un traitement).
Conclusion
Au total, il est primordial de comprendre que des
pathologies bucco-dentaires surviennent toujours au
cours des opérations extérieures même au sein des
unités les mieux préparées. L’impact opérationnel de
ces pathologies mesuré uniquement sur la base
des évacuations sanitaires est totalement décalé de la
réalité et surtout sous-évalué, car les conséquences
de ces pathologies sont telles pour le militaire que
ses performances en sont largement réduites. Du fait
de la spécialisation des militaires, la diminution voire
la perte de capacités opérationnelles individuelles
peuvent retentir sur l’ensemble de l’unité et compromettre la mission.
Praticien de l’art dentaire mais aussi militaire, le
chirurgien dentiste des armées doit intégrer ces
deux composantes en fournissant à ses patients des
soins en adéquation avec les règles de l’art mais
aussi en adaptant sa pratique aux contraintes
opérationnelles du théâtre. Le chirurgien dentiste
militaire devient alors un acteur essentiel du maintien
de la capacité opérationnelle des militaires projetés sur
les théâtres d’opération extérieure.
impact opérationnel et prise en charge des pathologies bucco-dentairess dans le cadre des opérations extérieures
317
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Lettre N° 7591/DEF/DCSSA/OSP/ORG du 22 décembre 2006
relative à la réorganisation du soutien dentaire dans les armées.
2. Note N° 5962/DEF/DCSSA/OSP/ORG du 17 octobre 2007 relative
à l’actualisation du soutien dentaire dans les armées.
3. Gunepin M, Derache F. Approche militaire américaine de
l’optimisation de la mise en condition dentaire des Forces. Médecine
et Armées 2008 ; 36 (4) : 323-32.
4. Mahoney GD. The operational dental officer in the ADF. ADF Health
2003 ; 4 : 40-4.
5. Deutsh WM, Simecek JW. Dental emergencies among marines
in Operations Desert Shield/storm. Mil Med 1996 ; 161 : 200-3.
6. Mahoney GD, Coombs M. A literature review of dental casualty
rates. Mil Med 165 ; 2000 : 751-6.
7. Moss DL. Dental emergencies during SFOR8 in Bosnia. Mil Med
1987 ; 152 : 233-5.
8. Rhem KT. New TRICARE program to boost dental readiness of
reserves. American Forces Information Service New Articles, march
21, 2001.
9. Chaffin JG, Horning T. RC dental readiness in “Call Forward 97”.
Army Med Dept J. 1998 : 29-33.
10. Gunepin M. Rapport de fin de mission : Opération Trident –
23e mandat (août – septembre 2003).
11. Jeleca-Baltic S et al. Establishment of the croatian dental corps:
the front line experience of a dentist volunteer. Milit Med 1997 ;
162 : 31-6.
12. Skec V. Influence of oral health on combat readiness in the
croatian army. Milit Med 2002 ; 167 (12) : 1 016-9.
13. Allen W, Smith BE. Dental casualties during Canadian UN operations
in Somalia. J Can Dent Assoc 1995 ; 61 : 991-7.
14. Crawford R. 1902-2002 Cent ans de service - partie 5 d’une série: la
dentisterie militaire. L’association dentaire canadienne ; V-1-V-4.
15. Chaffin J, King JE, Fretwell LD. US army dental emergency rates in
Bosnia. Milit Med 2001 ; 166 : 1 074-8.
16. Moss DL. Dental emergencies during SFOR8 in Bosnia. Milit Med
1987 ; 152 : 233-5.
17. Ludwick WE, Pogas JA, Gendron EG, Weldon AL. Dental
emergencies occurring among Navy-Marine personnel serving in
Vietnam. Milit Med 1974 ; 139 : 121-3.
18. Teweles RB, King JE. Impact of troop dental health on combat
readiness. Milit Med 1987 ; 152 : 233-5 ; 161 : 620-3.
19. Dunn WJ. Dental emergency rates at an expeditionary medical
support facility supporting Operation Enduring Freedom. Mil Med
2004 ; 169 (5) : 349-53.
20. Dunn WJ, Langsten RE, Flores S, Fandell JE. Dental emergency
rates at two expeditionary support facilities supporting
Operations Enduring and Iraqi Freedom. Mil Med 2004 ; 169 (7) :
510-4.
21. Richardson PS. Dental morbidity in United Kingdom armed forces,
Iraq 2003. Mil Med 2005 ; 170 (6) : 536-41.
22. Richter P, De La Cruz G, Chaffin J. Us army dental command « put
more “bite” into health promotion ». US Army Medical Department
Journal. PB 8-06-1/2/3 jan/feb/mar : 21-26.
23. Unpublished data collected in 2004 by Ltc De La Cruz and Col
Inouye, directorate of Health Promotion and Wellness, US Army
Center for Health Promotion and Preventive Medicine.
24. Tinder LE, Osbon DB, Lilly GE and al. Maxillo-facial injuries
sustained in the Vietnam conflict. Mil Med 1974 ; 139 : 668-72.
25. Liewerh FR. Endodontics and dental readiness. Mil Med 2000 ;
162 : 127-30.
26. Bishop BG, Donelly JC. Proposed criteria for classifying potential
318
27.
28.
29.
30.
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
38.
39.
40.
41.
42.
43.
44.
45.
46.
47.
48.
49.
50.
dental emergencies in Department of Defence military personnel. Mil
Med 1997 ; 162 : 130-5.
Swan ES, Karpetz E. Dental casualties during Canadian UN
operations in Somalia. J Can Dent Assoc 1995 ; 61 : 991-4, 997.
Allen FW, Smith BE. Impact of dental sick call on combat
effectiveness: the dental fitness class 3 soldier. Mil Med 1992 ;
157 : 200-3.
Liewehr F. US Army Dental Corps, endodontics and dental
readiness. Mil Med 2000 ; 165 (2) : 127.
Marburger T, Chaffin MA, Fretwell D. Dental class 3 intercept
clinic: a model for treating dental class 3 soldiers. Mil Med 2003 ;
168 (7) : 548-52.
Payne TF, Posey WR. Analysis of dental casualties in prolonged field
training exercises. Mil Med 1981 ; 146 : 265-71.
Nasser FE, Storz JP. Report on dental casualty treatment at 12 th Evac.
Army Med Dept J. 1994 ; 10 : 38-42.
Hutchins DW, Barton RF. Epidemiology of oral emergencies in
combat. Washington, DC: UA Army Institute of Dental Research ;
Report #CSCRD-1031967.
Anderson JQ. Op. Grandy: a dental overview. Royal Army Dental
Corps Bulletin 1992 ; 3 : 4-6.
Ludwick WE, Gondron EG, Pogas JA, Weldon AL. Dental
emergencies occurring among navy-marine personnel serving in
Vietnam. Mil Med 1974 ; 139 : 121-3.
Bishop BG, Donelly JC. Proposed criteria for classifying potential
dental emergencies in Department of Defence military personnel. Mil
Med 1997 ; 162 : 130-5.
Byrappagari D. Association of caries and tobacco risk with dental
fitness classification. Mil Med 2006 may ; 171 (5) : 415-9.
Mahoney GD. The role and need for the operational dental officer in
the Australian Defence Force. Master of Science in Dentistry thesis.
University of Sidney 2001.
Health policy Directive N° 404.Indications for the removal of third
molars in the Australian Defence Force. Nov 1994.
Chisick MC, King JE. Dental epidemiology of military operations ;
Mil Med 1993 ; 158 : 581-5.
Fletter LD. Dental observations at Australian Antarctic stations: aust
Dent J 1983 ; 28 : 281-5.
Australian Defence Force Publication N° 53. Manual of Health
Support. 2nd ed. 1998.
Jones TK. Army dental service support in a theatre of operation. US
Army Medical Department Journal. PB 8-06-1/2/3 jan/feb/mar : 5-9.
Jelaca-Basic S, Sipina J, Viskovic R, Cakarun Z, Vlatkovic I and al.
The establishment of the Croatian Dental Corps: the front line
experience of a dentist volunteer. Mil Med 1997 ; 162 : 31-6.
Benjamin M. US casualties from Iraq War top 9,000. November 14
2003 by United Press International.
Beth R. Deployment preparation: destination Iraq. Soldiers
Magazine: 2005 ; 60 (2) : 30-3.
Halverson BA, Anderson WH. The mandibular third molar position
as a predictive criteria for risk for pericoronatis: retrospective study.
Mil Med 1992 ; 157 : 142-5.
Valin VN, Iodanishvili AK, Kovalevskii AM, Prokhvatolov GI and
al. Means for preventing odontogenic inflammatory diseases in
servicemen of the Armed Forces. Stomatologiia (Mosk) 1996 ; spec
n° : 45-6, Russian.
Weyrauch CD, Burgess JO, Reagan SE. Tooth loss during compulsory
dental care. Mil Med 1995 ; 164 : 194-7.
Peron JM. Accidents d’évolution des dents de sagesse. Encycl Méd
Chir, Stomatologie/odontologie, 22-032-E-10, 2003 : 8p.
m. gunepin
Pratique médico-militaire
Évolution du statut réglementaire des médicaments fabriqués
par la Pharmacie centrale des armées de 2000 à 2006.
Perspectives actuelles.
I. Besse Bardot a, P. Clair b, S. Graffeuil c.
a Pharmacie centrale des armées, site militaire de Chanteau, route départementale 97 – 45400 Fleury les Aubrais.
b Inspecteur, Contrôle général des armées – 00460 Armées.
c Bureau équipement et ravitaillement DRSSA, 8 avenue du Président Kennedy, Quartier général des Loges – 78100 St Germain en Laye.
Article reçu le 19 mai 2008, accepté le 7 mai 2009.
Résumé
La Pharmacie centrale des armées (PCA) applique depuis l’année 2000 la stratégie définie par le Service de santé des
armées en matière de mise sur le marché pour les médicaments qu’elle fabrique. Excluant dans un premier temps les
médicaments spécifiques aux besoins des armées, cette stratégie s’est progressivement étendue à des médicaments qui
sont devenus, dans le contexte d’actualité, potentiellement nécessaires à l’ensemble de la population française. Les
médicaments non spécifiques ont par ailleurs été développés sous procédure d’Autorisation de mise sur le marché
(AMM) ainsi que certains médicaments spécifiques, réservés aux seuls besoins des armées. Actuellement, les
médicaments sont fabriqués à la PCA sous deux statuts : les spécialités sous AMM et les préparations hospitalières. Ces
deux types de médicaments sont désormais déclarés ou autorisés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé et se retrouvent dans les activités de la PCA, qui bénéficie du statut d’établissement pharmaceutique et de celui
de pharmacie à usage intérieur. Une adaptation de la stratégie de production de cet établissement pourrait être envisagée
afin de l’ajuster aux évolutions des besoins du Service de santé des armées et plus largement à ceux de l’État français.
Mots clés : Médicament. Pharmacie centrale des armées. Positionnement réglementaire.
DEVELOPING REGULATIONS STATUTES OF THE MEDICINES MADE BY THE “PHARMACIE CENTRALE DES
ARMEES” BETWEEN 2000 AND 2006. NEW OUTLOOKS FOR THE FRENCH ARMED FORCES.
Abstract
Since 2000 the Pharmacie Centrale des Armées (PCA) has applied the Strategy of the French Healthcare Servive while
marketing the medicines it makes. In a first move drugs specific for the needs of the Armed Forces have been left aside
then this strategy progressively has been implemented to drugs which have become potentially necessary to the whole
French people in the present context. Non-specific drugs have been developed aiming at been marketable as well as some
specific drugs for only Armed Forces needs. The PCA now has produced medicines under two statutes: Specialities under
marketing authorization and hospital preparations. From now on, both these kinds of medicines have been registered at
the «Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé». Both statutes are superimposed with those of the
PCA as for operations, being the latter one submitted to the statute of a Pharmaceutical Entity and of Domestic
Chemistry. Adapting its Strategy might be envisaged so as the needs of the Armed Forces Healthcare Service and more
generally those of the French State match the current changes. Since 2000 the strategy includes authorization for non
specific products. In the first time without the army specifics medicines, this strategy increased medicines which
Keywords: Drugst. Pharmacie centrale des armées. Statutes.
Introduction
La Pharmacie centrale des armées (PCA),
établissement industriel de production pharmaceutique
I. BESSE BARDOT, pharmacien principal. P. CLAIR, pharmacien chef des
services, praticien professeur agrégé du Val-de-Grâce. S. GRAFFEUIL, pharmacien
en chef, praticien certifié de pharmacie hospitalière.
Correspondance : I. BESSE BARDOT, Pharmacie centrale des armées, site
militaire de Chanteau, route départementale 97 – 45 400 Fleury les Aubrais.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 319-324
du ministère de la Défense, a acquis le statut
d’établissement pharmaceutique pour le secteur des
formes comprimés et gélules, par une décision du
directeur général de l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (AFSSaPS) en date du
23 janvier 1997. Cette autorisation a été étendue à toutes
ses activités de fabrication, dont les médicaments
injectables et les formes lyophilisées, le 6 juin 2002.
Parallèlement, la PCA dispose, depuis les années 90, du
statut de Pharmacie à usage intérieur (PUI) dont les
319
modalités de fonctionnement n’ont été précisées que fin
2000, puis à nouveau en 2007 (1-3).
Cette évolution du statut réglementaire a exigé la mise
en place d’une véritable stratégie de développement pour
le positionnement réglementaire des médicaments
fabriqués, du fait de la mise sous contrôle de l’activité
pharmaceutique par l’AFSSaPS.
Évolution du statut pharmaceutique
de la Pharmacie centrale des armées
Jusqu’en 1994, la PCA est un établissement
pharmaceutique militaire subordonné à la Direction des
approvisionnements et établissements centraux (DAEC)
et spécialisé dans la fabrication de médicaments et
produits pharmaceutiques courants ou spécifiques du
Service de santé des armées (SSA) (4).
En 1994, une loi (1) insère l’article L. 5 124-8 du
Code de la santé publique (CSP) relatif au ravitaillement sanitaire des armées : elle reconnaît à la
PCA le statut d’établissement pharmaceutique. Les
dispositions des articles L. 5 124-1 et L. 5 124-2 (sauf le
dernier alinéa), qui déf inissent les établissements
pharmaceutiques, s’appliquent dès lors à la PCA et aux
établissements de ravitaillement du SSA. Les
médicaments fabriqués à la PCA, mentionnés à l’article
L. 4 211-1 qui définit le monopole pharmaceutique, sont
désormais soumis aux dispositions de l’article L. 5 121-8
relatif à l’obligation d’AMM. Les textes précisent
toutefois que n’y sont pas soumis les médicaments
nécessaires aux besoins spécifiques des armées destinés à
pallier l’absence de spécialités pharmaceutiques
disponibles ou adaptées.
Par ailleurs, cette même loi complète l’article L. 5 1265 du CSP relatif aux pharmacies à usage intérieur (PUI) en
précisant que les dispositions relatives à la gérance de ce
type d’établissement s’appliquent à la PCA. Ces
dispositions s’exercent dans le cadre des préparations
nécessaires aux besoins spécif iques des armées en
l’absence de spécialités disponibles ou adaptées citées au
2e (préparations hospitalières) et 4e (produits officinaux
divisés) de l’article L. 5 121-1 du CSP. Cette loi reconnaît
donc explicitement à la PCA le statut de pharmacie à
usage intérieur (PUI).
En 2000, puis en 2007, les missions des PUI sont
précisées dans l’article R. 5 126-92 du CSP (2, 3). La PUI
de la PCA approvisionne les hôpitaux des armées ainsi
que les services médicaux des armées et de la
Gendarmerie nationale en préparations hospitalières et
en produits officinaux divisés, notamment les gaz à usage
médical, réalisés afin de répondre aux besoins spécifiques
des armées en l’absence de spécialité pharmaceutique
disponible ou adaptée. Les articles R. 5 121-93 à R. 5 126101 du CSP précisent les règles spécif iques qui
s’appliquent à la PCA en matière d’installation et de
fonctionnement de la PUI.
Parallèlement aux évolutions réglementaires initiées
dès 1994 (1), la PCA reste bien évidemment subordonnée
à la DAEC devenue en août 2007, la Direction des
approvisionnements en produits de santé (DAPS) (5).
320
Application de la stratégie du SSA en
matière d’AMM à la PCA : années
2000 à 2006
Définitions des médicaments à statuts
particuliers et sous AMM
– Produits officinaux divisés.
L’article L. 5 121-1, alinéa 4, du CSP donne leur
définition. Il s’agit de toute drogue simple, tout produit
chimique ou toute préparation stable décrite par la
Pharmacopée, désormais Européenne, préparés à
l’avance par un établissement pharmaceutique et
divisés soit par lui, soit par la pharmacie d’officine qui
les met en vente, soit par une PUI. Leur liste est fixée par
un arrêté de 1965 (6).
– Préparations hospitalières
L’article L. 5 121-1, alinéa 2, du CSP indique qu’il
s’agit d’un médicament préparé selon la Pharmacopée en
conformité avec les bonnes pratiques de préparations
hospitalières (7), en raison de l’absence de spécialité
disponible ou adaptée. Les préparations hospitalières
sont préparées dans une PUI autorisée et elles sont
dispensées sur prescription médicale à un ou plusieurs
patients par la PUI de l’établissement et déclarées à
l’ AFSSaPS (8).
– Spécialités pharmaceutiques
L’article 5111-2 du CSP déf init la spécialité
pharmaceutique comme tout médicament préparé à
l’avance présenté dans un conditionnement particulier et
caractérisé par une dénomination spéciale (nom de
fantaisie, dénomination commune ou scientifique et
signe distinctif de marque ou nom du fabricant). Par
ailleurs, le CSP précise, dans son article L. 5 121-8, que
toute spécialité pharmaceutique ou tout autre médicament
fabriqué industriellement ou selon une méthode dans
laquelle intervient un processus industriel doit faire
l’objet, avant sa mise sur le marché ou sa distribution à
titre gratuit, d’AMM délivrée par l’ AFSSaPS.
La mise en place d’activités autorisées versus
statut des médicaments
À travers les déf initions réglementaires des
médicaments rappelées ci dessus, nous pouvons dégager
deux aspects pour les productions réalisées à la PCA :
– la PCA a le double statut d’établissement
pharmaceutique et de PUI, dont les activités s’exercent
dans les mêmes locaux ;
– le statut des médicaments fabriqués, qu’il s’agisse de
spécialités pharmaceutiques soumises à l’AMM, de
préparations hospitalières ou de produits officinaux
divisés, est par conséquent étroitement lié au statut de la
structure de fabrication concernée, établissement
pharmaceutique ou PUI.
Le décret précisant les missions et le fonctionnement
des PUI prévu dans le CSP dès 1994, n’est paru qu’en
décembre 2000 (2) et a été récemment modifié en 2007
(3). La pharmacie à usage intérieur de la PCA n’a été
ouverte officiellement dans les nouveaux locaux de la
PCA qu’en janvier 2005 postérieurement à l’ouverture de
l’établissement pharmaceutique qui date de 2003. Mais
i. besse bardot
dès 2000, la superposition des activités et des statuts de la
PCA a constitué le socle des outils réglementaires
permettant d’engager une réflexion sur la stratégie à
adopter pour le positionnement réglementaire des
médicaments produits par la PCA.
La mise en application de la politique d’AMM
pour les médicaments fabriqués entre 2000
et 2006
En 2000, un département des affaires réglementaires a
été créé à la Pharmacie centrale des armées af in de
prendre en charge, sous l’impulsion du Directeur des
approvisionnements, une mission de développement de
l’activité réglementaire liée aux évolutions récentes de
l’établissement pharmaceutique.
Jusqu’en 2000, une seule autorisation de mise sur le
marché était détenue par la PCA pour la spécialité « Iodure
de potassium Pharmacie Centrale des Armées 130 mg,
comprimé sécable ». La PCA fabriquait déjà ce
médicament pour les forces armées depuis longtemps en
tant qu’établissement pharmaceutique militaire. L’AMM
a été obtenue en 1997 en même temps que le premier statut
d’établissement pharmaceutique, sur demande des
autorités de santé, afin de disposer de moyens de protection
de la population française en cas de risque nucléaire.
La démarche réglementaire s’appuie alors sur le statut
d’établissement pharmaceutique et sur l’obligation de
détenir une AMM pour les spécialités pharmaceutiques
conformément aux articles L.5 121-1 et L.5 121-8 du CSP.
De 2000 à 2002
Un dossier de demande d’autorisation d’activité
pharmaceutique est rédigé et déposé auprès de l’agence
en février 2001. Le nouvel établissement pharmaceutique
de la PCA est alors ouvert officiellement le 4 juillet 2003,
sur décision du ministre de la Défense, après instruction
du dossier et autorisation d’ouverture par le directeur
de l’AFSSaPS délivrée le 6 juin 2002 pour toutes les
formes pharmaceutiques. La même année, la PCA
propose à la Direction des approvisionnements et des
établissements centraux une stratégie de développement
des AMM basée sur la conception du nouvel établissement
pharmaceutique en construction. Il semble utile, voire
indispensable, de pouvoir disposer d’un médicament
sous AMM par ligne de fabrication pour les médicaments
non spécifiques : poches de soluté massif, ampoules
injectables, sirops, comprimés, gélules. Cette démarche
s’appuie alors sur la superposition des statuts et des
activités, rendue possible par la parution du décret de
décembre 2000 relatif aux pharmacies à usage intérieur
(2). La démarche réglementaire retenue à cette époque et
validée par la DAEC est présentée dans le tableau I.
Dans cette logique, une réunion se tient le 3 juillet
2001 à la Direction centrale de Service de santé des
armées (DCSSA) en présence des experts des risques
Biologique (B) et Chimique (C) et de représentants
des sous directions Action scientifique et technique
(AST), Hôpitaux (HOP), Étude planification et gestion
(EPG) et Organisation logistique (OL), pour définir le
positionnement réglementaire des médicaments non
spécifiques. La stratégie des AMM est définie sur la base
Tableau I. Démarche réglementaire proposée par la PCA et retenue par la
DAEC en matière d’AMM en 2000.
Activité industrielle
pour les médicaments non spécifiques (par extension disponibles sur le
marché sous une forme adaptée) à développer vers l’AMM.
Activité de PUI
pour les besoins spécifiques aux armées (avec des destinataires
explicitement cités dans le CSP, hôpitaux des armées ainsi que
services médicaux des armées et de la Gendarmerie nationale) en
l’absence de spécialités disponibles ou adaptées pour des préparations
hospitalières et des produits officinaux divisés.
d’une répartition en quatre classes de médicaments,
présentées dans le tableau II.
Ainsi, de 2001 à 2002, l’AMM « NOPALU, gélule »
associant, pour la chimioprophylaxie antipalustre, la
chloroquine et le proguanil est obtenue ; l’AMM
DEXTUSSIL sirop antitussif (dextrométhorphane) en
unidoses et en flacons est déposée, puis le choix d’acquérir
des AMM pour les solutions injectables pour perfusion
(poches PVC) et la morphine 10 mg/mL en ampoules est
fait. L’ensemble de ces médicaments entre dans la
catégorie 1 du tableau II définie par la DCSSA.
La réalisation d’un « calendrier glissant » des AMM
mis à jour annuellement est décidée. Ce calendrier
proposé par la PCA sera transmis chaque année à la
DAEC au cours de la période 2000 à 2006.
De 2002 à 2006
Suite aux événements survenus aux États Unis le
11 septembre 2001, la menace terroriste est placée au
centre des préoccupations. Le Service de santé des
armées participant à la préparation des plans
Tableau II. Stratégie définie et retenue par la DCSSA en matière d’AMM en 2001.
Classe
Situation
Position vis à
vis de l’AMM
1
Médicament fabriqué par la PCA identique
L’AMM doit
au produit commercial et utilisé dans
être demandée
l’indication AMM (ex : solutés massifs,
par la PCA
ampoules injectables de morphine…)
2
Médicament fabriqué par la PCA, identique
au produit commercialisé ou médicament
acheté dans le commerce utilisés par les
armées dans une indication hors AMM (ex :
doxycycline risque B charbon)
Procédure à
définir *
3
Médicament fabriqué par la PCA différent
du produit commercialisé (galénique
modifiée pour des raisons spécifiques) et
utilisé dans l’indication de l’AMM (ex :
doxycycline paludisme)
L’AMM doit
être demandée
par la PCA
4
Médicament fabriqué par la PCA différent
du produit commercialisé (galénique
modifiée pour des raisons spécifiques)
utilisé par les armées dans une indication
hors AMM (ex : pyridostigmine en prétraitement du risque C)
Pas d’AMM à
demander
*: « procédure à définir » : cette procédure est restée non définie par la suite, car cette catégorie
ne concernait que la doxycycline pour le risque biologique du charbon. Cette indication a été
autorisée par l’agence pour tous les génériques présents sur le marché en 2004.
évolution du statut réglementaire des médiacaments fabriqués par la pharmacie des armées de 2000 à 2006
321
gouvernementaux en matière de prévention du risque
Nucléaire, radiologique, biologique et chimique
(NRBC), les autorités de santé publique lui demandent de
pouvoir éventuellement mettre à disposition de la
population civile les antidotes fabriqués par les armées
pour faire face au risque NRBC. Une réorientation de la
stratégie des AMM du SSA s’avère donc nécessaire.
Pour cela, la DCSSA sollicite auprès de l’agence une
réunion, qui se tient le 13 septembre 2002, af in de
« définir le statut et les exigences en vue de l’obtention de
l’AMM pour un certain nombre de produits ». Il s’agit
d’antidotes contre les risques chimique et nucléaire
fabriqués par la PCA et susceptibles, pour la plupart,
d’être utilisés par la population civile. Des brochures
techniques à destination de l’agence sont rédigées pour
chaque produit : calcium trisodium pentetate ou CaDTPA (sous forme injectable ou aérosol), Bleu DI (pour
Décontamination interne), comprimés de pyridostigmine
à 30 mg, solution injectable d’atropine 2 mg/mL. En
parallèle et comme envisagé par la DCSSA dès 2001,
une prise de contact avec l’agence est demandée par
la PCA afin de présenter l’autoinjecteur de nouvelle
génération, en cours de développement pour le traitement
d’urgence des intoxications par les neurotoxiques
organophosphorés : l’AIBC. Une brochure technique et
un plan de développement sont donc proposés par la PCA,
validés par la DAECSSA, la DCSSA et les référents du
risque C, puis accepté par l’AFSSaPS. Ce plan de
développement définit particulièrement le contenu des
études de toxicologie animale et les essais cliniques à
mettre en place afin de fournir des données adaptées pour
le futur dossier d’AMM.
Ainsi, en 2002, la superposition des activités et des
statuts, dans le contexte d’actualité internationale
particulièrement chargé, permet de définir le nouvel axe
de développement des AMM présenté dans le tableau III.
En complément des projets réglementaires initiés et
validés par la DCSSA en 2001 pour les médicaments non
spécif iques, de nouveaux projets d’AMM avec
développements complets sont donc mis en route fin
2002 pour cinq médicaments antidotes. Ces projets sont
présentés dans le tableau IV.
Tableau III. Stratégie définie et retenue par la DCSSA en matière d’AMM à
partir de 2002.
Ces démarches aboutiront au printemps 2006 avec le
dépôt d’AMM pour trois spécialités sur cinq : AIBC, dont
le nom commercial proposé est INEUROPE, comprimés
de Pyridostigmine et Ca-DTPA, sous forme injectable.
Pour les autres médicaments, les contraintes
scientifiques et pharmaceutiques liées au développement
suspendent, actuellement, la possibilité de déposer un
dossier d’AMM. Le Bleu DI a fait l’objet d’une étude
d’expérimentation animale afin de préciser son intérêt
thérapeutique par rapport au bleu de Prusse disponible
dans d’autres pays européens. Les résultats obtenus
doivent être précisés et complétés avant d’envisager le
dépôt d’un dossier.
L’atropine 2 mg/mL en flacons de 500ml a été remplacée
par des ampoules bouteilles dans la nouvelle unité de
production ; les premiers lots ont été produits en 2003. Un
nouvel objectif d’AMM devrait être fixé pour 2009,
puisque ce médicament est susceptible d’intéresser
également la sécurité civile. Le Ca-DTPA, poudre pour
inhalation, a fait l’objet d’une publication récente
mettant en doute l’efficacité thérapeutique de la forme
actuellement fabriquée par la PCA (9). Un nouveau
développement pharmaceutique est en cours.
Parallèlement, les développements vers l’AMM pour
les médicaments non spécifiques ont été poursuivis. Des
dossiers d’AMM pour la doxycycline (comprimés dosés
à 100 mg), dans toutes ses indications, dont l’indication
antipaludique, ainsi que le sirop expectorant à la
carbocistéine sont actuellement en cours de rédaction.
Ces développements devraient aboutir à l’horizon
2009/2010 afin de poursuivre la stratégie initiée en 2000
pour ce type de médicament.
Tableau IV. Démarches initiées vers l’AMM pour des médicaments spécifiques
à partir de 2002.
Dénomination du
médicament
Dénomination Commune Motivation de
Internationale
la décision
Bleu DI 500 mg, gélule
Contexte
Ferrocyanure de cobalt et
d’emploi civil
de potassium
si risque N
- Ca-DTPA 250 mg/ml,
solution injectable et
- Ca-DTPA 40 mg, poudre
pour inhalation en gélule
Trisodium calcium
diéthylènetriamine penta
acétate
Contexte
d’emploi civil
si risque N
Pyridostigmine 30 mg,
comprimé
Bromure de
pyridostigmine
Spécificité
militaire
« importante »
Atropine sulfate 2 mg/ml,
solution injectable
Atropine sulfate
Contexte
d’emploi civil
si risque C
INEUROPE, poudre et
solvant pour solution
injectable
Avizafone chlorhydrate,
atropine sulfate,
méthylsulfate de
pralidoxime
Contexte
d’emploi civil
si risque C
Auto-injecteur
nouvelle
génération du
SSA (AIBC)
Dans la continuité
Activité industrielle pour les médicaments non spécifiques : AMM ;
Activité de PUI pour les médicaments (qui restent) spécifiques aux
armées : préparations hospitalières ou POD.
Nouvelle catégorie de médicaments
Activité industrielle pour des médicaments spécifiques afin de les
rendre disponibles pour la population française : AMM ;
À cette catégorie doivent être ajoutés les médicaments jugés comme
importants par le SSA qui devront également faire l’objet d’une AMM
(exemple : pyridostigmine exclusivement réservée à l’usage militaire en
pré-médication contre les intoxications aux neurotoxiques
organophosphorés).
322
i. besse bardot
Bilan actuel, perspectives et évolution
Le contexte de pandémie de grippe aviaire, très
prégnant en 2005, a introduit une nouvelle catégorie de
médicament pour la PCA. Il s’agit des médicaments dont
les développements répondent exclusivement à des
besoins de Santé publique. L’exemple le plus marquant
est l’OseltamivirPG 30 mg, comprimé sécable, qui a été
développé par la PCA sur demande de la Direction
générale de la santé af in de compléter les stocks
disponibles de TAMIFLU. Ce médicament fait l’objet
d’une AMM dite dérogatoire depuis juillet 2006. Dans le
cadre de cette AMM, l’utilisation du médicament en cas
de pandémie de grippe aviaire s’appuierait sur la loi de
santé publique de 2004 qui prévoit l’utilisation de certains
médicaments en cas de menace sanitaire grave (10).
Par ailleurs, une nouvelle forme de comprimé dosé à
65 mg d’iodure de potassium a été demandée par les
autorités sanitaires dès 2005 et a fait l’objet d’un dépôt
d’AMM en décembre 2007. Ce dosage permet de
répondre aux besoins pédiatriques (dosage pour
nourrissons), d’harmoniser les dosages disponibles entre
les différents pays frontaliers en Europe et d’améliorer la
sécabilité du médicament.
Aux termes de ces deux expériences, il est possible
d’envisager à l’avenir que la PCA soit plus largement
impliquée dans des démarches globales de production au
bénéfice de la Santé Publique dans le cadre de la mission
duale du SSA telle qu’elle a été déf inie dans le plan
stratégique du SSA (11). Le tableau V synthétise
l’ensemble des dossiers d’AMM déposés et obtenus par
la PCA dans le cadre des stratégies successives définies
par le Service de Santé des Armées.
En outre, dans le cadre de la refonte du ravitaillement
sanitaire initiée en 2005, la lettre de cadrage de la DCSSA
à l’attention du Directeur de la DAEC, conf irme en
janvier 2006, les objectifs en matière d’AMM pour les
médicaments non spécifiques et pour les médicaments
spécifiques « condition essentielle pour la recherche de
débouchés commerciaux vers des parties prenantes
extérieures aux armées ».
Si les missions confiées à la PCA, qui doit demeurer un
outil réactif et opérationnel, peuvent évoluer, les statuts
des médicaments produits doivent toujours entrer dans le
cadre réglementaire désormais bien fixé. Ils doivent être
envisagés sous l’angle de la spécificité et de l’activité liée
au statut de PUI.
Qu’est-ce que la spécificité en 2006 ?
Les médicaments dont la spécif icité repose sur
l’absence de spécialité équivalente ou disponible sur le
marché français et fabriqués exclusivement par la PCA
dans un cadre d’emploi militaire, sont produits sous le
statut de PUI, comme préparations hospitalières. Pour les
médicaments « génériques » largement présents sur le
marché et dénués de spécificité, la spécificité peut être
néanmoins discutée à trois niveaux :
– la non disponibilité ponctuelle d’une spécialité pour
les besoins spécifiques aux armées ; le cas a été rencontré
avec les comprimés de doxycycline 100 mg, suite à un
appel d’offre qui s’était avéré infructueux. Dans ce cas, le
caractère temporaire de la spécificité doit être prouvé et
confère également au médicament un statut temporaire
de préparations hospitalières. Néanmoins, ce statut ne
peut être justifié dans le temps qu’au coup par coup si la
non disponibilité reste avérée ;
– la spécificité de présentation : elle peut être discutée
à travers deux exemples, celui du sirop expectorant
en unidoses (carbocistéine) et celui de la solution
injectable de morphine (1 mg/mL). Le premier est
spécifique par sa présentation en unidoses. Pour cette
spécialité il n’existe pas de présentation en unidose
sur le marché, alors que cela existe pour d’autres
sirops, en particulier le sirop antitussif à base de
dextrométhorphane (DEXTUSSIL) dont la PCA
a développé et obtenu l’AMM. Le second est spécifique
par son volume de 10 ml, contre un volume de 1 ml
présent sur le marché dans le même dosage. Ces deux
Tableau V. Stratégie du SSA et AMM déposées à l’AFSSaPS entre 2000 et 2006.
Dépôt du
dossier à
l’AFSSaPS
Date d’obtention
de l’AMM
Juillet 2000
27 décembre 2001
2000
non spécifique
Mai 2003
22 octobre 2004
DEXTUSSIL
2000
30 mg/15 ml, sirop en non spécifique
unidose
Mai 2003
22 octobre 2004
Dénomination de la
spécialité
Stratégie
NOPALU, gélule
(chlorhydrate de
2000
proguanil, sulfate de non spécifique
chloroquine)
DEXTUSSIL 0,2 %,
sirop en flacon
Solution pour
perfusion en
poches PVC :
Chlorure de sodium
2000
Glucose 5 %
non spécifique
Glucose 10 %
Polyionique G5
Polyionique G10
Ringer lactate
Octobre
Octobre
Octobre
Octobre
Octobre
2001
24 avril 2002
2001
19 avril 2002
2001 6 septembre 2002
2001 26 septembre 2002
2001
24 avril 2002
Morphine 10 mg/ml,
2000
Octobre 2001 26 décembre 2003
solution injectable non spécifique
Ca-DTPA 250 mg/ml,
2000
solution injectable non spécifique
Mars 2006
12 février 2008
Pyridostigmine 30 mg,
2000
non spécifique
comprimé
Mars 2006
29 janvier 2008
INEUROPE, poudre et
2002
solvant pour solution non spécifique
injectable
Juin 2006
5 mars 2008
Oseltamivir PG 30 mg,
2002
comprimé sécable non spécifique
Juin 2006
26 juin 2006
(AMM dérogatoire)
évolution du statut réglementaire des médiacaments fabriqués par la pharmacie des armées de 2000 à 2006
323
spécif icités doivent être justif iées par un intérêt
thérapeutique pour les patients ;
– la population visée conditionne également
la spécificité : il s’agit bien telle que définie dans le
CSP, d’une spécif icité pour les besoins des armées
et en l’absence de spécialité disponible ou adaptée.
Les deux conditions ne s’excluent pas l’une l’autre,
mais se complètent. Dès lors qu’on revendique ce type
de spécif icité, il faut veiller à ce qu’il s’agisse de
médicaments réservés au cadre prévu par la loi que
sont les hôpitaux des armées ainsi que les services
médicaux des armées et la Gendarmerie nationale.
Quel développement pour la PUI par rapport
à l’établissement pharmaceutique ?
L’activité de la PUI de la PCA telle que prévue par les
textes, avec des locaux déportés dans les Établissement
de ravitaillement sanitaire (ERS) n’existe pas encore
aujourd’hui. Cette activité pourrait être envisagée,
par exemple, sous l’angle particulier du déconditionnement des spécialités pharmaceutiques réalisé
actuellement par le SSA sur les sites des établissements
pharmaceutiques de distribution en gros. Il s’agit d’un
déconditionnement tel qu’il est pratiqué dans la PUI
d’un hôpital : « le déconditionnement y est apprécié…,
par des contraintes locales (délais, personnels,
matériel…) qui participent pleinement de la réflexion
sur la maîtrise des risques » pourrait être rattaché à
cette activité de PUI déportée (12).
CONCLUSION
La stratégie adoptée progressivement par le SSA,
réévaluée en tant que de besoin et mise en œuvre par la
PCA en matière de statut réglementaire des médicaments
produits, permet désormais à celle-ci de disposer d’un
cadre réglementaire spécifique et précis pour chaque
produit fabriqué. Les 16 spécialités autorisées sous
AMM en 2009 et les préparations hospitalières déclarées
au fur et à mesure des productions depuis mars 2007, font
l’objet d’un contrôle pharmaceutique par l’AFSSaPS.
Cette garantie de qualité, sécurité et efficacité permet à la
PCA de produire dans un cadre réglementaire analogue à
celui des autres établissements contribuant au système de
santé et ayant une activité de fabrication ou de préparation
de médicaments, tels que les PUI d’hôpital ou les
laboratoires pharmaceutiques.
Cette démarche n’est sans doute pas figée et pourra
encore évoluer afin de prendre en compte les éventuelles
contraintes conjoncturelles et opérationnelles auxquelles
le SSA et la PCA se trouveraient confrontées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Loi N° 94-43 du 18 janvier 1994, relative à la Santé publique et à la
protection sociale. www.legifrance.gouv.fr. Journal officiel de la
République française N° 15 du 19 janvier 1994.
2. Décret N° 2000-1 316 du 26 décembre 2000, relatif aux pharmacies à
usage intérieur et modifiant le Code de la santé publique (deuxième
partie : Décrets en Conseil d’État). www.legifrance.gouv. fr. Journal
officiel de la République française N° 302 du 30 décembre 2000.
3. Décret N° 2007-1 428 du 3 octobre 2007, relatif aux pharmacies à
usage intérieur et modifiant le Code de la santé publique (dispositions
réglementaires). www.legifrance.gouv.fr. Journal officiel de la
République française N° 231 du 5 octobre 2007.
4. Instruction ministérielle N° 1300/DEF/DCSSA/OL du 27 octobre
1987, relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement de
la Direction des approvisionnements et des établissements centraux du
Service de santé des armées (article 15). Bulletin officiel des armées
N° 51 du 14 décembre 1987.
5. Arrêté du 25 juillet 2007 modifiant l’arrêté du 9 juillet 2003, portant
organisation du Service de santé des armées. www.legifrance.gouv.fr.
Journal officiel de la République française N° 184 du 10 août 2007.
6. Arrêté du 23 juillet 1965 relatif à la liste des produits officinaux
divisés. www.legifrance.gouv.fr. Journal officiel de la République
324
française N° 191 du 19 août 1965.
7. Bonnes pratiques de préparation – Bulletin officiel N° 2007/7 bis de
janvier 2008. Fascicule spécial, du ministère de la Santé, de la
Jeunesse et des Sports.
8. Arrêté du 29 décembre 2003, fixant le contenu du dossier de déclaration
des préparations hospitalières prévues à l’article L.5 121-1 du Code de
la santé publique. www.legifrance.gouv.fr. Journal officiel de la
République française N° 20 du 24 janvier 2004.
9. Gervelas C, Serandour AL. Direct lung delivery of a dry power
formulation of DTPA with improved aerozilation properties: effect
on lung and systemic decorporation of plutonium. Journal of
controled release 2007 ; 118 : 78-86.
10 Loi N° 2004-806 du 9 août 2004, relative à la politique de santé
publique. www.legifrance.gouv.fr. Journal officiel de la République
française N° 185 du 11.08.2004
11. Brochure d’information sur le Plan stratégique du Service de santé des
armées, Bureau de l’Information et de la communication du Service
de santé des armées, septembre 2006.
12. Mergelin F. Comment interpréter « l’absence de spécialité disponible
ou adaptée » dans le droit français des préparations à l’hôpital ? J.
Pharm Clin 2006 ; 25 : 17-21.
i. besse bardot
Mise au point
Décès chez les militaires français 2002-2005. Données issues
de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
G. Desjeux a, C. Balaire a, V. Thevenin-Garron a.
a Caisse nationale militaire de sécurité sociale DSM/VEP, 247 avenue Jacques Cartier – 83090 Toulon Cedex 09.
Article reçu le 26 juin 2007 ; accepté le 10 décembre 2008.
Résumé
L'objectif de cette étude est de connaître les taux de mortalité selon les caractéristiques démographiques des militaires et
leur mise en affection longue durée, afin d'identifier des priorités de santé. Méthode : l'ensemble des décès des militaires
en activité entre 2002 et 2005, ainsi que leurs affections longue durée, ont été recueillis par interrogation du Système
d’information de l’assurance maladie des services médicaux de la Caisse nationale militaire de sécurité Sociale. Les taux
de mortalité ont été calculés par tranche d'âge, par sexe, par année et selon la présence d’une affection longue durée.
Résultats : pour les quatre années étudiées, le nombre de décès est de 1 592 personnes, il s'agit principalement d'hommes
(95,5 %). La présence d'une affection longue durée (ALD) a été notée chez 494 militaires (31 %). Le taux de mortalité
en présence d'une ALD est de 7 500 p 100 000 personne-année. Le risque relatif (RR) de mortalité est de 21,5 en cas
d'ALD, il est significativement plus important chez les hommes (RR = 2,53) et augmente avec l'âge (RR = 1,01).
Conclusion : le suivi de la mortalité peut être réalisé à partir d'une base médico-administrative. Il peut être un
complément de la surveillance épidémiologique dans les armées mais trouverait utilement sa place lors de la constitution
d'un registre ou d'un suivi de cohorte.
Mots-clés : Affections longue durée. Décès. Militaire.
DEATHS IN FRENCH ARMY (2002-2005). DATA FROM “CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE”.
Abstract
The aim of this survey is to identify health priorities by analysing the mortality rates depending on working militaries
demographic characteristics and their put in and their registration as having a long terme disease. Methods: By
questioning the Health Fund database of the CNMSS’ Medical Department, all working militaries’ death between 2002
and 2 005 were collected. The gross mortality rates were calculated by age bracket, sex and year and according to the
presence of a long-term disease. Results: For the four years studied, the number of deaths was 1 592 people and mainly
men (95.5 %). We noticed a long-term disease for 494 military people (31 %). When there is a long-term disease, the
mortality rate is of 7 500 out of 100 000 per people a year and its relative risk (RR) is 21.5. It’s significantly more
important for men (RR = 2.53) and increases with age (RR = 1.01). Conclusion: Death rate follow up can be realised
from a medico-administrative base. It can be a useful complement of the epidemiological watch of the armies but would
usefully find its place in the creation of a register or a cohort follow up.
Keywords: Death. Long-term disease. Military personnel.
Introduction
L'ensemble des militaires d’active bénéficie d'une
assurance maladie obligatoire par la Caisse nationale
G. DESJEUX, médecin en chef, praticien certifié du SSA. C. BALAIRE, médecin
en chef. V. THEVENIN-GARRON, médecin en chef.
Correspondance : G. Desjeux, Caisse nationale militaire de sécurité sociale,
DSM/UESP 247 av. Jacques Cartier – 83090 Toulon Cedex 09.
Email : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 325-330
militaire de sécurité sociale (CNMSS) régime spécial
de l'Assurance maladie. À ce titre, les militaires sont
exonérés du ticket modérateur lorsqu'ils sont atteints
d'une affection comportant un traitement prolongé ou une
thérapeutique particulièrement coûteuse appartenant à la
liste définie par l'article L322-3 du Code de la sécurité
sociale. Les critères de prise en charge par l'Assurance
maladie du ticket modérateur pour ces affections font
l'objet actuellement de recommandations de la part de la
325
Haute Autorité de Santé (loi du 13 août 2004) et de
dispositions réglementaires récentes prenant en compte
les critères de gravité. L'ouverture des droits à cette
exonération est soumise à l'avis des médecins conseils des
services médicaux de la CNMSS.
Le suivi des affections longues durées (ALD) permet
d'élaborer des politiques de régulation des dépenses
de santé (1). Les conséquences médicales et sociales
des ALD sont au cœur des préoccupations de la santé
publique. Un des indicateurs de gravité d'une maladie
est sa létalité, décès causé par la maladie. En cas
d’affection chronique, le décès peut être favorisé par
cette affection, sans qu’elle en soit la cause. Ainsi, la
relation de cause à effet entre une maladie et le décès
n'est pas toujours établie. Seule, l'exploitation des
certificats médicaux de décès peut fournir des indications chiffrées sur cette relation. En France, le CépiDc
est l'organisme chargé de la statistique médicale des
décès dans la population française, malheureusement,
il ne collecte pas l'appartenance à un statut professionnel
particulier. Pour les armées, le suivi des causes médicales
est effectué par la surveillance épidémiologique dans
les armées. Mais, le caractère uniquement réglementaire
et non pas légal de ce recueil et son organisation
reposant exclusivement sur le praticien militaire en
limitent l’exhaustivité. Il en résulte des diff icultés
pour l'évaluation de la relation de cause à effet entre la
maladie et le décès au sein des armées.
Hormis la relation causale, les états morbides peuvent
être des facteurs favorisants des décès. De même, la
survenue d'un décès peut être considérée comme un
facteur de gravité de la maladie sans que l'on établisse un
lien direct entre le décès et la maladie. L'analyse des taux
de mortalité selon la composition des armées en âge et en
sexe mais également en fonction de la présence ou non
d'une affection chronique et coûteuse, peut aider les
décideurs à arbitrer entre différents programmes de santé
à mettre en place.
Le système d’information de l’assurance maladie
répertorie l’ensemble des décès chez ses affiliés, cet
évènement est traduit entre autres par la cessation des
droits à l’affiliation au régime d’assurance maladie. Il est
également informé des changements de régime
assurantiel du militaire : ouverture des droits, droits à la
retraite, maintien de droits après la cessation d’activité,
mise en invalidité. Il recense de plus les mises en ALD de
l’ensemble des militaires. Les circonstances du décès ne
sont pas connues. L'objectif de cette étude est de décrire
l'évolution entre 2002 et 2005 des taux de mortalité pour
les militaires d'active en fonction de la présence d'une
affection longue durée, à partir des données de la Caisse
nationale militaire de sécurité sociale.
Matériel et méthodes
Tous les décès survenus entre le 1er janvier 2002 et le
31 décembre 2005 chez les militaires d'active affiliés
à la CNMSS pendant cette période, ont été pris en
compte. Les personnes agées de plus de 60 ans ont été
exclues, car le changement de situation entre activité
et retraite n'est pas toujours précisément connu. Les
326
données concernant les effectifs par tranche d'âge de
5 ans, par sexe ainsi que les dates de décès et les
dates d'affiliation en tant que militaire d'active ont été
fournies par requête sur le système d’information de
l'Assurance maladie de la CNMSS.
La présence d'une affection longue durée provient
du logiciel « Hippocrate », système de recueil des services
médicaux de la CNMSS. Cette affection longue durée a
été prise en compte si l'assuré était exonéré du ticket
modérateur entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre
2005. Seules les affections appartenant à la liste des
30 affections (article L322-3 du Code de la sécurité
sociale) ont été prises en compte.
Dans un premier temps, une description univariée
et une analyse bivariée des variables recueillies ont
été pratiquées. Le décès étant une variable de type
dénombrement et un évènement rare : l’espérance
mathématique du nombre de décès est égale à la
moyenne. Un modèle de type Poisson a été d’abord
utilisé pour les analyses multivariées. Cependant
en raison d’une surdispersion (variance supérieure
à la moyenne) l’utilisation d’une régression binomiale
négative a été préférée pour le calcul des risques
relatifs bruts. Les différents modèles, du modèle complet
faisant intervenir toutes les variables recueillies
au modèle le plus simple ne comportant que la
constante, ont été comparés en prenant en compte le
rapport de vraisemblance de deux modèles emboîtés.
Pour les variables catégorielles, la variable de référence
est celle ayant le plus petit taux brut de mortalité.
Les interactions d’ordre 1, 2 et 3 ont été testées. Le seuil
de significativité des différents tests employés a été
fixé à 5 %, les données ont été exploitées avec le logiciel
stata version 6.
La durée d’exposition des militaires, qui est le concept
de personne-année (PA), permet de calculer le
dénominateur du taux de mortalité. Pour les militaires
en ALD, elle était considérée comme la durée exacte
du bénéfice de l’ALD, pendant la période d’activité
du militaire, qui était bornée soit par l’âge de 60 ans,
soit par le 1er janvier 2006, soit par la date de cessation
d’activité ou la date du décès. L’unité statistique était
le militaire, lorsque celui-ci bénéficiait de plusieurs
ALD. Pour les militaires sans ALD, elle était approximée
en utilisant la population moyenne entre le début et la
f in de chaque année, par sexe et par classe d’âge
des militaires d’active aff iliés à la CNMSS. Pour
améliorer l’exactitude de cette approximation, à
cette durée d’exposition a été retranchée la durée
d’exposition des militaires ayant une ALD, pour
chaque année, pour chaque sexe et pour chaque
catégorie d’âge. L'âge pris en compte dans l’étude
a été déf ini comme étant celui de l’assuré à la f in
de l'étude. Il s’agit donc de l'âge au moment du décès,
de l’âge lorsque l'assuré quitte le service actif, de l’âge
lorsqu'il atteint son 60 e anniversaire ou de l’âge au
1er janvier 2006.
Dans un deuxième temps, l'ensemble des taux de décès
par type d'ALD, selon l'âge et le sexe a été étudié, afin
d'avoir une description plus médicalisée des facteurs
favorisant le décès. Il a été décidé de procéder à la
séparation de certaines ALD, en entités cliniques plus
g. desjeux
appropriées. Ainsi, l'hémochromatose a été séparée de
l'ALD n° 17 (Maladies métaboliques héréditaires
nécessitant un traitement prolongé spécialisé), les
affections liées aux Virus de l'immunodéf icience
humaine (VIH) de l'ALD n° 7 (Déf icit immunitaire
primitif grave nécessitant un traitement prolongé et
infection par le VIH), la tuberculose de l'ALD n° 29
(Tuberculose active et lèpre), et l'épilepsie de l'ALD n° 9
(Formes graves des affections neurologiques et
musculaires (dont Myopathie), Épilepsie grave).
L'artériopathie chronique avec manifestations
ischémiques (ALD n° 3) a été séparée en trois entités : les
maladies cérébrovasculaires, l'athérosclérose et les
anévrismes et autres maladies vasculaires périphériques.
L'ALD n° 30 (Tumeur maligne, affection maligne du tissu
lymphatique ou hématopoïétique) a été séparée selon les
sous chapitres de la Classification Internationale des
Maladies dans sa 10e version. Chacune des demandes
d’ALD a été considérée indépendamment des autres
même si elles étaient attribuées pour un même militaire.
s’élevait chez les hommes à 7 800 p 100 000 PA. Le taux
brut de mortalité chez les personnes sans ALD était de
284 p 100 000. Pour la classe d'âge des 18-24 ans il
atteignait 322 p 100 000 PA, il diminuait par la suite
dans la classe d'âge des 30-34 ans (214 p 100 000 PA), puis
il augmentait régulièrement jusqu'à la dernière classe
d'âge où il atteignait 773 p 100 000 PA. Le taux brut de
mortalité sans ALD était de 314 p 100 000 PA chez les
hommes et de 83 p 100 000 PA chez les femmes. Au cours
des quatre années de l’étude, le taux brut de mortalité
s’élevait de 107 p 100 000 PA en 2002 à 110 p 100 000 PA
en 2003, avant de diminuer les deux années suivantes et se
maintenir à 94 p 100 000 PA.
La régression binomiale négative (tab. III) montrait
que le risque relatif brut de décès lorsque l’on avait une
ALD était de 25,4 avec un intervalle de confiance à 95 %
(IC 95 %) entre 20 et 32,4. Ce risque était de 2,35
(IC 95 % : 1,18-4,69) lorsque l'on était un homme.
L’ajustement du modèle montrait que les individus ayant
une ALD avait un risque relatif très important de décès, en
tenant compte des autres variables. Après ajustement,
Résultats
Pendant la période de l'étude, 1 592 personnes étaient
décédées (tab. I). Il s'agissait principalement d'hommes
(95,5 %). L'âge moyen au moment du décès (37,4 ±
11,8 ans) n'était pas différent selon le sexe (p = 0,06)
et l'année (p = 0,50). La présence d'une affection longue
durée au moment du décès était notée chez 494 militaires
(31 %). Les militaires décédés avec une ALD étaient
essentiellement des hommes (93,9 %). L'âge moyen
des militaires en ALD au moment du décès était de
46,3 ± 8,5 ans, il n'était pas différent selon le sexe
(p = 0,053) ou l'année (0,38).
Le taux brut global de mortalité était de 405 p
100 000 PA. Le taux brut de mortalité était chez les
personnes en ALD de 7 500 p 100 000 PA. En fonction de
la classe d’âge, le taux brut de mortalité variait pour ces
sujets entre 12 414 p 100 000 PA dans la classe d'âge
18-24 ans et 3 811 p 100 000 PA dans la classe d’âge des
35-39 ans (tab. II). Chez les femmes ayant une ALD, le
taux de mortalité était de 5 100 p 100 000 PA, le taux
Tableau II. Taux de mortalité chez les militaires en fonction de la présence
d'une Affection longue durée (2002-2005).
Intervalle
de confiance à
95 %
p 100 000 Pa
Nombre
de décès
Taux
d’incidence
p 100 000 Pa
Inférieur à 25 ans
335
322
289
359
De 25 à 29 ans
180
215
185
249
De 30 à 34 ans
140
214
180
253
De 35 à 39 ans
119
245
203
294
De 40 à 44 ans
106
278
228
337
De 45 à 49 ans
113
398
328
479
De 50 à 54 ans
88
554
444
682
De 55 à 59 ans
17
773
450
Classe d’âge
Militaire sans ALD
Tableau I. Données générales des décès chez les militaires d'active (2002-2005).
Homme
Femme
Total
Année de décès
2002
396
12
408
2003
410
21
431
2004
349
23
372
1 237
Militaire ayant une ALD
Inférieur à 25 ans
18
12 414
7 359
19 619
De 25 à 29 ans
16
4 507
2 577
7 319
De 30 à 34 ans
28
4 991
3 317
7 213
De 35 à 39 ans
29
3 811
2 553
5 473
De 40 à 44 ans
57
5 429
4 112
7 033
De 45 à 49 ans
150
10 381
8 786
12 181
2 005
366
15
381
Age moyen (± SD)
37,5 ± 11,8
34,8 ± 11,7
37,4 ± 11,8
De 50 à 54 ans
163
9 988
8 513
11 644
Présence d'une ALD
464
30
494
De 55 à 59 ans
33
5 340
3 677
7 499
décès chez les militaires français 2002-2005. données issues de la caisse nationale militaire de sécurité sociale
327
Tableau III. Aanalyse multivariée des facteurs de décès chez les militaires (2002-2005).
Facteurs
Modèle brut
Modèle ajusté
RR Brut
IC 95 % du RR brut
p
RR ajusté
IC 95 % du RR ajusté
p
Moins de 25 ans
1,43
0,54 - 3,79
0,47
25-29 ans
0,46
0,18 – 1,23
0,12
0,64
0,54 – 0,76
< 0,001
30-34 ans
0,61
0,24 – 1,55
0,30
0,62
0,52 – 0,75
< 0,001
35-39 ans
0,64
0,25 – 1,66
0,36
0,65
0,54 – 0,79
< 0,001
40-44 ans
0,73
0,30 – 1,76
0,48
0,77
0,64 – 0,92
< 0,001
45-49 ans
1, 41
0,61 – 3,28
0,42
1,26
1,07 – 1,49
< 0,001
50-54 ans
2,17
0,91 – 5,18
0,08
1,42
1,20 – 1,68
< 0,001
Plus de 55 ans
0,91
0,35 – 2,40
0,85
Année du décès
0,97
0,74 – 1,28
0,84
Présence d'une ALD
25,4
20,0 – 32,4
< 0,001
19,25
17,1 – 21,7
< 0,001
Sexe (Masculin)
2,35
1,18 – 4,69
0,01
Femme en ALD
0,02
0,01 – 0,04
< 0,001
0,27
0,20 – 0,37
< 0,001
Homme*âge
1,07
0,99 – 1,14
0,076
Age
RR : risque relatif, IC 95 % : intervalle de confiance à 95 %, ALD : affection longue durée, p : significativité du test
Test du Rapport de vraisemblance (modèle ajusté vs modèle supérieur) : 3,88 à 1 ddl
l’âge n’a pas une relation linéaire avec le décès : le risque
relatif était important et s’élevait avec l’âge pour les
individus de 45 à 54 ans, alors que ce risque relatif était
plus faible pour les tranches d’âge de 25 à 39 ans. En outre,
il existait une interaction entre le sexe et la présence d’une
ALD : le risque relatif de décès était moins important chez
les femmes ayant une ALD.
Les pourcentages de décès par affection (tab. IV) ne
prenaient pas en compte le lien physiopathologique
éventuel entre une ou plusieurs exonérations. Ainsi, la
prise en charge d’une athérosclérose peut entraîner le
bénéfice de plusieurs ALD selon les manifestations
cliniques (Accident vasculaire, artériopathie chronique
des membres inférieurs, infarctus du myocarde).
L’ensemble des personnes ayant une ALD pour affections
tumorales avait une fréquence de décès de 15,1 %. Selon
le codage de la localisation, cette fréquence variait : les
tumeurs de l'appareil respiratoire avaient le plus lourd
tribut en matière de décès, en contrepartie, les tumeurs de
« la thyroïde et des autres glandes endocrines » ou les
tumeurs des « organes génitaux externes de l'homme »
avaient un faible pourcentage de décès, respectivement
1,5 % et 1,2 %. Hormis les affections tumorales, les deux
plus forts pourcentages de décès étaient les ALD n° 9
modifiées « Formes graves des affections neurologiques
et musculaires (dont Myopathie) exceptée les épilepsies
graves » et les ALD n° 6 « Maladies chroniques actives
du foie et cirrhoses » respectivement 8,1 % et 4,5 %.
Pour les militaires décédés avant 25 ans (n = 353), on
dénombrait 18 décès chez les personnes en ALD ; il
s'agissait principalement de personnes ayant une
tumeur (n = 15) dont quatre affections tumorales
hématologiques. Pour les sujets, âgés de plus de
328
50 ans, parmi les 301 personnes décédées, 196 étaient
exonérées pour une affection longue durée dont 155
pour une affection tumorale.
Discussion
Cette étude a montré que la présence d’une ALD est liée
à un risque relatif de décès plus important. Ce risque varie
avec l'âge, ce qui peut être dû à l'effet du travailleur sain (2).
Ce phénomène est la traduction de la sélection par
l'employeur de personnes en bonne santé pour accomplir
leur profession. Ainsi pour les armées, il peut s'agir du non
renouvellement de contrats chez les plus jeunes.
Cependant, il pourrait aussi y avoir un phénomène
paradoxal de sujets restant dans les armées en raison
d'affections invalidantes ne leur permettant pas de
retrouver un autre emploi ; il s'agirait peut-être dans ce cas
de sujets plus âgés et militaires de carrière. Par ailleurs,
cette étude a montré que chez les plus jeunes, âgés de
moins de 25 ans, la présence d'une ALD entraîne un risque
relatif élevé de décès par rapport aux individus âgés de 25
à 35 ans. Des études complémentaires devraient être
entreprises pour qualifier le lien entre l'ALD et le décès
ainsi que la particulière gravité de l'affection chez les
jeunes militaires. De plus, le délai entre l'incorporation au
sein des armées et l'attribution d'une ALD serait un
indicateur intéressant pour le suivi à la fois de la qualité de
la sélection et de l'attribution de l'ALD.
La pathologie respiratoire tumorale maligne est l'ALD
la plus représentée en pourcentage de décès. Il s'agit au
niveau national de la principale cause de décès évitable
(3). Le renforcement des actions de lutte contre le
tabagisme au niveau national tend à supprimer l'un des
g. desjeux
Tableau IV. Pourcentage de décès entre 2002 et 2005 par demande d'affections longue durée chez les militaires.
Libellé de l'affection longue durée (ALD)
TM organes respiratoires et intrathoraciquesgraves
TM de sièges mal définis, secondaires et non précisées
TM oeil, cerveau et autres parties du système nerveux central
TM organes digestifs
TM lèvre, cavité buccale et pharynx
TM tissu mésothélial et tissus mous
TM voies urinaires
TM des tissus lymphoïdes hématopoïétiques et apparentés
TM os et cartilage articulaire
TM organes génitaux de la femme
Formes graves des affections neurologiques et musculaires
TM peau
TM sein
TM autre
Maladies chroniques actives du foie et cirrhoses
Insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves, cardiopathies congénitales graves
Épilepsie grave
Autres ALD
Insuffisance respiratoire chronique grave
Anévrismes et autres maladies vasculaires périphériques
Affections psychiatriques de longue durée
Accident vasculaire cérébral invalidant
Hémophilie et affections constitutionnelles de l'hémostase graves
Maladie coronaire
Périartérite noueuse, Lupus érythémateux aigu disséminé, Sclérodermie généralisée évolutive
Affections à Virus de l’Immunodéficience Humaine
Polyarthrite rhumatoïde évolutive grave
Paraplégie
TM Thyroïde et autres glandes endocrines
Hypertension artérielle sévère
Diabète de type 1 et diabète de type 2
Athérosclérose
TM organes génitaux de l'homme
Néphropathie chronique grave et syndrome néphrotique primitif
Hémochromatose
Sclérose en plaques
Spondylarthrite ankylosante grave
Maladie de Crohn et Rectocolite hémorragique évolutives
Tuberculose active
Tuberculose active
n
%
Intervalle de confiance à
95 %
118
9
25
74
34
9
22
40
3
3
10
11
11
8
16
18
3
5
5
2
29
7
1
27
1
3
1
3
13
25
4
7
1
1
1
1
1
1
0
0
44,7
34,6
23,4
23,1
21,1
17,3
11,2
9,4
8,6
8,1
8,1
7,0
6,4
5,8
4,5
4,2
3,7
3,4
3,3
3,1
2,7
2,7
2,1
1,9
1,9
1,8
1,8
1,6
1,5
1,5
1,5
1,3
1,2
0,8
0,7
0,5
0,3
0,2
0,0
0,0
[38,6 - 50,9]
[38,6 - 50,9]
[15,7 - 32,5]
[18,6 - 28,1]
[15,1 - 28,2]
[8,2 - 30,3]
[7,1 - 16,4]
[6,8 - 12,5]
[1,8 - 23,1]
[1,7 - 21,9]
[3,9 - 14,3]
[3,5 - 12,1]
[3,3 - 11,2]
[2,5 - 11,0]
[2,6 - 7,3]
[2,5 - 6,6]
[0,8 - 10,4]
[1,1 - 7,8]
[1,1 - 7,5]
[0,4 - 10,7]
[1,8 - 3,8]
[1,1 - 5,4]
[0,1 - 11,3]
[1,3 - 2,7]
[0,0 - 10,1]
[0,7 - 3,7]
[0,4 - 5,2]
[0,0 - 8,7]
[0,3 - 4,4]
[0,8 - 2,6]
[1,0 - 2,2]
[0,4 - 3,3]
[0,5 - 2,4]
[0,0 - 4,1]
[0,0 - 3,9]
[0,0 - 2,8]
[0,0 - 1,8]
[0,0 - 0,9]
[0,0 - 7,3]
[0,0 - 6,8]
TM : tumeur maligne
facteurs causals essentiels de cette affection.
Conjointement, la CNMSS développe des actions de
sevrage tabagique dans le cadre de son action de
prévention et de la participation à la campagne nationale.
Le fait que la « pathologie tumorale non précisée » soit
très représentée en termes de décès, est certainement lié
au délai de déclaration et à la gravité de la pathologie. Le
médecin déclare une ALD sans avoir tous les éléments
diagnostiques, le codage est alors peu précis ; l'évolution
rapide de l'affection ne modifiant pas la prise en charge
f inancière, le médecin conseil ne demande pas de
précision complémentaire.
La comparaison avec les données de la surveillance
épidémiologique dans les armées (4,5) montre une
différence de 100 décès annuels environ, avec une
sous déclaration probable de la surveillance épidémiologique dans les armées et une sur déclaration
probable de la CNMSS, liée à l'absence exhaustive
du changement de catégorie entre le service actif et
la retraite dans la base de données de la CNMSS et à
la prise en compte de situations particulière de certains
militaires d’active. Pour les armées, l'ensemble des
pathologies tumorales était la première cause de décès
par maladie. Ceci est conforté par l'étude conduite
qui a montré que les pathologies tumorales ont les
taux de mortalité les plus élevées.
La CNMSS ne recueille pas les circonstances du décès :
les suicides, accidents de la circulation et autres morts
traumatiques ne sont pas prises en compte. La part
relative de certaines affections est ainsi surestimée.
Cependant, la certification d'un décès étant un problème
complexe (6,7), la surveillance épidémiologique des
armées ne peut être également totalement garante de la
qualité de l’information médicale. En outre, cette
surveillance est seulement réglementaire (elle n’a aucune
conséquence administrative pour le militaire) et repose
sur les praticiens militaires qui ne sont pas forcément les
rédacteurs du certif icat de décès. Le délai entre la
déclaration d'une ALD et le début de la maladie peut être
long pour certaines affections chroniques, d’autant plus
qu’elles sont peu génératrices de soins coûteux au départ.
C’est pourquoi la causalité du décès sera plus facilement
établie par le médecin certificateur, dès la connaissance
du début de l'affection, alors que la demande d’ALD
n’aura pas été encore formulée par le médecin traitant. De
même, certaines affections graves, entraînant un décès
rapide avec une consommation de soins importante mais
décès chez les militaires français 2002-2005. données issues de la caisse nationale militaire de sécurité sociale
329
sur une courte durée, n'impliquent pas une demande
systématique d'admission en ALD.
Dans cette étude, lorsque l'analyse s'intéresse à la
description médicale des ALD et de leur lien avec le
décès, plusieurs difficultés apparaissent. Tout d'abord,
plusieurs demandes peuvent survenir chez un même
assuré : du fait de l'évolution de la maladie (cirrhose du
foie et cancer), d’un facteur de risque associé fréquent
(Hypertension artérielle et diabète de type 2) ou d’une
complication (insuffisance cardiaque et insuffisance
respiratoire chronique). Ainsi certaines affections longue
durée sont le plus souvent associées à d’autres, sans que
ce type d'association soit systématisé. Ensuite, avant
2006, une ALD pouvait être accordée sans date
d'expiration, ce qui avait pour effet de couvrir une grande
partie des frais médicaux et n'obligeait pas le médecin à
formuler une nouvelle demande d'ALD en cas de
modifications de l'état de santé ouvrant droit à une autre
exonération du ticket modérateur. Ainsi, la mise à jour de
l’ALD survenait lors d’une rencontre entre le patient et le
médecin consécutive à la survenue d'un événement non
couvert par l'exonération déjà enregistrée ou nécessitant
des biens de santé spécifiques. C’est pourquoi l'évolution
de l'affection clinique n'a que peu de lien temporel avec la
demande de prise en charge financière de cette affection.
L'utilisation de base de données administratives
connaît un regain d'attention actuellement (8, 9).
Leurs attraits principaux sont leur exhaustivité quant
à leurs éléments constitutifs parce qu'elles sont le
plus souvent à caractère financier et que les événements
les constituant sont réglementés avec des contentieux
possibles. Pour la recherche en épidémiologie, ces
bases de données, comportant plusieurs millions
d’enregistrements, sont principalement utilisées pour
cibler des personnes répondant à certains critères en
vue de compléter des registres (10) ou des cohortes (11)
afin d'en améliorer la qualité.
Conclusion
Afin de pouvoir répondre à des questions portant sur
des phénomènes perçus d'excès de mortalité (12), sur des
phénomènes comme les cancers liés à des expositions
professionnelles (13,14), ou de pouvoir quantifier les
conséquences médico-sociales des cardiopathies (15),
seules la constitution de registres ou le suivi de cohortes
permettent dans un milieu professionnel d'aider les
décideurs à lancer des programmes de protection de leurs
ressortissants ou de pouvoir répondre à des interrogations
du public ou de leurs employés. L'interrogation des bases
médico-administratives de la CNMSS, permet de mettre
en évidence d'éventuels problèmes de santé liés à
l'activité professionnelle, mais elle devient peu
performante pour répondre à d'autres problématiques
entrant dans le cadre de la veille sanitaire (16).
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Weill A, Vallier N, Salanave B, Bourrel R, Cayla M, Suarez C et al.
Fréquence des trente affections de longue durée pour les bénéficiaires
du Régime général de l'Assurance maladie en 2004. Prat Organ Soins
2006 ; 37 (3) : 173-88.
2. Siebert U, Rothenbacher D, Daniel U, Brenner H. Demonstration of
the healthy worker survivor effect in a cohort of workers in the
construction industry. Occup Environ Med 2001 ; 58 : 774-9.
3. Pequignot F, Le Toullec A, Bovet M, Jougla E. La mortalité
« évitable » liée aux comportements à risque, une priorité de santé
publique en France. BEH 2003 ; 30-31 : 139-41.
4. Haus-Cheymol R, Verret C, Richard V, Decam C, Boussaud M, Balaire C
et al. Décès dans les armées. Résultats de la surveillance épidémiologique
2002-2004. Rapport n° 769/EDVG/DESPN du 26 octobre 2005.
5. Haus-Cheymol R, Mayet A, Berger F, Deparis X, Romand O, Todesco A
et al. Décès dans les armées. Résultats de la surveillance épidémiologique
2003-2005. Rapport n° 332/EDVG/DESPN du 13 juin 2006.
6. Pavillon G, Laurent F. Certification et codification des causes
médicales de décès. BEH 2003 ; 30-31 : 134-8.
7. Marchand JL, Imbernon E, Goldberg M. Causes de décès dans une
cohorte de travailleurs EDF-GDF: comparaison des données de la
médecine du travail et de la statistique nationale. Rev Épidemiol Sante
Pub 2003 ; 51 : 469-80.
8. Goldberg M. Les bases de données d'origine administrative peuventelles être utiles pour l'épidémiologie. Rev Epidemiol Sante Pub 2006 ;
54 : 297-303.
9. Desjeux G, Matton T, Galoisy-Guibal L. Utilisation du PMSI à des
330
10.
11.
12.
13.
14.
15.
16.
fins épidémiologiques dans les armées. Médecine et Armées 2004 ; 32
(4) : 353-9.
Geoffroy-Perez B, Imbernon E, Gilg Soit Ilg A, Goldberg M.
Confrontation des données du Programme national de surveillance du
mésothéliome et du Programme de Médicalisation du Système
d'Information. Rev Epidemiol Sante Pub 2006 ; 54 : 475-83.
Marchand JL, Imbernon E, Goldberg M. Analyse de la mortalité
générale et par cancer des travailleurs et ex-travailleurs d'Electricité
de France - Gaz de France. St Maurice : Institut de Veille Sanitaire ;
2005 : 79 p.
Buisson C, Bourgkard E, Goldberg M, Imbernon E. Surveillance
épidémiologique de la mortalité et investigation d'agrégats spatiotemporels en entreprise. Saint Maurice : Institut de Veille Sanitaire ;
2004 : 40 p.
Gros H, Chevalier A, Carrie E, Lahon G. Epidemiological surveillance at
Electricité de France - Gaz de France: health assessment of nuclear power
plant employees between 1993 and 1998. Occup Med 2002; 52: 35-44.
Valenty M, Tirmarche M, Mitton N, Laurier D, Gelas JM. Causes des
décès des travailleurs actifs de la COGEMA, 1980-1955. Rev
Épidemiol Sante Pub 2003 ; 51 : 461-8.
Chevalier A, Zins M, Godard C, Morin J, Jourdain V, François F et al.
Un registre des cardiopathies ischémiques chez les salariés en activité
d'EDF et Gaz de France. Mise en place et premiers résultats. Rev
Épidemiol et Sante Pub 2001 ; 49 : 51-60.
Girard JF. Expertise et évaluation de la veille sanitaire en France. Rev
Épidemiol et Sante Pub 2006 ; 54 : 473-4.
g. desjeux
Pratique médico-militaire
De l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des
médecins légistes militaires.
C. Agostinia, Y. Schuliar b.
a Centre médical principal de la région de Gendarmerie de Champagne-Ardenne, BP 1008 – 51 022 Chalons en Champagne Cedex.
b Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, 1 boulevard Téhéophile Sueur – 93 111 Rosny sous bois.
Article reçu le 5 septembre 2008, accepté le 25 juin 2009.
Résumé
Discipline transversale, liant la médecine et le droit, la médecine légale possède différents domaines d’activités. Cet article
propose d’étudier les possibilités qu’elle pourrait offrir au sein de l’institution militaire française si elle y était développée.
L’armée américaine dispose du système de médecine légale militaire le plus développé au monde avec de nombreuses
ramifications à partir du socle de base qu’est l’Armed Forces Institute of Pathology (AFIP). En France, c’est l’Institut de
recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) qui constitue déjà un socle militaire avec ses personnels, ses
laboratoires et ses activités. Les champs d’application sont vastes : médecine légale clinique et thanatologique au profit des
personnels civils et militaires, amélioration de la certification de la mort, recherches pour la défense etc. Les auteurs
évoquent la possibilité de créer un réseau médico-légal militaire plus vaste, en partant du socle de l’IRCGN et en
l’étendant aux hôpitaux militaires. Intégrant les médecins légistes d’active et de réserve et les médecins militaires qualifiés
en réparation juridique du dommage corporel. Cet ensemble permettrait de lancer de façon fiable et solide la médecine
légale aux armées tout en ayant une collaboration étroite avec les réseaux civils au sein d’un contrat Armée-Nation. Les
armées contribueraient également à l’effort nécessaire pour dynamiser la discipline médico-légale en France.
Mots-clés: Fédération de médecine légale militaire. Forces armées. Investigations des décès dans les armées. Médecine légale.
HOW USEFUL ARE MILITARY FORENSIC SURGEONS FOR THE FRENCH ARMED FORCES.
Abstract
A cross discipline, linking medicine and law, forensic medicine has mastered various fields. This article aims at studying
the possibilities it could offer within the French military institution if developed. The American Armed Forces has the
worldwide most developed military system of Forensic medicine with many ramifications starting from the base i.e. the
Armed Forces Institute of Pathology (AFIP). In France the Criminal Research Institute of the Gendarmerie (IRCGN)
constitutes already a military base with its staff its laboratories and activities. The applications are extensive: clinical and
lethal forensic medicine for the benefit of the civilian and military personnel, enhancing death certifications, defense
research etc. The authors bring up the possibility of creating a wider forensic military system on the basis of the IRCGN
and extending it to the military hospitals integrating the regular and reserve military physicians and the military
physicians qualified in lawful body damage compensation. This entity would enable Forensic medicine in the Armed
Forces to be launched in a solid and reliable way, while having a close collaboration with the civilian networks within
an Armed Forces-Nation contract. The Armied Forces would also contribute to the required effort to boost the Forensic
discipline in France.
Keywords: Armed Forces. Investigation of Death. Legal Medicine. Military Forensic Medicine Federation.
C. AGOSTINI, médecin en chef, médecin légiste, médecin chef de la Région de
Gendarmerie Champagne-Ardenne. Y. SCHULIAR, médecin en chef, sous-directeur
scientifique de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale,
praticien certifié du Service de santé des armées, médecin légiste, expert national.
Correspondance : C. AGOSTINI, Centre médical principal de la région
de Gendarmerie de Champagne-Ardenne, BP 1008, 51 022 Chalons en
Champagne Cedex.
Email : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 331-339
« Il faut faire parler les silences de l’histoire, ces
terribles points d’orgue, où elle ne dit plus rien et qui sont
justement ses accents les plus tragiques. Alors seulement
les morts se résignent au sépulcre. »
Jules Michelet (Citation extraite d’une étude littéraire
sur la Grande Guerre, la grande guerre mort et écriture
(PUF, 2001).
331
Introduction
Les forces armées sont, par essence, familiarisées avec
la violence. L’armée française a été, à de nombreuses
reprises, engagée dans des opérations de guerre, de
maintien de la paix ou de rétablissement de l’ordre qui
l’ont confrontée avec des formes variées et souvent
atroces de violences. Nous avons voulu réfléchir, dans ce
travail, à la manière dont la médecine légale, médecine de
la violence, pourrait améliorer sa place dans l’institution
militaire française. Il ne fait aucun doute que de disposer
d’un ensemble de personnels travaillant sur ces questions
serait un atout majeur pour les différents commandements
et pour les systèmes judiciaires civils ou militaires.
Bref historique
C’est lors des campagnes napoléoniennes que l’on
retrouve un des premiers témoignages médico-légal
militaire (1). En 1813 eurent lieu les batailles de Lützen et
Bautzen lors de la campagne de Saxe. Parmi les nombreux
blessés, une grande proportion se serait automutilée pour
échapper au service. On fit regrouper dans un camp situé
à l’extérieur de la ville plus de 2000 de ces blessés. C’est
Dominique Larrey qui fut chargé avec d’autres confrères
de l’expertise médico-légale de ces blessés.
Pendant la grande guerre, l’armée française disposait
de centres médico-légaux. Ils étaient implantés au sein
des grands quartiers généraux. Leur tâche consistait à
expertiser et à mener des recherches dans le domaine de
lésions d’un nouveau genre pour l’époque : les lésions par
armes chimiques, et ils réalisaient les expertises médicolégales nécessaires pour les forces armées engagées sur
les fronts (2). Rappelons aussi que l’École du Val-deGrâce disposait d’une chair d’enseignement de la
discipline médico-légale (3).
La prise en compte des problèmes
médico-légaux dans les armées
L’exemple de l’armée américaine
Les États-Unis possèdent certainement le système
médico-légal militaire le plus abouti. Depuis 1862
existe l’Armed forces institute of pathology (AFIP)
(4), organisation civilo-militaire aux multiples missions.
Cet institut reçoit toutes les demandes d’avis sur
des problèmes anatomopathologiques civils ou
militaires. C’est une gigantesque base de données
pour les pathologistes et une source d’éducation
considérable qui possède une collection de tissus qui
est probablement la plus vaste au monde. L’AFIP
a développé depuis 1988 l’Armed forces medical
examiner system (AFMES) (5) qui est un organisme du
département de la défense s’occupant des investigations
médico-légales. L’AFME a autorité pour demander
des investigations médico-légales au sein des
armées lorsque les circonstances sont suspectes,
inexpliquées, inattendues :
– morts non naturelles ou violentes ;
332
– mort directement ou apparemment en relation avec le
travail ou la fonction du défunt ;
– mort en relation avec un accident de transport ;
– mort inattendue, non causée par un processus
pathologique connu ;
– mort en relation avec une pathologie qui pourrait
constituer un problème de santé publique ;
– mort en détention ;
– mort d’un membre d’équipage d’aéronef ou de
navire ;
– quand le chef de service d’une structure de soins
militaire le sollicite ;
– quand l’investigation médicolégale est rendue
nécessaire par des raisons de sécurité nationale ou de
sécurité des forces armées.
Tous les cas bénéficient d’un certificat de décès qui sera
la référence pour la certification de la mort.
L’armée française
La seule unité médico-légale militaire française en
activité se trouve au sein de l’Institut de recherche
criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN) qui a
été créé au début des années 90. Ses activités sont connues
nous ne les développerons pas ici.
Rôle et importance des investigations
médico-légales de la mort dans le
milieu militaire
Qu’il soit civil ou militaire, le médecin légiste exécute
son travail conformément aux textes législatifs et
réglementaires en vigueur : Code de procédure pénale,
Code pénal, code civil, Code de la santé publique
auxquels on peut ajouter dans certaines circonstances le
Code de la justice militaire. Il n’existe pas de textes
spécif iques à l’autopsie. Il faut se tourner vers une
recommandation du Conseil de l’Europe R 99 (3) du
2 février 1999 (6) pour avoir un texte de référence sur le
sujet. Celui ci énonce des règles de bonnes pratiques qui
devraient être suivies par les médecins légistes et les
autorités requérantes dans l’union européenne pour les
morts apparemment non-naturelles.
Ainsi, en cas de décès qui pourrait être dû à une cause
non naturelle, l’autorité compétente, accompagnée
d’un ou de plusieurs médecins légistes, devrait procéder
à l’examen des lieux et du cadavre, et décider si une
autopsie s’avère nécessaire. Les autopsies devraient
être réalisées dans tous les cas de mort non naturelle
évidente ou suspectée, quel que soit le délai entre
l’événement responsable de la mort et la mort elle-même,
en particulier dans les cas suivants : homicide ou
suspicion ; mort subite inattendue ; violation des droits de
l’homme ; suicide ou suspicion de suicide ; suspicion de
faute médicale ; accident de transport, de travail ou
domestique ; maladie professionnelle ; catastrophe
naturelle ou technologique ; décès en détention ou associé
à des actions de police ou militaires ; corps non identifié
ou restes squelettiques.
c. agostini
Accidents de transport (aérien et maritime)
Domaine aérien.
La France a déploré sur la période 2002 à 2006, 24 décès
par accidents aériens en service. Le facteur humain est
souvent cité comme la cause principale.
Le médecin légiste pourra fournir des informations
dans différents domaines :
– l’identif ication : elle pourra se faire grâce à
l’utilisation de plusieurs techniques : génétique,
odontologie, empreintes digitales, radiographies,
autopsies, examens anthropologiques. C’est un travail
pluridisciplinaire ;
– les causes et les circonstances du décès : cette
question là revêt plusieurs aspects et concerne
essentiellement l’équipage ;
– aspect toxicologique : toute autopsie doit permettre
les prélèvements de l’ensemble des substrats pour
effectuer l’expertise toxicologique. Dans le cas des
accidents aériens le but est de rechercher une substance
qui aurait pu modifier l’état physique ou mental du pilote
ou de préciser si la victime a subi un incendie ayant
entrainé son décès (7) ;
– aspect lésionnel : L’analyse lésionnelle va permettre
d’aider à la compréhension des phases de l’accident
en apportant des éléments fondamentaux aux enquêteurs. L’équipage se trouve en relation avec un
environnement de travail sur lequel il agit pour piloter
l’aéronef et, en cas d’accident cet environnement va
agir sur l’équipage et entrainer des lésions particulières
qui peuvent être d’un grand intérêt à condition qu’elles
soient interprétées en parallèle avec les autres éléments
de l’enquête. L’autopsie va s’attacher à rechercher
également toutes les lésions traumatiques liées au
crash (explosion, projection de débris), et va permettre
de préciser les causes possibles de mort associées :
plaies par projectile d’arme à feu, incendie, noyade,
hypo ou hyperthermie, incident de décompression,
hypoxie (asphyxie) ;
– antériorité : L’autopsie doit tenter de préciser si le
pilote avait une pathologie qui aurait décompensé au
moment du vol et ainsi entrainé l’accident, en particulier
les pathologies cardiaques (8).
Domaine maritime.
Les accidents maritimes posent le problème des
investigations médico-légales avec une dimension toute
particulière, le milieu marin étant un milieu hostile
d’exploration difficile.
Le 9 février 2001 une collision en mer eut lieu au
large d’Hawaï, entre un bateau de pêche japonais
l’Ehime Maru et l’USS Greenville, un sous-marin
d’attaque américain. L’Ehime Maru avait à son bord
35 personnes (9). La collision était due à une manœuvre
de remontée rapide du sous-marin US. Dans cette
affaire, les autorités japonaises exigèrent la récupération des corps des victimes. Les restes humains
furent retrouvés sur une période de 20 jours à compter
d’octobre 2001, ils furent identif iés uniquement
grâce à l’odontologie. Il est intéressant de savoir que
de l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des médecins légistes militaires
les évolutions post-mortem étaient variables en
fonction du site de découverte des corps (cabines,
local machine etc…). Il a pu être déterminé, pour un
premier groupe de corps, que le mécanisme de mort
avait été la noyade mais il n’a pas été possible de le
préciser pour une autre partie du fait de la squelettisation des restes.
Collision, explosion d’armement, terrorisme (comme
l’USS Cole) sont autant de situations qui amènent à poser
des questions auxquelles il faut répondre avec une
efficacité qui ne souffre pas d’approximations. Il existe
un bureau enquêtes accidents mer, civil et des protocoles
existent entre la gendarmerie et ce dernier. Il serait
intéressant de développer une démarche identique avec
la Marine nationale.
Le médecin légiste et la guerre
En situation de guerre, les décès peuvent être liés au
combat ou non. Il est important de pouvoir expertiser
correctement ces décès lorsqu’ils surviennent car leur
analyse permet de tirer de riches enseignements. Ce sont
les armées américaines et israéliennes qui détiennent
une des meilleures expériences de ces morts au combat
et à la périphérie des combats.
Une étude sur les causes de mort des forces spéciales
américaines sur une période allant de 2001 à 2004
a été réalisée (10). Les médecins légistes de l’AFME
en association avec des urgentistes et des chirurgiens
militaires ont revu l’ensemble des documents médicaux
(rapports médicaux de prise en charge des victimes,
rapports autopsiques) des membres des forces spéciales
décédés sur l’ensemble des théâtres militaires à travers
le monde. Tous les soldats américains morts au combat
(et retrouvés) ont été transportés sur la base américaine
de Dover où ils ont été systématiquement autopsiés.
Sur les 77 décès constatés, 19 ne sont pas liés aux
opérations de combat, 58 sont liés aux combats. Suite
à cette étude, des propositions ont été faites pour mettre
en place une stratégie visant à l’amélioration de
l’équipement des soldats, de leur entrainement ainsi
que de la chaîne de prise en charge du blessé de guerre.
Nous ne sommes pas ici dans un processus de
raisonnement judiciaire, les investigations sur la
mort doivent permettre d’aider le commandement dans
la compréhension des événements ayant entrainé le
décès de ses soldats.
À la fin de la guerre du Golfe en 1990, les autorités
américaines considérèrent l’opération comme un succès
du fait du nombre relativement faible de pertes humaines :
au total 271 décès. L’office AFME a travaillé durant
cette période et a réalisé les autopsies de ces militaires
de janvier à avril 1991 (11). Sur les 271 décès : 54 %
étaient liés directement aux combats et 46 % étaient dues
à des causes en dehors du combat. Sur les circonstances
de la mort, on retrouve 83 % d’accidents, 4 % de suicides,
3 % d’homicides, 8 % de morts naturelles, 2 % restent
indéterminées.
Malgré la guerre, des investigations médico-légales
sont systématiquement réalisées par l’armée américaine. L’identification des soldats décédés, l’analyse
lésionnelle, l’étude balistique pour les projectiles d’arme
333
à feu ou les explosions d’engins, voilà autant d’intérêts
pour les forces armées sur lesquels le travail du
médecin légiste militaire va apporter un éclairage tout
à fait intéressant.
Catastrophes, désastres de masse
Le 23 octobre 1983 fut un terrible jour pour les forces
françaises et américaines engagées au Liban pour une
opération de maintien de la paix (12) : un total de 58 décès
côté français et 241 côté américain furent déplorés suite à
cet attentat majeur. Des événements comme celui-ci
entraînent une investigation médico-légale de grande
ampleur nécessitant des personnels compétents et
nombreux pour travailler en pluridisciplinarité.
Restes squelettiques non identifiés et
anthropologie médico-légale appliquée aux
armées
Il peut arriver qu’un ancien champ de bataille ne soit
pas accessible pendant de longues périodes (cas du
Vietnam par exemple). Des soldats peuvent y avoir
été portés disparus. C’est sans nul doute le domaine où les
techniques anthropologiques vont permettre d’identifier
les victimes. Stewart, en 1948, a répondu aux sollicitations
de l’armée américaine, au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale (13). Cet anthropologue a contribué à
former des anthropologues militaires comme Kerley (14)
qui a monté le laboratoire militaire d’identif ication
d’Hawaï : L’US Army central identification laboratory
(CILHI). La plus grande expérience en anthropologie
médico-légale militaire résulte des travaux de ce
laboratoire. L’armée américaine et les pouvoirs politiques
américains ont entrepris d’identifier l’ensemble des
morts sur les différentes zones de guerre où les USA ont
été engagés. Warren (15) en 1978 au Vietnam a travaillé
sur un groupe de 23 squelettes de pilotes américains
renvoyés par les autorités vietnamiennes suite à leurs
décès dans des camps de prisonniers près de Hanoi.
L’étude anthropologique a permis de mieux comprendre
les mécanismes et circonstances des décès.
Pour les armées françaises, le mémento de l’état civil
en opération extérieure du 14 mai 2008 prévoit la
conduite à tenir lors des combats de haute intensité
af in de réaliser les inhumations d’urgence ou le
transport de corps. Les procédures qui y sont décrites
visent à permettre une identif ication facilitée des
victimes ou de groupes de victimes. L’anthropologie
médico-légale serait une aide précieuse en la matière.
Il serait intéressant de développer un partenariat avec
le service historique de la Défense, car ce dernier est
amené à travailler sur les sépultures et l’identification
administrative de soldats tombés au champ d’honneur.
Ils gèrent des demandes de familles dans ce sens.
Des missions d’identif ication pourraient naître
d’une collaboration entre services médico-légaux
militaires et ce service de l’armée française. Chaque
année, l’IRCGN effectue 200 expertises en anthropologie
médico-légale.
334
Mort inattendue
Les morts inattendues surviennent dans les armées
françaises notamment lors des activités physiques
de toutes sortes qui sont pratiquées. Ce type de mort
mériterait d’être systématiquement exploré par
l’autopsie afin de mettre en évidence : une anomalie
qui pourra par la suite être recherchée sur un autre
membre de la famille, une maladie (ou anomalie)
passée inaperçue, une prise de toxique et/ou des
dysfonctionnements dans les méthodes d’entraînement physique ou d’exercice militaire. Selon la
surveillance épidémiologique, l’armée française
déplore en moyenne 18 décès pendant une activité
physique en service et 14 hors service. Les médecins
légistes plaident pour une autopsie systématique
des morts inattendues de l’adulte, en particulier dans
les milieux sportifs. Il nous paraît important de
systématiser cet examen dans le milieu militaire, au vu
entre autres des conditions d’entrainement parfois
difficiles et de l’importance du dépistage d’anomalies
ou de pathologies cardiaques.
Accident du travail, maladie professionnelle,
pensions militaires
Plusieurs instructions ministérielles et circulaires
rappellent, pour les chefs d’établissements militaires, les
conduites à tenir et procédures à engager en cas
d’accidents de travail ou de maladies professionnelles.
Tout y est décrit, y compris le recours à l’autopsie dans
l’article 20 de l’instruction N° 98-01/DEF/DFP/
SPA/SDC du 30 novembre 1998 pour la recherche de
l’imputabilité au service. Les accidents dans le cadre du
travail du militaire- peuvent revêtir différents aspects.
Pour les transports terrestres, l’armée française a
déploré entre 2002 et 2006, 93 décès par AVP en service.
Pour les accidents de la route comme pour les accidents
aériens ou maritimes vus plus haut, le médecin légiste
pourra très souvent apporter des éclairages aux
enquêteurs sur : la position des passagers et du pilote en
fonction des lésions observées, les lésions létales, les
facteurs toxicologiques associés, le niveau d’énergie
cinétique ayant occasionné les lésions.
Le lieu de travail pour un militaire pourra être, aussi
bien le terrain de manœuvres pour le fantassin, l’atelier de
réparations pour le mécanicien, une phase d’arrestation
pour un gendarme etc. La surveillance épidémiologique
aux armées dénombre sur la période 2002 à 2006,
42 morts classés en « autres accidents » sans qu’il soit
précisé la nature ou les circonstances de ces accidents,
9 morts suite à un accident par projectile d’arme à feu.
Il serait intéressant d’améliorer les modalités de
décompte de ces accidents survenus au travail. Dans
le même esprit que pour les accidents de transport, le
médecin légiste va tenter de donner quelques explications
quant aux modalités de survenue de l’accident mortel.
Il devra, par ses constatations, voir si le bilan lésionnel
est compatible avec les éléments de l’enquête. De plus,
ces accidents peuvent être soumis à une demande
d’investigations complémentaires par les ayants-droits
c. agostini
comme le signifie l’article L 441-4 du Code de la sécurité
sociale, voire à une procédure judiciaire.
Le militaire peut être exposé à de nombreux risques liés
aux environnements dans lesquels il évolue. Des
affections peuvent se manifester pendant qu’il est en
activité, mais certains risques peuvent se révéler
des années après avoir quitté le service actif. En situation
de guerre, les impacts sur l’environnement sont
accrus (utilisation d’armes nucléaires ou radioactives,
utilisation d’aérosols chimiques ou biologiques). Dans
certaines parties du globe sévissent des risques
pathologiques endémiques et le combattant vit, travaille
et combat dans ces environnements. Il existe aussi la
possibilité qu’un risque pour l’homme soit connu ou
repéré plusieurs années après la fin de l’exposition à la
zone à risque. Sans attendre les procédures judiciaires
éventuelles, il semble intéressant de développer encore de
telles surveillances, qui sont pour l’essentiel clinique
mais dont l’autopsie peut s’avérer nécessaire dans
certaines circonstances pour confirmer ou infirmer des
hypothèses dans des cas douteux.
Homicides ou suspicions d’homicides,
suicides ou suspicions de suicides
La recommandation européenne 99 (3) précise
que toutes les suspicions de suicide ou d’homicides
doivent être conf iées au médecin légiste pour
informations complémentaires. Selon la surveillance
épidémiologique, sur la période 2002 à 2006 il y a eu
aux armées, 48 suicides en service et 233 hors-service.
Il n’est pas possible de donner les chiffres sur les
homicides dans les armées françaises uniquement par
cette source. Nous avons pris attache avec le procureur
aux armées et les procureurs de la république en
France afin de connaître les statistiques concernant les
infractions pénales militaires et les actes médico-légaux
éventuellement demandés dans ce cadre. Sur les 37 TGI
contactés, 11 ont pu fournir des réponses sur les infractions
concernant les infractions pénales militaires prévues
au livre III du code de la justice militaire, et les actes
médico-légaux éventuellement demandés dans ce cadre.
Instaurer une réflexion conjointe entre Défense et Justice
pour développer un outil de mesure plus précis de
ces infractions et de leurs conséquences médico-légales
nous paraît pertinent.
Autres champs d’activité de la
médecine légale dans les armées
La médecine légale clinique
À côté de la médecine légale thanatologique, la
médecine légale clinique prend une part de plus en plus
importante dans les procédures judiciaires en France. Il
semble, au vu des domaines différents d’activités des
forces armées, que le volet clinique de la médecine
légale peut trouver des champs d’applications variés :
L’évaluation des coups et blessures, la lutte contre les
addictions, la médecine légale dans le cadre des
de l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des médecins légistes militaires
conventions de Genève, la réparation juridique
du dommage corporel.
Le Code de la justice militaire (CJM) possède des
articles relatifs à des infractions propres aux armées :
Violences ou insultes à sentinelle (L 323-15 à L 323-16
du CJM), mutilation volontaire (L 321-22 à L321-24
du CJM), voies de fait et outrages envers un supérieur
hiérarchique (L 323-9 à L 323-14 du CJM), voies de fait
et outrages envers un subordonné (L 323-19 à L 323-21
du CJM). Confronté à ce type de problème, le médecin
légiste devra agir comme pour les examens de victimes de
violences classiques. Son but va être d’apporter un
éclairage scientif ique sur les circonstances et les
conséquences des violences, au magistrat ou à l’autorité
militaire compétente en fonction du contexte : évaluation
de l’ITT pénale, description des lésions, confrontation
des éléments cliniques avec les données de l’enquête
(faisabilité, concordance etc…), évaluation du
retentissement psychologique des actes violents.
Les investigations médico-légales de la mort
au profit de civils
Lorsque les événements sont de grande ampleur,
la société civile se tourne souvent vers les armées
pour coopérer dans les différentes tâches qui découlent
de ces catastrophes. Les armées disposent de la logistique
conséquente (humaine et matérielle) pour travailler.
Serait-il normal que les forces armées ne disposent
pas de l’ensemble des moyens humains nécessaires et
des compétences pour traiter l’ensemble des problèmes
qui se font jour lors de tels désastres ? Deux domaines
sont importants.
Les crimes de guerre
Pour le médecin légiste, travailler sur ce type
d’événement n’est pas chose aisée et les complications
de tous ordres ne manquent pas (16).
C’est un médecin légiste de l’armée britannique : Keith
Mant, qui fut le premier à systématiquement répertorier
tous les abus perpétrés par les nazis sur des êtres humains
(cf. procès de Nuremberg). Des médecins légistes
travaillent actuellement dans plus de 30 pays à travers le
monde pour des faits de ce type.
L’ex-Yougoslavie est un terrain malheureusement
récent d’expérience en la matière. Le 16 novembre 1996,
l’acte d’accusation IT-95-18-I fut émis par le tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ICTY) pour
génocide, crimes contre l’humanité et violation des lois
et coutumes de la guerre qui survinrent à la suite du
drame de Srebrenica. En juillet 1996, le site de Cerska
fut le premier charnier exploré par une équipe
médico-légale travaillant sous les auspices de l’ICTY
(17). Ce sont les troupes de l’IFOR qui les premières
arrivèrent sur le site à partir de mai 1996, à la suite de
témoignages. Les troupes sécurisèrent une large zone
autour et sur le site afin de permettre le travail des équipes
médico-légales mandatées. Les forces armées mirent en
place l’ensemble de la logistique : moyens de transport,
containers réfrigérés pour stockage des corps et des
335
indices, matériels nécessaires aux exhumations. Une
équipe multidisciplinaire constituée d’archéologues,
anthropologues, médecins légistes, photographes,
officiers de scène de crime, logisticiens et conducteurs,
travailla à des exhumations. Le premier travail a permis
une mise en évidence des corps sur le site, afin de montrer
l’enchevêtrement et avoir une idée précise de leur
localisation par marquage et mise en place sur une
cartographie. Une fois ce travail réalisé, les 150 corps
furent transportés pour autopsie sur un site improvisé
en morgue temporaire. La contribution des investigations médico-légales a eu pour but de permettre de :
Déterminer le nombre d’individus présents sur la
scène, leurs caractéristiques démographiques et leur
origine civile ou militaire ; Estimer le temps de présence
des corps sur le site ; Evaluer la malnutrition, les coups
et blessures ou actes de tortures présents avant la mort ;
Lister les différents types de blessures relevés ; Mettre
en évidence les éléments balistiques ; Mettre en évidence
les éléments communs aux individus composant ce
groupe de victimes.
Les investigations sur les crimes de guerre constituent
des travaux complexes réalisés dans les conditions
particulières des zones de conflits. Les événements
passés comme le Rwanda, l’ex-Yougoslavie et récemment l’Iraq montrent comment les forces armées
qui interviennent sous mandat peuvent être confrontées
à ces scènes.
Catastrophes : accidents de transports civils,
catastrophes naturelles
En ce qui concerne les catastrophes, qu’elles soient
naturelles ou de transport, les situations sont moins
complexes que pour les crimes de guerre, non pas au
plan technique, mais au plan juridique. Les armées ont
été amenées à travailler sur bon nombre de catastrophes
à travers le monde. La gendarmerie nationale en
créant l’IRCGN a développé en son sein une Unité
d’Identification des Victimes de Catastrophe (UGIVC)
qui a succédé à la cellule d’identification de l’EMMIR.
Elle est intervenue, depuis sa création en 1992, sur plus
de 30 affaires.
Épidémiologie et médecine légale
Analyse et identification des causes de mort chez
les militaires
Le travail du médecin légiste permet d’aider à la
manifestation de la vérité dans la procédure judiciaire, il
aide aussi à la compréhension épidémiologique des
phénomènes violents et à l’amélioration de la certification
des décès. Nous nous sommes intéressés aux décès
déclarés dans les armées entre2002 et2006. On recense un
nombre total de 1 771 décès. Les décès hors service sont au
nombre de 1 006 et les décès en service sont de 295. Il
existe 470 décès dont il n’est pas précisé la survenue en
service ou non. La fiche de déclaration des décès, que doit
remplir le médecin d’unité, comporte une question sur la
réalisation ou non d’une autopsie et sur la disponibilité des
résultats. Sur cette population, nous avons voulu voir
336
dans quels cas les autopsies avaient été réalisée (tab. I).
Les autopsies réalisées sont donc au nombre de 221
pour 1 301 décès. Les résultats sont peu accessibles :
37 résultats disponibles sur 221 autopsies réalisées.
Il existe un défaut d’information, avec des circonstances ou causes de décès inconnues dans 36 cas. Les
Tableau I : Résultats de la surveillance épidémiologique des décès aux armées,
période 2002 à 2006.
Décès survenus hors service 140 autopsies sur 1 006 décès
Circonstances Cas
Autopsies
Causes décès
(1)
Suicides
233
75
Causes de mort : 5 intoxications
médicamenteuses, 2 phlébotomies,
28 plaies par projectile d'arme à feu,
20 pendaisons, 1 précipitation d'une
hauteur, 1 saut sous un train 17 cas
non précisés.
Sport autre
que natation
14
1
Résultats non disponibles
Maladies
422
19
1 méningite à méningocoque,
1 embolie pulmonaire, 1 insuffisance
hépatique, causes inconnues dans
2 cas.
AVP
263
15
Résultats non disponibles, le
mécanisme accidentologique est
précisé pour un cas.
Autres types
d'accidents
57
18
Le résultat d'autopsie est disponible
pour un cas : 1 intoxication alcool et
médicaments.
Autres
2
2
2 homicides et résultats non
disponibles.
4
2
Résultats non disponibles
1
Pas de résultat ni précision
accidentologique
Accident par
armes à feu
Accident
aériens
4
Décès survenus en service 81 autopsies sur 295 décès
Circonstances Cas
Autopsies
(2)
Causes décès
Les causes évoquées sont : 3
pendaisons, 14 plaies par PAF et 1
cause inconnue.
Un seul résultat est disponible :
1 trouble du rythme cardiaque. Les
causes évoquées pour d’autres :
1 hyperthermie maligne,
1 saut en parachute.
Suicides
48
18
Sport autre
que natation
18
6
Noyades
5
2
Non disponibles.
Maladies
41
6
Les causes évoquées sont : 1 mort
subite, 1 pneumopathie avec
septicémie, 1 trouble du rythme,
1 rupture d'anévrisme, 2 inconnues.
AVP
93
8
Pour 1 cas est évoquée
l’alcoolisation, les mécanismes
accidentologiques sont non précisés.
Autres types
d'accidents
42
13
Les causes évoquées sont :
6 incendies, 2 chutes, 1 hyperthermie
maligne 1 accident de plongée,
1 explosion de gaz, 2 inconnues.
Accident par
armes à feu
9
5
Les causes évoquées sont : 1 blast
par explosion d'une munition,
2 plaies transthoracique par PAF,
1 rafale de FAMAS, 1 inconnu.
Accident
aériens
24
20
Aucune précision accidentologique.
(1) Il existe également 7 autopsies qui apparaissent où l’ensemble des caractéristiques sont inconnues.
(2) Il existe également 3 autopsies qui apparaissent où l’ensemble des caractéristiques sont inconnues.
c. agostini
caractéristiques accidentologiques des accidents
de transport ne sont que rarement précisées. Trop
souvent, on retrouve le classique et inexploitable
« arrêt cardiorespiratoire » comme cause de mort.
Il semblerait qu’une organisation autre du dénombrement des cas serait souhaitable à condition que
les circonstances générales, les circonstances précises,
les causes initiales, les causes immédiates, les rapports
d’autopsies puissent être systématiquement obtenus
et analysés.
L’armée américaine dispose, à ce sujet, du Departement
of defense medical mortality registry (DOD-MMR) (18),
il est implanté au sein de l’AFME, il permet une
surveillance des décès aux armées par le DOD. Ce registre
permet de connaître l’ensemble des informations
médicales et circonstancielles des militaires décédés et de
mener plus facilement des surveillances médicales et des
recherches en matière de prévention. Il est alimenté
systématiquement par les rapports médicaux, les rapports
d’autopsies, les témoignages des personnels ayant vu les
événements concernés et les rapports d’enquêtes. Il
synthétise et valide, pour chaque décès, les données
médicales, circonstancielles et les informations sur les
facteurs de risques.
Ces informations nous semblent vitales pour l’œuvre
de défense, car comprendre au plus juste les mécanismes
de mort en fonction des circonstances devrait faciliter la
recherche sur la prévention.
Constitution de Bases de Données pour la
prévention et la surveillance de pathologies
après des opérations militaires
L’AFIP (19) a travaillé sur les vétérans, dans le cadre
du « syndrome de la guerre du Golfe ». De retour de
cette guerre, beaucoup de vétérans se sont plaints de
symptômes ne pouvant être associés à une pathologie
particulière. Des hypothèses de cause ont été rapportées :
infections endémiques, expositions environnementales (pesticides, fumée des puits de pétrole
incendiés, les vents de sable), vaccins, agents militaires
chimiques ou bactériologiques et stress psychologique.
La variabilité des symptômes évoqués n’a pu permettre
de les rattacher à une cause précise. L’AFIP a constitué
une banque de tissus collectés lors d’autopsies de
vétérans de la guerre du Golfe (264 vétérans), des
échantillons ont été analysés en anatomopathologie.
Ces tissus sont enregistrés dans le « KUWAIT
REGISTRY ». La surveillance clinique et thanatologique
est mise en place pour surveiller l’émergence d’une
problématique à distance d’une exposition.
Autopsies scientifiques
La question a déjà été posée par Pasquier (20) l’autopsie
scientifique est-elle un luxe ou une nécessité ? Malgré le
niveau élevé de performance diagnostique auquel nous
sommes parvenus, notamment par l’imagerie médicale,
l’incertitude et la faillibilité médicale demeurent.
L’autopsie vient infirmer ou compléter les hypothèses
cliniques, aide à mieux comprendre les mécanismes
de la mort, à mettre en évidence les processus extensifs
de l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des médecins légistes militaires
tumoraux, les effets thérapeutiques et les pathologies
iatrogènes, aide aux enquêtes épidémiologiques tant
pour l’incidence que pour l’amélioration de la
détermination des causes, aide à l’apprentissage
des jeunes médecins. Pour Claude Got (rapport sur
les autopsies médico-scientifiques en 1997), la baisse
de l’activité autopsique en France constitue une
véritable catastrophe, car pour lui : « une société qui
organise l’abandon des autopsies, élimine une forme de
sécurité sanitaire ». Cela constitue en soi un véritable
problème de santé publique. Les armées peuvent
contribuer à cette renaissance là, d’autant qu’elles
évoluent dans des environnements à risque.
Discussion-perspectives et propositions
La médecine légale est une discipline vaste et
complexe. Elle présente un intérêt certain pour les
armées. La reconnaissance de la discipline médico-légale
dans le monde de la santé n’est pas évidente. Comme
le déplorent Olivier Jardé (21) en 2004 ou le rapport
de la mission interministérielle de 2006, cette discipline
va mal en France. Elle est délaissée par les médecins
en général ; mais aussi, se situant à la frontière entre
la médecine et la justice, la responsabilité de son
financement est sujette à discussion. Le seul intérêt
qui est bien perçu dans les armées, pour le moment,
c’est son utilité pour l’identif ication des victimes
de catastrophe. Cette discipline riche en possibilités
doit-elle se borner uniquement à cela, surtout dans
un milieu ou le risque de confrontation à la mort et à
la violence est majeur et peut revêtir des formes variées
et complexes ? L’exemple de l’armée américaine nous
montre que non. Des améliorations seraient aussi
possibles en France.
Quelle évolution pour la médecine légale au sein
des armées françaises ?
Il existe déjà un socle doté de moyens d’expertise
en France, ce socle c’est l’IRCGN. Il a été créé pour
regrouper en un seul lieu des moyens d’expertise
criminalistique et de médecine légale pour que les
services de gendarmerie puissent répondre de façon
eff icace aux demandes de la justice. Une partie de
ses missions s’exerce donc au prof it de l’œuvre de
justice et vise à aider à la manifestation de la vérité
par les différentes techniques qu’offrent les sciences
forensiques. Un développement de la médecine
légale dans les armées pourrait s’appuyer sur ce socle.
Le réseau hospitalier militaire pourrait compléter
le dispositif, et les médecins légistes militaires
ne devraient pas être acteurs de soins pour respecter
la notion d’indépendance. Comme tout projet, il
doit s’appuyer sur des moyens : financiers, humains
et matériels. Il doit se concevoir dans un réseau spécifique.
1. Moyens f inanciers : l’activité médico-légale
militaire doit se réaliser en des lieux et en des champs
juridiques différents, liés aux contextes de déploiement
des forces armées. Elle intéresserait trois ministères :
l’intérieur, la justice et la défense qui pourraient
coopérer ;
337
2. Moyens humains : Il faut que cette activité puisse
se réaliser avec deux catégories de personnels : active
et réserve, le tout regroupé dans une fédération de
médecine légale militaire.
Au sein des hôpitaux militaires il serait possible
de mettre en place un service de consultation médicolégale où serait affecté un, voire deux médecins
qualif iés en médecine légale. Au sein de ce service
se réaliseraient les activités de médecine légale du
vivant et du mort, complétées par une participation
aux activités thanatologiques et cliniques réalisées
par les instituts médico-légaux locaux civils ou les
services d’urgences médico-judiciaires (participation
à des gardes médico-légales) dans un partenariat
armée-nation qui pourrait s’avérer d’autant plus utile
que les diff icultés actuelles de la médecine légale
en France sont grandes. Ils seraient également de
véritables représentants de l’IRCGN localement
et pourraient devenir les référents médico-légaux
régionaux des forces rattachées à ces hôpitaux. Ils
participeraient, si besoin, aux interventions de
l’IRCGN. Ils pourraient être représentés par des
praticiens généralistes ou spécialistes ayant reçus
une qualification en médecine légale. Il existe également,
à l’heure actuelle, un certain nombre de chirurgiens
dentistes militaires formés en odontologie médicolégale, ils font partie du réseau interventionnel
de l’IRCGN et pourraient être liés également aux
centres médico-légaux militaires. À côté de ce réseau
hospitalier, le réseau de médecins qualif iés en
réparation juridique du dommage corporel et en
victimologie devrait entrer utilement dans cette
fédération de médecine légale militaire. Ce sont des
observateurs privilégiés de certaines violences et ils
peuvent faire remonter des informations à la fédération
de médecine légale militaire (fig. 1). pour améliorer la
connaissance des phénomènes violents aux armées.
3. En ce qui concerne la réserve, l’IRCGN a développé
des contrats de médecins ou dentistes légistes qui
viennent prêter main forte en cas de catastrophe
majeure (22). Ces réservistes constituent une aide
précieuse sur des événements de grande ampleur
qui nécessitent des interventions de longue durée. La
plupart d’entre eux travaillent au sein des instituts
médico-légaux civils. Ils doivent donc devenir
les référents du partenariat armée-nation que nous
évoquions plus haut.
Figure 1. Proposition d’organisation de la Fédération de médecine mégale militaire.
338
c. agostini
On l’a vu, la médecine légale moderne s’entend au
niveau clinique et au niveau thanatologique. Elle
comporte également différentes sciences criminalistiques (toxicologie, accidentologie, balistique etc…) et
des sciences médicales comme la réparation juridique
du dommage corporel ou la victimologie.
Une fédération de médecine légale militaire pourrait se
concevoir selon le schéma suivant. Elle aurait à sa tête une
cellule de coordination de l’activité médico-légale aux
armées : véritable référence nationale de la spécialité
chargée de coordonner les différentes activités médicolégales (interventions, expertises), de diriger les
programmes d’enseignement et de recherche et de diriger
un observatoire de la violence aux armées.
Cet observatoire de la violence aux armées serait un
outil statistique qui permettrait de collecter toutes les
données fournies par les expertises médicales du vivant,
les autopsies, les rapports d’enquêtes (judiciaires et
administratives) et les témoignages de personnes
ayant assisté aux événements violents. Cela permettrait
d’avoir un outil pertinent pour fournir des données
statistiques sur les différentes infractions constatées,
de donner aux états-majors des renseignements
concernant les différentes morts survenues aux armées
et de fournir aux épidémiologistes militaires une source
de données supplémentaires.
Conclusion
Ce travail nous a permis de faire un tour d’horizon et
d’explorer les champs possibles pour l’investigation
médico-légale aux armées. Les différents domaines
évoqués nous sont apparus comme fondamentaux, pour
avoir une compréhension, la plus f ine possible, des
enjeux. Certains domaines sont délicats et sensibles, mais
ne peuvent être occultés.
« Faire parler les silences… » par ces simples mots,
Jules Michelet résume parfaitement, à notre sens, ce
qu’est l’esprit du médecin légiste. Cette médecine de la
violence doit d’avantage trouver sa place au sein des
armées, car les enjeux de défense évoluent sans cesse.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Hassenforder J. L'affaire des mutilations de Lutzen et de Bautzen en
1813. Un cas remarquable de chirurgie légale militaire rapporté par
D Larrey. Bulletin mensuel de la société de médecine militaire
française ; 1955 ; 49 (3) : 57-60.
2. Note du 4 juin 1917 sur l’organisation et le fonctionnement des centres
médico-légaux.Carton 18N426 du service historique de la défense
(terre).
3. Camelin, professeur agrégé du Val-de-Grâce. Les médecins
militaires et l’enseignement de la médecine légale. Cours de l’école
du VDG ; 1950.
4. Wilson ML. The proposed closing of the armed forces institute of
pathology. Clinical infectious disease 2005 ; 41 : 1 003-4.
5. Clark MA. The armed forces medical examiner system : a change for
the better. Aviation, space and environmental medicine 1989 ; 60
(7suppl : A1-A3.
6. Recommandation R99 (3) du conseil de l’Europe sur l’harmonisation
des pratiques en matière d’autopsie.
7. Klette K. Toxicological findings in military aircraft fatalities from
1986-1990. Forensic science international 1992 ; 53 : 143-8.
8. Mason JK. Previous disease in aircrew killed in flying accidents.
Aviation, space, and environmental medicine 1977, 48 (10) : 944-8.
9. Lewis, JA. Recovery and identification of the victims of the Ehime
Maru/USS Greenville collision at sea. Journal of forensic sciences
2004 , 49 (3) : 539-42.
10. Holcomb JB. Causes of death in US Special Operations Forces in the
Global War on Terrorism. Annals of Surgery 2007 ; 245 (6) : 986-91.
11. Reiber KB. The medical examiner in war. Journal of forensic sciences
de l’utilité pour les forces armées françaises d’avoir des médecins légistes militaires
1995 ; 40 (2) : 197-200.
12. Gillepsie TH. Dental identification of remains from the 23 october
1983 bombing of the US Marine headquarters, Beirut, Lebanon.
Military medicine 1985 ; 150 (12) : 635-9.
13. Ubelaker, DH. The forensic anthropology legacy of T.Dale Stewart
(1901-1997). Journal of forensic sciences 2000 ; 45 (2) : 245-52.
14. Hinkes MJ. Ellis Kerley's service to the military. The journal of
forensic sciences 2001 ; 46 (4) : 782-3.
15. Warren CP. Verifying identification of military remains : a case study.
Journal of forensic sciences 1979 ; 24 (1) : 182-8.
16. Lorin de la Grandmaison G. The international criminal tribunal for the
former Yugoslavia (ICTY) and the forensic pathologist : ethical
considerations. Medicine, Science and the law 2006 ; 46 (3) : 208-12.
17. Haglund WD. War crimes : sites investigation. Encyclopedia of
forensic and legal medicine. Éditions Elsévier 2005 : 355-63.
18. Gardner JW. The department of defense medical mortality registry.
Military medicine 2000 ; 165 (suppl2) : 57-61.
19. Ladich A. Histological study of head and neck specimens from a
cohort of persian gulf war military veterans. Military medicine 2002 ;
167 (10) : 864-7.
20. Pasquier B. L'autopsie scientifique en 2005 : luxe ou necessité ? La
revue de médecine interne 2005 ; 26 (8) : 611-4.
21. Jarde O. Rapport au premier ministre sur la médecine légale ; 2004 ;
remis au garde des sceaux et publié par voie électronique sur le site
internet : www. justice.gouv.fr
22. Schuliar Y. Identification des victimes du tsunami en Thailande.
Médecine et Armées 2005 ; 33 (4) : 293-301.
339
VIENT DE PARAÎTRE
WAR SURGERYWORKING WITH LIMITED
RESOURCES IN ARMEDCONFLICT AND
OTHER SITUATIONS OF VIOLENCE
Organisation impartiale, neutre et indépendante, le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a la
mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et
la dignité des victimes de la guerre et de la violence
interne, et de leur porter assistance.
Un des principaux domaines d’activité du CICR est la
prise en charge des blessés de guerre. Nous avons
l’honneur de vous présenter le premier volume de :
«_War Surgery: working with limited resources in
armed conflict and other situations of violence_»,
(la traduction en français, espagnol et russe est en
voie de réalisation.).
À partir de nombreuses années d’expérience sur le
terrain en temps de conflit armé, cette nouvelle
publication décrit l’approche du CICR, approche
basée sur une proposition simple : la chirurgie de
guerre a lieu dans un environnement austère et souvent
dans des circonstances précaires et ce qui est approprié à un contexte ne l’est pas forcément
dans un autre. La clef du succès opérationnel est de définir la réponse qui convient le mieux à
une situation donnée.
Les moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles auprès des Services de santé diffèrent
d’un pays à un autre, et même parmi les régions d’un même pays. Parfois, le niveau de technologie
est élevé et le personnel formé nombreux. Ailleurs, en situation précaire, souvent le cas où travail le
CICR et d’autres organisations humanitaires, il faut s’arranger avec des ressources limitées. On
peut facilement apprécier la différence de la disponibilité des ressources entre les services
sanitaires militaires d’un pays industrialisé et les hôpitaux publics d’un pays pauvre en état de
guerre civile et dont les moyens sont mis à mal même en temps de paix.
Cette nouvelle publication ne prétend être à l’avant-garde des dernières découvertes et techniques
de pointe ce ne serait ni pratique ni pertinent dans des contextes où manquent des soins
pré hospitaliers minimaux, et dans des hôpitaux où ventilateurs mécaniques et composants
sanguins font défaut.
Les protocoles cliniques et les techniques opératoires décrits sont au niveau des connaissances
et d’expertise d’un chirurgien généraliste travaillant dans un hôpital de district d’un pays à
faible revenu.
Lors de maints conflits armés contemporains ce sont ces chirurgiens qui souvent sont les premiers
à accueillir les blessés, et ceci dans des circonstances où le transfert vers des hôpitaux disposant
de moyens plus sophistiqués et des sous spécialisations chirurgicales – dans une lointaine capitale
– n’est pas possible. Ils sont obligés de « tout faire » eux-mêmes.
L’expérience du CICR démontre qu’on peut faire beaucoup pour la prise en charge des blessés de
guerre en utilisant des moyens simples, mais adéquates et appropriés en se basant sur une bonne
connaissance scientifique. Cette approche a fait ses preuves et s’est montrée efficace au niveau du
coût – bénéfice ; fait particulièrement important dans un pays aux ressources financières limitées où
toute dépense en soins curatifs se fait au détriment de mesures préventives.
Comité international de la Croix-Rouge 19, avenue de la Paix, 1202 Genève, Suisse – Tél. : +41 22 734 6001 – Fax : +41 22 733
2057. Contact : Marco Baldan (++41 22730 29 97 ; [email protected]) – www.cicr.org
340
Pratique médico-militaire
Fauconnerie dans l’armée de l’Air, un domaine d’action
original des vétérinaires des armées.
F. Dulieu a, É. Leroy b, P. Briand a, C. Perraudin c.
a Secteur vétérinaire, quartier la Malmaison – 02 151 SISSONNE Cedex.
b BCRM Brest, CC5 – 29240 Brest Cedex 09.
c Direction régionale du Service de santé des armées, Site de la Villeneuve – 29820 Guilers.
Article reçu le 5 septembre 2008, accepté le 7 aout 2009.
Résumé
En France, l’art de la fauconnerie après avoir connu son apogée au XVIIe siècle était tombé en désuétude. Utilisés par
l’armée de l’Air depuis 1980, les rapaces participent à la lutte contre le péril aviaire sur les plates-formes aériennes. À
nouvelle espèce, nouvelles missions pour les vétérinaires des armées.
Mots-clés : Bien-être animal. Fauconnerie. Mission vétérinaire. Péril aviaire.
FALCONRY IN THE AIR FORCE, AN ORIGINAL OPERATION FOR ARMED FORCES’ VETERINARY SURGEONS.
Abstract
In France after knowing its apogee during the XVII th century the art of Falconry had become obsolete. Used by the Air
Force since 1980, the raptors take part in the fight against the avian danger on airports. With new species here are new
missions for the armed Forces’veterinary surgeons.
Keywords: Animal welfare. Avian danger. Falconry. Veterinary surgeon’s field of action.
Introduction
Une première fauconnerie a été créée dans l’armée de
l’Air en 1980 afin d’effaroucher les oiseaux pour éviter
les collisions avec les aéronefs (le péril aviaire). Si la
chasse au vol a quasiment disparue de nos jours,
l’effarouchement par la fauconnerie s’est développé dans
le domaine de l’aviation et en particulier au sein de
l’armée de l’Air. Cette activité est soumise aux
réglementations élaborées tant par le ministère de
l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable
et de l’Aménagement du territoire que par le ministère
de l’Agriculture et de la Pêche ; les aspects relatif au
respect du bien-être animal, au statut des espèces
protégées et à la prévention des maladies infectieuses
F. DULIEU, vétérinaire. É. LEROY, vétérinaire. P. BRIAND, vétérinaire en chef.
C. PERRAUDIN, vétérinaire en chef, praticien certifié.
Correspondance : F. DULIEU, Secteur vétérinaire, quartier la Malmaison –
02 151 SISSONNE Cedex.
Email : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 341-349
étant essentiels. Les faucons comme les autres animaux
employés au sein des armées relèvent du domaine des
compétences vétérinaires en matière de surveillance
sanitaire et de protection animale.
La fauconnerie en France : de la
Chasse au vol à la lutte contre le
péril aviaire
Historique de la chasse au vol
L’utilisation de rapaces pour la chasse est mentionnée
dans des textes datant de 35 siècles ; la fauconnerie
semble trouver son origine sur les hauts plateaux
d'Asie Centrale, où se rencontre la plus grande
concentration naturelle d'oiseaux de proie aptes à
être affaités. Les Kirghizes, nomades et chasseurs,
pourraient avoir été les premiers fauconniers.
341
En Europe, le monde antique a eu connaissance de cet
art sans le pratiquer. La fauconnerie est apparue chez les
Celtes et les Gaulois à la suite des grandes invasions des
Germains. C'est au Moyen-âge qu’elle s’est développée
dans tous les pays d'Europe et notamment en France où les
rois ont toujours eu des équipages de vol. Charles VI a
séparé les services de la vénerie et de la fauconnerie
en créant, en 1406, la charge de grand fauconnier de
France qui a subsisté jusqu'à la Révolution (1). C’est sous
Louis XIII que cet art a connu son apogée, la fauconnerie
française était alors la première dans le monde tant par
l'éclat de ses équipages que par sa technique. En 1616, la
fauconnerie du roi comporte 300 oiseaux subdivisés en
six équipages spécialisés sur des gibiers différents tels
que le héron, le milan, la corneille, la perdrix (2). Puis
au XVIIIe siècle, la fauconnerie est passée de mode avec le
développement des armes à feu et de la vénerie. Napoléon
a créé les services impériaux de vénerie et de fauconnerie
surtout dans un souci de prestige, en fait la chasse au vol
sera officiellement inexistante au XIXe siècle puisque ne
figurant pas parmi les modes de chasse autorisés.
Durant la première moitié du XXe siècle, les fauconniers
se sont groupés en associations afin d’établir des règles
de conduite et d'éthique et de protéger les rapaces
alors persécutés. La fauconnerie française a connu
un renouveau à la fin de la Seconde Guerre mondiale
grâce au périgourdin Abel Boyer qui fonde l'association
nationale des fauconniers et autoursiers français
et obtient la reconnaissance légale de ce mode de chasse
en 1954 (3).
Si chaque région géographique du globe, connaît
une fauconnerie spécif ique, on peut cependant
reconnaître deux grandes catégories de chasse au vol
dans le monde (3) :
– la méthode traditionnelle transmise de génération en
génération, avec une multitude de types de chasses et
d'oiseaux utilisés en fonction des proies, depuis
l'utilisation de l'épervier pour le « vol de la caille », c’està-dire la chasse de la caille, en Tunisie jusqu’à celle de
l'aigle royal au Kazakhstan pour « voler le loup » ;
– la méthode contemporaine retrouvée dans des pays
sans grand passé historique en matière de chasse au vol
comme les États-Unis où se pratique une fauconnerie en
perpétuelle évolution que ce soit dans les méthodes de
dressage, d'entraînement, de détention, d’utilisation ou
de reproduction des oiseaux.
Figure 1. Autour des palombes juvénile (à gauche) et adulte (à droite). (©Eaton
E.H. Birds of New York (NY State Museum, Memoir 12), Albany : University
of the State of NY ; 1914 ; Domaine public.).
Le haut vol
On nomme ainsi le vol d'un oiseau déjà dans les airs
lors du départ du gibier. L'oiseau est ainsi habitué à
monter à la verticale de son fauconnier et de son chien à
l'arrêt. Il fond à très grande vitesse sur sa proie dès
qu'elle décolle. On utilise pour ce vol différentes
espèces de faucons : faucon pèlerins Falco peregrinus
(fig. 3), gerfauts Falco rusticolu, etc. (4).
Les proies d'un oiseau de haut vol sont des proies en
vol : en effet, la très grande vitesse de l'attaque et
de l'impact rendent extrêmement dangereux la proximité
du sol ou d'un obstacle.
Techniques employées
Le bas vol
On nomme ainsi le vol du poing : l'oiseau est légèrement
retenu sur le poing du fauconnier et s’élance au départ
du gibier à la poursuite de sa proie. On utilise pour le bas
vol différents rapaces tels l’autour des palombes
(Accipiter gentilis) (f ig. 1), l’épervier d’Europe
(Accipiter nisus), la buse de Harris (Parabuteo unicinctus)
(fig. 2) ou la buse à queue rousse (Buteo jamaïcensis). Ces
oiseaux ont en principe des ailes courtes et arrondies et
une queue importante leur permettant de brusques
changements de direction. Les proies d'un oiseau de bas
vol sont multiples, du passereau au chevreuil (4).
342
Figure 2. Buse de Harris. (© Demaur A. ; Belgique ; 2007).
f. dulieu
et de décollage (80 %), à une hauteur inférieure à
50 pieds, c'est-à-dire sur les aérodromes (5).
Oiseaux en cause dans le péril aviaire
Les statistiques établies en France entre 2005 et 2007
(fig. 4) sur environ 1 000 rencontres d'oiseaux montrent
que les rapaces diurnes sont à l'origine du plus
grand nombre de collisions avec les avions (33 % des cas).
Le taux de collision avec ces oiseaux a doublé au cours
des dix dernières années. Les impacts de mouettes
et goélands viennent en deuxième position avec 19 %
des cas et sont en diminution par rapport aux années
antérieures du fait de la mise en place d’actions
d'effarouchement bien adaptées aux laridés. Si
la proportion de rencontres avec les hirondelles et
les martinets reste élevée (13 % des cas), ces incidents
n'entraînent le plus souvent aucun dommage significatif
sur les avions compte tenu de leur faible masse.
Par contre, les collisions avec les pigeons, les perdrix,
et les faisans occasionnent une fois sur trois des
dommages sérieux sur les appareils. Les corvidés ne
représentent que 3 % des impacts, qui ont lieu surtout
en juillet et en août, au moment de l'envol des jeunes et
par temps de brouillard (6).
Méthodes de lutte contre le péril aviaire
Figure 3. Faucon pèlerin. (© Elle J.; Château de Lordat; 2007; Domaine public).
En amont de la lutte contre le péril aviaire les
constructeurs de moteurs d’avions doivent fournir la
preuve que les réacteurs qu’ils produisent sont capables
d’ « avaler » des oiseaux sans en souffrir, l’indicateur
de base étant le goéland.
Depuis juillet 1989, la lutte contre le risque aviaire
est réglementée en France par un arrêté ministériel (7).
Tous les aérodromes d'intérêt national, ont fait l'objet
d'études spécifiques ; ils ont été dotés d'un service de
prévention du risque aviaire. Différentes méthodes
existent pour lutter contre le péril aviaire (8, 9) :
Lutte contre le péril aviaire
Le péril aviaire
La lutte contre le péril aviaire est la gestion, quelle
que soit la méthode, des populations d’oiseaux vivant
à proximité d’un aéroport et pouvant entrer en collision
avec un avion lors des phases d’atterrissage ou
de décollage. Les pistes de décollage constituent en
effet un biotope propice aux animaux qui y trouvent
tranquillité et nourriture.
Le premier décès causé par un impact d'oiseau
a été enregistré en 1912. Depuis 1960, ce sont 79 avions
civils qui ont été perdus dans le monde, faisant plus
de 210 victimes. Aujourd'hui, 700 collisions avec des
oiseaux sont enregistrées en France chaque année
par l'aviation civile. À peu près 15 % d'entre elles
sont classées « signif icatives » c'est-à-dire qu'elles
donnent lieu à des retards de traf ic (arrêts, atterrissages de prudence, endoscopie des moteurs à l'escale)
ou à des dommages (bords d'attaque des ailes enfoncés,
antennes arrachées, verrières opacif iées, moteurs
plus ou moins endommagés…). La plupart des
collisions ont lieu pendant les phases d'atterrissage
Figure 4. Taux de répartition des oiseaux en cause dans des collisions avec des
aéronefs en France entre 2005 et 2007 (6).
fauconnerie dans l’armée de l’air, un domaine d’action original des vétérinaires des armées
343
– la maîtrise de l’environnement. La présence
d'oiseaux ou d’autres animaux sur les aérodromes est
souvent due à une source attractive. Des observations
permettent de comprendre pourquoi les oiseaux
viennent sur l'aérodrome. On s’attache ensuite à
supprimer dans cet environnement, tout ce qui
peut favoriser la présence des oiseaux dangereux pour
la navigation aérienne : diminution du nombre de
proies par épandage de grains empoisonnés près
des pistes, gestion des surfaces en herbe (techniques
de l’herbe haute et fauchage tardif), assèchement
ou protection par des f ilets des points d’eau,
réglementation de l'ouverture de décharges publiques
dans le voisinage des aérodromes ;
– la destruction d'espèces. Des quotas de destruction
par tir sélectif avec des fusils de chasse et des cartouches
à plomb sont fixés par arrêté préfectoral (pour les espèces
autorisées par le ministère de l’écologie, de l’énergie,
du développement durable et de l’aménagement
du territoire) ;
– l’effarouchement. Il s’agit du fait de faire fuir des
populations animales présentes en nombre trop important
ou engendrant des nuisances. Il en existe deux types :
- l’effarouchement acoustique : les oiseaux étant
particulièrement sensibles aux stimuli visuels
et acoustiques de nombreuses méthodes ont été
envisagées, depuis la diffusion de cris de détresse
spécif iques à partir d'un véhicule équipé de matériels électro-acoustiques jusqu’à l’utilisation de
moyens pyrotechniques (tir de fusées crépitantes et
de fusées à longue portée),
– l’effarouchement par la fauconnerie : cette dernière
méthode, inspirée de l’exemple de la Grande-Bretagne, a
été expérimentée dans les années 1980.
Les résultats obtenus avec les moyens traditionnels ont
ainsi été comparés à ceux de la fauconnerie expérimentée
à Toulouse-Blagnac pendant une période de six mois et à
Paris-Charles de Gaulle pendant un an. Ils ont été
sensiblement identiques en termes de diminution du
nombre d'impacts avec des oiseaux chassés par les
fauconniers ou par les équipes utilisant des moyens
traditionnels. Du fait de ses contraintes jugées trop
importantes(coût, nécessité d’avoir du personnel
qualifié, environnement, législation…), l’aviation civile
a délaissé cette technique d’effarouchement.
Les faucons au sein des armées
Historique
Les archives britanniques font mention de la création
lors de la Seconde Guerre mondiale d’un escadron de
faucons pèlerins qui avait pour mission de neutraliser les
pigeons voyageurs utilisés par les espions du Troisième
Reich en Grande-Bretagne. Cet escadron de faucons n’a
pas atteint un taux de réussite élevé étant donnée l’étendue
du territoire à surveiller mais a effectivement tué deux
pigeons porteurs de messages (10).
À côté de cette mission anecdotique, la fauconnerie
a connu un renouveau, du fait de l’essor de l’aviation
militaire après 1945, avec la prévention du péril
344
aviaire (fig. 4). Cette technique présente des avantages
indéniables. En effet, l’effarouchement par des rapaces
a un effet plus durable sur l’avifaune sédentaire car
la menace d’un prédateur naturel toujours présent
sur un territoire donné pousse les oiseaux à éviter
cette zone. La décharge de poudre au contraire, fait fuir
dans un premier temps les oiseaux mais ceux-ci vont
plus ou moins rapidement s’habituer à un bruit non
associé à un réel danger. De plus, l’emploi de personnes
spécialisées et motivées préserve de la lassitude.
C’est pourquoi, s’inspirant de l’expérience de la
Base aérienne (BA) de Torrejon en Espagne, les BA 125
d’Istres et BA 124 de Strasbourg seront les premières
à utiliser, en parallèle des moyens acoustiques
et pyrotechniques, la fauconnerie pour lutter contre le
péril aviaire en 1980 (8).
Les fauconneries de l’armée de l’Air
Déploiement territorial
L’essai réalisé à la BA 125 ayant provoqué une
diminution du nombre moyen annuel d’accidents de
79 %, l’état major de l’armée de l’Air adopte
l’effarouchement par des rapaces comme technique de
lutte contre le péril aviaire (8).
Pour répondre aux besoins de l’armée de l’Air, deux
fauconneries importantes sont initialement créées
en 1982 : celle de la BA 125 d’Istres pour le sud de
la France et celle de la BA 107 de Villacoublay pour le
nord. Mais face aux déplacements de plus en plus
long et nombreux des fauconniers et de leurs oiseaux,
l’état-major de l’armée de l’Air révise sa stratégie de
découpe du territoire en créant de nouvelles fauconneries
comme celles de la BA 113 de Saint-Dizier en 2005, de
la BA 103 de Cambrai en 2006 et de la BA 118 de
Mont-de-Marsan en 2007.
Rapaces utilisés
Toutes les espèces de rapaces sont des espèces
protégées et relèvent d’une réglementation particulière (11, 12). Selon les bases aériennes, l’effectif
en rapaces est varie de quelques unités à une vingtaine.
Les rapaces utilisés couramment pour l’effarouchement
sont des rapaces diurnes falconiformes comme
l’autour des palombes (Accippiter gentilis), l’épervier
d’Europe (Accipiter nisus), la buse de Harris (Parabuteo
unicinctus), la buse à queue rousse (Buteo jamaïcensis),
le faucon gerfaut (Falco rusticolus), le faucon pèlerin
(Falco peregrinus), le faucon Laggar (Falco jugger)
et des hybrides.
Missions
La mission essentielle des fauconniers est
l’effarouchement. Deux sites pratiquent la reproduction de leurs rapaces, la fauconnerie de la BA 125
par insémination artif icielle tandis que la BA 107
tente de développer la reproduction naturelle des
couples qu’elle détient.
f. dulieu
Les prescriptions réglementaires
applicables aux fauconneries
Protection des espèces protégées
Origine et nature des rapaces
Les rapaces figurent sur la liste des espèces d’oiseaux
protégées par arrêté ministériel et leur détention
est soumise à autorisation. Les oiseaux doivent être nés
en captivité, sauf pour les autours des palombes et
les éperviers pour lesquels le désairage est fortement
réglementé mais autorisé. Le fauconnier doit posséder
et renseigner un registre d’entrées-sorties des animaux
(11-13).
Seules certaines espèces sont autorisées pour la
pratique de la chasse au vol (14) :
– les rapaces diurnes falconiformes : autours et
éperviers (Accipiter spp.), buses (Buteogallus spp.,
Parabuteo spp., Buteo spp.), aigles (Aquila spp.,
Hieraaetus spp.), spizaètes (Spizaetus spp.), faucons
(Falco spp.) ;
– les rapaces nocturnes strigiformes : hibou grand
duc (Bubo bubo).
Marquage des rapaces
Les oiseaux doivent posséder un marquage individuel
et permanent accompagné d’une déclaration de
marquage, établie par la personne habilitée qui l’a réalisé.
Cette déclaration suit l’animal tout au long de sa vie. De
plus les oiseaux utilisés pour la chasse au vol doivent
bénéficier d’une carte d’identification, délivrée par
l’office national de la chasse et de la faune sauvage, qui
comporte les indications relatives à l’identification de
l’oiseau (noms scientifique et français de l’espèce, date
de naissance et origine de l’oiseau, numéro de la marque,
signes distinctifs de l’individu) et à son détenteur (13).
Aspects réglementaires de la détention d’animaux
d’espèces non domestiques
En fonction de certains critères (effectifs détenus,
activités mises en œuvre, espèces détenues) deux
catégories d’établissements détenant des animaux
d’espèces non domestiques sont définis : les élevages
d’agrément (amateurs) et les établissements d’élevage
(amateurs ou professionnels) (15).
Les fauconniers travaillant au profit des bases aériennes
sont des professionnels, il en résulte que les fauconneries
militaires répondent à la définition d’établissement
d’élevage ce qui a pour conséquence de les assujettir aux
autorisations prévues aux articles L. 413-2 (certificat de
capacité) et L. 413-3 (autorisation d’ouverture) du code
de l’environnement.
Certificat de capacité
Il est délivré par le préfet après instruction d’un dossier
et entretien du demandeur avec, en particulier, les agents
de la direction départementale des services vétérinaires
(DDSV). Ce certificat sanctionne l’évaluation (16) :
– des compétences du demandeur : ses connaissances
de la biologie et de la zootechnie des espèces considérées,
son implication dans le domaine de l’élevage, son
expérience dans l’élevage des animaux ;
– de l’établissement : les infrastructures, le
fonctionnement (alimentation, surveillance sanitaire,
prophylaxie…).
Autorisation d’ouverture
Elle est délivrée par le Préfet après instruction
d’un dossier par la DDSV permettant notamment
d’apprécier les installations, la nature des espèces et
leur densité, les garanties apportées vis-à-vis du bien-être
animal et de l’environnement.
Exercice de l’effarouchement à l’aide de
rapaces
L’effarouchement par la fauconnerie fait appel à la peur
instinctive du prédateur et permet la régulation, le
déplacement ou la destruction des espèces indésirables.
Cette technique n’a pas pour finalité la capture du gibier
mais est en partie assimilable en ce qui concerne la
réglementation de son exercice à la chasse au vol (un des
trois modes de chasse légaux en France avec la chasse à tir
et la chasse à courre). Il s’agit de l’art de prendre un gibier
sauvage dans son milieu naturel avec un oiseau de proie
affaité (i.e. éduqué) avec ou sans l’aide d’un chien.
Outre la possession d’un permis de chasser, des
autorisations sont nécessaires : certaines spécifiques
à la pratique de la chasse au vol, d’autres à la lutte contre
le péril aviaire.
Autorisation d’utilisation des rapaces pour
l’exercice de la chasse au vol
Les rapaces peuvent être détenus et utilisés pour la
chasse au vol dans :
– les élevages d’agrément sous couvert d’une
« autorisation préfectorale de détention, de transport
et d’utilisation des rapaces pour l’exercice de la chasse
au vol » ;
– les établissements d’élevage sans autre formalité
que l’autorisation d’ouverture si celle-ci le prévoit
explicitement.
Ces autorisations permettent la chasse pendant le temps
où elle est ouverte et la mise en condition sur du gibier
marqué du 1er juillet à la date d’ouverture de la chasse.
Elles permettent en outre le transport des oiseaux pour
toutes les activités nécessaires à leur entretien et en vue de
participer occasionnellement et de manière non lucrative
à des manifestations à caractère cynégétique (14).
Autorisation individuelle préfectorale pour la
régulation des espèces nuisibles
Dans chaque département, le préfet f ixe chaque
année la liste des espèces d’animaux classées nuisibles
parmi les espèces visées par l’arrêté ministériel du
30 septembre 1988, un arrêté préfectoral qui doit être
publié avant le 1er décembre de l’année précédente.
fauconnerie dans l’armée de l’air, un domaine d’action original des vétérinaires des armées
345
L’autorisation de détention, de transport et d’utilisation
des rapaces pour l’exercice de la chasse au vol et
l’autorisation d’ouverture autorisent la mise en condition
des rapaces sur des animaux classés nuisibles dans le
département tout au long de l’année. Ces autorisations
sont nominatives, ainsi dans les fauconneries où exercent
plusieurs fauconniers (cas des fauconneries militaires)
seul le responsable de la structure est autorisé de facto à
réguler les animaux classés nuisibles sans restriction de
temps. Les autres fauconniers doivent être titulaires
d’une autorisation individuelle préfectorale pour la
régulation des espèces nuisibles qui permet la mise en
condition sur des animaux classés nuisibles dans le
département toute l’année (14).
Dérogation préfectorale de destruction des
espèces protégées
La sécurité aérienne peut nécessiter la destruction
d’espèces protégées au sens de l’article L. 411-2 du
Code de l’environnement. Si une (des) espèce(s) de la
liste des espèces animales non domestiques protégées
de l’arrêté ministériel modifié du 17 avril 1981 est (sont)
présente(s) dans la zone de compétence de la fauconnerie
et/ou en cas de doute sur cette présence, une dérogation
à la protection de certaines espèces doit être demandée
au préfet en application de l’article R 411-6 du Code
de l’environnement. Cette dérogation est incessible,
attribuée pour une durée limitée (elle est renouvelée
sur demande du bénéficiaire) et peut être suspendue
ou retirée (9).
Bien-être animal
Infrastructures et équipements nécessaires
Les infrastructures d’élevage et le matériel utilisé
doivent garantir le bien-être des animaux, à savoir leurs
besoins biologiques et l’expression de leurs
comportements naturels : trois locaux sont au minimum
nécessaires : une aire intérieure (pour la nuit), une aire
extérieure (pour la journée) et un local d’isolement (17).
Ces aires doivent en particulier être d’un volume suffisant
pour que les oiseaux ne puissent se toucher les ailes
déployées. De plus, les animaux sauvages ne doivent pas
pouvoir détériorer les clôtures.
L’aire intérieure doit être munie d’un éclairage naturel
et de baignoires individuelles, celle extérieure doit
disposer d’abris contre les effets climatiques. Les oiseaux
doivent disposer d’un perchoir et la longe empêchant le
rapace de s’échapper doit permettre l’accès au bassin et à
l’abri. Afin d’éviter leur emmêlement, un émerillon est
obligatoire entre le jet et la longe (17).
Fonctionnement
Les animaux nouvellement arrivés doivent pouvoir
s’adapter progressivement à leur nouvel environnement
sans compromettre leur bien-être ni la sécurité des
personnes ou des autres animaux.
L’abreuvement est assuré par une eau saine,
fréquemment renouvelée, protégée du gel et constamment
tenue à la disposition des animaux. Une alimentation
346
suff isamment abondante, équilibrée et de qualité
répondant aux besoins de l’espèce doit être fournie aux
animaux, avec accessoirement une complémentation en
vitamines et en oligoéléments en période de mue.
Les caractéristiques du fonctionnement doivent
permettre de prévenir l’évasion des animaux hébergés
afin d’éviter d’éventuels dangers biologiques pour les
espèces indigènes. Les portes des enclos ne doivent
pouvoir être ouvertes que par des personnes autorisées et
doivent s’opposer à la fuite des animaux. Un équipement
télémétrique est indispensable sur les hybrides, il s’agit
d’un appareillage électrique constitué d’un émetteur fixé
au rapace et d’un récepteur que garde le fauconnier et qui
sert à localiser le rapace ou à déterminer la distance entre
ce dernier et le fauconnier (17).
Prophylaxie des maladies infectieuses
Prophylaxie matérielle
Les installations doivent permettre de prévenir
l’apparition des maladies, en particulier contagieuses, et
le cas échéant d’en limiter la propagation. Il est donc
nécessaire de prévoir, pour un animal au moins, un local
d’isolement d’un volume suffisant avec un perchoir
spécifique. Ce local, comme l’aire intérieure, doit être
pourvu d’un éclairage naturel, ventilé, relié à un réseau
d’évacuation, facilement nettoyable, alimenté en eau
courante potable, en électricité et dépourvu de possibilité
d’entrée de nuisibles (14).
Il est recommandé d’avoir des locaux spécifiques pour
le stockage du matériel de fauconnerie, le personnel
(vestiaires et sanitaires) et pour l’alimentation et les soins,
locaux équipés d’un congélateur-réfrigérateur, d’un évier
et d’un plan de travail, d’une balance et d’une armoire à
pharmacie.
Prophylaxie fonctionnelle
Le fonctionnement doit permettre de prévenir
l’apparition des maladies strictement animales et des
zoonoses et le cas échéant d’en limiter la propagation
(14). Il faut en particulier veiller aux points suivants :
– un nettoyage et une désinfection réguliers : bimensuels
pour les perchoirs et les cages de transport, semestriels
pour les aires ;
– une surveillance de l’état de santé des animaux
avec en particulier une pesée bimensuelle ;
– la mise en œuvre de mesures de prophylaxie
(cf. infra) ;
– l’enregistrement des informations relatives aux
interventions pratiquées à titre préventif et curatif (tenue
d’un registre sanitaire).
Rôle du vétérinaire
fauconneries militaires
dans
les
Les activités des vétérinaires militaires au profit des
fauconneries relèvent de trois processus distincts définis
dans l’instruction N° 2115/DEF/DCSSA/AST/VET du
26 juillet 2005 relative aux missions des vétérinaires des
armées exerçant sous l’autorité d’un Directeur régional
f. dulieu
du Service de santé des armées ou assurant un soutien
vétérinaire hors métropole : le processus « de police
sanitaire », le processus « contrôle off iciel » et le
processus « médecine vétérinaire ».
Tableau I. Critères contribuant à la définition des niveaux de risque
épizootique (23).
Critères de définition du niveau
de risque épizootique
Niveau de risque
épizootique
Absence de cas dans les zones de départ
et dans les couloirs migratoires des oiseaux
sauvages arrivant ou transitant en France
et absence de cas en France.
Négligeable 1
Présence avérée ou possible de cas dans
les zones de départ, absence de cas dans
les couloirs migratoires des oiseaux
sauvages transitant en France et absence
de cas en France.
Négligeable 2
Présence de cas dans les couloirs
migratoires des oiseaux sauvages transitant
en France, ou présence de cas dans des
pays non voisins de la France métropolitaine
et absence de cas en France.
Faible
Présence d’au moins un cas dans un pays
voisin de la France métropolitaine et absence
de cas en France.
Modéré
Présence de quelques cas isolés en France
ou cas groupés dans une unité écologique
(la notion d’unité écologique infectée
correspond à la détermination d’un
périmètre écologiquement homogène
en termes de fréquentation par l’avifaune
sauvage, considéré comme infecté dès
lors que plus de deux oiseaux sauvages
infectés y sont identifiés).
Élevé
Présence de plusieurs cas isolés en France
ou cas groupés dans deux unités
écologiques ou plus.
Très élevé
Processus « police sanitaire »
À l’heure de l’influenza aviaire, la détention de rapaces
soulève quelques interrogations. Il est en effet, primordial
que les fauconneries suivent les prescriptions
réglementaires pour limiter le risque de contamination
tout en assurant le bien-être des oiseaux détenus.
Si un cas d’influenza aviaire hautement pathogène
(IAHP) venait à être suspecté ou conf irmé chez des
animaux sauvages ou en captivité, les mesures techniques
et administratives de lutte à appliquer seraient celles
prescrites par l’arrêté du 18 janvier 2008. En l’absence
de suspicion ou de conf irmation, les dispositifs
de surveillance et de prévention de l’IAHP chez
les oiseaux détenus en captivité sont déf inis dans
l’arrêté du 24 janvier 2008 et varient en fonction de
divers éléments (23) :
– le type d’oiseau considéré (les rapaces des
fauconneries qui n’ont pas d’activité de reproduction
sont définis comme étant des oiseaux d’agrément) ;
– le niveau de risque épizootique déf ini par arrêté
du ministre de l’agriculture en fonction des données
épidémiologiques : il existe six niveaux de risque allant
de négligeable 1 à très élevé (tab. I) ;
– la zone où se trouvent les oiseaux : au sein du territoire
métropolitain sont délimitées des zones écologiques
appelées zones à risque particulier, dans lesquelles la
probabilité de l’infection de la faune sauvage par un
virus est jugée plus élevée.
Dispositif d’épidémiosurveillance
Le dispositif d’épidémiosurveillance repose sur
une double surveillance de la mortalité des oiseaux
sauvages et des suspicions d’influenza aviaire chez les
oiseaux en captivité :
– la note de service DGAL/SDSPA N° 2007-8 056
du 28 février 2007 précise les modalités de mise en
œuvre de la surveillance de la mortalité des oiseaux
sauvages en fonction de l’espèce et du nombre d’oiseaux
morts (à partir de cinq oiseaux morts ou dès le premier
s’il s’agit d’un cygne, d’une oie ou d’un canard), de
la superficie sur laquelle les cadavres sont retrouvés
(cercle de 500 m de rayon) et du délai entre la première
et la dernière découverte (cinq jours) ; – toute suspicion
d’influenza aviaire chez des oiseaux en captivité doit
être déclarée à la DDSV (23). Lorsque le niveau du
risque épizootique en raison de l’infection de la
faune sauvage par un virus de l’influenza aviaire à
caractère hautement pathogène est qualifié d’élevé ou
plus, une visite de la fauconnerie par un vétérinaire du
secteur vétérinaire (SV) territorialement compétent
doit être effectuée dans le mois suivant la publication
de l’arrêté. Le fauconnier doit également se mettre
en rapport avec le SV territorialement compétent si
la consommation en aliment et/ou en eau chute
significativement (50 %) brutalement (23).
Mesures de prévention
Le dispositif de prévention comprend :
– des mesures de biosécurité dont l’application
dépend du niveau du risque épizootique et de la
localisation de l’élevage. La sortie des rapaces utilisés
dans la lutte contre le péril aviaire reste autorisée sous
la supervision directe de leur détenteur. Tout déplacement est soumis à l’autorisation préalable du SV
territorialement compétent (23) ;
– des mesures de vaccination préventive : à ce jour, la
vaccination des oiseaux de fauconnerie en prévention de
l’influenza aviaire n'est pas autorisée. Néanmoins, cette
réglementation est susceptible d'évoluer. En tout état de
cause, la décision de vaccination doit résulter d'une
analyse des risques et prendre en compte les avantages
(protection accrue des oiseaux) et les inconvénients
(stress, accidents possibles de vaccination, protection
forcément imparfaite…). Une décision de vaccination ne
semble opportune que lorsque le niveau d'infection de
l'avifaune sauvage est significatif (24).
fauconnerie dans l’armée de l’air, un domaine d’action original des vétérinaires des armées
347
oiseaux étant utilisés pour la chasse, les traumatismes
sont fréquents (21).
Processus « contrôle officiel »
Dossier de demande d’autorisation d’ouverture
Lors de la mise en place d’une fauconnerie sur une base
aérienne militaire, le vétérinaire des armées intervient au
niveau de la constitution du dossier de demande
d’autorisation d’ouverture. Il informe l’unité des
prescriptions à suivre, il vérifie le dossier et l’adresse au
bureau vétérinaire de la direction régionale du service de
santé des armées qui émet un avis technique avant la
transmission de cette demande par l’unité à la DDSV.
Après délivrance de cette autorisation, toute modification
de la fauconnerie (locaux, personnel, animaux…) devra
être communiquée par la base au SV territorialement
compétent et à la DDSV (18, 19).
Contrôle de la santé et de la bien-traitance des
animaux
Ces contrôles des fauconneries sont régulièrement
réalisés (une fois par an en moyenne, la périodicité peut
être modifiée en fonction des circonstances, en particulier
le risque d’influenza aviaire. Il convient alors de vérifier
la mise en place d’actions préventives et ainsi d’apprécier
la dynamique générale de la structure. Le vétérinaire
réalise l’évaluation sanitaire, accompagné d’un personnel
de la fauconnerie, signale les écarts constatés et oriente
vers les actions prioritaires à mener (20).
Processus « médecine vétérinaire »
Soins aux animaux
L’examen clinique d’un rapace est souvent délicat. Les
signes cliniques sont généralement frustes et d’apparition
tardive. De plus, les soins aux rapaces sont très spécifiques
du fait de l’anatomie et de la physiologie propres à ces
oiseaux.
Les rapaces travaillant en fauconnerie sont en « poids
de vol » c’est-à-dire qu’ils ont un poids assez faible et
oscillant dans une fourchette restreinte. Ils sont donc
relativement sensibles aux infections et toute baisse de
forme ou de poids doit être prise en compte afin de traiter
rapidement une éventuelle affection. Par ailleurs, les
Prophylaxie médicale
Vermifugation
Les rapaces sont en contact avec l’environnement
naturel et sont de ce fait susceptibles d’être porteurs de
nombreux parasites. Des vermifugations doivent donc
être régulièrement réalisées (22) :
– trimestriellement contre la trichomonose, maladie
due à un protozoaire (Trichomonas columbae)
potentiellement mortelle en l’absence de traitement
rapide dont la majorité des pigeons sauvages sont
porteurs, avec par exemple du ronidazol PO à la dose de
10mg.j-1 pendant trois jours (hors AMM) ;
– semestriellement contre la coccidiose, maladie due à
un protozoaire de la famille des eimeridés provoquant des
diarrhées et éventuellement la mort du rapace, avec par
exemple du clazuril PO à la dose de 5mg.kg-1 deux fois
trois jours à deux jours d’intervalle (hors AMM).
Vaccination
Il n’est pas entrepris de vaccination systématique dans
les fauconneries en France. La maladie de Newcastle (un
paramyxovirus) qui provoque de nombreuses pertes dans
les fauconneries du Moyen-Orient ne semble pas avoir
atteint la France et rend la vaccination actuellement
inutile.
Conclusion
L’utilisation de rapaces se développe sur les bases
aériennes militaires françaises pour lutter contre le péril
aviaire. Elle constitue une alternative aux autres méthodes
d’effarouchement mais l’emploi de ces oiseaux impose
de respecter les prescriptions réglementaires liées au
statut de ces animaux appartenant à des espèces non
domestiques, aux modalités de leur emploi et à la
prévention des maladies infectieuses. Pour les
vétérinaires des armées, les fauconneries constituent un
domaine d’activité original où ils apportent leur expertise
lors de l’établissement des dossiers d’autorisation ainsi
qu’en matière de suivi sanitaire. Ils assurent aussi leurs
missions de contrôle officiel à travers l’évaluation du
respect des règlements de la police sanitaire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Van Den Abeele B. La fauconnerie au Moyen-Age. Paris : Klincksieck
994 : 334p.
2. D'Arcussia de Caprée C. La Conférence des Fauconniers. Rouen :
Vaultier et Besonge ; 1664 : 173p.
3. Association nationale des fauconniers et autoursiers français. Site
internet : http://www.anfa.net/index.htm
4. Chenu JC, Œillet des Murs AP. La fauconnerie ancienne et moderne.
Paris : Hachette ; 1862 : 176p.
5. Cité des sciences. Site internet : http://www.cite-sciences.fr
6. Direction générale de l’aviation civile. Site internet :
http://www.dgac.fr
348
7. Arrêté ministériel du 24 juillet 1989 relatif à la prévention du péril
aviaire sur les aérodromes dont l’affectataire principal est le ministre
chargé de l’aviation civile. Journal officiel de la République française
du 19 août 1989 : 10 426.
8. Maréchal L. Les rapaces, leur utilisation dans la lutte aviaire sur les
aéroports. Thèse de doctorat vétérinaire, Créteil ; 1988 : 126p.
9. Arrêté du 10 avril 2007 relatif à la prévention du péril animalier sur les
aérodromes. J Journal officiel de la République française du 10 mai
2007 : texte 52.
10. Anonyme. Pigeons nazis chassés par les faucons britanniques.
L’action vétérinaire, 1990 ; 1473 : 4.
f. dulieu
11. Décret N° 78-959 du 30 août 1978 portant publication de la convention
sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage
menacées d’extinction, ensemble de 4 annexes, ouverte à la signature
à Washington jusqu’au 30 avril 1973, puis à Berne jusqu’au
31 décembre 1974 ; Journal officiel de la République française du
17 septembre 1978 : 3 300-6.
12. Règlement rectifié N° 338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à
la protection des espèces de faune et de flore sauvage par le contrôle de
leur commerce. Journal officiel de la communauté européenne L 61
du 3 mars 1997 : 1-19.
13. Arrêté du 10 août 2004 modifié fixant les conditions d’autorisation de
détention d’animaux de certaines espèces non domestiques dans les
établissements d’élevage, de vente, de location, de transit ou de
présentation au public d’animaux d’espèces non domestiques.
Journal officiel de la République française du 30 septembre 2004 :
texte 36.
14. Circulaire DNP/CFF n° 2005-03 rectifiée du 17 mai 2005 relative à la
détention, le transport, l’utilisation des rapaces pour la chasse au vol ;
au désairage des éperviers d’Europe et des autours des palombes pour
la chasse au vol.
15. Circulaire DNP/CFF n° 2005-02 rectifiée du 17 mai 2005 relative aux
règles précisant la détention d’animaux d’espèces non domestiques.
16. Arrêté du 12 décembre 2000 modifié, fixant les diplômes et les
conditions d’expérience professionnelle requis pour la délivrance du
certificat de capacité. Journal officiel de la République française du
11 février 2001 : texte 9.
17. Office national de la chasse et de la faune sauvage : conseil juridique
de décembre 2004. Site internet : http://www.oncfs.gouv.
fr/events/droit_jurisprudence/2005/chasse_vol.pdf
18. Dulieu F, Leroy E, Perraudin C. Référentiel infrastructure et
fonctionnement des fauconneries militaires. Direction régionale du
Service de santé des armées de Saint-Germain-en-Laye ; 2007 : 99p.
19. Dulieu F, Leroy E, Perraudin C. Procédure de mise en place d’une
fauconnerie sur une base aérienne militaire. Direction régionale du
Service de santé des armées de Saint-Germain-en-Laye ; version N° 1
du 28 juin 2007 : 2p.
20. Dulieu F, Leroy E, Perraudin C. Procédure d’évaluation sanitaire
d’une fauconnerie. Direction régionale du Service de santé des armées
de Saint-Germain-en-Laye ; version N° 1 du 2 novembre 2006 : 2p.
21. Kerdelhué B. Abrégé de zootechnie et de pathologie des rapaces –
documentation technique du SSA – Corps des vétérinaires biologistes ;
1993 : 57p.
22. Arrêté du 19 septembre 2007 modifié relatif à l’application des
dispositions législatives et réglementaires du code rural relatives à la
santé publique vétérinaire et à la sécurité sanitaire des aliments au sein
des établissements et organismes relevant du ministère de la Défense.
Journal officiel de la République française du 10 octobre 2007 : texte
25.
23. Arrêté ministériel modifié du 24 janvier 2008 relatif aux niveaux du
risque épizootique en raison de l’infection de la faune sauvage par un
virus de l’influenza aviaire à caractère hautement pathogène et au
dispositif de surveillance et de prévention chez les oiseaux détenus en
captivité. Journal officiel de la République française du 26 janvier
2008 : texte 27.
24. Recommandations relatives à la surveillance et à la prévention de
l'influenza aviaire dans les emprises relevant du ministère de la
Défense – Groupe de travail en épidémiologie animale du Service de
santé des armées – Zoodoc N° 4 version N° 1 du 12 février 2007.
fauconnerie dans l’armée de l’air, un domaine d’action original des vétérinaires des armées
349
VIENT DE PARAÎTRE
GRAND DICTIONNAIRE ILLUSTRÉ DE
PARASITOLOGIE MÉDICALE ET
VÉTÉRINAIRE.
Jacques EUZEBY
Le domaine de la parasitologie, intrinsèquement
immense, s’est encore agrandi du fait de la colonisation
de son territoire traditionnel par l’immunologie, la
biochimie et surtout la biologie moléculaire. La quasitotalité des revues de parasitologie modernes de celles
de physiopathologie et même de clinique abonde en
termes et expressions très spécialises qui peuvent
sembler obscurs à beaucoup de lecteurs.
Ce Grand dictionnaire illustre de parasitologie médicale
et vétérinaire présente en 6 600 définitions :
toute la parasitologie « essentielle » :
– parasitologie générale et physiopathologie générale ;
– mycologie médicale et mycoses ;
– protozoologie médicale et protozooses ;
– helminthologie médicale et helminthoses ;
– entomologie et entomoses, avec précisions d’ordre taxinomique, biologique physiopathologique et
immunologique, et évocation des méthodes d’étude les plus performantes, donc les plus utilisées.
Les disciplines connexes, en précisant notamment les termes relatifs aux :
– cycles biologiques (cycles évolutifs, vecteurs, hôtes...)
– voies de recherches pour la définition de candidats vaccins précisées pour la majorité des parasitoses
– techniques de diagnostic biologique PCR, RFLP, ELISA, MLST, immuno-chromatographie, etc.
– méthodes de lutte chimique, physique et biologique contre les parasites ou leurs vecteurs ;
– néologismes parasitologiques.
La thérapeutique des parasitoses, domaine en perpétuelle évolution.
Une iconographie riche de plus de 500 illustrations vient utilement compléter cet ensemble en
décrivant les caractères des grands taxons, dont les variations sont à la base de la systématique,
ainsi que les cycles biologique complexes de certains parasites et les aspects cliniques et
anatomo-pathologiques spécifiques de nombreuses parasitoses.
Cette information complète et immédiatement disponible est du plus grand intérêt pour : les
médecins cliniciens, les zoologistes et vétérinaires, les pharmacien, biologistes et techniciens
d’analyses, les services administratifs chargés de la sécurité alimentaire ou environnementale.
L’auteur : Jacques EUZÉBY docteur vétérinaire, est professeur honoraire de parasitologie et maladies
parasitaires à l’École nationale de Lyon. Docteur honoris causa des universitaires de Turin (Italie) et
de Timisoara (Roumanie), il est membre de l’Académie nationale de médecine, de l’Académie
vétérinaire de France et de l’Académie royale des sciences vétérinaires d’Espagne.
ISBN : 9782743010447, format : 22x27,5 cm , pages : 816 , pris 290€, Éditions Tec et Doc-Lavoisier, Librairie Lavoisier,
11 rue Lavoisier 75008 Paris, 14 rue de Progny 94236 Cachan Cedex , Tél. : 33(0)1 42 65 39 95, www.lavoisier.fr
350
Mise au point
Les cataractes radio-induites.
Regard sur de nouvelles données.
S. Wassilieff.
École des applications militaires de l’énergie atomique. Bureau courrier régional Marine Cherbourg, CC 19 – 50 115 Cherbourg-Octeville Cedex.
Article reçu le 25 mars 2009, accepté le 1er septembre 2009.
Résumé
La cataracte radio-induite était considérée, jusqu’à nos jours, comme une pathologie assez peu fréquente, nécessitant de
fortes doses de rayonnement, (dépassant un seuil élevé, de l’ordre de 2 Grays au cristallin) et se réduisant principalement
aux cataractes radiques des patients de radiothérapie. Plusieurs études récentes portant sur des populations aussi diverses
que les astronautes, les survivants d’Hiroshima – Nagasaki, les patients ayant subi un scanner céphalique, les
« liquidateurs » de Tchernobyl ainsi que quelques expérimentations animales nous amènent à reconsidérer la question : le
seuil d’apparition au moins des opacités détectables et probablement aussi des cataractes symptomatiques paraît plus bas
qu’actuellement estimé. L’existence même d’un seuil n’est plus tout à fait une certitude dans la mesure où la pathogénie
de la cataracte radio-induite serait moins de type déterministe (dommage tissulaire direct tuant ou endommageant
gravement une population cellulaire donnée) comme on le pensait, mais d’avantage de type stochastique (altération du
génome des cellules cibles, perturbation de la division cellulaire, trouble de la différenciation cellulaire des cellules
filles). De manière plus pratique, ces observations sont de nature à nous faire reconsidérer la protection des populations
spécifiquement exposées : patients et travailleurs principalement. S’agissant des travailleurs, et si ces nouvelles données
étaient confirmées, la limite actuelle de dose équivalente au cristallin du code du travail de 150mSv sur 12 mois
consécutifs pourrait, à terme, être revue à la baisse.
Mots-clés : Cataracte. Dose-seuil. Radioprotection. Rayonnements ionisants.
RADIATION-INDUCED CATARACTS. GLANCE AT SOME NEW DATA.
Abstract
The radiation-induced cataract has been up to now considered as a quite rare pathology, needing high-dose radiations
(beyond a dose threshold roughly estimated at 2 Grays to the lens) consisting mainly in head tumour radiotherapy
complications. Several new studies on different exposed populations such as astronauts, Japanese atomic bomb survivors,
people undergoing X-ray examinations, Chernobyl accident « liquidators » as well as data from animal experiments,
suggest that dose threshold for detectable opacities as well as for clinical posterior subcapsular cataract occurring, might
be far lower than those previously assumed. Even the existence of a dose threshold is no longer an absolute certitude
insofar as radiation-induced cataract pathogeny might consist not really in a deterministic effect (direct tissue harmful
effect, killing or seriously injuring a critical population of cells) as believed until now, but rather in a stochastic effect
(genomic damage in target-cells, altered cell division, abnormal lens fibre cell differentiation). More practically, these
new data may lead us to reconsider radioprotection of specifically exposed populations : mainly patients and workers.
Regarding workers, labour legislation (lens equivalent dose limit of 150 mSv during 12 consecutive months) might be,
in the medium term, reassessed downwards.
Keywords: Cataract. Ionizing radiations. Radioprotection. Threshold dose.
Introduction
La cataracte se définit comme une opacification du
cristallin entraînant une baisse d’acuité visuelle.
S. WASSILIEFF, médecin en chef, praticien confirmé.
Correspondance : École des applications militaires de l’énergie atomique. Bureau
courrier régional Marine Cherbourg, CC 19 – 50 115 Cherbourg-Octeville Cedex.
médecine et armées, 2009, 37, 4, 351-356
Parmi les étiologies de la cataracte, l’action des
rayonnements ionisants, connue depuis un siècle,
constitue une entité originale.
Un certain nombre d’études récemment publiées
semblant être à même de remettre en cause quelques
notions établies concernant ces cataractes radioinduites, cet article se propose de faire le point
de la question.
351
Rappels
Le cristallin : rappel anatomique et
physiologique
Le cristallin est une lentille biconvexe transparente et
avasculaire suspendue au corps ciliaire par les fibres de la
zonule ; ses rapports se font avec l’iris et l’humeur
aqueuse en avant et le corps vitré en arrière (fig. 1).
Il joue un rôle optique important car c’est un dioptre de
21 dioptries ; de plus, de façon optimale chez le sujet
jeune, sa plasticité est telle que l’action des muscles
ciliaires peut modifier ses rayons de courbure permettant
ainsi le phénomène d’accommodation.
Le cristallin est donc un organe avasculaire dont tous les
échanges s’effectuent par diffusion à travers sa capsule ou
cristalloïde, membrane conjonctive fine et transparente
dans laquelle il est totalement ensaché.
D’un diamètre frontal de 9 mm et de 4 mm d’épaisseur,
cette lentille présente une structure en bulbe d’oignon
constituée de couches concentriques s’enroulant les unes
autour des autres et ce, tout au long de la vie.
Ces différentes couches résultent de la prolifération
de l’épithélium antérieur : couche unicellulaire
directement au contact de la capsule antérieure dont les
cellules se multiplient puis migrent, s’étirent au niveau
de l’équateur cristallinien, et perdent progressivement
leur noyau (différenciation) pour former des fibres (ou
cellules fibreuses).
Cette zone germinative, située à l’avant du cristallin,
est active tout au long de la vie faisant « grossir » le
cristallin ; les plus jeunes des f ibres ainsi créées
refoulant vers le centre les fibres plus anciennes.
L’examen à la lampe à fente (ou biomicroscopie)
permet une excellente analyse des différents
noyaux constituant le cristallin, noyau embryonnaire
en son centre entouré par le noyau fœtal puis adulte
et la zone corticale répondant immédiatement à
la cristalloïde.
Figure 1. Coupe sagittale du cristallin. (d’après Merriam – 1983).
GZ = Zone germinative.
Brèves notions sur les rayonnements
ionisants
On distingue les rayonnements électromagnétiques (« flux d’énergie » sans masse) gamma et X, et
les rayonnements corpusculaires : alpha, bêta, neutrons
et noyaux lourds.
352
La dose absorbée par un matériau (vivant ou inerte)
représente l’énergie qui y est déposée rapportée à
sa masse ; l’unité est le Gray (Gy) qui est égal à un
Joule/kilogramme.
En radioprotection, pour quantifier un effet causé à
un tissu vivant, on calcule la dose équivalente qui est
le produit de la dose absorbée (en règle faible) par
le facteur de pondération radiologique « W R »
caractéristique de la nocivité du rayonnement en cause.
L’unité est le Sievert (Sv).
Le WR des X, des gammas et des bêtas étant égal à 1,
le Gray et le Sievert sont souvent employés l’un pour
l’autre dans les publications.
En radiobiologie (doses possiblement fortes), on
prend en compte l’Efficacité biologique relative (EBR)
des divers rayonnements dont le W R est une valeur
particulière moyenne pour les faibles doses.
Physiopathologie de la cataracte radioinduite (1, 2)
Les cellules épithéliales de la zone germinative
(région sous capsulaire antérieure paramédiane du
cristallin) vont constituer les cibles spécif iques des
rayonnements ionisants (fig. 1).
L’irradiation va d’abord être suivie d’une inhibition, de
durée variable, de l’activité mitotique de ces cellules.
Quand la mitose reprend, et au cours des semaines
suivant l’irradiation, les cellules f illes des cellules
irradiées vont migrer vers les « couches équatoriales » du
cristallin où un premier aspect pathologique est constitué
par une désorganisation de l’agencement normalement
très régulier de ces cellules à cet endroit, premier signe
d’une altération de la différenciation cellulaire.
Par la suite, la migration se poursuivant, des cellules
f ibreuses dysmorphiques encore nucléées, vont
commencer à s’accumuler dans la région sous-capsulaire
postérieure. Ces cellules, qui vont prendre une forme
arrondie avec un aspect « en vessie », présentent souvent
un noyau pycnotique (annonçant leur mort prochaine)
et se nomment cellules de Wedl.
Ces cellules de Wedl vont ensuite se rompre, déverser
leur contenu éosinophile et répandre des débris cellulaires
parmi d’autres cellules apparemment intactes. Le
cristallin étant avasculaire et totalement enclos dans sa
capsule, ces débris cellulaires ne peuvent être évacués.
Pendant que se produisent ces phénomènes dans le
cortex périphérique postérieur, les fibres plus internes
semblent garder une morphologie normale.
Des cellules dysmorphiques peuvent aussi commencer
à apparaître dans le cortex antérieur, f inissant
éventuellement par occuper le pourtour du cortex.
Ces modifications cyto-architecturales sont à la base de
l’altération de la transparence du cristallin.
Rappelons que dès 1906, Bergonié et Tribondeau
avaient formulé la loi classique : « la radiosensibilité des
cellules est d’autant plus grande que leur activité
mitotique est importante et que leur morphologie et leurs
fonctions sont moins définitivement fixées. »
Cette loi s’applique particulièrement bien aux cellules
de la zone germinative du cristallin.
s. wassilief
Aspects historique, clinique,
pathogénique et réglementaire de la
cataracte radio- induite
Toutefois des expériences postérieures sur des
rats albinos aff inaient cette donnée en montrant
que cette radiosensibilité spécifique augmentait avec
la dose (7).
Dès 1897, Chalupecky suggérait que les rayons X,
récemment découverts, pouvaient provoquer une
cataracte (3).
En 1930, Rohrschneider en publie la première
description clinique : opacités de la région souscapsulaire postérieure constituant une sorte de plaque
comportant des granulations et des vacuoles, de teinte
parfois jaunâtre et d’aspect « en cuivre battu » (4) (fig. 2).
Par la suite le développement de la radiothérapie va
voir apparaître les cataractes radiques, pathologie
iatrogène des traitements des tumeurs de la face
(exemple : paupières) ou de l’orbite (métastases
choroïdiennes) notamment.
Influence de la nature des rayonnements
Comme on l’a vu, on sait qu’à dose absorbée égale les
différents rayonnements ne produisent pas les mêmes
effets biologiques : chaque rayonnement possède sa
propre EBR, pour un effet donné et par rapport à un
rayonnement de référence.
S’agissant de la cataractogénicité, des expériences
sur des cristallins de rats ne retrouvent pas de différence
entre l’action des γ du Cobalt 60 et celle des rayons X
d’énergie (maximale) 200 keV (8).
Par contre, les expériences sur cristallins de souris
montrent que les neutrons semblent 4 à10 fois plus
cataractogènes que les rayons X (9).
Aspects réglementaires
Figure 2. Aspect de cataracte radio-induite (sous-capsulaire postérieure) à la
lampe à fente (d’après Merriam – 1983).
Dose minimale susceptible de provoquer
une cataracte radio-induite
En 1950, Merriam et Worgul proposaient une fourchette
entre 5 et 15 Grays (1).
En 1957, Merriam et Focht, se servant d’un mannequin
anthropomorphique (crâne de squelette humain recouvert
de cire et possédant un cristallin artificiel muni d’un
dispositif dosimétrique dans l’orbite), pouvaient réaliser
une dosimétrie comparative relativement précise des
doses délivrées au cristallin des porteurs de diverses
tumeurs de la face : ils proposaient un seuil de 2 Gy en
dose unique et de 4 Gy en dose fractionnée et/ou étalée
dans le temps (5).
Délai d’apparition
Il est inversement proportionnel à la dose et allongé
par le fractionnement des doses. Il peut varier entre
6 mois et 35 ans ; la moyenne serait environ de 2 à 3 ans (1).
Influence de l’âge
Dès 1907, des expériences animales suggéraient
que les jeunes cristallins étaient plus radiosensibles (6).
les cataractes radio-induites. regard sur de nouvelles données
La Commission internationale de protection
radiologique (CIPR) considère la cataracte radio-induite
comme un effet DETERMINISTE des rayonnements
ionisants c’est-à-dire comme un dommage tissulaire
direct, de gravité proportionnelle à la dose reçue et
n’apparaissant qu’à partir d’un certain taux de cellules
tuées ou gravement altérées fonctionnellement (10).
La dose nécessaire pour atteindre ce nombre minimal
de cellules tuées ou gravement endommagées au sein du
tissu constituant le SEUIL de l’effet en question.
Une dose inférieure à ce seuil n’entraîne pas d’effet
visible ; une dose supérieure déclenche l’effet à coup sûr.
L’ordre de grandeur du seuil de la cataracte radioinduite est estimé, à ce jour, à environ 2 Grays.
En réalité ce seuil varie selon plusieurs paramètres qui
sont principalement le type de rayonnement, le débit de
dose, la prise en compte de la simple constatation
d’opacités visibles à la lampe à fente ou la prise en compte
des altérations de la fonction visuelle (cataracte
« clinique » ou symptomatique).
Plus précisément, la CIPR dans sa publication n° 103
donne comme seuils (11) :
– pour les opacités détectables :
- 0,5 à 2 Gy en exposition brève unique,
- 5 Gy en dose cumulée pour des expositions très
fractionnées ou étalées ;
– pour les altérations de la fonction :
- 5 Gy pour les expositions uniques,
- > 8Gy pour les expositions cumulées.
Du point de vue de la réglementation en radioprotection,
le code du travail stipule que : « pour le cristallin,
l’exposition reçue au cours de douze mois consécutifs ne
peut dépasser 150 mSv » (12).
Dans les armées, l’instruction de référence prévoit, lors
de la visite médicale d’aptitude initiale des personnels
affectés à des travaux sous rayonnements ionisants « un
examen ophtalmologique de référence pour le personnel
de catégorie A devant être soumis de façon prolongée à
une exposition externe. Cet examen comporte l’examen
des milieux transparents en vue de mettre en évidence
d’éventuelles opacités cristalliniennes » (13).
353
Cet examen initial sera suivi, dans les cas où il existerait
une exposition particulière, par d’autres examens
ophtalmologiques réguliers prescrits par le médecin
chargé de la surveillance médicoradiobiologique.
Les données récentes de la littérature
Les survivants de la bombe atomique
(Hiroshima-Nagasaki : HN)
Une étude cas-témoins de 2004 portant sur des
personnes exposées alors qu’elles avaient moins de
13 ans et examinées entre 2000 et 2002 montre, pour
une dose estimée au cristallin de 1 Sv, une augmentation
de 12 % du taux de cataracte nucléaire (Odds ratio
(OR) = 1,12), de 29 % pour les cataractes corticales et de
41 % pour les cataractes sous capsulaires postérieures
(CSCP) (14).
En 2006, une autre étude cas-témoins japonaise
retrouve un taux très proche (OR/Sv = 1,44 avec
1,19 < intervalle de confiance (IC) à 95 % < 1,73) pour
les CSCP. La même étude s’intéresse au seuil
d’apparition qu’elle estime à 700 mGy pour les CSCP,
l’intervalle de conf iance à 90 % incluant le 0 ce qui
rendrait possible l’hypothèse d’une absence de seuil (15).
Les cosmonautes
Une étude de la NASA portant sur 295 astronautes
répartis en deux groupes a établi une augmentation
significative de l’incidence des cataractes d’apparition
précoce dans le groupe ayant reçu une dose estimée au
cristallin supérieure à 8 mSv (16).
Une étude cas-témoins allemande comparant 21
anciens astronautes et cosmonautes avec 395 témoins
d’âge comparable montre une augmentation du taux de
cataractes corticales postérieures et sous-capsulaires
postérieures chez les premiers (17).
Tchernobyl
Une étude de cohorte ukraino-américaine (UACOS) est
menée depuis 1996 sur les cristallins des « liquidateurs »
de Tchernobyl. Il s’agit des personnes ayant travaillé à la
décontamination du site durant les mois et les années qui
ont suivi l’accident de 1986 (18).
Une des récentes publications de cette étude porte sur
8 607 liquidateurs pour lesquels une cataracte a été
recherchée 12 et 14 ans après l’exposition (19).
La prévalence de cataractes d’allure sénile (cataracte
nucléaire) est faible (3,9 %) ce qui correspond à l’âge
moyen de la cohorte (90 % avait moins de 55 ans au
premier examen ophtalmologique).
Par contre une cataracte sous-capsulaire postérieure
ou corticale, d’allure radio-induite, était retrouvée
chez 25 % des sujets examinés.
La même étude établit que, s’agissant de la dose-seuil,
elle serait, dans tous les cas, inférieure à 700 mGy et
vraisemblablement inférieure à 350 mGy pour les CSCP
de stade 1 (opacités n’altérant pas la fonction visuelle).
Il est à remarquer que ces chiffres sont très nettement
inférieurs à ceux de la CIPR 60 qui donne un seuil de dose
354
équivalente cumulée au cristallin pour les expositions
étalées dans le temps de 5 Gy pour les opacités détectables.
Cataractes iatrogènes
Déjà en 1993, une étude américaine portant sur
l’examen du cristallin de 4 926 sujets établissait une
association significative entre la présence d’opacités
sous-capsulaires postérieures et le fait d’avoir subi dans
sa vie un scanner de l’encéphale (20).
Ceci est intéressant si on regarde l’ordre de grandeur de
la dose délivrée au cristallin par un tel examen : Gambini
donne 43.4 mGy quand le plan de coupe passe par les
orbites (cas le plus irradiant) (21).
En 1999, une étude cas-témoins suédoise portait
sur 16 500 personnes traitées avant l’âge de 18 mois
entre 1920 et 1959 par radiothérapie pour des angiomes cutanés : pour une dose de 1 Gy au cristallin,
l’augmentation du risque d’apparition d’une opacité
sous-capsulaire postérieure est estimée à 50 %
(OR = 1,5 ; 1,10 < IC95 < 2,05) et à 35 % pour des opacités
corticales (22).
Une récente étude de cohorte américaine a suivi 35 705
électro manipulateurs en radiologie médicale, âgés de
24 à 44 ans et aux cristallins sains au début de l’étude,
de 1983 à 2004 (23).
Deux types d’exposition ont été simultanément
étudiés :
– une exposition médicale : le fait d’avoir subi euxmêmes 3 ou plus examens radiologiques de la face et/ou
du cou était corrélé avec un Risque relatif (RR) de 1,25
d’apparition d’une cataracte (1,06 < IC95 < 1,47) soit une
augmentation de 25 %. ;
– une exposition professionnelle : deux groupes
ont été définis ; l’un ayant reçu en moyenne 60 mGy
au cristallin, l’autre 5 mGy.
Un RR de 1,18 (0,99 < IC95 < 1,4) soit un excès de
risque relatif de 18 % d’apparition d’une cataracte
était retrouvé dans le groupe le plus exposé.
Expérimentations animales
Outre les expériences citées plus haut, citons les
études réalisées au BEVALAC (accélérateur d’ions
lourds en Californie) : des rats de quatre semaines ont
été irradiés au niveau de la tête par des faisceaux
d’ions d’Argon 40, particules lourdes de très haute
énergie (de l’ordre de 22 Gigaélectronvolts) et de très
fort transfert linéique d’énergie (TLE) ; un autre groupe
de rats ayant reçu des rayons X (faible TLE). Les ions
lourds ont paru de 3,5 à 100 fois plus cataractogènes
que les rayons X (24).
Cette observation est à rapprochée du fait que nombre
d’astronautes (notamment ceux d’Apollo 11) ont
rapporté avoir vu des éclairs et des traits lumineux
pendant leur vol. Ces perceptions lumineuses étant
probablement dues à des particules lourdes de très haute
énergie frappant la rétine.
Une expérimentation plus récente montre qu’une
dose de 100 mGy de rayons X est cataractogène
pour la souris (25).
s. wassilief
Discussion
Que conclure de ces nouvelles données ?
S’agissant des seuils d’apparition, il semble bien qu’ils
soient inférieurs à ceux retenus jusqu’à présent aussi bien
pour les opacités asymptomatiques que pour les cataractes
sous-capsulaires postérieures constituées.
S’agissant du caractère déterministe des cataractes
radio-induites, celui-ci pourrait même être remis en
question dans la mesure où :
– l’existence même d’un seuil n’est plus tout à fait
certaine ;
– l’importance des atteintes génomiques (présence de
nombreux micronoyaux) des cellules de l’épithélium
antérieur semble prépondérante par rapport aux atteintes
cellulaires directes (effet de mort cellulaire) (26).
Ce dommage génotoxique, avec altération de la
division cellulaire, semble bien être transmis aux cellules
filles qui voient leur différenciation perturbée.
Ceci rapproche ce mode pathogénique de celui des
effets stochastiques.
En effet la CIPR 60 définit l’effet stochastique comme
le résultat du « développement d’un clone à partir
d’une cellule modifiée ». Cela signifie qu’une cellule
dont l’ADN a été endommagé par une radiation et mal
réparé va transmettre aux cellules de sa lignée une
altération viable et transmissible de son génome
(mutation) qui pourra à terme se manifester par divers
dysfonctionnements cellulaires et tissulaires ; (le plus
redouté étant un processus de cancérisation qui ne nous
concerne pas ici).
Ces effets n’ont théoriquement pas de seuil et
l’augmentation de la dose augmente non pas la gravité de
l’effet (comme c’est le cas pour les effets déterministes)
mais la probabilité de survenue de l’effet.
On voit donc que la cataracte radio-induite, par sa
pathogénie originale, possède à la fois :
– certaines spécif icités des effets déterministes :
présence probable (mais non plus certaine) d’un seuil,
une certaine proportionnalité de la gravité de l’effet
avec la dose ;
– certaines spécif icités des effets stochastiques :
dommage génomique initial qui ne tue ni ne lèse
gravement la cellule cible mais qui va être transmis aux
cellules de la lignée.
Tous ces éléments sont de nature à nous faire
reconsidérer la stratégie actuelle de la prévention du
risque cataracte.
Il semble qu’on ne puisse plus se contenter de respecter
des limites de dose équivalente choisies en dessous des
seuils d’apparition, comme on le fait légitimement pour
les effets déterministes classiques type « brûlure
radiologique », d’autant plus que ces seuils semblent
avoir été sous-évalués.
L’application du principe d’optimisation de la
protection et la surveillance des populations
spécifiquement exposées à ce risque retrouvent là toute
leur valeur.
Conclusion
Sous réserve de confirmation par des études ultérieures,
les cataractes radio-induites, à la lumière des récentes
publications, paraissent devoir être considérées
désormais comme une pathologie plus fréquente qu’on
ne le pensait. En particulier les seuils d’apparition
prévisible méritent probablement d’être réévalués.
En conséquence, la protection et la surveillance des
populations exposées à ces risques spécif iques
(essentiellement patients et travailleurs) devront être, le
cas échéant, renforcées.
S’agissant des travailleurs, il n’est pas impossible que la
limite réglementaire actuelle de 150 mSv de dose
équivalente au cristallin sur douze mois consécutifs, soit,
à terme, revue à la baisse.
L’auteur remercie le MC Kovalski et le MP
Lecorvaisier pour leur aide précieuse.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Merriam GR Jr, Worgul BV. Experimental radiation cataract –
Its clinical relevance. Bull, NY Acad Med 1983 ; 59, Vol. n° 4 :
372-92.
2. Belkacémi Y, Touboul E, Méric JB, Rat P, Warnet JM. Cataracte
radio-induite : aspects physiopathologiques, radiobiologiques et
cliniques. Cancer – Radiothérapie août 2001 ; vol. 5, n° 4 : 397-412.
3. Chalupecky H. Ueber die Wirkung der rontgenstrahlen auf das Aufe
und die Haut. Z. Prakt Augenheilk (Leipzig) 1897 ; 21 : 234-9.
4. Rohrschneider W. Experimentelle Katarakt Nach Mehrfacher
Bestrablung Mit Kleinen Rontgenstrahlendosen. Ophth. Gesellach
1930 ; 48 241-4.
5. Merriam GR Jr, Focht EF. A clinical study of radiation cataracts and
the relationship to dose. Am. J. Roentgenol 1957 ; 77 : 759-85.
6. Tribondeau L, Lafargue P. Action différente des rayons X sur le
cristallin des animaux jeunes et des animaux adultes. Compt. Rend.
Soc. Biol 1907 ; 63 : 716-7.
7. Merriam GR Jr, Szechter A. The effect of age on the radiosensitivity of
rat lenses. Trans. Am. Ophthal. Soc. 1973 ; 71 : 88-110.
les cataractes radio-induites. regard sur de nouvelles données
8. Focht EF, Merriam GR Jr, Schwartz MS, Parsons RW. The
relative biologic effectiveness of cobalt 60 gamma and 200 kV Xradiation for cataract induction. Am J Roentgenol Rad Ther Nuc
Med 1968 ; 102 : 71-80.
9. Merriam GR Jr, Biavati BJ, Bateman JL et al. The dependence of RBE
on the energy of fast neutrons. IV Induction of lens opacities in mice.
Rad Res 1965 ; 25 : 123-38.
10. ICRP - Recommendations of the International Commission on
Radiological Protection, Publication 1990 ; 60.
11. ICRP - Recommendations of the International Commission on
Radiological Protection, Publication 2007 ; 103.
12. Code du travail – Édition du 1er mai 2008 – Article R.4 451-13.
13. Instruction N° 4916/DEF/CAB du 30 mars 2009 relative aux
dispositions communes de radioprotection du personnel du ministère
la Défense (§ 4.3.1. du guide annexé).
14. Minamoto A, Taniguchi H, Yoshitani N, Mukai S, Yokoyama T,
Kumagami T et al. Cataract in atomic bomb survivors. Int J Radiat
Biol 2004 ; 80 : 339-45.
355
15. Nakashima E, Neriishi K, Minamoto A. A reanalysis of atomicbomb cataract data, 2000-2002 : A threshold analysis. Health Phys
2006 ; 90 : 154-60.
16. Cucinotta FA, Manuel FK, Jones J, Iszard G, Murrey J, Djojonegro B
et al. Space radiation and cataracts in astronauts. Rad Res 2001 ;
156 : 460-6.
17. Rastegar ZN, Eckart P, Mertz M. Radiation cataracts in astronauts and
cosmonauts. Graefe. Arch. Clin. Exp. Ophthalmol. 2002 ; 240 : 543-7.
18. Kleiman NJ. Radiation cataract. In Radiation Protection 145,
European Commission 2007 : 81-95.
19. Worgul BV, Kundiev YI, Sergiyenko NM, Chumak VV, Vitte PM,
Medvedovsky C et al. Cataracts among Chernobyl clean-up workers :
implications regarding permissible eye exposures. Rad Res 2007 ;
167 : 233-43.
20. Klein BEK, Klein R, Linton KLP, Franke T. Diagnostic X-ray
exposure and lens opacities : The Beaver Eye Dam eye study. Am. J.
Publ. Health 1993 ; 83 : 588-90.
21. Gambini DJ, Granier R. Manuel pratique de radioprotection –
356
3e édition Lavoisier 2007.
22. Hall P, Granath F, Lundell M, Olsson K, Holm LE. Lenticular
opacities in individuals exposed to ionizing radiation in infancy.
Rad Res 1999 ; 152 : 190-5.
23. Chodick G et al. Risk of cataract after exposure to low doses of
ionizing radiation : A 20-year prospective cohort study among US
radiologic technologists. American Journal of Epidemiology july 29,
2008 ; 168 (6) : 620-31.
24. Worgul BV, Merriam GR Jr, Medvedovsky C et al. The cataractogenic
effect of accelerated Argon ions on the rat lens. Rad Res 1981 ;
87 : 461.
25. Worgul BV, Smilenov L, Brenner DJ, Vazquez M, Hall EJ.
Mice heterozygous for the ATM gene are more sensitive to both
X-ray and heavy ion exposure than are wildtypes. Adv Space Res
2005 ; 35 : 24-5.
26. Worgul BV, David J, Odrich S, Merriam GR Jr, Medvedovsky C,
Merriam JC, Trokel SL, Geard CR. Evidence of genotoxic damage
in cataractous lenses. Mutagenesis 1991 ; vol. 6, N° 6 : 495-9.
s. wassilief
Mise au point
Neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme.
R. Macarez a, S. Bazin b, X. Burelle c, B. Chaudier d, B. Soullié e, M. Vanimschoot a, C. Dot f,
P. Ocamica a, J.-L. Kovalski a, J.-M. Puyhardy g, D. Lagauche h, F. May i.
a Service ophtalmologie, HIA Clermont-Tonnerre, rue du colonel Fonferrier, CC 41 – 29240 Brest Cedex 9.
b Service ophtalmologie, HIA R. Picqué, 351 route de Toulouse, CS 80 002 – 33 882 Villenave d’Ornon Cedex.
c Service d’ophtalmologie ; HIA Legouest, 27 avenue de Plantière – 57070 Metz.
d Service de rhumatologie, HIA Laveran BP 60 149 – 13 384 Marseilles Cedex 13.
e Service biologie, HIA R. Picqué, 351 route de Toulouse, CS 80 002 – 33 882 Villenave d’Ornon Cedex.
f Service ophtalmologie, HIA Desgenettes, 108 boulevard Pinel – 69275 Lyon Cedex 03.
g Service biologie, HIA Legouest, 27 avenue de Plantière – 57070 Metz.
h Service de médecine physique et de réadaptation, HIA Legouest, 27 avenue de Plantière – 57070 Metz.
i Service ophtalmologie, HIA du Val-de-Grâce, 74 boulevard de Port Royal – 75230 Paris Cedex 05
Article reçu le 2 juillet 2006, accepté le 1er juillet 2009.
Résumé
La borréliose de Lyme, affection transmise par les tiques la plus fréquemment observée dans l’hémisphère nord, est
causée par un spirochète : Borrelia burgdorferi. La manifestation inaugurale de la maladie est rarement composée d’un
tableau clinique complet associant 2 à 3 semaines après un antécédent connu de piqûre de tique, un érythème migrant
suivi d’une atteinte multisystémique pouvant être neurologique, articulaire et/ou cardiaque. Les manifestations
ophtalmologiques constituent un mode d’expression rare de la maladie. Elles peuvent intéresser toutes les structures
oculaires et être observées à chaque stade de l’affection, mais surtout à la phase secondaire où peut survenir une atteinte
neurologique, ou neuroborréliose, dans laquelle l’atteinte oculaire s’exprime sur un mode neuro-ophtalmologique. Ainsi,
devant la multiplicité des tableaux cliniques possibles, tant généraux qu’oculaires, seul l’érythème migrant constitue une
manifestation clinique qui, bien que non pathognomonique, possède une forte valeur d’orientation vers une maladie de
Lyme. Ceci souligne l’importance lorsque celui-ci fait défaut, d’une enquête étiologique rigoureuse. Nous rapportons
quatre observations : trois neuropathies optiques rétrobulbaires et une paralysie oculomotrice, qui illustrent cette
difficulté.
Mots-clés : Borréliose. Maladie de Lyme. Neuropathie optique. Paralysie oculomotrice.
NEURO-OPHTHALMOLOGY : HOW TO BEAR LYME BORRELIOSIS IN MIND.
Abstract
Lyme borreliosis is the most common tick-transmitted disease in the Northern hemisphere and is caused by spirochaetes
of the Borrelia burgdorferi species complex. The inaugural demonstration of the disease is seldom made up of a
complete clinical presentation in which a tick bite leads to a skin lesion after a 2 to 3 weeks period, followed by
multisystemic involvement of the nervous system as well us joints and heart. Ocular manifestations of Lyme borreliosis
remain a rare feature of the disease. All ocular structures can be involved at any phase of the affection. However, it can
mainly be observed in the secondary stage where can occur neurological and ocular manifestations expressed in a neuroophthalmological way. Among the various possible clinical presentations of borreliosis, an erythema migrans skin lesion
is the only sign that enables a reliable clinical diagnosis of Lyme disease altough being not pathognomonic. When this
sign is lacking, this underlines the importance of a rigourous etiologic investigation. We describe four cases of ocular
manifestations, three retrobulbar optic neuropathies and one oculomotor nerve palsy, to illustrate this problem.
Keywords: Borreliosis. Lyme disease. Optic neuropathy. Oculomotor nerve palsy.
R. MACAREZ, médecin en chef, praticien certifié. S. BAZIN, médecin en chef,
praticien certifié. X. BURELLE, praticien confirmé. B. CHAUDIER, médecin en
chef, praticien certifié. B. SOULLIÉ, médecin en chef, praticien certifié.
M. VANIMSCHOOT, médecin lieutenant, interne. C. DOT, médecin en chef,
praticien certifié. P. OCAMICA, médecin en chef, praticien certifié. J.L. KOVALSKI, médecin en chef, praticien certifié. J.-M. PUYHARDY, médecin en
chef, praticien certifié. D. LAGAUCHE, médecin en chef, praticien professeur agrégé.
F. MAY, médecin en chef, praticien professeur agrégé.
Correspondance: R. MACAREZ, service d’ophtalmologie, HIA Clermont-Tonnerre,
rue Colonel Fonferrier, CC 41, 29240 Brest Cedex 9.
E-mail: [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 357-367
Introduction
La maladie de Lyme est due à une Borrelia transmise
à l'homme par la piqûre d'une tique du genre Ixodes.
Il s'agit d'une zoonose endémique dont le réservoir
est constitué par la faune sauvage des forêts à climat
tempéré (rongeurs, cerfs) (1).
357
Les borrelia sont des bactéries Gram négatif de l'ordre
des Spirochètes comme les tréponèmes et les leptospires.
Il s'agit de bactéries toujours extra-cellulaires.
En France, l’incidence de la borréliose de Lyme est
d’environ 5 500 cas par an. La prévalence est plus forte
dans les régions comportant de vieux massifs (Nord-Est,
Massif Armoricain, Massif central). Une augmentation
de l'incidence des pathologies vectorielles à tiques est
observée depuis le milieu des années 90. Celle-ci semble
liée à la conjonction de plusieurs facteurs tels que
l’augmentation de la population des grands mammifères
(sangliers, chevreuils, cerfs), la recrudescence des
activités de loisirs en pleine nature augmentant les risques
de contacts homme-tique, enf in et surtout une
modification de l'écosystème favorisant la prolifération
des tiques. Cette modif ication est pour partie liée à
l’activité humaine (recul de l’agriculture au profit de la
forêt), mais relève également de modif ications
climatiques (augmentation des températures propice à
l’incubation des agents pathogènes au sein des vecteurs)
(2-4). De même, la collectivité militaire par l’exercice
même de son métier constitue une population tout
particulièrement exposée qui doit donc être sensibilisée à
ce risque et à sa prévention (5).
La borréliose de Lyme peut se manifester par une
grande variété de signes cliniques : neurologiques,
rhumatologiques, cardiologiques mais aussi dégénératifs,
témoignant de la diffusion systémique des spirochètes.
Cliniquement, la maladie de Lyme peut être
décomposée en trois phases selon le délai d’apparition
des symptômes par rapport à la piqûre de la tique. La
phase primaire correspond à une infection localisée
précoce au niveau du site de piqûre de tique pouvant
réaliser un érythème chronique migrant retrouvé dans
30 % des cas, une phase secondaire quelques jours ou
semaines après la piqûre correspondant à une infection à
distance par dissémination hématogène ou lymphatique
du spirochète. À cette phase, on peut observer des
manifestations cardiaques (troubles de la conduction
auriculo-ventriculaire essentiellement), mais aussi
neurologiques périphériques (atteinte radiculaire
des nerfs) ou centrales (méningo-encéphalites). Enfin,
une phase tertiaire, rare, pouvant survenir plusieurs
mois ou années après l'infection initiale et caractérisée
par des manifestations dermatologiques (acrodermatite chronique atrophiante, lymphocytome
cutané), articulaire (oligoarthrite), ou neurologique
(encéphalopathie chronique) (6).
Les manifestations neurologiques constituent le
mode de révélation le plus fréquent de la borréliose de
Lyme en France.
Ainsi, la neuroborréliose de Lyme se définit comme
l’atteinte neurologique observée au cours de l’infection
systémique par Borrelia burgdorferi. Sa pathogénie
semble procéder d’une invasion du système nerveux
central (SNC) et périphérique par le spirochète,
responsable d’une inflammation modérée de l’espace
sous-arachnoïdien et du tissu périneural. Cependant,
l’hypothèse d’une toxicité neurologique satellite
d’une infection en dehors du système nerveux n’a
pu être éliminée (7).
358
Le plus souvent la neuroborréliose associe une
évolution subaiguë se prolongeant plusieurs semaines
ou mois après l’infection, une pléiocytose du LCR
de type lyphomonocytaire et une atteinte d’un ou
plusieurs nerfs crâniens, l’atteinte du nerf facial étant
la plus fréquemment rapportée dans la littérature
neurologique (8, 9).
Certains auteurs individualisent une forme précoce
et tardive de neuroborréliose (10). La première est
plus inflammatoire, présente une méningo-radiculite
associant une méningite lymphocytaire et une atteinte
radiculaire qui concerne les nerfs crâniens dans 50 %
des cas (11, 12). La seconde peut se présenter sous la
forme de manifestations chroniques (encéphalopathie, neuropathie périphérique) observées plusieurs
mois à plusieurs années après l’infection initiale, alors
que l’étude du LCR n’objective qu’une réponse
inflammatoire minime ou absente (13, 14).
Les atteintes ophtalmologiques sont rares mais peuvent
s’observer à toutes les phases, que ce soit à la phase
primaire où une conjonctivite a été rapportée chez 11 %
des patients présentant un érythème migrant (15) ou à la
phase secondaire ou tertiaire. Lors de ces deux phases les
atteintes sont très variées pouvant être à type de sclérite,
épisclérite, inf iltrats cornéens, uvéite antérieure,
intermédiaire ou postérieure, neurorétinite, neuropathie
optique voire endophtalmie purulente en cas d'atteinte
directe de l'œil, paralysie faciale périphérique en cas de
méningo-radiculite, voire plus rarement paralysie
oculomotrice (16).
Nous rapportons le cas de quatre patients chez lesquels
l’atteinte neuro-ophtalmologique a constitué la
manifestation inaugurale de la borréliose de Lyme.
Observations
Observation N° 1
Un homme de race blanche, âgé de 79 ans, sans
antécédent ni aucun traitement sur le plan général,
consulte en raison d’une baisse d’acuité visuelle
bilatérale et progressive chiffrée à 3/10 P5 aux deux yeux.
Cette baisse d’acuité visuelle est mise sur le compte d’une
cataracte bilatérale, en l’absence de maculopathie chez ce
sujet âgé, le reste de l’examen ophtalmologique s’avérant
sans anomalie. Les deux yeux sont opérés à un mois
d’intervalle et les suites opératoires sont simples. Mais la
récupération visuelle post-opératoire s’avère médiocre,
puisque l’acuité visuelle se limite à 4/10 P4 à droite et à
5/10 P4 à gauche. Une nouvelle hospitalisation est
proposée au patient, mais celui-ci échappe ensuite à tout
suivi et ne revient consulter que trois ans plus tard en
raison d’une baisse d’acuité visuelle majeure bilatérale et
progressive, chiffrée à 2/10 P10 à droite et à Compte les
doigts à 1 m à gauche. L’examen ophtalmologique
retrouve une opacif ication capsulaire secondaire
bilatérale, de densité modérée. À la suite de la
capsulotomie au laser Yag, l’acuité ne remonte qu’à
1,6/10 P8 à droite et à 3/10 P 8 à gauche.
r. macarez
La pression oculaire est mesurée à 18 mm Hg aux deux
yeux avec une pachymétrie normale (chiffrée à 524 mm à
droite et 526 mm à gauche).
Le fond d’œil est le siège d’une discrète pâleur du bord
temporal de la papille prédominant à droite (fig. 1). Le
reste de l’examen s’avère sans anomalie.
Figure 1. Observation n° 1. Fond d’œil : pâleur du bord temporal de la papille
prédominant à droite.
Les pupilles sont faiblement réactives à droite comme à
gauche, de façon symétrique. L’angiographie rétinienne à
la fluorescéine est normale.
L’examen du champ visuel en périmétrie cinétique
de Goldman objective un scotome central bilatéral
absolu associé à un élargissement de la tache aveugle
(fig. 2). Le test 15 Hue désaturé permet de retrouver une
dyschromatopsie d’axe rouge-vert bilatérale malgré
l’importance de la baisse d’acuité visuelle (fig. 3).
Les potentiels évoqués visuels mettent en évidence une
augmentation bilatérale des temps de conduction de
l’onde P100 (à 144 ms à droite et à 159 ms à gauche)
associée à une diminution de son amplitude.
Le diagnostic de neuropathie optique rétrobulbaire
bilatérale est posé. L’interrogatoire ne retrouve aucune
cause toxique individualisable. Un bilan étiologique
neuroradiologique, immunologique, vasculaire, et
infectieux (incluant la recherche d’une maladie de Lyme)
est réalisé. En effet, ce patient réside en zone d’endémie
Figure 3. Observation n° 1. Vision des couleurs (test 15 Hue désaturé) :
dyschromatopsie d’axe rouge-vert bilatérale malgré l’importance de la baisse
d’acuité visuelle.
de maladie de Lyme : il ne possède aucun animal
domestique et ne présente aucun antécédent connu de
morsure de tique mais effectue souvent des promenades
en forêts depuis de nombreuses années. L’IRM cérébrale
est normale, permettant d’éliminer un processus expansif
comprimant les voies optiques. Les bilans vasculaire et
immunologique sont normaux. Sur le plan infectieux, en
revanche, une maladie de Lyme est fortement suspectée
(sérologie négative en ELISA et mais positive en IgG en
Western Blot). La sérologie syphilitique révèle : un
VDRL négatif, un TPHA et un FTA positifs en IgG mais
négatifs en IgM. L'interprétation en dehors de tout
contexte clinique pourrait évoquer une tréponématose
tertiaire guérie, mais la négativité du Blot syphilis ainsi
que le contexte clinique font conclure à une réaction
croisée entre les sérologies de la maladie de Lyme et de la
syphilis. Ces réactions croisées sont connues et
s'expliquent par la proximité antigénique de ces deux
bactéries appartenant à la famille des Spirochètes.
Une ponction lombaire est réalisée : l’examen
cytologique du LCR ne montre pas de cellule suspecte, la
Figure 2. Observation n° 1. Champ visuel de Goldman : scotome central bilatéral associé à un élargissement de la tache aveugle.
neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme
359
protéinorachie est augmentée mais la glycorachie
est normale. Les sérologies de Lyme et TPHA-VDRL
sur le LCR sont négatives.
Un traitement parentéral par Ceftriaxone à la dose
de 2 g par jour est instauré pendant une durée de
quatre semaines.
À la suite de ce traitement, l’acuité visuelle à deux mois
est remontée à 6/10 P5 à droite et 6/10 P 6 à gauche.
Cependant, l’exploration de la vision des couleurs met
en évidence une dyschromatopsie sans axe bilatérale et
le champ visuel objective la persistance d’un scotome
central bilatéral.
Observation N° 2
Un homme de race blanche, âgé de 55 ans, ancien
tabagique sevré depuis huit ans, consulte pour une baisse
d'acuité visuelle de l'œil droit évoluant depuis environ
quatre années, sans aucun suivi ophtalmologique durant
cette période. Lors de notre examen initial, l'acuité
visuelle est à 1/20 faible P14 à droite et 8/10 P2 à gauche.
Il existe une discrète hypertonie droite : la PIO est à 22
mmHg à droite et 21 mmHg à gauche, valeurs sous
estimées compte tenu d’une cornée mince puisque la
pachymétrie centrale est chiffrée à 502 à droite et 505 à
gauche. À cette hypertonie s'associe une excavation
papillaire bilatérale plus importante à droite (fig. 4).
Figure 4. Observation n° 2. Fond d’œil. Excavation papillaire bilatérale plus
importante à droite.
L'oculomotricité extrinsèque est normale. L'étude
des réflexes photomoteurs permet la mise en évidence
d'un déf icit pupillaire afférent relatif droit. Le test
15 Hue désaturé de Lanthony réalisé sur l'œil gauche
objective une dyschromatopsie avec une ébauche
d'axe bleu-jaune (fig. 5).
L'étude du champ visuel en périmétrie cinétique de
Goldman (fig. 6a et 6b) objective une atteinte binasale :
hémianopsie à droite et quadranopsie supérieure à
gauche. Ces déficits peu évocateurs d’une neuropathie
optique d’origine glaucomateuse font rechercher une
autre étiologie : toxique, tumorale, inflammatoire ou
infectieuse (la quadranopsie centrée sur la macula
évoquant plutôt une atteinte chiasmatique ou
rétrochiasmatique). L’angiographie rétinienne à la
fluorescéine est normale. Il n’y a plus d’intoxication, le
patient ayant arrêté son tabagisme il y a huit ans et n’ayant
aucun traitement médicamenteux au long cours. Un
scanner cérébral complété par une IRM cérébrale et du
360
Figure 5. Observation n° 2. Vision des couleurs (test 15 Hue désaturé) :
Dyschromatopsie avec ébauche d’axe bleu jaune à gauche.
tronc cérébral avec injection permettent d'éliminer un
processus expansif intracrânien ainsi qu'une affection
démyélinisante. Le bilan d'hémostase est normal.
Les sérologies VIH, CMV, et TPHA-VDRL sont
négatives ; de même que la recherche des anticorps
antinucléaires, anti-SSA, anti-SSB et du facteur
rhumatoïde.
La sérologie de la maladie de Lyme est positive en Elisa
et positive par Western Blot en IgG mais négative en IgM.
L’étude du LCR s’avère sans anomalie et la sérologie de
Lyme dans le LCR est négative en Elisa et au Western
Blot.
La positivité de la sérologie de Lyme fait suspecter une
borréliose, bien que ce patient vivant en zone d’endémie
ne se souvienne pas de piqûre de tique ou d'érythème
cutané (toutefois, il possède deux chats et un chien et
effectue régulièrement des promenades en forêt).
Cette positivité ainsi que l'importance de l'atteinte
visuelle nous amènent à prescrire une antibiothérapie
parentérale intraveineuse par ceftriaxone à la dose de
2 g/jour poursuivie pendant quatre semaines.
En outre, l'hypertonie oculaire est équilibrée avec un
traitement par Latanoprost collyre.
Avec un recul d’un an, l'acuité visuelle des deux yeux
est discrètement améliorée puisque chiffrée à 1/10 faible
P14 à droite et 10/10 P2 à gauche et l'on observe une
récupération partielle des atteintes périphériques du
champ visuel des deux yeux (fig. 6c et 6d).
Observation N° 3
Un jeune homme eurasien (né de père caucasien et
de mère asiatique), âgé de 17 ans, non fumeur, est
adressé pour baisse d'acuité visuelle gauche limitée à
1/10 Parinaud 14 évoluant depuis environ 1 mois. Cet œil
gauche présente une amblyopie relative puisque son
acuité visuelle avait été chiffrée à 6/10 lors d'une
consultation chez son ophtalmologiste traitant 1 an
auparavant. L'œil droit présente une acuité visuelle
de 10/10 Parinaud 2. Le segment antérieur des deux
yeux est sans anomalie, de même que le fond d'œil
droit alors que le fond d'œil gauche présente une pâleur
du bord temporal de la papille (fig. 7).
r. macarez
Figure 6. Observation n° 2. Champ visuel de Goldman. A et B champ visuel initial. C et D champ visuel 1 an plus tard : récupération partielle.
L'angiographie a été refusée par le patient.
L'oculomotricité extrinsèque est normale. L'étude des
réflexes photomoteurs permet la mise en évidence d'un
déficit pupillaire afférent relatif gauche évocateur d'une
neuropathie optique gauche. Ceci est confirmé par l'étude
du champ visuel en périmétrie cinétique de Goldman
(fig. 8) qui objective un scotome caecocentral à gauche
alors que le champ visuel est normal à droite. En revanche,
le test 15 Hue désaturé de Lanthony objective une
dyschromatopsie d'axe rouge-vert bilatérale (fig. 9).
Un scanner cérébral complété par une IRM cérébrale
et du tronc cérébral avec injection quelques jours plus
tard permettent d'éliminer un processus expansif
intracrânien ainsi qu'une affection démyélinisante.
Les sérologies VIH et TPHA-VDRL sont négatives ;
de même que la recherche des anticorps antinucléaires,
anti-SSA et anti-SSB.
Le bilan d'hémostase est normal et la recherche
d’une thrombophilie est négative.
En présence de cette neuropathie optique aiguë de
jeune adulte, deux grandes causes restent à envisager :
– une maladie de Lyme, (ceci malgré l'absence
de notion récente de piqûre de tique et d'érythème
Figure 7. Observation n° 3. Fond d'œil initial. Œil droit: papille d’aspect normal
voire légèrement rosée. Œil gauche: pâleur du bord temporal de la papille.
Figure 8. Observation n° 3. Champ visuel initial. Œil gauche : scotome
centrocaecal. Œil droit : exclusion de la tache aveugle à l'isoptère I1e.
neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme
361
Figure 9. Observation n° 3. Test 15 Hue désaturé lors du bilan initial.
Dyschromatopsie bilatérale.
cutané chez ce patient possédant un chien et vivant
en zone d'endémie) ;
– une neuropathie optique héréditaire de Leber
(NOHL), pour laquelle la recherche d'une mutation de
l'ADN mitochondrial est réalisée, l'interrogatoire initial
des parents ne retrouvant pas d'antécédent familial
d'affection visuelle.
La sérologie de Lyme dans le sang, d'abord douteuse en
Elisa, est positive au Western Blot en IgG et en IgM. En
revanche, elle est négative dans le LCR.
Cette positivité ainsi que l'importance de l'atteinte
visuelle nous amènent à prescrire une antibiothérapie
parentérale intraveineuse par ceftriaxone à la dose de
2 g/jour poursuivie pendant quatre semaines. L'acuité
visuelle est alors chiffrée à 10/10 à droite et « Compte les
doigts à 1,5 m » à gauche.
Alors que le traitement antibiotique se termine et
qu'aucune amélioration de la fonction visuelle de l'œil
gauche n'est observée, nous recevons le résultat de la
recherche de mutation de l'ADN mitochondrial : la
mutation G11778A est retrouvée dans les leucocytes de
notre patient. La reprise de l'interrogatoire permet de
retrouver un cas de NOHL déclaré à l'âge de 20 ans chez
un cousin du côté de la mère qui est d'origine asiatique.
La présence bilatérale lors de l’examen initial d'une
dyschromatopsie d'axe rouge vert fait redouter une
bilatéralisation qui survient 1 mois après l'arrêt du
traitement antibiotique (soit trois mois à partir du début
des troubles sur le 1er œil), l'acuité visuelle étant alors de
4/10 à droite et « Compte les doigts à 1,5 m » à gauche.
La recherche de manifestations générales associées à la
NOHL s’avère négative, devant la normalité de l’ECG et
des examens neurologiques tant cliniques que
paracliniques (IRM et LCR sans anomalie).
Un traitement par ubidecarenone à la dose de
1 mg/kg/jour est instauré au long cours sous ATU.
Actuellement, avec un recul de 1 an, l'acuité visuelle des
deux yeux demeure stabilisée à « Compte les doigts à
3 m » pour chaque œil. L'examen du fond d'œil révèle une
atrophie optique bilatérale (fig. 10) ; et le champ visuel de
Figure 10. Observation n° 3. Fond d'œil 1 an plus tard. Atrophie optique
bilatérale prédominant en temporal.
Goldman met en évidence un scotome centrocaecal à
droite et central à gauche (fig. 11).
Observation N° 4
Une femme, âgée de 79 ans, consulte pour une diplopie
apparue brutalement la veille, associée à des lombalgies.
Elle ne présente aucun antécédent général particulier et
ne prend aucun traitement médicamenteux au long cours.
L’examen ophtalmologique retrouve une acuité visuelle
Figure 11. Observation n° 3. Champ visuel 1 an plus tard. Œil gauche : scotome centrocaecal. Œil droit : scotome central.
362
r. macarez
chiffrée à 10/10 P2 à droite et à 8/10 P2 à gauche.
L’examen du segment antérieur et du fond d’œil est
sans anomalie hormis la présence d’un implant de
chambre postérieure chez cette patiente opérée de
la cataracte des deux yeux. La tension oculaire est
chiffrée à 18 mmHg pour chaque œil. Les réflexes
pupillaires sont normaux. Il existe une limitation
importante de l’abduction de l’œil droit avec aspect
de paralysie du VI droit au Lancaster (fig. 12a).
Le reste de l’examen neurologique est sans anomalie
et l’IRM cérébrale est normale.
L’analyse cytologique du liquide céphalo-rachidien
montre une méningite lymphocytaire à liquide légèrement trouble avec une protéinorachie augmentée
(albuminorachie normale et synthèse intrathécale
d’IgG) et une glycorachie normale. L’examen direct
du LCR après coloration de Gram est négatif, de
même que la recherche d’antigènes solubles et les
cultures. La recherche de mycobactéries sur le LCR
est également négative.
Les radiographies du rachis dorsolombaire mettent
en évidence une fracture-tassement cunéiforme
antérieure L1-L4 et l’IRM lombaire objective une
anomalie de signal des corps vertébraux D10 et D12
pouvant correspondre à des localisations secondaires.
Dès lors est réalisé un bilan général à la recherche d’une
néoplasie primitive : ce bilan comprend un scanner
thoraco-abdomino-pelvien et cérébral, ainsi que le
dosage des anticorps antionconeuronaux, ceci dans
l’hypothèse d’une origine paranéoplasique de cette
méningite lymphocytaire. Ce bilan s’avère négatif.
L’hémogramme, la mesure de la vitesse de sédimentation, le f ibrinogène, la protéine C réactive et
l’électrophorèse des protéines sont normaux, de même
que l’ensemble du bilan lipidique, hépatique, de la
fonction rénale, et de la fonction thyroïdienne. Le bilan
cardiovasculaire, réalisé compte tenu de la prépondérance
des paralysies oculomotrices d’origine vasculaire à cet
âge, ne présente également aucune anomalie.
Les sérologies VIH, TPHA-VDRL, et CMV sont
négatives. La sérologie de Lyme est fortement positive en
Elisa et également positive au Western Blot en IgG dans le
sang ainsi que dans le LCR où une synthèse intrathécale
d’IgG est détectée.
La reprise de l’interrogatoire retrouve un antécédent de
piqûre de tique survenu deux mois auparavant, la patiente
possédant un chien. Aucun érythème migrant n’a été
observé dans les suites de cette piqûre.
Un traitement par Ceftriaxone est instauré à la dose de
2 g par jour en intraveineux pendant quatre semaines
associé à de la Calcitonine humaine de synthèse pour les
tassements vertébraux.
Deux mois plus tard, le test de Lancaster objective une
régression partielle de la paralysie du VI, régression qui
s’avère totale lors du contrôle à 4 mois (fig. 12b).
Discussion
La Borréliose de Lyme : un diagnostic
clinique difficile
Dans la pratique, la borréliose de Lyme se présente
rarement sous la forme d’un tableau clinique complet
dans lequel, à la suite d’une morsure de tique documentée,
apparaît un érythème migrant, suivi de manifestations
cardiaques, neurologiques, ou, plus à distance, une
atteinte oculaire, neurologique, articulaire ou cutanée. En
présence d’un tel tableau, le seul signe clinique fiable est
l’érythème migrant typique rattaché à une morsure de
tique identif iée comme telle. La plupart des autres
atteintes, tant sur le plan général qu’ophtalmologique,
n’ont que peu de valeur d’orientation étiologique, cette
grande variété d’aspects cliniques conférant à la
borréliose de Lyme un statut de grande simulatrice à
l’instar de la syphilis (17, 18).
De même, la classique détermination des phases
primaire, secondaire et tertiaire de l’affection repose sur
une datation par rapport à un antécédent connu de
morsure de tique.
En effet, le diagnostic de la maladie de Lyme est le plus
souvent basé sur la notion d’une piqûre de tique survenue
en zone d’endémie associée à des manifestations
cliniques évocatrices. Cependant, Spach rapporte que
plus de la moitié des patients infectés ne se souviennent
pas avoir été piqués par une tique : chez nos quatre
patients, un seul rapporte un tel antécédent (19). La tique
peut transmettre l’affection quel que soit le stade de sa vie
(larve, nymphe ou adulte) mais c’est aux stades de larve et
Figure 12. Observation n° 4. Paralysie du VI droit (A) et sa récupération quatre mois plus tard (B).
neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme
363
de nymphe que la morsure a le plus de chances d’être
méconnue du fait de la moindre taille du parasite.
En pratique, en zone d’endémie et même en
l'absence d’antécédent connu de morsure de tique ou
d’érythème migrant, la constatation d'une manifestation
clinique posant un problème de diagnostic différentiel
avec une maladie de Lyme impose sa recherche dès
lors que l'interrogatoire retrouve des circonstances
favorisant le contact avec l'hôte vecteur (vétérinaires,
forestiers, loisirs en forêts, possession d'un chien,
militaires en opérations sur le terrain). En effet, elle
constitue toujours un diagnostic d’exclusion après
avoir éliminé les multiples étiologies possibles des
atteintes neuro-ophtalmologiques observées telles les
neuropathies optiques ou la paralysie oculomotrice que
présentaient nos patients.
Ainsi, le diagnostic de borréliose de Lyme repose sur un
faisceau d’arguments anamnestiques (notion de morsure
de tique, activités en forêt), cliniques (érythème migrant,
manifestations neuro-ophtalmologiques), biologiques et
épidémiologiques permettant d’approcher la probabilité
d’exposition au spirochète de la maladie de Lyme.
Parmi les manifestations oculaires de la borréliose de
Lyme, l’atteinte du nerf optique est l’une des plus
fréquemment rapportées que ce soit sous la forme d’une
neuropathie optique oedémateuse, rétrobulbaire ou
atrophique (20, 23).
Ainsi, quel que soit le type d’atteinte du nerf optique,
celui-ci devra faire systématiquement envisager la
possibilité d’une borréliose, lorsque le patient réside en
zone d’endémie.
Nos trois premières observations illustrent la
problématique du diagnostic étiologique d’une
neuropathie optique, que ce soit du fait d’intrications
pathologiques concourrant à une baisse d’acuité visuelle
(cataracte et neuropathie optique comme dans notre
observation n° 1), ou du fait de la sommation de
pathologies aboutissant à une altération du nerf optique
(neuropathie optique glaucomateuse dans notre
observation n° 2 et NOHL dans notre observation n° 3,
affections sur lesquelles la borréliose vient se surajouter).
Dans notre observation de NOHL peut se poser la
question soit d’une association fortuite, soit d’un stress
métabolique surajouté par la borréliose qui a pu précipiter
l'évolution, voire déclencher la NOHL.
Concernant notre observation n° 4, l’altération
observée est une paralysie oculomotrice, cette
manifestation neuro-ophtalmologique de la borréliose de
Lyme étant moins fréquemment rapportée dans la
littérature que les neuropathies optiques. En reprenant les
cas publiés, le VI semble plus fréquemment atteint que le
III. Cette atteinte qui s’est avérée totalement régressive
après un traitement antibiotique chez notre patiente, peut
parfois persister imposant alors, après un recul suffisant
garantissant le caractère f ixé et non évolutif de la
paralysie, une chirurgie oculomotrice et/ou une
prismation afin de soulager le patient d’une diplopie
particulièrement invalidante dans la vie courante (24, 25).
La multiplicité des atteintes oculaires possibles impose
en cas de baisse d’acuité visuelle ou de signes d’uvéites
antérieures intermédiaire ou postérieure, la réalisation
d’un examen angiographique rétinien afin d’éliminer des
364
atteintes associées du segment postérieur telles que
choroïdite, neurorétinite ou vascularite (26, 27).
Chez nos deux premiers patients, l’angiographie
était sans anomalie. Le patient n° 3 a refusé l’examen.
Et nous ne l’avons pas réalisé dans l’observation n° 4
devant la stricte normalité de l’examen ophtalmologique
de chaque œil, la patiente ne présentant sur le plan
neuro-ophtalmologique qu’une paralysie isolée du VI.
La Borréliose de Lyme : un diagnostic
biologique difficile
Parmi les huit génotypes de Borrelia burgdorferi sensu
lato, trois espèces peuvent être responsables de la maladie
de Lyme : Borrelia burgdorferi sensu stricto en Europe et
aux Etats unis, ainsi que B. afzellii et B. garinii en Europe.
Parmi les cas rapportés il existe une association
préférentielle entre B. garinii et les manifestations
neurologiques (28-30), alors que Borrelia burgdorferi
sensu stricto est plus fréquemment mis en cause dans les
atteintes articulaires (31) et B. afzellii dans les atteintes
cutanées (32). Bien que le Gold Standard du diagnostic
positif d’une maladie infectieuse consiste en l’isolement
de l’agent pathogène, une telle confirmation est souvent
difficile dans la maladie de Lyme car la bactérie, très
difficilement cultivable, est en très faible quantité dans les
lésions. De plus, la fiabilité des autres méthodes reste
sujette à controverse (17).
Le diagnostic biologique de la borréliose de Lyme, ne
peut donc pas faire appel à un examen direct. En outre, les
délais de culture sont de plusieurs semaines : ce qui ne
répond pas aux besoins d’un diagnostic rapide en pratique
clinique. Ce diagnostic est donc sérologique, fruit de la
collaboration étroite entre biologiste et clinicien compte
tenu des trois écueils que constituent : i/ la négativation de
la sérologie en cas de traitement antibiotique précoce,
adapté ou non ; ii/ le délai important avant l’ascension
des anticorps qui peut varier de 6 à 8 semaines pour
les IgM et 1 à 3 mois pour les IgG, avec parfois une
persistance de plusieurs années rendant compte de
l’importance d’un « bruit de fond sérologique » dont la
prévalence varie de 3 à 5 % dans la population générale,
iii/ les réactions croisées avec d'autres maladies
infectieuses ou automimmunes (syphilis comme c’est le
cas dans notre observation N° 1, EBV, CMV, Herpès,
VIH, Toxoplasmose, facteur rhumatoïde).
La technique sérologique immuno-enzymatique dite
« Enzymed-Linked immunosorbent assay » (ELISA) est
la plus fréquemment employée pour identif ier les
anticorps contre B. burgdorferi, cependant ce test n’est
pas standardisé : les résultats varient selon les réactifs
utilisés et les faux négatifs (si prélevés trop précocement
ou antibiothérapie prescrite) mais aussi faux positifs
(réactions croisées) sont fréquents (19). Aussi, afin
d’améliorer la spécificité sérologique, une approche
séquentielle en deux étapes a été proposée : lorsque la
sérologie avec la méthode ELISA est positive ou douteuse
(voire négative en cas forte suspicion clinique), une
technique de conf irmation : l’immunoréplique ou
Western Blot, doit alors être réalisée sur le même
échantillon de sérum afin de détecter les anticorps IgM et
IgG et individualiser les génotypes de B. Burgdorferi.
r. macarez
Mais la sérologie n’est qu’un élément du diagnostic de la
maladie et son résultat doit être interprété en fonction de
l’ensemble du bilan clinique et paraclinique. Chez nos
quatre patients la sérologie dans le sang était douteuse en
ELISA dans un cas, positive dans deux cas et négative
dans un autre. Elle est en revanche revenue positive en
immunoblot permettant d'individualiser chez les quatre
patients le génotype Borrelia bugdorferi garinii.
Au stade chronique de l’affection, les raisons
précédemment évoquées et notamment le « bruit de fond
sérologique » ne permettent pas de distinguer une
infection chronique évolutive d’une cicatrice sérologique,
ce qui souligne l’importance du suivi évolutif
ophtalmologique et général de ces patients. Ce n’est
qu’en cas de doute à ce stade, que l’on pourra faire appel à
la PCR, dont la négativité, comme le rappellent Kadz et al.
(27) ne permettra pas d’éliminer le diagnostic, puisque la
phase tardive de l’affection peut relever tout autant de
phénomènes immunologiques que de la persistance de
l’agent pathogène lui-même.
Dans nos trois premières observations, le diagnostic
positif de borréliose de Lyme ne repose que sur
la positivité de la sérologie chez des patients vivant
tous en zone d’endémie et effectuant fréquemment
des activités en forêt. L’absence de sécrétion intrathécale
d’Ig G spécifiques et de méningite lymphocytaire ne
permet pas de faire rentrer ces neuropathies optiques
dans les critères diagnostiques d’une neuroborréliose
et plaide en faveur de formes oculaires pures de
neuropathie optique borrélienne. Cependant, il nous
faut rappeler que des atteintes isolées des nerfs
crâniens, sans réaction lymphocytaire associée du LCR,
ont été rapportées de façon exceptionnelle dans le
cadre de neuroborrélioses (12, 33).
Chez ces trois patients, la datation de l’infection initiale
s’est avérée ici impossible en l’absence de souvenir de
morsure et d’érythème migrant.
Néanmoins dans ces trois observations, le recueil
des données anamnestiques et des antécédents permettent d’envisager l’hypothèse d’une infection évolutive
ancienne (phase tertiaire) ou tout au moins déjà
active lors de la première constatation des troubles
ophtalmologiques que ce soit la mauvaise récupération
fonctionnelle post-opératoire 3 ans auparavant (obs
n° 1), l’ancienneté de la baisse d’acuité visuelle unilatérale remontant à 4 ans aux dires du patient (obs n° 2),
ou l’amblyopie controlatérale constatée 1 an auparavant
par l’ophtalmologiste traitant mais non connue
antérieurement aux dires des parents et au vu du carnet
de santé (obs n° 3).
Dans la 4e observation, en revanche, nous disposons, en
dépit de l’absence d’érythème migrant, de tous les
arguments nécessaires à l’établissement du diagnostic
de neuroborréliose précoce.
Ainsi, contrairement à notre 4 e observation où
le diagnostic de borréliose de Lyme s’est avéré
relativement aisé, nos trois premières observations
soulignent la diff iculté à toutes les étapes, de
la détermination du diagnostic d’une maladie de
Lyme en ophtalmologie, et de la problématique de la
datation de l’infection.
neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme
Morsure de tique : possibilité de co-infection
Par ailleurs, les quatre patients présentés ici résidant en
Lorraine, il nous faut également souligner la possibilité
d’une co-infection par l’encéphalite européenne à tiques
(Tick-Borne Encephalitis des anglo-saxons, TBE),
arbovirose transmise en Europe de l’Ouest par le même
vecteur que la borréliose de Lyme : Ixodes ricinus, et qui
possède également les mêmes hôtes réservoirs (petits
mammifères, oiseaux). Endémique en Europe de l’Est,
elle n’est en revanche que sporadique en Europe de
l’Ouest (3). En France, une trentaine de cas ont été
rapportés depuis 1968, tous localisés en Alsace et en
Lorraine (34). La sérologie TBE était négative chez nos
quatre patients dans le sang et le LCR.
Autres maladies vectorielles à tiques
Enfin, outre la borréliose de Lyme, (de loin la plus
fréquente des Maladies vectorielles à tiques (MVT) dans
l’hémisphère nord) et l’encéphalite européenne à tiques,
Ixodes ricinus, peut également transmettre d’autres
agents pathogènes à l’occasion d’une même morsure,
rendant compte de l’augmentation observée au cours des
deux dernières décennies de la prévalence de certaines
maladies émergentes transmises par les tiques
(rickettsioses, et anaplasmose granulocytaire) (3, 4). Par
ailleurs, d’autres maladies émergentes (rickettsioses,
erlichiose monocytaire), transmises par d’autres espèces
de tiques appartenant aux genres Rhipicephalus,
Dermacentor ou Hyalomma, sont apparues en zone
tempérée durant la même période. Ainsi un antécédent de
syndrome grippal estival devra être systématiquement
recherché à l’interrogatoire d’un patient présentant une
borréliose de Lyme ou un antécédent avéré de morsure de
tique. De même, l’absence d’amélioration clinique après
un traitement antibiotique bien conduit devra également
faire suspecter une autre MVT associée.
Signalons enfin que les MVT ne sont pas l’apanage
d’un contact homme-tique en milieu rural ou forestier.
En effet, quelques publications font état d’arboviroses
transmises par des tiques de pigeons de ville ou d’oiseaux
de mer (35, 36).
Traitement
Sur un plan thérapeutique, à la phase primaire en
présence d’un érythème migrant typique, le traitement
fait appel à une antibiothérapie per os par tétracyclines ou
amoxicilline pendant une durée de 21 jours (27, 37). En
cas d’atteinte oculaire et en l’absence de protocole
consensuel disponible pour l’ophtalmologie, il convient
de suivre les recommandations concernant la
neuroborréliose à laquelle l’atteinte ophtalmologique
peut être assimilée. Ainsi, nos quatre patients ont
bénéf icié d’une antibiothérapie parentérale par
ceftriaxone à la dose de 2 g/jour pendant une durée de
quatre semaines (37, 38) qui constitue l’option
thérapeutique recommandée en première intention. En
seconde intention, une nouvelle antibiothérapie d’une
durée de quatre semaines pourra être proposée soit par
pénicilline G IV 18-24 millions d’unités/jour ou par
doxycycline per os 200 mg/jour (12)
365
Dans notre observation n° 3, l’évolution rapide et
bilatérale de la neuropathie héréditaire n’a bien sûr pas
permis d’observer une quelconque amélioration
fonctionnelle à la suite du traitement antibiotique. Chez
nos deux premiers patients, en revanche, une amélioration
a pu être observée tant au niveau de l’acuité visuelle que
du champ visuel. Ces deux patients ont tété traités alors
qu’il s’agissait très vraisemblablement de phase tertiaire
de maladie de Lyme.
Or, dans le cas de manifestations tardives de
la borréliose de Lyme, la régression des troubles à la
suite du traitement antibiotique est plus lente que dans
les formes précoces et peut nécessiter des mois voire
des années (10).
Les séquelles sont exceptionnelles et intéressent
surtout le SNC. Elles sont vraisemblablement corrélées
au temps écoulé entre le début de la maladie et celle de
l’instauration du traitement, ainsi qu’à la sévérité des
altérations initiales (27).
Il nous faut également rappeler que certains patients
traités avec une antibiothérapie adaptée ne récupèrent que
partiellement, présentant des séquelles d‘ordre
neurologiques associées à une asthénie persistante. Ce
syndrome appelé syndrome post-Lyme ou par excès
« Maladie Chronique de Lyme » ne tire aucun bénéfice
d’une antibiothérapie au long cours comme l’ont
rapportés Klempner et al (39) et semble procéder de
manifestations inflammatoires auto-immunes (40, 41).
Dans notre observation n° 4 de paralysie oculomotrice
apparue dans un contexte de neuroborréliose précoce, la
régression totale de la paralysie du VI peut être mise sur le
compte de l’antibiothérapie, mais peut également être le
fait d’une évolution spontanée comme c’est
habituellement le cas dans la majorité des paralysies du
VI vasculaires du sujet âgé.
Prévention
Concernant la prévention de la borréliose de Lyme
à titre individuel, celle-ci repose essentiellement sur le
port de pantalons et de manches longues lors de tout
séjour en forêt, une inspection rigoureuse du corps
après exposition en insistant sur les sites à peau fine et le
cuir chevelu. L’ablation des tiques doit être réalisée à
l’aide d’un tire tiques dès que possible et de préférence
avant un délai de 8 heures, délai au-delà duquel, selon
les données expérimentales européennes, le risque de
transmission d’un agent pathogène augmente, (alors
que le délai rapporté dans les études américaines est
de 72 heures) (42, 45). L’application d’un antiseptique
sur le site de morsure est déconseillée tant que la tique
est en place, puisqu’elle risque de provoquer une
régurgitation de la tique et d’augmenter ainsi le quantum
infectieux. Il conviendra donc de ne l’appliquer qu’après
avoir procédé à l’ablation de la tique. Les jours suivants la
piqûre, le site devra faire l’objet d’une surveillance
particulière à la recherche d’un éventuel érythème
migrant. Aucune antibioprophylaxie n’est recommandée
en cas de piqûre de tique (12).
En matière de prévention collective, une étude
menée en Alsace a mesuré les effets positifs de la
prévention primaire et notamment de l’information
et de la sensibilisation des sujets exposés (46). La
maladie de Lyme fait actuellement l’objet de travaux
de recherche vaccinale aux États-Unis. Aucun vaccin
n’est plus disponible depuis l’arrêt de commercialisation du Lymerix ® en 2002 pour des raisons de
coût, d’eff icacité et de tolérance (47, 48). Enf in,
concernant la collectivité militaire, certaines études
au sein des armées ont prouvé l’efficacité préventive
vis-à-vis des tiques de répulsifs et/ou insecticides
imprégnant des vêtements de combat (49, 50).
Conclusion
Les borrélioses en ophtalmologie constituent des
pathologies certes rares mais non exceptionnelles où
l’atteinte neuro-ophtalmologique peut parfois constituer
la manifestation inaugurale de l’affection comme ce fut le
cas dans ces observations. Dans la forme Européenne de
la borréliose de Lyme, l’érythème migrant est moins
fréquemment observé que dans la forme américaine, d’où
le caractère souvent inaperçu de la phase primaire de la
maladie, source d’un retard diagnostique majoré par la
fréquente méconnaissance de la morsure de tique. Ainsi,
en zone d’endémie, une telle symptomatologie impose la
recherche systématique d’une borréliose de Lyme en
dépit d’un diagnostic biologique difficile. En effet, les
modifications récentes de l’écosystème ainsi que la
popularité croissante des activités de loisirs en forêts font
que l’ensemble des maladies vectorielles à tiques
constitue une menace grandissante en matière de santé
publique. Ceci nous impose une vigilance toute
particulière vis-à-vis de la collectivité militaire qui
constitue par essence une population à risque.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Jaenson TG. The epidemiology of Lyme borreliosis. Parasitology
Today, 1991 ; 7 : 39-45.
2. George JC, Chastel C. Maladies vectorielles à tiques et modifications
de l'écosystème en Lorraine. Bull Soc Pathol Exot 2002 ; 95 : 95-9.
3. Perez-Eid C. Emergence des maladies transmises par les tiques en
zone tempérée. Ann Biol Clin (Paris) 2004 ; 62 (2) : 149-54.
4. Perez-Eid C. Redistribution des maladies transmises par les tiques en
zones tempérées. Ann Biol Clin (Paris) 2004 ; 62 (3) : 253-5.
366
5. Dubrous P, Milleliri JM, Josse L, Hugard L. Maladies transmises par
les tiques. Enquête autour d’un cas de maladie de Lyme. Médecine et
Armées 2003 ; 31 (2) : 99-102.
6. Bron A, Christmann D. Maladies infectieuses, In : Œil et Pathologie
Générale, Flament J, Storck D, Soc Fr Ophtalmol, Rapport, Masson,
Paris 1997 ; 822 P : 675-722.
7. Pachner AR, Steiner I. Lyme neuroborreliosis : infection, immunity,
and inflammation. Lancet Neurol 2007 ; 6 (6) : 544-52.
r. macarez
8. Ackermann R, Kabatzki J, Boisten HP, Steere AC, Grodzicki RL,
Hartung S, Runne U. Ixodes ricinus spirochete and European
erythema chronicum migrans disease. Yale, J Biol Med 1984 ; 57 (4) :
573-80.
9. Pachner AR, Steere AC. The triad of neurologic manifestations of
Lyme disease : meningitis, cranial neuritis, and radiculoneuritis.
Neurology 1985 ; 35 : 47-53.
10. Logigian EL, Kaplan RF, Steere AC. Chronic neurologic
manifestations of Lyme disease. New Eng J Med 1990 ; 323 (21) :
1 438-44.
11. Oschmann P, Dorndorf W, Hornig C, Schafer C, Wellensiek HJ,
Pflughaupt KW. Abstract stages and syndromes of neuroborreliosis. J
Neurol 1998 ; 245 : 262-72.
12. Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française. Borréliose de
Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives. Med
Mal Infect 2007 ; 37 (4) : 187-93.
13. Halperin JJ. Neuroborreliosis. Am J Med 1995 ; 98 (4A) : 52S-59S.
14. Kaiser R. Neuroborreliosis. J neurol 1998 ; 245 (5) : 247-55.
15. Smith JL. Ocular Lyme borreliosis. Int Ophthalmol Clin. 1991 ;
31 (4) : 17-38.
16. Zaidman GW. The ocular manifestations of Lyme disease. Int
Ophtahlmol Clin 1993 ; 33 (1) : 9-22.
17. Nadelmann RB, Wormser GP. Lyme borreliosis. Lancet 1998 ;
352 : 557-65.
18. Strle F. Principles of the diagnosis and antibiotic treatment of Lyme
borreliosis. Wien Klin Wochenschr 1999 ; 111 (22-23) : 911-5.
19. Spach DH, Liles WC, Campbell GL, Quick RE, Anderson DE Jr,
Fritsche TR. Tick borne disease in the United States. New Engl J Med
1993 ; 329 (13) : 936-47.
20. Wu G, Lincoff H, Ellsworth RM, Haik BG. Optic disc edema and
Lyme disease. Ann Ophthalmol 1986 ; 18 (8) : 252-5.
21. Farris BK, Webb RM. Lyme Disease and optic neuritis. J Clin Neuro
Ophthalmol 1988 ; 9 : 73-8.
22. Lesser RL, Kornmehl EW, Pachner AR, Kattah J, Hedges TR 3rd,
Newman NH, Ecker PA et al. Neuro-ophthalmologic manifestations
of Lyme disease. Ophthalmology 1990 ; 97 (6) : 699-706.
23. Karma A, Pirttilä T, Viljanen MA, Lahde YE, Raitta CM. Retinitis
pigmentosa and cerebreal demyelination in Lyme borreliosis. Br J
Ophthalmol 1993 ; 77 (2) : 120-2.
24. Lell M, Schmid A, Stemper B, Maihofner C, Heckmann JG, Tomandl
BF. Simultaneous involvement of third and sixth cranial nerve in a
patient with Lyme disease. Neuroradiology 2003 ; 45 (2) : 85-7.
25. Mastrianni JA, Galetta SL, Raps EC, Liu GT, Volpe NJ. Isolated
fascicular abducens nerve palsy and Lyme disease. J Neuroophthalmol
1994 ; 14 (1) : 2-5.
26. Karma A, Stenborg T, Summanen P, Immonen I, Mikkila H, Seppala
I. Long term follow-up of chronic Lyme neuroretinitis. Retina 1996 ;
16 (6) : 505-9.
27. Kadz B, Putteman A, Verougstraete C, Caspers L. La maladie
de Lyme du point de vue de l’ophtalmologue. J Fr Ophtalmol 2005 ;
28 (2) : 218-23.
28. Van Der Heijden J, Wilbrink B, Rijpkema SGT, Schouls LM,
Heymans PH, Van Embden JD, Breedveld FC et al. Detection
of Borrelia Burgdorferi sensu stricto by reverse line blot in the joints
of Dutch patients with Lyme arthritis. Arthritis Rheum 1999 ; 42 (7) :
1 473-80.
29. Lunemann JD, Zarmas S, Priem S, Franz J, Zschenderlein R, Aberer
E, Klein R et al. Rapid typing of Borrelia burgdorferi sensu lato
species in specimens from patients with different manifestations of
Lyme borreliosis. J Clin Microbiol 2001 ; 39 (3) : 1 130-3.
30. Jaulhac B, Heller R, Limbach FX, Hansmann Y, Lipsker D, Monteil
H, Sibilia J et al. Direct molecular typing of Borrelia burgdorferi sensu
lato species in synovial samples from patients with Lyme arthritis. J
Clin Microbiol 2000 ; 38 (5) : 1 895-900.
31. Mateicka F, Kmety E. Lyme borreliosis : open questions
and problems at the turn of the millenium. Bratisl Lek Listy 2000 ;
101 (3) : 166-9.
neuro-ophtalmologie : savoir penser à la borréliose de Lyme
32. Rijpkema SGT, Tazelaar DJ, Molkenboer MJ, Noordhoek
GT, Plantiga G, Schouls LM, Schellekens JF. Detection of Borrelia
afzelii, Borrelia burgdorferi sensu stricto, Borellia garinii and
group VS116 by PCR in skin biopsies of patients with erythema
migrans and acrodermatis chronica atrophicans. Clin Microbiol
Infect 1996 ; 3 (1) : 109-16.
33. Steere AC, Bartenhagen NH, Craft JE, Hutchinson GJ, Newman JH,
Rahn DW, Sigal LH et al. The early clinical manifestations of Lyme
Disease. Ann Inten Med 1983 ; 99 (1) : 76-82.
34. Christmann D, Staub-Schmidt T. Tick-borne encephalitis in Central
and Eastern Europe. Presse Med 1996 Mar 2-9 ; 25 (8) : 420-3.
35. Guillet G, Leroy JP, Chastel C. Lésions cutanées, risque viral et
tiques d’oiseaux marins, un problème mondial ; à propos d’une
observation avec lésions pseudo-zostériennes. Bull Soc Pathol
Exot 1998 ; 91 (2) : 160-3.
36. Veraldi S, Sacrabelli G, Grimlat R. Acute urticaria caused by pigeon
ticks (Argas reflexus). Int J Dermatol 1996 ; 35 (1) : 34-5.
37. Wormser G, Nadelman R, Dattwyler R. Practice Guidelines for the
treatment of Lyme Disease. Clin Infect Dis 1999 ; 31 : S1-14.
38. Steere AC. Duration of antibiotic therapy for Lyme disease.
Ann Intern Med 2003 ; 138 (9) : 761-2.
39. Klempner MS, Hu LT, Evans J, Schmid CH, Johnson GM, Trevino
RP, Norton D et al. Two controlled trials of antibiotice teatment
in patients with persistent symptoms and a history of Lyme disease.
N Eng J Med 2001 ; 345 (2) : 85-92.
40. Sigal LH, Tatum AH. Lyme disease patients’serum contains
IgM antibodies to Borrelia burgdorferi that cross-react neuronal
antigens. Neurology 1998 ; 38 (9) : 1 439-42.
41. Hemmer B, Gran B, Zhao Y, Marques A, Pascal J, Tzou A, Kondo J,
Cortese I et al. Identification of candidate T-cell epitopes
and molecular mimics in chronic Lyme disease. Nat Med 1999 ; 5
(12) : 1 346-7.
42. Piesman J, Gern L. Lyme borreliosis in Europe and North America.
Parasitology 2004 ; 129 Suppl : S 191-220.
43. Falco RC, Fish D, Piesman J. Duration of tick bites in a Lyme diseaseendemic area. Am J Epidemiol 1996 ; 143 (2) : 187-92.
44. Schwartz BS, Godstein MD. Lyme disease in outdoor workers : risk
factors, preventive measures, and tick removal methods. Am J
Epidemiol 1990 ; 131 (5) : 877-85.
45. Crippa M, Rais O, Gern L. Investigations on the mode and dynamics
of transmission and infectivity of Borrelia burgdorferi sensu stricto
and Borrelia afzelii in Ixodes ricinus ticks. Vector Borne Zoonotic Dis
2002 ; 2 (1) : 3-9.
46. Mitschler A, Grange F, Lipsker D, Jaulhac B, Piemont Y, Belanger P,
Pagnon X et al. Connaissance et prévention des borrélioses par
piqûres de tiques. Enquête dans la population d’une région endémique
européenne, l’Alsace. Ann Dermartol Venereol 2004 ; 131 : 547-53.
47. Steere AC, Sikand VK, Meurice F, Praenti DL, Fibrig E, Schoen RT,
Nowakowski J et al. Vaccination against Lyme disease with
recombinant Borrelia burgdorferi outer-surface Lipoprotein A with
adjuvant. Lyme Disease Vaccine Study Group. N Eng J Med 1998 ;
339 (4) : 209-15.
48. Wormser GP, Nadelmann RB, Dattwyler RL, Dennis DT, Shapiro
ED, Steere AC, Rush TJ et al. Practice guidelines for the treatment of
Lyme disease. The Infectious Disease Society of America. Clin Infect
Dis 2000 ; 1 Suppl 1 : 1-14.
49. Ho-Pun-Cheung T, Lamarque D, Josse R, Perez-Eid C, Niel L,
Martenot G, Auzanneau G et al. Effet protecteur de vêtements
imprégnés de perméthrine vis-à-vis de D.reticulatus et D.margninatus
dans un biotope ouvert du centre-ouest de la France. Bull Soc Pathol
Exot1999 ; 92 (5) : 337-40.
50. Rey JL. Moyens actuels de protection contre les maladies transmises
par les tiques. Protection contre les morsures de tiques. Med Mal
Infect 1998 ; 28 : 393-5.
367
Quelle est votre diagnostic ?
A. Cirodde a, F. Janvier b, M. Borne c, J.-L. Daban d, C. Saby, E. Batjom a, L. Brinquin c.
a Service anesthésie-réanimation, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94 163 Saint-Mandé Cedex.
b Service de biologie, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94 163 Saint-Mandé Cedex.
c Service anesthésie-réanimation, HIA du Val-de-Grâce – 74 boulevard de Port Royal, 75230 Paris Cedex 05.
d Service anesthésie-réanimation, HIA Percy, BP 406 – 92 141 Clamart Cedex.
Article reçu le 30 juillet 2007, accepté le 30 juin 2009.
QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?
Un homme, âgé de 43 ans, de race noire, séropositif
pour le VIH, a été évacué de République Centrafricaine
pour des troubles de la conscience. À l’admission,
le patient était cachectique. Il était apyrétique, avec
une fréquence cardiaque à 90 battements par minute
et une tension artérielle à 112/87 mmHg. Sur le
plan neurologique, il présentait un score de Glasgow à
14, sans signe de localisation, mais avec une photophobie.
L’examen retrouvait par ailleurs une hépatomégalie
à un travers de doigt sans splénomégalie associée,
des adénopathies inguinales et sus-claviculaires, une
candidose buccale et une escarre sacrée. Enf in, le
patient était hypoxique avec une saturation à 92 %
en air ambiant, l’auscultation retrouvait des crépitants
à la base gauche.
L’hémogramme montrait une pancytopénie avec
une lymphopénie à 304 cellules/mm3 sans neutropénie
associée (3150 cellules/mm3), une anémie microcytaire
à 9,2 g/dl (VGM à 75 μm 3 ) et une thrombopénie à
A. CIRODDE, interne des hôpitaux des armées. F. JANVIER, médecin des armées.
M. BORNE, médecin en chef. J.-L. DABAN, interne des hôpitaux des armées.
C. SABY, médecin en chef. E. BATJOM, médecin principal. L. BRINQUIN,
médecin chef des services.
Correspondance : A. CIRODDE, service anesthésie-réanimation, HIA du Val-deGrâce, 74 boulevard Port-Royal, 75230 Paris Cedex 05.
E-mail : [email protected]
368
100 000 plaquettes/mm 3 . Il existait une cytolyse
hépatique (aspartates amino transférase (ASAT) :
740 UI/l, alanines amino transférases (ALAT): 416 UI/l)
sans cholestase associée, des lactico-déhydrogénases
(LDH) à 989 UI/l, une légère insuff isance rénale.
La C réactive proteine est augmentée à 249 mg/l et
des troubles de l’hémostase sont relevés avec un taux
de prothrombine à 54 %, un temps de céphaline activée
à 47s et un f ibrinogène à 6,1 g/l. Le ionogramme, la
calcémie et la glycémie étaient sans anomalies. La
recherche de paludisme était négative. La tomodensitométrie mettait en évidence de nombreuses
adénomégalies médiastinales, quelques micronodules
péribronchovasculaires non spécif iques des lobes
supérieurs et un épanchement pleural modéré.
L’imagerie par résonance magnétique cérébrale
était non contributive. L’électroencéphalogramme
ne montrait pas de signe d’encéphalite, ni de signes
paroxystiques. Le liquide céphalorachidien (LCR)
était clair, normotendu, avec un seul élément nucléé
par mm 3 à l’examen direct, une hyperprotéinorachie
à 0,67 g/l et une hypoglycorachie à 1,6mmol/l
(glycémie = 4 ; 26mmol/l). La culture bactérienne et
fongique était négative et la recherche d’antigène
était négative pour Cryptococcus neoformans.
À J2-J3 est apparue une défaillance multiviscérale
avec passage en syndrome de détresse respiratoire
aiguë (SDRA) nécessitant la mise sous ventilation
mécanique, une insuff isance rénale aiguë imposant
l’épuration extra-rénale, une défaillance circulatoire,
une thrombopénie à 19 000 plaquettes/mm 3 , une
médecine et armées, 2009, 37, 4, 368-371
cholestase ictérique, une insuffisance hépato-cellulaire
et une ferritinémie élevée (21 376 μg/l) dans un contexte
fébrile. Un bilan microbiologique réalisé à la recherche
d’une infection parasitaire (paludisme avec examens
répétés, toxoplasmose, histoplasmose, cryptococcose),
virale (infection herpétique, les arboviroses) ou
bactérienne (syphilis, légionnelle, Mycoplasma
pneumoniae, Chlamydophila pneumoniae) était resté
négatif. La recherche initiale de bacilles acido-alcoolo
résistants (BAAR) dans un lavage broncho alvéolaire
(LBA), des tubages gastriques et dans le LCR était
négative. On retrouvait une sérologie VIH positive
avec une charge virale > 500 000 copies/ml et des
lymphocytes T CD4+ à 23/mm3.
Un myélogramme a été réalisé montrant une moëlle
osseuse riche, 40 mégacaryocytes par lame, l’absence
d’anomalie au niveau des lignées et l’absence de
cellules anormales. Par contre, de nombreuses images
de phagocytose impliquant des celules macrophagiques
étaient relevées (fig. 1).
Figure 1. Myélogramme montrant un mégacaryocyte phagocytant des érythrocytes et des mégacaryocytes.
QUESTIONS :
Quels syndromes évoquez-vous ?
quel est votre diagnostic ?
Quelles étiologies recherchez-vous ?
Quel traitement instaurez-vous ?
369
Syndrome d’activation macrophagique d’origine tuberculeuse chez
un patient au stade sida
Le diagnostic de choc septique chez un patient
immunodéprimé est celui que l’on évoque en premier
devant cette défaillance circulatoire aigüe responsable de
désordres hémodynamiques, métaboliques et viscéraux
(en rapport avec une altération d'extraction de l'oxygène,
secondaire à l'invasion massive de l'organisme par un
agent infectieux) associée à une hyperthermie.
Cependant, le syndrome d’activation macrophagique
doit être suspecté devant une f ièvre associée à une
bicytopénie et une hyperferritinémie et il est confirmé
si l’on retrouve des images d’hémophagocytose sur
le myélogramme.
Le syndrome d’activation macrophagique (SAM),
encore appelé syndrome hémophagocytaire ou syndrome
d’activation lymphohistiocytaire, appartient au groupe
des histiocytoses réactionnelles (1). Il est la conséquence
d’une production non régulée de cytokines aboutissant
à une activation et une prolifération lymphocytaire
et histiocytaire (2). Il s’agit d’une réponse immunitaire
entraînant une hyperactivation lymphocytaire
cytotoxique pure. Les cytokines (TNFα, Interleukine
2…) jouent un rôle majeur dans l’amplif ication
du syndrome.
La clinique est celle d’un tableau « pseudoseptique » :
le début est brutal et se présente avec une f ièvre et
une altération de l’état général. L’examen physique
retrouve une hépatomégalie, une splénomégalie, des
adénopathies représentant un syndrome tumoral
lymphoïde témoignant d’une infiltration histiocytaire
tissulaire. Des manifestations cutanées, pulmonaires
et neurologiques peuvent également être présentes.
Sur le plan biologique, on observe une pan- ou bicytopénie
(anémie arégénérative et thrombopénie), une
hyperferritinémie supérieure à 3 000 μg/l, une
hypertriglycéridémie et des LDH augmentées. Peuvent
être également présents des troubles de l’hémostase
(fibrinopénie, coagulation intravasculaire disséminée
rare), une cytolyse hépatique (3, 4).
Le diagnostic de conf irmation est cytologique
et histologique avec mise en évidence d’images
d’hémophagocytose dans tout le système réticuloendothélial. Le myélogramme est l’examen clé : il est
de richesse normale, la lignée mégacaryocytaire
est hyperplasique, les macrophages hémophages
représentent plus de 2 % des cellules nucléées et
une activité phagocytaire aux dépends des cellules
des différentes lignées est présente.
Les étiologies sont principalement
représentées par les infections et
les néoplasies.
Les infections les plus fréquemment en cause sont
virales avec au 1er rang les infections virales à Epstein
Barr Virus (EBV), suivies par celles impliquant les
herpes simplex virus (HSV), le cytomégalovirus (CMV),
370
l’Adenovirus 7, les virus Para-influenzae ou le VIH.
Les étiologies bactériennes concernent principalement les infections à bactéries intracellulaires qui
font intervenir l’immunité cellulaire comme la
tuberculose. Des infections parasitaires (histoplasmose,
leishmaniose…) et fongiques sont également
impliquées. Des causes néoplasiques comme les
lymphomes représentent 30 % des étiologies,
principalement les lymphomes non hodgkiniens (3).
Dans notre observation, la seule étiologie initialement
documentée était l’infection à VIH et avait conduit
à l’instauration d’une trithérapie à J9. A J12, le
patient avait présenté une hématémèse qui avait
nécessité une f ibroscopie oeso-gastro-duodénale.
Cette f ibros-copie avait retrouvé une gastrite
hémorragique et les biopsies étaient en faveur d’une
infection à CMV, avec un aspect également évocateur
du un fond d’œil. Un traitement par foscarnet avait
été débuté. A J15, les résultats de la mise en culture
du tubage gastrique nous parvenaient avec présence
de Mycobacterium tuberculosis. M. tuberculosis
était retrouvé par la suite dans la myéloculture et dans
les prélèvements pulmonaires distaux protégés. Il
s’agissait donc d’une tuberculose disséminée chez un
patient immunodéprimé. Une étude anglaise recensant
36 cas de SAM liés à la tuberculose avait montré
que dans 83 % il s’agissait de tuberculose extrapulmonaire, la mortalité étant de 100 % en l’absence
de traitement. Par contre 60 % des patients ayant reçu
le traitement étiologique associé à un traitement
immunomodulateur avaient guéri (5).
Le traitement
Devant la suspicion d’un choc septique, une
antibiothérapie probabiliste doit être débutée en urgence
après les prélèvements infectieux. De même pour le
SAM, le traitement étiologique adapté à l’étiologie
identifiée est primordial : antiviraux, antibiotiques… En
l’absence de traitement étiologique les signes de SAM
réapparaîtront quelques jours ou semaines après le
traitement « symptomatique » (2).
Mais le SAM requiert également un traitement
spécif ique immunomodulateur: les immunoglobulines polyvalentes administrées par voie intra-veineuse
(1 g/kg/j pendant 2 jours) sont recommandées pour
les causes infectieuses (6). Elles agissent en
modulant l’action des cytokines (TNFα, Interleukine 1,
Interleukine 2). L’Etoposide, qui a pour cible
les macrophages, a démontré sa supériorité pour le SAM
lié à l’EBV (7).
Notre patient avait bénéf icié de 0,5 g/kg/j
d’immunoglobulines polyvalentes pendant 4 jours du
fait d’une insuff isance rénale. Par la suite, l’état du
patient s’est notablement amélioré, tant sur le plan
clinique que biologique : on a pu noter une réascension
des plaquettes quatre jours après le début du traitement
immunomodulateur (fig. 2). Il a pu être extubé à J22 et
a été transféré à J38 dans le service des maladies
infectieuses et tropicales.
a. cirrode
Figure 2. Régression de la thrombopénie quatre jours après l’instauration du traitement par immunoglobulines polyvalentes (Ig).
Conclusion
Le tableau clinique et biologique du syndrome
d’activation macrophagique est proche de celui
d’un tableau infectieux systémique, ce qui nous fait
probablement sous-estimer sa fréquence. Un diagnostic
précoce est fondamental étant donné la sévérité de
l’évolution avec une mortalité allant de 22 à 62 % selon les
études. Il s’agit d’un syndrome qu’il faut savoir reconnaître
et traiter en urgence, au même titre que le choc septique.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Fain O, Stinemann J. Le syndrome d’activation macrophagique. Rev
Prat 2004 ; 54 : 935-9.
2. Créput C, Galicier L, Oksenhendler E, Azoulay E. Syndrome
d’activation lymphohistiocytaire : revue de la littérature, implication
en réanimation. Réanimation 2005 ; 14 : 604-13.
3. Swiader L, Disdier P, Harle JR, Weiller PJ. Syndrome
d’activation macrophagique. In : Kahn MF, Peltier AP, Meyer O,
Piette JC. Maladies dites systémiques. Paris : Flammarion
Médecine, 2000.
4. Karras A, Hermine O. Syndrome d’activation macrophagique. Rev
quel est votre diagnostic ?
Med Interne 2002 ; 23 : 768-78.
5. Brastianos P, Swanson J, Torbenson M, Sperati J, Karakousis P.
Tuberculosis-associated haemophagocytic syndrome. Lancet Infect
Dis 2006 ; 6 : 447-54.
6. Larroche C, Bruneel F, André MH, Bader-Meunier B, Baruchel A,
Tribout B, Genereau T et al. Les immunoglobulines intra-veineuses
dans les syndromes d’activation macrophagique secondaires. Ann
Med Interne 2000 ; 151 (7) : 533-9.
7. Imashuku S. Advances in the management of hemophagocytic
lymphohistiocytosis. Int J Hematol 2000 ; 72 : 1-11.
371
VIENT DE PARAÎTRE
LES PSY EN INTERVENTION
Sous la direction de Patrick ClERVOY
avec la collaboration de Yann A NDRUÉTAN , François-Xavier
BROCQ, Marie-Dominique COLAS, Thierry CRUZ, Aline DELAHAYE,
Maryse DEVAUX, Jean-Michel FORET, Nelly LAVILLUNIERE, Gwion
LOARER, Franck De MONTLEAU, Sylvie PEREZ, Catherine PINSON,
Anne-Laure SEYEUX, Paul STORAI, Virginie VAUTIER.
Catastrophes, accidents, drames… Les médias annoncent :
« Les victimes sont sous le choc ; des PSY ont été réquisitionnés
pour les assister ».
Qui sont ces PSY ? D’où viennent-ils ? De quelle expérience se
prévalent-ils ? Comment procèdent-ils et comment
réfléchissent-ils à leurs pratiques ? Autant de questions sur
lesquelles des hommes et des femmes ont accepté de
témoigner. Ils ou elles sont psychologues, médecins,
psychiatres. Ils ont été conduits à intervenir en situation exceptionnelle, hors de leurs murs. Ils sont
partis dans des conditions improvisées dictées par les circonstances. Ils ont fait face à des situations
aussi diverses qu’inattendues, parfois dans des conditions périlleuses pour eux-mêmes, souvent en
ayant à expliquer et justifier leur travail en même temps que l’urgence leur commandait de le faire.
Le cadre commun de l’ensemble des témoignages qui suivent est l’institution militaire. Loin de le
réduire, ce cadre donne à ces témoignages une dimension paradigmatique, c’est-à-dire de
démonstration par l’exemple. Plus qu’ailleurs se pose ici la question de la pertinence et de la légitimité
de l’intervention médico-psychologique : quels sont les buts de ces actions, comment en sont
déterminés les acteurs, quelles sont les contraintes avec lesquelles ils doivent composer. Ce cadre
est aussi paradigmatique d’une autre question sensible : au profit de qui se conduit l’intervention ? De
l’individu ou du collectif ? En effet, une longue discussion peut commencer sur la question : « ça
arrange qui ? » Les victimes y trouvent l’occasion d’être désignées et reconnues en tant que telles et
parfois en obtenir quelques avantages. Pour ceux qui l’ont commandée, les décideurs, l’intervention
médico-psychologique est l’attestation qu’ils se soucient de leurs personnels. Il peut même se dire
qu’ils y trouvent une bonne conscience, que cela détourne l’attention des critiques qui mettent en
cause leur éventuelle responsabilité dans la survenue de l’évènement dramatique. Et puis il peut y
avoir aussi la satisfaction des PSY eux-mêmes, de faire du tourisme de crise à peu de frais et d’en
obtenir des gratifications narcissiques, d’être reconnu comme le « monsieur psy des catastrophes »
ou le « monsieur psy des otages », de revêtir la panoplie du héros moderne, à la fois aventurier et
sauveteur. C’est la caricature de ces actions qui peut être lue dans différents ouvrages critiques qui
dénoncent l’intervention médico-psychologique comme un petit théâtre où les rôles, les choses dites
et les choses faites ont été préparés bien à l’avance pour attirer et endormir en même temps la
conscience du citoyen à l’écoute des medias. Les témoignages qui suivent montrent qu’on est loin de
cette caricature. Avec la transparence et la réserve nécessaire, les auteurs ont accepté de s’exposer,
de dire leur pratique et de la soumettre à la critique de leurs pairs.
L’originalité des témoignages qui suivent est l’inscription de ces différentes actions dans le même
tissu institutionnel accompagné d’un échange entre chaque acteur, ce qui donne à leur travail une
mise en perspective qui articule et en évalue chaque temps ; c’était l’esprit d’une première réunion
des acteurs militaires du soutien psychologique qui s’est tenue à Toulon en 2008. Ces témoignages
portent aussi un éclairage singulier sur ce temps où se noue, pour les victimes, leurs familles, les
sauveteurs et les PSY, ce moment crucial où l’un va à la rencontre de l’autre avec en point de mire
l’intense humanité qui s’en éprouve.
ISBN : 978 2 7040 1275 6 – Format : 15x21 cm – Pages : 204 – Prix : 26 € – Doin Éditions – www lirairie-sante.fr
372
Épidémiologie
Toxi-infection alimentaire collective à Clostridium perfringens
chez les sapeurs pompiers de Paris : intérêt d’une
investigation même en cas de faible effectif.
A. Mayet a, N. Chai b, C. Bougherra a, V. Rous c, G. Lagathu d, S. Duron a, C. Verret a,
J.-B. Meynard a, É. Nicand d, R. Migliani a.
a Département d’épidémiologie et de santé publique nord, École du Val-de-Grâce, Îlot Bégin, 69 avenue de Paris – 94 163 Saint Mandé Cedex.
b Brigade des sapeurs pompiers de Paris, 3e groupement d’incendie, 12-14 rue Henri Régnault – 92400 Courbevoie.
c École militaire, Secteur vétérinaire, 1 place Joffre – 75007 Paris.
d HIA du Val-de-Grâce, service de biologie, 74 boulevard de Port Royal – 75230 Paris Cedex 05.
Article reçu le 9 décembre 2008, accepté le 25 juin 2009.
Résumé
Suite à la survenue de 11 cas de diarrhée à la Brigade des sapeurs pompiers de Paris le 14 août 2008, une investigation
épidémiologique et vétérinaire a été menée. L’objectif était de confirmer le caractère épidémique de l’épisode et
d’identifier le plat contaminant. L’enquête alimentaire était de type cohorte rétrospective. Le taux d’attaque de l’épidémie
était de 11 cas pour 42 convives. Une diarrhée liquide était rapportée par les 11 malades. La courbe épidémique était en
faveur d’une durée d’incubation de 12 heures et semblait désigner le dîner du 13 août comme repas contaminant.
L’enquête alimentaire retrouvait un risque relatif lié au chili con carne qui, bien que non significatif, se démarquait des
autres plats consommés. Clostridium perfringens et sa toxine ont été retrouvés dans les selles de huit patients. L’analyse
alimentaire a par ailleurs retrouvé le même germe dans le plat incriminé, avec un profil génétique concordant. Malgré une
enquête alimentaire non significative en raison du faible effectif, l’investigation a été contributive tant sur le plan
épidémiologique que vétérinaire et biologique. Des défauts liés à la préparation du plat permettaient d’expliquer le
mécanisme de survenue de cette toxi-infection alimentaire collective. Les préparations à base de viande, préparées à
l’avance et refroidies trop lentement, prédisposent en effet à la croissance et à la multiplication de C. perfringens.
Mots-clés : Clostridium perfringens. Restauration collective. Toxi-infection alimentaire collective.
CLOSTRIDIUM PERFRINGENS RELATED FOOD POISONING OUTBREAK AMONG FIRE SOLDIERS IN PARIS:
INVESTIGATION IS SUITABLE DESPITE A LOW POPULATION SIZE.
Abstract
After 11 diarrhoea cases were reported August 14th, 2008 among fire soldiers in Paris, an epidemiological and veterinary
investigation was conducted to confirm whether the outbreak was epidemic and to identify the contaminating food. A
retrospective cohort study was conducted. Attack rate was 11 cases for 42 eaters. All patients reported liquid diarrhea.
Epidemic curve data showing a 12 to 24-hour incubation period seemed to identify the August 13th dinner as the source of
contamination. A chili con carne course was more associated with reported symptoms than other courses, despite this
association was non significant. Same Clostridium perfringens bacteria and toxin were isolated in eight patients’ feces. A
food analysis also has isolated the same germ in the questioned food as well as a genetic profile match. Despite a low
population size, this investigation showed significant epidemiological veterinary and biological results. Faults concerning
meal preparation were identified which enabled to explain the mechanism of this collective food poisoning outbreak,. Meatbased meals if early prepared and too slowly cooled actually,clearly predispose to C. perfringens growth and multiplication.
Keywords: Clostridium perfringens. Collective catering. Food poisoning outbreak.
A. MAYET, médecin principal, praticien confirmé. N. CHAI, médecin.
C. BOUGHERRA, médecin capitaine. V. ROUS, vétérinaire principal, praticien certifié.
G. LAGATHU, médecin principal, praticien certifié. S. DURON, médecin principal,
praticien confirmé. C. VERRET, médecin en chef, praticien certifié. J.-B. MEYNARD,
médecin en chef, praticien certifié. É. NICAND, médecin en chef, praticien certifié. R.
MIGLIANI, médecin chef des services, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Correspondance: A. MAYET, Département d’épidémiologie et de santé publique nord,
École du Val-de-Grâce. Ilôt Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint Mandé Cedex.
E.mail : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 373-376
Introduction
Un foyer de toxi-infection alimentaire collective
(TIAC) est défini par la survenue d’au moins deux cas
d’une symptomatologie similaire, en général digestive,
dont on peut rapporter la cause à une même origine
alimentaire (1). Le Service de santé des armées (SSA) a
adopté une définition plus restrictive, correspondant aux
373
accidents les plus fréquemment observés en restauration
collective : accidents aigus d’allure toxique consécutifs à
l’ingestion d’aliments contaminés par des bactéries ou
par les produits de leur métabolisme (2). Toute TIAC doit
faire l’objet d’une déclaration à la Direction
départementale des affaires sanitaires et sociales
(DDASS) ou la Direction départementale des services
vétérinaires (DDSV) du lieu de survenue. En milieu
militaire, tout médecin, devant une suspicion de TIAC,
doit alerter en premier lieu le Département
d’épidémiologie et de santé publique (DESP) de
rattachement, structure appartenant au SSA, qui mène
l’investigation en collaboration avec les services
vétérinaires militaires, et transmet les informations
obtenues à la DDASS (3).
La grande majorité des foyers de TIAC déclarés en
France entre 1996 et 2005 ne concernaient qu’un petit
nombre de patients (médiane de 9 malades pour les foyers
déclarés en restauration collective) (1). Sur les 8 514
foyers de TIAC déclarés, seul 2 667 (31 %) ont bénéficié
d’une conf irmation microbiologique de l’agent
responsable. Si les germes du groupe Salmonelle étaient
le plus souvent retrouvés (64 % des foyers), Clostridium
perfringens était impliqué dans 5,1 % des foyers. En
milieu militaire, 165 foyers de TIAC ont été déclarés
entre 1997 et 2007, dont 84 en métropole. Ces TIAC sont
survenues au sein d’un organisme de restauration
collective dans 72 % des cas. En 2007, sept TIAC sont
survenues dans les armées, pour un total de 244 patients.
La quasi-totalité de ces TIAC concernait un organisme de
restauration collective.
Le jeudi 14 août 2008 vers 13 heures, un médecin de la
Brigade des sapeurs pompiers de Paris (BSPP), alertait le
DESP Nord pour une suspicion de TIAC. Dans la nuit et la
matinée, 11 pompiers appartenant à un même poste de
secours avaient présenté des signes digestifs avec
prédominance de diarrhées et de douleurs abdominales.
Ces malades ont été pris en charge par le médecin du
service médical du groupement, qui a alerté la Direction
régionale du Service de santé des armées de Saint-Germain
en Laye et le secteur vétérinaire de Paris. L’alerte auprès de
la DDASS de Paris a été donnée par l’épidémiologiste du
DESP Nord. L’objectif de ce travail est de présenter les
résultats de l’investigation de cet épisode.
Sujets et méthode
Les objectifs de l’investigation épidémiologique
étaient de confirmer le caractère épidémique de l’épisode
et d’identifier le plat contaminant, et ceux de l’enquête
vétérinaire étaient de mettre en évidence les modalités de
contamination de ce plat (2, 4). L’effectif du poste de
secours étant de 50 personnes, il a été décidé de mener une
enquête de cohorte rétrospective. Les questionnaires
alimentaires ont été administrés par le médecin du
groupement. Un cas a été défini comme un pompier du
poste de secours ayant présenté, entre le 13 et le 14 août
2008, au moins une diarrhée (minimum de deux selles
liquides par jour). Pour chaque plat, le taux d’attaque de la
maladie a été comparé chez les consommateurs et les nonconsommateurs. Le risque relatif (RR) été calculé afin de
mesurer la force de l’association entre la consommation
374
du plat et la survenue de la maladie. Les données ont été
analysées avec le logiciel Epi-Info version 6.04dfr.
L’analyse des selles des patients a été effectuée par le
laboratoire de biologie médicale de l’Hôpital
d’instruction des armées du Val-de-Grâce. L’enquête
auprès de l’organisme de restauration a été réalisée par un
vétérinaire du secteur vétérinaire militaire de Paris, qui a
prélevé les plats témoins des trois jours précédant la
TIAC. La congélation de ces plats a permis d’attendre que
l’enquête épidémiologique apporte les éléments
nécessaires pour cibler l’analyse bactériologique sur les
plats suspectés. Cette analyse a été effectuée par le
laboratoire du commissariat de l’armée de Terre
d’Angers. Le génotypage des souches bactériennes
isolées dans les selles des patients et au niveau alimentaire
a été réalisée par le Centre national de référence des
bactéries anaérobies par technique d’amplif ication
génique Polymerase chain reaction (PCR).
Résultats
Enquête épidémiologique
Au moment de l’enquête, huit sujets étaient absents en
raison d’une permission ou d’un repos de récupération
post garde. Sur les 42 convives interrogés, 11 pouvaient
être considérés comme malades. Le taux d’attaque de
l’épidémie était donc de 26 %. Un des malades était une
femme. La moyenne d’âge des cas était de 26 ans
(extrêmes : 22 – 34 ans). Les malades, tous apyrétiques,
rapportaient quatre selles liquides par jour en moyenne,
cette diarrhée étant associée à des douleurs abdominales
dans 82 % des cas (fig. 1). Aucune hospitalisation n’a été
rapportée et les symptômes, régressifs en moins de
24 heures sous traitement symptomatique, n’ont pas
occasionné d’indisponibilité chez les cas.
La date de début des symptômes était connue pour dix
malades. Le premier cas est survenu le 13 août vers
23 h 30 et le dernier, le 14 août vers midi. Les données de la
courbe épidémique étaient en faveur d’une durée
d’incubation de 12 heures et semblaient désigner le dîner
du 13 août 2008 comme repas contaminant (fig. 2).
Un prélèvement de selles a été réalisé chez neuf
malades. Huit échantillons (89 %) sont revenus positifs à
Clostridium perfringens (entre 104 et 108 unités formant
colonie (UFC) par millilitre). La recherche de
l’entérotoxine A de C. perfringens par PCR était positive
chez ces huit patients. Un examen clinique, à la recherche
d’une symptomatologie digestive et de lésions cutanées, a
Figure 1. Distribution des symptômes survenus chez les 11 malades.
a. mayet
1. Durée d’incubation estimée en retranchant l’heure de survenue du premier cas (23 h 30) à celle du dernier
cas (12 h 00 le lendemain), ce qui donne environ 12 heures.
2. Heure du repas contaminant estimée en retranchant la durée d’incubation à l’heure de survenue du cas
médian (09 h 00), ce qui donne approximativement 21 h 00, soit l’heure du dîner.
Figure 2. Courbe épidémique.
été effectué auprès des cuisiniers ayant préparé les
aliments. Ces sujets ne présentaient aucun signe clinique
particulier.
Si l’enquête alimentaire devait initialement porter sur
tous les repas du lundi 11 août au mercredi 13 août, les
populations de malades et non-malades n’étaient
comparables que pour les repas du 13 août car la majorité
des pompiers du poste de secours avaient mangé à leur
domicile les jours précédents. Aucun aliment n’était
significativement associé à la survenue des symptômes
(tab. I). Certains risques relatifs, dont celui lié au chili con
carne, ne pouvaient être calculés en raison de l’absence
de malades chez les non consommateurs. Le dîner du
13 août paraissant à risque d’après les données de la
courbe épidémique, le risque lié au chili con carne a donc
été approximé en ajoutant 0,5 à chaque catégorie
d’effectif (consommateurs malades, consommateurs
non malades, non consommateurs malades, non
consommateurs non malades). Ce risque relatif était égal
à 3,5 et, bien que non significatif (p = 0,3), semblait se
démarquer nettement des risques liés à la consommation
des autres aliments servis au dîner (RR inférieurs à 1).
Enquête vétérinaire
La recherche alimentaire de C. perfringens a concerné
les denrées suivantes, servies le 13 août : rouelle de porc,
chili con carne, poêlée de légumes et riz. Une recherche
de Bacillus cereus a également été demandée compte tenu
des symptômes classiquement induits par cette bactérie et
de la nature des plats suspects (riz en particulier),
compatibles avec le tableau précédemment décrit (5). Les
analyses ont permis d’identif ier la présence de
C. perfringens à 150 UFC/g dans le plat de chili con carne.
La recherche de B. cereus s’est révélée négative dans la
totalité des échantillons analysés. Les souches de
C. perfringens retrouvées dans le plat et dans les selles des
patients se sont révélées identiques après génotypage
(présence du gène alpha et du gène de l’entérotoxine).
Lors de l’inspection des cuisines, les températures des
enceintes frigorif iques de stockage des matières
premières ont été jugées conformes aux exigences
réglementaires, mais des écarts ont été constatés dans les
modalités d’élaboration du chili con carne. Ce plat avait
été préparé en début d’après-midi, puis refroidi dans un
simple réfrigérateur avant d’être réchauffé pour le service
du soir. Ainsi, les couples temps/température associés
aux phases de refroidissement et de réchauffage n’ont fait
l’objet d’aucune maîtrise.
Discussion
Un foyer de TIAC, comportant 11 cas, est survenu à la
BSPP le 14 août 2008. La symptomatologie était dominée
par une diarrhée liquide et des douleurs abdominales. Ces
symptômes et la structure de la courbe épidémique
évoquaient une infection à C. perfringens à partir d’une
source commune ponctuelle qui semblait être le dîner du
13 août (6). La consommation de chili con carne à ce repas
était de plus associée à une morbidité 3,5 fois plus élevée,
bien que ce risque soit non significatif. La présence de huit
échantillons de selles positifs à C. perfringens chez les
malades, tant sur le plan bactériologique que toxinique,
confirmait l’hypothèse initiale.
La grande majorité des foyers de TIAC ne concernent
qu’un faible effectif (1). L’enquête épidémiologique
alimentaire est dans ce cas rarement contributive en
raison d’un manque de puissance statistique, d’où
l’intérêt de prélever au plus vite les patients pour
rechercher l’agent responsable. Les signes cliniques,
fournissant des indications sur l’agent potentiellement
impliqué, et la courbe épidémique, renseignant sur la
cinétique de l’épidémie, permettent aussi, malgré le
faible nombre de patients, d’émettre des hypothèses
rapides quant au repas contaminant et à l’agent
responsable, ce qui permet de cibler l’investigation
vétérinaire même en l’absence de résultats d’enquête
Tableau I. Résultats de l’enquête alimentaire (Plats servis le 13 août 2008).
Repas
Consommateurs
Non consommateurs
Taux d’attaque % Nb malades/Total Taux d’attaque % Nb malades/Total
Risque relatif (RR) et
intervalle de confiance 95 %
RR
IC 95 %
p
1,0
Déjeuner mercredi 13 août
Quiche lorraine
27
8/28
33
2/6
0,9
0,2-3,1
Rôti de porc et jardinière
30
10/33
0
0/1
1,2*
-
1,0
Éclair au chocolat
31
9/29
20
1/5
1,6
0,3-10,0
1,0
35
7/20
50
2/4
0,7
0,2-2,2
0,6
Dîner mercredi 13 août
Feuilleté viande
Chili con carne
43
9/21
0
0/3
3,5*
-
0,3
Crème dessert
21
3/14
60
6/10
0,4
0,1-1,1
0,09
*Approximation du RR estimée en ajoutant 0,5 dans chaque catégorie d’effectifs, soit RR = (10,5/33)/(0,5/1) pour le rôti de porc-jardinière, et RR = (9,5/22)/(0,5/4) pour le chili con carne.
toxi-infection alimentaire collective à clostridium perfringens chez les sapeurs pompiers de paris : intérêt d’une investigation même en cas de faible effectif
375
alimentaire exploitables. Soulignons enfin l’importance
de la PCR, rapide à mettre en œuvre, dans la confirmation
d’une TIAC à C. perfringens (7, 8).
Compte tenu des examens microbiologiques
alimentaires effectués, le plat en cause à été identifié
comme étant le chili con carne. Les valeurs obtenues pour
le critère C. perfringens (150 UFC/g) étaient toutefois
inférieures aux seuils classiquement décrits pour induire
l’apparition des symptômes (10 5 UFC/g). Il n'est
cependant pas certain que l'analyse de produits ayant subi
une congélation, susceptible d’affecter le niveau de
contamination, soit totalement représentative de l'état des
produits au jour de leur consommation (9). Il est en effet
recommandé que les repas témoins soient conservés au
froid positif, entre 0 et 4 °C (10).
L’absence de maîtrise du processus de refroidissement
permet d’expliquer le mécanisme de survenue de la
TIAC. En effet, C. perfringens est souvent à l’origine de
toxi-infections alimentaires compte tenu de ses
principales caractéristiques microbiologiques : très
largement répandu dans l’environnement et souvent
présent dans les matières premières en petites quantités,
cet agent croît rapidement dans une plage de température
comprise entre 10 et 50 °C en produisant des spores très
résistantes à la chaleur. La cuisson ne détruit donc pas ces
spores et favorise même les conditions d’anaérobiose
propices à la germination de cette bactérie au cours du
refroidissement (6, 11). Les conditions de cuisson et de
conservation ultérieure des préparations culinaires sont
par conséquent déterminantes sur l’évolution du niveau
de contamination. Les préparations à base de viande en
sauce, ainsi que les préparations à forte teneur en amidon
(comme les haricots rouges) qui sont cuites en quantité
importante, à l’avance et avec un refroidissement trop lent
constituent des facteurs de risque déterminants.
L’ingestion de grandes quantités de clostridies provoque
in vivo la synthèse de l’entérotoxine que l’on peut ensuite
isoler dans les selles des personnes malades.
Conclusion
En conclusion, un faible nombre de malades ne doit pas
conduire à éluder l’investigation d’un épisode de TIAC,
qui est encadrée par des textes règlementaires et reste
obligatoire dans tous les cas (3, 4). Les données cliniques,
épidémiologiques et biologiques peuvent, de plus, être
contributives même en l’absence d’une enquête
alimentaire exploitable. Dans l’épisode présent, toutes
les conditions ont été réunies pour aboutir à une TIAC qui
aurait facilement pu être évitée en respectant les bonnes
pratiques hygiéniques et les principes de maîtrise des
risques. À l’issue de l’épisode, des rappels concernant les
cycles de refroidissement et de réchauffage des
préparations culinaires ont donc été émises à l’attention
de l’organisme de restauration collective. En ce qui
concerne la liaison chaude, les préparations culinaires
destinées à être conservées à la chaleur jusqu'au moment
de leur consommation doivent être, dès la fin du dernier
traitement thermique, maintenues à une température
supérieure ou égale à +63 °C (10). C'est pour cela qu'il est
indispensable de réaliser des autocontrôles réguliers et
fréquents des températures, à chaque étape de préparation,
depuis la cuisson jusqu'au service. En ce qui concerne la
liaison froide, les préparations culinaires destinées à être
conservées par le froid doivent être rapidement refroidies
après le dernier stade de leur élaboration, c'est à dire que
leur température à cœur ne doit pas demeurer à des valeurs
comprises entre +10 °C et +63 °C pendant plus de deux
heures. Après refroidissement, ces denrées doivent être
conservées dans une enceinte dont la température est
située entre 0 °C et +3 °C. La remise en température est
opérée de telle manière que la température à cœur des
préparations ne demeure pas pendant plus d'une heure à
des valeurs comprises entre +10 °C et +63 °C.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Delmas G, Gallay A, Éspié E, Haeghebaert S, Pihier N, Weill FX et al.
Les toxi-infections alimentaires collectives en France entre 1996
et2005. Bulletin épidémiologique hebdomadaire 2006 ; 51-52 : 418-22.
2. Buisson Y, Teyssou R. Les toxi-infections alimentaires collectives.
Revue francophone des laboratoires 2002 ; 348 : 61-6.
3. Instruction ministérielle N° 1000/DEF/DCSSA/AST/TEC/2 du
8 novembre 2001 relative aux outils de la surveillance
épidémiologique dans les armées.
4. Instruction ministérielle N° 1180/DEF/DCSSA/AST/TEC/1 du 16 mai
1994 relative à la prophylaxie des maladies transmissibles dans les armées.
5. Ankolekar C, Rahmati T, Labbe RG. Detection of toxigenic Bacillus
cereus and Bacillus thuringiensis spores in U.S. rice. International journal
of Food microbiology 2008. doi: 10.1016/j.ijfoocmicro.2008.10.006.
6. Holtby I, Tebbutt GM, Grant KA, McLauchlin J, Kett J, Pinkney S. A
Clostridium perfringens food poisoning outbreak associated with
consumption of chicken curry supplied by a home caterer. Public
health 2008 ; 122 : 1 311-14.
376
7. Fach P, Delbart MO, Schlachter A, Poumeyrol M, Popoff MR.
Apports de la technique d’amplification génique (PCR) au diagnostic
des toxi-infections alimentaires collectives à Clostridium perfringens.
Médecine et maladies infectieuses 1993 ; 23 : 70-7.
8. Gurjar AA, Hedge NV, Love BC, Jayarao BM. Real-time multiplex
PCR assay for rapid detection and toxintyping of Clostridium
perfringens toxin producing strains in feces of dairy cattle. Molecular
and cellular probes 2007 ; 22 : 90-5.
9. Wu VCH. A review of microbial injury and recovery methods in food.
Food Microbiology 2008 ; 25 : 735-44.
10. Arrêté du 29 septembre 1997 fixant les conditions d’hygiène
applicables dans les établissements de restauration collective à
caractère social. Journal officiel du 23 octobre 1997.
11. Le Marc Y, Plowman J, Aldus CF, Munoz-Cuevas M, Baranyi J, Peck
MW. Modelling the growth of Clostridium perfringens during the
cooling of bulk meat. International journal of Food microbiology
2008 ; 128 : 41-50.
a. mayet
Mémoire
Déficits hormonaux des traumatisés crâniens : les résultats
de l’étude DETRAC.
L. Bordier a, F. Ceppa b, P. Azouvy c, F. Genet c, F. de Soultrait d, O. Goasguen d,
P. Hugeux e, J. Le Guilloux e, MC Goupy e, F. Petit e, D. Roges e, R. Lafaye de Micheaux f,
E. Lapeyre f, C. Kiefer g, O. Dupuy a, H. Mayaudon a, B. Bauduceau a.
a Service d'Endocrinologie, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.
b Service de Biochimie, HIA Bégin, 69 avenue de Paris – 94163 Saint-Mandé Cedex.
c Service de Médecine Physique et de Réadaptation. Hôpital Raymond Poincaré. Garches.
d Service de Neurochirurgie, HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
e Institution Nationale des Invalides, 6 boulevard des Invalides – 75700 Paris 07.
f Service de Médecine Physique et Réadaptation. HIA Percy, 101 avenue Henri Barbusse, BP 406 – 92141 Clamart Cedex.
g Service de soins et Réadaptation pour traumatismes crâniens. Hôpital Nord. Villeneuve La Garenne.
Article reçu le 13 février 2009, accepté le 9 juillet 2009.
Résumé
Les traumatismes crâniens sont particulièrement fréquents dans la population jeune et les travaux récents montrent la forte
prévalence des déficits hormonaux qui sont le plus souvent négligés ou méconnus, ce qui invite à leur dépistage
systématique. L’étude DETRAC (Etude des Déficits Endocriniens chez les TRAumatisés Crâniens) repose sur le dépistage
d’un déficit hypophysaire chez des traumatisés crâniens. Cette cohorte comporte 105 malades, 32 femmes et 73 hommes
âgés de 40,7 ± 15,5 ans. Les dosages ont été pratiqués et centralisés à l’HIA Bégin. Comme dans les autres travaux de la
littérature, les différents déficits hormonaux concernent l'ensemble des axes hypophysaires. Les plus souvent touchés sont
représentés par les axes gonadotrope (39 % des cas), thyréotrope (11 %) et corticotrope (10 %). Suspecté sur des taux de
base de GH et d’IGF1 effondrés dans 38 % des observations, un déficit somatotrope n’a été confirmé que dans 3 des 6
observations où des explorations dynamiques ont pu être réalisées. Ces premiers résultats confirment la grande fréquence
des déficits hormonaux des traumatisés crâniens et soulignent l’intérêt de leur diagnostic puis de leur traitement. Une
meilleure coordination des soins reposant sur un échange entre neurochirurgiens, médecins de médecine physique et
endocrinologues est donc indispensable pour aboutir à une bonne prise en charge de ces malades.
Mots-clés : Insuffisance hypophysaire. Traumatisme crânien.
PITUITARY DEFICIENCIES AFTER TRAUMATIC BRAIN INJURY : THE RESULTS OF DETRAC STUDY.
Abstract
Traumatic brain injury frequently appears in young population and recent publications reveal the high prevalence of
pituitary deficiencies often underestimated or neglected on a first time. These deficiencies must be systematically
detected. The target of DETRAC study (Etude des Déficits Endocriniens chez les TRAumatisés Crâniens) was to
evaluate pituitary dysfunctions after traumatic brain injury. One hundred five patients have been enrolled, 32 females and
73 males aged 40.7±15.5 years. Hormonal dosages were centralised and measured in the Biochemestry Department of
Bégin Military Hospital. Like in previous published studies, pituitary deficiencies regard all axes. Gonadotropic (39 %),
thyrotropic (11 %) and corticotropic (10 %) insufficiencies have been the most commonly encountered ones. A
somatotropic deficiency assessed with low GH and IGF1 basic rates has been suspected in 38 %. In our study, this
deficiency unfortunately has been proved in only three of the six patients who underwent stimulations dosages. Our data
support the high prevalence of pituitary deficiencies subsequent to traumatic brain injuries and enhance their significant
diagnosis then treatment. Neurosurgeons, rehabilitation centers medical doctors and endocrinologists have to better
exchange to reach a better co-ordination so as to make these patients’ care correct.
Keywords: Pituitary deficiency. Traumatic brain injury.
L. BORDIER, médecin en chef. F. CEPPA pharmacien en chef. P. AZOUVY,
F. GENET, F. DE SOULTRAIT, O. GOASGUEN, médecin en chef. P. HUGEUX,
J. LE GUILLOUX, médecin en chef. MC GOUPY, F. PETIT, D. ROGES,
R. LAFAYE DE MICHEAUX, médecin en chef. E. LAPEYRE, médecin en chef.
C. KIEFEr, O. DUPUY, médecin en chef. H. MAYAUDON, médecin en chef.
B. BAUDUCEAU, médecin chef des services.
Correspondance : B. BAUDUCEAU, Service d’endocrinologie, Hôpital
d’instruction des armées Bégin, 69 avenue de Paris – 94 163 Saint-Mandé Cedex.
E. mail : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 377-380
Introduction.
Les traumatismes crâniens notamment ceux qui sont la
conséquence des accidents de la voie publique sont
particulièrement fréquents dans la population jeune et
surtout masculine (1). Les travaux récents montrent la
forte prévalence des déficits hormonaux qui sont le plus
377
souvent négligés ou méconnus ce qui invite à leur
dépistage systématique (2). La population militaire,
jeune et exposée aux traumatismes est particulièrement
concernée par ce phénomène, aussi bien en France que
lors des Opérations Extérieures. Ce fait invite à généraliser
le dépistage et la prise en charge des déficits hormonaux
des traumatisés crâniens. Ainsi, la détermination de la
prévalence des atteintes hypophysaires et l’évaluation
des conséquences des perturbations hormonales doivent
aboutir à une hormonothérapie substitutive dans le but
d’améliorer l’état clinique de ces victimes. C’est dans
cette perspective que l’étude DETRAC (Etude des
Déficits Endocriniens chez les TRAumatisés Crâniens)
a été initiée.
L’étude DETRAC
Patients et méthodes
L’étude DETRAC repose sur le dépistage des déficits
hypophysaires chez 105 traumatisés crâniens recrutés de
façon prospective dans des services de neurochirurgie ou
de rééducation fonctionnelle qui les prennent en charge
régulièrement. Cette étude a reçu l’agrément du comité
d’éthique et des expérimentations de l’HIA Bégin. Les
malades ont donné leur consentement écrit après avoir
reçu une explication orale et une fiche d’information de
ce protocole avant leur inclusion.
Cette cohorte est composée de 32 femmes et 73
hommes âgés de 40,7 ± 15,5 ans. Ces sujets ont été
victimes d’un traumatisme crânien de gravité moyenne à
sévère, le plus souvent à l’occasion d’un accident de la
voie publique dont l’ancienneté est de 3,3 ± 3,4 ans.
Les centres de Rééducation et de Neurochirurgie en
charge de ces malades ont complété une fiche comportant
les données de la gravité du traumatisme initial et les
éléments cliniques essentiels à l'évaluation de l'état du
malade. Une échelle de qualité de vie a également été
renseignée avant tout traitement.
Un bilan hormonal complet mais facile à réaliser, a été
effectué dans les différents centres :
– axe somatotrope : GH et IGF1 ;
– axe gonadotrope : FSH et LH, testostérone ou
œstradiol ;
– axe corticotrope : ACTH et cortisol ;
– axe thyréotrope : TSH et T4 Libre ;
– prolactine.
Ces différents dosages ont été centralisés et effectués
dans le service de biochimie de l'HIA Bégin. En cas
d'anomalie de l’une des composantes de ce bilan de
débrouillage, un traitement substitutif a été initié. Les
patients qui le nécessitaient ont été explorés par des tests
dynamiques lors d'une hospitalisation de jour dans le
service d'endocrinologie de l'HIA Bégin.
L'exploitation des données cliniques et biologiques
a été assurée par le service d'endocrinologie de
l'HIA Bégin.
Résultats
Le traumatisme crânien de ces blessés était très sévère
dans 64 % des cas, responsable d’un état initial
préoccupant avec un Indice de Glasgow à 7,8 ± 3,8 et une
378
durée initiale du coma de 18,9 ±25 jours. Une intervention
neurochirurgicale a été réalisée dans 22 % des cas. La
durée de l’amnésie post-traumatique était de 47 ± 58 jours
et persistait chez 19 % des blessés. Près de la moitié des
sujets conservait une fatigabilité importante mais leur
état était en voie d’amélioration dans plus de 80 % des cas.
Il persistait cependant d’importantes séquelles des
fonctions cérébrales dans un tiers des cas et des fonctions
motrices chez plus de 50 % des malades.
Les différents déf icits hormonaux concernaient
l'ensemble des axes hypophysaires. Seuls 28 blessés ne
présentaient aucune anomalie hormonale. De façon un
peu surprenante, un diabète insipide transitoire n’a été
noté que dans deux observations. Plus de la moitié des
malades présentait une anomalie hormonale (54 cas),
19 traumatisés (18 %) avaient un double déf icit et
4 d’entre eux (4 %) une atteinte de trois axes. Une grande
partie de ces anomalies seraient passées inaperçues
en l’absence du dépistage systématique réalisé au cours
de l’étude DETRAC.
Les perturbations les plus souvent observées touchaient
les axes gonadotrope (39 % des cas), thyréotrope (11 %)
et corticotrope (10 %). Suspecté sur des taux de base
de GH et d’IGF1 effondrés dans 38 % des observations,
un déf icit somatotrope n’a été conf irmé que dans 3
des 6 observations par les explorations dynamiques
qui ont pu être réalisées.
Enf in la prolactine dépassait 30 mcg/l chez 14
blessés (13 %) pouvant résulter d’un certain degré
de déconnection hypothalamo-hypophysaire mais
également de la prise de médicaments fréquemment
utilisés dans ce contexte et susceptibles d’induire
une hyperprolactinémie.
La fréquence et le caractère multiple des perturbations
hormonales n’étaient pas fonction de l’intensité du
traumatisme initial, de la durée du coma, de l’amnésie
post-traumatique ni de la nécessité d’une intervention
neurochirurgicale.
Le déf icits thyréotropes et corticotropes ont été
systématiquement corrigés par une hormonothérapie
substitutive et trois malades ont reçu un traitement par
hormone de croissance avec un bon résultat fonctionnel.
Toutefois, le petit nombre des malades et le faible recul
n’a pas permis de quantif ier cette amélioration par
l’analyse des échelles de qualité de vie.
Commentaires
Lors des études autopsiques menées chez les
traumatisés crâniens, la prévalence des lésions
hémorragiques ou nécrotiques de la région hypophysaire
s’avère très élevée. Ce fait tient à la pauvreté de la
vascularisation intéressant l’hypophyse ainsi qu’à la
proximité et à l’étroitesse du cadre osseux. Ainsi, la
glande est très sensible aux traumatismes qui vont
induire une altération de la vascularisation et un
œdème local pouvant conduire à une nécrose de la
région. La tige pituitaire est également vulnérable et
peut être rompue lors d’un choc, expliquant la fréquence
des diabètes insipides initiaux. La physiopathologie
de ces diabètes insipides post-traumatiques explique
la cinétique d’installation du tableau et mime les
l. bordier
premières expériences menées chez l’animal au début du
XX e siècle. L’origine de la sécrétion de l’hormone
antidiurétique (ADH) se situe en effet au niveau de
l’hypothalamus et cette hormone migre le long des
axones vers la post-hypophyse où elle est stockée. Après
un traumatisme important, la tige pituitaire peut être
rompue ou contuse. La communication est ainsi
interrompue entre les centres producteurs et le réservoir
post-hypophysaire. Lorsque cette réserve est épuisée, au
bout de quelques jours, un diabète insipide apparaît et
l’hypersignal en T1 disparaît en IRM. Le caractère
réversible ou non de ce diabète insipide dépend de la
faculté de récupération des noyaux hypothalamiques et
de la survenue possible d’une dégénérescence neuronale
rétrograde à partir de la lésion de la tige.
Ces constatations anatomiques expliquent la grande
prévalence des anomalies hormonales observées dans les
études de la littérature chez les traumatisés crâniens (3).
Ainsi, 30 à 50 % des blessés présentent un déficit partiel
ou transitoire mais parfois total d’un ou de plusieurs axes
hormonaux (4).
Ces déficits sont observés le plus souvent chez des
sujets jeunes entre 11 et 29 ans et de sexe masculin dans 60
à 80 % des cas. Il s'agit le plus souvent d'accidents de la
voie publique qui ont entraîné dans 90 % des cas un coma
ou une perte de connaissance. Cette population
s’apparente donc tout particulièrement aux militaires
fréquemment soumis à ces types d’accident. L’intensité
du traumatisme est variable, souvent important mais un
déficit hormonal peut s’observer après un choc modéré.
L’état du malade doit être évalué selon l'échelle de
Glasgow dont la normalité est à 15. Un traumatisme
sévère est fixé pour un Glasgow inférieur ou égal à 8, un
traumatisme modéré de 9 à 12 et faible de 13 à 15. Les
conséquences anatomiques du traumatisme peuvent se
fonder sur la classification de Marshall qui repose sur les
résultats du scanner cérébral en évaluant la diffusion et
l'intensité des lésions.
Le déficit hormonal peut être constaté dès les premiers
mois dans les 2/3 des cas mais peut survenir de nombreuses
années plus tard. Son mode d’installation peut se faire de
façon très progressive et échapper à un observateur non
attentif. Ce fait impose donc de rechercher la notion d’un
traumatisme, même de faible intensité, chez un patient
présentant un déficit hormonal hypophysaire. En réalité,
ces anomalies hormonales sont souvent méconnues dans
ce contexte où le maintien des fonctions vitales et la
rééducation constituent une priorité. Ce fait s’avère
pénalisant pour des malades déjà en grande difficulté (5).
L’absence d’hormonothérapie peut s’avérer dramatique
en cas de déficit corticotrope et susceptible de contribuer
à l’asthénie des malades lors des déficits thyréotrope,
gonadotrope ou somatotrope. L’évolution s’avère
difficilement prévisible, certains déficits hormonaux
peuvent en effet régresser voire disparaître et d’autres
s’aggraver au cours de l’évolution (6, 7). Les déficits
retrouvés peuvent concerner tous les axes hormonaux.
Toutefois, les axes gonadotrope et somatotrope sont
les plus fragiles (8). Comme leur traduction clinique
est relativement silencieuse dans ce contexte, ces
défaillances pituitaires sont souvent méconnues
faute d’un dépistage. L’absence d’hormonothérapie
déficits hormomaux des traumatisés crâniens : les résultats de l’étude DETRAC
substitutive s’avère pénalisante pour ces malades
souvent asthéniques et présentant une amyotrophie (9).
En pratique, le dépistage des déf icits hormonaux
s’avère facile (10). Le diagnostic de diabète insipide
repose sur la simple clinique complétée en cas de doute
par une épreuve de restriction hydrique afin d’éliminer
une potomanie. Les dosages du cortisol et de l’ACTH
suffisent pour explorer l’axe corticotrope. L’évaluation
de l’axe gonadotrope repose sur la mesure de la
testostérone ou de l’oestradiol, de la FSH et LH. Enfin la
fonction thyroïdienne est facilement appréciée par celle
de la T4 libre et de la TSH. Le déficit de l’un de ces axes est
très vraisemblable devant un niveau hormonal
périphérique en dessous des normes sans élévation des
hormones hypophysaires. Ces anomalies ne sont pas
toujours aussi caricaturales et peuvent se traduire par un
taux des hormones périphériques dans la partie basse de
la fourchette normale alors que les stimulines
hypophysaires restent « anormalement normales ». Dans
ce contexte, la réalisation des tests dynamiques, lorsque
cela est techniquement possible, permet de lever toute
ambiguïté. L’axe somatotrope est sans doute le plus
méconnu et le plus difficile à explorer. En effet, comme
l’a montré l’étude DETRAC, le dépistage par le simple
dosage de l’hormone de croissance et de l’IGF1 est
insuff isant pour poser le diagnostic et engager une
hormonothérapie substitutive coûteuse et nécessitant une
injection quotidienne. Le recours à des épreuves
dynamiques est donc indispensable. En ce domaine « le
gold standart » est représenté par le dosage de la GH lors
d’une hypoglycémie induite par l’insuline. La situation
de ces malades souvent fragiles et susceptibles de
présenter des crises comitiales incite à utiliser d’autres
tests comme celui de la stimulation de la GH par le
glucagon et le propanolol (11). Le diagnostic de déficit
somatotrope peut être retenu si le pic de GH est inférieur à
la valeur seuil de 10 mUI/l.
Le traitement hormonal vise à compenser le déficit
hypophysaire par la prescription des hormones
périphériques en adaptant les doses sur la clinique et les
dosages hormonaux.
Ainsi, le diabète insipide est aisément compensé par la
Desmopressine par voie orale (Minirin ®) plus commode
que la forme nasale.
Le déf icit corticotrope nécessite l’administration
d’hydrocortisone à la dose de 20 à 30 mg par jour. La
surveillance biochimique est sans objet puisque la
constatation d’un faible taux du cortisol témoigne
simplement de la nécessité de poursuivre le traitement.
En effet, la très courte durée de vie de l’hydrocortisone
impose une observance journalière rigoureuse. La
posologie habituelle doit être majorée comme dans
tous les déf icits corticotropes lors des épisodes
de stress ou des infections. Contrairement à la maladie
d’Addison, il n’existe aucune perturbation de la
sécrétion des minéralocorticoïdes puisque la régulation
par le système rénine angiotensine n’est pas altérée.
La prescription de Fludrocortisone est donc inutile.
En revanche, l’information des malades doit être
attentive dans le but d’éviter les accidents d’insuffisance
surrénale aiguë.
379
La prescription d’hormone thyroïdienne doit être
adaptée aux résultats hormonaux. Toutefois, dans ce
contexte, la surveillance doit s’exercer sur le taux de T4
qui doit se situer dans le milieu de la fourchette normale et
non sur celui de la TSH qui demeure effondré.
La substitution du déf icit gonadotrope nécessite,
chez l’homme, la prescription de Testostérone injectable
à dose progressive (Androtardyl 250 ® : une ampoule
par mois) ou d’un traitement oestroprogestatif chez les
jeunes femmes.
Un traitement par hormone de croissance mérite d’être
initié en cas de déf icit authentique et en l’absence
d’antécédent tumoral. Son eff icacité sera jugée sur
l’amélioration de la qualité de vie marquée par
une régression de l’asthénie, une amélioration de
l’activité motrice et une modification de la surcharge
pondérale, notamment lorsqu’elle est de type androïde
(12, 13). Le traitement par hormone de croissance doit
être débuté à faible dose : 0,2 mg par voie sous-cutanée
chaque soir et la modif ication de la posologie doit
s’effectuer au regard du taux de l’IGF1 qui doit se
situer au milieu de la fourchette normale. Une
évaluation clinique de l’eff icacité du traitement,
portant essentiellement sur la qualité de vie, mérite
d’être réalisée au 6 emois pour juger de l’opportunité
de la poursuite de cette thérapeutique particulièrement
coûteuse. La mise en route de ce traitement nécessite
la rédaction d’un protocole de soins ouvrant droit
à l’éxonération du ticket modérateur, de faire la
prescription sur une ordonnance pour médicaments
d’exception et de recueillir soigneusement des données
destinées aux autorités de la caisse d’assurance maladie.
Conclusion
L’étude DETRAC conf irme la grande fréquence
des déf icits hormonaux des traumatisés crâniens et
souligne l’intérêt de leur diagnostic puis de leur traitement
(14). Ce travail prospectif ne possède que de très rares
équivalents récents en France et s'applique tout
particulièrement à la population militaire constituée de
sujets jeunes de sexe masculin exposés aux traumatismes
crâniens. DETRAC met toutefois en exergue les
difficultés de la mise en place à une grande échelle de
cette évaluation hormonale qui nécessite l’implication
des services qui prennent en charge ces malades. Parmi
les différents tests, l’hypoglycémie insulinique qui
constitue l’examen de référence pour le diagnostic d’un
déficit somatotrope, est difficilement réalisable par
des infirmières qui n’en maîtrisent pas la technique et
paraît contre-indiquée chez les malades les plus graves en
raison des risques de crise comitiale. Une meilleure
coordination des soins reposant sur un échange entre
neurochirurgiens, médecins de médecine physique et
endocrinologues est indispensable pour aboutir à une
bonne prise en charge de ces malades. L’état clinique de
ces blessés, déjà lourdement handicapés par les
conséquences de leur traumatisme peut en effet être
amélioré par une correction des anomalies hormonales,
pourvu qu’elles soient dépistées et compensées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Benvenga S, Campenni A, Ruggeri RM, Trimarchi F. Hypopituitarism
secondary to head trauma. J Clin Endocrinol Metab 2000; 85: 1353-61.
2. Bihan H., Chanson P. Traumatisme crânien : une cause méconnue
d’insuffisance hypophysaire acquise. Mises au point cliniques
d’Endocrinologie, Nutrition et Métabolisme 2005 : 7-15.
3. Agha A, Rogers B, Sherlock M, O’Kelly P, Tormey W, Phillips J et al.
Anterior pituitary dysfunction following traumatic brain injury. J Clin
Endocrinol Metab 2004 ; 89 : 4 929-36.
4. Urban RJ, Harris P, Masel B. Anterior hypopituitarism following
traumatic brain injury. Brain Inj 2005 ; 19 : 349-58.
5. Behan LA, Agha A. Endocrine consequences of adult traumatic brain
injury. Horm Res 2007 ; 68 Suppl 5 : 18-21.
6. Aimaretti G, Ambrosio MR, Di Somma C, Gasperi M, Cannavò S,
Scaroni C et al. Residual pituitary function after brain injury-induced
hypopituitarism : a prospective 12-month study. J Clin Endocrinol
Metab 2005 ; 90 : 6 085-92.
7. Tanriverdi F, Senyurek H, Unluhizarci K, Selcuklu A, Casanueva FF,
Kelestimur F. High risk of hypopituitarism after traumatic brain
injury : a prospective investigation of anterior pituitary function in the
acute phase and 12 months after trauma. J Clin Endocrinol Metab
2006 ; 91 : 2 105-11.
8. Leal-Cerro A, Flores JM, Rincon M, Murillo F, Pujol M, GarciaPesquera F et al. Prevalence of hypopituitarism and growth hormone
380
9.
10.
11.
12.
13.
14.
deficiency in adults long-term after severe traumatic brain injury. Clin
Endocrinol 2005 ; 62 : 525-32.
Popovic V, Aimaretti G, Casanueva FF, Ghigo E. Hypopituitarism
following traumatic brain injury. Front Horm Res 2005 ; 33 : 33-44.
Ghigo E, Masel B, Aimaretti G, Léon-Carrión J, Casanueva FF,
Dominguez-Morales MR et al. Consensus guidelines on screening for
hypopituitarism following traumatic brain injury. Brain Inj 2005 ; 19 :
711-24.
Lieberman SA, Oberoi AL, Gilkison CR, Masel BE, Urban RJ.
Prevalence of neuroendocrine dysfunction in patients
recovering from traumatic brain injury. J Clin Endocrinol Metab
2001 ; 86 : 2 752-6.
Bengtsson BA, Abs R, Bennmarker H, Monson JP, Feldt-Rasmussen
U, Hernberg-Stahl E et al. The effects of treatment and the individual
responsiveness to growth hormone (GH) replacement therapy in 665
GH-deficient adults. KIMS Study Group and the KIMS International
Board. J Clin Endocrinol Metab 1999 ; 84 : 3 929-35.
Wirén L, Bengtsson BA, Johannsson G. Beneficial effects of longterm GH replacement therapy on quality of life in adults with GH
deficiency. Clin Endocrinol (Oxf) 1998 ; 48 : 613-20.
Bondanelli M, De Marinis L, Ambrosio MR, Monesi M, Valle D,
Zatelli MC, et al. Occurrence of pituitary dysfunction following
traumatic brain injury. J Neurotrauma 2004 ; 21 : 685-96.
l. bordier
Fait clinique
Une morsure de vipère à cornes au niveau du pouce
compliquée d’une ischémie aigue d’un membre inferieur.
K. Mounir, A. Belhaj, M. Meziane, S.-J. Elalaoui, A. Baite, L. Safi, M. Atmani.
Article reçu le 3 décembre 2007, accepté le 3 août 2009.
Résumé
Bien que les manifestations hémorragiques soient plus caractéristiques du syndrome vipérin, les manifestations
thrombotiques demeurent possibles. Nous décrivons le cas d’une ischémie du membre inférieur droit suite à une morsure
par une vipère à corne au niveau du pouce non traitée par du sérum anti venin. Un traitement symptomatique et une
embolectomie chirurgicale ont permis une évolution favorable. Nous discutons aussi la littérature en rapport avec cette
rare complication.
Mots-clés : Coagulation intra-vasculaire disséminée. Ischémie aigue. Morsure de vipère. Vipère à cornes.
A SAHARAN HORNED VIPER BITE ON THE RIGHT THUMB COMPLICATED BY A LEG ACUTE ISCHEMIA
Abstract
Although hemorrhage is more characteristic of viperin severe envenoming thrombotic manifestations still are possible.
We describe one case of right leg ischemia due to a Saharan horned viper bite on the right thumb which had not been
anti-venom treated. An embolectomy and a symptomatic treatment made a favorable evolution possible. We also discuss
the literature related to this rare complication.
Keywords: Acute ischemia. Disseminated intravascular coagulation. Horned viper. Viper bite.
Introduction
Les vipères à cornes Cerastes Cerastes du Sahara de
l’ouest sont très dangereuses en raison des complications
graves que peut engendrer leur morsure. Les toxines et les
enzymes contenues dans le venin peuvent entraîner des
complications pouvant engager le pronostic vital et
entraîner le décès de la victime. Nous présentons dans cet
article, le cas d’un soldat admis pour ischémie aigue du
membre inférieur droit secondaire à une coagulation
intra-vasculaire disséminée (CIVD) suite à la morsure
d’une vipère de type Cerastes cerastes.
Observation
Un soldat, âgé de 35 ans, sans antécédent notable a été
accidentellement mordu par une vipère, au niveau du
pouce de la main droite. Il était en exercice dans la région
de Dakhla à 1 600 kilomètres de Rabat au Maroc. Une
K. MOUNIR, lieutenant. A. BELHAJ, capitaine. M. MEZIANE, lieutenant, S.-J.
ELALAOUI, lieutenant colonel. A. BAITE, lieutenant colonel. L. SAFI colonel chef
du service. M. ATMANI, colonel major chef de département.
Correspondance : K. MOUNIR, BP 193, 10000 Rabat – Maroc.
E-mail : [email protected]
médecine et armées, 2009, 37, 4, 381-384
heure après sa morsure, le patient a présenté un œdème du
membre supérieur droit mais aucun traitement n’était
disponible. Quatre heures plus tard, et au cours de son
transport vers l’hôpital militaire régional, des paresthésies
du membre inférieur droit sont apparues. Onze heures
après la morsure, le patient avait reçu une sérothérapie
antitétanique, une héparinothérapie mais pas de
sérum antivenimeux. Un transport vers l’hôpital militaire
d’instruction Mohamed V de Rabat était ensuite
assuré par voie aérienne. À l’admission au service des
urgences, quatorze heures après la morsure, le patient
était apyrétique, conscient et stable aux niveaux
hémodynamique et respiratoire. Le pouce droit était siège
d’une nécrose cutanée associée au crochet de la morsure
(fig. 1). À distance, le membre inférieur droit était pâle et
douloureux. L’examen a mis en évidence une anesthésie
totale et une absence des pouls fémoral, poplité, tibial
postérieur et pédieux droits. Devant ce tableau, le patient
a été immédiatement admis au bloc opératoire pour un
geste de revascularisation. Le bilan d’hémostase montrait
une coagulation intra-vasculaire disséminée avec une
fibrinogénémie basse à 0,87 g/l, une thrombopénie à
52 000 éléments/mm3, un taux de D-dimères à 4,85 μg/ml,
et un taux de prothrombine à 34 %. Une embolectomie a
été réalisée sous anesthésie locale associée à une légère
381
la coagulation intra-vasculaire disséminée après
48 heures : taux de prothrombine 77 %, taux de plaquettes
passant de 91 000 au deuxième jour à 223 000/mm 3
après une semaine.
Discussion
Figure 1. Photo montrant la nécrose cutanée sur le pouce mordu.
sédation. La sonde de Fogarty a permis le retrait de
matériel fibrinocruorique au niveau de l’artère fémorale
droite. Le patient a été transfusé en periopératoire avec
huit concentrés plaquettaires et six unités de plasma frais
congelé. L’intervention a duré 40 minutes. Le patient a été
transféré dans le service de réanimation chirurgicale pour
complément de prise en charge. Une héparinothérapie
par de l’héparine sodique à la dose de 500 unités/kg/jour
a été administrée avec pour objectif un temps de
céphaline activée à 2 fois le témoin. Le bilan biologique
postopératoire a mis en évidence une amélioration
de l’hémostase avec un taux de prothrombine à 52 %,
et un taux de plaquettes à 83 000 éléments/mm 3. Une
rhabdomyolyse avec un taux de créatinine phosphokinase à 1 996 UI/l a nécessité une hyperhydratation.
Les examens cliniques répétés du membre ont montré
une récupération de tous les pouls périphériques. Le
patient n’a pas présenté d’autre complication liée
à l’envenimation. Cependant, une nécrose cutanée
des orteils avait déjà débuté (fig. 2), et qui a nécessité
une amputation de l’avant pied à la troisième semaine.
Les bilans post opératoires ont montré la régression de
Figure 2. Photo montrant la nécrose cutanée des orteils du pied droit.
382
Chaque année, le nombre de morsures de serpent
dépasse six millions dans le monde, dont un million en
Afrique, responsables d’environ 20 000 décès et de
séquelles graves chez les survivants (1, 2). La vipère à
cornes sévit en Afrique du nord et au moyen Orient
jusqu’en Irak, dans les déserts (3). Au Maroc, ce type de
vipère est connu surtout au Sahara (fig. 3). Son venin est
composé de 26 enzymes, dont 12 sont communes à tous
les serpents dans le monde. Les principales enzymes
connues chez la vipère à cornes sont les phospholipases
A2, des hyaluronidases, des metalloprotéinases et des
protéases (4, 5). La morsure de vipère a deux effets : le
venin entraîne localement une inflammation avec
destruction par les enzymes protéolytiques des parois
vasculaires, responsable de l’œdème.
Par ailleurs, des signes généraux sont possibles.
Lorsque le venin est en forte concentration dans le sang, il
peut entraîner un état de choc, des crampes abdominales,
une coagulopathie à type de CIVD et parfois une réaction
allergique (6). La toxicité du venin diminue avec l’âge du
serpent alors que l’activité protéolytique augmente (7).
Les venins des vipéridés sont caractérisés par le grand
nombre d’enzymes et la rareté des toxines (8). Ils sont
composés d’enzymes spécifiques qui agissent comme
des facteurs procoagulants et hémorragipares, des
protéases responsables d’une lyse cellulaire et une
fibrinolyse, et des hyaluronidases agissant par lyse des
tissus conjonctifs favorisant la diffusion du venin et
l’extension de la nécrose (8). Les venins des vipéridés
africains sont donc hémorragipares et nécrosants (9) car
ils contiennent des activateurs puissants de la coagulation
et/ou de la fibrinolyse (10). La CIVD peut se traduire par
Figure 3. Vipère à corne Cerastes cerastes.
k. mounir
un syndrome hémorragique et des manifestations
thrombotiques. Des thromboses multiples microcirculatoires et de vaisseaux de plus gros calibre sont
responsables d’une symptomatologie ischémique
diffuse pouvant atteindre plusieurs territoires. Elles
peuvent être transitoires, réversibles ou entraîner des
lésions définitives avec parfois des nécroses tissulaires
(10). La phase d’hypercoagulabilité suite à une
envenimation est de durée variable selon le venin. Elle se
traduit par un syndrome de thrombose diffus pouvant
favoriser certaines complications viscérales. Ce
phénomène semble rare chez les vipéridés africains,
mais beaucoup plus fréquent chez certains crotalidés
américains (11). L’ischémie du membre inférieur
droit chez notre patient, représente une traduction
thrombotique inhabituelle de la CIVD secondaire à la
morsure de vipère. L’originalité de cette observation
réside dans l’apparition de l’ischémie aigue à distance du
point de la morsure.
La stratégie transfusionnelle substitutive n’est pas
définie sur les seuls résultats des tests d’hémostase mais
surtout par le contexte clinique et l’éventualité d’un
saignement actif ou l’éventualité d’un geste invasif ou
d’un acte chirurgical (12). L’efficacité des héparines dans
la CIVD secondaire à la morsure de serpent n’est pas
nettement prouvée (13, 14). En cas de symptomatologie
thrombotique, un traitement anti thrombotique efficace
est indiqué mais sa surveillance doit être particulièrement
soigneuse pour rester dans un ratio bénéf ice anti
thrombotique/risque hémorragique optimal (15, 16). La
seule thérapeutique spécifique reste l’immunothérapie
(17). La sérothérapie antivenimeuse est la seule
thérapeutique capable d’inactiver les protéases inoculées
par les vipéridés et de corriger les troubles de la
coagulation en quelques heures (18-20).
Il est surprenant d’observer l’arrêt des hémorragies
plusieurs heures avant la normalisation du bilan
biologique, ce qui témoigne d’une action multifocale,
non seulement sur la coagulation, mais aussi sur les
enzymes qui détruisent l’endothélium et les protéines
qui inactivent les plaquettes (21). Le retard de la prise
en charge ne doit en aucun cas être perçu comme une
contre-indication à l’administration de l’immunothérapie dans les syndromes vipérins (20). La voie
intraveineuse est la seule logique et efficace (18, 22, 23).
Notre patient n’a pas reçu d’immunothérapie à cause
de son indisponibilité. Il n’y a pas de preuve en faveur
de l’utilisation des inhibiteurs de la fibrinolyse dans
des études randomisées, malgré une amélioration des
paramètres hémodynamiques et de la survie dans
quelques études expérimentales (13). L’efficacité de
la plasmaphérèse reste à définir (24).
Conclusion
Dans les zones intertropicales, les morsures de serpents
constituent, par leur fréquence et leur gravité, un
problème de santé publique. Les médecins militaires,
souvent appelés à servir outre-mer, y sont régulièrement
confrontés. L’envenimation par la vipère des sables
comporte plusieurs risques. Les signes de gravité sont un
œdème rapidement extensif et des manifestations
systémiques, en particulier hémorragiques. Les séquelles
sont liées à la nécrose, à la gangrène gazeuse, ou encore au
syndrome thrombotique qui peut entraîner comme dans
toute CIVD un infarcissement viscéral à distance de la
morsure. Malgré son coût et les risques allergiques
devenus rares avec les sérums actuels, l’immunothérapie
demeure la seule arme eff icace contre les enzymes
protéolytiques du venin. La mise à disposition du plus
grand nombre de sérum anti venin serait ainsi le meilleur
moyen pour prévenir ces complications.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Blettery B, Coppeaux M, Virot C, Atbe H, Chague F. Les morsures de
vipère, étude épidémiologique et thérapeutique, étude rétrospective
sur 6 ans. Conc Med 1984 ; 106 : 243-6.
2. Chippaux JP, Goyfon M. Épidémiologie des envenimations dans le
monde. In : Mion G, Goyffon M, editors. Les envenimations graves.
Paris : Arnette ; 2000 : 1-7.
3. Chani A, L’kassimi H, Abouzahir A, Nazi M, Mion G. À propos de
trois observations d’envenimations vipérines graves au Maroc. Ann
Fr Anesth Réa 2008 ; 27 : 300-34.
4. Gytierrez JM, Rucavado A. Snake venom metallooproteinases : their
role in the pathogenesis of local tissus damage. Biochimie 2000 ; 82 :
841-50.
5. Stocker K. Anwendung von Schlangengiftproteinen in der Medizin.
Schweiz Med Wschr 1999 ; 129 ; 205-16.
6. Petites J. Viper bites : treat or ignore ? Review of a series of 99 patients
bitten by Vipera aspis in an alpine Swiss area. Swiss med WKLY
2005 ; 135 : 618-25.
7. Mackessi S P. Fibrinigenolytic proteases, from the venoms of juvenile
and adulte nothern pacific rattlesnakes (crotalus viridis oreganus) :
comparative biochemistry and physiology. Comparative
Biochemistry 1993 ; 106 : 181-9.
8. Hamdoun J. Les envenimations graves par piqures ou morsure
d’animaux venimeux terrestres au Maroc : aspects toxicologiques et
cliniques. Rabat : Université Mohamed V ; 1982 : 250 p.
9. Mion G, Olive F, Hernandez E, Martin YN, Vieillefosse AS, Goyffon
M. Action des venins sur la coagulation sanguine et diagnostic des
syndromes hémorragiques. Bull Soc Pathol Exot 2002 ; 95 (3) : 132-8.
10. Elalamy I. Coagulation intra-vasculaire disséminée. EMC 2006
Elsevier ; 13-022-C-20.
11. Chippaux JP. L’envenimation ophidienne en Afrique : épidémiologie,
clinique et traitement. Annales de L’Institut Pasteur/actualités 1999 ;
10-2 : 161-71.
12. Levi M. Current undertsanding of disseminated intravascular
coagulation. Br J Haematol 2004 ; 124 : 567-77.
13. XXIIe conférence de consensus en réanimation et médecine d’urgence
sur les Coagulations Intravasculaires Disséminées en réanimation :
définition, classification et traitement. Sang Thromb Vaiss 2003 ; 15 :
38-48.
14. Fourrier F. Coagulation inhibitors in severe sepsis : state of the art.
Rev Med Interne 2003 ; 24 : 295-304.
15. Ho LW, Kam PC, Thong CL. Disseminated intravascular coagulation.
Curr Anesth Crit Care 2005 ; 16 : 151-61.
une morsure de vipère à cornes au niveau du pouce compliquée d’une ischémie aigüe d’un membre inférieur
383
16. Freeman BD, Zehnbauer BA, Buchman TG. A meta-analysis of
controlled trials of anticoagulant therapies in patients with sepsis.
Shock 2003 ; 20 : 5-9.
17. Warrell DA. Treatment of bites by adders end exotic venomous
snakes. BMJ 2005 ; 331 : 1 244-7.
18. Chippaux JP. La sérothérapie intraveineuse en Afrique, cent ans après
Calmette. Méd Afr Noire 1996 ; 43 : 45-9.
19. Mion G, Olive F. Indications de sérum antivenimeux
dans les morsures de vipères en Afrique. Médecine et Armées 1997 ;
25 (1) : 39-42.
20. Mion G, Rüttimann M, Saissy JM, Olive F. Efficacy of antivenom
384
21.
22.
23.
24.
therapy Bitis-Echis-Naja® in the treatment of bites by the carpet viper
Echis carinatus. Intensive Care Med 1997 ; 23 (Suppl 1) : S179.
Larréché S, Mion G, Goyffon M. Troubles de l’hémostase induit par
les venins de serpents. Ann Fr Anesth Réa 2008 ; 27 : 302-9.
Chippaux JP, Goyffon M.la sérothérapie intraveineuse: ses applications,
ses limites, son avenir. Bull Soc Path Ex 1991; 84: 286-97.
Reid HA. Antivenom reactions and efficacy. Lancet 1980 ; i : 1 024-5.
Isbister Gk, Little M, Cull G, McCoubrie D, Lawton P, Szabo F,
Kennedy G et al. Thrombotic microangiopathy from Australian
brown snake (Pseudonaja) envenoming. Intern Med J 2007 aug ; 37
(8) : 523-8.
k. mounir
Téléchargement