275 Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (15) - n° 10 - décembre 2001
●Hépatotoxicité des antiré-
troviraux. Des hépatites médi-
camenteuses, rares mais parfois
mortelles, par cytopathie mito-
chondriale responsable d’une
stéatose microvésiculaire, ont
été attribuées aux analogues
nucléosidiques (32).
Les hépatites aux antiprotéases
sont plus fréquentes et sont
observées majoritairement chez
des malades ayant une infection
virale B ou C, sans que l’on sache
si elles sont dues à une toxicité
hépatique intrinsèque des molé-
cules ou secondaires à une res-
tauration immunitaire (33-35).
Des hépatites secondaires à la
prise de ritonavir n’ont en effet
pas récidivé après changement
de l’antiprotéase (36), tandis
qu’une fausse séroconversion C
(rétrospectivement, la virémie
était positive avant trithérapie) a
suggéré dans d’autres observa-
tions l’effet d’une restauration
immunitaire (37). Un phéno-
mène d’“amorçage” a même été
évoqué : la toxicité médicamen-
teuse déclencherait le réveil de
l’hépatite virale, qui évoluerait
ensuite pour son propre compte
(2).
On a également rapporté des
hépatites aiguës, parfois sévères,
avec des inhibiteurs non nucléo-
sidiques de la réverse transcrip-
tase, sans certitude sur leur hépa-
totoxicité directe ou sur une
conséquence éventuelle de la
restauration immunitaire.
●Interactions entre les anti-
rétroviraux et l’atteinte hépa-
tique liée au VHC. L’absence
de corrélation entre la charge
virale C et l’intensité des
lésions hépatiques chez les
immunocompétents, la surve-
nue d’hépatites sévères lors du
rebond immunitaire qui suit
une chimiothérapie (38), l’exis-
tence d’une corrélation entre
l’infiltrat lymphocytaire (CD4
et CD8) intrahépatique et l’ac-
tivité des lésions hépatiques
observées (39-41) plaident
pour des mécanismes immuno-
induits des lésions hépatiques
liées à l’infection VHC. Une
physiopathologie principale-
ment immuno-induite de l’hé-
patite virale C pourrait expli-
quer l’aggravation, parfois
observée (42,43), des lésions
histologiques hépatiques lors
de la restauration immunitaire
consécutive à l’instauration
d’une trithérapie antirétrovi-
rale. La seule co-infection est
toutefois déjà tenue pour res-
ponsable d’une aggravation des
signes anatomopathologiques à
la biopsie hépatique (10, 15).
Surtout une analyse rétrospec-
tive de co-infectés suggère une
hépatopathie plus sévère chez
les malades traités par mono-
ou bithérapie par analogues
nucléosidiques que chez ceux
traités par multithérapies (44) ;
les antiprotéases elles-mêmes
ou la restauration immunitaire
induite semblant ralentir l’ex-
tension de la fibrose hépatique.
Un effet antiviral C des multi-
thérapies antirétrovirales a été
évoqué, en particulier avec le
ritonavir (34, 45), mais la tri-
thérapie ne semble habituelle-
ment pas diminuer la réplica-
tion virale C (46, 47) ; un effet
antifibrosant des multithéra-
pies antirétrovirales a été évo-
qué in vitro, et suggéré in vivo
par une étude rétrospective
(44), et reste à démontrer dans
une étude prospective.
En revanche, le VHC peut pro-
voquer une hépatite fibrosante
cholestatique, en particulier
sous immunosuppression, ce
qui plaide pour un effet cyto-
pathogène direct.
En pratique
Il semble légitime de dépister
l’infection virale C chez les
sujets infectés par le VIH (test
ELISA ; ARN du VHC en cas
d’hypertransaminasémie ou de
risque parentéral avéré et de
négativité de l’ELISA). En
l’état actuel des possibilités
thérapeutiques, la co-infection
par le VHC ne doit pas retarder
l’utilisation des antirétroviraux
pour l’infection à VIH, elle
nécessite en revanche une sur-
veillance biologique hépatique
régulière (tous les mois les 3
premiers mois suivant l’intro-
duction d’un médicament nou-
veau, puis tous les 3 mois), rap-
prochée en cas de trithérapie.
Sous antiprotéase, l’apparition
d’une hypertransaminasémie
importante (supérieur à 5 fois
la valeur de base et d’autant
plus que cette élévation est
rapide et brutale) incitera à
changer d’antiprotéase, et à
proposer une biopsie hépatique
en cas de persistance des ano-
malies biologiques sans autre
explication, le remplacement
de l’antiprotéase par un inhibi-
teur non nucléosidique de la
réverse transcriptase devant
alors être discuté. Chez l’insuf-
fisant hépatique, le dosage
plasmatique des antirétroviraux
permet d’éviter des surdosages
et leur hépatotoxicité propre.
Le traitement par interféron et
ribavirine de l’hépatite C ne
devrait plus être négligé chez les
co-infectés. La question de ce
traitement doit être posée chaque
fois que l’immunité du malade
co-infecté le permet (stabilisa-
tion d’une virémie VIH indétec-
table ou basse, < 10 000
copies/ml, et CD4 > 200/µl) et
que l’hépatite C est active (score
Métavir > A1F1), tout particu-
lièrement en cas de cirrhose
active. Une biopsie hépatique
devrait donc être proposée à tous
les co-infectés dont l’infection
virale VIH est maîtrisée, car,
dans ce contexte, seul l’anato-
mopathologiste peut apprécier la
sévérité de l’hépatopathie. L’arrêt
de l’alcool et des autres hépato-
toxiques potentiels est un préa-
lable à ce traitement qui est plus
facile à mettre en œuvre au début
de l’infection, avant une immu-
nodépression sévère, qu’après
mise sous antiprotéase et restau-
ration immunitaire. La poursuite
d’études prospectives bien
conduites reste très souhaitable
dans cette situation particulière
qui est encore insuffisamment
étudiée, les modalités thérapeu-
tiques optimales ne sont pas
encore précisées (interféron
pégylé ou non, posologie de la
ribavirine et de l’interféron, durée
du traitement, place du monito-
rage par la virémie C quantitative,
choix des antirétroviraux adaptés
à la co-infection, antiprotéases et
antihélicases anti-VHC).
Conclusion
L’infection chronique par le
VHC est devenue une préoccu-
pation de premier plan chez les
patients infectés par le VIH
depuis l’arrivée des multithé-
rapies antirétrovirales. En effet,
la prévalence de l’infection à
quoi de neuf en hépatologie ?
Quoi de neuf en hépatologie ?