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CONGRÈS
RÉUNION
Les Rencontres en immunologie
et immunothérapie pratiques
Paris, 20-22 mars 2014
F. Sagez*, L. Spielmann*, J. Sibilia*
Depuis 4 ans, le Club rhumatismes et inflammation (CRI) organise des
rencontres multidisciplinaires particulièrement originales, qui rassemblent
près de 400 spécialistes en immunopathologie de tous horizons : rhumatologues, internistes, dermatologues, immunologues, pédiatres, etc. Ces
Rencontres en immunologie et immunothérapie pratiques (RIIP), placées
sous l’égide de notre prix Nobel Jules Hoffmann, offrent une occasion unique
de se former à l’immunopathologie pratique. Grâce à un groupe de rédacteurs
enthousiastes, le résumé de quelques sessions ayant suscité un intérêt particulier est cette année proposé aux lecteurs de La Lettre du Rhumatologue
k..fr
f :
soit dans le présent numéro, soit sur le site www.edimark.fr
SOMMAIRE
Conférence inaugurale : pour une microbiologie postmoderne
EN LIG
I NE
NE
Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !
• Les gammapathies monoclonales de signification clinique : une nouvelle entité
• Les maladies inflammatoires et granulomateuses associées
aux déficits immunitaires primitifs
Comment prendre en charge une néphropathie lupique ?
L’avis des experts
Actualités en immunopathologie
EN LIG
I NE
NE
Les ateliers “pratiques”
La journée scientifique sous l’égide du CRI et de la Société française
d’immunologie, en association avec la Société française de rhumato-pédiatrie
Quelles sont les stratégies actuelles dans la maladie de Still
de l’enfant et de l’adulte ?
Venez nous rejoindre en mars 2015 pour une cinquième édition pleine
de surprises et, surtout, d’interactivité conviviale ! Merci à tous ceux
qui animent avec tant d’enthousiasme et de générosité ces réunions du
CRI : elles sont devenues un rendez-vous incontournable de la formation
en immunopathologie.
* Service de rhumatologie, Centre national de référence des maladies auto-immunes systémiques rares, CHU de
Strasbourg ; Inserm UMR 1109 Immunorhumatologie moléculaire, université de Strasbourg.
38 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
Conférence inaugurale :
pour une microbiologie
postmoderne
(d’après le Pr D. Raoult, CHU de Marseille)
L’ignorance diminue
mais révèle notre arrogance !
Notre monde connaît actuellement une accélération
majeure des connaissances en microbiologie. On
recense 10 millions d’espèces bactériennes, mais seulement un peu plus de 10 000 ont été décrites. Cette
“Terra incognita” concerne aussi les eucaryotes, les
archées et les champignons… Grâce au développement de nouvelles technologies, de nombreux
progrès ont déjà été réalisés : seules 2 000 bactéries
étaient décrites en 1980, contre 12 000 en 2012.
Cette connaissance très partielle est à l’origine d’un
aveuglement et de fausses déductions qui révèlent
notre ignorance. Les études moléculaires par pyroséquençage négligent un grand nombre de bactéries.
En effet, le microbiote est constitué d’une moitié
de germes Gram négatifs et d’une autre moitié de
Gram positifs, mais les techniques de séquençage
moderne ne relèvent que 16 % de Gram négatifs et
78 % de Gram positifs.
L’ARN 16S : une cible pour “accrocher”
des bactéries inconnues
(non cultivables)
L’ARN ribosomal 16S est une séquence d’ARN
commune à l’ensemble des bactéries que l’on peut
détecter par une PCR. Cette séquence va ensuite être
comparée avec une base de données pour identifier
le germe étudié. Cette nouvelle méthode a permis
la détection de nouvelles espèces difficiles à étudier
en routine car non cultivables. Attention, d’autres
micro-organismes, comme les archées, les virus et
les champignons, n’ont pas d’ARN 16S.
CONGRÈS
RÉUNION
Rickettsia felis : un agent infectieux
plus fréquent qu’on ne le croit
La culture de Mycobacterium
tuberculosis : la fin d’un dogme
Les rickettsioses sont des bactéries Gram négatives
intracellulaires, transmises par des arthropodes.
Rickettsia felis, responsable du typhus murin, est
transmise par les puces de rat. La culture de ce
micro-organisme est impossible à 37 °C, mais sa
multiplication se fait à 28 °C chez les arthropodes.
Récemment, plusieurs accès de fièvre prolongée
inexpliquée à R. felis chez des Africains ont été
observés en l’absence d’arguments en faveur d’un
paludisme. Certaines études rapportent un parallèle entre l’infection par R. felis et le Plasmodium,
concernant la distribution géographique et saisonnière et l’âge des patients, ce qui suggère un vecteur
commun. Cette bactérie a été mise en évidence dans
les selles de singe ; or, le diagnostic du paludisme
pourrait lui aussi se faire à partir de selles de gorilles.
Il faudra donc savoir suspecter une infection par
R. felis dans les pays où le paludisme est endémique.
L’identification des mycobactéries nécessitait jusqu’à
présent une incubation lente sur gélose au sang et
prenait environ 3 semaines. L’équipe du Pr Drancourt
a optimisé la composition du milieu de culture pour
permettre une culture rapide en 72 heures avec
l’antibiogramme. Ce nouveau milieu consiste en
une atmosphère microaérophile, un pH de 6,8 et
une température de 37 °C. Les colonies sont ensuite
détectées au microscope par autofluorescence.
Cette importante réduction de délai permet un
diagnostic et, surtout, une prise en charge ciblée
par antibiothérapie plus rapides.
L’infection par Tropheryma whipplei :
un déficit immunitaire ?
C’est la mise en culture d’une valve cardiaque
d’un patient souffrant d’une endocardite à hémocultures négatives qui a permis de cultiver, après
plusieurs semaines, Tropheryma whipplei. Cependant, cette bactérie n’est pas toujours pathogène.
Le portage asymptomatique de cette bactérie est
observé chez 2 à 4 % de la population générale
française et jusqu’à 12 % chez les égoutiers. Cette
bactérie est un agent fréquent des gastroentérites
aiguës chez l’enfant. Des modèles d’infection aiguë
par T. whipplei confirment qu’il s’agit d’un agent
entéropathogène, ce qui explique certainement le
tropisme digestif de cette bactérie. Un travail de
l’équipe de D. Raoult a confirmé, sur la dernière
lame histologique de l’intestin “historique” qui
aurait permis à Whipple de découvrir cette affection, que le tissu intestinal contenait bien de l’ADN
(en PCR) de T. whipplei.
L’explication “moderne” de la maladie de Whipple
est originale… car cette infection est certainement
liée à un déficit immunitaire. Ainsi, les patients
souffrant de maladie de Whipple ne “rechutent”
pas mais se “réinfectent”, parce que leur système
immunitaire est incapable d’éliminer cette bactérie.
La maladie de Whipple est donc actuellement considérée comme une maladie infectieuse due à une
bactérie commune, liée à un déficit immunitaire
spécifique encore inconnu. Des études sont en cours.
La “culturomique microbienne” a permis
la découverte de nouvelles espèces
La technique de culture classique a été la première
méthode utilisée pour caractériser l’écosystème bactérien, mais seul 1 % des bactéries ont une croissance
rapide. La biologie moléculaire (pyroséquençage
et métagénomique) détecte des microbes dont
80 % ne sont pas cultivables. La culturomique est
une nouvelle technique de culture qui cultive des
espèces bactériennes dont 80 % ne sont pas détectées par les techniques moléculaires, en utilisant
notamment la spectrophotométrie de masse, ou
MALDI TOF. Grâce à cette méthode, 72 nouvelles
espèces bactériennes ont déjà pu être identifiées
dans le tube digestif de l’homme. Cette technique
a aussi permis la détection du plus grand virus géant
et d’une archée dotée d’un grand génome… Comme
quoi… il ne faut jamais avoir d’a priori !
La découverte des mimivirus modifie
le schéma phylogénétique du vivant
En 2003, lors de la recherche d’une relation entre
légionnelle et amibes dans les circuits de refroidissement d’eau et de climatisation, des chercheurs ont pu
isoler le plus grand virus jamais décrit. Ces microbes
ont été initialement pris à tort pour des bactéries
en raison de leur grande taille et de leur matériel
génétique “bactérien”, mais une analyse détaillée a
montré l’absence des gènes ribosomaux (ARN 16S)
en PCR. Ce mimivirus (mimicking microbe) qui se
loge dans les amibes de l’eau possède une structure et une morphologie caractéristiques des virus.
Il peut lui-même être parasité par d’autres virus,
appelés “virophages”. Il semblerait qu’il puisse être
responsable de pneumonies chez l’homme. Son ADN
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
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CONGRÈS
RÉUNION
a été retrouvé dans des prélèvements respiratoires
de patients souffrant de pneumonies contractées à
l’hôpital. Au moins 2 autres mégavirus ont été découverts, mais aucun argument ne permet de penser
qu’ils soient pathogènes pour l’homme.
Cette découverte suggère l’existence d’une nouvelle catégorie de micro-organismes justifiant une
nouvelle classification. Ainsi a été défini l’acronyme
TRUC, pour “Things Resisting Uncompleted Classifications”, comprenant les 4 familles que sont les bactéries, les eucaryotes, les archées et les mégavirus. Les
théories sont futiles et ne durent pas longtemps…
Nouveaux concepts…
nouvelles connaissances !
Les gammapathies monoclonales
de signification clinique :
une nouvelle entité
sont de 3 types, selon les caractéristiques de cette
prolifération : les manifestations dépendant de la
tumeur, les manifestations immunitaires liées à la
prolifération lymphoïde et les manifestations liées
à l’immunoglobuline monoclonale, qui sont souvent
indépendantes de la masse tumorale.
Dans les gammapathies monoclonales de signification
indéterminée (MGUS), il n’y a pas de manifestations
tumorales, et les conséquences immunologiques sont
rares, car, par définition, il n’y a pas de masse tumorale lymphoïde. Cependant, cette immunoglobuline
monoclonale, même de petite taille, peut être responsable de manifestations “indépendantes” de la masse
tumorale. On peut donc parler de gammapathie monoclonale de signification clinique (GMSC) dépendant
de 3 types de mécanismes, les uns directement liés
à l’immunoglobuline, d’autres, au clone B et d’autres,
enfin, qui ne sont pas connus. Les “organes cibles”
sont surtout le rein, la peau et le nerf périphérique,
mais d’autres “tissus cibles” sont possibles (figure 1).
(d’après le Pr J.P. Fermand, hôpital Saint-Louis, Paris)
◆ Comment une prolifération lymphoïde B
peut-elle être responsable de manifestations
cliniques ?
Les proliférations lymphoïdes B monoclonales sont
liées à la prolifération de cellules lymphocytaires B
qui ont subi des événements oncogéniques. Ces
clones B produisent donc le plus souvent une
immunoglobuline monoclonale qui peut avoir
ou non des conséquences cliniques. Les manifestations liées à une lymphoprolifération clonale B
Gammapathie monoclonale de signification clinique
Liée directement
à l’immunoglobine
Liée au clone B
De mécanisme
inconnu
Mécanisme
inconnu
Par activité
autoanticorps
Par dépôt
“Tissus cibles”
Rein
Peau
Nerf périphérique
Figure 1. Les gammapathies monoclonales de signification clinique : un nouveau concept.
40 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
◆ Les gammapathies monoclonales
de signification rénale : un exemple illustrant
le concept de gammapathie monoclonale
de signification clinique
Les atteintes rénales des gammapathies monoclonales sont liées le plus souvent au dépôt d’une
immunoglobuline monoclonale entière ou de
chaînes légères isolées. Elles sont classées en fonction de leur localisation glomérulaire ou tubulaire et
du caractère organisé ou amyloïde des dépôts. Il a
aussi été rapporté l’association d’une gammapathie
monoclonale à une glomérulonéphrite membranoproliférative avec des dépôts glomérulaires isolés
de C3 consécutive à une activité autoanticorps de
l’immunoglobuline monoclonale responsable d’une
activation de la voie alterne du complément.
La détection d’une immunoglobuline monoclonale
justifie donc de rechercher systématiquement une
protéinurie et d’en déterminer la composition. Une
albuminurie supérieure à 1 g/j évoque des dépôts
glomérulaires d’immunoglobulines. Dans ce cas, la
recherche de symptômes rénaux, de signes extrarénaux et des caractéristiques de la gammapathie
est primordiale. Les pathologies à évoquer sont
l’amylose AL, les maladies des dépôts de chaînes
légères (de type Randall), les cryoglobulinémies
de type I et II et les glomérulopathies à dépôts
organisés microtubulaires d’immunoglobulines
monoclonales (GOMMID). En revanche, si l’albuminurie est inférieure à 1 g/j, la protéinurie est alors
le plus souvent composée de chaînes légères. Ce
profil biologique évoque un syndrome de Fanconi
CONGRÈS
RÉUNION
◆ Les gammapathies monoclonales
de signification cutanée peuvent être
classées selon leur mécanisme
Il existe des manifestations liées à la sécrétion anormale de cytokines par les lymphocytes B du clone.
Une immunoglobuline monoclonale peut induire des
lésions cutanées soit par dépôt, soit par une activité
autoanticorps. En cas de dépôts d’immunoglobulines
ou de ses dérivés, le diagnostic est posé grâce à
l’étude immunohistochimique d’une biopsie cutanée.
Par exemple, des dépôts fibrillaires de chaînes légères
sont caractéristiques d’une amylose AL, alors que
des dépôts microtubulaires révèlent une cryoglobulinémie de type I. Les autres manifestations sont de
pathogénie encore mal connue, mais il existe de
nombreuses affections dermatologiques associées à
une gammapathie monoclonale, comme des dermatoses neutrophiliques ou des affections apparentes
(le syndrome de Schnitzler), des maladies de dépôts
(les scléro myxœdèmes ou les xantho matoses),
des maladies du tissu élastique (le cutis laxa), des
syndromes œdémateux cycliques (le syndrome de
Clarkson) ou des affections comme le syndrome
POEMS (Polyneuropathy, Organomegaly, Endocrinopathy, Monoclonal protein, Skin changes).
à un syndrome POEMS, qui est caractérisé par une
augmentation du taux sérique de VEGF qui joue certainement un rôle notamment dans l’apparition des
angiomes gloméruloïdes et des autres symptômes de
la maladie, comme les polyneuropathies.
En conclusion, les gammapathies monoclonales
de signification clinique (GMSC) sont un nouveau
concept. Un petit clone B sans hémopathie lymphoïde avérée peut induire des manifestations
cutanées, rénales, neurologiques ou autres liées
à des mécanismes souvent en rapport direct avec
l’immunoglobuline monoclonale. Ainsi, la détection
d’une MGUS impose la recherche systématique de
signes cutanés ou neurologiques et d’une protéinurie. Le traitement sera adapté selon la nature
de la complication et du clone B sécrétant cette
immunoglobuline monoclonale.
Pour en savoir plus…
• Hello M et al. Rev Med Interne 2014;35:28-38.
• Bridoux F et al. Presse Med 2012;41:276-89.
Retrouvez ces articles
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Nouveaux concepts… nouvelles connaissances !
• Les maladies inflammatoires et granulomateuses associées
au déficit immunitaire primitif
D’après le Pr E. Oksenhedler
EN LIGNE
(toujours d’isotype κ) ou une néphropathie à cylindre
myélomateux, qui est une complication qui s’observe
surtout en cas de myélome à forte masse tumorale. C’est donc une complication dépendante de la
masse tumorale qui ne fait pas partie stricto sensu du
sujet. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier qu’une
protéinurie peut être consécutive à une pathologie
associée à la dysglobulinémie, comme une hypertension artérielle ou un diabète. La diversité des
mécanismes pathologiques nécessite un diagnostic
histologique, ce qui rend la biopsie rénale indispensable avec parfois une microscopie électronique pour
affirmer la nature des lésions et évaluer le pronostic.
Comment prendre en charge une néphropathie lupique
pique ? L’avis des experts
D’après le Pr Z. Amoura
Actualités en immunopathologie
D’après les Prs T. Martin et D. Jullien
Les ateliers pratiques
Les pièges de l’auto-immunité
(d’après le Dr X. Puéchal, hôpital Cochin, Paris)
◆ Des gammapathies monoclonales
avec une atteinte du nerf périphérique
Les dépôts d’immunoglobulines peuvent être responsables de lésions ischémiques nerveuses, mais
une immunoglobuline monoclonale peut aussi avoir
une activité autoanticorps antinerf. La recherche
d’autoanticorps (IgM) anti-MAG (Myelin-Associated
Glycoprotein) et/ou d’autoanticorps (IgG, IgM) antigangliosides permet alors de détecter une atteinte
neurologique auto-immune qui peut être une neuropathie démyélinisante ou une pseudo-sclérose latérale
amyotrophique liée à une atteinte des motoneurones.
S’il s’agit d’une IgG ou IgA monoclonale, il faut penser
De nombreuses affections peuvent mimer une
maladie auto-immune ou une vascularite. Leur diagnostic précoce est primordial en raison d’une prise en
charge parfois urgente. Les 3 principaux diagnostics
différentiels que l’on doit évoquer sont les infections,
les néoplasies et la toxicité médicamenteuse.
◆ Les infections “pseudo-auto-immunes”
Les pièges des vascularites “infectieuses”
Un très grand nombre d’infections peuvent entraîner
une vascularite ou une maladie auto-immune.
Une vascularite fébrile peut être une endocardite
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
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CONGRÈS
RÉUNION
infectieuse ou une septicémie à germes encapsulés,
en particulier à méningocoque, et cela jusqu’à
preuve du contraire. À titre d’exemple, un patient
suivi pour une granulomatose avec polyangéite
(granulomatose de type Wegener) et présentant
un tableau de vascularite cérébrale mis sur le compte
d’une poussée de sa maladie s’est révélé être atteint
d’une artérite cérébrale à mucormycose dans un
contexte d’immuno dépression iatrogène. Ainsi,
toute suspicion de poussée d’une maladie autoimmune doit d’abord faire écarter une infection,
surtout si le patient est très immunodéprimé, fébrile,
ou en cas de poussée “atypique” de la maladie.
La maladie de Whipple… la grande simulatrice !
La maladie de Whipple est un piège diagnostique
qu’il faut savoir évoquer devant des manifestations
articulaires, notamment une polyarthrite séronégative des grosses articulations ou devant des arthrites intermittentes récidivantes presque toujours
sans autoanticorps (FR, ACPA). Après une évolution
moyenne de 6 ans apparaissent des signes extraarticulaires de maladie systémique (fièvre, diarrhée
chronique, troubles neurologiques, uvéite et endocardite à hémocultures négatives). La présomption
sera d’autant plus forte que ces manifestations surviennent chez un homme d’âge moyen.
Les autres simulatrices
Les autres infections à rechercher systématiquement, car elles sont aussi qualifiées de “grandes
simulatrices”, sont la syphilis, la borréliose de
Lyme et l’infection par le VIH. Des sérologies des
hépatites virales doivent aussi être réalisées devant
des arthralgies, des cytopénies, une perturbation
du bilan hépatocellulaire ou des signes de vascularite. La fièvre Q à Coxiella burnetii est aussi un
piège qui doit être déjoué en cas d’endocardite ou
de fièvre d’étiologie indéterminée, surtout en présence d’autoanticorps ou de symptômes atypiques.
Il faut aussi savoir penser au parvovirus B19 chez
une femme jeune présentant un rash ou une fièvre
transitoire, surtout s’il y a une atteinte articulaire,
des cytopénies ou des manifestations lupiques avec
autoanticorps, parfois même des anti-ADN natif.
◆ Le piège si redouté du “paranéoplasique”
Les syndromes paranéoplasiques font partie de
la deuxième grande famille d’affections pouvant
faire porter à tort le diagnostic de maladie autoimmune. Ce diagnostic est le plus souvent évoqué
en cas d’altération de l’état général et chez le sujet
âgé, mais cela n’est pas systématique. Il est donc
42 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
nécessaire d’écarter le diagnostic de néoplasie en cas
de pseudo-polyarthrite rhizomélique, de maladie de
Still et de vascularite. Les “règles” du bilan ne sont
pas simples, car elles dépendent de chaque situation,
mais il faut rester pragmatique en s’appuyant sur
d’excellents interrogatoire et examens cliniques.
◆ Les pièges de la “iatrogénie”
Un facteur toxique ou un médicament doivent systématiquement être évoqués devant un syndrome
auto-immun “inhabituel”. Nombre de médicaments
peuvent être responsables de cytopénies, de vascularite, de lupus, de sclérodermie et d’hyperplasie
lymphoïde induite. Il faut savoir y penser !
Comment vacciner un patient traité
par immunosuppresseur ?
(D’après le Dr O. Launay, hôpital Cochin, Paris)
De nouvelles recommandations vaccinales spécifiques des immunodéprimés ont été proposées
en 2012 par le Comité technique des vaccinations
(CTV) de la Haute Autorité de santé (HAS). Chez les
patients traités par immunosuppresseurs chimiques
et/ou biologiques, et/ou par une corticothérapie se
pose la question de l’efficacité et de la tolérance du
vaccin ainsi que du risque potentiel de poussée de
la maladie.
◆ Les vaccins vivants atténués sont
contre-indiqués en cas d’immunosuppression
Les vaccins vivants atténués (actuellement rougeole,
oreillons, rubéole, varicelle et zona, fièvre jaune et
rotavirus) sont très immunogènes. Le risque en cas
d’immunosuppression n’est donc pas une mauvaise
réponse vaccinale mais surtout une complication
infectieuse liée à une prolifération de l’agent vaccinal
qui peut être mortelle. Ces vaccins sont donc contreindiqués en cas de traitement par biomédicaments
et/ou immunosuppresseurs. Avant de vacciner, il
faut donc respecter un délai d’arrêt de l’immunosuppresseur de 3 mois, et de 6 mois pour le rituximab.
◆ Que faire en cas de corticothérapie si l’on
souhaite faire une vaccination à vaccin vivant ?
En cas de corticothérapie, l’administration d’un
vaccin vivant est contre-indiquée à partir d’une
dose supérieure à 10 mg par jour depuis plus de
2 semaines. Cette recommandation est fondée sur
des publications qui rapportent un risque infectieux
à partir d’une posologie de 10 mg par jour avec un
surrisque au-delà de 20 mg par jour d’équivalent
prednisone. Il n’y a actuellement pas de donnée
CONGRÈS
RÉUNION
consensuelle concernant la décroissance de la
corticothérapie orale et du délai à partir duquel on
considère que la vaccination par un agent viral est
possible. En cas de bolus intraveineux de corticoïdes,
le vaccin vivant est contre-indiqué durant les 3 mois
qui suivent sans que cela soit étayé par des études
méthodiques irréprochables. Idéalement, une vaccination, si possible 4 semaines avant l’instauration
du traitement immunosuppresseur, est recommandée, notamment pour le ROR, la fièvre jaune
chez les voyageurs ou sujets originaires d’une zone
d’endémie, et chez les femmes en âge de procréer.
◆ Le cas particulier du vaccin
contre la fièvre jaune
La fièvre jaune est une arbovirose endémique en
Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne, justifiant une vaccination obligatoire lorsqu’on se rend
dans ces régions. La fièvre jaune est mortelle chez
près de 1 sujet sur 2 s’il n’est pas protégé. Le vaccin
contre la fièvre jaune est un vaccin vivant atténué
contre-indiqué en cas d’immunodépression en raison
du risque de méningoencéphalite virale vaccinale.
Chez les patients préalablement vaccinés contre la
fièvre jaune ou originaires d’une zone d’endémie, il
peut être utile de doser les anticorps antimalariques,
ce qui permet, en cas de taux protecteur, d’éviter
une nouvelle vaccination.
◆ Les recommandations vaccinales
chez l’immunodéprimé que l’on doit protéger
du risque infectieux
Il existe un risque infectieux accru en cas de prise
d’une corticothérapie, d’un immunosuppresseur ou
d’un biomédicament. Les infections les plus fréquentes sont respiratoires (pneumocoque, grippe),
cutanées et ostéoarticulaires. Ce risque est d’autant
plus important que ces traitements sont associés
pour obtenir une inhibition cytokinique et/ ou
cellulaire. Aussi ces patients doivent-ils suivre les
recommandations générales du calendrier vaccinal
de l’adulte. De plus, sont indiquées la vaccination
antigrippale annuelle ainsi que les vaccinations
contre les infections invasives à pneumocoque,
contre le méningocoque ACYW135 en cas de déficit
en complément ou d’asplénie et contre l’hépatite B,
surtout en cas de facteurs de risque d’exposition.
◆ La vaccination contre le pneumocoque :
l’actualité 2013-2014… La mise à disposition
d’un vaccin conjugué 13-valent
Deux vaccins antipneumococciques sont disponibles
actuellement :
➤ le vaccin non conjugué 23-valent apporte une
couverture potentielle contre 75 % des infections
invasives à pneumocoque en France, mais il a une
immunogénicité faible chez les sujets âgés et/ou
immunodéprimés ;
➤ le vaccin conjugué 13-valent a une meilleure
immunogénicité, mais il “couvre” moins de sérotypes.
Ainsi, la recommandation pour les enfants âgés
de plus de 5 ans et pour les adultes immunodéprimés est d’administrer une dose du vaccin
conjugué 13-valent suivie d’une dose de vaccin non
conjugué 23-valent au moins 2 mois plus tard. Pour
les patients ayant reçu antérieurement un vaccin
polyosidique non conjugué 23-valent, un délai d’au
moins 3 ans est recommandé avant de les vacciner
à nouveau avec le vaccin conjugué 13-valent. Un
sujet vacciné ou revacciné avec le vaccin conjugué
13-valent devrait bénéficier d’une vaccination
d’entretien tous les 3 à 5 ans par le vaccin non
conjugué 23-valent si l’immunosuppression est
prolongée.
◆ Quel est le risque de déclencher une poussée
de la maladie auto-immune avec un vaccin ?
Le risque de déclencher une poussée de la maladie
auto-immune ou inflammatoire est théorique alors
que le risque infectieux est réel. En effet, ce risque
d’induction est extrêmement faible, sans oublier que
l’infection peut elle-même être responsable d’une
poussée de la maladie. La non-proposition par les
médecins des vaccins est la première raison de la
non-vaccination des patients… Il faut donc être
convaincu de l’utilité de la vaccination, en particulier chez nos patients immunodéprimés !
La journée scientifique
sous l’égide du CRI
et de la Société française
d’immunologie, en association
avec la Société française
de rhumato-pédiatrie
L’inflammasome, un pivot
de l’inflammation, et bien plus encore...
(D’après le Pr F. Ghiringhelli, Dijon)
L’inflammasome est un complexe moléculaire
formé de récepteurs “danger” dont la finalité
est de déclencher une réponse inflammatoire
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
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CONGRÈS
RÉUNION
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Figure 2. Les voies d’activation de l’inflammasome dans la goutte.
Pour en savoir plus…
• So A et al. Joint Bone Spine
2014 Apr 1 [Epub ahead of print].
• Haneklaus M et al. Curr Opin
Immunol 2013;25:40-5.
• Hentgen V. EMC Traité de
médecine AKOS 2014;9(1).
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
EN LIGNE
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Quelles sont
les stratégies actuelles
dans la maladie de Still
de l’enfant et de l’adulte ?
D’après
les Prs P. Quartier et B. Fautrel
et d’après le Dr B. Bader-Meunier
caractérisée par la sécrétion d’IL-1β et d’IL-18. Les
signaux “danger” médiés par les DAMP (DamageAssociated Molecular Patterns) ont donc un rôle
majeur dans les mécanismes de “protection” par
l’inflammation, mais, lorsque ce système est
amplifié et/ ou mal régulé, ils peuvent avoir un
rôle pathogène pro-inflammatoire. L’inflammasome a comme structure principale le récepteur
NLRP3, qui est activable par plusieurs signaux
endogènes tels que l’ATP, les cristaux, la silice, le
cholestérol, etc. Le récepteur NLRP3 comporte
2 extrémités, la partie C-terminale, qui fixe les
ligands, et la partie N-terminale, qui est effectrice,
via une enzyme appelée “caspase 1”. Deux signaux
sont nécessaires à l’activation de l’inflammasome.
Le premier, médié par la voie NF-κB, est déclenché
par les DAMP et entraîne la production de prointerleukines 1 et 18. Le deuxième, déclenché par
les différents ligands de NLRP3 (cristaux d’urate,
par exemple), entraîne le clivage des pro-IL-1β et
pro-IL-18 par la caspase 1 en IL-1β et IL-18 actives.
Les mécanismes coactivateurs sont au nombre
de 3 : les mouvements ioniques transmembranaires
via l’ATP et le récepteur P2X7, le stress oxydatif
mitochondrial, et l’activation lysosomiale via la
cathepsine (figure 2).
44 | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
De nombreuses maladies inflammatoires sont liées à
l’activation de l’inflammasome, d’où la terminologie
“inflammasomopathies”, qui regroupe d’authentiques maladies génétiques auto-inflammatoires,
mais aussi d’autres maladies comme la goutte.
Dans les syndromes auto-inflammatoires d’origine
génétique, c’est souvent une mutation activatrice
de NLRP3 qui est observée, comme dans les CAPS
(Cryopyrin-Associated Periodic Syndromes), groupe
d’affections regroupant l’urticaire familial au froid,
le syndrome de Mückle-Wells et le syndrome CINCA
(chronique, infantile, neurologique, cutané et articulaire). Dans la goutte, ce sont les cristaux d’urate
qui déclenchent la synthèse de procytokines et leur
clivage par la caspase 1, sans qu’il existe de mutation ou d’anomalie génétique dans les composants
de l’inflammasome. Le rôle de l’inflammasome est
vaste : on lui attribue aussi un rôle dans la formation
de plaques d’athérome, dans le diabète de type 2,
dans l’obésité, et même dans les cancers. Cet effet
carcinogène de l’IL-1 est particulièrement intéressant ; il pourrait s’expliquer par son activité angiogénique favorisant les métastases. Des essais sont
actuellement en cours, évaluant l’association entre
anti-IL-1 et chimiothérapie au cours des cancers, une
indication plutôt inattendue !
■
CONGRÈS
RÉUNION
Uniquement sur www.edimark.fr
Les Rencontres en immunologie
et immunothérapie pratiques
Paris, 20-22 mars 2014
F. Sagez, L. Spielmann, J. Sibilia
Nouveaux concepts…
nouvelles connaissances !
Les maladies inflammatoires
et granulomateuses associées
aux déficits immunitaires primitifs
tions hétérozygotes composites responsables d’une
activité persistante du gène RAG, entraînant une
lymphopénie T avec expansion résiduelle de lymphocytes T oligoclonaux et autoréactifs. Les patients
présentent un phénotype de granulomatose disséminée.
(d’après le Pr E. Oksenhedler, hôpital Saint-Louis, Paris)
◆ Les défauts “cytokiniques”
Les maladies granulomateuses peuvent être associées à différents déficits immunitaires primitifs.
Ces déficits de natures très diverses comprennent :
la granulomatose septique chronique, les mutations
hypomorphes de RAG (Recombination Activating
Gene) et les défauts dans une boucle cytokinique
(responsable d’un déficit immunitaire combiné
sévère) ou les défauts de production d’immunoglobuline. Ces déficits sont souvent caractérisés par une
lymphoprolifération bénigne (splénomégalie, adénopathies) et des manifestations inflammatoires et
auto-immunes (maladie inflammatoire de l’intestin,
cytopénies auto-immunes, etc.), qui se présentent
parfois sous la forme d’une granulomatose systémique dont l’histologie est souvent polymorphe.
◆ La granulomatose septique chronique
Il s’agit d’un déficit immunitaire primitif de l’immunité innée de transmission autosomique récessive
ou liée à l’X. C’est une forme rare due à un défaut de
fonctionnement de la NADPH oxydase, conséquence
de déficits enzymatiques divers d’origine génétique.
Le tableau clinique associe des infections fongiques
et bactériennes sévères à répétition et des manifestations inflammatoires et granulomateuses. Le
pronostic a été transformé par la prophylaxie des
infections par antibiotiques et antifongiques et par
l’efficacité de la corticothérapie et des anti-TNFα
sur l’inflammation.
◆ Les mutations hypomorphes de RAG
C’est un déficit rare qui fait partie des déficits
immunitaires combinés sévères. Il s’agit de muta-
II | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
Il s’agit le plus souvent de déficits de la voie
IL-12/IL-23 et de l’interféron γ. Le signe le plus fréquent est une susceptibilité aux infections mycobactériennes (de type BCGite) et/ou une infection
virale systémique. Ces défauts peuvent se caractériser aussi par une granulomatose systémique.
◆ Les déficits immunitaires
de type commun variable
Les déficits immunitaires de type commun variable
(DICV) sont caractérisés par un déficit de production d’immunoglobulines de mécanisme génétique
variable. C’est le plus fréquent des déficits immunitaires primitifs découverts chez l’adulte. Les complications infectieuses qui touchent le plus souvent
les voies aériennes supérieures (infections sinopulmonaires) sont les manifestations dominantes chez
60 % des patients. Chez près de 40 % d’entre eux, le
tableau est dominé par des manifestations immunitaires qui sont des proliférations lymphoïdes et/ou
une granulomatose systémique ou des manifestations auto-immunes touchant les organes (maladie
cœliaque, hypertension portale, etc.) et hématologiques (cytopénie auto-immune). L’atteinte
granulomateuse des DICV est une complication
tardive. On estime que, chez un malade de 50 ans
atteint d’un DICV, la probabilité de développer une
granulomatose est de 14 %. Cette granulomatose
peut être révélatrice du déficit immunitaire ou la
précéder de plusieurs années. On note une forte
proportion de patients d’origine africaine, caractère épidémiologique également connu au cours
de la sarcoïdose. Il s’agit d’une granulomatose
CONGRÈS
RÉUNION
systémique très hétérogène, avec de fréquentes
atteintes spléniques, pulmonaires, ganglionnaires
et hépatiques. Des manifestations auto-immunes
sont souvent associées, en particulier des cytopénies
auto-immunes dans la moitié des cas (figure 3).
Les atteintes pulmonaires granulomateuses
des DICV sont un facteur de mauvais pronostic
Les atteintes pulmonaires non infectieuses du
DICV ont été regroupées sous le terme de GLILD
(Granulomatous-Lymphocytic Interstitial Lung
Disease), correspondant à l’association d’une LIP
(Lymphocytic Interstitial Pneumonia), d’une bronchiolite folliculaire et d’une hyperplasie lymphoïde.
L’atteinte respiratoire de la granulomatose est la
plus sévère. Une étude récente a comparé l’atteinte
pulmonaire de la sarcoïdose et de la granulomatose du DICV. Comparativement à la sarcoïdose, on
décrit dans les DICV plus de nodules, une dilatation
des bronches plus fréquente et une topographie
des lésions à prédominance périlymphatique. Il
y a souvent une alvéolite lymphocytaire, mais le
rapport CD4/CD8 dans le liquide bronchopulmonaire est moins riche en lymphocytes CD4 que
dans la sarcoïdose. La principale différence est
le pronostic extrêmement défavorable, la mortalité étant très faible en cas de sarcoïdose mais
atteignant 30 % en cas de DICV par insuffisance
respiratoire restrictive et/ou par des complications
d’une transplantation pulmonaire.
La pathogénie des granulomatoses
des DICV est mal comprise
Une corrélation entre la présence de granulomes
et un excès de lymphocytes B naïfs avec un défaut
de lymphocytes B mémoires a été démontrée. On
rapporte aussi une lymphopénie T, portant principalement sur les T CD4. Ainsi, un malade qui cumule un
défaut lymphocytaire B majeur et T CD4 a un risque
de développer une granulomatose de l’ordre de 70 à
80 %. Ces patients ont parfois un polymorphisme du
gène du TNFα (+488A) qui pourrait se traduire par
un excès de TNF, cytokine associée à la formation
de granulomes.
Le rôle d’agents infectieux déclenchants chez ces
patients immunodéprimés a été évoqué, mais
aucun germe n’a été retrouvé de façon convaincante
(germes intracellulaires, mycobactéries, HHV8).
Il n’y a pas de stratégie thérapeutique
consensuelle contre le granulome
Les immunoglobulines intraveineuses qui réduisent
le risque infectieux n’ont aucun effet sur la maladie
Type de déficit immunitaire
Granulomatoses
septiques
chroniques
Mutations
hypomorphes
de RAG
Défauts dans
une boucle
cytokinique
Déficits
immunitaires
communs
variables
Granulomatose systémique
Atteintes
pulmonaires
(mortalité
importante)
Manifestations
auto-immunes
(cytopénies)
Atteintes
hépatiques
Atteintes
ganglionnaires
Atteintes
spléniques
Conséquences cliniques
Figure 3. Les granulomatoses systémiques associées aux déficits immunitaires et leurs
conséquences.
granulomateuse. Aucune étude contrôlée n’a
jusqu’à présent été réalisée. La corticothérapie est
le traitement le plus souvent proposé, suivie des
immunosuppresseurs. Les résultats sont globalement
décevants et varient selon l’organe atteint, avec un
risque infectieux encore mal évalué chez ces patients.
Des stratégies utilisant les anti-TNF ont été envisagées mais sans élément de preuve suffisant, malgré
quelques résultats individuels encourageants.
En conclusion, certains déficits immunitaires primitifs peuvent être responsables d’une réaction
inflammatoire non contrôlée aboutissant à une
granulomatose systémique persistante qui peut
être pathogène. Ces déficits peuvent impliquer un
défaut de la phagocytose, d’une boucle cytokinique
ou des lymphocytes B et/ou T. Des travaux sont
encore nécessaires pour mieux les comprendre et
mieux les prendre en charge.
Pour en savoir plus…
• Bouvry D. Eur Respir J 2013;41:115-22.
• Boursiquot JN et al. J Clin Immunol 2013;33:84-95.
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
III
CONGRÈS
RÉUNION
Comment prendre en charge
une néphropathie lupique ?
L’avis des experts
(d’après le Pr Z. Amoura, hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
Paris)
L’atteinte rénale du lupus conditionne le pronostic
et le traitement de la maladie. La prendre en charge
de façon optimale est donc une priorité. Différentes
études ont évalué les stratégies thérapeutiques
existantes, conduisant aux recommandations
actuelles, dont celles de l’EUropean League Against
Rheumatism (EULAR) en 2012, en association avec
l’European Renal Association et l’European Dialysis
and Transplant Association.
Différents points méritent d’être rappelés et certains
objectifs d’être soulignés.
Quel est l’objectif du traitement
de la néphropathie lupique ?
L’objectif idéal est la “rémission”, mais, en pratique,
on préférera parler de “réponse” au traitement, ce qui
correspond à la disparition des anomalies urinaires et
au maintien d’une fonction rénale normale ou stable
(moins de 10 % de variation par rapport à la fonction
rénale de base) ; cette réponse est “complète” si la
protéinurie est inférieure à 0,2 g/24 h, ou “partielle”
si la protéinurie est inférieure ou égale à 0,5 g/24 h.
Ces critères de réponse nécessitent encore un travail
d’experts pour les rendre plus consensuels et reconnus
par tous, notamment dans les essais thérapeutiques.
Quel protocole choisir
pour traiter une néphropathie lupique
active et sévère ?
Dans les formes prolifératives diffuses les plus
sévères (forme IV dans la classification de l’Internal
Society of Nephrology [ISN] de 2003), le protocole
Euro-Lupus tend à se généraliser. Cependant, il faut
savoir que peu de patients “non caucasoïdes” ont
été inclus dans les études Euro-Lupus, ce qui rend
difficile l’extrapolation des résultats. Dans une
étude récente (ACCESS) comparant l’abatacept et
un placebo ajoutés à une stratégie Euro-Lupus, cette
stratégie a démontré une excellente efficacité dans
une population américaine “non caucasoïde”.
Notons, par ailleurs, que l’étude AMLS a démontré
la supériorité du mycophénolate mofétil (MMF) sur
le cyclophosphamide en induction chez les patients
hispano-américains et afro-américains, suggérant
IV | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
que l’origine des patients pourrait avoir une incidence sur la réponse au traitement.
En pratique, le cyclophosphamide reste le gold standard en association avec la corticothérapie, mais
l’induction par MMF devrait être envisagée chez les
patients d’origine non caucasienne, notamment les
Antillais, les patients originaires d’Amérique centrale
et les Afro-américains.
Comment adapter le traitement
d’une néphropathie lupique ?
Les études indiquent qu’il est parfois nécessaire d’attendre 1 an avant de pouvoir déterminer si le traitement a permis de bien contrôler la néphropathie. Des
indicateurs peuvent toutefois guider la stratégie : la
diminution de la protéinurie de 25 % et la normalisation du complément à 3 mois semblent être des
marqueurs de bon pronostic et doivent encourager
à poursuivre le traitement en cours. En cas de lupus
réfractaire d’emblée ou s’aggravant, on modifiera le
traitement dès le troisième mois. Les critères retenus
pour déterminer le caractère “non répondeur” sont
l’absence d’évolution au bout de 3 à 4 mois, l’absence de réponse partielle au bout de 6 à 12 mois,
ou l’absence de réponse complète au bout de 2 ans.
Quand faut-il pratiquer
une nouvelle biopsie ?
En cas de lupus réfractaire ou non répondeur, si des
signes d’activité rénale persistent, on n’hésitera pas
à faire une nouvelle biopsie avant d’envisager une
intensification thérapeutique. Il faut rappeler qu’il
n’y a pas forcément une corrélation forte entre les
anomalies du sédiment (notamment l’hématurie et
la protéinurie) et la sévérité histologique. Il existe
même des néphropathies dites “silencieuses” (silent
nephritis), c’est-à-dire des formes aiguës avec des
anomalies urinaires minimes.
Toujours penser à un défaut d’observance
en cas d’échec du traitement
Il conviendra toujours, en cas d’échec du traitement, de
s’interroger sur l’observance du patient. Des méthodes
de dosage des médicaments sont disponibles (aire
sous la courbe du MMF et dosage de l’hydroxychloroquine) en cas de doute afin d’éviter une escalade
thérapeutique ou une nouvelle biopsie rénale inutiles. L’utilité de ces dosages “en rattrapage” en cas de
dosages initiaux bas n’a pour l’heure pas été évaluée
en pratique quotidienne, mais les études sont en cours.
CONGRÈS
RÉUNION
Les mesures associées
sont fondamentales
Il est important d’envisager toutes les mesures
associées souvent négligées, dont l’optimisation
du contrôle tensionnel, l’éviction des traitements
néphrotoxiques et la prescription d’un inhibiteur
de l’enzyme de conversion, qui permet de réduire
la protéinurie glomérulaire. N’oubliez jamais de
demander le sevrage du tabagisme !
Pour en savoir plus…
• Gordon C et al. Lupus 2009;18:257-63.
• Bertsias GK et al. Ann Rheum Dis 2012;71:1771-82.
• Houssiau FA et al. Ann Rheum Dis 2010;69:61-4.
Actualités
en immunopathologie
Un nouveau biomarqueur
dans la sclérodermie ?
de la maladie auto-immune et d’un cancer. Ces
sclérodermies se distinguent par des autoanticorps
anti-ARN polymérase de type III (anti-ARN Pol III)
et non par les classiques autoanticorps anti-Scl70 et
anticentromères. Le scénario proposé est celui d’un
cancer dont les cellules néoplasiques sont caractérisées par la mutation du gène de l’autoantigène ARN
Pol III. L’expression par la tumeur de l’autoantigène
muté induirait une réaction cellulaire des lymphocytes T CD4+ et certainement CD8+, puis secondairement humorale (lymphocytes B), avec la production
d’auto-anticorps anti-ARN Pol III, qui seraient à
l’origine de la sclérodermie. Ce phénomène d’autoimmunité induite par un autoantigène tumoral
génétiquement modifié documenté par l’équipe de
Rosen n’est cependant pas suffisant pour expliquer
la physiopathologie de cette association (2). Ainsi,
d’après cette hypothèse, le “prix à payer” pour éliminer une tumeur serait l’apparition d’une réponse
antitumorale contre un antigène de la tumeur qui,
s’il est un autoantigène, peut être à l’origine d’une
réponse immunitaire auto-immune… à condition
qu’il existe d’autres facteurs favorisant cette maladie.
(d’après le Pr T. Martin, Strasbourg)
CXCL4 est une chimiokine antiangiogénique et
profibrosante sécrétée par les cellules dendritiques
plasmacytoïdes mais aussi par les monocytes et les
plaquettes. On la détecte spécifiquement dans le
sérum des patients sclérodermiques et non dans
celui de patients atteints de lupus, de spondyloarthrite ou d’hépatite fibrosante. La concentration la
plus élevée de CXCL4 semble être observée dans les
formes précoces et rapidement progressives. Sa présence semble corrélée statistiquement à la survenue
d’une fibrose pulmonaire, d’une hypertension artérielle (HTA) pulmonaire et à la progression cutanée.
Ces éléments pathogéniques ont été confirmés dans
un modèle murin, dans lequel l’injection répétée de
CXCL4 pendant 7 jours provoquait une affection
sclérodermiforme. CXCL4 pourrait donc bien être un
nouveau biomarqueur spécifique de la sclérodermie
permettant d’identifier les formes à haut risque de
progression, qu’il faudra traiter précocement et de
façon intensive et pourrait, pourquoi pas, à terme,
devenir une cible thérapeutique (1).
Des avancées dans la compréhension
des cancers associés aux sclérodermies
(d’après le Pr T. Martin, Strasbourg)
Il existe des sclérodermies “paranéoplasiques”,
caractérisées par la survenue quasi simultanée
Lipides et auto-immunité,
un nouveau lien original
(d’après le Pr D. Jullien, Lyon)
Pour faire écho à des études récentes qui suggéraient
un lien entre la consommation excessive de sel et
les maladies auto-immunes, l’équipe de Chung a
exploré le rôle de l’excès de lipides circulant dans
les pathologies inflammatoires (3). Chez un individu
génétiquement prédisposé, les LDL oxydés circulants, en se fixant sur les récepteurs TLR4 et CD36
des cellules dendritiques, entraîneraient la synthèse
d’IL-1β et d’IL-6, ce qui favorise la polarisation Th17
des lymphocytes T CD4+ naïfs. Ces LTh17 sécrètent
de l’IL-17, qui est une cytokine pro-inflammatoire
par excellence. L’antagonisation expérimentale
de la production d’IL-17 par la neutralisation des
LDL oxydés grâce à des anticorps en est une bonne
démonstration. Ainsi, cet effet “immunitaire” des
lipides suggère qu’ils pourraient avoir un rôle dans la
pathogénie des maladies auto-immunes en induisant
la synthèse d’IL-17. Cet aspect pourrait être important chez les patients psoriasiques qui présentent
très fréquemment des dyslipidémies s’intégrant dans
le cadre d’un syndrome métabolique et pour lesquels
la composante cutanée de la maladie est très dépendante de l’IL-17. Ces mécanismes pourraient permettre d’expliquer non seulement l’athéromathose,
phénomène métabolico-immunitaire, mais aussi un
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
V
CONGRÈS
RÉUNION
éventuel lien entre une dyslipidémie pro-inflammatoire et certaines maladies auto-immunes… et leurs
complications cardiovasculaires !
Rappelons que la maladie de Still progresse suivant
3 modes évolutifs : la forme monophasique (40 %),
dans laquelle les patients ont une seule crise, la forme
polyphasique, rare, qui s’apparente à un syndrome
auto-inflammatoire par son caractère cyclique, et
enfin la forme permanente, décrite dans plus de la
moitié des cas. C’est cette forme qui pose le plus de
problèmes thérapeutiques. L’expression de la maladie
est soit auto-inflammatoire (avec une fièvre élevée
et une atteinte systémique), soit polyarticulaire, soit
les 2.
Les atteintes viscérales de la maladie, le caractère très
érosif des arthrites, surtout chez l’enfant, et les complications évolutives (amylose, notamment) et iatrogènes font toute la gravité de cette pathologie, rendant
nécessaire une prise en charge optimale. Le recours à
un centre de compétence devrait être systématique.
été publiées en 2013, distinguant 2 prises en charge
différentes, selon que les signes systémiques sont
actifs ou non. L’une des limites de ces recommandations est liée au fait qu’elles sont davantage fondées
sur des avis d’experts que sur l’evidence-based medicine. Parmi les différents traitements biologiques
disponibles, 3 semblent intéressants :
➤ les inhibiteurs de l’IL-1 : l’anakinra a montré
une efficacité supérieure à celle du placebo, avec
jusqu’à 75 % de très bons répondeurs, surtout dans
les formes systémiques, mais peu d’études ont inclus
des formes surtout articulaires. Malgré cela, l’anakinra ne permet pas une décroissance rapide des
corticoïdes, en raison peut-être d’une adaptation
posologique non optimale chez l’enfant ;
➤ le canakinumab affiche lui aussi des taux de
réponse excellents (2/3 de patients répondeurs
ACR 70 à 1 mois) et permet une diminution rapide de
la corticothérapie. Après 6 mois de traitement, 44 %
des patients ont diminué leur dose de corticoïdes
d’au moins 25 % (1). L’efficacité des anti-IL-1 est
donc bonne et rapide, mais des événements indésirables sont décrits : des infections, des hépatites et
des évolutions de la maladie telles qu’un syndrome
d’activation macrophagique ou une HTA pulmonaire ;
➤ les inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 : le tocilizumab a également été évalué aux doses de 8 à
12 mg/kg chez l’enfant, surtout dans les formes polyarticulaires. Son efficacité est remarquable, pour
le sevrage en corticoïdes mais aussi pour contrôler
l’activité du rhumatisme. À 1 an, 52 % des patients
initialement sous corticoïdes n’en prenaient plus (2).
Des espacements de doses autorisent, chez plus de
25 % des patients, un arrêt définitif du traitement.
Chez l’enfant, le tocilizumab peut s’accompagner
des mêmes anomalies biologiques que chez l’adulte,
mais les réactions allergiques sont plus fréquentes
et nécessitent une surveillance accrue. L’évolution
vers une HTA pulmonaire a été décrite.
Les experts français proposent donc un traitement
initial par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
et, en cas d’atteinte articulaire sévère, un corticoïde
et/ou un biologique après avis d’un centre d’experts.
En cas d’échec aux AINS et à la corticothérapie, un
anti-IL-6 ou anti-IL-1 est indiqué. En cas de survenue
d’un syndrome d’activation macrophagique, l’utilisation de la ciclosporine pourra être envisagée.
La prise en charge
de la maladie de Still de l’enfant
La prise en charge
de la maladie de Still de l’adulte
Des recommandations thérapeutiques de l’American
College of Rheumatology concernant l’enfant ont
Les atteintes systémiques ainsi que le risque de
développer une amylose font de la maladie de Still
Références bibliographiques
1. Van Bon L et al. N Engl J Med 2014;370:433-43.
2. Joseph CG et al. Science 2014;343:152-7.
3. Lim H et al. Immunity 2014;40:153-65.
Quelles sont
les stratégies actuelles
dans la maladie de Still
de l’enfant et de l’adulte ?
(D’après les Prs P. Quartier, hôpital Necker, et
B. Fautrel, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
La maladie de Still de l’enfant et celle de l’adulte
sont très proches et posent un certain nombre de
questions pratiques et thérapeutiques. De nouvelles
molécules sont disponibles depuis peu dans cette
indication, mais les recommandations restent encore
trop imprécises. Quelle est, en 2014, la conduite à
tenir face à cette pathologie ?
La maladie de Still, un syndrome
regroupant plusieurs entités
VI | La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014
CONGRÈS
RÉUNION
une pathologie potentiellement grave. L’atteinte
articulaire est fréquente, avec une carpite fusionnante classique mais inconstante. Le traitement
de première intention reste les AINS, mais les
échappements précoces sont fréquents, justifiant
le fait que certains experts ne recommandent plus
cette étape thérapeutique initiale. Le traitement
par corticoïde à la dose de 1 mg/kg est efficace,
mais la durée du traitement prolongée expose à des
effets indésirables problématiques. Contrairement
à ce qui est pratiqué chez l’enfant, on propose du
méthotrexate (MTX), pour certains d’emblée, en
association avec les corticoïdes, afin de permettre
une réduction rapide de leur dose. Des études
indiquent un excellent taux de réponse en association avec la corticothérapie. Le MTX est d’autant
plus indiqué que la maladie a une expression articulaire. En cas d’échec, il est possible de proposer
des anti-IL-1 ou un anti-IL-6, qui ont démontré une
excellente efficacité et un effet d’épargne cortisonique. L’anakinra sera utilisé en première intention pour des raisons économiques, et du fait de
la demi-vie courte de cette molécule, qui a parfois
un effet spectaculaire dès les premières injections.
Les anti-IL-6 ont prouvé leur efficacité même après
échec des corticoïdes, du MTX, des anti-IL-1 et des
anti-TNFα. Ces derniers sont relégués en dernière
ligne, car leur efficacité est inférieure à celle des
anti-IL-1 et des anti-IL-6. En cas d’échec aux antiIL-1 et anti-IL-6, pourront aussi être envisagées la
ciclosporine A ou les immunoglobulines intraveineuses.
Conclusion
Les nouveaux traitements biologiques ont révolutionné la prise en charge de la maladie de Still.
Dans ce cas, il est important de rappeler combien les
mesures associées sont primordiales, avec notamment la mise à jour des vaccinations, l’information
des parents, le dépistage des complications iatrogènes et évolutives, et le recours rapide à un centre
de référence.
Références bibliographiques
1. Ruperto N et al. N Engl J Med 2012;367:2396-406.
2. De Benedetti F et al. N Engl J Med 2012;367:2385-95.
Pour en savoir plus…
• Yokota S et al. Ann Rheum Dis 2013;72:627-8.
Tableau. Éléments clinicobiologiques évocateurs des principaux lupus monogéniques.
Principaux lupus monogéniques
Éléments associés évocateurs
Syndrome d’Aicardi-Goutières
Lupus engelure, encéphalopathie, spasticité,
calcifications cérébrales
SPENCD
Petite taille, dysplasie osseuse, infections à répétition
Mutation PKC Δ
Syndrome lymphoprolifératif associé
Déficit en complément (C1q, C2, C4…)
Infections bactériennes à répétition
Les lupus monogéniques :
des entités polymorphes très rares
(D’après le Dr B. Bader-Meunier, hôpital Necker, Paris)
Le lupus est la conséquence de facteurs environnementaux survenant sur un terrain génétique prédisposant.
Cette prédisposition est habituellement polygénique,
mais il existe quelques formes très rares de lupus
monogénique. Ces formes très particulières surviennent
habituellement chez l’enfant avant l’âge de 5 ans, avec
un sex-ratio à 1. On distingue plusieurs mécanismes
en fonction du gène muté, ce qui se traduit par des
syndromes caractéristiques, parfois assez complexes.
◆ Les interféronopathies lupiques
et les autres formes de lupus monogénique
Les interféronopathies regroupent des syndromes de
découverte récente, caractérisés par une augmentation de l’interféron α circulant, conséquence de mutations d’un gène de la voie de l’interféron α. Parmi les
plus connus, il existe le syndrome d’Aicardi-Goutières
et la spondyloenchondrodysplasie (ou SPENCD). Ces
syndromes, de transmission autosomique récessive,
se révèlent assez sévères dans les familles consanguines. Le déficit en apoptose des lymphocytes B par
mutation de PKC Δ et le déficit en complément sont
d’autres causes de lupus monogénique. De nouvelles
mutations sont découvertes régulièrement grâce au
séquençage à haut débit.
◆ Quand évoquer le diagnostic ?
Un lupus monogénique peut être évoqué en cas de
début précoce chez un enfant de sexe masculin avec
un syndrome associant une petite taille, une spasticité, des “lupus engelures”, des adénopathies, des
infections à répétition et des anomalies constitutionnelles (dysmorphie faciale, malformation cardiaque,
retard de croissance, etc.).
◆ Quelle prise en charge ?
Un diagnostic précoce est important pour la prise
en charge des patients, avec la possibilité d’utiliser
en thérapeutique des anticorps anti-interféron α
dans les interféronopathies (tableau).
■
Pour en savoir plus…
• Ramantani G et al. Arthritis
Rheum 2010;62:1469-77.
• Lee-Kirsch MA et al. Clin Exp
Immunol 2014;175:17-24.
• Malattia C, Martini A. Best Pract
Res Clin Rheumatol 2013;27:
351-62.
Les auteurs déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
La Lettre du Rhumatologue • No 402-403 - mai-juin 2014 |
VII
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