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Résumé
Il faut replacer la croissance dans une perspective historique : celle-ci, contrairement aux
apparences, est un phénomène contingent, historiquement situé. Sa place économique et politique
est pourtant très importante, ainsi que son poids dans l'imaginaire social. Un tel contexte laisse t-
il place à une alternative ? La décroissance en est-elle une ?
Comprendre le mouvement de la décroissance nécessite, avant même de le définir, de
revenir sur les griefs qu'on impute à la croissance. Trois se détachent nettement. Le premier porte
sur les dommages environnementaux qu'entraîne le processus de production. Il y a d'abord les
dommages directement portés à l'homme : raréfaction des ressources et donc augmentation de leur
prix, externalités... D'autre part, les dommages portés aux écosystèmes, qui affectent la nature elle-
même mais également les plus pauvres. Le second grief tient à l'accroissement des inégalités que
le processus de production, généralisé à l'échelle mondiale, développe directement ou
indirectement : inégalités entre les pays – dette, conséquences de la spécialisation fonctionnelle
pour certains pays en développement – et inégalités au sein même des pays, où la croissance laisse
un nombre de laissés-pour-compte inacceptable. Enfin, plus philosophiquement, on peut attaquer
la vision réductrice de la vie induite par la poursuite de la production et donc de la consommation,
qui fonde le bonheur sur la possession toujours grandissante de biens matériels.
Face à ces grands problèmes, quelles solutions proposent ceux qu'on appelle les
« décroissants » ? Après un retour sur les racines et l'évolution de la mouvance, est proposé une
analyse synthétique de leurs différentes idées mais également de leurs débats internes. La première
question concerne celle du produit intérieur brut : la décroissance signifie t-elle, comme elle
semble si évidemment l'indiquer, une décroissance du PIB ? Vient ensuite la présentation de
quelques autres idées novatrices des décroissants : l'effet débond, qui contre l'effet rebond mis en
lumière par Jevons, et repose notamment sur la gratuité de l'usage - activités écologiquement et
socialement responsables - et le renchérissement du mésusage – l'inverse ; la relocalisation de
l'économie, autour d'un artisanat et d'une agriculture locale ; des choix de sociétés forts,
comprenant entre autres la forte diminution du temps de travail et l'instauration d'un revenu
inconditionnel. Un développement particulier est enfin consacré à cette « innovation de style de
vie », la simplicité volontaire, démarche privée cherchant à réduire l'impact écologique et tentant
de respecter le principe « moins de biens pour plus de liens ».
Afin de ne pas remplacer un dogme par un autre, notre démarche s'est voulue ensuite
critique. Est en effet dénoncé et argumenté l'irréalisme et l'imprécision de certaines mesures
préconisés par les objecteurs de croissance, ainsi que leur vision limitée des phénomènes
macroéconomiques. Dénonçant la croissance, ceux-ci ne voient également pas les liens qui la relie
à un modèle plus global de libéralisme, et identifient des maux non nécessairement issus de la
seule croissance, tel l'épuisement des ressources naturelles. L'approche du progrès est également
problématique car fondamentalement pessimiste, oubliant la capacité d'invention de l'homme pour
se réfugier parfois dans un certain archaïsme. Enfin, le rapport au travail et aux choix personnels
des décroissants est contestable, niant l'intérêt que l'on peut porter au premier et la liberté inhérente
aux seconds.
La décroissance a le grand mérite de replacer l'économie comme moyen et non comme fin.
Elle ni illusion, ni panacée, mais permet, au-delà des contradictions et des débats internes, d’ouvrir
les imaginaires. Des propositions concrètes et lignes d'action, telles la décroissance sélective ou la
simplicité volontaire, sont applicables immédiatement.